Séance du 16 mai 2000







M. le président. « Art. 50 bis. - En Ile-de-France et dans l'aire de compétence des syndicats mixtes de transport ayant institué un versement destiné au financement des transports en commun, une réduction tarifaire d'au moins 75 % est accordée aux personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond fixé en application de l'article L. 380 du code de la sécurité sociale. Cette réduction s'applique quel que soit le lieu de résidence de l'usager. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 316 y est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 645 est déposé par M. Descours, Gournac, Haenel et Karoutchi.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 973 rectifié, M. Lefebvre, Mme Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 50 bis :
« I. - Dans l'aire de compétence des syndicats mixtes de transport ayant institué ou percevant un versement destiné au financement des transports en commun et sur le réseau ferroviaire utilisé pour les liaisons d'intérêt régional, une réduction tarifaire d'au moins 75 % est accordée aux personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond fixé en application de l'article L. 380 du code de la sécurité sociale ou régulièrement inscrites comme demandeurs d'emploi. Cette réduction s'applique quel que soit le lieu de résidence de l'usager.
« II. - Les charges incombant à l'Etat et résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus sont compensées à due concurrence pour la perception d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 316.
M. Louis Althapé, rapporteur. Cet amendement tend donc à supprimer l'article 50 bis, lequel prévoit, je vous le rappelle, qu'en Ile-de-France et dans l'aire de compétence des nouveaux syndicats mixtes de transport une réduction tarifaire d'au moins 75 % est accordée aux personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond fixé en application des dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la couverture maladie universelle.
Tout en étant sensible à la préoccupation sociale qui sous-tend l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, je le rappelle, la commission estime nécessaire de poursuivre la réflexion, notamment sur le champ d'application géographique et les conditions de financement de la mesure.
Par ailleurs, l'amendement tend à remettre en cause le principe selon lequel la politique tarifaire doit rester fondamentalement de la responsabilité des autorités organisatrices.
M. le président. La parole est à M. Karoutchi, pour défendre l'amendement n° 645.
M. Roger Karoutchi. Si l'Etat souhaite instaurer ce genre de réduction, il doit aussi, en parallèle, faire savoir aux collectivités locales et aux autorités organisatrices les transferts financiers qui en résulteraient.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre, pour défendre l'amendement n° 973 rectifié.
M. Pierre Lefebvre. L'affirmation du droit au transport pour tous a tout à fait sa place dans le présent projet de loi.
C'est sans doute ce que l'Assemblée nationale a voulu indiquer en adoptant cet article 50 bis, et nous ne pouvons, dans l'esprit et dans les faits, que partager cette orientation.
Pour autant, il importe, selon nous, que les termes de cet article soient quelque peu améliorés, et c'est l'objet du présent amendement.
Si on examine attentivement la situation, on constate que la question de la gratuité ou de la réduction du prix des transports collectifs a, dans la pratique, déjà trouvé un certain nombre de réponses.
Ainsi, une part importante de l'augmentation de la fréquentation des trains express régionaux est directement liée aux facilités qui ont pu être accordées à certains usagers - jeunes, étudiants ou personnes privées d'emploi - tandis que des efforts particuliers ont été accomplis, dans le périmètre de compétence du syndicat des transports parisiens, pour permettre aux mêmes catégories de bénéficier de remises plus ou moins importantes de coût de transport à travers la création des « chèques-mobilité ».
Ces initiatives et ces démarches sont tout à fait louables et on ne peut que souhaiter qu'il y ait une généralisation de ces pratiques.
C'est la première orientation de notre amendement.
A ce point du débat, on observera que le fait de supprimer purement et simplement l'article, comme le propose la commission des affaires économiques ou ainsi que le préconisent certains de nos collègues du groupe du RPR, ne résout pas la question, d'autant qu'il limite la mise en place de tarifs à vocation sociale au seul réseau ferroviaire placé sous le régime des conventions de régionalisation, alors même que se pose le problème de l'usage des transports routiers urbains dans de nombreuses agglomérations.
Nous pensons, pour notre part, qu'il convient de donner aux autorités organisatrices de transport les moyens de mettre en place ces tarifs sociaux, et c'est la raison pour laquelle nous avons en quelque sorte « gagé » notre amendement.
Qu'ensuite, ainsi qu'il en a, je crois, l'intention dans le cadre du projet de finances pour 2001, l'Etat mette en place un concours budgétaire spécialement dévolu au financement de la mesure est, sur la base de ces propositions, strictement de la compétence du ministère.
Pour autant, nous considérons que, s'agissant de la mise en oeuvre du droit au transport, on ne peut raisonnablement exclure la mise en place de mesures comme celle qui est prévue par l'article 50 bis .
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 645 et 973 rectifié ?
M. Louis Althapé, rapporteur. La commission considère que l'amendement n° 645 est satisfait. Par ailleurs, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 973 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 316, 645 et 973 rectifié ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, mais pour des raisons différentes.
Apparemment, les amendements n°s 316 et 645 visent à refuser l'instauration du droit au transport pour les plus défavorisés.
M. Roger Karoutchi. Il ne s'agit pas de cela !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pour cette raison, le Gouvernement y est défavorable.
Il est également défavorable à l'amendement n° 973 rectifié, qui participe pourtant d'un esprit totalement inverse. Je partage vos conceptions, monsieur Lefebvre, mais comme vous proposez que l'on décide de manière a priori autoritaire, si je puis dire, la politique tarifaire, sans recourir à un partenariat et à de nécessaires discussions, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à votre proposition.
Sur cette question, je veux toutefois préciser, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en Ile-de-France et dans l'aire de compétence des syndicats mixtes, une réduction tarifaire de 75 % a été décidée par l'Assemblée nationale en faveur des personnes dont les ressources sont égales ou inférieures au plafond relatif à la couverture maladie universelle. Cette décision s'inscrit dans la même optique que votre amendement, monsieur Lefebvre.
Pour bien comprendre la portée de cette disposition, il convient de rappeler que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions stipule, dans son article 133 portant sur la mise en oeuvre du droit au transport, l'instauration de mécanismes d'aide aux chômeurs en fin de droits et aux demandeurs d'emploi de moins de vingt-six ans. Mais dès la fin de l'année 1997, j'ai décidé la création pour l'Ile-de-France, où l'Etat joue un rôle déterminant au sein du syndicat des transports d'Ile-de-France, du « chèque-mobilité ». Celui-ci a une valeur de 700 à 1 400 francs par an, et il est destiné aux chômeurs et aux allocataires du RMI. Aujourd'hui, 270 000 personnes en sont bénéficiaires.
En adoptant ce système, l'Etat a souhaité combler un retard par rapport à ce qui existait en province. Dans certains endroits, cela va même au-delà de cette initiative. D'ailleurs, 80 % des AOTU, les autorités organisatrices de transports urbains, offrent des conditions spécifiques gratuites, partielles ou totales.
Permettre le droit au transport est une nécessité, y compris à l'échelle européenne. L'inscription de cette question dans les droits fondamentaux viendra peut-être en discussion dans la prochaine période. Il nous faut donc trouver un équilibre permettant de répondre à cette préoccupation majeure et à la volonté affirmée des autorités organisatrices de conserver la responsabilité de la politique tarifaire. C'est dans cette voie que nous devons avancer.
Enfin, j'ajoute qu'il ne faut pas déstabiliser les nombreux dispositifs en vigueur, notamment le « chèque-mobilité » pour l'Ile-de-France, qui reposent sur une démarche partenariale, le STIF, l'Etat, les départements, les régions et les ASSEDIC étant concernés. Tout cela doit donc être préservé. Un nouvel amendement devrait être présenté lors de la discussion à l'Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, qui ne vont pas tous dans la même direction.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements indentiques n°s 316 et 645.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Les députés ont souhaité - cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial - que les personnes qui bénéficient de la couverture maladie universelle puissent obtenir une réduction tarifaire d'au moins 75 % dès lors qu'elles utilisent les réseaux de transport des syndicats mixtes constitués par la loi et que lesdits syndicats perçoivent le versement transport prévu, lui aussi, par la loi.
Pour justifier l'amendement de suppression, on met en avant des problèmes divers, notamment le financement. Je crois que, au regard des enjeux sociaux, des solutions peuvent être trouvées. Je note que 80 % des autorités organisatrices ont mis en place des tarifs pour aider les personnes en difficulté. S'agissant des 20 % restants, elles doivent pouvoir faire des efforts.
Une autre question porte sur le périmètre. On peut certes en discuter, mais cela ne justifie pas un amendement de suppression. Le Sénat nous avait habitués à présenter des propositions lorsqu'une idée lui tenait à coeur. Nous constatons que, en l'occurrence, il n'en fait aucune.
Nous sommes totalement opposés aux amendements n°s 316 et 645, même si la proposition de l'Assemblée nationale doit être perfectionnée. Pour marquer notre attachement à cette proposition et pour souligner la nécessité de l'améliorer, nous voterons l'amendement n° 973 rectifié, présenté par M. Lefebvre, qui lance une idée un peu nouvelle, notamment en matière de périmètre.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je me rallie à l'amendement de la commission car j'estime que la disposition proposée par l'Assemblée nationale n'est pas conforme à la Constitution et porte atteinte au principe de l'égalité des citoyens devant les transports.
L'idée est bonne, mais il n'y a pas de raison de l'appliquer uniquement dans la région parisienne. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du RPR.) Il faut donc réfléchir à la possibilité d'étendre cette disposition à l'ensemble des régions.
A l'heure actuelle, les initiatives locales sont nombreuses. On pourrait citer une multitude de propositions ou de décisions prises ici ou là pour mettre en place des tarifs spéciaux. Toutefois, en l'état actuel, nous ne pouvons pas limiter à la région parisienne la possibilité d'avoir de tels avantages. Ou bien tous les Français en bénéficient, ou bien personne n'en profite !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 316 et 645, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 50 bis est supprimé et l'amendement n° 973 rectifié n'a plus d'objet.
M. le ministre m'a fait savoir qu'il souhaitait une suspension de séance d'une dizaine de minutes. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)