Séance du 14 juin 2000







M. le président. « Art. 9. - Dans le chapitre II du titre III du livre VIII du code du travail, il est inséré un article L. 832-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 832-6 . - Dans les départements d'outre-mer, les jeunes âgés de dix-huit à trente ans peuvent bénéficier d'une aide financière de l'Etat dénommée aide à un projet initiative-jeune, en vue de faciliter la réalisation d'un projet professionnel.
« Cette aide bénéficie aux jeunes qui :
« a) Soit créent ou reprennent une entreprise à but lucratif dont le siège et l'établissement principal sont situés dans un département d'outre-mer et dont ils assurent la direction effective ; dans ce cas l'aide de l'Etat prend la forme d'un capital versé en deux ou plusieurs fractions ;
« b) Soit poursuivent, hors du département d'outre-mer dans lequel est situé le centre de leurs intérêts, une formation professionnelle proposée par l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer ; dans ce cas l'aide de l'Etat prend la forme d'une mensualité, dans la limite de deux ans, à laquelle peut s'ajouter la prise en charge de frais liés à la formation.
« La décision d'attribution de l'aide est prise par le représentant de l'Etat dans le département, qui apprécie la réalité, la consistance et la viabilité du projet.
« L'aide, dont le montant est fixé par décret, est versée à compter de la date de la création effective de l'entreprise ou de celle du début de la formation.
« Un même jeune peut bénéficier successivement des deux types d'aide si, après avoir suivi une formation en mobilité, il crée une entreprise dans les conditions fixées au présent article.
« L'aide en capital est exonérée de toutes charges sociales et fiscales. L'aide mensuelle est soumise à cotisations sociales dans les conditions prévues à l'article L. 962-3. Elle fait partie, le cas échéant, des ressources pour le calcul du revenu minimum d'insertion ou d'autres prestations sociales.
« Toute personne qui aura frauduleusement bénéficié ou tenté de bénéficier de l'aide afférente au projet initiative-jeune sera punie des peines prévues aux articles 313-1 à 313-3 du code pénal.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et notamment celles de la suspension ou de la suppression de l'aide, ainsi que celles relatives au non-cumul de cette aide avec d'autres aides publiques. »
Par amendement n° 234, MM. Larifla, Lise, Désiré et les membres du groupe socialiste proposent :
A. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, après les mots : « les jeunes âgés de dix-huit à trente ans », d'insérer les mots : « ainsi que les bénéficiaires du dispositif prévu à l'article L. 322-4-18 du code du travail arrivant au terme de leur contrat ».
B. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes occasionnées aux organismes de sécurité sociale par l'extension du dispositif d'aide à un projet initiative-jeune aux bénéficiaires du dispositif de l'article L. 322-4-18 du code du travail arrivant au terme de leur contrat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Il s'agit d'étendre aux jeunes qui bénéficient d'un emploi-jeune à la sortie du dispositif le bénéfice de l'aide de l'Etat en faveur des jeunes de dix-huit ans à trente ans qui reprennent une entreprise dans un DOM ou qui poursuivent, hors de leur département d'origine, une formation professionnelle.
Les mesures générales, comme les emplois-jeunes, sont efficaces mais elles sont limitées dans le temps. La volonté du Gouvernement tend à la pérennisation de l'emploi de ces jeunes. Cet amendement s'inscrit dans cette logique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement présenté par M. Larifla. Il s'agit d'un amendement important puisque la loi prévoit des dispositions pour les jeunes outre-mer dont on connaît le poids démographique mais aussi l'attente en termes d'emploi.
Pour les jeunes qui ont bénéficié d'un emploi-jeune et qui sont aujourd'hui outre-mer au nombre de plus de 10 000, non compris, bien sûr, les emplois d'aide éducateur ou d'adjoint de sécurité, la perspective de bénéficier d'un plan initiative-jeune est évidemment très favorable car elle leur permet, comme l'a dit M. Larifla, de prolonger leur expérience, en créant par exemple une entreprise. A ce titre, le Gouvernement émet un avis favorable et lève le gage en supprimant le paragraphe B de l'amendement.
M. le président. Il s'agit de l'amendement n° 234 rectifié.
Je vais le mettre aux voix.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je suis partisan de cet amendement et, bien entendu, je le voterai. Je constate que, en l'occurrence, on supprime les gages financiers alors que pour d'autres dispositions, qui étaient, elles aussi, nécessaires, l'article 40 de la Constitution a été invoqué. D'où cette simple question au Gouvernement : pourquoi y a-t-il deux poids deux mesures ? M. le secrétaire d'Etat va très certainement me répondre qu'il invoque l'article 40, car il s'agit d'un amendement très important. Aussi, je lui demanderai si ultérieurement, pour d'autres sujets également très importants, on ne pourrait pas, sur les 37 milliards de francs en sept ans, trouver quelques reconversions, ce qui permettrait peut-être de ne pas exciper de l'article 40 de la Constitution. (M. Chérioux applaudit.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je voudrais simplement dire à M. Lanier que, dans l'esprit du Gouvernement, l'article 40 de la Constitution ne s'applique pas car il y a non pas modification de l'enveloppe financière, mais simplement possibilité offerte à un bénéficiaire d'emploi-jeune de passer dans un plan initiative-jeune. Nous restons donc à enveloppe constante.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 234 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 235, Mme Derycke, MM. Lise, Larifla, Désiré, Badinter et les membres du groupe socialiste proposent de compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail par une phrase ainsi rédigée : « Les jeunes filles bénéficient de ce dispositif à proportion de leur représentation dans cette tranche d'âge. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Il s'agit de décliner l'objectif de l'égalité entre les hommes et les femmes que vous avez décidé d'inscrire à l'article 1er. Cet amendement a pour objet de préciser que les filles bénéficient des dispositifs d'insertion professionnelle, de formation ou d'apprentissage proportionnellement à leur représentation dans le public visé à l'article 1er.
Je rappelle qu'une disposition analogue a été adoptée par la Haute Assemblée lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, avec le programme de formation TRACE.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Monsieur Lagauche, l'amendement n° 235 est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 235 est retiré.
Par amendement n° 138, Mme Michaux-Chevry et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le quatrième alinéa ( b ) du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, après les mots : « le centre de leurs intérêts », d'insérer les mots : « ou pour ce qui concerne l'archipel de la Guadeloupe, hors des îles des Saintes, de Marie-Galante, de la Désirade, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy où est situé le centre de leurs intérêts ».
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Cet amendement concerne l'archipel de la Guadeloupe - ce qui peut d'ailleurs s'expliquer puisque la Guadeloupe est composée de plusieurs îles - à l'exception, notamment, des îles des Saintes et de Marie-Galante.
La notion d'archipel a été reconnue par la Commission européenne dans le cadre de son rapport sur la mise en oeuvre de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, dont on a déjà beaucoup parlé. Ce rapport précise qu'un article permet à la Commission d'autoriser des mesures destinées à réduire, en faveur des résidents des régions ultrapériphériques, le coût des liaisons maritimes et aériennes aussi bien entre ces régions et la métropole qu'entre des régions archipélagiques ».
Le coût des déplacements est réel, et je l'ai moi-même constaté. Il en est ainsi entre Marie-Galante et Basse-Terre ou entre Marie-Galante et des points situés plus au nord de la Guadeloupe. Une série de situations génèrent donc des dépenses supplémentaires.
Dès lors que cette notion d'archipel a été reconnue par les institutions européennes, elle doit trouver sa pleine expression par le biais de l'attribution d'une aide financière en faveur des jeunes, afin de faciliter la mobilité pour la formation, sachant que les déplacements nécessitent généralement des trajets en bateau qui sont relativement onéreux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement car celui-ci relève directement de la compétence régionale. Il appartient à la région de financer les actions de formation. Par conséquent, il n'est pas dans le rôle du projet initiative-jeune de financer les actions de formation à l'intérieur d'un département s'agissant de ce qui relève de la compétence régionale.
Cela étant dit, je reconnais qu'un problème se pose pour les îles du Nord, comme l'a dit M. Lanier. Il conviendra avec moi que les îles plus proches de la Guadeloupe posent moins de problèmes de déplacement.
En tout cas, sous réserve d'un examen ultérieur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 138, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 90, M. Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le quatrième alinéa (b) du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, après les mots : « travailleurs d'outre-mer », d'insérer les mots : « ou par tout organisme de formation agréé par l'Etat, après avis du président du conseil régional ».
Par amendement n° 171, le Gouvernement propose :
I. - Dans le quatrième alinéa (b) du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, après les mots : « Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer », d'insérer les mots : « ou par tout organisme agréé par l'Etat lorsqu'elle se déroule à l'étranger ».
II. - En conséquence, dans le même alinéa, de remplacer les mots : « dans ce cas » par les mots : « dans ces cas ».
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 90.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre le champ de l'aide à la formation professionnelle prévue pour le projet initiative-jeune au-delà des jeunes suivant une formation proposée par l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. Il étend l'aide à tout autre organisme de formation agréé par l'Etat, après avis du président du conseil régional.
L'instauration d'un monopole de fait au profit de l'ANT me paraît préjudiciable à plusieurs égards. D'abord, l'action de l'ANT en matière de mobilité-formation ne touche qu'un nombre restreint de jeunes, 4 000 en 1998. Ensuite, elle ne concerne que des formations suivies en métropole et très marginalement dans des pays européens. Or il me semble nécessaire que les formations puissent également se dérouler dans des pays relevant des zones régionales des DOM, car ils constituent leur débouché naturel.
Par ailleurs, l'instauration d'un agrément pour les organismes de formation permettra d'encadrer tout risque de dérapage.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 171 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 90.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 171 est différent de celui qui a été présenté par M. Jean-Louis Lorrain, bien qu'il porte sur le même objet. En effet, il permet à des organismes qui sont agréés de participer à ce type de programme de formation à l'étranger. Il n'en réserve pas le monopole à l'ANT.
Par ailleurs, s'agissant de crédits d'Etat, il ne retient pas l'avis du président du conseil régional, puisque l'organisme aura été agréé par l'Etat. A ce titre, il convient de conserver la cohérence en matière d'attribution d'agrément.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 90.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales sur l'amendement n° 171 ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales souhaiterait faire plaisir à M. le secrétaire d'Etat car ses propositions vont dans le bon sens. Il nous paraissait intéressant de recueillir l'avis du président du conseil régional.
Cela étant dit, nous sommes prêts à nous rallier à votre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat. Toutefois, nous souhaiterions savoir en quoi notre amendement vous chagrine.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 90, outre le problème de l'avis du président du conseil régional, ne fait pas référence, à la différence de l'amendement n° 171 du Gouvernement, au fait que la formation se déroule à l'étranger, ce qui pourrait laisser penser que tous les organismes de formation pourraient être agréés.
Or, si je comprends bien, votre intention est bien de permettre que des actions de formation se déroulent à l'étranger, notamment dans les pays voisins, afin que ceux-ci puissent bénéficier de nos compétences. Une telle intention avait d'ailleurs été exprimée lors de la discussion du texte à l'Assemblée nationale, sans faire l'objet d'une disposition insérée dans le projet de loi.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. Je retire l'amendement n° 90 au profit de l'amendement n° 171, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 90 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 171, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 91, M. Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales, propose, avant le dernier alinéa du texte présenté par l'article 9 pour l'article L. 832-6 du code du travail, d'insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Les jeunes bénéficiant ou ayant bénéficié de l'aide à un projet initiative-jeune et créant ou reprenant une entreprise à but lucratif dont le siège et l'établissement principal sont situés dans un département d'outre-mer et dont ils assurent la direction effective peuvent également bénéficier des aides prévues à l'article L. 351-24. »
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur pour avis. L'amendement n° 91 vise à renforcer l'efficacité du projet initiative-jeune en permettant à ses bénéficiaires d'être également éligibles aux aides de soutien à la création ou à la reprise d'entreprise.
En l'état actuel, tous les jeunes des départements d'outre-mer pouvant accéder au projet initiative-jeune ne pourront bénéficier de ce soutien à la création d'entreprise.
Cette aide semble pourtant complémentaire du projet initiative-jeune. Elle comprend, en effet, trois volets : une aide au montage de projet, un accompagnement post-création pendant trois ans maximum, un soutien financier, qui peut prendre la forme d'une avance remboursable, d'une exonération de charges sociales et du maintien des revenus sociaux, cette aide étant bien souvent nécessaire, compte tenu de la difficulté d'accès au crédit bancaire dans les départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article additionnel après l'article 9