Séance du 7 juin 2000







M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 89, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b) du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est supprimé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 71 rectifié, MM. Oudin, Braun, de Broissia, Cazalet, Chaumont, Courtois, Delong, Fournier, Joyandet, Marest, Murat, Neuwirth, Ostermann, Trégouët, Valade et Cornu proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b) du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« b) des chocolats et de tous produits composés ou contenant du chocolat ou du cacao. Toutefois, le chocolat, le chocolat de ménage et le chocolat de ménage au lait, fabriqués à partir des seules graisses tirées des fèves de cacaoyer, sans adjonction de matière grasse végétale, les fèves de cacao et le beurre de cacao sont admis au taux réduit ».
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 27 rectifié, MM. Grignon, Huriet, Herment, Badré, Hoeffel, Lorrain et Barraux proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du b) du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est complétée par les mots : "quel que soit leur mode de présentation". »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'application du I ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Trucy, pour défendre l'amendement n° 89.
M. François Trucy. Les produits chocolatés sont taxés soit au taux normal, soit au taux réduit selon les cas. Ainsi, ce dernier s'applique au chocolat de ménage, au chocolat de ménage au lait, aux fèves de cacao et au beurre de cacao.
Il semble plus logique que tous les chocolats soient soumis au taux réduit, parce qu'ils constituent tous des produits d'alimentation courante. La sixième directive européenne et l'annexe H ne s'y opposent pas. En outre, la France souffre d'une distorsion de concurrence par rapport à ses voisins européens, dont la plupart taxent le chocolat à 7 %.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° 71 rectifié.
M. Jacques Oudin. La bataille du chocolat n'est pas près de s'arrêter ! Nous le savons, et nous en débattons depuis longtemps dans cet hémicycle.
Cet amendement tend à nouveau à modifier le régime de la TVA applicable au chocolat. Ainsi continueront à être soumis au taux normal les chocolats et les produits composés contenant du chocolat ou du cacao. Par exception à ce principe, seront taxés au taux réduit de la TVA les chocolats fabriqués à partir des seules graisses tirées des fèves de cacaoyer, sans adjonction de matière grasse. Il s'agit de réduire la TVA applicable au chocolat de qualité et de taxer plus lourdement les chocolats contenant des matières grasses. De même, le taux réduit sera appliqué aux fèves de cacao et au beurre de cacao.
Tous les amateurs de chocolat approuveront cet amendement, je suppose.
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 89 et 71 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit là d'une question bien connue, à savoir l'application du taux réduit de TVA au chocolat.
Ce sujet a donné lieu à différentes études de la commission des finances, notamment, voilà déjà un certain nombre d'années, sur l'initiative de notre ancien collègue sénateur de la Côte-d'Or, Bernard Barbier.
La commission des finances continue à approuver le principe d'une baisse de la TVA applicable à ces produits.
Elle souhaiterait néanmoins qu'un seul amendement reste en discussion, en l'occurrence l'amendement n° 89, et que ce dernier, compte tenu du coût budgétaire, soit rectifié afin de viser à insérer un article additionnel après l'article 15, c'est-à-dire dans la deuxième partie de ce projet de loi de finances rectificative. Dans ces conditions, la commission émettrait alors un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne l'amendement n° 89, nous n'avons pas le sentiment que la situation actuelle pose de délicats problèmes de distorsion de concurrence.
Par ailleurs, cet amendement entraînerait une perte de recettes élevée, puisqu'elle atteindrait 2 milliards de francs ; pour cette raison, le Gouvernement n'y est pas favorable.
S'agissant de l'amendement n° 71 rectifié, nous considérons que la discussion est prématurée dans la mesure où, comme l'a dit M. le rapporteur général, un projet de directive européenne est en préparation et devrait permettre, sous certaines conditions, l'adjonction de matières grasses végétales aux produits chocolatés.
Dans ces conditions, nous préférerions que l'amendement soit retiré.
M. le président. Monsieur Oudin, acceptez-vous de vous rallier à l'amendement n° 89 ?
M. Jacques Oudin. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié est retiré.
Monsieur Trucy, acceptez-vous la rectification suggérée par M. le rapporteur général ?
M. François Trucy. Je l'accepte, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié sera donc appelé après l'article 15.
Toujours après l'article 3, je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 24, MM. Huriet, Faure, Badré, Hoeffel, Lorrain, Grignon, Richert, Amoudry, Hérisson, Arnaud, Barraux, Dériot, Jarlier et Huchon proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts, après les mots : "produits suivants", les mots : "à usage domestique" sont supprimés. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 72 rectifié, MM. François, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Darcos, Delong, Fournier, Gaillard, Ginésy, Joyandet, Murat, Neuwirth, Ostermann, de Richemont, Trégouët, Valade et Cornu proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts, les mots : "à usage domestique" sont supprimés. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 24 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° 72 rectifié.
M. Jacques Oudin. Une instruction en date du 31 mars 1998 a précisé que le taux réduit s'appliquait au bois utilisé pour le chauffage des locaux à usage principal d'habitation, des locaux qui servent à l'hébergement ou à l'accueil des personnes, même à titre temporaire - hôtels, maisons de retraite, hôpitaux -, et des locaux à usage collectif tels que bâtiments publics, établissements d'enseignement ou piscines.
Le maintien dans le texte législatif des termes « à usage domestique » risque, d'une part, de pérenniser la difficulté d'interprétation que posent ces termes ; d'autre part, il faut souligner que la Commission européenne vient de préciser à la France qu'elle peut étendre le taux réduit de TVA aux livraisons de bois de chauffage à usage non domestique.
Favoriser le développement de l'utilisation du bois de chauffage se justifie particulièrement. En effet, c'est une énergie renouvelable, et son utilisation contribue à la lutte contre l'effet de serre dans le cadre du programme arrêté par le Gouvernement. En outre, il serait ainsi possible d'élargir les débouchés pour le volume considérable d'arbres abattus par l'ouragan des 26 et 27 décembre 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général.
La commission est favorable à l'orientation ainsi décrite. Toutefois, la mesure proposée n'est pas compatible, dans l'état actuel des choses, avec la législation communautaire, qui prévoit que le taux réduit de TVA ne peut s'appliquer au bois de chauffage que lorsqu'il en est fait une utilisation domestique.
L'instruction fiscale du 31 mars 1998 à laquelle il a été fait allusion a défini de façon aussi extensive que possible cette notion d'« usage domestique ».
Sur le fond, bien entendu, nous partageons le souci de M. Oudin : il faut développer toutes les formes d'utilisation du bois de chauffage, aussi bien pour des raisons sociales que pour des raisons de préservation de l'environnement, et la commission a déjà soutenu de telles demandes.
Elle souhaiterait cependant que le Gouvernement s'exprime sur l'évolution de la législation communautaire à cet égard. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, madame le secrétaire d'Etat ? Permettez-moi de vous interroger avant d'exprimer l'avis de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Nous partageons le point de vue exposé par M. le rapporteur général à l'instant et nous sommes disposés à faire les efforts qui conviennent, notamment dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Pour l'instant, force est de constater que nous ne sommes pas en capacité de légiférer dans le sens qui nous est demandé. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu des intentions positives qui ont été exprimées par Mme le secrétaire d'Etat, je sollicite nos collègues pour qu'ils veuillent bien, à ce stade, retirer cet amendement, car il ne peut pas être voté en l'état.
Il faut espérer qu'il pourra l'être d'ici à quelques mois !
M. le président. Monsieur Oudin, compte tenu de l'appel de M. le rapporteur général, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jacques Oudin. J'ai bien entendu cet appel, monsieur le président, et je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 72 rectifié est retiré.
Par amendement n° 83, MM. Huriet, Richert, Lorrain, Fréville, Machet, Nogrix et Badré proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Avant le dernier alinéa de l'article 278 quinquies du code général des impôts, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« c) Les protections utilisées par les stomisés ou incontinents. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Notre collègue questeur et professeur de médecine Claude Huriet a attiré notre attention sur ce qui semble être un oubli de notre législation. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui vise à étendre le champ d'application du taux réduit de TVA à certains matériels utilisés par les personnes stomisées ou incontinentes.
Il est vrai que la réduction du taux de TVA sur ces protections coûterait environ 200 millions de francs. Il n'est cependant pas inutile de remarquer que la plupart des pays de l'Union européenne appliquent un taux de TVA inférieur sur les produits concernés.
Cette mesure favoriserait le maintien à domicile de nombreuses personnes et elle permettrait, d'une part, un certain confort de vie et, d'autre part, l'économie de certains soins en cas de mauvais suivi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souligne le bien-fondé de cette démarche, qui met l'accent sur des situations extrêmement douloureuses et difficiles tant du point de vue personnel que du point de vue social. Malheureusement, la législation communautaire, au titre de l'annexe H, n'autorise l'application du taux réduit de la TVA qu'aux équipements et matériels destinés aux handicapés.
Peut-on appliquer cette notion d'« équipements et matériels destinés aux handicapés » aux personnes incontinentes dont il a été fait état ?
J'avoue par ailleurs être surpris, madame le secrétaire d'Etat, par l'estimation qui m'a été communiquée par vos services : j'ai vraiment de la peine à croire que cette mesure puisse entraîner un coût de l'ordre de 1 milliard de francs ! J'ai l'impression que l'on nous a répondu de manière un peu extensive...
Sur le fond, nous souhaitons que l'on puisse favoriser le maintien à domicile de personnes fragilisées, et nous espérons que nous pourrons réellement aboutir sur ce dossier. Je souligne d'ailleurs que nous avons déjà pris des positions de cette nature pour les appareillages s'adressant aux diabétiques et pour diverses catégories de handicapés.
Par conséquent, madame le secrétaire d'Etat, je souhaiterais connaître votre avis, tant en ce qui concerne le coût de la mesure que le fond.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Malgré tout l'intérêt que présente cette proposition, elle ne paraît pas pouvoir être retenue dans l'immédiat, parce qu'il nous semble difficile de la limiter aux personnes âgées, donc au adultes, alors même que la question de son extension aux jeunes enfants se posera immanquablement.
Par conséquent - et cela me permet de répondre à la seconde question, qui avait trait au coût de la mesure, telle qu'il résulte de l'amendement, son coût s'élèverait à 450 millions de francs, et non pas 1 milliard de francs ; mais, si la mesure devait être étendue aux jeunes enfants et à l'ensemble des protections - ce qui nous paraît incontournable dès lors que l'on s'engage dans cette voie - ce coût serait alors de 1,5 milliard de francs, d'où le moyen terme de 1 milliard de francs qui a été retenu par mes services.
Pour cette raison, nous souhaitons le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis assez surpris, parce que j'aurais tendance à penser que c'est un problème de négociation au sein de l'Union européenne et que nos collègues des autres pays européens sont tout à fait en mesure, me semble-t-il, de comprendre les difficultés dont il s'agit. En effet, chacun les connaît dans son propre pays.
Il me semble donc que l'on pourrait défendre à bon droit l'interprétation selon laquelle les personnes stomisées ou incontinentes doivent être considérées comme des personnes handicapées.
Je crois que, dans un premier temps, c'est une interprétation que le Parlement français est en mesure de faire, sous sa responsabilité de législateur. Si cela pose problème, que ce problème soit alors traité dans les instances communautaires et que l'on apporte les précisions nécessaires !
La commission, qui n'a pas été convaincue par votre réponse, madame le secrétaire d'Etat - réponse que j'ai trouvée, pour ma part, pardonnez-moi de vous le dire, un peu administrative s'agissant de ce type de question -, est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 83.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Etant l'auteur du rapport Peut-on baisser le taux de TVA , au nom de la commission des finances, je confirme qu'à mon sens cette mesure est euro-compatible : elle est à la limite, mais en deçà de la limite, et non pas au-delà.
Je voterai donc sans réserve cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 3.
J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

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