Séance du 7 juin 2000






LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2000.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 31 minutes ;
Groupe socialiste : 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans l'intitulé du présent projet de loi, il y a les mots « finances » et « rectificative ».
S'agissant des finances, il ne me semble pas anormal qu'en dernier ressort l'Etat connaisse une évolution dans la masse réelle de ses recettes, et il faut se réjouir que ce soit en plus.
Ce qui peut paraître plus anormal, c'est l'existence de recettes cachées car des obligations ne sont pas remplies. Je cite, par exemple, le report en 1999 du versement à l'Etat de la dette de la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale. Nous verrons bien, mais il est vraisemblable que cela ressortira comme par miracle à la fin de l'année 2000.
A propos de la CADES, je vous réitère ma demande, madame la secrétaire d'Etat, pour que le Gouvernement communique à la commission des finances et à moi-même le tableau d'amortissement de cette dette. Jusqu'à présent, nous n'avons pas pu l'obtenir.
Par ailleurs, il me semblerait logique que l'excédent de la sécurité sociale soit affecté en priorité au remboursement de cette dette qui, je le rappelle, est le stock de déficits antérieurs de la sécurité sociale. Cela éviterait de faire prendre des risques aux générations futures puisque, lors de la dernière consolidation, l'échéance de remboursement de cette dette a été portée de treize ans à dix-huit ans.
En ce qui concerne la partie rectificative, c'est l'occasion de corriger un certain nombre d'erreurs que chacun constate et sur lesquelles tout le monde est d'accord.
J'évoquerai deux amendements que nous examinerons et qui me semblent significatifs.
Le premier a trait à la fiscalité des entreprises de services de moins de cinq salariés. Sont concernés les titulaires de bénéfices non commerciaux, les agents d'affaires et intermédiaires de commerce qui n'ont pas bénéficiés de la baisse de la taxe professionnelle car le mode de calcul de leur prélèvement est différent.
Le second amendement concerne la baisse de la TVA dans la restauration. Il faut mettre fin au scandale de l'avantage que représente pour les fast foods l'application d'une TVA de 5 % seulement. Nous critiquons sans cesse les méfaits culturels de ces établissements, mais ils bénéficient là d'un avantage indu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
J'évoquerai également trois sujets qui ne font pas l'objet d'amendements, mais qui me paraissent très importants et sur lesquels vous pourrez, je l'espère, madame la secrétaire d'Etat, nous apporter une réponse positive.
Je vous avais interrogée sur la suppression du décalage de remboursement de la TVA concernant les collectivités locales. Il manque effectivement quelque 0,9 %. Dans votre proposition de baisser d'un point la TVA, il n'y a rien en faveur des collectivités locales. Je pense que vous avez là une excellente occasion de réparer cet oubli.
Les entreprises, agricoles ou non, qui ont été durement touchées par la tempête, vont voir leurs indemnisations considérées comme des bénéfices exceptionnels et donc être imposés comme tels, de la même façon que leur sera prélevée une cotisation sociale importante.
Ainsi, entre une augmentation des coûts de construction que, à l'heure actuelle, on peut chiffrer à environ 30 % et les prélèvements exceptionnels que je viens d'évoquer, il manquera à peu près la moitié de la somme nécessaire à la reconstitution de leur outil de travail. Je pense, madame la secrétaire d'Etat, qu'il y a là une excellente occasion de montrer que l'Etat, avec ses recettes, peut mettre un terme à cette difficulté.
Les éleveurs dont les troupeaux ont été abattus à cause de l'ESB, la maladie de la « vache folle », connaissent exactement la même situation. C'est plus de 25 % du montant de l'indemnisation qui leur est accordée qui sera prélevée, et ils sont donc dans l'incapacité de renouveler leur cheptel. Il me semble tout de même anormal que l'Etat profite de ces circonstances difficiles pour prélever un impôt supplémentaire qui empêchera les éleveurs de reformer leur troupeau.
M. Gérard Cornu. C'est même scandaleux !
M. Hilaire Flandre. C'est du racket !
M. Philippe Adnot. J'avais déjà évoqué cette question devant vous, madame la secrétaire d'Etat, et vous vous étiez engagée à essayer de trouver une solution. J'attends avec intérêt de savoir quelles mesures concrètes vous compter prendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les hasards de l'ordre du jour du Sénat font de cette première semaine de juin un minimarathon budgétaire. Après nous être projetés hier dans le futur, nous voici de nouveau à la tâche pour rectifier le présent, avant de nous replonger dès demain dans le passé, avec le projet de loi de règlement définitif du budget de 1998. Il convient de féliciter notre rapporteur général, M. Philippe Marini, de la qualité de ses travaux.
M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !
M. Serge Vinçon. Comme toujours !
M. Gérard Cornu. Ses réflexions et ses propositions nous permettront d'effectuer un travail de qualité sur ce collectif budgétaire.
Quatre mois après avoir été adopté par le Parlement, le budget pour 2000 doit être rectifié, à la demande du Gouvernement. Ce que nous disions en décembre dernier était la vérité : les hypothèses sur lesquelles était construit le budget n'étaient pas sincères, à savoir des dépenses mal estimées et des recettes fiscales sous-estimées.
Il convient, pour les analyser, de rappeler les justifications qui ont été avancées par le Gouvernement à l'appui de ce collectif budgétaire. Il s'agit, d'une part, de la nécessaire prise en compte des recettes supplémentaires résultant de la croissance. Il s'agit, d'autre part, d'un ajustement des dépenses à de nouveaux besoins.
Le Gouvernement annonce un montant de recettes fiscales supplémentaires de 51 milliards de francs, qu'il propose de répartir comme suit : 40 milliards de réductions d'impôts et 11 milliards de francs de dépenses nouvelles.
Sur le montant global des recettes supplémentaires, nous avons le sentiment que nous allons revivre, en 2000, la mauvaise pièce que le Gouvernement nous a jouée en 1999. S'agissant de la croissance, tout d'abord, le collectif est fondé sur un taux de 3,6 % - on nous a expliqué qu'il s'agit d'un taux intermédiaire entre 3,4 % et 3,8 % ; c'est incontestable ! - au lieu des 2,8 % du budget 2000, dont tout le monde dénonçait la forte sous-évaluation. Cette prévision révisée reste en deçà de ce qui est prévu par la plupart des instituts de conjoncture, qui tablent sur une croissance dépassant 4 %. Personne ne se plaindra d'un taux de croissance de plus de 4 %, sauf peut-être nos compatriotes lorsqu'ils comprendront que le Gouvernement, par cette sous-estimation, leur confisque in fine une partie des fruits de la croissance.
Comment peut-on faire confiance au Gouvernement, alors que le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur le budget de 1999 montre que les recettes supplémentaires pour l'an dernier dépassaient de 27 milliards les 30,7 milliards reconnus par le Gouvernement devant le Sénat, après, il faut bien le dire, quelques tergiversations ? La fin de l'année 2000 verra, comme la précédente, le Gouvernement multiplier les reports de recettes ou les retards d'encaissement pour masquer la réalité des recettes.
La Cour des comptes chiffre ainsi à 18 milliards de francs les recettes non fiscales de 1999 reportées à 2000, auxquelles s'ajoutent 9 milliards de francs de recettes fiscales tardivement encaissées. Ces 27 milliards de francs qui auraient dû être comptabilisés en 1999 auraient permis de réduire d'autant le déficit budgétaire. Le résultat de 1999 était donc un déficit non pas de 206 milliards de francs, mais de 179 milliards de francs. La piètre performance affichée par le Gouvernement en 2000 en matière de réduction du déficit budgétaire est pire. Non seulement avec 215 milliards de francs, le déficit 2000 est supérieur au déficit de 1999, mais il convient d'y ajouter, par orthodoxie budgétaire, les 27 milliards de francs précités pour arriver à 242 milliards de francs. On en revient, peu ou prou, au niveau de déficit constaté en 1998.
Pour bien comprendre que la réduction du déficit budgétaire n'est plus une priorité pour le Gouvernement, en dépit des avertissements répétés des autorités communautaires, il suffit de constater que ce collectif ne réduit le déficit que de 50 millions de francs, c'est-à-dire d'un montant égal aux crédits supplémentaires accordés à la création artistique ou aux initiatives d'économie solidaire. Loin de nous l'idée de considérer ces secteurs comme minimes, mais, au sein de la politique budgétaire de l'Etat, la réduction des déficits est, pour nous, porteuse d'enjeux plus primordiaux. Ce choix du Gouvernement n'a pourtant pas fait l'objet de commentaires de la part des membres de la majorité plurielle. Chacun ses priorités, mais ce ne sont pas les nôtres !
Nous avons entendu à plusieurs reprises Mme la secrétaire d'Etat au budget railler la politique budgétaire que nous soutenions entre 1993 et 1997. Cette politique a présenté au moins deux avantages : elle mettait les discours en conformité avec les actes, contrairement à ce que fait le gouvernement actuel, et elle a réduit le déficit budgétaire de 6,4 % à 3,5 % du produit intérieur brut.
A l'occasion du débat d'orientation budgétaire, il nous a été indiqué que toutes les marges de manoeuvre supplémentaires dégagées par la croissance d'ici à la fin de cette année seraient affectées à la réduction du déficit budgétaire.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a d'ailleurs une idée assez précise de ces marges de manoeuvre puisque M. Fabius a annoncé un déficit budgétaire pour 2000 autour de 200 milliards de francs, ce qui reste très élevé par rapport à nos partenaires européens et au taux de croissance rectifié de 2000.
Les mesures fiscales incluses dans ce collectif budgétaire appellent divers commentaires.
Il convient tout d'abord de rappeler que l'année 1999 a été marquée par la collecte de 113 milliards de francs d'impôts d'Etat supplémentaires, chiffre qui figure dans le rapport de la Cour des comptes et ne peut donc être contesté.
M. Roland du Luart. C'est vrai !
M. Gérard Cornu. Sur ces 113 milliards de francs, le Gouvernement propose de n'en restituer que 80 milliards en 2000.
Pour l'impôt sur le revenu, le même raisonnement doit être tenu : plus de 30 milliards de francs d'augmentation en 1999, et seuls 11 milliards de francs restitués en 2000 avec la baisse des taux des deux premières tranches du barème. C'est largement insuffisant.
Le Gouvernement indique que cette mesure permettra de sortir du barème 650 000 contribuables. Certes, mais il faut se souvenir que, en 1999, avec la réduction du plafond du quotient familial, ce sont 1,3 million de personnes supplémentaires qui ont été assujetties à l'impôt sur le revenu. En 2000, il restera donc encore 650 000 contribuables à l'impôt sur le revenu qui le sont devenus en 1999, à cause de la politique fiscale du Gouvernement.
M. Roland du Luart. Tout à fait exact !
M. Gérard Cornu. Les états mensuels des recettes fiscales de l'Etat que l'on retrouve sur le site Internet du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont pleins d'enseignements, mes chers collègues.
Les derniers chiffres disponibles à la fin du mois d'avril laissent présager de bien mauvaises surprises pour les contribuables, comme en 1999, lorsque ces derniers recevront leur dernier tiers provisionnel ou leur dernière mensualité. Les recettes de l'impôt sur le revenu ont progressé de 6,1 % par rapport au mois d'avril 1999, soit, sur un an, 20 milliards de francs supplémentaires.
On est loin des 11 milliards de francs généreusement rendus par le Gouvernement !
Pour l'impôt sur les sociétés, les résultats sont aussi intéressants, avec une progression des recettes de 20,8 % entre avril 1999 et avril 2000, ce qui représente plus de 17 milliards de francs en sus.
Ajoutez à cela une progression des recettes de TVA de 3 % et une augmentation de la TIPP de 4 % pour comprendre qu'il sera à nouveau difficile au Gouvernement d'expliquer aux Français que les impôts baissent alors que les prélèvements obligatoires continuent de progresser.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Théorème de Strauss-Kahn !
M. Gérard Cornu. C'est là une mise en garde dont l'auteur, alors président de l'Assemblée nationale et aujourd'hui sur d'autres bancs, nous permettra de la reprendre à notre compte.
Vos propositions en matière d'impôt sur le revenu ne sont pas assez ambitieuses au regard des moyens dont vous disposez. C'est pourtant là que devrait porter l'essentiel de l'effort de l'Etat.
Le Premier ministre a annoncé un budget pour 2001 dont la priorité sera la baisse des impôts directs. Nous sommes sceptiques sur ce que sera l'ampleur de cette baisse. La seule véritable réforme passe par une réduction du nombre des tranches, un élargissement de l'assiette et une baisse des taux, y compris le taux marginal.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ah !
M. Gérard Cornu. Cette réforme s'apparente, en fait, à celle que le Gouvernement a malencontreusement arrêtée en 1997.
On ne peut pas parler de la trop forte pression fiscale subie par nos compatriotes sans en évoquer l'une des conséquences majeures : la délocalisation de personnes physiques contribuables de l'impôt sur le revenu et/ou redevables de l'ISF. La note remise à ce sujet par le Gouvernement en annexe du présent collectif se caractérise par des avertissements de la direction générale des impôts sur le caractère incomplet de l'étude et le manque d'informations disponibles.
Le président de la commission des affaires économiques nous a communiqué hier, à l'occasion du débat d'orientation bugdétaire, des données très précises à ce sujet, qui seront complétées par les travaux de la mission d'information nommée par le Sénat.
Le deuxième allégement concerne la taxe d'habitation. Vous prévoyez de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation et de remplacer les mécanismes actuels de dégrèvement par un plafonnement unique. Cette proposition, sur laquelle le soutien de sa majorité a fait défaut au Gouvernement, puisque ce dernier a dû recourir à une seconde délibération après la suppression, par l'Assemblée nationale, de l'article 6, remet à l'évidence en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Gérard Cornu. Nos suffrages iront plutôt à l'excellente proposition de M. le rapporteur général, qui aboutit à un allégement de la taxe d'habitation équivalent sans suppression de la part régionale, mais par la remise en cause des frais d'assiette et de recouvrement des taxes locales qui atteignent des taux prohibitifs.
Le dernier volet de vos propositions fiscales, madame la secrétaire d'Etat, concerne la baisse d'un point de la TVA. En dépit des très fortes réserves exprimées par le ministère de l'économie des finances et de l'industrie, qui semblait préférer les baisses ciblées, l'annonce en a été faite par le Premier ministre, et il convient maintenant d'exécuter cette mesure fort onéreuse, puisqu'elle s'élève à 18 milliards de francs pour 2000 et à 31 milliards de francs en année pleine.
Les effets de cette décision de réduction prise en période de croissance ne seront pas à la hauteur des attentes du Gouvernement. Les consommateurs finaux ne bénéficieront pas ou presque pas - chacun, ici peut bien le reconnaître - de la baisse du taux, qui sera absorbée par les circuits de distribution.
D'ailleurs, les consommateurs s'aperçoivent peu d'une baisse d'un point du taux de TVA, et une telle diminution n'est au demeurant pas suffisante pour inciter à consommer davantage.
Les premiers chiffres publiés par la direction générale de la concurrence et de la consommation sur les effets de cette mesure, entrée en vigueur le 1er avril dernier, justifient nos craintes : la baisse du taux normal de la TVA a été répercutée entre 57 % et 65 % suivant la nature des magasins étudiés ; ce sont donc de 11 à 13 milliards de francs qui, chaque année, ne seront pas répercutés sur les consommateurs.
Face aux 51 milliards de francs de recettes supplémentaires, le Gouvernement propose 11 milliards de francs de dépenses nouvelles, dont on peut immédiatement suite regretter qu'elles n'aient pas été financées par redéploiements budgétaires. Ce point a d'ailleurs été déjà évoqué par M. le rapporteur général ainsi que par M. le président de la commission des finances.
Nous tenons à faire part de notre préoccupation quant à la gestion de la dépense publique par le Gouvernement. Chacun sait que rien ne peut se faire sans maîtrise des dépenses. Or, que constatons-nous à la lecture du rapport de la Cour des comptes ? Alors que le Gouvernement s'était engagé sur une augmentation des dépenses de 1 % en volume en 1999, le résultat final est de 2,8 %. Triste performance !
En ce qui concerne le volet « dépenses », il convient de revenir sur le problème posé par le déséquilibre du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il manque 7 milliards de francs de ressources à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du mois de décembre dernier. Ce fonds est un établissement public à caractère administratif dont les comptes doivent être équilibrés soit par des recettes affectées, soit par une subvention de l'Etat. Il n'y a rien, dans le collectif budgétaire, qui vienne procéder à cet équilibre, ce qui remet en cause sa sincérité.
Je dirai quelques mots sur les finances locales, pour dénoncer l'attitude de certains députés qui, moins d'un an après l'adoption de la loi sur l'intercommunalité, profitent de ce collectif budgétaire pour remettre en cause l'équilibre qui avait été trouvé en commission mixte paritaire à propos de l'intégration de la redevance d'assainissement dans le coefficient d'intégration fiscale.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Gérard Cornu. On ne peut pas se parer des habits de promoteur de l'intercommunalité et installer les établissements publics de coopération intercommunale dans l'insécurité juridique et l'instabilité financière. Nous en reparlerons à l'occasion de l'examen des articles, mais sachez déjà que nous ne saurions admettre de telles méthodes.
M. Jacques Oudin. Bravo !
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Gérard Cornu. Le coût des nombreuses créations de communautés d'agglomération n'a pas été intégralement pris en compte dans ce collectif budgétaire seulement 250 millions de francs, alors qu'il fallait 497 millions de francs, soit deux fois plus.
Le budget pour 2001 devra intégrer 500 millions de francs pour la dotation de solidarité urbaine, 150 millions de francs pour la dotation de solidarité rurale, 200 millions de francs pour les conséquences du recensement et 500 millions de francs pour la coopération intercommunale, soit un total de 1 350 millions de francs qu'il convient de budgétiser dès maintenant.
A l'évidence, ce projet de loi de finances rectificative pour 2000 manque de souffle et les marges de manoeuvre dégagées par la croissance ne sont pas utilisées à bon escient. Le déficit budgétaire pour 2000 est supérieur à celui de 1999. Les dépenses ne sont pas maîtrisées.
Le groupe du Rassemblement pour la République soutiendra les propositions de la commission des finances, qui visent à modifier en profondeur ce collectif afin de le rendre plus en phase avec les légitimes attentes de nos compatriotes qui produisent des richesses et créent des emplois. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les plus-values fiscales dégagées en 1999 et celles qui sont prévisibles pour l'an 2000 engendrent un mouvement de plus de 50 milliards de francs. C'est donc dans un débat quant à la répartition des fruits de la croissance que nous nous plaçons.
Pour ce qui nous concerne, nous avons demandé, voire « porté » ce collectif, afin de mieux répondre tant aux revendications exprimées ces derniers temps, notamment dans les écoles, dans les hôpitaux et dans les services publics que, plus généralement, aux besoins exprimés dans notre pays.
Je ne reviendrai pas sur tous ces mouvements sociaux ; mais nous nous devons de lever les doutes des uns et des autres sur la répartition de la croissance et, en même temps, de donner le signe précurseur de bouleversements plus profonds à venir dans le cadre de la loi de finances de 2001.
Bien sûr, nous voyons dans ce collectif une première réponse au financement de besoins clairement identifiés, mais nous y voyons aussi, malheureusement, des financements qui nous apparaissent plus comme un saupoudrage que comme une réponse réelle à la demande.
C'est notamment le cas pour l'éducation nationale, avec 2 % des crédits de ce collectif.
Nous apprécions évidemment l'effort qui est accompli, avec des ouvertures de crédits pour 1 milliard de francs, mais nous estimons que c'est encore trop peu. De multiples défis doivent, en effet, être relevés : comment mieux former les jeunes ? Comment leur permettre d'accéder aux métiers de demain ?
Même si M. le ministre de l'éducation nationale s'est engagé dans une large concertation avec l'ensemble des acteurs de l'éducation, nous estimons utile, pour notre part, que ce collectif soit l'occasion de marquer plus nettement encore notre attachement commun à l'école de la réussite en majorant de 1 milliard de francs les crédits ouverts par le projet de loi initial.
C'est aussi le cas concernant le plan de modernisation des établissements hospitaliers, qui recouvre des questions comme le statut des internes, celui des personnels ou les moyens nécessaires à l'adaptation des établissements.
N'en déplaise à notre collègue Charles Descours, les 2,6 milliards de francs correspondent à une partie de ce que demandaient les agents et que nous-mêmes demandions.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Nous aussi !
M. Thierry Foucaud. Tout laisse cependant penser, monsieur Descours, que les sommes mobilisées vont apparaître insuffisantes pour faire face aux besoins tels qu'ils s'expriment au cas par cas de l'analyse de la situation de chaque établissement.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Demandez avec moi un collectif sur la loi de financement !
M. Thierry Foucaud. Une autre préoccupation concerne l'emploi des jeunes et le devenir du plan emploi-jeunes.
Il nous semble important que l'on crée les conditions d'une intégration dans l'emploi et dans les statuts existants des jeunes concernés et qu'ils puissent, par exemple, passer tel ou tel concours.
L'expérience des emplois-jeunes doit donc être validée dans le rapport qu'elle a permis de créer entre la population et certains services publics, comme dans le rapport qu'elle a recréé entre ces jeunes et l'emploi. Il serait dommage que cet acquis, faute de sortie positive, soit dilapidé.
Nous proposerons donc un amendement visant à mettre à la disposition des collectivités et des administrations accueillant aujourd'hui ces jeunes, sous forme de crédits d'intervention à répartir, les sommes nécessaires à la réalisation de toute action susceptible de positiver l'acquis et l'expérience des emplois-jeunes.
Vous comprendrez qu'au-delà de certains engagements pris par le Gouvernement en matière européenne c'est aussi le respect des engagements pris devant le peuple en 1997 qui doit guider les choix budgétaires de notre pays.
Répondre aux besoins collectifs, oeuvrer à rendre plus efficace la dépense publique, la majorer, au besoin, en fonction des priorités du développement social et de celui du pays, voilà ce qui doit être au coeur de la démarche du gouvernement de la gauche plurielle.
Cela dit, revenons-en aux recettes de ce collectif budgétaire.
Compte tenu de la date de sa discussion, ce projet de loi de finances rectificative présente, bien entendu, d'autres caractéristiques qu'un collectif de fin d'année, qui tend un peu, dans l'absolu, à « solder les comptes de l'exercice ».
Plus de 40 milliards de francs sont mobilisés par la baisse des impôts, qui concerne d'abord l'impôt sur le revenu, la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe d'habi-tation.
Nous aurons évidemment l'occasion, dans le cadre de la discussion des articles, de revenir plus complètement sur les mesures qui sont préconisées, mais permettez-moi d'emblée de poser un certain nombre de questions.
Nous sommes évidemment très favorables à la réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, et nous souhaitons d'ailleurs clairement que soit définitivement effacée, dans un proche avenir, la majoration décidée par la majorité de droite en 1995.
Cher collègue Gérard Cornu, vous venez de dire que 1 % de moins, cela ne se voit pas ; mais permettez-moi de dire que 2 % de plus en 1995, cela s'est vu !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avions pas la croissance !
M. Thierry Foucaud. Ni la même politique non plus !
M. Guy Fischer. Ne défendez pas l'indéfendable, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il fallait bien équilibrer les comptes !
M. Thierry Foucaud. Nous pensons qu'il faut même envisager d'aller plus loin en matière de droits indirects, car les taxes sur l'essence et le fioul sont trop importantes et pèsent sur la consommation des produits pétroliers. Et je ne suis pas seul à le dire, pas plus que le groupe communiste républicain et citoyen : c'est ce que disent toutes les Françaises et tous les Français.
M. Jean-Claude Carle. Tout le monde le dit, en effet ! Nous sommes d'accord à cet égard.
M. Thierry Foucaud. Si nous apprécions la mesure sur l'impôt sur le revenu, nous attendons que, pour renforcer son efficacité, soit réalisée une évolution sensible de son assiette.
Le maintien de nombreuses dispositions dérogatoires favorables aux placements et revenus financiers ne participe pas des objectifs généraux de justice fiscale, de redistribution sociale et d'efficacité économique que l'impôt sur le revenu doit essayer d'atteindre.
Comment tolérer, en effet, que persiste aujourd'hui un tel décalage entre la contribution sociale généralisée et l'impôt sur le revenu, les salaires et revenus assimilés étant largement plus soumis à imposition ?
Le choix d'un allégement de la contribution sociale généralisée aurait pu être effectué, étant immédiatement palpable par l'ensemble de nos compatriotes, dont celles et ceux qui ne paient pas aujourd'hui d'impôt sur le revenu et que l'aménagement du barème ne concerne donc pas.
S'agissant des impôts locaux, nous estimons là encore que le choix opéré est pleinement justifié et légitime, mais qu'il mérite de manière évidente d'être intégré à une réforme plus générale de la fiscalité locale.
Réduire la taxe d'habitation est un bon choix, mais cela ne clôt pas le débat, en particulier sur la taxe professionnelle, la révision des valeurs locatives, l'importance relative des dotations et de la fiscalité dans le budget des collectivités locales.
En effet, venant après la suppression progressive de la part imposable assise sur les salaires, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation participe tant de la réduction des capacités autonomes de gestion des collectivités territoriales que d'une spécialisation des recettes fiscales qui peut poser problème.
De plus, la charge fiscale pesant sur les ménages demeure assez largement supérieure à celle qui est imposée aux contribuables de la taxe professionnelle.
Nous attendons donc du débat sur ce projet de loi de finances rectificative comme du débat sur le projet de loi de finances pour 2001 qu'ils permettent de prendre mieux en compte ces réalités.
Nous avons eu l'occasion de le souligner dans le cadre de la discussion des orientations budgétaires, et c'est particulièrement valable ici.
Nous nous plaçons donc dans ce débat sur une ligne claire : nous partageons une part importante des choix opérés par le texte, mais nous estimons nécessaire, dans certains domaines, de relancer la réflexion et de formuler des propositions libérées de critères de gestion trop restrictifs.
Le groupe des sénateurs et des sénatrices communistes républicains et citoyens entend marquer ce débat en faisant des propositions pour aider à développer la politique menée par la majorité de gauche plurielle.
Il se situera donc clairement à l'encontre des propositions de la majorité sénatoriale, dont l'indignation fiscale s'avère une fois de plus pour le moins sélective et se plie sans cesse au dogme de la réduction des dépenses publiques.
Nous faisons et ferons de nos propositions et de nos observations un élément dynamique de la démarche politique de la gauche plurielle, répondant par là même aux attentes qu'expriment nos compatriotes.
En fin de compte, pour revenir, en quelque sorte, au point de départ de mon intervention et faire un lien avec le très intéressant débat d'orientation que nous avons eu hier, permettez-moi de vous poser une question, madame le secrétaire d'Etat.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a annoncé un nouveau collectif budgétaire de fin d'année, collectif qui ramènerait le déficit final des comptes publics pour 2000 à moins de 200 milliards de francs, et plus précisément aux alentours de 195 milliards de francs.
M. Hilaire Flandre. Cela fait combien de SMIC ?
M. Thierry Foucaud. Cela signifie-t-il que l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui n'a qu'une portée relative et une valeur d'étape, en quelque sorte, puisque le rythme d'encaissement des recettes fiscales est suffisamment soutenu pour que de nouvelles marges voient le jour ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est probable !
M. Thierry Foucaud. L'état de l'exécution budgétaire fin avril 2000 nous apporte d'ailleurs des indications significatives : le déficit a été réduit de près de 25 milliards de francs par rapport à avril 1999, et cette réduction est imputable tant à la maîtrise des dépenses, en baisse de près de deux points, qu'au dynamisme des recettes, avec des rendements en hausse de trois points pour la TVA, de six points pour l'impôt sur le revenu et de plus de vingt points pour l'impôt sur les sociétés.
Ce sont près de 25 milliards de francs de recettes fiscales nouvelles qui ont été perçues en quatre mois, et je pense que les mesures de réduction d'impôt prévues par le collectif actuel ne ralentiront pas fortement ce mouvement de progression.
Nous ne nous en plaindrons d'ailleurs pas forcément, le niveau des rentrées fiscales attestant l'amélioration de la situation économique. Nous estimons donc qu'une part plus importante des marges existantes doit, dès lors, être effectivement consacrée à répondre aux besoins, notamment sociaux.
Les amendements que nous défendrons au fil de l'examen des articles porteront sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de ce collectif témoigne de la capacité du Gouvernement à accompagner la reprise économique tout en permettant aux Français de bénéficier des fruits de la croissance retrouvée. Il montre également que la politique de réformes se poursuit.
Que n'a-t-on entendu sur les travées de la majorité sénatoriale : les 35 heures, les emplois-jeunes, toutes ces mesures devaient pénaliser notre économie, freiner l'investissement et casser la croissance. Force est de constater qu'à jouer les oiseaux de mauvaise augure, il arrive, bien heureusement, qu'on se trompe !
Que vous le vouliez ou non, chers collègues de la majorité sénatoriale, le Gouvernement a su rapidement gagner la confiance de nos concitoyens, alors que vous aviez mis si peu de temps pour la perdre. Et cette confiance retrouvée s'inscrit dans la durée !
Aujourd'hui, sur ce collectif, 40 milliards de francs sont réservés à des baisses d'impôts, sur un total de 51,4 milliards de francs, qui viennent s'ajouter aux 40 milliards de francs votés en loi de finances initiale.
Ce niveau de recettes exceptionnel est dû à un niveau de croissance rarement atteint, qui dépasse les prévisions les plus optimistes tout en étant supérieur à ceux de nos principaux partenaires. La France est devenue la locomotive économique de l'Europe.
La réduction de notre déficit se poursuit et atteindra, en fin d'année, 200 milliards de francs environ. Le taux de chômage, encore trop élevé, est passé sous la barre des 10 % de la population active. Nous nous réjouissons tous de ces résultats, que la plupart d'entre nous n'avaient pas imaginés.
La baisse de la TVA de 20,6 % à 19,6 % entraîne une hausse du pouvoir d'achat des ménages qui peut être évaluée à 18,5 milliards de francs. Elle fait suite aux baisses ciblées, en particulier à celle qui s'applique aux logements sociaux et aux travaux d'entretien et de réhabilitation des logements, où le taux est passé de 20,6 % à 5,5 %.
Nos concitoyens sont sensibles à ces mesures, qu'ils apprécient d'autant plus qu'ils considèrent cet impôt comme particulièrement injuste.
L'allégement de l'impôt sur le revenu de 11 milliards de francs prévu dans ce collectif permet, lui aussi, une hausse du pouvoir d'achat des ménages, due à la baisse, pour l'imposition des revenus de 1999, des taux d'imposition des deux premières tranches du barème, qui passent de 10,5 % à 9,5 % et de 24 % à 23 %. Cette baisse profite relativement plus aux foyers de condition modeste ou moyenne, puisque 650 000 foyers supplémentaires seront exonérés de l'impôt sur le revenu.
J'en viens à la réduction de la taxe d'habitation. Pour la rendre plus juste et plus efficace économiquement tout en n'affectant pas les ressources des collectivités locales - puisqu'elle sera compensée par dégrèvement en 2000 et par une compensation dans la DGF à partir de 2001 - la suppression de la part régionale a été choisie. Elle représente 5,8 milliards de francs.
Le remplacement du dégrèvement actuel par un plafonnement de la taxe en fonction du revenu fiscal de référence des redevables modestes et moyens représente, lui, 5,2 milliards de francs. C'est donc 11 milliards de francs de pouvoir d'achat supplémentaire qui seront injectés dans l'économie.
Je n'aurai garde d'oublier les 190 millions de francs d'allégements fiscaux dus à diverses mesures.
Notre solidarité s'exprime aussi en direction des victimes des intempéries : inondations, cyclones, marée noire, tempêtes. A cet effet, 10 milliards de francs sont prévus dans ce collectif.
Nous ne pouvons que nous réjouir, par ailleurs, des crédits supplémentaires alloués à l'éducation nationale et aux hôpitaux. Nos concitoyens sont en effet attachés à leur système de soins et de protection sociale. Nous sommes loin des orientations de M. Juppé, qui avait fixé l'augmentation des dépenses hospitalières à 1 % !
Bien qu'elle ne suffise pas à corriger toutes les inégalités, l'augmentation de 2,4 % décidée cette année témoigne de la volonté du Gouvernement de faire fonctionner notre service public dans de meilleures conditions. C'est seulement ainsi que nous pourrons garantir des soins de qualité à tous.
Vous nous proposez, madame la secrétaire d'Etat, un plan de diminution des prélèvements fiscaux de 120 milliards de francs entre 2000 et 2003, auxquels s'ajoutent les 40 milliards de francs prévus dans ce collectif, soit un total de 160 milliards de francs.
Cet effort très significatif me paraît raisonnable ; il permet de préserver les capacités d'investissement de l'Etat tout en maintenant les services publics indispensables à l'équilibre social et territorial de notre pays.
Monsieur le rapporteur général, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt un article publié dans La Tribune, dans lequel vous écrivez qu'il faut aller « plus loin, plus vite, plus fort ».
Vous êtes insatiable, monsieur le rapporteur général !
M. Serge Vinçon. Il a raison !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai encore de l'appétit !
M. Gérard Miquel. Les réductions de prélèvements fiscaux proposées par le Gouvernement vous paraissent trop faibles. Vous proposez des baisses massives et durables d'impôts et de cotisations sociales,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Gérard Miquel. ... à hauteur de 250 milliards de francs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais aider le Gouvernement !
M. Gérard Miquel. Vous critiquez la proposition de suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, mesure de justice sociale s'il en est, et vous proposez de diminuer l'impôt sur le revenu sur certaines tranches.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Toutes les tranches !
M. Gérard Miquel. Là, je crains le pire !
Pour ce qui est des réductions des cotisations patronales, que vous souhaitez, il faudrait vous mettre d'accord avec vos collègues députés, qui, eux, proposent une réduction de la part salariale.
En fait, il semble qu'il manque un volet essentiel à toutes vos propositions. En effet, dans quel secteur ferez-vous baisser les dépenses publiques : l'éducation, la santé, la justice, la sécurité, la défense - je vous ai entendu réclamer plus de crédits pour la défense - ou les investissements structurants ? Pour être crédible, vous devriez aller au bout de votre démarche.
De 1993 à 1997, vous n'avez eu de cesse d'augmenter les prélèvements. Ainsi, le taux de la TVA a été majoré de deux points. Inutile de souligner que ces augmentations restent ancrées dans toutes les mémoires !
Aujourd'hui, le Gouvernement va à son rythme, et les Françaises et les Français apprécient la méthode équilibrée retenue. Bien sûr, sa réussite agace parfois certains d'entre vous, mais les résultats obtenus démontrent de façon évidente la justesse des mesures prises.
Monsieur le rapporteur général, évoquant, tout comme M. le président de la commission des finances, l'attribution des quatre réseaux de téléphonie mobile de troisième génération, dont on attend un résultat financier de 130 milliards de francs, vous avez dénoncé la façon dont cette somme serait utilisée. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a pourtant donné des explications très précises sur cette utilisation et sur la méthode retenue.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh bien, si vous trouvez que c'était précis !
M. Gérard Miquel. Souvenez-vous, monsieur le rapporteur général, de la manière dont a été utilisée la soulte de France Télécom ! A l'époque, que je sache, je ne vous ai pas entendu la dénoncer !
M. Philippe Marini, repporteur général. Cela n'a rien à voir, cela a été décidé par le Parlement !
M. Gérard Miquel. Bien sûr, cela a été décidé par le Parlement, mais ces 37,5 milliards de francs qui ont été affectés au budget général en 1997 étaient destinés à un autre usage.
A tout prendre, je préfère la méthode utilisée pour les 130 milliards de francs qui vont arriver progressivement dans les caisses de l'Etat au cours des prochaines années à celle qui a été employée en 1997 pour la soulte de France Télécom.
Je terminerai mon propos en constatant que la politique volontariste du Gouvernement porte aujourd'hui ses fruits, en alliant efficacité économique et justice sociale.
C'est pourquoi le groupe socialiste, dans son ensemble, apportera un soutien sans réserve à ce collectif que vous nous proposez, madame la secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat est quelque peu paradoxal. En effet, on a l'habitude de discuter ici d'un collectif budgétaire en cas de changement de gouvernement ou de majorité.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce sera peut-être le cas !
M. Serge Vinçon. Présage !
M. Yves Fréville. A la suite d'un rapport de MM. Nasse et Bonnet, le gouvernement de M. Jospin avait trouvé bon le budget que la majorité sénatoriale avait adopté, avec la majorité d'alors de l'Assemblée nationale, puisqu'il n'y avait pas eu besoin de faire un collectif budgétaire.
M. Jean-Pierre Demerliat. A ce moment-là, il n'y avait pas d'argent en trop !
M. François Autain. C'est sûr !
M. Yves Fréville. Et voilà que, lorsque apparaît une croissance dite « exceptionnelle », mais qui n'a rien d'exceptionnelle puisque la France.
M. Yves Fréville. ... se situe dans la moyenne mondiale, le Gouvernement, totalement surpris, nous présente un collectif budgétaire !
Il semble bien - M. le rapporteur général l'a très bien dit - qu'il s'agisse, en réalité, de l'examen de rattrapage de l'épisode de la vraie-fausse cagnotte de 1999.
Au fond, il est d'assez bonne guerre que la majorité plurielle ait rappelé au Gouvernement, et à Bercy, que certaines réalités électorales ne devaient pas être ignorées, qu'il existait un calendrier des élections locales et nationales et que, par conséquent, certains changements de politique s'avéraient nécessaires, surtout après le coup de semonce résultant de l'annonce de prélèvements obligatoires atteignant le niveau record de 45,7 % du PIB, soit 0,8 % de plus que l'année passée - du jamais vu !
J'ai néanmoins apprécié, hier soir, l'humour de M. le ministre des finances, qui nous a expliqué que ce n'était pas là l'objet essentiel du collectif, qu'il s'agissait uniquement d'obtenir l'autorisation de 10 milliards de dépenses supplémentaires.
Je suis très étonné que l'on n'ait pas trouvé d'autre méthode pour arriver à ce même résultat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un décret d'avance !
M. Yves Fréville. Oui, un décret d'avance qui aurait été régularisé dans le collectif de fin d'année, comme cela est régulièrement le cas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! On le fait chaque année.
M. Yves Fréville. Cet argument des dépenses supplémentaires me paraît d'autant plus faux que Mme le secrétaire d'Etat n'a pas manqué de nous dire tout à l'heure que l'on verrait sans doute des dépenses disparaître, qu'il ne s'agissait que de plafonds de dépenses et que, par conséquent, rien n'obligeait à dépenser tout ce qui avait été inscrit.
La réalité est donc bien celle que j'ai dite : nous avons là un programme qui prépare à certaines échéances.
De plus, mes chers collègues, ce collectif change une donne essentielle, je dirai même marque une rupture, avec la fin du processus de réduction du déficit budgétaire.
Nous avions un déficit budgétaire qui était, en exécution, l'an passé, de 206 milliards de francs ; nous avons aujourd'hui 50 milliards de francs de recettes supplémentaires. Et que voyons-nous ? Que le déficit budgétaire reste à 215 milliards de francs.
Bien sûr, s'il y a encore des recettes supplémentaires, il nous est dit que peut-être à la fin de l'année !... Je voudrais en avoir la certitude parce qu'il y a toujours, en fin d'année, des dépenses supplémentaires à financer, comme l'a très bien dit M. Descours. Nous aurons sans doute la note du FOREC à payer.
En tout cas, je note un changement complet de ligne directrice, l'abandon de la réduction progressive du déficit budgétaire, le choix fait de réduire les impôts d'aujourd'hui au détriment des impôts de demain, comme cela a été dit en conclusion par M. le rapporteur général.
Ne voulant pas reprendre l'ensemble du débat que nous avons eu hier soir, je ferai porter mon propos simplement sur deux points.
Ma déception, au fond, est grande, d'abord, quant aux progrès de la transparence. Vous avez dit tout à l'heure, madame le secrétaire d'Etat, que la transparence était l'idée maîtresse de ce collectif budgétaire.
Mon inquiétude est encore plus vive, ensuite, quant à votre vision à courte vue de certaines réformes fiscales, et je me contenterai, à cet égard, d'aborder le problème de la réforme des finances locales.
Tout d'abord, devons-nous parler, dans ce collectif, d'obscurité ou de transparence ? Il faut choisir !
Je formulerai quatre remarques.
D'abord, j'aurais parfaitement compris la nécessité d'un collectif s'il avait été fondé sur une révision en forte hausse des prévisions de croissance. Or, vous nous proposez une révision à 3,6 %. C'est effectivement 0,8 % de mieux que ce que l'on prévoyait à la mi-1999, et je m'en réjouis, mais ce n'est jamais que la moyenne mondiale, ainsi que je l'ai dit.
Ce qui m'étonne - et c'est là que je vois quelque obscurité dans vos propos - c'est qu'une telle accélération aujourd'hui reconnue, acquise, de 0,8 % - il ne s'agit pas de savoir si nous aurons encore plus à la fin de l'année - ne produirait qu'une dizaine de milliards de francs de ressources supplémentaires.
Ma deuxième remarque - on l'a dit et redit, mais il faut parfois enfoncer le clou ! - c'est que vous engrangez une quinzaine de milliards de francs de recettes non fiscales qui ont été reportées de 1999 sur 2000 par un simple jeu de cavalerie qui vous a valu un sévère rappel à l'ordre de la Cour des comptes, entendez des versements différés de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, et de la Caisse des dépôts, versements que l'on avait omis d'appeler pour le 31 décembre.
Si ces ressources avaient été encaissées avant le 31 décembre, conformément à la volonté du Parlement, le déficit budgétaire en aurait été réduit d'autant. Aussi, la seule façon logique, à mes yeux, de couvrir cette grave irrégularité eût été de réduire le déficit exactement du même montant dans ce collectif : les 15 milliards de francs auraient dû être encaissés l'année dernière et auraient servi à réduire le déficit ; comme cela n'a pas été fait, il fallait le faire cette année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Yves Fréville. Telle est, me semble-t-il, la deuxième irrégularité.
Ma troisième remarque relative à l'obscurité a trait à ce qu'on appelle, dans le jargon financier, le rebasage des recettes de l'an 2000, à la suite d'une sous-évaluation des recettes de l'an passé. C'est une opération purement technique, mais pas inintéressante, dans le détail de laquelle je n'entrerai pas.
Ce qui est intéressant, c'est que la Cour des comptes nous informe que l'opération de cavalerie de fin 1999 concernait également les comptes d'imputation provisoire de la TVA à hauteur de 9 milliards de francs, qui s'ajoutaient donc aux 15 milliards de francs dont je viens de parler.
Il aurait été parfaitement logique que ces 9 milliards de francs supplémentaires réapparaissent en sus des recettes de cette année. Or, tel n'est pas le cas. D'où ma question très simple : cela veut-il dire que vous comptez, à la fin de l'année, recommencer l'opération une nouvelle fois, en créant de nouveaux comptes d'imputation provisoire, avec 9 milliards de francs supplémentaires ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Jusqu'en 2002 !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas l'envie qui manque !
M. Yves Fréville. J'ai tout de même pris acte, madame le secrétaire d'Etat, de votre promesse que les éventuelles recettes supplémentaires serviraient à réduire le déficit. Nous attendons ; nous verrons bien ce qu'il en sera lors du collectif de fin d'année.
J'ajoute - ce sera ma dernière remarque concernant les problèmes de transparence - qu'il faut supprimer une absurdité qui réduit de façon totalement fictive les recettes et les dépenses de l'Etat dans l'article d'équilibre. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Mes chers collègues, certains d'entre nous vont voter - je ne préjuge pas des votes - 11 milliards de francs de réduction de la taxe d'habitation, c'est-à-dire 11 milliards de francs de dégrèvement. Tout citoyen sensé pourrait croire, bien entendu, qu'il y aura, de ce fait, 11 milliards de francs de dépenses supplémentaires dans le budget de l'Etat. Eh bien, pas du tout ! Les dépenses ne vont pas augmenter ; ce sont les recettes de l'Etat qui vont diminuer de 11 milliards de francs parce que l'on rembourse les contribuables locaux de cette somme !
Permettez-moi de dire que ce jeu d'écriture prend des allures de plus en plus graves parce que, en 1999, le total des dégrèvements d'impôts locaux s'est élevé à 64 milliards de francs, 64 milliards de francs qui, véritablement, échappent à une lecture saine et cohérente du budget général.
Voilà quelques remarques sur les problèmes d'obscurité ou de transparence.
Je voudrais maintenant aborder une question de fond et dire mon inquiétude quant à la vision à courte vue de la réforme de la fiscalité locale que traduit ce collectif.
En affectant 40 milliards de francs à la baisse des impôts, le Gouvernement se donnait les moyens de procéder à une vraie politique de réforme fiscale. Mais il a préféré la technique du saupoudrage ; nous avons abordé ce sujet au cours de la nuit dernière, je n'y reviendrai pas. Je rappellerai simplement que mon groupe regrette très vivement que le Gouvernement ne se soit pas engagé dans une politique de réduction du « coin fiscal », c'est-à-dire de l'écart entre les salaires bruts et les salaires nets par une politique de crédit d'impôt qui aurait bénéficié à tous les salariés dont les revenus sont inférieurs à 1,3 fois le SMIC. Mais ce que vous nous proposez, c'est un allégement de taxe d'habitation à hauteur de 11 milliards de francs.
Cet allégement est-il justifié ? Je voudrais commencer par demander si l'Etat est partiellement responsable de certaines injustices en matière de taxe d'habitation. Je crois que oui, et cela pour deux raisons essentielles.
Il est tout à fait vrai - notre collègue M. Delfau le rappelait hier soir - que les collectivités, qui lèvent une forte taxe d'habitation, sont souvent celles qui perçoivent peu de taxe professionnelle. Et si cette situation subsiste, c'est bien parce que notre politique de péréquation est absolument insuffisante. Faute d'avoir corrigé suffisamment les inégalités de potentiel fiscal entre nos communes, nos départements, on est entré voilà déjà quinze ou vingt ans dans une mécanique absolument démentielle qui consiste à essayer de corriger les inégalités par des dégrèvements qui concernent les contribuables, lesquels dégrèvements et compensations s'élèvent actuellement à près de 90 milliards de francs. Comme des sommes énormes sont ainsi mises au service de cette politique, on ne dispose plus de sommes pour la péréquation.
Or, ce que nous propose le Gouvernement, c'est d'aller encore plus loin dans cette direction : non contents d'abandonner la péréquation, on corrige à coups de dégrèvements l'absence de péréquation.
Ensuite, et tout le monde ne sera sans doute pas d'accord avec mes propos - comme le rappelait hier notre collègue M. du Luart, pas un gouvernement n'a eu le courage de mettre en application la révision des bases locatives. Comment voulez-vous que des évaluations cadastrales vieilles d'une trentaine d'années aient encore quelque sens et ne conduisent à des situations individuelles iniques en matière de taxe d'habitation.
J'ajouterai - et cela a été bien vu par la commission - que ces injustices sont doublées pour les propriétaires accédants, car, elles concernent non seulement les bases de la taxe d'habitation, mais également celles de la taxe foncière, pour laquelle, d'ailleurs, les dégrèvements sont négligeables, et qui frappe aussi les organismes d'HLM puisqu'elle est comprise dans leurs charges.
Madame le secrétaire d'Etat, vous aviez l'occasion d'utiliser la marge de manoeuvre du collectif pour mettre enfin en place cette révision des bases en atténuant les transferts de charges qu'elle engendrerait et en redonnant ainsi un fondement sain à notre fiscalité locale frappant les ménages.
Nous savons tous que le principal blocage à lever résulte de la décision de créer un groupe spécifique d'évaluation pour les HLM. De ce fait, si l'on appliquait la réforme de 1990 telle quelle, plus une commune comprendrait d'HLM, dont les valeurs ont été réduites, plus la charge de la taxe d'habitation serait reportée sur les autres habitants.
Il aurait suffi - et cela aurait pu être accepté par votre majorité plurielle - de recycler une partie de ces ressources en faveur des communes comptant de nombreux logements HLM, et vous auriez rendu la réforme viable.
Telles sont les responsabilités de l'Etat. Le Gouvernement n'ayant pas voulu s'engager dans la politique à long terme que je viens de préconiser, ses propositions à court terme sont néanmoins inacceptables à la fois pour les collectivités locales et pour les contribuables locaux.
Pourquoi s'être engagé dans cette politique ? Je me le demande ! Véritablement, ces propositions gouvernementales vont tout à fait à l'encontre de la politique de décentralisation et d'autonomie des collectivités locales que vous prétendez défendre. Dans ce domaine, votre politique est quelque peu schizophrène, à moins qu'il ne s'agisse d'une politique de Gribouille - je ne sais comment la qualifier - puisque vous faites, d'un côté, ce qu'il ne faut pas faire, de l'autre.
Plusieurs de nos collègues ont d'ailleurs très bien démontré - c'est pourquoi j'irai très vite - qu'il n'y a plus d'autonomie locale si les collectivités ne conservent pas la possibilité de fixer librement au moins une partie de leurs ressources. Or l'indice de dépendance, c'est-à-dire le rapport des compensations et des dégrèvements à la fiscalité directe locale, explose. Si la liberté d'agir des collectivités locales se limite à affecter entre diverses dépenses des enveloppes fixées par l'Etat, ce sont de véritables principaux fictifs qui renaissent, et la décentralisation est mort-née.
De plus, et c'est un argument fort, il faut que les élus locaux soient fiscalement responsables devant leurs électeurs également contribuables puisque le marché « politique » - employons le mot même s'il fait hurler certains - ne peut fonctionner que si plus de dépenses locales se traduisent par plus de cotisations sur la feuille d'impôt, que moins de dépenses conduisent à moins d'impôts. Comment voulez-vous autrement juger de l'efficacité des équipes municipales ou départementales ?
A cet égard, votre réforme est deux fois discutable.
Vous supprimez la part régionale de la taxe d'habitation. Alors, quel est le lien qui demeurera entre la région et l'ensemble des ménages appartenant à cette région ? Il n'y a pas d'autres impôts que la taxe d'habitation qui, aujourd'hui, lie la région à tous ses électeurs. Bien sûr, on pourrait imaginer d'autres impôts : une taxe sur le téléphone ou une taxe régionale sur le revenu. Mais ce n'est pas l'enjeu. Vous supprimez le seul lien, et je crois, par conséquent, que la commission a eu parfaitement raison de le maintenir, faute d'une autre réforme proposée par le Gouvernement.
Mais, surtout, votre mécanisme de dégrèvement est totalement déresponsabilisant. Certes, vous avez raison de le simplifier, mais en fait vous allez cumuler tous les inconvénients des anciens systèmes. Quand on regarde les chiffres - et vous avez publié un rapport fort intéressant sur la taxe d'habitation - plus une commune élève sa pression fiscale, plus elle augmente le taux de la taxe d'habitation et plus l'Etat va verser à ses contribuables des dégrèvements. On aboutit à une situation où, dans les grandes villes qui pratiquent des taux d'imposition élevés, 50 % de la population bénéficie d'exonérations, de dégrèvements de taxe d'habitation.
Le dégrèvement, c'est l'anesthésie du contribuable local. Dès lors, quel intérêt y a-t-il à gérer avec rigueur une ville si la moitié des électeurs n'en constate pas les effets ?
Par voie de conséquence, le mécanisme des dégrèvements est devenu totalement « contre-péréquateur ».
J'ai étudié les chiffres, de votre rapport, madame le secrétaire d'Etat. J'ai calculé combien les dégrèvements rapportaient dans chaque département. Les résultats sont absolument extraordinaires.
Savez-vous, mes chers collègues, quel est le département où les dégrèvements apportés par l'Etat sont les plus élevés ?... Les Alpes-Maritimes avec plus de 500 francs par habitant.
Savez-vous quel est le département qui bénéficie le moins de cette politique de l'Etat ? Il s'agit d'un département dont personne n'imaginait la richesse : la Lozère !
Si cet exemple ne vous satisfait pas, j'indique que le département qui précède la Lozère dans ce classement est celui de la Haute-Saône, avec un dégrèvement de 100 francs par habitant. Le département des Alpes-Maritimes - quand j'évoque le département, il s'agit en fait de l'ensemble de ses collectivités locales et de ses habitants - est-il le plus pauvre de France, et la Lozère est-elle le département le plus riche ? Evidemment non.
Cette politique déresponsabilisante, dont les effets vont à l'encontre de la péréquation, ne peut pas être considérée comme une politique fiscale rationnelle.
J'aurai également l'occasion, lors de l'examen des articles, de montrer que le mécanisme de dégrèvement proposé se fonde sur une formule de calcul fallacieuse, mais je crois que la commission a eu parfaitement raison de faire en sorte que cette réforme des finances locales soit ramenée à sa juste mesure en rétablissant la part régionale de taxe d'habitation. Pour le reste, le chantier doit rester ouvert.
Je conclurai mon propos, madame le secrétaire d'Etat, en vous disant que j'ai apprécié à sa juste valeur le « don gratuit » - c'est une formule qui était employée sous l'Ancien Régime - de 250 millions de francs que le Gouvernement, dans sa générosité, a accordé aux collectivités locales, qui avaient été taxées à hauteur de 500 millions de francs au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, ce qui avait valu à certaines d'entre elles une réduction de 16,5 % de leurs recettes à ce titre.
Madame le secrétaire d'Etat, l'Etat incite à la création de communautés d'agglomération, et c'est très bien.
M. le président. Et des communautés urbaines !
M. Yves Fréville. En effet, monsieur le président, des communautés urbaines aussi. Il se réjouit de leur succès, vous l'avez dit tout à l'heure. Il avait promis, lors de nos discussions, que le recours éventuel sur la DCTP ne commencerait qu'en 2001. Et voilà que le Gouvernement ne se révèle pas capable, alors qu'il dispose de 50 milliards de francs de recettes supplémentaires, d'en dégager 1 % pour tenir non pas un engagement juridique, car ce n'en était pas un, je le reconnais parfaitement, mais du moins une promesse morale de faire en sorte que toutes les communautés d'agglomération reçoivent de l'Etat les 250 francs par habitant qui leur avaient été promis.
Si c'est à partir de comportements de ce type que les relations financières doivent être établies entre l'Etat et les collectivités locales, il ne pourra s'agir de relations de confiance.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce collectif appelle de la part de notre groupe beaucoup de réticences. Je me réjouis de constater que la commission, dans la limite du possible, a pu en corriger les plus graves erreurs, mais ce n'est naturellement que lors du vote du collectif de fin d'année que nous vérifierons, madame le secrétaire d'Etat, si le déficit budgétaire est bien réduit et si vous avez engagé une véritable politique de réforme fiscale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, hier après-midi, le groupe des Républicains et Indépendants, par la voix de notre collègue Roland du Luart, a dénoncé un débat d'orientation budgétaire qui tend à devenir un débat de « désorientation » politique.
Aujourd'hui, le Gouvernement nous en administre, si vous me permettez l'expression, la preuve par dix et non par neuf : dix milliards de francs d'ouvertures nettes de crédits inscrits dans le collectif budgétaire alors que le ministre de l'économie nous parle de maîtrise des dépenses. Dix milliards de francs, c'est considérable ! C'est plus de trois fois le budget de la jeunesse et des sports. Mme Buffet ferait beaucoup de choses avec une telle somme.
Dix milliards de francs pour quoi faire ? Madame le secrétaire d'Etat, vous nous dites que cet argent est d'abord destiné à financer la réparation des dégâts causés par la marée noire et les tempêtes de la fin de l'année dernière. Très bien, car la solidarité nationale doit jouer dans ce domaine. Mais cela peut et devrait se faire à enveloppe constante. Cela n'excuse pas le dérapage global des dépenses de l'Etat. Des économies auraient peu être réalisées ailleurs, grâce à de vraies réformes structurelles.
Je constate par exemple que l'on prévoit 1 milliard de francs de plus pour l'enseignement scolaire. Je dirai, au risque de choquer, que c'est attristant ! L'école a besoin d'une vraie réforme structurelle, pas d'un nouveau saupoudrage de crédits, pour un gain politique à court terme mais aucun résultat à moyen ou à long terme. J'ai été l'un des rapporteurs de la commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels enseignants. Le coût de la mauvaise gestion des personnels peut être chiffré à 10 milliards de francs.
Nous sommes donc sûrs que le milliard de francs de dépenses nouvelles n'améliorera en aucun cas la qualité de l'enseignement. Il permettra tout juste de calmer temporairement la grogne de certains personnels.
Je pourrai dire la même chose de la politique de la ville : 450 millions de francs supplémentaires sont prévus, mais pour quel résultat ? Pour quelle politique ? La méthode actuelle est un échec : jamais les phénomènes de violence et d'insécurité n'ont été aussi forts.
Ces deux exemples - éducation et politique de la ville - montrent l'échec des politiques centralisées. L'Etat est incapable de faire face aux corporatismes et, de ce fait, apporte une seule réponse : le toujours plus budgétaire.
Il est urgent de mettre un terme à autant de pertes en ligne. Il suffit de voir le temps que l'Etat met à débloquer les aides aux sinistrés de la marée noire et des tempêtes !
Nous devons inverser le sens de la démocratie et rapprocher le plus possible la décision de l'action. Nous devons passer d'une démocratie descendante à une démocratie ascendante. C'est sur le terrain que se posent les vrais problèmes. C'est donc là que doivent être prises les décisions.
Mes chers collègues, nous devons mettre fin au toujours plus et refuser la fuite en avant budgétaire.
C'est pourquoi notre groupe approuve la démarche de la commission des finances qui propose de financer les 10 milliards de francs de dépenses nouvelles par redéploiement, ce qui permet de diminuer d'autant le déficit budgétaire. C'est là un choix raisonnable et une décision responsable.
Le Gouvernement nous promet la lune. Nous préférons garder les pieds sur terre. Notre pays doit préparer l'avenir et non pas s'en tenir à la satisfaction de tel ou tel corporatisme. Ne jouons pas avec l'avenir des générations futures, avec leurs impôts, avec leurs retraites.
Comme d'habitude, l'Etat est très doué pour donner des leçons aux autres et il se montre généreux avec l'argent qui n'est pas le sien, que ce soit celui des contribuables ou celui des collectivités locales.
Il rend aujourd'hui 40 milliards de francs aux Français, après leur en avoir prélevé des centaines depuis 1997.
Il propose de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation, mais sans toucher aux frais d'assiette et de recouvrement qu'il perçoit lui-même ; notre commission des finances propose très justement d'y remédier.
Il nous parle de transparence alors que la Cour des comptes ne cesse de le rappeler à l'ordre.
Le Gouvernement nous présente un collectif qui prévoit un déficit budgétaire de 215 milliards de francs en 2000, soit près de 10 milliards de francs de plus qu'en 1999. Mais, dans le même temps, il laisse entendre que ce déficit pourrait n'être finalement que de 200 milliards de francs.
Voilà donc un gouvernement qui envisage un nouveau surplus de recettes d'une quinzaine de milliards de francs. Les « cagnotteries » continuent !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est que l'on appelle la transparence !
M. Jean-Claude Carle. C'est la transparence, en effet !
Voilà un ministre de l'économie et des finances qui présente au Parlement un projet de budget en admettant lui-même que les chiffres peuvent ne pas être exacts. Devons-nous y voir une nouvelle manière de pratiquer la « transparence » budgétaire ?
Le précédent ministre de l'économie niait farouchement tout surplus fiscal.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On voit où cela l'a conduit !
M. Jean-Claude Carle. Le nouveau en reconnaît l'existence, sans pour autant accepter de l'inscrire dans le collectif budgétaire et d'en discuter avec le Parlement.
Hier, le Gouvernement privait secrètement les parlementaires de leur droit de regard sur une bonne partie du budget. Aujourd'hui, il ne s'en cache même plus, il le fait ouvertement.
Il ne pouvait mieux manifester son mépris pour le Parlement et ce, bien au-delà des clivages politiques.
Une fois de plus, le Gouvernement excelle dans l'art du leurre en attirant l'attention sur certains points pour mieux cacher l'essentiel.
Le Sénat doit-il tomber dans le piège et examiner seulement les sujets que le Gouvernement accepte d'aborder ? Non ! Nous devons dénoncer cette caricature de la démocratie et dire ce que nous voulons vraiment pour notre pays.
Faire du saupoudrage budgétaire ne fait pas une politique. Si le ciblage peut paraître habile, le résultat sera décevant.
Des dépenses supplémentaires doivent s'inscrire dans une perspective de réforme. Le Gouvernement se contente d'ouvrir les vannes. Les milliards risquent, une fois encore, de se perdre dans les siphons des administrations.
Chacun sait que ces dépenses nouvelles ne peuvent suffire, par exemple, à pallier l'absence de véritable politique hospitalière, pas plus qu'ils ne résoudront la crise du collège ou de l'enseignement professionnel.
Le Gouvernement pratique la politique du carnet de chèque ou du droit de tirage. Il veut apaiser la fièvre sans soigner le mal. Le Sénat doit proposer une autre voie, celle de la réforme de l'Etat et de la fiscalité.
C'est ce qu'attendent nos compatriotes face à la mondialisation et à l'évolution inquiétante des régimes sociaux, et c'est dans cet esprit que notre groupe aborde l'examen de ce projet de loi de finances rectificative, en saluant le travail de notre commission des finances, de son président et de son rapporteur général, dont nous soutiendrons les initiatives et les propositions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous avez pu le constater tout à l'heure en écoutant l'intervention de mon excellent collègue M. Charles Descours ; la commission des affaires sociales a demandé à être saisie pour avis de ce projet de loi de finances rectificative.
Pourquoi cette procédure exceptionnelle ? Est-ce parce que, pour la première fois depuis quatorze ans, les comptes de la sécurité sociale sont enfin équilibrés ? Est-ce parce que le chômage vient de passer sous la barre des 10 % ? Est-ce pour célébrer la première année de mise en oeuvre de la CMU, qui permet enfin l'accès au tiers payant de six millions de Français ? Est-ce pour fêter à sa manière la première année d'application des 35 heures, à laquelle la majorité de notre assemblée est particulièrement attachée... (Sourires) notamment la majorité de la commission des affaires sociales, à laquelle j'appartiens ?
Je me perds en conjectures. Certes, j'ai cru comprendre, monsieur le rapporteur général, que vous ne pensiez pas que du bien de la politique du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez bien compris !
M. François Autain. En écoutant mon collègue Charles Descours, j'ai aussi cru comprendre qu'il n'appréciait pas véritablement la nouvelle « étape » hospitalière - pour reprendre un terme utilisé par Mme Aubry - décidée par le Gouvernement...
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Enfin !
M. François Autain. ... comme le lui permettent pourtant les crédits inscrits dans le collectif budgétaire qui nous est aujoud'hui soumis.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Ne soyez pas caricatural !
M. François Autain. Il est vrai que la fonction d'opposant - que je connais bien - n'incline pas toujours à reconnaître les mérites d'un Gouvernement qui a su, aussi rapidement et aussi bien, répondre à l'appel des personnels hospitaliers.
En 1995, il avait fallu attendre beaucoup plus longtemps pour que le Gouvernement daigne entendre les salariés qui étaient descendus dans la rue.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'y avait pas d'argent !
M. François Autain. Depuis la signature du protocole du 13 mars dernier et après deux mois de discussion, les praticiens hospitaliers et le Gouvernement ont su établir un réel climat de confiance qui laisse bien augurer de la réunion du comité de suivi qui se tiendra le 9 juin prochain.
Permettez-moi de vous féliciter, madame le secrétaire d'Etat, d'avoir inscrit les crédits qui permettront au Gouvernement de respecter ses engagements à l'égard des personnels hospitaliers. Il n'y rien de choquant à ce qu'une partie de ces crédits soit inscrite dans le budget de l'Etat.
Je vous ai aussi entendu, monsieur le rapporteur pour avis, déplorer l'absence de collectifs sociaux - c'est pour vous une critique récurrente - au motif notamment que les crédits destinés au financement du protocole du 14 mars dernier, c'est-à-dire ceux qui sont affectés au personnel hospitalier, seraient supportés par l'assurance maladie, modifiant ainsi l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Vous oubliez sans doute, ce faisant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui estime que le recours au collectif social ne saurait être obligatoire.
Vous avez aussi critiqué le retard apporté à la constitution du fonds de financement des 35 heures créé par la dernière loi de financement de la sécurité sociale en oubliant un peu vite que, à son époque, un Premier ministre, je pense qu'il s'agissait de M. Juppé, avait lui aussi tardé...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Heureusement qu'il était là, sinon que diriez-vous ?
M. François Autain. J'aurais pu évoquer son prédécesseur !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça commence à dater !
M. François Autain. C'est long, pour vous, je le reconnais, mais cela ne fait que trois ans !
M. Juppé avait donc mis un certain temps à constituer les conseils de surveillance des caisses de sécurité sociale annoncés à la fin de 1995...
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Oui, mais nous avions protesté et je ne vous ai pas entendu !
M. François Autain. Vous n'aviez pas protesté publiquement avec autant de véhémence !
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Comment ? On l'avait menacé d'une conférence de presse ! Faites-en autant avec M. Jospin !
M. François Autain. Faisant ce constat, je me demande quelle est la vraie raison de la saisine pour avis de la commission des affaires sociales.
Elle s'inquiète de la cohérence des comptes de l'Etat avec ceux de la sécurité sociale et elle accuse ni plus ni moins le Gouvernement de mensonge.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Je n'ai pas dit cela !
M. François Autain. C'est ce que j'avais cru comprendre, même si l'on sent une hésitation sur la vraie nature de ce mensonge.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le manque de transparence !
M. François Autain. Je m'explique : le Premier ministre a annoncé l'an dernier à la conférence de la famille qu'il entendait inscrire dans le droit la pérennisation de fait de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire en faisant de l'allocation majorée une véritable prestation familiale.
Le Premier ministre a ajouté que, dès lors, le coût de cette prestation, comme celui de toutes les autres d'ailleurs, devrait être supporté, à terme, par la Caisse nationale des allocations familiales.
Ce transfert, parfaitement fondé sur le plan social, était aussi parfaitement justifié sur le plan financier, puisqu'au déficit de la branche famille laissé par les deux gouvernements précédents, lié en grande partie à une loi qu'ils n'avaient pas financée, le Gouvernement a substitué une situation excédentaire durable.
Réduire un peu le déficit de l'Etat, en prenant soin, année par année, de garantir l'équilibre de la branche famille, avec, au bout de la route, une prestation sociale consolidée, je me demande où est l'erreur ! (M. le rapporteur pour avis s'exclame.)
Aussitôt dit aussitôt fait, la loi de financement pour l'an 2000 a prévu, à titre provisionnel, une première tranche de transfert de 2,5 milliards de francs, en promettant, à titre de contrepartie, de décharger la branche famille des dépenses du FASTIF, soit 1 milliard de francs.
Mieux, dans l'article 9 du projet de loi initial de financement de la sécurité sociale pour 2000, le Gouvernement garantissait les ressources de la CNAF, en précisant notamment que cette garantie tenait compte des crédits d'Etat correspondant à la part prise par celui-ci dans le financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Pas du tout ! Vous ne faites pas attention à ce que je dis.
M. François Autain. On ne pouvait mieux tenir l'engagement pris par le Premier ministre devant la conférence de la famille et la promesse que, de toute façon, la caisse disposerait des ressources nécessaires.
Malheureusement, le Conseil constitutionnel n'a pas voulu de cet article 9 et l'a annulé au motif qu'il ne respectait pas le principe de l'annualité budgétaire.
Le Gouvernement a, dès lors, respecté la décision du Conseil constitutionnel. Pouvait-il faire autrement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, il ne pouvait pas faire autrement.
M. François Autain. La loi de financement, comme je l'ai déjà dit, a anticipé la part laissée cette année à la Caisse nationale d'allocations familiales.
Dans quelques jours, le Premier ministre rendra compte devant la conférence de la famille de la première étape de réalisation de son engagement. Il le fera chaque année jusqu'à ce qu'il soit pratiquement réalisé.
Ensuite, rien ne s'opposera à ce que la part revenant de l'Etat soit inscrite, en conséquence, comme elle l'est d'une manière immuable depuis 1993, dans le collectif budgétaire d'automne. Pourquoi en serait-il autrement cette année alors que tous les indicateurs économiques sont au vert ?
Ainsi, l'une des deux hypothèses les plus pessimistes imaginée par M. le rapporteur pour avis doit être écartée.
A l'évidence, l'autre de ces deux hypothèses les plus noires est également écartée : le Gouvernement ne reviendra pas sur l'engagement pris devant la conférence de la famille, l'an dernier, de pérenniser à terme la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Nul doute qu'il le confirmera, comme le suggère le rapporteur pour avis lui-même, devant la conférence de la famille le 15 juin prochain.
Cette manière de faire est conforme - je le dis parce que vous aimez, cher Charles Descours, le citer - au souhait du Président de la République qui veut plus de dialogue social et plus de concertation privilégiée avec les partenaires sociaux et les acteurs du système de protection sociale.
M. Charles Descours, rapporteur pour avis. Décidément !
M. François Autain. Dès lors, il reste la dernière hypothèse envisagée par la majorité de la commission des affaires sociales et qui voudrait que le Gouvernement ait différé l'inscription de la contribution de l'Etat afin de laisser à la caisse la charge de trésorerie.
Je note que, ce faisant, le Gouvernement n'agira pas autrement que ses prédécesseurs. Je précise toutefois que cette charge de trésorerie pèse désormais sur une caisse dont les résultats financiers laissent apparaître de forts excédents. Il faut reconnaître qu'il n'en a pas toujours été ainsi !... Je n'aurai pas l'indélicatesse de rappeler certains déficits que nous avons connus.
Enfin, je relève, pour revenir à la question initiale que je posais et y répondre, que la saisine pour avis de la commission des affaires sociales n'avait pas de vraie raison.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur pour avis, plutôt que de procéder à un examen critique avec une rigueur notariale du calendrier retenu par le Gouvernement pour garantir les équilibres généraux des finances publiques de l'année 2000, je vous suggère d'inviter la commission à réfléchir à l'amélioration de notre système de protection sociale.
Pas plus tard que lundi, d'ailleurs, le Président de la République - je vais finir par le citer plus souvent que vous ne le faites - nous y invitait tous. A cette invitation-là, si vous nous la proposez, je répondrai ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je souhaite, madame la secrétaire d'Etat, centrer mon propos sur les conséquences des intempéries qui ont, chacun s'en souvient, profondément marqué, je dirais même traumatisé, une grande partie du pays les 25 et 27 décembre dernier ainsi que sur les mesures prises par le Gouvernement pour faire face aux lourds dégâts occasionnés par cette catastrophe naturelle majeure qui a touché plus des deux tiers du territoire.
L'arrêté portant état de catastrophe naturelle est à ce titre explicite, car il concerne soixante-neuf départements.
Face à une situation encore critique aujourd'hui, ce collectif budgétaire consacre les engagements du Gouvernement envers toutes les victimes des intempéries : particuliers, entreprises et collectivités territoriales. Ce sont près de 5,5 milliards de francs qui nous sont proposés dans ce projet de loi de finances rectificative et qui recouvrent des mesures aussi diverses que la remise à neuf des bâtiments et ouvrages collectifs endommagés, les baisses ou exonérations d'impôts ou les mesures en faveur des exploitants forestiers ; et je suis loin d'être exhaustif !
Ces crédits traduisent donc bien un réel effort de solidarité nationale et correspondent, en outre, aux mesures d'urgence qui ont été prévues par le Premier ministre, lorsque celui-ci s'est rendu immédiatement sur les lieux les plus durement touchés par les intempéries.
Mes chers collègues, je souhaite m'étendre un peu plus longuement sur les mesures prises en faveur des communes dans ce vaste plan gouvernemental.
En Haute-Vienne, l'un des départements les plus touchés avec la Dordogne et la Charente-Maritime, des milliers d'hectares de forêt ont été complètement dévastés, des centaines de kilomètres de routes communales ont été endommagées, des centaines de kilomètres de lignes électriques et téléphoniques ont été mises hors service et des centaines de kilomètres de rivière et des dizaines de ponts ont été encombrés par des embâcles et le sont encore ; hélas ! parfois encore.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ai bien conscience qu'il nous est imposé une certaine rigueur budgétaire, néanmoins il serait difficile d'expliquer aux Français qui ont été privés d'électricité parfois pendant des semaines, aux maires qui ont vu leurs dépenses de fonctionnement et d'investissement augmenter considérablement, voire exploser, et ce de manière bien évidemment imprévue et imprévisible, il serait difficile, donc, de leur expliquer que le respect des grands équilibres budgétaires prime sur l'aide que l'Etat se doit de leur apporter !
Mes chers collègues, les décisions prises par le Gouvernement sont à la mesure de ces événements. Elles répondent à des situations d'une extrême gravité et d'une urgence absolue ; et résolvent les problèmes les plus immédiats.
Toutefois, s'agissant des collectivités locales, certains progrès pourraient encore être accomplis. Cela nécessiterait quelques efforts budgétaires supplémentaires, car les estimations des nouvelles charges résultant de cette catastrophe n'ont pu, et ne peuvent encore, dans un grand nombre de communes, être convenablement estimées. En effet, en ce qui concerne notamment les routes, les ponts et, de manière plus générale, tous les ouvrages d'art, on ne pourra évidemment faire le bilan définitif que plus tard, peut-être dans plusieurs années.
Comme je l'ai déjà dit, les dégâts causés par la tempête ont occasionné un grand nombre de dépenses exceptionnelles pour faire face à l'urgence, dépenses à la charge des collectivités locales non seulement pour les personnels - heures supplémentaires, frais liés à la restauration et à l'hébergement des bénévoles - mais aussi pour la réfection des routes communales, la restauration des fossés, etc. Depuis décembre dernier, les dépenses des personnels ont augmenté de plus de 15 % dans la plupart des communes !
En outre, certains dégâts, je l'ai déjà dit, notamment ceux qui affectent la voirie communale, ne sont pas encore correctement appréciés et pourraient ne se révéler pleinement, au mieux, qu'à l'automne prochain, sous les effets du gel et du débardage des chablis.
Madame la secrétaire d'Etat, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour poursuivre le débat et anticiper sur les prochaines échéances budgétaires. Pourquoi ne pas envisager, en conséquence, d'abonder la dotation globale de fonctionnement et la dotation globale d'équipement attribuées aux collectivités locales les plus durement sinistrées, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001 ? Les majorations de ces dotations pourraient être déterminées en fonction d'éléments tout à fait objectifs qui sont maintenant presque tous répertoriés, tels que le nombre d'hectares de forêt détruits, de kilomètres de routes endommagées, ou en fonction, bien évidemment, de l'ampleur des surcharges de frais de personnels des communes.
Ces éléments chiffrés ou faciles à chiffrer permettraient d'établir le compte précis de ce que chaque commune pourrait percevoir et de ce dont elle a absolument besoin, afin de prolonger, dans le cadre du prochain budget - et sans doute des suivants - l'élan de solidarité nationale qui a été donné par le gouvernement de Lionel Jospin.
Au total, ces deux majorations, de la DGF et celle de la DGE, nécessaires au maintien de la cohésion de notre territoire ainsi qu'au principe d'égalité devant les charges publiques, pourraient ne pas se révéler très coûteuses et ne pas dépasser le milliard de francs par an. Les grands équilibres macroéconomiques seraient maintenus et la solidarité nationale renforcée.
Il reste à étudier, madame la secrétaire d'Etat, comment ces majorations pourraient, techniquement, être inscrites dans la prochaine loi de finances et les suivantes si besoin est, cela dans le respect, bien évidemment, de l'équité entre communes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a montré sur ce point précis du traitement des conséquences des tempêtes, comme sur tous les autres, qu'il savait apporter des solutions efficaces et pertinentes aux problèmes les plus difficiles. Ce collectif en est, si besoin en était, une preuve supplémentaire. C'est pourquoi les socialistes voteront votre projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par répondre à M. le rapporteur général, puisque c'est lui qui a ouvert la discussion.
M. Marini ne conteste pas la pertinence de la maîtrise des dépenses ; il ne conteste pas l'opportunité de baisser les impôts ; il ne conteste pas non plus la nécessité de réduire les déficits. Néanmoins, j'ai cru comprendre que le projet de collectif que nous proposons à la Haute Assemblée ne lui agrée pas tout à fait, et je crains d'utiliser une litote en m'exprimant ainsi !
En effet, s'il ne remet pas en cause, les dépenses proposées, notamment pour répondre aux dommages causés par les intempéries, les dépenses pour la solidarité, pour le renforcement du service public, en revanche il nous propose des redéploiements et c'est un débat que nous devrions mener de manière extrêmement rigoureuse. Sur ce point, je ne vois pas très bien sur quels postes on nous suggère de faire des économies, de faire porter les réductions de dépenses. J'en déduis que celles-ci portent sur les 10 milliards de francs supplémentaires que nous proposons d'ouvrir.
A propos de la fiscalité, vous nous avez dit qu'il s'agissait de baisses d'impôt éparses, et que nous avions une approche de la fiscalité plus électoraliste que structurante. Ce sont des propos un peu rudes et emportés, contrairement à ce que j'entends depuis les quelques mois que je fréquente la Haute Assemblée ! Pour autant, j'en accepte tout à fait l'aspect polémique.
Cependant, sur le fond, vous avez reconnu, dans votre rapport notamment, que la baisse de l'impôt sur le revenu allait dans le bon sens. Vous avez adhéré à la refonte des mécanismes de dégrèvement de la taxe d'habitation et je ne peux que me féliciter de ces approches constructives.
En revanche, vous vous êtes dit déçu, et de ce point de vue on n'en sera pas très surpris. Mais que veut-on ? cinquante milliards de francs de recettes, 40 milliards de francs de baisse d'impôt et 10 millliards de francs affectés à des dépenses qui nous paraissent indispensables pour la collectivité, c'est peut-être décevant de votre point de vue, mais je crois que c'est en tout cas extrêmement clair eu égard à la construction de ce collectif et aux objectifs que nous cherchons à atteindre.
S'agissant du cas particulier de la taxe d'habitation, vous nous avez indiqué que vous déposeriez des amendements, dont un viserait à remettre en cause la suppression de la part régionale. Si je reconnais que votre proposition a sa logique, je ne partage pas, loin de là, l'idée selon laquelle cette suppression briserait le lien citoyen qu'entretient le contribuable avec la collectivité régionale. Je vous ferai simplement remarquer que, en vous rabattant sur les frais d'assiette, comme nous le verrons de façon plus approfondie au cours de ce débat, vous déplacez assez nettement la cible, qui ne se limite pas seulement aux redevables de la taxe d'habitation, car les frais d'assiette concernent l'ensemble des revenus des impôts locaux.
M. Gérard Cornu. Caricature !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. M. le président de la commission des finances comme M. le rapporteur général ont abordé le problème de la réduction du déficit. Je souhaite redire à l'un et à l'autre que les recettes fiscales prévues dans ce collectif sont associées à taux de croissance qui, comme je l'ai indiqué, est de 3,6 %, taux moyen de croissance prévu par l'INSEE au moment où nous avons déposé ce collectif. Cette évaluation me paraît confirmée par celle que vous avez vous-même demandée, à juste raison.
Je ne crois pas prudent, à ce stade de l'année, de n'entendre que les sirènes des quelques instituts de conjoncture, selon lesquels le taux de croissance serait supérieur à 4 %. Comme l'a fort bien dit M. Fréville, nous verrons bien, dans quelques mois, ce que la croissance de l'année 2000 sera. A ce stade, je m'en tiens à une évaluation moyenne.
Si la croissance est plus forte, ce que bien évidemment nous espérons, et vous partagez, je crois, cet espoir, alors, les recettes elles-mêmes seront plus fortes. De plus, comme chaque année, les dépenses inscrites en loi de finances initiale, corrigée par le collectif soumis à votre assemblée, en ce moment même n'atteindront pas forcément, une fois exécutées, le plafond autorisé par le Parlement.
Enfin, si nous espérons, en exécution, que le déficit sera inférieur à celui qui était prévu en loi de finances initiale, il nous paraîtrait imprudent de traduire dès maintenant cette baisse de déficit. Reste que nous avons bon espoir que cela soit possible, compte tenu de tout ce que j'ai dit sur l'évolution des recettes fiscales.
Je considère par conséquent qu'il s'agit de notre part d'un geste de transparence, et je souhaite qu'il soit salué comme tel.
Le président de la commission des finances s'est également interrogé sur le calendrier du collectif qui vous est soumis ; je m'en étonne un peu. Selon lui, ce collectif n'était pas indispensable et, à ce stade de l'année, nous aurions pu procéder autrement. Il me semble pourtant qu'il eût été difficile de procéder autrement dans la mesure où nous souhaitions pouvoir faire bénéficier les Français, dès cette année, des baisses d'impôts de 40 milliards de francs qui sont proposées aujourd'hui. Or ne pas présenter de collectif aujourd'hui, c'eût été renvoyer ces baisses d'impôts à l'année 2001. Inscrites dans le collectif d'automne ou dans le projet de loi de finances pour 2001, les baisses d'impôts n'auraient pu être effectives en 2000.
Quant aux dépenses, fallait-il là encore, comme il est de règle, renvoyer la ratification des dépenses du collectif en fin d'année ? Le fait de recourir au décret d'avance, qui était une solution alternative, n'aurait pas été plus respectueux, loin de là, à l'égard du Parlement, et celui-ci n'y aurait pas nécessairement gagné sur le plan de sa mission de contrôle.
Enfin, s'agissant de la transparence, sujet que vous avez vous-même évoqué, monsieur le président de la commission, les engagements pris par M. Laurent Fabius hier soir devant vous et par moi-même sont très clairs. Je ne doute pas que vous nous jugerez sur nos actes ; c'est ainsi que nous concevons les choses.
Vous vous êtes interrogé sur les recettes de la troisième génération des téléphones mobiles, en vous inquiétant de ne pas les voir figurer dans ce projet de collectif. La raison est simple : il ne s'agit pas de recettes pour 2000, c'est pourquoi elles ne figurent pas dans le collectif de printemps. Elles ne figureront pas non plus dans le collectif d'automne, je le précise d'emblée, en espérant que vous ne nous ferez donc pas à nouveau part de votre inquiètude à ce moment-là.
M. Descours s'est fait l'écho des préoccupations de la commission des affaires sociales. Il a réitéré son souhait, déjà exprimé hier soir, de voir le Parlement saisi d'une loi de financement de la sécurité sociale rectificative similaire à la loi de finances rectificative dont nous discutons en ce moment. Il comprendra que je laisse à ma collègue Martine Aubry le soin de lui répondre sur ce point particulier.
Pour le reste, je pense que M. Descours comprendra également que nous devons attendre les annonces que fera le Premier ministre lors de la conférence de la famille.
Au demeurant, monsieur le sénateur, j'aurais apprécié que vous notiez l'effort qui est fait dans la présente loi de finances rectificative en faveur du secteur hospitalier dans son ensemble. Cela étant, votre contestation ne portait pas sur le fond me semble-t-il.
Je tiens également à souligner les efforts que compte faire le Gouvernement pour introduire une transparence plus grande dans cet exercice délicat qu'est la coordination entre la loi de finances, qui concerne l'Etat, et la loi de financement, qui concerne la sécurité sociale. Nous nous sommes en effet engagés à déposer à l'automne un document dit « jaune », qui récapitulera l'ensemble de ces relations financières. Nous souhaitons que ce document plus lisible rende plus compréhensible une matière que, à juste titre, vous qualifiez de complexe.
M. Adnot s'est inquiété du sort réservé aux 5 milliards de francs de la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, qui n'ont pas été encaissés en 1999. Je l'invite tout simplement à se reporter à l'état A du présent collectif budgétaire, où cette somme figure en toutes lettres. J'espère ainsi avoir apaisé son inquiétude.
Par ailleurs, il a soulevé plusieurs questions relatives à la fiscalité, notamment sur le sort réservé aux indemnités reçues après un sinistre et qui, pour des raisons comptables évidentes, constituent soit une augmentation d'actifs, soit un produit. Ces indemnités compensant une perte de stock, une perte de marchandises, ne doivent pas déboucher nécessairement sur une imposition. J'ajoute, sans trop entrer dans les détails de la technique fiscale, que des mécanismes spécifiques et avantageux permettent d'adosser la fiscalisation de ces indemnités et l'amortissement des biens qui sont remplacés.
Il a également évoqué la taxe professionnelle sur les bénéfices non commerciaux et des questions relatives à la restauration. Je me propose d'aborder ces questions de manière détaillée lors de la discussion des articles.
M. Cornu nous promet une croissance supérieure à 4 %. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne peux que partager cet espoir mais, dans les fonctions qui sont les miennes au sein du Gouvernement, vous comprendrez que je ne puisse être aussi affirmative. Il n'est pas question pour nous d'échapper à un débat sur le partage des fruits de la croissance puisque, comme vous le savez, nous avons annoncé que, si la croissance et, par conséquent, les recettes fiscales, étaient supérieures à celles qui étaient prévues dans ce collectif, nous les affecterions à une réduction du déficit. Cet engagement, pris devant l'Assemblée nationale, je le réitère devant la Haute Assemblée.
M. Cornu s'est également ému de l'évolution des prélèvements obligatoires. Son inquiétude est partagée par M. le rapporteur général. Sur ce sujet, bien connu de vous tous, je rappelle qu'il faut simplement reconnaître les faits.
Tout d'abord, je tiens à rappeler, comme l'a fait M. Laurent Fabius hier soir, que certains pays décomptent, dans les prélèvements obligatoires, tout ce qui, par exemple, concerne les retraites complémentaires - c'est notre cas ; ce n'est pas celui de l'Allemagne - ce qui, a priori, fausse la comparaison.
J'en viens ensuite à l'évolution du taux des prélèvements obligatoires même si je ne reprends pas un théorème devenu célèbre aujourd'hui.
Dans la mesure où un taux, c'est une fraction, avec un numérateur et un dénominateur - en l'occurrence le numérateur est constitué des prélèvements obligatoires et le dénominateur de la croissance - dans la mesure, également, où les prélèvements obligatoires sont constitués pour moitié à peu près des impôts prélevés au titre des revenus de l'année précédente, le ralentissement du taux de croissance se traduit, à législation fiscale constante, par une augmentation du taux des prélèvements obligatoires. Voilà qui m'amène - là encore, je ne fais que répéter des principes que vous connaissez bien - à distinguer l'effet croissance de l'effet taux. Nous connaissons une croissance forte : nous abaissons le taux de la fiscalité et les prélèvements obligatoires augmentent. Cette situation est bien évidemment plus enviable que celle qu'ont connue nos prédécesseurs qui, avec plus d'impôts, avaient une croissance moins forte. De ce point de vue, pour une bonne compréhension, il est utile, comme le fait M. Laurent Fabius, d'opérer une distinction entre les prélèvements obligatoires et les impôts, et, en l'occurrence, leur baisse respective.
M. Foucaud a évoqué l'ampleur des besoins qui se manifestent dans le domaine de l'éducation nationale, secteur très important, et la santé. Il souligne, à juste raison, que ces besoins sont certainement supérieurs aux ouvertures opérées dans ce collectif. Je suis évidemment très sensible à cette préoccupation et je rappelle que l'éducation nationale, comme je l'ai dit voilà quelques instants, est, depuis 1997, une priorité budgétaire du Gouvernement. Le ministre de l'éducation nationale, qui s'est engagé dans une concertation avec les organisations syndicales de ce secteur, prépare en ce moment un plan pluriannuel dont les premiers effets seront traduits dans le projet de loi de finances pour 2001. Nous aurons par conséquent l'occasion d'en reparler d'ici à quelque temps.
En ce qui concerne les questions fiscales, je me réjouis de vous voir souscrire à la mesure qui consiste à baisser le taux de TVA. Cette mesure, ajoutée à l'ensemble des dispositions prises dans ce domaine depuis trois ans, représente un effort considérable, qui se traduira en pouvoir d'achat, en emplois et en allègement des charges pour les familles.
En matière d'impôts locaux, les préoccupations que vous exprimez sont très légitimes. Vous avez bien voulu admettre que les réformes envisagées vont dans le bon sens, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle ou de la taxe d'habitation. Vous reconnaissez aussi que l'autonomie de gestion des collectivités locales est préservée. En tout cas, le fait que nous attendions les propositions de la commission présidée par votre collègue M. Pierre Mauroy indique que nous n'en n'avons pas terminé sur l'ensemble de ces sujets.
M. Miquel, quant à lui, s'est demandé, comme moi tout à l'heure, comment nous pouvions répondre aux redéploiements qui sont proposés par M. le rapporteur général. Je crois que nous partageons le même sentiment d'obscurité à l'égard de ces propositions.
Je le remercie d'avoir salué et reconnu pour ce qu'elles sont les mesures fiscales qui sont contenues dans ce collectif. Elles sont favorables au pouvoir d'achat des Français, de tous les Français, je tiens à le souligner, en particulier des plus modestes d'entre eux. Dans l'avenir, la même préoccupation animera le Gouvernement afin d'instaurer plus de solidarité, d'encourage l'activité, notamment l'activité salariée, mais aussi d'encourager la reprise d'activité, action très importante à notre sens.
M. Fréville a déclaré, après M. le président de la commission des finances, qu'il aurait préféré un décret d'avance. Cela m'étonne un peu ; j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce point.
Il a exprimé également une inquiétude en matière de transparence. Sans doute n'avons-nous pas la même conception de ce mot puisque, je le répète, ce collectif me semble participer d'une transparence que je qualifierai d'active, en tout cas supérieure à celle d'un décret d'avance.
En matière de fiscalité, il a dit des choses intéressantes quoique un peu contradictoires ; il m'excusera de ce jugement.
En effet, monsieur le sénateur, vous avez souhaité un allégement immédiat de la taxe d'habitation. Cela a déjà été demandé par le Parlement à l'automne dernier, par le biais d'un amendement adopté par les deux assemblées. Or il me semble que la réponse apportée par le collectif répond bien à la demande qui a été faite.
S'agissant de la révision, évidemment, c'est une autre paire de manches ! Vous l'avez reconnu vous-même. Vous en avez souligné toute la difficulté, notamment à propos du secteur des HLM. Vous avez également reconnu que c'était en enjeu de long terme. Pour notre part, nous essayons de traiter les choses les plus indispensables le plus rapidement possible.
Vous vous êtes demandé si la réforme proposée rapprocherait vraiment le citoyen de la région. En tout cas, si nous avons fait ce choix de supprimer la part régionale de la taxe d'habitation, c'est parce que nous avons considéré que cela représentait 7,8 % du produit fiscal des régions, 93 francs par habitant et 225 francs en moyenne par article. Dans ces conditions, il ne nous a pas semblé que nous outrepassions ce qui était raisonnable en la matière.
Vous avez également beaucoup blâmé le système des dégrèvements, ce qui n'est pas tout à fait, je crois, le point de vue du rapporteur général.
Vous avez repris un argument que j'avais déjà entendu développer à l'Assemblée nationale par M. Méhaignerie, qui reproche à l'Etat, d'une certaine manière, de trop compenser les département déjà riches. Mais si l'on considère les données non plus par habitant mais pour l'ensemble des départements, on constate par exemple que, dans les Alpes-Maritimes, les dégrèvements représentent 11 % de la taxe d'habitation, soit 288 millions de francs, alors que, dans le département du Nord, ils représentent 15 % de la prise en charge, soit 418 millions de francs. Alors, entre les deux départements quel est le plus riche ? Je vous laisse le soin d'apporter vous-même la réponse, elle me paraît évidente.
M. Carle a apporté un soutien énergique aux propositins d'économie qui ont été faites par la commission des finances.
Ces dix milliards de francs lui paraissent correspondre à des choix raisonnables, à des décisions responsables. Là encore, je me demande sur quel chapitre précisément, sur quel type de dépenses exactement l'on souhaite ainsi revenir. Il me semble que c'est seulement lorsque nous le saurons que nous pourrons juger du caractère responsable ou non de la proposition. Je crois qu'en matière de redéploiement vous nous promettez un peu la lune, monsieur le rapporteur général, si je puis reprendre une expression que vous avez employée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. M'autorisez-vous à vous interrompre, madame le secrétaire d'Etat ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Mais certainement, monsieur le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de Mme le secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais simplement, madame le secrétaire d'Etat, me référer à la page 30 du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire, car la réponse à la question que vous nous posez s'y trouve.
Vous écrivez : « Le financement des priorités de dépenses de l'Etat pour 2001 sera facilité par le redéploiement des ressources publiques. » Nous, nous disons que vous pouvez aller un peu plus vite.
Vous ajoutez très justement que compte tenu de la forte progression de l'emploi, il y aura une baisse du chômage, et vous précisez : « Cette évolution positive a une incidence directe sur la politique de l'emploi ou sur certains minima sociaux. »
Vous écrivez encore : « Les interventions en faveur de l'emploi pourraient progressivement retrouver leur niveau de la fin des années 1980, à mesure que la situation de l'emploi s'améliore, avec une répartition des outils de la politique de l'emploi plus axée sur le traitement durable du chômage et de l'exclusion... De la même façon, le nombre des allocataires de certains minima sociaux est sensible au retour d'une croissance durable marquée par une progression soutenue du pouvoir d'achat... Depuis trois ans, les lois de finances dégagent chaque année 30 milliards de francs d'économies, au fur et à mesure que des programmes anciens voient leur utilité se réduire. »
Nous prétendons que les redéploiements, vous pouvez les faire en appliquant vos propres principes. Car vous vous gardez volontairement de la marge dans l'exécution budgétaire de 2000. D'ailleurs, le ministre de l'économie et des finances ne dit pas autre chose quand il annonce qu'à la fin de l'année le déficit atteindra 200 milliards de francs. Cela veut dire qu'il préjuge en quelque sorte les marges qui vont pouvoir être dégagées du fait des économies que vous allez réaliser sur des dépenses d'intervention sociale aujourd'hui surdimensionnées compte tenu de la baisse du chômage et de la belle conjoncture, dont tout le monde se réjouit, bien entendu.
Ainsi, madame le secrétaire d'Etat, la réponse à la question que vous nous posez, vous la trouvez dans vos propres documents. Nous ne sommes nullement en désaccord sur le fond.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, les rédéploiements, nous savons les faire puisque, depuis que nous élaborons des lois de finances, c'est-à-dire depuis l'été 1997, nous avons, année après année - et le rapport l'indique très clairement - redéployé régulièrement des crédits entre les différents budgets, à hauteur d'une trentaine de milliards de francs par an.
En outre, lorsque nous procédons à des redéploiements, nous indiquons précisément sur quoi ils portent et la représentation nationale les vote année après année.
Monsieur Autain, je vous remercie d'avoir souligné que le Gouvernement tenait ses engagements à l'égard du secteur hospitalier.
Vous avez également bien voulu rappeler les préoccupations qui sont les nôtres en matière de politique familiale. Vous ne m'en voudrez pas de laisser à M. le Premier ministre le soin de donner, le 15 juin prochain, la primeur des annonces à la conférence de la famille.
Enfin, M. Demerliat a souligné à quel point les décisions que le Gouvernement a prises à la suite des tempêtes ont été à la hauteur de leurs conséquences souvent dramatiques.
Vous souhaitez, monsieur le sénateur, qu'un effort complémentaire puisse ête consenti dans le cadre de la loi de finance pour 2001.
M. Michel Moreigne. Et il a raison !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je crois sage d'attendre l'automne pour en reparler. Nous aurons eu, d'ici là, le temps de faire l'inventaire des éventuels besoins supplémentaires qui pourraient surgir. L'effort déjà accompli est très important, mais il va de soi que, si c'était nécessaire, il serait complété.
En conclusion, j'insisterai sur le fait que ce débat a vu s'exprimer une demande générale de plus de transparence.
M. le rapporteur général s'est ému de ce que, au-delà du présent collectif et de ce qu'il est possible d'y traduire de manière fiable et l'état actuel de nos connaissances, le ministre de l'économie et des finances lui ait indiqué que notre objectif en matière de déficit se situait autour de 200 milliards de francs. Je vois là, pour ma part, une affirmation parfaitement claire de notre ambition.
M. Lambert a critiqué les évaluations de recettes du collectif. Là encore, je ne peux que redire qu'elles sont le fruit d'évaluations qui sont assez bien partagées par un certain nombre d'experts.
J'aimerais que le Sénat soit reconnaissant au Gouvernement de ses efforts en matière de transparence. Il ne faut pas, dans ce domaine, céder à la facilité des effets d'annonce. Ce qui compte, c'est ce que l'on fait effectivement, et non la future bonne mesure, qui est toujours meilleure que celle qu'on vient d'annoncer. Il serait sage de s'en souvenir. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

Article 1er