Séance du 11 mai 2000







M. le président. « Art. 7. - Après l'article L. 241-14 du code des juridictions financières, sont insérés les articles L. 241-14-1 et L. 241-14-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 241-14-1. - Les observations définitives sur la gestion prévues par l'article L. 241-11 ne peuvent être publiées ni communiquées à des tiers avant que l'ordonnateur et celui qui était en fonctions au cours de l'exercice examiné ou le dirigeant ou tout autre personne nominativement ou explicitement mise en cause aient été en mesure de leur apporter une réponse écrite dans un délai d'un mois. Cette réponse est annexée aux observations définitives de la chambre régionale des comptes. »
« Art. L. 241-14-2. - Les observations définitives sur la gestion prévues par l'article L. 241-11 ne peuvent être publiées ni communiquées à des tiers à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections pour la collectivité concernée et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection est acquise. »

Je suis saisi, par MM. Charasse, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 22 vise à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 241-14-2 du code des juridictions financières :
« Art. L. 241-14-2. - Sous réserve de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale, aucun jugement relatif aux comptes d'une collectivité locale ou d'un établissement public local ne peut être rendu par une chambre régionale des comptes, ni aucune observation, provisoire ou définitive, adressée par cette chambre dans les trois mois qui précèdent le renouvellement général des collectivités locales dont fait partie la collectivité concernée.
« Les délais de prescription sont suspendus pour la même durée. »
L'amendement n° 16 rectifié tend à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 241-14-2 du code des juridictions financières :
« Art. L. 241-14-2. - Sous réserve de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale, aucun jugement relatif aux comptes d'une collectivité locale ou d'un établissement public local ne peut être rendu par une chambre régionale des comptes, ni aucune observation, provisoire ou définitive, adressée par cette chambre dans le délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral.
« Les délais de prescription sont suspendus pour la même durée. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. S'agissant de l'amendement n° 22, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Pour l'instant, il n'y a rien dans la loi, mais les chambres régionales des comptes ont adopté une pratique selon laquelle, trois mois avant une élection, on n'envoie pas de lettre d'observations. Mais ce délai de trois mois est très différent de l'autre délai fixé par le code électoral, qui, lui, est de six mois. Si bien que, pendant les six mois qui précèdent une élection générale, un maire ne peut pas dire du bien de lui à travers des publications municipales, mais que, pendant trois de ces six mois-là il peut se faire éreinter par la chambre régionale des comptes !
Mon amendement vise donc à aligner les deux délais : pendant six mois, on ne dit pas de bien et on ne dit pas de mal. Et les électeurs s'en chargent !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. L'amendement de M. Charasse applique à la publication des jugements et observations des chambres régionales des comptes le délai de six mois prévu par le code électoral pour l'interdiction de toute promotion sur une gestion locale à la veille d'une élection. Il prévoit parallèlement la suspension des délais de prescription.
Son objet est partiellement satisfait par l'article 7 du texte proposé par la proposition de loi, qui se limite néanmoins à la publication des lettres d'observations définitives et non pas des jugements.
La commission n'a pas entendu exclure la possibilité que des jugements des comptes soient rendus pendant la même période. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, s'en tenant à sa proposition initiale portant uniquement sur les lettres d'observations définitives.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne les observations de gestion, le Gouvernement estime que cette proposition doit être considérée par rapport à l'article 32 du projet de loi portant diverses propositions statutaires sur la Cour des comptes.
Les chambres régionales des comptes adoptent une période de réserve de trois mois pour l'envoi des lettres d'observations définitives aux ordonnateurs concernés par des élections locales. L'article 32 précité, en rendant communicables non seulement les lettres d'observations, mais aussi les réponses des personnes concernées, apporte au citoyen, à l'électeur, l'ensemble des moyens nécessaires pour qu'il se forge une juste opinion.
En ce qui concerne les jugements, l'amendement, qui interdirait à une juridiction de rendre des jugements en considération de périodes électorales, introduirait un régime d'exception inédit en droit français, en contradiction avec le principe d'indépendance de la justice.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai lu avec attention l'article 7, monsieur le rapporteur, proposé par la commission des lois, mais il me paraît un peu restrictif par rapport à mon propre amendement.
Moi, je visais l'impossibilité pour la chambre des comptes de perturber d'une quelconque manière une campagne électorale en cours, mais je réservais l'éventualité de poursuites pénales en autorisant la chambre, pendant ce délai de six mois, à saisir le parquet si elle avait noté, au cours de son travail, des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.
Monsieur le président, j'ai la faiblesse de préférer ma rédaction, même si je me rallierai à la rédaction de la commission si ma rédaction n'est pas adoptée.
Donc, je maintiens l'amendement n° 16 rectifié. J'appelle l'attention de M. le rapporteur sur le fait qu'il doit bien être entendu tout de même, et j'espère qu'il le dira, que, pendant ce délai de six mois, la chambre a toujours la possibilité de saisir le préfet si elle a constaté des faits délictueux sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale. Ce serait tout à fait dommage de se retrouver dans un cas de prescription que l'on n'a pas saisi l'autorité judiciaire dans les délais, parce que l'on considère que l'on se doit d'être complètement muet pendant ces six mois.
Cela dit, je pense qu'à partir du moment où un élu local ne peut faire valoir les vertus de sa gestion, que ce soit par la publicité d'un jugement définitif ou par celle des observations, il me paraît difficile que l'on puisse faire valoir les défauts de sa gestion pendant la même période.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je voudrais souligner à l'adresse de M. Charasse et de l'ensemble de nos collègues que le délai de six mois proposé par la commission des lois empêche uniquement la publication et l'envoi des lettres d'observations définitives, et que, naturellement, l'ensemble des activités des chambres pendant ces mêmes délais - le travail d'investigation, de mission, d'échanges, de contrôle... est évidemment laissé à la libre possibilité des chambres régionales des comptes.
J'indique également que la commission des lois a restreint la limite ainsi imposée aux seules élections pour la collectivité concernée.
Nous ne sommes donc plus dans le cadre de la rédaction initiale, qui prévoyait que le délai de neutralité était imposé pour six mois à la veille de l'ensemble des élections générales. Aujourd'hui, ce sont uniquement les élections locales, et pour la gestion concernée, qui donneront lieu à l'observation du délai. Autrement dit, les élections générales - élections législatives, sénatoriales, européennes, présidentielles et autres - ne seront plus génératrices d'aucun délai que les chambres auraient à observer.
Ce sont là des précisions qu'il faut apporter, et c'est bien volontairement que la commission des lois s'en est tenue à la limitation à ces élections et au seul examen de la gestion. L'ensemble des autres activités sont bien entendu librement laissées à la diligence des chambres. M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Lors des réunions du groupe de travail et de la préparation de ce texte qui est en discussion, nous avons souhaité que le déroulement des campagnes électorales soit réellement marqué à la fois par l'équité et par la sérénité.
C'était d'ailleurs bien là l'intention du législateur lorsque, en mettant tous les candidats sur le même plan, il avait estimé qu'il convenait d'interdire que le candidat sortant, l'élu en place, puisse utiliser les fonds de sa collectivité pour assurer la promotion de sa gestion et donc pour faire sa campagne.
Par conséquent, ces six mois où il était interdit de faire une promotion positive de son action devaient également être retenus pour éviter toute perturbation extérieure négative, sachant qu'une lettre d'observations définitives doit être délibérée en conseil municipal. Elle est donc rendue publique et peut faire l'objet de certaines polémiques.
Nous sommes donc dans la même logique de sérénité et d'équité dans cette période de neutralité. Je souhaitais le dire, car nous sommes tous d'accord, je crois, sur ces dispositions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)

Articles 8 et 9