Séance du 30 mai 2000







M. le président. La parole est à M. du Luart, auteur de la question n° 802, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Roland du Luart. J'aimerais que M. le ministre de l'agriculture et de la pêche me précise la stratégie de communication conduite par les pouvoirs publics s'agissant des maladies qui frappent les productions animales.
Je ne minimise pas la gravité de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, qui touche le troupeau bovin ; j'approuve le maintien de l'embargo sur le boeuf britannique et retiens comme une mesure tout à fait positive la mise en place d'une vaste opération de dépistage sur le territoire national. Mais n'est-il pas quelque peu prématuré d'évoquer une troisième voie de contamination, laquelle, à ce jour, ne repose sur aucune preuve scientifique ? De telles déclarations ont eu pour effet immédiat d'entraîner une diminution de la consommation et par suite, une baisse des cours de la viande bovine, qui avaient entamé une reprise. Il ne faudrait pas que des propos officiels, parfois hâtifs, provoquent un affolement des consommateurs.
Je souhaite que la communication gouvernementale sur le programme soit bien coordonnée et ne donne pas lieu à une surenchère interministérielle.
S'agissant de la listeria, les quelques cas d'intoxication enregistrés ont provoqué une chute significative des achats de certains produits charcutiers et de fromages au lait cru, alors que la quasi-totalité des entreprises remplissent scrupuleusement les mesures sanitaires prescrites par les administrations compétentes.
Les travaux de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, et de la future agence européenne doivent déboucher sur des conclusions scientifiques incontestables avant toute déclaration officielle des pouvoirs publics. Ces déclarations, relayées par les médias, créent un climat de panique et un boycott souvent disproportionnés par rapport aux risques sanitaires effectifs.
Comme l'a déclaré M. le ministre, il n'y a pas de risque zéro dans l'alimentation. Les consommateurs eux-mêmes doivent être vigilants sur la conservation - réfrigération et dates limites de consommation - des produits alimentaires.
A cet égard, je lui demande si ses services et ceux de Mme le secrétaire d'Etat à la consommation envisagent de conduire une campagne de sensibilisation auprès des usagers en ce qui concerne tant les précautions sanitaires imposées aux producteurs - traçabilité, étiquetage, notamment - que celles que devraient respecter les consommateurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur du Luart, je vous demanderai tout d'abord de bien vouloir excuser M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui est retenu à Lisbonne par un sommet européen des ministres de l'agriculture.
Dans le domaine de la protection de la santé des consommateurs, la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a permis de clarifier la répartition des rôles entre la communauté scientifique et les pouvoirs publics qui doivent assurer la gestion des risques.
La science n'a pas pour seul rôle de répondre aux nombreuses questions que se posent les pouvoirs publics et les consommateurs, elle doit aussi préciser les zones d'incertitude dans nos connaissances. La crédibilité nécessaire pour asseoir la confiance du consommateur dans son alimentation repose sur une politique de communication transparente de la part des pouvoirs publics par rapport au risque sanitaire. Cette communication doit porter sur l'efficacité des outils de gestion de la sécurité des aliments, mais aussi sur les questions restées en suspens. La transparence doit permettre, aussi, d'afficher les incertitudes comme telles, notamment quand ces incertitudes ont été soulignées par les scientifiques de l'AFSSA.
Depuis plusieurs mois, il est apparu que l'ensemble des origines possibles de la contamination des animaux par l'agent de l'ESB devrait être exploré afin de pouvoir expliquer les dernières données épidémiologiques en la matière, et qu'il convenait donc de s'interroger sur une hypothétique « troisième voie ».
Pour ce qui est de la listériose, il convient de signaler la performance des outils à la fois de surveillance de l'état de santé de la population et d'investigation épidémiologique sur l'origine des accidents alimentaires. En effet, cette performance conduit à identifier des accidents alimentaires de très faible ampleur statistique, qui n'étaient pas identifiés par le passé et qui ne le sont toujours pas dans la majorité des pays développés. Ainsi, en France, une « épidémie » de listériose est caractérisée par trois cas répartis sur l'ensemble du territoire au cours d'une période de deux mois ! Il s'agit donc d'un système qui est maintenant extrêmement précis.
Les modifications importantes apportées tant par le développement des industries agro-alimentaires et de leur circuit de commercialisation que par les techniques de détection de plus en plus sophistiquées, permettent désormais de disposer d'informations sur la contamination des produits avant que ceux-ci soit consommés par la population. Lorsqu'un résultat d'analyse montre une contamination susceptible d'engendrer un danger pour le consommateur, on s'assure que le produit est retiré de la consommation sans délai. La plus grande attention est apportée aux méthodes d'analyse utilisées, afin de s'assurer que les résultats exprimés ne sont pas sujets à caution. Dans la majorité des cas, le retrait est opéré par le producteur lui-même, sous le contrôle des services de l'Etat.
Toutefois, lorsque le produit est déjà en possession du consommateur, le seul moyen d'éviter sa consommation et les conséquences néfastes de celle-ci consiste à communiquer par voie de presse afin d'avertir directement le grand public. Une telle opération est, certes, susceptible de porter atteinte à la réputation de l'entreprise et elle ne doit, par conséquent, être mise en oeuvre que lorsque le risque identifié est réel et que l'on a l'assurance que les mesures de communication seront efficaces pour contrer ce risque. Afin de rendre le message plus positif, cette communication est assurée dans la plupart des cas par le professionnel lui-même, ce qui a pour effet de mettre en avant son souci de transparence et de responsabilité. Un protocole de communication a été élaboré par les trois ministères chargés de ce dossier, à savoir ceux de l'agriculture, de la consommation et de la santé, afin de faciliter une gestion de la crise efficace et proportionnée au risque pour la population.
Au-delà de la communication de crise, une réelle communication en profondeur sur les risques alimentaires doit être engagée sur la base des travaux d'évaluation menés notamment par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Cette stratégie de communication doit s'appuyer à la fois sur les pouvoirs publics, à travers leurs structures de contrôles, sur la communauté scientifique, sur les professionnels de l'alimentation, à travers leurs connaissances technologiques, et sur les consommateurs, dont les attentes en termes de sécurité doivent être traduites en termes positifs. Il s'agit donc bien d'un travail de fond qui est engagé, qui répond me semble-t-il à vos préoccupations, monsieur le sénateur, et dont la communication de crise actuellement mise en oeuvre ne représente qu'une partie secondaire.
M. Roland du Luart. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Je remercie M. le ministre des précisions qu'il m'a apportées. Je dois reconnaître que l'effort de transparence semble avoir été engagé, et cela doit être relevé. M. le ministre a donc répondu de façon positive à mes interrogations.
Il n'en demeure pas moins que, après les grandes tempêtes de la fin de l'année dernière et les coupures de courant qui ont duré une quinzaine de jours, se sont posés beaucoup de problèmes en France, et certains dérapages du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation ont été très préjudiciables à la production dans certains départements.

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