Séance du 30 mai 2000







M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 721, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, la direction de l'Imprimerie nationale annonce son intention de délocaliser, autour de 2002, son établissement de Paris situé dans le XVe arrondissement, l'une des dernières grandes entreprises de production de la capitale et qui emploie aujourd'hui quelque 850 personnes. Des critères de rentabilité financière président ce projet de délocalisation.
Or, je me permets d'insister sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Imprimerie nationale est toujours propriété à 100 % de l'Etat, qui en est l'unique actionnaire, et accomplit toujours les missions de service public avec ses sujétions et ses contraintes. Il semble donc logique que, dans le cadre de ses missions, soient recherchés sa modernisation et son nécessaire développement et que, au lieu de la rentabilité financière, on fasse prévaloir le critère de la rentabilité sociale.
Le maintien et le développement de l'emploi stable constituent des conditions essentielles de l'avenir de l'Imprimerie nationale. Cette perspective est d'autant plus réaliste qu'une lecture approfondie du bilan de 1998 montre que si la productivité de l'Imprimerie nationale doit être améliorée - et elle l'a déjà beaucoup été - la situation de l'entreprise reste saine, sinon la plus saine de la profession.
Outre l'Etat, la région et la ville pourraient contribuer à des solutions. Mes amis communistes du conseil de Paris qui ont interpellé la mairie à ce sujet ont été forcés de constater que celle-ci ne fait aucune proposition pour maintenir l'emploi industriel sur Paris et se contente de se décharger de toute responsabilité. Elle contribue d'ailleurs à une politique qui, depuis des années, a pour résultat de faire décroître le nombre d'emplois de production au profit d'une croissance démesurée des bureaux.
Enfin, permettez-moi d'évoquer les menaces qui pèsent sur l'atelier de composition et d'impression d'art de l'entreprise, dont les domaines d'intervention sont d'une grande diversité et qui constitue un ensemble unique en France, en Europe et peut-être au monde.
Ces menaces ont déjà suscité un grand émoi. De nombreuses personnalités, dont mon ami Robert Hue et votre collègue M. Jack Lang, exigent que ce patrimoine de l'Etat, qui pourrait être celui de l'humanité, ne soit pas sacrifié sur l'autel de la rentabilité financière.
Ma question, vous l'aurez compris, est la suivante : que compte faire l'Etat pour maintenir le site et les emplois de l'Imprimerie nationale à Paris et pour sauvegarder l'atelier d'art de l'entreprise ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. En l'absence de M. Fabius, permettez-moi, madame la sénatrice, de vous donner les éléments de réponse qu'il m'a demandé de vous adresser.
Depuis son changement de statut le 1er janvier 1994, l'Imprimerie nationale est soumise aux règles de la concurrence et n'a conservé de monopole que sur moins de 5 % de son chiffre d'affaires.
Pour répondre au défi commercial auquel elle est ainsi confrontée, l'Imprimerie nationale doit améliorer l'organisation et le fonctionnement de son outil de production ; or l'usine de Paris, construite pour les techniques du début du siècle, est aujourd'hui le principal foyer de perte de l'entreprise.
Dans ces conditions, la direction de l'Imprimerie nationale a proposé d'engager, à l'occasion de l'élaboration du plan stratégique de l'entreprise, une réflexion sur un éventuel déménagement de l'usine de Paris vers un site plus adapté aux conditions modernes de production. Cette réflexion a été préparée en étroite concertation avec les représentants du personnel et les organisations syndicales. Le 21 avril dernier, elle a été avalisée dans son principe, avec l'ensemble du plan stratégique, à l'unanimité des membres du conseil d'administration de l'Imprimerie nationale.
Un éventuel déménagement de l'usine de Paris n'aurait pas d'impact négatif sur l'emploi à l'Imprimerie nationale. Dans le cadre du plan stratégique, il devrait même contribuer à l'amélioration des perspectives de l'entreprise, en lui donnant notamment de nouvelles ressources pour investir.
En sa qualité d'actionnaire unique, l'Etat examinera bien évidemment avec attention les propositions finales de la direction de l'entreprise, en ce qui concerne tant les conditions proposées au personnel que le maintien d'une activité économique porteuse d'emplois sur le site de Paris.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, cette réponse ne me satisfait pas, vous pourrez en faire part à M. le ministre de l'économie et de l'industrie. En effet, se séparer d'une partie de son patrimoine pour réaliser une opération immobilière, comme l'envisage la direction de l'Imprimerie nationale, qui fonctionne désormais selon des critères privés, peut être une politique à courte vue.
De plus, les arguments techniques souvent énoncés concernant le site de Paris me semblent contestables.
En ce qui concerne l'emploi, par ailleurs, l'expérience nous a malheureusement montré que toute opération de délocalisation se traduisait par des pertes d'emplois.
L'Etat devrait permettre à l'Imprimerie nationale d'emprunter afin d'assurer une véritable politique d'investissement. Cette stratégie, le reste de la profession l'applique, puisque les problèmes ne sont pas spécifiques à l'Imprimerie nationale.
Dans ce contexte, l'Imprimerie nationale dispose d'atouts car, quoi qu'en disent certains, malgré la faible rentabilité des capitaux sur les métiers d'impression traditionnels, cette imprimerie s'est maintenue en imprimerie généraliste du fait de la spécificité de sa clientèle publique. La part du secteur public pourrait d'ailleurs être sensiblement augmentée, notamment celle des ministères. Le ministère des finances lui-même, qui est l'unique actionnaire de l'entreprise, confie actuellement nombre de ses travaux à des imprimeries concurrentes de la sienne, cela me semble contestable.
L'Imprimerie nationale constitue un atout industriel et culturel pour Paris. L'idée de vendre ce site magnifique pour en faire peut-être, comme cela a été évoqué, un entrepôt pour grands magasins m'est insupportable.
Cela amplifierait encore les nuisances pour les habitants du quartier. Ne devrait-on pas, au contraire, réfléchir à la manière de préserver ce site et de l'ouvrir vers l'extérieur en y intégrant ce qui pourrait être le conservatoire vivant de l'imprimerie qui manque cruellement à la capitale, sous une forme plus prestigieuse et permettant une plus grande fréquentation par le public ?
J'ai bien conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, que le problème dépasse sans doute les seules compétences du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, mais, tant du point de vue de l'emploi industriel à Paris que du point de vue du patrimoine, cette quetion devrait être mieux considérée par les pouvoirs publics.

CONDITIONS D'ACCOMPAGNEMENT
DE L'ARRE^T DE SUPERPHÉNIX