Séance du 27 juin 2000







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Renar pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'ultime débat que nous achevons n'aura pas permis d'éclairer de manière plus constructive l'examen du texte sur l'audiovisuel, et les désaccords entre les deux chambres demeurent.
Peut-être conviendra-t-il, comme je l'indiquais au cours de mon intervention dans la discussion générale, de prévoir d'autres rendez-vous avec la représentation nationale pour nous interroger de nouveau sur les missions du service public de l'audiovisuel conformément aux déclarations de M. le Premier ministre.
Certes, la majorité sénatoriale a travaillé à défendre certaines conceptions de l'audiovisuel ; mais, encore une fois, celles-ci restent sur le schéma d'une providence du marché qui régulerait la télévision et son devenir.
La majorité plurielle, quant à elle, doit trouver, plus encore qu'aujourd'hui, les chemins permettant de réconcilier nos compatriotes avec le service public, car c'est, selon nous, le meilleur mode de défense, et plus encore, de promotion d'une télévision entièrement tournée vers la satisfaction des publics, vers la création, vers l'innovation et vers l'audace, toutes caractéristiques qui lui font encore trop défaut aujourd'hui.
A cet égard, le texte tel qu'il nous était proposé marquait des avancées.
Ainsi, le Parlement pourra désormais se saisir des contrats d'objectifs et de moyens passés avec les chaînes publiques, si votre ministère, madame la ministre, l'y invite, pour intervenir sur les contenus des programmes.
La création d'une holding France Télévision pourra peut-être permettre d'unifier les efforts des chaînes publiques mais, là encore, des moyens nouveaux seront nécessaires.
L'arrivée du numérique et ses implications sur la réalité du paysage audiovisuel de notre pays reste encore en l'état la grande inconnue. Nous souhaitons pour notre part que la multiplication des chaînes serve mieux qu'aujourd'hui la création dans son ensemble.
Nul dans l'échiquier politique actuel ne songerait à remettre en cause l'existence du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Pour autant, nous pensons que le point d'équilibre n'est pas aujourd'hui trouvé entre les responsabilités du politique en matière de télévision et les responsabilités de l'autorité de régulation. D'une certaine manière, le texte que nous venons d'examiner est l'illustration de ce déséquilibre.
Peut-être, madame la ministre, la dimension de la communication mériterait-elle de gagner un peu de ce terrain perdu, au sein même de votre ministère.
Considérons donc ce texte comme un premier pas, mais un premier pas pour aller plus loin et mieux dans la reconquête d'une télévision de qualité.
Je ne doute pas que nous devrons très vite aborder la question du financement de l'audiovisuel dans notre pays, ne serait-ce que pour parvenir à l'effort réalisé par nos partenaires de l'Europe en matière de dépense audiovisuelle.
Les fusions en cours aujourd'hui au sein des grands groupes privés de communication rendent plus urgente encore la réflexion à mener sur les contenus de l'audiovisuel, sous peine de nous condamner à de nouvelles formes de dominations culturelles.
Ce débat sur les nouvelles technologies, la confusion qui existe parfois aujourd'hui, notamment au sein des jeunes générations, entre champ culturel et champ technologique nourriront encore bien des débats.
Si nous nous disposons à ne pas voter le texte tel qu'amendé par la majorité de notre Haute Assemblée, nous serons très attentifs à l'évolution de ce projet de loi et aux décrets qui accompagneront sa mise en oeuvre.
Résolument, nous souhaitons que la télévision cesse d'être abordée sous l'angle du seul marché ou des logiques de l'audimat pour redevenir l'instrument qu'elle n'a jamais cessé d'être dans la réalité, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire, n'oubliant pas que, notamment dans bien des foyers défavorisés, elle est la lucarne ouverte sur le monde extérieur.
Pour donner à la télévision les moyens d'exercer l'ensemble de ses missions, vous pourrez compter, madame la ministre, sur l'ensemble des sénateurs de notre groupe. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Nous arrivons au terme de la navette sur ce projet de loi, après de nombreux mois de consultations, de négociations et de débats.
Même si je dois déplorer la position définitivement figée de notre rapporteur - je ne reviendrai pas sur l'ensemble des amendements une fois encore adoptés par le Sénat, qui justifieront notre vote contre le texte issu des travaux de notre Haute Assemblée - ce débat a néanmoins permis de confronter de nombreuses positions sur des points primordiaux pour l'avenir de l'audiovisuel français et international.
Cette loi a deux grands axes principaux : le renforcement du service public et l'organisation du paysage numérique hertzien.
Renforcer le service public est fondamental pour lui redonner les moyens de lutter, à armes encore hélas, inégales, avec le secteur privé. Au contraire, je suis convaincue que le service public, par la qualité de ses programmes, peut avoir un rôle de régulateur du secteur et tirer l'ensemble vers le haut.
C'est pourquoi je répète mon désaccord avec la commission, qui, par ses amendements, a cherché à réduire les missions du service public.
Le principal apport de ce texte restera bien entendu la régulation du numérique. Malgré l'opposition du Sénat, il est permis de penser que le dispositif qui sortira de la dernière lecture à l'Assemblée nationale mettra en place un texte équilibré.
La place du service public est garantie, celle des opérateurs historiques suffisante pour les inciter à entrer dans le numérique et le dispositif est largement ouvert aux nouveaux entrants grâce à l'attribution service par service par le CSA.
Je dis à nouveau mon espoir que ce dispositif permette une éclosion de programmes locaux et ma satisfaction que nous ayons permis l'accession aux fréquences pour les associations.
Il est essentiel pour les téléspectateurs que le numérique offre de nouveaux programmes. Les nouveaux opérateurs auront, de ce point de vue, un rôle essentiel. Outre que leur présence sur le numérique terrestre constituera un gage de diversité et de pluralisme dans l'audiovisuel français, ils apporteront indéniablement un souffle nouveau à la production française en permettant une diversification des commandes.
A mes yeux, le défi du numérique constitue une chance unique pour nos producteurs.
Je reviendrai brièvement sur quelques autres points qui ont fait couler beaucoup d'encre, ou plutôt beaucoup de salive, au cours de la navette et qui, finalement, ont trouvé une réponse positive.
Nous avons tous souhaité moduler les quotas de chansons françaises à la radio afin de les rendre applicables par le CSA, en tenant compte, là encore, de l'équilibre entre le souci de donner satisfaction à tous les publics - les seniors comme les plus jeunes - et la volonté de préserver les créateurs français et francophones.
La clause de must carry de TV 5 sur le câble et le satellite que le Sénat a adoptée tout à l'heure dans une belle unanimité constituera une chance pour cette société, filiale des chaînes françaises et qui diffuse des programmes francophones dont ceux de nos partenaires belges, suisses ou québécois ; cette reconnaissance sera certainement très favorable pour l'ensemble de la francophonie.
L'accès des associations au dispositif d'autorisation par le CSA donnera une base légale au tiers secteur audiovisuel. A ce propos, je déplore néanmoins qu'aucune disposition n'ait pu être adoptée pour assurer un soutien financier à ces structures et ce, malgré les propositions répétées en première et en deuxième lecture du groupe socialiste à cette assemblée pour la création d'un fonds de soutien pour les télévisions associatives.
Les points que je viens d'évoquer me tenaient tout particulièrement à coeur.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les autres dispositions, mais nous nous sommes déjà exprimés longuement et je ne voudrais pas prolonger le débat.
Je tiens seulement à vous redire, madame la ministre, le soutien du groupe socialiste aux projets que vous nourrissez pour l'audiovisuel et la création en général. Mais, comme je le craignais au début de cette discussion, le groupe socialiste ne pourra pas, une fois de plus, voter le texte issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, qu'il me soit permis tout d'abord de dire combien est grand le mérite du législateur après l'examen de ce projet de loi, qui a été un véritable steeple chase ! J'ai le sentiment que nous discutons de ce texte depuis la création du monde, tant nos débats ont été hachés..., interrompus...
Madame le ministre, nous avons été ravis, je ne vous le cache pas, de vous voir arriver et de constater votre maîtrise de ce dossier ; nous le savions au préalable.
Cette nouvelle lecture était, certes un exercice de style ; mais elle fut intéressante tout de même. Marqué que je suis par la qualification,souvent répétée par le Gouvernement, du Sénat comme anomalie de la démocratie m'a tout de même fortement marqué, arrivant d'une assemblée qui n'est pas encore stigmatisée comme « anomale », j'ai le sentiment que la Haute Assemblée a effectué un travail heureux, qui aura été extraordinairement profitable, d'ailleurs, au Gouvernement et à la majorité qui le soutient.
Il m'a semblé en effet, et Mme Pourtaud l'a dit fort bien tout à l'heure, que la deuxième lecture, c'était AOL - Time Warner. Cette nouvelle lecture, ce fut Universal - Vivendi. C'est bien dire combien, lorsque nous discutons de textes de loi qui, en principe, doivent porter non pas sur le passé, non pas sur le présent, mais qui doivent préparer l'avenir, il nous faut être vigilants tant le monde de l'économie et le monde tout court évolut. Les bouleversements économiques et financiers qui sont intervenus pendant la discussion de ce projet de loi auraient dû nous appeler à plus d'audace, mot qui convient bien, je pense, à l'audiovisuel.
J'ai été un peu atterré, je dois le dire, par la réunion rapide d'une commission mixte paritaire avec nos collègues, qui sont par ailleurs des amis, de l'autre assemblée.
Il y a trois ans, j'ai vu mes collègues de l'Assemblée nationale partir en voulant conquérir la lune ; il fallait casser les grands groupes tel était le voeu à l'origine. Finalement, nous parvenons à un texte beaucoup plus prudent, et nous avons le sentiment que ce n'est pas la lune que nous avons conquis mais à peine une dune du Touquet. Nous ne sommes pas allés très loin.
Nous avons donc voulu être plus audacieux, et le texte que M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, a défendu avec cohérence, avec une volonté sans faille, constitue incontestablement une avancée en matière d'audiovisuel français.
En particulier, nous avons sans aucun doute fait avancer la cause du numérique hertzien terrestre.
En revanche, nous n'avons pas fait avancer - parce que l'Assemblée nationale ne l'a pas voulu - la cause du dégroupage. Nous avons été accusés d'introduire des cavaliers. Nous nous sommes heurtés à un refus du dialogue.
De même, un collègue siégeant de l'autre côté de l'hémicycle a pu prétendre que notre approche était politique. Certes. Mais notre approche, si elle peut être qualifiée politique, n'est pas idéologique ; elle n'est pas non plus fondée sur quelques gadgets ou sur quelques effets d'affichages.
« Le tiers secteur associatif » - celle qui se sentira visée ne m'en voudra pas ! - n'est pas seul en cause ; sont en cause le développement et la proposition qui sera faite aux téléspectateurs en face d'une véritable révolution technologique et par rapport à des producteurs.
Il est vrai que nous ne souhaitons pas, sur les travées du RPR, simplement privilégier la puissance publique. Nous voulons une production indépendante, réellement ouverte à l'Europe - nous l'avons dit, madame le ministre - et pas seulement une production liée aux diffuseurs.
Nous souhaitons conforter le rôle d'un Conseil supérieur de l'audiovisuel responsable, et nous avons tout fait pour lui donner de véritables pouvoirs.
Nous voulons des opérateurs confiants dans l'avenir, sachant que la France ne sera pas en retard d'une guerre mais fera la bonne guerre.
Nous voulons des choix technologiques clairs, précis et porteurs d'avenir.
Nous voulons des chaînes publiques qui assument leur véritable mission de service public.
Le texte que le groupe du Rassemblement pour la République va soutenir est un texte qui, malheureusement, a été refusé par l'Assemblée nationale et qui, néanmoins, répond efficacement à ce véritable défi français.
Qu'il me soit permis, mes chers collègues, de dire en conclusion qu'à nos yeux la France n'est pas dépourvue de bonnes télévisions. La France dispose d'une bonne offre télévisuelle, que la loi doit savoir conforter, comme elle doit favoriser son expression, son pluralisme, dans le sens de ce qui est le plus noble d'une télévision, c'est-à-dire le débat, le progrès individuel et le progrès social, et pour l'ouverture sur le monde.
C'est dans cet esprit que le groupe du Rassemblement pour la République soutiendra un projet infiniment cohérent et porteur d'avenir. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je voudrais évoquer deux sujets qui me paraissent d'importance.
Nous nous sommes largement expliqués, et parfois opposés, sur un certain nombre de nouvelles technologies, notamment Internet et le numérique hertzien.
Je sais combien ce dernier va contribuer à la diffusion des images. Je sais aussi que cette technologie ne sera pas la seule, et que, demain, des images seront diffusées sur les ordinateurs personnels, les télévisions mobiles - dans les voitures, pourquoi pas ? -, les téléphones portables, voire sur d'autres supports que nous ne connaissons pas encore.
Nous ne sommes pas au bout du chemin, et le numérique hertzien, dont nous avons longuement parlé, n'est pas la fin des fins. Il n'est qu'une étape, une étape relativement modeste quand on connaît les capacités des nouvelles technologies qui seront, demain, à notre disposition.
Tous ces nouveaux modes de diffusion et de réception des images, il va falloir les alimenter. C'est dans ce nouvel environnement, technologique, national mais aussi international, concurrentiel et économique, qu'il faudra, qu'il faut d'ores et déjà positionner le secteur public de l'audiovisuel en France.
Nos partenaires n'ont pas attendu ; ils se sont déjà lancés dans le renforcement du secteur public de l'audiovisuel ; c'est le cas de l'Allemagne ; de la Grande-Bretagne.
En France, en revanche, on ne peut que constater la modestie des budgets consacrés à l'audiovisuel public : moins de 20 milliards de francs, alors que nos concitoyens regardent la télévision trois heures par jour et que l'on en connaît les effets considérables, en bien comme en mal, notamment sur la jeunesse.
Il vaudrait mieux que ce soit en bien, ce qui implique que l'on donne les moyens financiers nécessaires à la production nationale, et je pense non seulement à la chaîne éducative, mais aussi à toutes les chaînes généralistes et à toutes les nouvelles chaînes qui émergeront avec les nouvelles technologies.
Au-delà de toutes ses insuffisances, notamment dans le domaine du financement - j'y reviens toujours parce que, en effet, c'est là vraiment le point d'achoppement pour l'avenir de notre audiovisuel public - et, peut-être, au-delà du regret que le Sénat n'ait pas adopté un ou deux amendements qui, de mon point de vue, étaient importants, je voterai ce texte : la vie continue, et nous aurons l'occasion de nous retrouver en d'autres circonstances, lors de l'examen d'autres textes, et chemin faisant, peut-être les esprits évolueront - ils et s'ouvriront - ils à de nouvelles propositions.
Je voterai donc ce texte qui, globalement, est tout de même un bon texte, qui comporte un certain nombre d'avancées dont je suis très satisfait. Je le dis sans réserve et sans aucune hésitation au nom du groupe des Républicains et Indépendants, en remerciant tous ceux qui ont contribué à son élaboration et en souhaitant qu'ensemble nous puissions à l'avenir faire avancer nos idées et les faire converger dans un sens plus favorable à l'ensemble du paysage audiovisuel français. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Lorsque le débat sur ce texte a été engagé, nous étions très nombreux, pour ne pas dire unanimes, à le juger d'une timidité excessive, à regretter qu'il n'évoque pas le numérique et à estimer que l'approche adoptée en matière de financement était quand même très limitée.
Au fil des navettes, nous avons pu corriger un certain nombre de manques et d'insuffisances, et le Sénat a réussi, sur certains sujets, à faire progresser le débat, ce dont je me réjouis.
Ces avancées significatives, nous les avons obtenues aussi grâce à tous ceux qui ont apporté leur soutien à la production française et au rayonnement de la France au travers de la production de programmes audiovisuels. Le débat sur ce point a été passionné.
J'ai cependant la conviction que nous serons assez rapidement obligés de revenir sur un certain nombre de dispositions. Je pense en particulier aux aspects concernant le financement.
Je suis de ceux qui estiment que le financement par la redevance appartient déjà au passé. Je crois qu'un tel dispositif ne permet pas de préparer l'avenir, car, demain, les modes de diffusion et de présentation des programmes seront tellement différents, eu égard au développement de technologies nouvelles qui se profilent déjà aujourd'hui, qu'il sera nécessaire de réfléchir à d'autres formes de financement.
Je crois que cette mutation va s'opérer beaucoup plus rapidement que prévu, et je suis donc sûr que nous devrons amender rapidement ce texte qui, globalement, est cohérent et va dans le bon sens.
Le groupe de l'Union centriste votera ce texte sans hésitation, tout en sachant qu'il est imparfait et qu'il faudra le compléter par des mesures adaptées lors de débats qui ne manqueront pas de survenir. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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