Séance du 25 mai 2000







M. le président. Par amendement n° 121 rectifié, MM. Pintat et Jean-Léonce Dupont proposent d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 224-4 du code rural est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour permettre, en application de l'article 9 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de la tourterelle des bois du 1er au 23 mai dans le département de la Gironde, le Premier ministre détermine, par arrêté, les conditions spécifiques dans lesquelles s'exercice cette chasse traditionnelle régionale. Il fixe notamment les petites quantités de captures de ces oiseaux, les moyens, installations ou méthodes autorisés ainsi que les modalités de contrôle qui seront opérées sur les lieux de chasse.
« Le Premier ministre adresse chaque année à l'Union européenne un rapport circonstancié sur l'application du présent article. »
La parole est à M. Pintat.
M. Xavier Pintat. Cet amendement vise à régler un litige qui n'a que trop duré, et la solution ainsi proposée recueille le consentement d'une large majorité d'élus locaux girondins, de toutes sensibilités politiques.
Il est des dossiers qui, tous les ans, sont médiatisés bien plus que de raison : c'est le cas de celui de la chasse à la tourterelle, en mai, en Gironde.
Cet amendement porte sur cette pratique, l'une des plus ancrées dans les traditions du Médoc. Il va dans le sens de l'apaisement des esprits.
Gibier migrateur non protégé, la tourterelle des bois fait l'objet d'une chasse dite « de retour », tout à fait spécifique au Médoc, durant le mois de mai. Il s'agit d'une tradition dont on retrouve la trace dès l'année 1440. Or, depuis 1969, cette tradition lutte pour sa survie.
Pourtant, contrairement aux idées reçues, cette chasse a déjà été reconnue et codifiée, et encore récemment : en 1982, par un arrêté de Michel Crépeau, puis en 1984, par un arrêté de Mme Huguette Bouchardeau. Elle peut être légitimée sur des plans culturel, social et juridique et elle ne met pas l'espèce en danger.
L'amendement que je présente a été élaboré en concertation avec le député du Médoc et les instances cynégétiques départementales. Il s'en est fallu, madame le minsitre, mes chers collègues, de deux voix qu'il ne soit adopté par nos collègues députés.
Dans les faits, cette chasse n'intéresse qu'un nombre limité de personnes, résidant dans le nord du Médoc et dans quelques communes du bassin d'Arcachon, pour lesquelles elle constitue un acte culturel majeur. Le lien particulièrement fort unissant les Médocains à cette pratique cynégétique s'explique par une situation géographique particulière, sinon unique, tenant à l'enclavement du Médoc.
Les prélèvements annuels, tels qu'ils sont comptabilisés par la fédération des chasseurs de la Gironde, représentent une petite quantité : de l'ordre de 30 000 tourterelles, ce qui correspond à moins de 1 % de la mortalité naturelle de l'espèce. Voilà qui nous situe dans la fourchette prévue pour la dérogation à la directive européenne.
D'ailleurs, je serais tenté de vous proposer qu'une commission de comptage associant des organismes aux compétences reconnues et indiscutables puisse valider ces données. Une telle commission pourrait être constituée de représentants, par exemple, de l'ONC, dont les travaux ont un caractère scientifique reconnu, de la fédération départementale des chasseurs et de la ligue de protection des oiseaux.
Ce nombre de 30 000 est également à rapprocher de la population totale des tourterelles des bois, qui oscille entre 5,5 millions d'individus, selon une estimation basse, et 12 millions d'individus, selon une estimation haute. Cette précision est essentielle. En effet, la directive 79/409/CEE prévoit un système de dérogation, rappelé dans le projet de loi, qui en assouplit la rigueur en autorisant, sous condition, un aménagement du principe d'interdiction de la chasse des oiseaux migrateurs pendant leur trajet de retour dès lors que « la capture de l'espèce se fait en petite quantité ». Une annexe de la direction précise cette notion de « petite quantité » ou de « petit nombre ».
Le prélèvement quasi invariable constaté en Gironde s'inscrit très exactement dans la définition européenne de la petite quantité, ouvrant la possibilité d'une dérogation.
Cet amendement, mis au point dans le plus strict respect du droit communautaire, mettrait fin à un trop ancien contentieux, portant tort à tout un territoire qui accueille chaque année des milliers de touristes européens, à leur grande satisfaction.
La clé juridique se trouve, depuis l'origine, au sein de la directive « Oiseaux » : à l'article 9, paragraphe C.
Cet amendement permettrait d'apaiser les esprits et de réconcilier cette partie du territoire avec l'Union européenne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne Heinis, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. La commission a expressément prévu, à l'article 10 du projet de loi, le mécanisme des dérogations tel qu'il est défini à l'article 9 de la directive « Oiseaux ». Par conséquent, il ne lui semble pas que la mise en oeuvre cas par cas doive être définie dans la loi.
La commission a considéré qu'il fallait s'en tenir aux règles générales fixées par l'article 10, sans pouvoir enjoindre au Premier ministre de définir un dispositif pour le cas particulier de la chasse à la tourterelle des bois en Gironde du 1er au 23 mai ou pour celui du pigeon ramier en Ardèche du 1er août au 20 mars, qui est visé par l'amendement n° 122 rectifié.
Cela étant, je voudrais demander à Mme le ministre si elle peut s'expliquer sur ce qu'elle compte faire s'agissant du cas de la tourterelle des bois en Gironde et du pigeon ramier en Ardèche. Les conflits locaux durent depuis vingt ans. Le présent texte reconnaît expressément la possibilité d'introduire des dérogations dans des conditions très encadrées. Je crois que les deux cas évoquées s'y prêtent parfaitement.
Est-il possible d'envisager la mise au point d'un dispositif respectant les règles ainsi rappelées, auxquelles les chasseurs responsables sont prêts à se soumettre, ce qui nous permettrait de résoudre ce problème ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, madame la rapporteur, je tiens à ce que ce débat reste un débat de qualité et qu'on ne tombe pas dans la farce.
En reprenant de manière incomplète des termes de l'article 9 de la directive « Oiseaux », cet amendement tend à légaliser le braconnage de la tourterelle des bois du 1er au 23 mai en Gironde.
M. Alain Vasselle. C'est de la provoc' !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Justement, j'aimerais savoir qui provoque qui dans cette affaire !
En effet, dans la démonstration de M. Pintat, je n'ai trouvé qu'une présentation bien curieuse de la vérité. C'est que, monsieur Pintat, le Conseil d'Etat s'est déjà prononcé sur cette question : il a annulé, le 7 décembre 1984, puis le 8 mars 1985, les arrêtés ministériels successifs qui avaient été pris pour organiser une telle chasse sur des bases similaires à celles que prévoit l'amendement, au motif que ces dispositions étaient contraires à la directive « Oiseaux ». En effet, cette chasse ne se justifiait pas par des éléments objectifs de la nature de ceux qui sont mentionnés à l'article 9 de cette directive, c'est-à-dire : « en l'absence d'autre solution satisfaisante et pour un usage judicieux ».
Le Gouvernement ne peut donc être favorable à une telle disposition ouvertement contraire à la lettre, à l'esprit et aux principes de la directive, qui interdit toute chasse en période de retour migratoire.
Vous l'aurez compris, monsieur Pintat, je ne suis pas, par principe, hostile à la demande de dérogation, mais ce que j'ai retenu de mes multiples contacts avec la Commission, c'est qu'il était hors de question de demander des dérogations « tirées par les cheveux » pour les espèces en mauvais état de conservation.
Or il se trouve que la tourterelle des bois est une espèce au très mauvais état de conservation, ce qui lui vaut d'être soumise à un plan de gestion communautaire. Vous trouverez les détails de cette situation dans le rapport de M. Lefeuvre, à la page 191 : différentes composantes de la population des tourterelles, origine des populations nicheuses, dynamique des populations au cours des années quatre-vingt, avec un déclin très marqué des effectifs qui, par rapport à ceux des années soixante, ont accusé une diminution de pratiquement 50 %. Il est vrai - je le reconnais tout à fait, parce qu'il faut être honnête et complet - que ces effectifs ont connu un redressement modéré dans la période comprise entre 1994 et 1998.
Je n'imagine pas une seconde que ce soit là le genre de pratiques que nous puissions défendre devant la Commission. Vous avez essayé, mais cela ne convaincra personnel !
Puisqu'il est décidément essentiel d'échanger des arguments de bonne foi et, quand on livre des éléments chiffrés, de les livrer tous, je voudrais dire deux mots des élements d'appréciation de l'état des populations d'oiseaux qui sont évoqués dans le rapport de Mme Heinis, aux pages 15 et 16.
Le rapport indique : « Les chiffres disponibles - à interpréter, il est vrai, avec précaution - sur les populations de certains oiseaux migrateurs témoignent d'un accroissement très significatif depuis vingt ans. »
Suit un tableau comportant une liste d'oiseaux qui sont, dirai-je, sélectionnés.
La source citée est la Fondation internationale pour la sauvegarde de la faune. Ne sachant pas bien ce qu'était cette fondation, j'ai cherché. C'est, semble-t-il, une émanation du Conseil international de la chasse, qui a utilisé un certain nombre d'éléments collectés par un organisme scientifique mondialement reconnu : Wetlands International. Or cet organisme s'est plaint de l'utilisation qui avait été faite des données qu'il avait scientifiquement recueillies.
Voici une affiche (Mme le ministre montre un document) qui invoque les travaux de Wetlands International, mais ne cite que certains chiffres qui donnent à penser que des espèces qui ne vont pas si bien que cela seraient hors de danger.
Je veux rappeler que la Cour des comptes - encore elle ! - s'est intéressée au Conseil international de la chasse. La Cour des comptes est assez lapidaire dans sa conclusion : « On peut s'interroger sur l'intérêt, pour l'Etat et pour l'ONC, de participer à cet organisme sans crédit dont l'utilité semble réduite. ». C'est assez cruel !
Il est certainement intéressant d'utiliser les travaux de Wetlands International, mais la totalité de ces travaux, de manière exhaustive, sans déformation, sans tri dans les informations. Cela me paraît à la portée des membres de la Haute Assemblée, en cet instant où notre stratégie doit être arrêtée à partir de l'état de conservation réel des espèces.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le sénateur, mais à voir votre petit sourire, je mesure que vous n'aviez aucun doute sur cette question ! (M. Pintat fait un signe de dénégation.)
M. Alain Vasselle. C'est encore de la provoc !
M. le président. Madame le rapporteur, quel est l'avis de la commission maintenant ?
Mme Anne Heinis, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, considérant que ce point relevait du mécanisme général de dérogation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 121 rectifié.
M. Xavier Pintat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pintat.
M. Xavier Pintat. Sans vouloir polémiquer, je réitère ma proposition : il nous faut, dans cette affaire, un comptage tripartite indiscutable, entre des parties prenantes reconnues comme l'ONC, la fédération départementale des chasseurs et la ligue de protection des oiseaux.
Chacun aligne ses chiffres. Il se trouve que je n'ai pas les mêmes que vous, madame le ministre. Je me réfère à ceux du réseau ACT mis en place par l'ONC et les fédérations départementales de chasseurs. Ce réseau, qui suit la nidification des oiseaux chanteurs, a constaté une évolution de 20 % des populations de tourterelles depuis 1994. Il s'appuie sur mille points d'écoute relevés deux fois par an au printemps.
Aussi, pour ramener la sérénité et faire cesser des contentieux qui n'ont que trop duré, il faut bien faire quelque chose. Comme, finalement, c'est une question d'ordre public qui n'a pas été traitée par les gouvernements successifs, il faut bien que le législateur joue son rôle. Donc, pour apaiser les esprits, il faut une comptabilité des espèces qui ne soit pas discutée et il faut une loi : la directive 79/409 nous le permet.
La loi peut dépasser parfois le simple cadre des principes fondamentaux : le Conseil constitutionnel l'admet et considère que le législateur est dans son rôle. Il faut normaliser ce dossier et son inscription dans la loi nous le permet. Au surplus, déclarer que cela relève du domaine réglementaire me paraît difficilement acceptable alors qu'hier nous avons statué sur les ours slovènes !
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. J'ai entendu les arguments de M. Pintat comme ceux de Mme le ministre. J'ai entendu également la position de la commission. J'habite dans les Landes, en Aquitaine, et je suis allé à Lesparre, en Médoc, où j'ai vu des hommes que certains ici appellent des « braconniers »,...
M. Alain Vasselle. Certains et certaines !
M. Jean-Louis Carrère. ... mais nous n'allons pas engager un débat sémantique.
Ces hommes sont quelquefois irritables, quelquefois aussi irrités, mais en tous les cas ils ont cette passion chevillée au corps, quand vient le mois de mai, de monter sur des pylônes et de tirer des tourterelles.
Dès lors, si l'on pouvait mettre fin à ces provocations ou à ces récriminations parfois légitimes, si l'on pouvait trouver des modalités associant toutes les parties à une expertise réelle de l'espèce...
M. Xavier Pintat. Voilà !
M. Jean-Louis Carrère. ... pour que l'on puisse savoir clairement quelle espèce est en danger, quelle espèce ne l'est pas, donc s'il ne peut pas y avoir de quota de prélèvement ou s'il peut y en avoir un, ce serait la voie de la sagesse et de l'apaisement.
Je ne remets pas en cause les chiffres de M. Pintat. Je ne me permets pas de remettre en cause les chiffres de Mme la ministre, mais, ce que je peux vous dire, mes chers collègues, c'est que beaucoup de Français qui ont les moyens vont tirer des quantités significatives de tourterelles dans le Maghreb et que les gens de condition modeste du Médoc sont habitués à tirer quelques tourterelles dans leur région depuis de nombreuses années. Quant à vouloir en faire une chasse de hobereaux, de possédants, c'est un cliché qui, comme tout cliché, est totalement erroné. Ce sont vraiment les travailleurs du Médoc qui ont cette habitude.
M. Alain Vasselle. C'est clair !
M. Jean-Louis Carrère. Alors, quand on les traite de braconniers, c'est un peu gênant. Cela dit, ils en ont l'habitude : ce sont, comme moi, des hommes de terroir, des hommes du Sud. Ne me suis-je pas fait moi-même traiter de braconnier lors d'un récent débat radiodiffusé ? Cela ne m'a pas écorché ! Mais, si vraiment l'on veut pacifier, que l'on définisse des modalités qui nous permettent d'effectuer ces comptages.
Rassurez-vous, madame la ministre, ces chasseurs ne sont pas sots, ils entendent bien les choses : si vraiment l'espèce est en danger, ils ne poseront pas de problèmes, mais si l'espèce n'est pas en danger, ils revendiqueront - et je les soutiendrai - un quota de prélèvement qui correspond à un usage traditionnel. (M. Dussaut applaudit.)
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai pris mon temps pour argumenter et j'ai évidemment réfléchi, monsieur Carrère, avant d'employer certains termes. Mais il se trouve que le mot « braconnier » est celui qui est communément utilisé pour caractériser une personne qui se livre à des activités de chasse illégales !
On peut et on doit discuter pour confronter les points de vue, non pas sur la légitimité de cette chasse, mais sur les chiffres qui ont été cités.
En effet, nous ne parlons pas des mêmes populations. Je voudrais cependant vous convaincre que le travail de M. Lefeuvre correspond non pas au délire solitaire d'un scientifique « largué », mais au travail d'un groupe qui associait d'éminents chercheurs du Centre national de la recherche scientifique, du Muséum national d'histoire naturelle ainsi que des universités, et qui comprenait notamment le délégué national pour Wetlands international, ainsi que l'un des experts, qui travaille à l'ONC et qui assiste le représentant de la France au comité Ornis.
Les chiffres qui ont été cités n'ont pas été contestés. Personne ne conteste non plus sérieusement le fait que la tourterelle des bois ne soit pas en bon état de conservation. On pourrait reprendre la discussion sur d'autres bases. Mais, à cette heure, je n'envisage pas de laisser planer l'espoir inconsidéré d'une demande de dérogation.
Je confirme donc l'avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
C'est un sujet dont il faut discuter, comme de beaucoup d'autres, en s'appuyant sur des éléments objectifs. J'invite donc une fois encore les représentants des différentes parties à assister avec un esprit ouvert à la réunion de concertation qui aura lieu lundi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.
Par amendement n° 122 rectifié, MM. Pintat, Torre et Jean-Léonce Dupont proposent d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 224-4 du code rural est complété par deux alinéas ainsi rédigés
« Pour permettre, en application de l'article 9 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse du pigeon ramier du 1er août au 20 mars dans le département de l'Ardèche, le Premier ministre détermine, par arrêté, les conditions spécifiques dans lesquelles s'exerce cette chasse traditionnelle régionale. Il fixe notamment les petites quantités de captures de ces oiseaux, les moyens, installations ou méthodes autorisés ainsi que les modalités de contrôle qui seront opérées sur les lieux de chasse.
« Le Premier ministre adresse chaque année à l'Union européenne un rapport circonstancié sur l'application du présent article. »
La parole est à M. Pintat.
M. Xavier Pintat. Suivant la même logique, le présent amendement permet de déroger au paragaphe IV de l'article 7 de la directive 79/409 du 2 avril 1979 en autorisant la chasse du pigeon ramier en Ardèche durant le mois de mars. C'est une ancienne tradition que M. Torre m'a demandé de défendre ici, qui remonte au moins à 1840 et qui est circonscrite à certains cols de ce département.
Le refus de trouver un compromis est très mal vécu par les chasseurs ruraux de l'Ardèche. Ils n'entendent pas renoncer à cette pratique traditionnelle qui ne met pas en péril une espèce prolifique et dont ils sont pratiquement privés par l'aléa de la géographie de la migration.
En effet, le pigeon ramier est abondamment présent dans toute l'Europe. Ses populations nicheuses sont évaluées à plusieurs millions d'individus, à telle enseigne que la convention de Berne n'a pas jugé utile de lui accorder le bénéfice de la moindre protection. D'ailleurs, en raison de cette abondance, l'espèce fait l'objet d'un classement comme nuisible dans la plupart des Etats membres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne Heinis, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable comme pour l'amendement précédent, préférant s'en tenir, au niveau de la loi, au principe de la dérogation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le temps de chacun est précieux et je dirai que l'avis du Gouvernement est évidemment défavorable. Mais je crois qu'il est de mon devoir de vous signaler que, au-delà des discours sur la volonté de pacification, les associations disposent évidemment déjà, avec les votes qui viennent d'intervenir, des arguments infaillibles qui leur permettront de contester la loi devant le Conseil d'Etat comme devant les cours européennes. J'imagine que vous en êtes conscients : nous ne sommes pas en train d'accomplir le travail sur lequel nous nous sommes engagés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 122 rectifié.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Courrière.
M. Jean-Louis Carrère. Excusez-moi, monsieur le président, c'est moi qui ai demandé la parole ! (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Carrère, avec les excuses de la présidence !
M. Jean-Louis Carrère. Il n'est pas grave que vous ne me connaissiez pas, monsieur le président !
M. le président. Excusez-moi, monsieur Carrère, je vous connais, mais ma langue a fourché.
M. Jean-Louis Carrère. L'important est que mes électeurs me connaissent !
M. Alain Vasselle. Que tous les Français vous connaissent !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Tous les Français ? Il en est dont il n'a pas été beaucoup question aujourd'hui !
M. le président. La parole est donc à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je suis évidemment de ceux qui sont très favorables à ces cinq lignes qui, au sein de l'article 10, permettront, dans les conditions que l'on sait, de demander au Gouvernement de déroger en argumentant sur les demandes de dérogation.
Je suis prisonnier de ma passion et, ayant rencontré des hommes et des femmes à Lesparre, en Médoc, très attachés à leur tradition, je me suis laissé aller, par solidarité, par amitié, à voter l'amendement précédent dont je sais - je le sais et je le dis - qu'il pourra permettre justement de contester cette loi.
Mais n'en faisons pas trop, au risque de nuire à notre propre cause. Aller plus loin, et je le dis sans vouloir blesser mon collègue M. Pintat, serait user de méthode quelque peu démagogique. J'ai beaucoup de respect pour les chasseurs qui tirent le pigeon ramier, au col de l'Escrimé, pour la passion qu'ils manifestent, mais « qui trop embrasse mal étreint ».
Une dérogation me tient particulièrement à coeur et, au-delà de moi, car cela ne représenterait pas grand-chose sinon, tient particulièrement au coeur de mes amis landais, je veux parler de la dérogation pour le bruant. Mais il serait inconvenant, même si je le souhaite de tout coeur, de pousser plus avant.
Nous avons manifesté notre solidarité pour un élu du Médoc, et pour nos amis là-bas. Aller au-delà serait même risqué.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11