Séance du 7 juin 2000







M. le président. « Art. 1er. - I. - Au 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, les taux : "10,5 %" et "24 %" sont respectivement remplacés par les taux : "9,5 %" et "23 %" ».
II. - Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des revenus de 1999. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 1er porte sur la réduction de l'impôt sur le revenu.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale consiste en fait à alléger d'un point le taux d'imposition des deux premières tranches d'imposition, le seuil d'application concernant des revenus annuels de 126 000 francs environ, soit un montant assez proche de la moyenne des revenus salariaux.
Je formulerai d'abord deux observations techniques.
D'une part, je constate que le dispositif s'applique dans les faits à l'ensemble des contribuables imposables et qu'il se renforce de manière marginale pour les foyers fiscaux disposant d'un plus grand nombre de parts.
D'autre part, je souligne que les contribuables seront, en cette fin d'année 2000, placés en situation d'être créanciers de l'Etat, et ce à moindre coût pour ce dernier. En effet, la réduction d'imposition découlant de la modification du barème sera imputée, soit sur le troisième versement pour les contribuables qui acquittent leur impôt par tiers, soit sur le dernier versement pour ceux qui ont opté pour la mensualisation.
Je voudrais également relever que la réalité de la progression de l'impôt sur le revenu ne risque pas d'être profondément affectée par les dispositions que nous allons voter puisque l'évaluation des voies et moyens associée à ce projet de loi de finances rectificative neutralise les effets de la baisse des taux de barème par la hausse de l'assiette imposable.
Je tiens à insister sur quelques-unes des préoccupations qui nous animent en matière d'impôt sur le revenu.
Selon nous, plus que par une évolution de son barème, l'impôt sur le revenu gagnerait en efficacité s'il était profondément repensé.
En cette année 2000, persiste dans notre législation fiscale une situation telle que l'essentiel des revenus financiers et du patrimoine des personnes imposables continue de bénéficier d'une large exemption.
Aujourd'hui, le produit de la contribution sociale généralisée est un peu plus représentatif de la réalité des revenus des ménages. On observera que de nombreux salariés dispensés du paiement de l'impôt sur le revenu, et qui ne bénéficieront donc pas des mesures prévues à l'article 1er, sont dans le même temps assujettis à la CSG et qu'ils acquittent à ce titre des sommes lourdes pour certains.
Peut-on, madame la secrétaire d'Etat, penser que le projet de loi de finances pour 2001 prévoira un allégement de la CSG pour les salariés et pensionnés, de manière que le mouvement de « baisse des impôts » n'oublie personne ?
S'agissant de l'impôt sur le revenu, même si près de la moitié des contribuables assujettis sont finalement dispensés du paiement d'une cotisation du fait de la modicité, pour ne pas dire plus, de leurs revenus imposables, il me semble indispensable de remettre en question, au travers de la loi de finances pour 2001, les dispositions dérogatoires au droit commun que sont, notamment, l'avoir fiscal, le régime séparé d'imposition des plus-values et les prélèvements libératoires, dont l'application ramène à 3 % la part des revenus du capital dans l'assiette de l'impôt sur le revenu.
De la même manière - et avec le souci de respecter la triple orientation : justice, redistribution, efficacité - nous pensons que l'impôt sur le revenu doit être modulé en fonction d'évolutions que l'on peut d'ailleurs aussi imprimer aux autres éléments de notre fiscalité, notamment à la fiscalité indirecte.
M. le président. Par amendement n° 68 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Fournier, Joyandet, Marest, Murat, Ostermann, Trégouët, Valade et Cornu proposent :
« A. - De rédiger ainsi le I de l'article 1er :
« I. - Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 francs le taux de :
« - 9,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à 51 600 francs ;
« - 23 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90 820 francs ;
« - 32 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à 147 050 francs ;
« - 41 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à 239 270 francs ;
« - 46 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à 295 070 francs ;
« - 52 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs. »
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter in fine l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques visé à l'article 177 du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. L'article 1er tend à ne modifier que certains taux du barème. Cet amendement a pour objet de diminuer proportionnellement le taux d'imposition de chaque tranche du barème de l'IRPP.
Il ne faut pas remettre en cause la progressivité de cet impôt, qui a pour conséquence d'alourdir la contribution en fonction du revenu. La diminution souhaitable des taux d'imposition doit, par conséquent, être proportionnelle.
Toute autre méthode accentue la progressivité, ce qui ne peut pas fonder une réforme juste de l'IRPP.
Nous appelons tous une telle réforme de nos voeux. Malheureusement, nous n'en avons pas tous la même conception.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, dans sa majorité, souscrit à la démarche des auteurs de l'amendement.
J'ai eu l'occasion de rappeler par deux fois, dans la discussion générale, le choix qui est le nôtre d'une politique plus résolue de baisse des prélèvements obligatoires, politique qui doit suivre deux axes : d'une part, la baisse de toutes les tranches de l'impôt sur le revenu ; d'autre part, la baisse des charges qui pèsent sur les entreprises, par le biais des cotisations sociales.
La proposition de Jacques Oudin va bien dans le sens de notre programme qui, je le rappelle, porte sur une baisse des prélèvements obligatoires de 250 milliards de francs en trois ans, là où le Gouvernement, jusqu'ici, ne prévoit que 160 milliards de francs.
Puisque, madame le secrétaire d'Etat, vous avez bien voulu revenir sur les points de méthode, permettez-moi de dire un mot, en ce qui concerne les prélèvements obligatoires, sur la comparaison entre la France et l'Allemagne.
Vous faites remarquer que les taux de prélèvements obligatoires ne représentent pas la même chose en France et en Allemagne ; peut-être, mais il se trouve qu'en France le financement des retraites est centralisé et qu'il fait l'objet de cotisations obligatoires. Dès lors, il est logique qu'il soit intégré dans le ratio : prélèvements obligatoires/produit intérieur brut.
Du système de protection vieillesse allemand, je crois me souvenir qu'il est beaucoup plus divers, beaucoup plus décentralisé, beaucoup plus complexe que le nôtre, et, disant cela, je ne porte pas de jugement de valeur.
Autrement dit, en intégrant ici dans les prélèvements obligatoires ce qu'on n'y intègre pas là, on respecte strictement la réalité.
En France, il s'agit bien d'un « prélèvement obligatoire » parce qu'il y a un système centralisé et contraignant. En Allemagne, on a davantage affaire à des mécanismes de financement de l'économie libérale, pas à ceux d'une écononomie administrée.
La baisse des prélèvements obligatoires jusqu'à être à parité avec l'Allemagne est un objectif que l'on ne peut contester. Pour y parvenir, il faut aller au-delà des 160 milliards de francs que vous envisagez.
Revenant à l'amendement présenté par M. Oudin, je dirai qu'il est excellent. Je crains cependant qu'il ne dégrade un peu trop le solde dont nous avons déjà parlé.
Dans la mesure où c'est un amendement qui exprime essentiellement une volonté, je pense qu'il devrait être rectifié de manière que nous puissions le voter dans la deuxième partie, c'est-à-dire après l'article 15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Avant de me prononcer sur l'amendement n° 68 rectifié, je voudrais, en quelques mots, répondre à Mme Beaudeau.
Je comprends tout à fait la sensibilité de son groupe sur la question de la fiscalité directe pesant sur les ménages, et en particulier s'agissant de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
Je crois, moi aussi, que la mesure proposée dans ce collectif correspond à un effort légitime et important puisqu'il est dirigé vers les plus modestes et qu'elle aidera aussi au retour au travail, préoccupation essentielle au sein de la majorité purielle.
Vos suggestions, madame Beaudeau, sur la baisse éventuelle de la CSG et sur l'avoir fiscal méritent considération, mais il faut bien en mesurer les avantages et les inconvénients. Or des inconvénients existent. Nous aurons vraisemblement l'occasion d'en débattre à l'automne.
Cela étant, toutes ces observations prennent place au sein d'une réflexion globale qui aura lieu lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2001. Cette réflexion devra prendre en compte les attentes de tous les Français, les disponibilités que nous offre la « bonne » croissance, comme le dit M. le rapporteur général, ainsi que les choix permettant de favoriser l'emploi et le retour au travail. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Oudin, tend à étendre à la troisième tranche de l'impôt sur le revenu la baisse de un point que nous proposons sur les deux premières tranches et à faire baisser de deux points au lieu de un point le taux des trois dernières tranches.
Vous comprendrez, monsieur le sénateur, que cette mesure ne peut recueillir l'approbation du Gouvernement à la fois parce qu'elle a un coût - M. le rapporteur général vient de le souligner - que nous ne pouvons pas financer en 2000 et parce qu'elle correspond à une philosophie qui n'est pas celle que nous développons dans ce collectif.
M. le président. Monsieur Oudin, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur général de modifier votre amendement en le reportant après l'article 15 ?
M. Jacques Oudin. J'accepte, bien entendu, la proposition de la commission de finances et je rectifie mon amendement en conséquence.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié bis sera donc appelé après l'article 15.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles additionnels après l'article 1er