Séance du 25 mai 2000
M. le président.
Par amendement n° 254 rectifié, MM. de Montesquiou, Collin et Soucaret
proposent d'insérer, après l'article 13 A, un article additionnel rédigé comme
suit :
« L'article L. 224-1 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé
:
« Le ministre chargé de la chasse prend des arrêtés pour reporter la date de
broyage de la jachère de tous terrains à usage agricole afin de prévenir la
destruction ou de favoriser le repeuplement de toutes les espèces de gibier, et
sans qu'il soit ainsi dérogé au droit de destruction des bêtes fauves édicté à
l'article L. 227-9. »
La parole est à M. Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
A ce jour, la date de broyage de la jachère est établie chaque année par
arrêté préfectoral. C'est ainsi que, cette année, pour le Gers, elle est fixée
du 1er mai au 15 juillet.
Les chasseurs, qui sont parfois des agriculteurs, constatent que ces dates ne
permettent pas de préserver complètement le gibier. Il apparaît donc nécessaire
de veiller à ce que les dates de jachère soient reportées.
Un arrêté ministériel viendrait utilement poser le principe d'un report des
dates de broyage, le préfet fixant celles qui sont le mieux adaptées à chaque
département.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne Heinis,
rapporteur. Cet avis est défavorable, non pas que l'idée soit mauvaise,
mais parce que ce problème ne relève pas du seul ministre chargé de la chasse.
Une concertation devrait être organisée avec la profession agricole et les
responsables du ministère de l'agriculture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je trouve
cet amendement intéressant, mais je ne suis pas sûre qu'il trouve sa place dans
un texte sur la chasse. En revanche, j'imagine qu'il pourrait très bien faire
l'objet de discussions avec le ministère de l'agriculture, pour prendre en
compte, par exemple, le souci la préservation des espèces sauvages dans le
cadre des CTE, les contrats territoriaux d'exploitation, ou encore dans le
cadre de contrats passés sur des sites « Natura 2000 » ou dans des réserves
naturelles.
En tout cas, je retiens l'idée et je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 254 rectifié.
M. Aymeri de Montesquiou.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Très souvent, on broie des jachères avant que les oisillons aient eu le temps
de se mettre à l'abri. Par conséquent, on massacre quantité de jeunes oiseaux
alors que, si le préfet retardait la date des jachères, on sauverait tout ce
gibier.
Cet amendement ne concerne peut-être pas uniquement le ministère chargé de la
chasse, mais il pourrait être accepté conjointement avec le ministère de
l'agriculture.
M. Jean-Louis Carrère.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Je suis de ceux qui pensent que cet amendement a un fondement authentiquement
positif parce que, effectivement, il faut sauvegarder les couvées de perdrix,
de faisans ou de cailles. Mais, très franchement, ce n'est peut-être pas au
travers de ce projet de loi que nous pouvons prendre une disposition à cet
égard.
Je suis en tout cas favorable, moi aussi, à cette mesure, mais nous devons
trouver des modalités d'intégration de cette nécessaire exigence dans un texte
relevant de l'agriculture.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Si intéressant soit cet amendement, je puis toutefois vous dire que, le plus
souvent, là où les fédérations départementales des chasseurs ont décidé de
mener une véritable politique de gestion de la petite faune, des conventions,
des contrats, des protocoles d'accord ou des chartes ont été mis en place en
liaison avec certaines régions. C'est notamment le cas de la Picardie, où le
conseil régional, aux côtés des trois fédérations départementales de chasse et
en liaison avec les chambres d'agriculture, a mené une politique de cette
nature pour inciter les agriculteurs à ne pas broyer les jachères agricoles
mises en place par la politique agricole commune pendant la période de
nidification et de reproduction. Faute d'agir de la sorte, les agriculteurs
perdent le bénéfice des aides financières que leur accorde la région ou la
fédération des chasseurs.
Cela étant, j'appelle votre attention sur un point : si nous décidons cette
mesure, il faudra l'étendre également au domaine public des collectivités
territoriales, car chacun sait que la petite faune est souvent constituée
d'oiseaux de lisière et que nombre de ces oiseaux nidifient et se reproduisent
sur les bas-côtés de nos routes, de nos chemins vicinaux, de nos chemins ruraux
ou de nos routes départementales. Or souvent les fauchages sont effectués
pendant cette période de nidification et entraînent la destruction des nids.
Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi on imposerait à la profession
agricole des mesures que les collectivités publiques ne s'imposeraient pas à
elles-mêmes, à l'exception, bien entendu, d'un certain nombre de lieux et de
carrefours où, pour des raisons de sécurité, il faudrait procéder suffisamment
tôt au fauchage pour que ces sites ne deviennent pas des lieux de
nidification.
Je tenais à attirer l'attention du Sénat sur ce point, même si l'on peut
effectivement considérer que cet amendement pourrait avoir sa place dans un
autre texte. Mais il était, je crois, intéressant d'en débattre ce soir !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je soutiens M. de Montesquiou dans cette affaire,...
M. Raymond Courrière.
Tout le monde le soutient !
M. Jean-Pierre Raffarin.
... d'abord parce que l'on nous dit - et nous sommes tous d'accord - que cette
préoccupation est légitime. Il est vrai que cet amendement permet de protéger
les espèces dont la nature a besoin.
Toutefois, Mme la ministre m'a inquiété en évoquant les CTE. Surtout, que l'on
ne mette pas en branle cette machine bureaucratique et technocratique !
M. Raymond Courrière.
Et voilà la politique politicienne !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Le CTE est vraiment un outil inapte d'une manière générale et, au cas
particulier, vraiment inadapté. Alors, n'en parlons surtout pas !
Par conséquent, je ne vois qu'une seule solution si l'idée est juste - ce que
la Haute Assemblée a l'air de penser - c'est d'inscrire cette idée dans le
texte.
M. Michel Charasse.
Nous sommes tous d'accord !
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
On peut penser ce que l'on veut des jachères et, politiquement, nous nous y
sommes souvent opposés. Leur taux est fixé à 10 % en Europe, mais, sur le
terrain, on constate qu'elles n'ont rien de très écologique.
S'agissant des broyages, je partage la préoccupation des auteurs de cet
amendement. Souvent, d'ailleurs, les jachères sont aussi l'objet de
pulvérisations intempestives, et je préconiserais pour ma part que, comme cela
se fait sans doute dans un certain nombre de départements, nos fédérations de
chasse passent un accord avec les chambres d'agriculture pour développer ce que
l'on appelle des jachères « faune sauvage ». Ces mesures contribuent en effet
au maintien à un bon niveau de la faune.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 254 rectifié, repoussé par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 13 A.
Article 13