Séance du 5 juin 2000







M. le président. « Art. 27 bis F. - L'article 41 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Aux deuxième, quatrième et cinquième alinéas, après les mots : "par voie hertzienne terrestre", sont insérés les mots : "en mode analogique" ;
« 2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être titulaire de plus de cinq autorisations relatives chacune à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique. » ;
« 3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne titulaire d'une ou de plusieurs autorisations relatives chacune à un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique autre que national ne peut devenir titulaire d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature autre que national si cette autorisation devait avoir pour effet de porter à plus de six millions d'habitants la population recensée des zones desservies par l'ensemble des services de même nature pour lesquels elle serait titulaire d'autorisations. » ;
« 4° L'avant-dernier alinéa est complété par les mots : "en mode analogique" ;
« 5° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une personne titulaire d'une autorisation pour l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans une zone déterminée ne peut devenir titulaire d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature diffusé en tout ou partie dans la même zone en mode numérique. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 109, M. Hugot, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 202 rectifié, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par le 2° de l'article 27 bis F, pour un alinéa à insérer après le deuxième alinéa de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, par les dispositions suivantes : « ; les dispositions du premier alinéa du I de l'article 39 ne s'appliquent à ces autorisations que si l'ensemble de services ainsi autorisés atteint une audience réelle supérieure à 30 millions de téléspectateurs. Lorsque l'ensemble des services ainsi autorisés atteint une audience réelle inférieure à 30 millions de téléspectateurs, les dispositions du premier alinéa du I de l'article 39 s'appliquent à la seule autorisation accordée conformément au deuxième alinéa du III de l'article 30-1. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 109.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec la réintroduction dans le projet de loi du régime juridique adopté en première lecture par le Sénat pour le numérique de terre.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 202 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non seulement nous sommes contre la suppression de cet article, mais nous voulons y introduire des dispositions supplémentaires.
Notre amendement vise d'abord à lever une ambiguïté. S'il est précisé clairement à l'article 27 bis E que les règles de limitation de parts de capital à 15 % et 5 % en cas d'autorisations multiples ne s'appliqueront pas au numérique hertzien de terre, rien n'est dit sur la règle des 49 %. Par raisonnement a contrario, on en déduira que le seuil des 49 % de parts de capital pouvant être détenus par une même personne dans une société titulaire d'une autorisation d'émettre s'appliquera au mode numérique comme au mode analogique.
Une telle disposition risque d'empêcher l'accès à la diffusion numérique de nombreuses chaînes thématiques existant déjà qui, de fait, sont détenues à 100 % par la société mère.
Si l'on doit souhaiter que le passage au numérique soit l'occasion de favoriser l'essor des nouveaux entrants, on ne peut se reposer sur eux seuls pour assurer l'essor de ce nouveau mode de diffusion, en comptant sur les alliances qu'ils devront trouver pour respecter la règle des 49 %.
On ne peut non plus priver l'accès des opérateurs dits « historiques » au numérique hertzien ; ils constituent une garantie économique et de savoir-faire pour l'avenir de l'audiovisuel français, et leur expérience passée leur permet de postuler légitimement aux fréquences numériques. Le législateur a d'ailleurs entendu leur octroyer une priorité d'accès au numérique avec le simulcast et le bonus et trois éventuelles autorisations supplémentaires.
Aussi, afin de ne pas compromettre les chances de ces opérateurs historiques et d'assurer la réussite du numérique en France, nous estimons que la règle des 49 % doit être réaménagée pour le numérique hertzien terrestre.
Nous proposons, par cet amendement, de restreindre l'application de ce dispositif anti-concentration, pour le seul mode numérique, en fixant un seuil d'audience réelle au-dessus duquel cette règle s'appliquera pour l'ensemble des autorisations d'un même groupe, qu'il en détienne une, deux, trois, quatre ou cinq. Compte tenu de la réalité constatée des audiences actuellement enregistrées par les groupes audiovisuels français, nous avons fixé la barre à 30 millions d'auditeurs réels, et non pas potentiels, car toute autorisation serait alors concernée, un multiplexe desservant entre 60 % et 100 % de la population, soit de 40 millions à 60 millions d'habitants.
En dessous de ce seuil de 30 millions de téléspectateurs, la règle des 49 % ne s'appliquerait qu'à l'autorisation en simulcast, ce qui est logique et ne devrait poser aucun problème, l'ensemble des opérateurs actuellement autorisés en analogique hertzien pour un service national - et donc concernés par la disposition - respectant déjà cette règle.
Les éventuelles autres autorisations détenues par un groupe ne dépassant pas 30 millions d'auditeurs réels pourraient être accordées à des sociétés détenues à 100 %.
Je pense que notre amendement répond à un problème réel et, au nom de la réussite du numérique en France et de la viabilité économique de ses acteurs, je demande au Sénat de bien vouloir l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 202 rectifié ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. L'objet de cet amendement est pertinent, mais la commission a supprimé l'article 27 bis F.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle en propose la suppression !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Cet amendement est donc incompatible avec la position adoptée par la commission sur cet article. Il a cependant reçu un avis formellement favorable en raison des circonstances du vote.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 109 et 202 rectifié ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 109.
Quant à l'amendement n° 202 rectifié, il soulève une question qui mérite débat : faut-il étendre à la diffusion numérique terrestre le seuil de 49 % actuellement imposé pour la composition du capital des sociétés qui assurent la diffusion d'un programme sur les fréquences analogiques ?
D'abord, sur le principe, le Gouvernement reste fondamentalement attaché à un tel seuil, dès lors qu'il s'agit d'utiliser une ressource limitée qui permet - et c'est l'objectif essentiel - de toucher la population la plus large possible.
Les objectifs de pluralisme, d'indépendance et de diversité, sur lesquels il me semble que nous nous rejoignons, trouvent là un outil qui a fait ses preuves. Il ne saurait donc être question de le remettre en cause dans son principe ni même de fragiliser.
Je reconnais que le débat peut être rouvert avec la numérisation des fréquences puisque l'on passe de six chaînes à au moins trente-six chaînes. De plus, nous savons que ces chaînes à venir ne toucheront vraisemblablement leur public qu'au rythme de l'équipement des ménages en téléviseurs numériques. Cela veut dire que la prévision de leur montée en charge dans le temps n'est pas aisée.
Cela pourrait nous conduire, j'en conviens, à avoir aujourd'hui une vision plus dynamique du problème des concentrations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Mais le seuil de 49 %, sans constituer un dogme, est un garant qui ne peut être purement et simplement abandonné ou, comme je l'ai dit, trop fragilisé.
Cela dit, la rédaction proposée par les sénateurs socialistes soulève tout de même, à mon sens, plusieurs difficultés.
Tout d'abord, je ne suis pas sûre que le critère d'audience visé soit suffisamment précis : cette audience est-elle calculée en moyenne annuelle ? Se cumule-t-elle avec l'audience réalisée par les mêmes chaînes sur le câble et sur le satellite ? Il y a là un paramètre qui n'est pas facile à saisir.
De même, l'audience est mesurée pour l'ensemble des services sans que l'on sache précisément si cela viserait l'ensemble de l'offre numérique ou les bouquets de services d'un seul et même opérateur.
La portée du seuil de 30 millions est donc non seulement différente selon l'acception qu'on donne à celui-ci, mais elle me paraît, en tout état de cause, difficile à cerner.
Enfin, ce calcul ne prend pas en compte la situation individuelle de chacune des chaînes, qu'elle soit membre ou non d'un bouquet, l'impact sur le pluralisme pouvant être très inégal en fonction de leur succès d'audience.
Compte tenu de ces interrogations, la rédaction proposée me semble comporter une insécurité juridique importante au regard d'un objectif de portée constitutionnelle, même si, je le reconnais, elle vise objectivement à faciliter la réussite d'un secteur émergent.
En conclusion, je pense que la question mérite d'être encore étudiée, que des simulations doivent être réalisées, notamment au regard de la viabilité économique et du pluralisme.
En l'état de la réflexion, je ne peux qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Supprimer l'article 27 bis F reviendrait à supprimer l'ensemble du dispositif anti-concentration introduit par l'Assemblée nationale. Il nous semble donc impossible de voter cet amendement.
J'ai bien écouté les observations de Mme la ministre concernant notre amendement n° 202 rectifié. Bien entendu, nous n'avons pas la prétention de penser que nous avons trouvé la meilleure rédaction. Au demeurant, je le dis au passage, un groupe parlementaire se trouve parfois bien démuni pour appréhender des problèmes aussi complexes qu'un seuil d'audience ; peut-être devrions-nous effectivement disposer, pour cela, de plus de moyens.
Notre objectif était de soulever le problème. Comme vous l'avez dit, madame la ministre, il faut, bien sûr, s'attacher à garantir le pluralisme en prévoyant un dispositif anti-concentration - après tout, trente-six fréquences, ce n'est pas un nombre si considérable - mais, en même temps, il faut avoir le souci d'assurer la réussite du numérique hertzien. Or, nous le savons, cette réussite dépendra de la rapidité avec laquelle un nombre suffisant de téléspectateurs se tournera vers ce mode de diffusion.
Outre la reprise en simulcast des chaînes qui existent déjà en analogique, il est donc nécessaire qu'apparaissent sans tarder des programmes attractifs.
Nous avons estimé qu'il fallait trouver un équilibre entre les deux exigences. Je pense que nos collègues de l'Assemblée nationale se poseront le même problème. Nous avons posé les premiers jalons ; nous passons le relais, nous réjouissant de savoir que le Gouvernement est également sensible à cette préoccupation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 27 bis F est supprimé et l'amendement n° 202 rectifié n'a plus d'objet.

Article 27 bis

M. le président. L'article 27 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 27 ter