Séance du 7 juin 2000







M. le président. « Art. 6. - I. - 1. Le code général des impôts est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa de l'article 1599 bis, les mots : ", la taxe d'habitation" sont supprimés ;
« b) Au deuxième alinéa du I et au premier alinéa du II de l'article 1599 quinquies, les mots : ", à la taxe d'habitation" sont supprimés ;
« c) L'article 1599 quater est abrogé.
« 2. a) A compter de 2001, il est institué une dotation budgétaire afin de compenser la perte de recettes résultant du 1.
« Cette compensation est égale au produit des rôles généraux de taxe d'habitation ou de taxe spéciale d'équipement additionnelle à la taxe d'habitation émis au profit de chaque région et de la collectivité territoriale de Corse en 2000 revalorisé en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
« A compter de 2002, le montant de cette compensation évolue chaque année, comme la dotation globale de fonctionnement.
« b) Au II de l'article 21 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991), il est inséré, après le deuxième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« En 2002, la compensation des exonérations visées au a du I versée au profit de chaque région et de la collectivité territoriale de Corse est égale à la compensation de l'année 2001 revalorisée en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement. A compter de 2003, le montant de cette compensation évolue chaque année comme la dotation globale de fonctionnement. »
« 3. Pour les impositions établies au titre de l'année 2000, il est accordé aux contribuables autres que ceux visés à l'article 1414 du code général des impôts un dégrèvement d'office de la totalité de la cotisation de taxe d'habitation ou de taxe spéciale additionnelle à la taxe d'habitation perçues au profit des régions ou de la collectivité territoriale de Corse.
« II. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Au I de l'article 1636 B sexies , sont supprimés :
« a) Dans la première phrase du premier alinéa du 1, les mots : "les conseils régionaux autres que celui de la région d'Ile-de-France" ;
« b) Au premier alinéa du 2, les mots : ", les régions".
« 2. Après l'article 1636 B sexies, il est inséré un article 1636 B sexies A ainsi rédigé :
« Art. 1636 B sexies A. - I. - Sous réserve des dispositions du VI de l'article 1636 B septies, les conseils régionaux autres que celui de la région d'Ile-de-France votent chaque année les taux des taxes foncières et de la taxe professionnelle. Ils peuvent :
« a) Soit faire varier dans une même proportion les taux des trois taxes appliqués l'année précédente ;
« b) Soit faire varier librement entre eux les taux des trois taxes. Dans ce cas, le taux de taxe professionnelle :
« - ne peut, par rapport à l'année précédente, être augmenté dans une proportion supérieure à l'augmentation du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties,
« - ou doit être diminué, par rapport à l'année précédente, dans une proportion au moins égale à la diminution du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties. »
« Jusqu'à la prochaine révision, le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
« II. - Toutefois, le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties peut être diminué jusqu'au niveau du taux moyen national de la taxe constaté l'année précédente pour les régions ou, s'il est plus élevé, jusqu'au niveau du taux de la taxe professionnelle de la région concernée sans que cette diminution soit prise en compte pour l'application, à la baisse, des dispositions du b du I.
« Lorsque, au titre d'une année, il est fait application des dispositions du premier alinéa, la variation en hausse du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties à prendre en compte, pour l'application du I, pour la détermination du taux de la taxe professionnelle ou du taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, est réduite de moitié pendant les trois années suivantes.
« Lorsque, au titre d'une année, le taux de la taxe professionnelle ou le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties a été augmenté dans ces conditions, il ne peut pas être fait application du premier alinéa pendant les trois années suivantes. »
« 3. Au premier alinéa du II de l'article 1599 quinquies, les mots : "aux 1 et 2 du I de l'article 1636 B sexies " sont remplacés par les mots : "à l'article 1636 B sexies A". »
« III. - L'article 1414 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 1414 A. - I. - Les contribuables autres que ceux mentionnés à l'article 1414, dont le montant des revenus de l'année précédente n'excède pas la limite prévue au II de l'article 1417 sont dégrevés d'office de la taxe d'habitation afférente à leur habitation principale pour la fraction de leur cotisation qui excède 4,3 % de leur revenu au sens du IV de l'article 1417 diminué d'un abattement fixé à :
« a) 22 500 francs pour la première part de quotient familial, majoré de 6 500 francs pour les quatre premières demi-parts et de 11 500 francs pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la cinquième, en France métropolitaine ;
« b) 27 000 francs pour la première part de quotient familial, majoré de 6 500 francs pour les deux premières demi-parts et de 11 500 francs pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième, dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion ;
« c) 30 000 francs pour la première part de quotient familial, majoré de 5 000 francs pour les deux premières demi-parts et de 12 000 francs pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième, dans le département de la Guyane.
« Ces montants d'abattements sont, chaque année, indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »
« II. - 1. Pour l'application du I :
« a) Le revenu s'entend du revenu du foyer fiscal du contribuable au nom duquel la taxe est établie ;
« b) Lorsque la taxe d'habitation est établie au nom de plusieurs personnes appartenant à des foyers fiscaux distincts, le revenu s'entend de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux de ces personnes ;
« c) Lorsque les personnes mentionnées aux a et b cohabitent avec des personnes qui ne font pas partie de leur foyer fiscal et pour lesquelles la résidence constitue leur habitation principale, le revenu s'entend de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux des personnes au nom desquelles l'imposition est établie ainsi que des revenus de chacun des foyers fiscaux des cohabitants dont les revenus, au sens du IV de l'article 1417, excèdent la limite prévue au I du même article ;
« d) L'abattement est déterminé en tenant compte de la somme des parts retenues pour l'établissement de l'impôt sur le revenu de chacun des foyers fiscaux dont le revenu est retenu pour le calcul du dégrèvement.
« 2. Pour les impositions établies au titre de 2000 à 2004, le montant du dégrèvement calculé dans les conditions fixées au I ne peut être inférieur au montant du dégrèvement qui aurait été accordé conformément aux dispositions de l'article 1414 C dans sa rédaction en vigueur au titre de 2000 avant la publication de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° du ) ; toutefois, pour les impositions établies à compter de 2001, le pourcentage de 50 % mentionné à ce même article est réduit de dix points chaque année. »
« III. - A compter de 2001, le montant du dégrèvement prévu au I est réduit d'un montant égal au produit de la base nette imposable au profit des collectivités locales et de leurs établissement publics de coopération intercommunale par la différence entre le taux global de taxe d'habitation constaté dans la commune au titre de l'année d'imposition et ce même taux global constaté en 2000.
« Pour l'application du premier alinéa :
« a) Lorsque les bases nettes imposables au profit de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et du département sont différentes, la base la moins élevée est retenue ;
« b) Le taux global de taxe d'habitation comprend le taux des taxes spéciales d'équipement additionnelles à la taxe d'habitation ;
« c) La réduction n'est pas applicable si elle est inférieure à 100 francs. »
« IV. - L'article 1417 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1. Les I, II et III sont ainsi rédigés :
« I. - Pour les impositions établies au titre de 2000, les dispositions de l'article 1391, du 3 du II et III de l'article 1411, des 2° et 3° du I de l'article 1414 sont applicables aux contribuables dont le montant des revenus de 1999 n'excède pas la somme de 44 110 francs, pour la première part de quotient familial, majorée de 11 790 francs pour chaque demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de 1999. Pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, les montants des revenus sont fixés à 52 200 francs, pour la première part, majorée de 12 470 francs pour la première demi-part et 11 790 francs pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane, ces montants sont fixés respectivement à 54 570 francs, 15 020 francs et 11 790 francs. »
« II. - Pour les impositions établies au titre de 2000, les dispositions de l'article 1414 A sont applicables aux contribuables dont le montant des revenus de 1999 n'excède pas la somme de 103 710 francs, pour la première part de quotient familial, majorée de 24 230 francs pour la première demi-part et 19 070 francs à compter de la deuxième demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de 1999. Pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, les montants des revenus sont fixés à 125 350 francs, pour la première part, majorée de 26 600 francs pour la première demi-part, 25 350 francs pour la deuxième demi-part et 19 070 francs pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième. Pour la Guyane, ces montants sont fixés à 137 370 francs pour la première part, majorée de 26 600 francs pour chacune des deux premières demi-parts, 22 660 francs pour la troisième demi-part et 19 070 francs pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la quatrième. »
« III - Les dispositions des I et II s'appliquent dans les mêmes conditions aux impositions établies au titre de 2001 et des années suivantes. Toutefois, chaque année, les montants de revenus sont indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. »
« 2. Le I bis et le IV sont abrogés.
« 3. Dans le V, qui devient le IV, la dernière phrase du 1° et le 2° sont supprimés.
« V. - 1. Les articles 1414 bis, 1414 B et 1414 C du code général des impôts sont abrogés.
« 2. A l'article 1413 bis du code général des impôts, les mots : "et des articles 1414 bis, 1414 A, 1414 B, 1414 C" sont remplacés par les mots : "et de l'article 1414 A".
« 3. Le premier alinéa du 3, du I de l'article 1641 du code général des impôts est ainsi modifié :
« a) Dans la première phrase, les mots : "l'article 1414 C" sont remplacés par les mots : "l'article 1414 A" » ;
« b) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Les redevables visés aux articles 1414 et 1414 A en sont toutefois exonérés pour leur habitation principale. »
« 4. Au deuxième alinéa de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales, les mots : "d'un dégrèvement ou d'une exonération en application des articles 1391, 1414, 1414 bis, 1414 A, 1414 B et 1414 C" sont remplacés par les mots : "d'une exonération, d'un dégrèvement ou d'un abattement en application des articles 1391, 1414, 1414 A et du 3 du II de l'article 1411".
« 5. Le troisième alinéa du III de l'article 9 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est complété par les mots : ", majoré de la compensation prévue à l'article 6 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° du ) et de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) qui leur ont été versées la même année".
« 6. Le I de l'article 54 de la loi de finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993) est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, les mots : "le produit des rôles généraux de taxe professionnelle émis au profit de la collectivité locale ou du groupement de communes" sont remplacés par les mots : "le produit des rôles généraux de taxe professionnelle émis au profit de la collectivité locale ou du groupement de communes, majoré du montant de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998)" ;
« b) Au troisième alinéa, les mots : "les produits des rôles généraux de taxe professionnelle émis au profit des collectivités locales, de leurs groupements et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle" sont remplacés par les mots : "les produits des rôles généraux de taxe professionnelle émis au profit des collectivités locales, de leurs groupements et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, majorés du montant de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), qui leur a été versée ;
« c) Le quatrième alinéa est complété par les mots : ", majoré du montant de la compensation prévue à l'article 6 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° du ) et du montant de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), qui leur ont été versées cette même année".
« 7. Au dernier alinéa du IV bis de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986), après les mots : "en application des IV et IV bis du présent article", sont insérés les mots : ", du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), de l'article 6 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° du )".
« 8. a) Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« 1° Au 1° du a de l'article L. 4331-2 et au premier alinéa de l'article L. 4332-7, les mots : ", la taxe d'habitation" sont supprimés ;
« 2° A l'article L. 4332-8 :
« - au premier alinéa, le mot : "quatre" est remplacé par le mot : "trois" et, après les mots : "ou réductions de bases de fiscalité directe", sont insérés les mots : "et de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation" ;
« - au troisième alinéa, après les mots : "les bases de fiscalité de chacune des taxes concernées", sont insérés les mots : "et de la taxe d'habitation" et, après les mots : "la mise en oeuvre de la mesure d'exonération ou de réduction des bases", sont insérés les mots : "et de suppression de la part régionale de la taxe d'habitation" ;
« - au quatrième alinéa, après les mots : "chacune de ces taxes", sont insérés les mots : "et celui de la taxe d'habitation" et, après les mots : "la mise en oeuvre de la mesure d'exonération ou de réduction des bases", sont insérés les mots : "et de suppression de la part régionale de la taxe d'habitation" ;
« 3° A l'article L. 4332-9, le mot : "quatre" est remplacé par le mot : "trois".
« b) Pour le calcul des fonds de correction des déséquilibres régionaux en 2001 et en 2002, le potentiel fiscal prévu à l'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales tient compte des bases afférentes à la taxe d'habitation de la pénultième année.
« 9. Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« a) Aux 1° et 2° du III de l'article L. 136-2 et au III de l'article L. 136-8, les mots : "au V de l'article 1417" et les mots : "des I et IV du même article" sont remplacés respectivement par les mots : "au IV de l'article 1417" et les mots : "des I et III du même article" ;
« b) Au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, les mots : "au 1° du V de l'article 1417" sont remplacés par les mots : "au IV de l'article 1417".
« VI. - 1. Les dispositions du 1 du I ainsi que du II sont applicables à compter des impositions établies au titre de 2001.
« 2. Les dispositions des III, IV ainsi que des 1 et 3 du V sont applicables à compter des impositions établies au titre de 2000.
« 3. Les dispositions des 5, 6, 7 et du 1° du a du 8 du V sont applicables à compter de 2001. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai souhaité intervenir au nom de la commission sur cet article, car il me semble utile de placer ce dernier dans une perspective plus générale, qui est celle hélas ! du mouvement de suppression progressive des impôts locaux auquel nous assistons depuis deux ans et demi, mouvement dont les conséquences sont particulièrement inquiétantes à la fois pour l'autonomie fiscale des collectivités territoriales mais aussi - c'est un point qui a été insuffisamment souligé jusqu'ici, à mon avis - pour le budget de l'Etat lui-même.
M. Patrick Lassourd. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'aborderai tout d'abord la question de l'autonomie fiscale des collectivités.
Sans doute nous direz-vous, madame le secrétaire d'Etat, que la suppression de la taxe d'habitation des régions ne remet pas en cause l'autonomie de ces dernières. Sans doute nous direz-vous aussi qu'il s'agit, avec cette part régionale, de 5,8 milliards de francs, soit moins de 15 % des recettes fiscales des régions qui s'élèvent à près de 45 milliards de francs. Soit !
Encore faut-il rappeler que cette suppression intervient après celle des droits de mutation perçus par les régions, qui fut enregistrée en 1999. Ce furent 5 milliards de francs transformés en dotations budgétaires, indexés sur la dotation globale de fonctionnement.
Dès lors, on voit qu'il s'agit plutôt de 11 milliards de francs sur 45 milliards de francs, ce qui, sur deux exercices, commence à représenter - vous me l'accorderez - une proportion tout à fait significative.
Je ne souhaite pas entrer dans une polémique sur le mode d'indexation des compensations. Vous nous direz, madame le secrétaire d'Etat - fonction oblige - que cette indexation est favorable, et je vous répondrai que non, avec d'excellentes raisons et d'excellentes analyses à l'appui. Mais ce qui est en cause, c'est davantage - et cela me paraît plus essentiel - l'idée qu'ici, au Grand conseil des communes de France, qui est aussi le Grand conseil des régions et des départements de France, nous nous faisons de la décentralisation.
Vous pensez - du moins les propos tenus au nom du Gouvernement le laissent-ils croire - que la liberté de dépenser est la liberté locale. Nous considérons, pour notre part, que nos électeurs doivent nous juger sur tous nos choix, y compris et au premier chef sur nos choix fiscaux.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes bien placés, au Parlement, pour savoir que le fondement même de la démocratie représentative, que ce soit à l'échelon local ou à l'échelon national, peut-être demain à l'échelon européen d'ailleurs, c'est le consentement à l'impôt. Et, observant les pays qui nous entourent, nous constatons qu'en Italie, en Espagne, les collectivités locales ont une capacité de plus en plus grande de décider, en votant des taux, de l'évolution de leurs ressources. C'est véritablement cela, la libre administration dans une économie moderne. La libre administration, c'est la capacité, la souplesse d'ajuster ses ressources à ses besoins !
Il y va de la crédibilité des gestionnaires locaux ! Pourquoi les élire s'ils ne sont pas en mesure, par leurs choix, de faire prévaloir les valeurs et les méthodes auxquelles ils adhèrent ?
Pourquoi croyez-vous par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, que les collectivités françaises sont dans l'ensemble si bien notées par les agences de notation financière ? Tout simplement parce qu'il y a la fiscalité locale et la responsabilité que cela suppose de la part des décideurs locaux !
Vous allez sans doute nous parler tout à l'heure, je l'imagine, de l'exemple allemand (Mme le secrétaire d'Etat sourit) , et vous allez nous dire que des dotations budgétaires sont capables de procurer aux collectivités des ressources proportionnées à leurs besoins.
Si nous ne contestons pas la référence allemande, nous estimons cependant que cet exemple n'est pas cité à bon escient. En effet, lorsque l'on en parle comme le ministre des finances ou d'autres membres du Gouvernement l'ont déjà fait, cela revient pour nous à oublier que la Constitution allemande organise dans un Etat fédéral le partage du produit des impôts d'Etat...
M. Jean-Pierre Raffarin. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... entre le niveau fédéral et les Lander, qui sont des Etats fédérés et non pas des collectivités décentralisées comme en France. Il ne faut pas oublier notre tradition française !
A cet égard, je rappelle que, voilà un peu plus d'un an, l'un de nos éminents collègues, Pierre Mauroy, évoquait ici même, à la tribune du Sénat, une tradition quasi mécanique de la centralisation dans notre pays. Il avait raison ! Regardez comment se déroulent tout simplement nos discussions budgétaires : l'Etat « serre les boulons » comme il le peut, puis, magnanime, en cours de discussion, « lâche » quelques rallonges - beaucoup à l'Assemblée nationale, très peu au Sénat par les temps qui courent - au bénéfice des collectivités locales.
C'est ainsi que, chaque année, on examine les finances locales dans les assemblées parlementaires ! Jamais l'exercice ne revient à prendre en compte de manière réaliste les besoins des collectivités et, en quelque sorte, à se mettre à la place des gestionnaires locaux que nous sommes ; jamais le Gouvernement ne met en regard l'évolution de ses concours financiers avec celle des charges qui incombent aux collectivités territoriales.
Le sentiment de nombreux sénateurs, madame le secrétaire d'Etat, c'est que, dans l'administration d'Etat - que vous le vouliez ou non, mais c'est une réalité quasi sociologique - l'autonomie locale est plus perçue comme une contrainte dont il faut s'accommoder que comme une chance pour notre pays.
Les gestionnaires locaux, loin d'être félicités alors qu'ils devraient l'être pour l'excédent budgétaire qu'ils accumulent chaque année et qui permet à l'Etat de réduire moins qu'il le devrait son déficit à lui, sont considérés, dans le prêt-à-penser de l'administration, comme d'incorrigibles dépensiers dont les dérapages peuvent mettre en péril le respect par la France de ses engagements en matière d'évolution des dépenses publiques.
Pour éviter le dérapage des dépenses locales, il est un excellent moyen, nous le savons tous, c'est de maîtriser le robinet des recettes ; et l'Etat, en ce qui le concerne, utilise, vous le savez, la variable d'ajustement qu'est la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
Mais la véritable régulation des recettes, et donc des dépenses, ce sont les décisions que les assemblées locales prennent au moment de voter l'impôt, au moment de voter les taux.
Depuis 1999, les impôts locaux sont particulièrement remis en cause. Ils sont remplacés par des dotations qui évoluent en fonction d'indexations prévues par la loi, ils sont remplacés par une mécanique administrative susceptible d'être changée par chaque loi de finances.
La croissance du montant de ces dotations de compensation est rapide ; elle est inquiétante. Je ne crois pas que la dynamique des dépenses locales soit de nature à faire déraper la dépense publique dans notre pays, mais je m'inquiète - et c'est le second aspect de mon propos - de voir le montant des dépenses incompressibles de l'Etat gonfler chaque année.
Les dotations qui remplacent les impôts locaux, ce sont des dépenses fatales pour demain et après-demain ! Même si les gestionnaires locaux les considéreront toujours comme insuffisantes, du point de vue de l'Etat, ce seront des rubriques qu'il faudra inscrire, quelle que soit la conjoncture et quelles que soient les recettes.
Il est quand même stupéfiant, madame le secrétaire d'Etat, de constater que, dans la loi de finances pour 2000, le Gouvernement a refusé 250 millions de francs - seulement ! - au Sénat pour réaliser en deux ans au lieu de trois la prise en compte des résultats du recensement pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement, mais que, dans le même temps, le montant des compensations était supérieur, pour 2000, de 14 milliards de francs à celui des compensations versées en 1999 et de 31 milliards de francs à celui des compensations versées en 1998 ! Ainsi, 30 milliards de francs de dépenses nouvelles, n'est-ce pas, pour l'avenir une cause importante de rigidification de la dépense publique ?
Aujourd'hui, avec la belle croissance, tout est anesthésié. Mais demain ou après-demain, comment fera-t-on pour payer la note ? Voilà comment l'Etat réduit tout seul, au moment où il bénéficie d'une croissance exceptionnelle, les marges de manoeuvre procurées par cette croissance.
Pour quel résultat tout ce gâchis ? Pour accroître les ressources des collectivités locales ? Pas du tout ! Pour remplacer une ressource fiscale locale par une autre ressource, une ressource budgétaire.
Les contribuables le remarquent-ils ? Pas forcément, puisque, dans le même temps, le taux des prélèvements obligatoires atteint des sommets et que, par ailleurs, il existe tout un système, fort utile mais complexe, de dégrèvements.
L'Etat n'est pas satisfait, parce que les collectivités locales, croit-il, lui coûtent trop cher ; les collectivités locales ne sont pas satisfaites, puisqu'elles déplorent à juste titre la réduction de leur autonomie fiscale et les suppressions d'impôts mal compensées ; quant aux contribuables, ils ne remarqueront même pas, compte tenu du jeu des dégrèvements, ou ils remarqueront si peu que leurs impôts baissent...
Au total, avec ce système et avec ces méthodes, personne n'est content ; pourtant, on continue, et on nous propose ici d'aller un peu plus loin avec la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
Madame le secrétaire d'Etat, il n'est pas possible de vous suivre dans cette voie ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet article 6 préconise un dispositif à plusieurs niveaux pour alléger le poids relatif de la taxe d'habitation dans le revenu des ménages.
Les mesures mises en oeuvre sont d'une double nature.
La première mesure consiste en la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
De ce point de vue, nous sommes relativement circonspects quant à la portée du choix opéré, puisqu'il tend, en fait, à renforcer les risques de spécialisation de la fiscalité locale et à attribuer telle ou telle ressource fiscale à tel ou tel niveau de collectivité, et donc de compétence.
Cela conduit, en particulier, à accroître encore la part des ressources des collectivités locales - et singulièrement des régions - attribuée sous forme de dotations budgétaires, dotations dont un passé récent a d'ailleurs montré qu'elles souffraient d'une divergence croissante et mécanique avec la matière fiscale à laquelle elles s'étaient substituées. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement sur cette question.
Avant de passer au second étage du dispositif, qu'il me soit permis de dire à M. le rapporteur général qu'il était un peu moins loquace sur l'autonomie communale et sur l'exception française que constituent les collectivités locales au moment de l'élaboration de la loi sur les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, qui, d'une certaine façon, retire un peu de leur autonomie à ces collectivités !
Mais j'en viens au second étage du dispositif mis en oeuvre dans le cadre de l'article 6, c'est-à-dire à la refonte assez profonde des différents mécanismes d'allégement et d'exonération de la taxe d'habitation dans le sens d'une unification des modalités de calcul de l'allégement.
Nous ne vous cacherons pas que nous partageons assez largement les finalités de ce dispositif, qui offre l'avantage, sans remettre en question l'équilibre général de ce qui a été défini au fil des dernières lois de finances, de lisser l'existant et de le rendre plus directement opérationnel en évitant au maximum les effets de seuil pour le moins discutables qui survenaient précédemment.
Nous avons, de longue date, indiqué que le revenu imposable devait servir de paramètre essentiel dans la fixation du montant de la taxe d'habitation payée par les contribuables, d'autant que l'impôt local est souvent le seul impôt direct acquitté, dans l'année, par le contribuable.
Loin de nous l'idée d'en faire la base d'imposition, mais plus proche de nous l'idée d'en faire un correctif.
Nous apprécions également que l'on ait enfin intégré que, pour une part, les impôts locaux, de par leur nature assez profondément injuste, constituent un véritable frein à la croissance, en ce sens qu'ils consomment une part importante des disponibilités des ménages les plus modestes quand vient le moment de s'en acquitter.
Pour autant, madame la secrétaire d'Etat, demeurent un certain nombre de questions : qu'en est-il de la réforme des valeurs locatives, prévue depuis 1990 mais toujours pas appliquée ?
De la même manière, qu'en est-il de la réforme de la fiscalité directe locale ? Devons-nous prolonger un simple mouvement de substitution de dotations budgétaires à des recettes fiscales, comme cela s'est déjà vu, ou repenser plus complètement les choses, notamment en matière de taxe professionnelle, où se pose de manière récurrente la question de la base d'imposition, et notamment de la prise en compte des actifs financiers ?
Telles sont les quelques observations que nous comptions présenter à l'occasion de l'examen de cet article 6.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais vous faire part de l'extrême déception des élus locaux face à la décision que vous avez prise : déception quant à la forme, déception quant au fond.
Sur la forme, d'abord, car il n'y a eu aucune concertation. Quel respect pour la démocratie locale ! Quel respect pour les élus régionaux que de les informer d'une distribution de cagnotte sur TF 1, au journal de vingt heures, où il leur est annoncé que la part régionale de la taxe d'habitation est supprimée !
On nous explique d'ailleurs que, comme il y a plus de départements, il vaut mieux s'attaquer aux régions pour rendre la décision plus aisée, et on le fait dans le secret, dans l'opacité devrais-je plutôt dire : en effet, tous n'étaient pas dans l'ignorance de ce qui allait être décidé, certains ont profité de l'information...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un délit d'initiés ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. ... et on a vu un certain nombre d'acteurs territoriaux qui, ne parvenant pas à boucler leur contrat de plan, ont subitement conclu des accords grâce à une augmentation du poids de la fiscalité régionale. Eux, ils savaient que ce serait ensuite compensé !
Alors que, dans les années précédentes, tout cela était maîtrisé, on a vu soudain des régions voter des taux dépassant les normes habituelles, et cela simplement parce qu'il y avait des dessous de table : « Tu augmentes et, sous la table, je te renverrai l'enveloppe pour compenser cette augmentation. »
M. Charles Revet. C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais dans quelle République sommes-nous ?
M. Patrick Lassourd. Une République bananière !
M. Jean-Pierre Raffarin. Comment peut-on accepter une telle pratique de la coopération entre l'Etat central et les territoires ? Si l'Etat veut être respecté, il doit être respectable !
Comment, pour s'en tenir à la forme, accepter une telle décision alors que, des mois et des mois durant, nous avons négocié, territoires et Etat, des contrats de plan, qu'on nous a demandé des projets régionaux, que nous avons mis en place des concertations, que les préfets, les directeurs d'administration locale ont essayé de comprendre comment allaient s'organiser les contrats d'agglomération, les contrats de pays, les schémas de services ? Bref, alors que, souvent, dans les régions, nous connaissons des difficultés politiques majeures, nous sommes arrivés à bâtir partout des contrats, à définir des investissements importants pour la période 2000-2006, à mobiliser des ressources, à établir des plans de financement, à envisager quelquefois des augmentations fiscales, à bâtir des projets, à prévoir leur financement.
Alors, l'Etat, agissant secrètement, fait semblant d'être d'accord sur toutes ces pratiques ; de région en région, il signe les contrats de plan, il signe les dépenses. Et une fois que tout est signé, M. le Premier ministre vient dire à la télévision que tel est bien le cas, mais que, dorénavant, les ressources des régions vont être maîtrisées, que l'on va changer la donne.
Naturellement, derrière tout cela, il y a plusieurs mensonges. D'abord, on dit aux citoyens qu'il y a suppression de l'impôt alors qu'au fond il y a transfert d'impôt. Ensuite, on dit aux régions qu'il y aura pour elles compensation, mais toutes les statistiques montrent que, sur la période des dix ans à venir, elles perdront près de 2 milliards de francs, 1,5 milliard de francs dans l'hypothèse la plus modeste, par rapport à la contractualisation 2000-2006, ce qui représente un vrai déficit. Autrement dit, on annonce une compensation et il n'y aura qu'une partie de compensation. C'est vraiment inacceptable dans la forme.
Sur le fond, sommes-nous encore des collectivités de libre administration ? Pouvons-nous considérer que nous avons une maîtrise tant de nos ressources que de nos dépenses, d'ailleurs, dans la mesure où, de plus en plus, l'Etat à la fois maîtrise les conditions de la ressource et définit les conditions de la dépense ?
M. Charles Revet. Exactement !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il suffit de voir comment est gérée la décentralisation de la formation professionnelle : de plus en plus, l'Etat cherche à faire en sorte que les dépenses engagées par les régions viennent, sur leurs propres lignes, accompagner ses propres politiques ; autrement dit, il cadre notre dépense. Et voilà que maintenant, il veut cadrer aussi nos recettes !
Quand j'ai été élu pour la première fois président de conseil régional, cette dotation de l'Etat pesait à peine 40 % dans le budget régional. Aujourd'hui, elle représente plus de 60 %. Nous devenons des quasi-préfets. Nous gérons des dotations et nous gérons des circulaires. Il ne nous manque plus que les casquettes, mais nous sommes prêts à les porter, s'il nous faut assumer jusqu'au bout ce destin, qui est de servir la cause non pas de la décentralisation mais d'une certaine déconcentration !
Tout cela est profondément regrettable.
J'ajoute que cette démarche brutale intervient dans une période où, parallèlement, on pratique la plus sournoise des recentralisations, celle qui consiste à assécher les territoires.
La réforme ferroviaire de M. Gayssot, si elle reste où elle en est aujourd'hui, consiste à transférer aux régions le déficit des TER pour garder au niveau national les bénéfices du TGV. C'est la pire des recentralisations : d'un côté, on nous transfère des charges importantes ; de l'autre, on s'en prend à nos ressources.
Madame le secrétaire d'Etat, cette situation est à proprement parler inacceptable, non pas pour nous, non pas pour les quelques élus que nous sommes, mais parce que la France - vous vous en rendez bien compte ! - a besoin, aujourd'hui, de la solution régionale, parce qu'elle a besoin de la décentralisation pour régler les problèmes, pour mener à bien les réformes, notamment lorsque sont en cause des mammouths incapables de se bouger.
On voit bien, aujourd'hui, que sans les régions, sans les expérimentations, on n'arrive à rien. Vous êtes bien placée pour le savoir, madame le secrétaire d'Etat, vous qui avez accompagné M. Sautter dans la triste période où le mammouth des finances a montré son impuissance.
Pourquoi la SNCF, mammouth parmi les mammouths, a-t-elle pu accepter la régionalisation ? Parce qu'il y a eu des expérimentations et que la CGT d'en bas a convaincu la CGT d'en haut, que les directeurs administratifs d'en bas ont convaincu les directeurs administratifs d'en haut, que les élus d'en bas ont convaincu les élus d'en haut et qu'ainsi, petit à petit, la réforme est montée en puissance.
Aujourd'hui, on a besoin de la solution régionale pour donner à notre pays cette efficacité dont nous parlions tout à l'heure, Mais comment assumer cette solution régionale quand on prive la région de la ressource et de la responsabilité ? C'est grave ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comment pourrais-je ne pas m'exprimer sur cette question, à laquelle, je le sais, les élus de la Haute Assemblée attachent une si grande importance, notamment M. Raffarin, qui a eu l'occasion d'exprimer très récemment ses préoccupations à ce sujet à M. Fabius ?
M. le rapporteur général a développé un certain nombre d'arguments et a eu, de plus, l'amabilité d'anticiper sur tous ceux que je pourrais moi-même développer.
S'agissant de l'autonomie fiscale des collectivités locales, il est clair que nous ne partageons pas la même conception. Je dirai simplement que l'on peut soutenir que la libre administration des collectivités locales s'entend essentiellement de la liberté d'emploi des ressources, le législateur devant veiller à ce qu'elles soient suffisantes en quantité pour permettre aux collectivités d'exercer les compétences qui leur sont dévolues.
Au-delà du débat de fond, que je ne trancherai pas - la commission présidée par M. Pierre Mauroy doit actuellement le poursuivre - j'observerai simplement que, en matière de suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, le Conseil constitutionnel a bien voulu considérer que cette mesure n'avait pour effet ni de diminuer les ressources globales des collectivités locales ni de restreindre leurs ressources fiscales au point d'entraver leur libre administration.
Vous avez eu l'amabilité de rappeler, monsieur le rapporteur général, que la taxe d'habitation ne représentait que 7,2 % du total des ressources des régions, hors emprunt. Par conséquent, les régions disposeront encore d'une grande marge de manoeuvre fiscale, et ce en dépit de l'autre réforme qui peut « porter atteinte » à leurs ressources, et que j'ai citée tout à l'heure, à savoir la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.
Vous avez également fait allusion au cas allemand. L'autonomie fiscale de nos régions restera largement supérieure à celle des collectivités locales de la plupart des Etats de l'Union, y compris des Etats à forte décentralisation, comme celui que vous avez cité, puisque les recettes fiscales propres des Länder ne représentent pas plus de 20 % de leur budget total.
Sur l'indexation de la compensation, sujet que M. Raffarin a également abordé, je ferai deux remarques.
Tout d'abord, si l'on compare l'évolution moyenne des bases de la taxe d'habitation au cours des dix dernières années et l'évolution de la DGF, on constate que, pour quinze régions métropolitaines sur vingt-deux, l'évolution moyenne des bases a été inférieure à celle de la DGF. Cela signifie que le dispositif que le Gouvernement propose au titre de la compensation n'est pas défavorable à la majorité des régions, qu'il ne l'est peut-être qu'à celles qui, en effet, bénéficient d'un potentiel fiscal supérieur à la moyenne nationale.
Mais cela nous renvoie alors à un autre débat, tout aussi important, qui est celui de la péréquation : la libre administration des collectivités locales poussée jusqu'à son terme signifie-t-elle que chacun garde ses ressources et refuse de « péréquer » en faveur des régions les plus pauvres ? C'est un débat que je ne me permettrai pas de clore ce soir compte tenu des réflexions qui sont en cours.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est le rôle du contrat de plan.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il a également été dit qu'il serait très dommageable de remplacer la fiscalité locale par des dotations à caractère budgétaire, que cela contribuerait à rigidifier considérablement les dépenses de l'Etat.
La question est de savoir si l'on préfère alléger l'impôt ou non. Et, quand l'impôt est local, chacun voudra bien convenir ici qu'il faut le compenser !
Je me permets d'ailleurs d'appeler l'attention sur une disposition qui figure dans le mécanisme proposé par le Gouvernement et qui rejoint l'avertissement que vous venez de lui lancer quant à un système de limitation des dégrèvements si les taux de la taxe augmentent de manière excessive.
Vous avez enfin indiqué, monsieur le rapporteur général, qu'au fond la réforme proposée n'était bonne ni pour l'Etat, ni pour les collectivités locales, ni - si j'ai bien compris - pour les contribuables.
S'agissant des contribuables, je crois que la réponse, qui est très simple, se passe de tout commentaire : le dispositif proposé va totalement exonérer de taxe d'habitation un million de contribuables.
J'ai bien entendu les observations de M. Foucaud, notamment son observation générale, qui va dans le sens des propositions du Gouvernement, bien qu'assortie d'un certain nombre de réserves. Ces réserves, je les ai bien notées.
En matière de fiscalité locale, il est toujours tentant, mais quelque peu imprudent, de parler de « la Réforme ». En effet, dans ce domaine, nous avons bien vu - nous avons eu l'occasion d'y faire allusion tout à l'heure - la difficulté qu'il peut y avoir à se lancer dans un dispositif de révision générale des valeurs locatives, par exemple. Nous avons expérimenté aussi, voilà quelques années, l'introduction du revenu dans le calcul de la part départementale de la taxe d'habitation ; cela n'a pas fonctionné.
Donc, le Gouvernement s'est résolument engagé dans une démarche pragmatique, peut-être modeste, mais qui a pour conséquence, pour nombre de contribuables, de réduire significativement le poids de la taxe d'habitation, voire de les en exonérer totalement, et ce avec un impact budgétaire malgré tout important puisqu'il s'agit de 11 milliards de francs.
M. Raffarin a souligné que la procédure utilisée par le Gouvernement était peu respectueuse des droits à la concertation. Je dois dire - j'étais avec M. Jean-Pierre Chevènement, ce jour-là - que nous avons eu l'occasion de nous excuser auprès de la commission Mauroy du caractère un peu rapide des propositions qui étaient faites, alors même que le Gouvernement avait décidé d'engager une concertation sur ce sujet très important que constitue la décentralisation.
C'est ainsi : le collectif budgétaire se présentait, pour des raisons sur lesquelles nous nous sommes longuement expliqués au cours de ces dernières heures.
Pour autant, nous n'épuisons pas le sujet de la réforme de la fiscalité locale. Je suis même sûre que le Gouvernement se penchera avec beaucoup d'intérêt sur les conclusions de la commission Mauroy.
J'ajoute, pour ceux qui auraient un doute, que, si le Gouvernement n'était pas favorable à la décentralisation et souhaitait prendre des mesures allant à son encontre, il n'aurait pas pris, précisément, l'initiative de réunir cette commission pour apporter à la décentralisation le second souffle qui lui est nécessaire.
Le dernier point évoqué par M. Raffarin concerne ce qu'il a, me semble-t-il, appelé les « délits d'initié », c'est-à-dire les augmentations de taux qui ont pu être opérées par certaines régions au moment de l'annonce du nouveau dispositif dont il est question ce soir.
En général, ce qui est dénoncé, ce sont les évolutions qui ont été décidées par les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nord - Pas-de-Calais. En réalité, il s'agit de mesures qui ont été décidées postérieurement à la révélation publique du dispositif gouvernemental. Je pense donc que la qualification de délit d'initié n'est pas tout à fait adéquate.
En revanche, si l'on doit parler de délit d'initié, je note que la région Lorraine, elle, a voté une hausse de plus de 15 % de ses taux le 23 février dernier, soit de manière anticipée par rapport à l'annonce du dispositif gouvernemental.
Au-delà de ces aspects quelque peu polémiques, il faut bien voir que ces ajustements du niveau des taux tiennent en partie à l'importance des engagements qui ont été pris dans les contrats de plan par ces régions, qui sont effectivement celles dont les engagements ont le plus fortement progressé.
M. le président. Sur l'article 6, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De rédiger ainsi le I de l'article 6 :
« I. - Le II de l'article 1641 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. - Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat perçoit 5,4 % du montant des taxes visées au I, à l'exception de la taxe d'habitation due pour les locaux meublés non affectés à l'habitation principale. Ce taux est réduit à 2,1 % pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties et à 4,4 % pour les autres impositions perçues au profit des collectivités locales et de leurs groupements. »
B. - En conséquence, de supprimer le II ; le 5, le 6, le 7 et le 8 du V ; et le 1 et le 3 du VI de cet article.
C. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I. ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« VII. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la réduction des frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 35, M. Fréville propose de rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - 1. A compter de 2001 ou, si elle est postérieure, de l'année de mise en application de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux, il est institué une dotation budgétaire afin de compenser la perte de recettes résultant pour les collectivités locales du mode d'évaluation des valeurs cadastrales des immeubles d'habitation appartenant au deuxième groupe visé au troisième alinéa du I de l'article 3 de la loi précitée.
« Cette perte de recettes est égale au produit par le taux de taxe d'habitation voté par chaque collectivité locale en 2000 ou l'année précédant la mise en application de la loi précitée, de la différence, si elle est positive, entre le montant avant révision des bases nettes de taxe d'habitation des logements visés au troisième alinéa du I de l'article 3 de la loi précitée et le montant après révision des bases nettes de ces mêmes logements pondéré par le rapport entre les bases nettes avant et après révision des autres locaux assujettis à la taxe d'habitation.
« 2. A compter de 2002 ou de l'année suivant l'année de mise en application de la loi précitée, le montant de la compensation évolue comme la dotation globale de fonctionnement.
« 3. Le Gouvernement présentera avant le 1er octobre 2000 un rapport proposant les adaptations qu'il serait utile d'apporter au dispositif précédent. »
Par amendement n° 98 rectifié bis, présenté par MM. Raffarin, de Rohan et Humbert proposent :
A. - De rédiger comme suit le 1 du I de cet article :
« 1. Le code général des impôts est ainsi modifié :
« a) Après l'article 1414 C, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Pour les impositions établies au titre de l'année 2000 et des années suivantes, il est accordé aux contribuables un dégrèvement d'office de la totalité de la cotisation de taxe d'habitation perçue au propfit des régions. »
« b) Le 1 du I de l'article 1336 B sexies du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Soit, pour les régions, faire varier le taux de taxe d'habitation dans la même proportion que l'augmentation du taux moyen de la taxe professionnelle et des taxes foncières, pondéré par l'importance relative des bases de ces trois taxes pour l'année d'imposition, sans toutefois pouvoir excéder l'augmentation du PIB en volume constatée l'année précédente. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du dégrèvement de la part régionale de la taxe d'habitation est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnées aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 36, M. Fréville propose, dans le deuxième alinéa du a) du 2 du I de cet article, de remplacer l'année : « 2000 », par les mots : « 1999, majorée de 1 % ».
Par amendement n° 58 rectifié, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A - De rédiger comme suit le second alinéa du b du 2 du I de cet article :
« A compter de 2002, la compensation des exonérations visées au a du I versée au profit de chaque région et de la collectivité territoriale de Corse est égale à la compensation de l'année 2001 revalorisée en fonction de l'évolution constatée de la cotisation moyenne des taxes par article d'imposition. »
B. - Afin de compenser les pertes de ressources résultant du A, de compléter, in fine, cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence des pertes résultant pour l'Etat du mode de calcul de la compensation des exonérations de taxe d'habitation mentionné au II de l'article 21 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991). »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler tout d'abord qu'à l'article 6 le Gouvernement propose une bonne chose et une mauvaise chose. La bonne chose, c'est la baisse d'impôt, qui profite notamment aux ménages les plus défavorisés, et ce grâce à la simplification et à l'approfondissement des mécanismes de dégrèvements de la taxe d'habitation. La mauvaise chose, nous en avons longuement parlé, c'est une nouvelle suppression d'impôt local, la part régionale de la taxe d'habitation.
La commission des finances propose donc au Sénat de maintenir la bonne chose, c'est-à-dire la baisse d'impôt. Le surplus des recettes fiscales perçu par l'Etat grâce à la croissance doit être distribué en partie aux contribuables. Compte tenu du niveau trop élevé de la pression fiscale dans notre pays, nous estimons que la redistribution est insuffisante.
En revanche, on ne peut à l'évidence aller plus loin en ce qui concerne la réduction de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Il convient à cet égard de se demander, quelles que soient les décisions passées du Conseil constitutionnel, si la tendance qui se développe ne va pas aller jusqu'à la remise en cause du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales.
Au-delà d'une certaine limite, c'est d'un changement de nature qu'il s'agira. L'expérience qu'a relatée M. Jean-Pierre Raffarin en Poitou-Charentes est extrêmement intéressante à ce titre. Il a rappelé le taux des dotations de l'Etat lorsqu'il a pris la présidence de cette région et précisé qu'il est aujourd'hui de 60 %. Gère-t-il toujours la même collectivité dans le cadre des mêmes règles du jeu à l'égard de l'Etat ? Il est permis de se poser la question.
Passé un certain seuil, c'est bien d'un changement de nature des responsabilités que nous exerçons qu'il s'agit.
En vertu de ces éléments, la commission des finances propose au Sénat un dispositif en trois points.
En premier lieu, il vise à conserver la refonte et l'approfondissement des dégrèvements proposés, qui permettent de simplifier le dispositif actuel et de limiter les effets de seuil.
En deuxième lieu, il tend à maintenir la part régionale de la taxe d'habitation.
En troisième lieu, il vise à alléger la pression fiscale, en réduisant les frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat sur les impôts des ménages, c'est-à-dire la taxe d'habitation et, pour une part, la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties.
Dans le système que vous nous proposez, madame le secrétaire d'Etat, la réforme se traduit par un allégement de 11 milliards de francs de la pression fiscale et par une réduction regrettable de l'autonomie des collectivités territoriales.
Dans le dispositif que nous proposons, la capacité des régions à mobiliser leurs ressources propres est préservée, et la diminution d'impôts pour les contribuables s'élève toujours à 11 milliards de francs, montant qui se décompose en 6,2 milliards de francs résultant de l'aménagement du système des dégrèvements - nous n'y touchons pas - en 3,2 milliards de francs de suppression des frais d'assiette et de recouvrement de la taxe d'habitation et en 2,4 milliards de francs d'allégement des frais d'assiette et de recouvrement des taxes foncières, cette rubrique passant de 4,4 % à 2,1 %, un élément technique de 0,8 milliard de francs s'y ajoutant au titre de l'incidence de la suppression des frais d'assiette et de recouvrement de la taxe d'habitation sur les dégrèvements de taxe d'habitation.
Tel est, mes chers collègues, le dispositif que vous propose la commission des finances, qui, je le répète, entraîne le même effet pour les contribuables, pour ceux qui acquittent la taxe d'habitation, mais aussi pour les classes moyennes, les redevables de la taxe foncière.
Par ailleurs, nous estimons devoir préserver totalement l'autonomie de nos régions de sorte qu'elles puissent faire face à leurs responsabilités et qu'elles exercent leurs missions.
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Yves Fréville. Je voudrais dire tout d'abord que je suis parfaitement d'accord, sur le fond, avec la position qui vient d'être exprimée et par notre collègue M. Raffarin et par M. le rapporteur général. Je me rallie donc à la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation proposée par le Gouvernement. Je pense simplement qu'à long terme des améliorations du système proposé seraient peut-être souhaitables.
Le Gouvernement veut supprimer un impôt local et le faire « rembourser », si je puis dire, par les contribuables nationaux. Très bien ! Mais cet impôt local est levé et les régions avaient tout à fait le droit de le faire - à des taux très différents. Ainsi le taux est de 5 % pour le Nord, mais de la moitié pour la Bourgogne ! Sur le champ, c'est acceptable. Mais comment voulez-vous, mes chers collègues, que les contribuables nationaux continuent dans cette voie : ils vont se demander pourquoi ils payeraient deux fois plus pour le Nord que pour la Bourgogne.
Il est certain que le système de remboursement a vitam aeternam...
M. Patrick Lassourd. Ne tiendra pas la route !
M. Yves Fréville. ... ne tiendra jamais la route.
D'ailleurs, nous avons le précédent de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Après la réduction de 16 % de la taxe professionnelle, on a organisé la péréquation sur les remboursements !
Ce système est donc intenable à long terme. En revanche, j'admets que, à court terme, la suppression des frais d'assiette et de recouvrement préconisée par la commission des finances est la seule solution plausible.
Cela a toutefois des conséquences. Je mets les pieds dans le plat ! (Sourires.) Ces frais d'assiette et de recouvrement permettent en effet de couvrir en partie les frais de personnels et de matériel du ministère des finances ! C'est un problème d'organisation du ministère des finances qu'il est peut-être bon de soulever.
A long terme, il faudra trouver une autre solution. On ne peut pas continuer à défendre une fiscalité locale reposant sur des bases vieilles de trente ou de quarante ans - et inacceptables, au fond, pour la plupart de nos concitoyens. Il faudra moderniser les bases.
Quoi qu'il en soit, avec cet amendement, je propose simplement que le Gouvernement présente un rapport sur les adaptations qu'il serait utile d'apporter au dispositif, et rien de plus.
Puisque le problème réside fondamentalement dans la modification de l'évaluation des valeurs locatives dans les HLM, que le Gouvernement « recycle » les dotations qu'il est prêt à verser pour compenser cette opération de baisse de la taxe d'habitation en faveur des communes qui ont des logements HLM. Ainsi, la difficulté majeure sur la révision des bases disparaîtra.
Je pense d'ailleurs que cet amendement est tout à fait acceptable par la majorité plurielle et par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raffarin, pour défendre l'amendement n° 98 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce débat est très important puisqu'il est nécessaire de repenser globalement la fiscalité locale. Or, je ne crois pas, madame la secrétaire d'Etat, que la commission Mauroy sera en mesure de présenter des propositions techniques allant au-delà de quelques grands principes généraux. Ses méthodes de travail et sa composition ne permettent pas de penser que c'est le véritable laboratoire de la décentralisation.
Si l'on veut vraiment travailler sur le problème des finances locales, qu'on mobilise la Haute Assemblée. Nous pourrons faire un certain nombre de propositions.
La commission Mauroy est au travail depuis plusieurs mois. Elle s'est attaquée au mode de scrutin cantonal, mais elle n'a pas débouché sur un consensus.
Les membres de cette commission, parce qu'ils représentent tous des associations, défendent les associations qu'ils représentent. Pour aboutir à un consensus, il faudrait un miracle qui nous viendrait de la métropole lilloise !
Pour le moment, rien ne laisse penser qu'il en sortira une nouvelle organisation des finances locales !
Avec le président de Rohan et M. Humbert nous proposons un dégrèvement de la taxe d'habitation.
Loin de moi l'idée de dire que la taxe d'habitation est aujourd'hui un impôt performant que nous tenons vraiment à conserver. En effet, tant que ses bases n'auront pas été revues, cet impôt sera archaïque.
Nous proposons donc, d'abord, le dégrèvement et, ensuite, la pondération, le désencadrement des taux de manière à tenir compte des disparités de ressources entre les régions, notamment sur la taxe professionnelle.
Le maintien de notre capacité fiscale nous paraît être le moyen le plus adapté pour que nous conservions une part de libre administration de nos collectivités, pour que nous puissions garder notre dynamique territoriale.
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Yves Fréville. Cet amendement, je souhaite ne pas avoir à le voter parce que j'espère que l'amendement précédent sera adopté.
Il s'agit en effet d'un amendement de repli, qui vise à tenir compte du fameux « délit d'initié » commis par les quatre régions.
Madame le secrétaire d'Etat, il n'y a pas lieu de faire de distinction entre les régions qui ont pris la décision d'augmenter le taux de la taxe d'habitation avant ou après l'annonce en conseil des ministres de la mesure provisoire de suppression de la part régionale. Il serait donc sage, pour éviter toute difficulté, de retenir, pour le calcul des compensations, le taux de l'an passé.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 58 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'allégement de la taxe d'habitation qui est payée par les contribuables locaux pose naturellement la question de la compensation, pour les collectivités locales, de la moins-value fiscale qui en découle.
Sur cette pratique de substitution, notre expérience nous amène à nous interroger sur le choix opéré dans le projet de loi quant aux modalités.
Nous savons tous ainsi qu'il existe un décalage sensible entre le montant de taxe professionnelle économisé par les entreprises au titre de l'allégement transitoire de 16 % qui avait été voté en 1986 et le montant de la dotation de compensation destinée à en neutraliser l'effet.
Sans même revenir sur le fait que cette pauvre dotation de compensation de la taxe professionnelle est aujourd'hui devenue une simple variable d'ajustement des concours de l'Etat aux collectivités locales, il y a « belle lurette » que la compensation n'a plus rien à voir avec l'allégement.
Selon nos estimations, le décalage est en effet d'environ 20 milliards de francs au détriment des collectivités locales...
Cela tient évidemment en grande partie aux règles de progression qui ont pu être adoptées pour ces différentes compensations, règles en général beaucoup moins dynamiques que ne peut l'être la matière fiscale.
Nous avons donc quelque crainte que le phénomène ne se reproduise, au fil du temps, avec la compensation de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, que nous ne pouvons associer décemment à la seule progression de la dotation globale de fonctionnement.
Si l'on observe, d'une part, l'évolution comparée de la dotation globale de fonctionnement ces dernières années et, d'autre part, l'évolution de l'imposition moyenne par article d'imposition, on constate une très sensible différence, au bénéfice ou au profit - je ne sais quelle est la bonne formule - de la dynamique de la recette fiscale.
Nous souhaitons donc que la compensation soit, dans les années à venir, liée plus directement à l'évolution des recettes fiscales, évolution qui résulterait de l'addition des décisions prises tant par les communes que par les départements ou par les établissements publics de coopération intercommunale en matière d'imposition locale.
Je le répète : il s'agit, pour nous, d'éviter l'effet de ciseau que nous avons régulièrement pu observer par le passé.
Au terme de cette intervention, on peut se demander quelle serait la portée de la mesure préconisée.
A ce stade, on ne peut oublier ici les compétences spécifiques des régions en bien des domaines essentiels, la construction du parc des lycées, la question de l'apprentissage et de la formation continue, le développement des grandes infrastructures, le développement culturel, notamment.
Notre objectif est aussi de permettre aux régions de n'avoir à solliciter ni la fiscalité, ni l'emprunt pour combler une éventuelle perte de recettes fiscales qui résulterait d'une compensation imparfaite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 35, 98 rectifié bis , 36 et 58 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission partage bien évidemment les analyses des auteurs de ces amendements. Comme le soulignait notre collègue M. Yves Fréville, il est clair qu'il ne sera pas possible de faire l'économie d'une nouvelle conception de la fiscalité locale. Il faudra bien trouver, pour le long terme, des solutions qui ne déconnectent pas la collectivité qui décide de ses ressources fiscales et les éléments de l'assiette. Si nous voulons donner un sens à l'autonomie, la fiscalité locale, dont les taux sont décidés par les assemblées élues, doit reposer sur des assiettes directement liées à la circonscription territoriale considérée. Les solutions qu'il faudra trouver pour le long terme devront, me semble-t-il, respecter ce principe : ne pas rompre le lien à la fois économique et de responsabilité entre l'assiette fiscale et les décisions des assemblées territoriales.
S'agissant de l'amendement n° 98 rectifié bis, la commission partage les objectifs que ses auteurs cherchent à atteindre. Elle estime que le dispositif de son propre amendement répond aux préoccupations qui ont été exprimées et elle voudrait insister sur le fait qu'elle propose au Sénat une baisse de l'impôt local répercutée sur le contribuable à hauteur de onze milliards de francs, ce qui est identique à ce que nous suggère le Gouvernement.
Nous estimons aussi - et M. Fréville voulait bien le reconnaître, au moins pour le court terme - que la suppression, pour la taxe d'habitation et dans une large mesure pour la taxe foncière, des frais d'assiette et de recouvrement est une disposition utile, nécessaire et qui, par ailleurs - M. Fréville l'a très bien dit - va contribuer à la réforme de l'Etat, c'est-à-dire à la nécessaire adaptation des moyens des administrations financières en fonction de leur mission. Ce n'est sans doute pas la moindre des vertus de cette proposition que nous formulons.
Nous partageons bien volontiers la philosophie générale de l'amendement n° 58 rectifié du groupe communiste républicain et citoyen, même si le dispositif doit sans doute être affiné. Les compensations d'exonération de fiscalité locale doivent, autant que possible, évoluer en fonction des bases réelles des impôts et non d'indices abstraits, déconnectés des réalités économiques nationale et locale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. S'agissant tout d'abord de l'amendement n° 5 de la commission, je dois dire que, du point de vue de son économie générale, la mécanique est parfaite, mais nous ne partageons pas, comme j'ai eu l'occasion de commencer à le lui dire, la philosophie d'ensemble, dans la mesure où cet amendement compense en quelque sorte le manque à gagner - vu du côté du contribuable évidemment - lié au rétablissement de la part régionale par une diminution des frais d'assiette et de recouvrement.
Les frais d'assiette et de recouvrement ont une utilité. Ils sont la contrepartie des dépenses que l'Etat supporte pour établir et recouvrer l'impôt, ainsi que pour financer partiellement les dégrèvements opérés au profit des contribuables de condition modeste notamment.
En ce qui concerne l'établissement de l'impôt, tout cela a un coût. Pour la seule taxe d'habitation, cela représentait trois milliards de francs en 1997. Quant à la prise en charge des dégrèvements, celle-ci est importante, car ils se sont élevés à 11,8 milliards de francs en 1998 pour l'Etat, soit une progression de plus de 60 % en six ans, alors que, sur la même période, les recettes perçues par l'Etat en contrepartie n'ont augmenté que de 24 %, si je puis dire.
L'autre aspect du dispositif proposé dans l'amendement n° 5 conduit non pas à concentrer les 11 milliards d'allégement de la pression fiscale sur les redevables de la taxe d'habitation, mais à les disperser entre, d'un côté, des redevables de la taxe d'habitation et, de l'autre, des redevables particuliers et des entreprises assujettis à la taxe foncière.
Cela ne correspond donc pas à l'esprit qui nous animait lorsque nous avons conçu ce dispositif, lequel a vocation à alléger de manière générale la taxe d'habitation pour l'ensemble des Français à travers la suppression de la part régionale et à concentrer les allégements supplémentaires sur les contribuables aux revenus les plus modestes.
L'amendement n° 35 nous renvoie à la question que nous avions évoquée, à savoir les modalités d'intégration de la révision, dont M. Fréville a rappelé combien c'était difficile.
Il a également évoqué la question particulière des logements d'HLM soulevée en 1996 par le Comité des finances locales, lequel s'était effectivement prononcé en faveur de l'abandon de la distinction entre les locaux d'habitation appartenant aux organismes d'HLM et les autres. Il préconisait plutôt une classification unique de tous les locaux d'habitation. On voit bien que, même si tel était le cas, les transferts de charges entre contribuables consécutifs à la révision ne se limiteraient pas aux seuls effets de la tarification spécifique des logements sociaux. C'est pourquoi, compte tenu de toutes ces difficultés, le Gouvernement a choisi d'agir immédiatement et de faire porter tous ses efforts sur la taxe d'habitation pour améliorer, notamment, le sort de ceux de nos concitoyens qui sont dans les situations les plus délicates.
Le principe de l'amendement n° 98 rectifié bis me paraît, je dois le dire, contestable. En effet, en remplaçant la suppression de la part régionale par un dispositif de dégrèvement, il conduirait en réalité, à faire prendre en charge par l'Etat l'augmentation des taux qui sont décidés par les collectivités locales. Bien entendu, vous proposez un dispositif d'encadrement du taux de cette taxe d'habitation, dispositif qui s'ajoute lui-même à des mesures d'encadrement du taux de la taxe professionnelle et du taux de la taxe foncière, ce qui conduit à compliquer considérablement les modalités de fixation des taux. Pour ces raisons, nous ne sommes donc pas favorables à cet amendement.
Je ne reviens pas sur les éléments que j'ai développés tout à l'heure et qui sont relatifs au caractère juste de la compensation proposée par le Gouvernement.
L'amendement n° 36, qui est, si ma mémoire est bonne, un amendement de repli, vise à calculer la compensation à partir des taux de 1999 majorés de 1 %.
Cette proposition ne me paraît pas pertinente puisque, sur vingt-six régions, vingt n'ont pas augmenté leurs taux entre 1999 et 2000. Vous avez parlé, tout à l'heure, des régions qui, à l'inverse, avaient commis des délits d'initié. Encore une fois, ce n'est pas une expression que le Gouvernement reprend à son compte, mais je ne vois pas pourquoi, pour les régions qui n'ont pas augmenté leurs taux entre 1999 et 2000, l'Etat aurait à compenser une majoration de taux qu'elles n'ont pas opérée. Pour cette raison, nous ne sommes pas non plus favorables à cet amendement.
Enfin, l'amendement n° 58 rectifié porte également sur les modalités de compensation. Plutôt que de calculer une indexation conforme à la DGF, cet amendement vise à caler cette indexation sur la cotisation moyenne des taxes.
Cette proposition ne permet pas de savoir quelles seraient les cotisations prises en compte, pour quelles taxes et pour quels niveaux de collectivités locales.
Par ailleurs, elle pose un problème de visibilité. En effet, nous n'aurions pas de visibilité suffisante sur l'évolution de la compensation, puisque cela reviendrait, là encore, à faire supporter au contribuable national les décisions prises par les collectivités locales.
J'ai bien entendu aussi l'argument qui a été développé sur l'évolution de la dotation de compensation de la taxe professionelle qui, dans le cadre d'une mécanique inventée, si je puis dire, sous un Gouvernement précédent, joue le rôle de variable d'ajustement, puisque c'est le terme qu'on lui a accolé. Je voudrais simplement faire remarquer que la baisse de la DCTP, lorsqu'elle est opérée, se produit davantage au détriment des collectivités « riches » que des collectivités « pauvres ». Cet argument mérite, nous semble-t-il, d'être pris en compte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. A ce moment de notre discussion, madame la secrétaire d'Etat, je voudrais d'abord saluer votre flegme et la courtoisie inlassable - vous me direz que c'est normal, mais cela mérite néanmoins d'être dit - avec laquelle vous répondez aux questions, sans faire remarquer, comme je vais le faire moi-même, à quel point la majorité du Sénat est saisie de dédoublement !
Alors qu'au cours de la longue journée d'hier nous avons entendu nos collègues de la majorité répéter inlassablement la litanie du remboursement, du désendettement, de la réduction de la dépense, ce soir, amendement après amendement, ces mêmes collègues ne veulent que dépenses supplémentaires...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lesquelles ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pas du tout !
Plusieurs sénateurs du RPR et des Républicains et Indépendants. Lesquelles ! Lesquelles !
M. Gérard Delfau. Ce soir, ce ne sont que dépenses supplémentaires par défiscalisation...
M. Patrick Lassourd. Vous n'avez rien compris !
M. Gérard Delfau. ... que, jusqu'à l'article 6 en tout cas, vous n'avez cessé, chers collègues, de demander.
Chacune de ces demandes était légitime, sans doute. Mais où est la cohérence ? N'en déplaise à nos collègues de la majorité sénatoriale, cela méritait quand même d'être dit au moins une fois.
M. Patrick Lassourd. Cela figurera dans les annales !
M. Gérard Delfau. Mais j'espère bien ! D'ailleurs tout ce que nous disons figure au Journal officiel !
M. Patrick Lassourd. Mais là, c'est un monument d'inepties !
M. Gérard Delfau. J'ai moi-même dit hier, comme bien d'autres, à quel point j'étais en désaccord avec la méthode qui consiste à remplacer un prélèvement fiscal local par une dotation de compensation. J'ai même ajouté que deux mesures de ce type avaient été prises en à peine deux ans. Or c'est dans la répétition - j'ai même employé le mot de « récidive » - que réside à mon sens le danger.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Gérard Delfau. La libre administration des communes, ou l'autonomie des collectivités territoriales, suppose effectivement, selon la tradition établie dans notre pays depuis le xiie siècle - et non pas seulement depuis une date récente -, que les élus aient la possibilité de fixer le taux de prélèvement, la contrepartie de cette faculté étant la responsabilité devant les citoyens.
Néanmoins, monsieur le rapporteur général, je ne voterai pas votre amendement. Je vais vous dire pourquoi.
D'abord, je me suis rendu compte, en écoutant Mme la secrétaire d'Etat, que de la mesure très ciblée sur la taxe d'habitation que le Gouvernement nous propose vous faisiez une mesure qui allait profiter non seulement aux ménages mais aussi aux entreprises. Vous changez donc la nature de la mesure, ce qui n'a jamais été dit dans votre explication. Pour moi, il y a là un élément de désaccord, même s'il m'arrive, par ailleurs, de soutenir des exonérations fiscales pour les entreprises, notamment pour les très petites entreprises.
Ensuite, je considère - et, de ce point de vue, je suis beaucoup plus en accord avec mon collègue M. Fréville - que ce n'est pas ce soir que nous pouvons entreprendre la nécessaire refonte de la fiscalité locale.
En revanche, madame la secrétaire d'Etat, qu'il s'agisse de la péréquation de la taxe professionnelle - et non pas seulement de la péréquation « intracommunautaire » - ou de la réforme de la taxe d'habitation, il est effectivement nécessaire non seulement que la commission présidée par notre éminent collègue Pierre Mauroy aboutisse à des conclusions, mais aussi et surtout que le Gouvernement nous fasse très rapidement des propositions. Mais j'ai cru comprendre que c'était le sens des propos qu'a tenus hier M. le ministre de l'économie sur ce sujet.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il me sembre que l'amendement n° 98 rectifié bis, que je vais retirer, présentait par rapport à l'amendement n° 5 un certain nombre d'avantages.
Il permettait notamment de marier l'allégement fiscal et la logique du dégrèvement tout en maintenant une responsabilité de la collectivité territoriale quant au choix des taux, mais avec un encadrement de ceux-ci. A cet égard, madame la secrétaire d'Etat, il n'y avait d'ailleurs pas de crainte à avoir puisque nous avions plafonné l'évolution du taux sur celle du PIB, ce qui limitait tout risque de débordement majeur.
J'ajoute que notre amendement avait reçu le soutien de membres de l'opposition de cette assemblée, notamment de présidents de conseil régional. On pouvait donc nourrir quelque espoir de voir l'Assemblée nationale le voter. Je ne sais pas si M. le rapporteur général a obtenu des assurances quelconques à cet égard quant à l'amendement n° 5, auquel je me rallie néanmoins.
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié bis est retiré.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'amendement de la commission des finances m'apparaît, parmi les différents amendements qui nous sont présentés, comme le plus pertinent, le mieux adapté à la situation et à la volonté d'alléger le poids de l'impôt pour l'ensemble des contribuables, sans viser une catégorie en particulier.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai encore en mémoire une rencontre au siège de l'association des maires de France, avec M. Sautter et vous-même, réunion au cours de laquelle ont été esquissées les réformes qu'envisageait alors le Gouvernement concernant l'allégement de l'impôt.
J'ai le souvenir qu'une majorité de maires, toutes sensibilités politiques confondues, avait plaidé pour un aménagement de l'impôt de même nature que celui qui est présenté par notre rapporteur. Or M. Sautter, alors ministre des finances, ne leur avait pas opposé une fin de non-recevoir, considérant que c'était effectivement une des solutions qui pouvaient être étudiées par le Gouvernement.
C'est sans doute le débat qui s'est développé au sein de la majorité plurielle qui a amené le Gouvernement à retenir la solution qui nous est, en définitive, présentée dans ce projet de loi.
Ainsi que M. Raffarin l'a souligné très justement, l'expérience que nous avons des allégements d'impôts consentis par l'Etat - et cela pour toutes les collectivités territoriales, sous tous les gouvernements - nous montre que les compensations n'ont jamais été au rendez-vous.
Si vous voulez effectivement procéder à un allégement de l'impôt, madame le secrétaire d'Etat, la meilleure solution est celle que propose M. le rapporteur général.
En fait, ce que vous proposez, vous, c'est de compenser par l'octroi d'une dotation budgétaire aux collectivités territoriales, mais vous n'engagez pas au fond la réforme des finances locales qui est réclamée depuis longtemps. Il est vrai qu'une telle réforme n'est pas facile et c'est bien pour cette raison que ce chantier n'a été engagé par aucun gouvernement, qu'aucune initiative n'a été prise en ce sens. C'est un château de cartes : enlevez une carte et tout le château s'effondre !
Sans doute, d'ailleurs, la réforme de l'ancienne patente a-t-elle refroidi certaines ardeurs réformatrices concernant les impôts locaux.
A ce sujet, je veux attirer l'attention sur une dérive très grave.
Dans les pourcentages qui sont prélevés par l'Etat en contrepartie des opérations de recouvrement de l'impôt et au titre de la compensation de mesures décidées au bénéfice d'un certain nombre de contribuables, il y a une part - environ 2 % - qui concerne la réforme des bases des valeurs locatives, en prévision précisément de la mise en place de cette réforme qu'a évoquée tout à l'heure M. Fréville. Ainsi l'Etat continue, d'une manière éhontée, à procéder à un prélèvement qui n'est plus justifié aujourd'hui.
La proposition de M. Marini me paraît donc tout à fait adaptée à la situation actuelle. Elle permet de toucher les deux tiers ou les trois quarts des contribuables que vous voulez viser, madame le secrétaire d'Etat, c'est-à-dire les moins aisés, qui acquittent la taxe d'habitation et qui, parfois, paient également une partie du foncier bâti.
Car, ne l'oubliez pas, madame le secrétaire d'Etat, il y a des familles qui sont propriétaires de leur logement mais qui ont un niveau social tout à fait comparable à celles que vous voulez viser à travers votre mesure concernant la taxe d'habitation.
Pour terminer, je soulignerai qu'il me paraît tout à fait naturel qu'une autre catégorie de contribuables, celle des entreprises, soit également visée parce qu'elle supporte, elle aussi, un poids trop important de l'impôt.
J'espère donc que la raison l'emportera, non seulement ici mais également au-delà de cette assemblée, et que la disposition proposée par le rapporteur général sera définitivement adoptée par le Parlement.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je serai très bref, monsieur le président.
Premièrement, je retire mes amendements, qui étaient des amendements en quelque sorte à long terme, en souhaitant évidemment que, d'une certaine manière, la commission des finances reprenne l'idée d'une étude rapide sur la révision des bases et sur le problème des HLM. C'est une nécessité absolue. Sinon, nous n'aurons plus de fiscalité locale indépendante : l'Etat dira que tout cela est très coûteux et l'on trouvera tous les indicateurs démontrant que la gestion de la taxe d'habitation et de la taxe foncière coûte effectivement très cher. Quand on aura supprimé ce type d'impôt, l'autonomie des collectivités locales aura bel et bien disparu !
Deuxièmement, pourquoi faire compliqué lorsqu'on peut faire simple ? L'Etat prélève une partie de la taxe d'habitation pour son compte. Dès lors, pourquoi aller demander aux régions, aux départements ou aux communes de supprimer leur part ? Si l'Etat veut réduire la taxe d'habitation, qu'il supprime la part d'Etat !
Troisièmement, j'ai été sensible, sur un point, au raisonnement du Gouvernement, qui veut abaisser la taxe d'habitation sur les ménages. Effectivement, la taxe foncière sur les propriétés bâties pèse pour partie sur les locaux d'habitation, pour partie sur les locaux industriels et commerciaux.
Dès lors, je me permets de suggérer à la commission des finances de rectifier son amendement. Il suffirait, après les mots : « pour la taxe foncière sur les propriétés bâties », d'ajouter les mots : « sur les locaux d'habitation ». Cela permettrait d'aller dans le sens souhaité par le Gouvernement puisque la baisse profiterait effectivement aux ménages.
M. le président. Les amendements n°s 35 et 36 sont retirés.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur Delfau, à l'intention des quelques électeurs qui suivent encore nos travaux à cette heure, je tiens à dire que vous n'avez pas fait montre d'un empressement très vif à voter contre les réductions de taux de TVA qui ont été proposées tout au long de la soirée.
Je voudrais dire aussi que nous avons quelques difficultés à admettre la contradiction entre les arguments avancés lors de la discussion générale et ceux qui ont été présentés à l'appui des amendements successifs.
Nous souscrivons à la baisse des impôts, mais nous avons du mal à comprendre qu'il faille prendre dans le portefeuille du voisin pour permettre les réductions d'impôt. Mme Beaudeau a, tout à l'heure, très bien expliqué quelles inquiétudes on pouvait nourrir en ce qui concerne la compensation.
Comme l'a souligné M. Vasselle, le Sénat a le devoir de veiller à la fois à la justesse et à la justice des compensations versées aux collectivités locales. Or nous constatons à cet égard des déficits importants, en même temps qu'une atteinte à l'indépendance des collectivités locales.
Je ne rappellerai pas ici le principe de libre administration des collectivités locales et territoriales, mais nous assistons à un phénomène qui devient maintenant habituel : les collectivités locales et territoriales sont dépendantes du bon vouloir de l'Etat au moment de la loi de finances et dans les discussions avec le comité des finances locales quant à l'attribution et à la répartition des dotations de l'Etat en matière de recettes fiscales.
Il n'est pas raisonnable de donner d'une main en prenant de l'autre dans la caisse des collectivités territoriales. Nous ne pouvons pas admettre ce principe. Il faudra, au travers de la refonte des bases, redonner aux collectivités locales ce qu'elles perdent peu à peu depuis maintenant un certain nombre d'années, c'est-à-dire leur indépendance en matière de levée de l'impôt et de recettes fiscales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il faut avoir des idées simples ! Le Gouvernement annonce des baisses d'impôts. Qu'il baisse les siens (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants) et non ceux des autres collectivités ! S'il désavoue le vote du Sénat, cela signifiera qu'il ne veut pas baisser ses propres impôts. J'aimerais savoir ce que cache la baisse des impôts des autres.
Quant à vous, monsieur Delfau, qui n'allez pas voter cet amendement et qui reprochez au Gouvernement sa récidive, vous l'encouragez ainsi à continuer de décider de la baisse des impôts des autres.
Ce soir, le Sénat prendra ses responsabilités. Il laissera au Gouvernement le soin de baisser les impôts de l'Etat, parce que ce sont les impôts dont il est responsable devant les Français. Il peut les baisser puisqu'il continuerait, si nous le laissions faire, à prélever le même montant d'impôt après avoir supprimé les nôtres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je formulerai deux brèves observations après l'intervention de M. Lambert.
Tout d'abord, l'Etat baisse ses propres impôts puisque, sur les 40 milliards de francs dont il est question ce soir, 29 milliards de francs concernent la fiscalité de l'Etat.
Ensuite, si le Gouvernement a proposé de réduire la taxe d'habitation, c'est en réponse à une demande du Parlement qui avait été unanimement exprimée, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous avions pris un engagement et nous l'avons tenu !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Baissez votre part !
M. Pierre Hérisson. Donnez l'exemple !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, acceptez-vous la suggestion de M. Fréville de rectifier votre amendement en insérant après les mots « sur les propriétés bâties » les mots « sur les locaux d'habitation » ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je comprends l'objectif recherché, mais ce point est techniquement complexe. Je pense que, d'ici à la commission mixte paritaire, nous pourrons, le cas échéant, améliorer encore notre texte.
Si nous faisons dans l'instant ce qui est proposé, nous n'arriverons plus à 11 milliards de francs, c'est-à-dire au montant des baisses d'impôt promises aux contribuables. Nous voulons absolument tenir cette promesse. Si notre collègue M. Fréville le veut bien, votons l'amendement n° 5 tel qu'il est et, d'ici à la commission mixte paritaire, reprenons ce point pour une éventuelle rectification de détail.
Espérons, chemin faisant, que le vote du Sénat sera suffisamment massif pour que notre position en commission mixte paritaire sur ce sujet soit soutenue comme elle le mérite.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 58 rectifié n'a plus d'objet.
La suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative est renvoyée à la prochaine séance.

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