Séance du 25 mai 2000







M. le président. Par amendement n° 285 rectifié, MM. Moreigne, Pastor, Carrère, Charasse, Mme Durrieu, MM. Courteau, Auban, Bel, Cazeau, Demerliat, Domeizel, Dussaut, Godard, Haut, Lejeune, Madrelle, Miquel, Sutour, Teston, Trémel, Autain, Besson, Bony, Mme Boyer, MM. Désiré, Fatous, Journet, Percheron, Piras, Plancade, Raoult, Rinchet, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 224-6 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en période de non-chasse, les associations communales de chasse agréées ou les sociétés de chasse peuvent transporter, dans le département, du gibier pour les repas associatifs non commerciaux qu'elles organisent. »
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Cet amendement tend simplement à corriger ce qui peut être considéré comme une anomalie.
La non-parution du décret prévu par le second alinéa de l'article L. 224-6 rend impossible l'organisation de repas de chasseurs et de non-chasseurs membres des ACCA ou de membres des sociétés de chasse.
J'ajoute que la tempête de décembre dernier, qui a sévi jusqu'en Limousin, monsieur le président,...
M. Michel Charasse. Et en Auvergne !
M. Michel Moreigne. ... a entraîné des pannes de courant qui n'ont pas été sans conséquences fâcheuses pour le contenu des congélateurs...
M. René-Pierre Signé. C'est un amendement convivial et associatif !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne Heinis, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Franchement, je suis perplexe, parce que cette disposition est évidemment de nature réglementaire. Elle peut d'ores et déjà être prise en application de l'article L. 224-6 du code rural...
M. Michel Charasse. Mais elle ne l'est pas !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il reste qu'elle peut être prise ainsi !
M. Michel Charasse. Mais elle ne l'a jamais été !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela ne veut pas dire qu'il faille inscrire dans la loi toutes les dispositions de nature réglementaire, monsieur Charasse ! Vous nous avez longuement expliqué hier qu'il ne fallait pas mettre dans la loi ce qui était d'ordre réglementaire !
Ou alors, il faut préciser qu'il s'agit de gibier congelé, appertisé, en dressant la liste des techniques de conservation ! Parce que, dans l'amendement, la formulation de la chose est totalement ambiguë.
Non, vraiment, cette disposition ne me paraît pas relever de ce projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 285 rectifié.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. En écoutant les différentes explications, je vous avoue que je suis assez perplexe car, personnellement, je ne considère pas, malgré tout le respect que j'ai pour M. Moreigne et ses amis, que cette disposition relève de la loi. Sans doute faut-il demander que le décret nécessaire voie le jour rapidement, mais, si l'on introduit cette disposition dans la loi, on ouvre la porte à de nombreux excès.
En effet, c'est une façon indirecte de favoriser le braconnage. Si tous les gibiers peuvent en permanence circuler sous prétexte de repas festif, nous n'avons même plus besoin des gardes de l'Office national de la chasse ! C'est la porte ouverte à tous les abus.
Je ne peux donc voter cet amendement qui me paraît très dangereux, et je suis tout à fait d'accord, sur ce point, avec Mme la ministre. Je demande simplement que, si elle le juge utile, le décret soit publié rapidement.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Ah, monsieur le président, que d'histoires pour pas grand-chose !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En effet !
M. Michel Charasse. Le problème est très simple. Il arrive, de façon très courante, que, lorsqu'une société de chasse a participé à une chasse collective pour tuer un chevreuil, un cochon ou autre - c'est généralement ce que l'on tue en France - elle le mette au congélateur, en attendant le printemps pour organiser, dans la convivialité, le repas annuel de la société. Or, dans ce cas, on n'a plus le droit de transporter le gibier parce qu'on se trouve hors période de chasse.
Je dirai amicalement à Roland du Luart qu'une partie de son raisonnement, subtil comme d'habitude, tombe puisque l'amendement ne vise que la période pendant laquelle la chasse n'est pas ouverte.
Deuxièmement, cela vise l'organisation des repas associatifs non commerciaux. S'il y a un contrôle de police, cela se démontre facilement : on explique qu'on se rend dans la commune voisine parce qu'on y a organisé le repas de chasse. On s'explique avec les gendarmes surtout, car cela se passe à la campagne ; nous ne sommes tout de même pas dans des endroits où les gens ne se connaissent pas, c'est donc assez facile.
Si nous avons été conduits, avec M. Moreigne et les membres du groupe socialiste, à déposer cet amendement, c'est que des chasseurs ont été verbalisés alors qu'ils se trouvaient dans cette situation et qu'ils ne fraudaient nullement.
Quant au ministre, il nous dit qu'il faudrait que le transport s'effectue selon les règles sanitaires. Excusez-moi, madame le ministre, mais il s'agit de repas privés organisés par les associations. Si vous exigez les mêmes règles sanitaires, il va désormais falloir contrôler la femme et les gamins qui vont voir la mémé le dimanche avec, dans le sac à provision, un peu de nourriture préparée à la maison ! (Sourires.)
Or, je me permets de vous signaler que les règles européennes, que vous connaissez parfaitement en matière chasse, en matière sanitaire comportent l'obligation de respecter des règles sanitaires lorsqu'on est dans une salle municipale et que le banquet est payant.
M. Roland du Luart. On n'est pas sortie de l'auberge !
M. Michel Charasse. Si le banquet est gratuit - c'est la beauté des règles européennes - ce n'est pas la peine !
De même, les règles européennes sont très sévères quand on est dans une salle municipale, mais si on mange dans la boue le méchoui de la FNACA, là, il n'y a aucune règle sanitaire ! (Rires et applaudissements.)
M. Gérard César. C'est vrai !
M. Michel Charasse. Voilà comment cela se passe.
Par conséquent, n'allez pas inventer en plus des règles sanitaires sur le cabas de la ménagère. Sinon, on n'en sortira pas : et la ménagère qui va chez la belle-mère avec un clafoutis qui a peut-être faisandé un peu trop au soleil pendant deux jours ? (Sourires.)
Le ministre nous dit : c'est du domaine réglementaire. Ce n'est pas impossible, encore qu'il s'agit d'une mesure de police et, vous le savez, les règles en matière de police sont aussi posées par la loi.
Le ministre nous dit : on peut faire intervenir l'article L. 224-6 par décret. Madame le ministre, si vous nous dites : je vous promets de regarder ce point pour que l'on arrête de verbaliser injustement des gens qui ne sont pas des fraudeurs, qui ne sont pas des voleurs et qui ne sont pas vraiment en tort - je consulte d'un regard amical M. Moreigne - nous n'insisterons pas. Mais si on doit sortir de ce débat, que cet amendement soit voté ou non, sans engagement précis de votre part, le problème continuera à se poser.
Si l'on doit perdre un temps fou sur des questions aussi pointues d'ici à ce soir, on ne finira jamais cette discussion sur la chasse !
Enfin, c'est élémentaire ! Il faut connaître un peu la vie locale, la vie rurale, la vie associative, c'est-à-dire, au fond, les grandes traditions de liberté républicaine de notre pays, pour comprendre ce type d'amendement ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Après des digressions fort intéressantes, revenons au texte de l'amendement.
Monsieur du Luart, vous évoquez le problème du braconnage, mais je pense que la rédaction proposée par notre collègue Michel Moreigne et par le groupe socialiste est sans ambiguïté et doit nous permettre d'avoir la conscience tranquille. Je lis, en effet : « Toutefois, en période de non-chasse, les associations communales de chasse agréées ou les sociétés de chasse peuvent transporter, dans le département, du gibier pour les repas associatifs non commerciaux qu'elles organisent. »
Par conséquent, sauf à imaginer, par phobie du braconnage, que les ACCA et les sociétés de chasse organisent le braconnage, je pense que, compte tenu de cette rédaction, le risque n'existe pas.
Pour le reste, cet amendement coule de source, et ce serait méconnaître totalement les usages et les coutumes du monde rural d'y consacrer de plus longs développements.
Objectivement, l'amendement présenté par M. Moreigne est de bon sens. Je le voterai et je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir l'adopter également : il n'y a pas de risque de braconnage.
M. Michel Charasse. M. Moreigne est prêt à inviter Mme le ministre à un repas de chasse ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Charasse, je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire d'invoquer les grandes traditions républicaines de la France...
M. Michel Charasse. Cela en fait partie : cela s'appelle la liberté !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... pour défendre le droit de transporter de la viande dans son coffre de voiture ! Il serait, selon vous, de tradition de congeler le chevreuil ou le cochon dans la perspective du repas associatif non commercial de l'association communale de chasse agréée.
M. Michel Charasse. Avant, on salait la viande !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il est quand même extrêmement rare qu'on congèle un chevreuil entier sans le dépouiller, sans le préparer !
M. Michel Charasse. Mais enfin !
M. Gérard César. C'est ne pas connaître la chasse !
M. Roland du Luart. Il arrive qu'on le congèle entier.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Donnez-moi des exemples ! On congèle, comme cela, l'animal entier, avec la tête et les pattes ?
M. Roland du Luart. On le vide quand même !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ah ! On le vide quand même ? Et on enlève la peau, peut-être ? Puis, on le coupe en morceaux ? (Exclamations amusées sur les travées du RPR ainsi que sur les travées socialistes.)
Non, vraiment, cette conversation - parce que ce n'est pas un débat - me démontre que tout cela n'est pas du domaine de la loi et qu'on doit pouvoir s'en tenir au décret préparé par le Gouvernement. D'ailleurs, vous savez bien pourquoi il n'est pas paru à ce jour : nous attendions effectivement un « paquet » législatif cohérent permettant d'actualiser le droit de la chasse. Ce décret est prêt. Il n'y a pas de problème. Nous savons bien quelle est la différence entre un braconnier et un animateur d'association désireux de régaler ses collègues !
M. Jean-Louis Carrère. Merci, madame la ministre.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Je suis tout à fait favorable à l'amendement n° 285 rectifié de M. Moreigne. Il coule de source. Il consacre une tradition d'un monde rural que nous connaissons bien. Le groupe du RPR le votera.
M. Joseph Ostermann. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 285 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. Michel Charasse. Le ministre est invité à un repas de chasse !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6. Et à l'unanimité !

Article 7