Séance du 28 juin 2000






SÉCURITÉ DU DÉPÔT
ET DE LA COLLECTE DE FONDS

ADOPTION D'UN PROJET DE LOI
DÉCLARÉ D'URGENCE

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 380, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées. [Rapport n° 427 (1999-2000)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, medames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat a été examiné à la fin du mois de mai par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a déclaré l'urgence afin que ce projet puisse produire des effets dans les meilleurs délais pour des raisons sur lesquelles je n'ai pas besoin d'épiloguer. L'amélioration de la sécurité des opérations de transport de fonds a été, vous le savez, une des revendications des salariés lors du mouvement de grève qui s'est déroulé dans les récentes semaines.
Ai-je besoin de le dire, c'est aussi une préoccupation du Gouvernement. Ainsi, comme le rappelle fort justement le rapport de la commission des lois, des tables rondes sur la sécurité des convoyeurs de fonds ont été organisées, sur mon initiative, au ministère de l'intérieur, depuis le mois de janvier 1999.
Le projet de loi fournit des solutions adaptées aux problèmes rencontrés. Il résulte de cette démarche. Son examen par l'Assemblée nationale a permis de l'améliorer.
Je crois que le Sénat, dont la commission des lois s'est montrée favorable à l'adoption du projet de loi sans modification - et je salue ici la qualité du rapport présenté par M. Schosteck - n'aura pas de difficultés à adhérer aux orientations de ce texte. Je souhaiterais simplement en rappeler brièvement le contexte et en préciser le contenu.
Ce projet de loi ne constitue pas un texte de circonstance. Il s'intègre dans une réflexion globale sur la sécurité. Le Gouvernement a l'intention de fournir un cadre législatif adapté à ces activités en renforçant leur professionnalisation, leur encadrement et leur transparence.
Le conseil des ministres du 17 mai 2000, qui a approuvé le projet de loi auquel le Sénat consacre ses travaux aujourd'hui, a également approuvé le projet de loi relatif aux activités de sécurité privées et aux services internes de sécurité de certains services publics. Celui-ci sera inscrit, en principe, à l'automne à l'ordre du jour du Sénat, qui l'examinera donc en première lecture.
Il est important de rappeler ce contexte pour vous permettre de prendre la mesure du projet de loi dont vous êtes saisis.
En ce qui concerne plus précisément le transport de fonds, branche spécifique des activités de sécurité privées, tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il s'agit d'un métier difficile et risqué. Le Gouvernement a le souci d'améliorer la sécurité des convoyeurs de fonds et de garantir la sécurité du public. Des agressions ont, en 1999 déjà, endeuillé la profession. Ces dernières semaines, elles ont encore entraîné mort d'homme.
Au plan policier, vous le savez, des interpellations ont eu lieu, notamment vendredi dernier. D'autres les avaient précédées. Elles permettront, je l'espère, d'élucider un certain nombre d'affaire graves et de réprimer comme il convient ces attaques sauvages.
Au plan réglementaire, depuis plus d'un an, le ministère de l'intérieur a recherché les améliorations qui pouvaient être apportées à la sécurité des transports de fonds.
Dans le souci d'une concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs - salariés, entreprises de transport de fonds, mais aussi donneurs d'ordre - et en liaison avec les autres départements ministériels concernés, une quinzaine de réunions ont été organisées en 1999 au ministère de l'intérieur. Elles ont permis de connaître très précisément les contraintes et les risques de la profession.
Une première amélioration a été apportée avec le décret du 28 avril 2000. La commission des lois du Sénat a d'ailleurs très bien perçu les enjeux de la refonte du dispositif réglementaire. Le décret a été accompagné de trois arrêtés d'application publiés le 4 mai et le 7 juin 2000. Ces arrêtés précisent les normes techniques auxquelles doivent répondre les véhicules de transport de fonds - blindage, équipements de communication et de défense, aménagements de sécurité - ou les équipements des convoyeurs de fonds : armement, gilets pare-balles. Le décret du 28 avril 2000 constitue un des éléments de la sécurité des convoyeurs de fonds et se substitue à un texte vieux de vingt ans pour tenir compte des évolutions enregistrées. Des mesures de nature législative sont cependant nécessaires au renforcement de la sécurité des transports de fonds. Tel est l'objet du projet de loi soumis à votre appréciation.
La sécurité du transport de fonds ne sera pas renforcée uniquement par l'adaptation des équipements dont sont dotés les entreprises et les convoyeurs de fonds. Il est indispensable d'améliorer la sécurité de la desserte elle-même, soit en facilitant la circulation et le stationnement des véhicules de transport de fonds, soit en réalisant des aménagements qui permettent un accueil plus sûr des transporteurs de fonds dans les établissements desservis.
L'article 1er du projet de loi s'applique aux conditions de stationnement et de circulation des véhicules de transport de fonds. Il étend à ces véhicules le bénéfice de mesures que, jusqu'ici, le maire ne pouvait prendre que pour les véhicules de transport en commun et certains véhicules de service public. Les véhicules de transport de fonds seront donc autorisés, sous réserve de la décision du maire, à emprunter des couloirs de circulation et à occuper des emplacements de stationnement réservés.
Cette disposition, qui consiste en une modification de la partie législative du code général des collectivités territoriales, vise notamment à réduire la distance entre le véhicule et l'établissement desservi. Elle répond à une revendication tout à fait légitime de la profession, qui pourra ainsi être satisfaite dans les meilleurs délais.
L'article 2 du projet de loi procède de la même volonté de limiter la phase piétonne du transport de fonds, pendant laquelle les convoyeurs sont plus spécialement exposés à des agressions. Le risque concerne également le public. On songe ici particulièrement aux galeries commerciales ou aux zones piétonnes.
Les statistiques des agressions contre les transporteurs de fonds établies par l'Office central pour la répression du banditisme, et reprises d'ailleurs dans le rapport de la commission des lois, montrent que, sur la période 1988-1995, les agressions commises pendant la phase piétonne représentent près de 70 % de l'ensemble des agressions contre les convoyeurs de fonds. Depuis le 1er janvier 1999, plus de 40 % des agressions se sont déroulées pendant cette phase piétonne. Ce taux est sensiblement supérieur, si l'on y ajoute les agressions commises sur les personnels de ces entreprises dans les locaux attenant aux distributeurs de billets.
Pour faire échec à cette évolution, le projet de loi prévoit des obligations d'aménagement qui seront à la charge des établissements desservis par les entreprises de transport de fonds. Il s'agit de faire participer ces établissements à l'effort de sécurité, qui ne peut incomber en totalité aux transporteurs.
Pour être redevable d'une telle obligation, l'établissement devra être desservi à titre habituel par des véhicules de transport de fonds. Il ne serait en effet guère justifié qu'un commerce qui ne ferait appel à une entreprise de transport de fonds qu'à titre exceptionnel ait l'obligation de réaliser des aménagements permanents.
Cette obligation spécifique, il revient au législateur d'en arrêter le principe. Elle va en effet se traduire par des investissements justifiés par des motifs de sécurité, qui portent à ce titre une atteinte fondée, au principe de liberté du commerce et de l'industrie et au droit de propriété. Seul le législateur pouvait en décider ainsi. La mise en oeuvre de cette obligation est essentiellement technique et relève du pouvoir réglementaire. Il s'agit de définir les équipements adaptés aux établissements concernés. Un décret y pourvoira.
L'Assemblée nationale a modifié, par voie d'amendement, l'article 2 du projet de loi. Elle a, en outre, créé un article additionnel consacré aux sanctions pénales auxquelles s'expose la personne qui ne s'acquitte pas de l'obligation de réalisation d'aménagements qui lui incombe. Ces modifications ont reçu l'accord du Gouvernement. Je souhaiterais en faire un commentaire rapide pour éclairer votre assemblée.
S'agissant de l'article 2, trois points me paraissent devoir faire l'objet de développements. Il s'agit, d'abord, du champ d'application de l'obligation de réalisation d'équipements de sécurité, notamment en ce qui concerne les établissements existants ; il s'agit, ensuite, de la question des délais et, enfin, des orientations mêmes du décret.
Si la nécessité de réaliser des aménagements de sécurité s'impose immédiatement à l'ensemble des établissements dont la création est envisagée et qui seront desservis par une entreprise de transport de fonds, il est raisonnable de laisser un délai aux établissements existants. Cette technique est éprouvée et réaliste. Le troisième alinéa de l'article 2 la met en oeuvre. Toutefois, il a paru judicieux de réserver un sort identique aux locaux en cours de construction et qui, par nature, n'auront pas fait l'objet de la réception des travaux.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de réserver un délai de réalisation à des locaux virtuels, c'est-à-dire en projet, cela n'aurait pas grand sens et cela contreviendrait même au principe de réalisation obligatoire d'aménagements de sécurité. Au contraire, le sens de cet article est de lier dans un même délai les locaux existants et les locaux en cours de construction. Tels sont les éclaircissements que je souhaitais vous apporter sur ce point.
S'agissant des délais, l'article 2 du projet de loi prévoit, après l'adoption de l'amendement présenté par le rapporteur du projet à l'Assemblée nationale, un délai pour la réalisation et la publication du décret et un délai pour la réalisation des travaux. Les deux sont liés, puisque la rapidité de publication du décret - dans les six mois de la publication de la loi - facilite la réalisation des aménagements de sécurité dans le délai que l'Assemblée nationale a souhaité limiter au 31 décembre 2002.
Ces délais sont raisonnables et tenables. Le Gouvernement souhaite, pour sa part, que les choses aillent vite : les modalités mêmes d'examen de ce projet en sont la preuve. Le Gouvernement prend donc l'engagement que le décret sera publié avant l'expiration du délai de six mois introduit lors du débat devant l'Assemblée nationale.
Je désire, enfin, éclairer le Sénat sur la méthode d'élaboration et le contenu même du décret.
Le contenu du décret tiendra compte à la fois des caractéristiques des locaux et de la palette des solutions techniques qui pourront améliorer la sécurité : sas, trappons, dispositifs spécifiques aux centres commerciaux, cheminement sans contact avec le public, locaux techniques sécurisés.
Deux lignes directrices méritent d'être soulignées : la recherche de la solution la plus adaptée à la situation et aux caractéristiques de l'établissement desservi et le souci de l'efficacité.
Dans ses conclusions, votre commission des lois a souhaité que soient mises à profit les observations réalisées par les commissions départementales de la sécurité des transports de fonds mises en place récemment. Je souscris volontiers à cette orientation, qui illustre parfaitement la volonté de pragmatisme dont le Gouvernement entend faire preuve. C'est du rapprochement bien pensé entre une situation et une solution technique que naîtra l'amélioration réelle de la sécurité des transports de fonds.
Pour l'ensemble de ces raisons, un tel décret ne peut être élaboré sans concertation. Celle-ci est dès maintenant menée de manière approfondie dans mes services, qui ont reçu l'ensemble des acteurs de ce dossier et ont été destinataires de propositions écrites souvent fort intéressantes de leur part.
Il m'apparaît d'autant plus utile de faire preuve de réalisme en la matière qu'il est judicieux de prévoir des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de réaliser des aménagements de sécurité adaptés, ce que l'Assemblée nationale a introduit à l'article 3 du projet soumis à votre appréciation. Le dispositif retenu me paraît équilibré et dissuasif. Il repose, d'une part, sur l'édiction d'une peine d'amende et, d'autre part, sur des peines complémentaires qui sont bien adaptées à la mise en cause éventuelle de personnes morales. Je relève avec satisfaction que cet article a reçu un accord marqué de la commission des lois.
D'autres améliorations sont également envisagées mais elles ne relèvent pas de loi. Elles consistent à écarter les risques liés à la routine en évitant les dessertes d'établissement selon des horaires fixes, et donc aisément connus, ou à assurer une protection particulière des transports de fonds dont l'importance ou le contexte justifie qu'il soit fait appel à une escorte de sécurité publique. A cet égard, j'ai indiqué aux responsables de la police nationale l'attention qui devait être portée à de telles situations.
Tel est l'état dans lequel se présente devant le Sénat ce projet de loi et tels sont les objectifs que le Gouvernement cherche à atteindre. Nous partageons clairement, j'en suis persuadé, la volonté d'améliorer la sécurité des opérations de transport de fonds. Le projet de loi débattu aujourd'hui sera un moyen décisif d'avancer dans cette voie. Je souhaite que, comme l'Assemblée nationale, le Sénat s'accorde pour voter ce texte de la manière la plus large. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc saisis du projet de loi relatif à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées, projet adopté par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 31 mai dernier.
Son examen intervient quelques jours après la mort d'un convoyeur de fonds à la suite d'une attaque perpétrée dans le Var sur un véhicule blindé en stationnement devant une banque. Depuis que j'ai rédigé mon rapport, d'autres événements sont encore survenus.
Ce projet de loi avait été examiné par le conseil des ministres du 17 mai 2000 dans un contexte de grève générale des convoyeurs de fonds, chacun s'en souvient, qui a eu lieu du 9 mai au 24 mai 2000, et qui faisait directement suite à deux agressions de fourgons blindés s'étant produites à une semaine d'écart à Grenoble et à Nanterre, à l'issue de chacune d'elles, un convoyeur avait été tué et deux autres blessés.
Des tables rondes - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - sur la sécurité de cette profession s'étaient pourtant tenues dès le mois de janvier 1999 au ministère de l'intérieur. Associant les entreprises de convoyage de fonds, leur personnel et les représentants des donneurs d'ordre, elles avaient abouti, le 4 mai 1999, à un relevé de conclusions détaillant les mesures à prendre en la matière.
En conséquence, le décret du 28 avril 2000 et ses deux arrêtés d'application du même jour ont refondu l'ensemble de la réglementation relative à la protection du transport de fonds.
Le volet législatif de ces mesures devait être intégré dans un projet de loi en préparation réglementant l'exercice de l'ensemble des activités de sécurité privées.
Ce projet de loi d'ensemble a été délibéré en conseil des ministres le 17 mai 2000 et déposé sur le bureau du Sénat. Compte tenu du caractère urgent de l'adoption de mesures sur la sécurité du transport de fonds, le Gouvernement a préféré extraire du projet d'ensemble deux articles pour constituer un projet de loi spécifique susceptible d'être examiné à bref délai par les deux assemblées.
Le présent projet de loi comporte ainsi deux articles ayant pour objet de limiter la phase piétonne du transport de fonds et de permettre son exercice à l'écart du public.
Je rappellerai brièvement que le secteur du transport de fonds emploie plus de 7 000 personnes. Il est très concentré, puisqu'il ne compte qu'une quinzaine d'entreprises, dont deux assurent, à elles seules, 80 % du marché.
Les clients qu'on appelle fréquemment « les donneurs d'ordre » relèvent pour 70 % du secteur bancaire, le reste étant constitué principalement par la grande distribution.
La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité date du 20 janvier 1995. Elle prévoyait le dépôt d'un projet de loi général destiné à compléter les textes existants, à savoir la loi du 12 juillet 1983.
Un premier projet a été déposé sur le bureau du Sénat le 21 juin 1995, il n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.
En octobre 1997, lors du colloque de Villepinte, le Premier ministre avait annoncé la renaissance de cette Arlésienne.
Il a fallu attendre le 15 avril 1999 pour que la loi relative aux polices municipales voie le jour et le 6 juin 2000 pour que soit promulguée la loi portant création de la commission nationale de déontologie de la sécurité.
Le projet de loi réglementant l'exercice des activités de sécurité privées - je l'ai rappelé - n'a été délibéré en conseil des ministres que le 17 mai 2000 et fera vraisemblablement l'objet d'une discussion au Sénat à l'automne 2000. Il prévoit, en plus de l'autorisation administrative des entreprises, l'agrément de leurs personnels et de leurs dirigeants, un renforcement des contrôles exercés par la puissance publique, une plus grande transparence et une professionnalisation plus importante des personnels.
Les prescriptions de sécurité à respecter pour le transport de fonds résultent désormais du décret du 28 avril 2000, complété par trois arrêtés et prévoyant deux modes de convoyage.
On retrouvera dans le rapport écrit les statistiques très inquiétantes - vous les avez rappelées en partie, monsieur le ministre - concernant les risques encourus dans l'exercice de cette activité, qui justifient particulièrement que des mesures soient prises et qu'elles le soient rapidement.
On notera également que, malgré les risques encourus, les convoyeurs de fonds bénéficient de rémunérations proches du salaire minimum, ce qui génère des difficultés de recrutement et de nombreuses rotations d'effectifs, au détriment de la qualification de personnels pourtant dotés d'une arme.
Tout cela a conduit au mouvement de grève du mois de mai dernier, qui a révélé un malaise profond.
Le projet de loi qui nous est soumis vise, dans l'urgence, à limiter ce que l'on appelle la phase piétonne du transport de fonds, qui s'est révélée particulièrement dangereuse non seulement pour les transporteurs de fonds eux-mêmes, mais aussi pour le public qui pourrait s'y trouver mêlé.
Je ne rappellerai pas le dispositif, que vous avez fort bien décrit, monsieur le ministre.
La commission, mes chers collègues, a approuvé les mesures proposées. Elle regrette, cependant, qu'il ait fallu attendre une grève des convoyeurs de fonds pour que ce projet de loi, comme celui d'ensemble sur la sécurité privée, soit déposé devant le Parlement, alors que la réflexion sur la sécurité privée est - on l'a vu plus haut - en cours depuis 1995.
Sur le fond, la commission des lois estime en premier lieu qu'il est justifié de donner aux maires la faculté de faciliter le stationnement et la circulation des véhicules de convoyage de fonds. Cette faculté pourra être utilisée au gré des circonstances locales.
L'externalisation du service rendu ne doit en effet pas aller de pair avec une externalisation des risques qui touchent autant les convoyeurs de fonds que le public.
Dans nombre de cas, il sera cependant très difficile, voire impossible, de réaliser des aménagements, notamment dans les zones piétonnes des centres villes ou dans les galeries commerçantes.
Votre commission constate, en outre, que la date butoir du 31 décembre 2002 fixée par l'Assemblée nationale pour la mise en conformité des locaux existants laisse peu de marge aux personnes concernées.
Il semble néanmoins que les réseaux de la grande distribution aient déjà pris en compte les exigences de sécurité du dépôt et de la collecte de fonds.
Votre commission estime cependant que cette contrainte de délai imposée aux donneurs d'ordre est justifiée par une exigence de sécurité particulière. Elle considère, en outre, que la date proposée présente un bon compromis entre les exigences des uns et des autres.
Enfin, la commission approuve l'adjonction de sanctions pénales que vous avez rappelées.
Elle tient cependant à insister pour que les dispositions réglementaires prévoyant les aménagements de sécurité à réaliser gardent toute la souplesse nécessaire pour tenir compte de la réalité du terrain.
Il semble que les commissions départementales de sécurité des transports de fonds mises en place officiellement par le décret du 28 avril 2000 soient des instances de dialogue appréciées de l'ensemble des partenaires.
La commission tient également à insister sur la nécessité de mettre en oeuvre entre les convoyeurs de fonds et les donneurs d'ordre de nouveaux protocoles de sécurité intégrant les contraintes des différentes parties.
A cet égard, comme vous l'avez également évoqué, la suppression des tournées à heures fixes souhaitée par les convoyeurs de fonds semble être un important facteur de sécurité. Elle se heurte cependant, semble-t-il, outre à des difficultés d'organisation par les entreprises de convoyage elles-mêmes, à une certaine rigidité de la pratique de la Banque de France en matière de prise en compte, le jour même, des sommes déposées à ses guichets.
Une réflexion sur les risques du convoyage de fonds ne peut pas, en tout état de cause, être dissociée d'une réflexion sur la réorganisation des flux de monnaie fiduciaire. Les banques souhaiteraient, quant à elles, limiter les risques du convoyage de fonds en obtenant l'autorisation de recycler elles-mêmes les billets de banque, comme cela est autorisé par exemple en Allemagne.
Enfin, la commission tient à souligner avec force que l'intervention des acteurs privés ne doit pas exonérer l'Etat de ses obligations en matière de sécurité.
Sous le bénéfice de ces observations, et compte tenu de l'urgence qui s'attache à l'amélioration de la sécurité du transport de fonds, la commission vous propose d'adopter le projet de loi sans modification.
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me rappelle le titre, particulièrement bienvenu, du colloque national sur la sécurité qui s'est tenu le 25 octobre 1997 à Villepinte « Des villes sûres pour des citoyens libres ». Je me rappelle également, avec beaucoup d'intérêt, les propos du Premier ministre à cette occasion : « Un citoyen dont la sécurité n'est pas assurée ne peut exercer son droit à la liberté. Le principe républicain de l'égalité entre les citoyens ne peut ignorer ce droit à la sécurité. »
Nous étions nombreux, à l'époque, à nous réjouir de cette conversion de la gauche « plurielle » aux réalités de la vie quotidienne, même s'il ne s'agissait, ni plus ni moins, que d'un rappel de l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclame que la « sûreté » est l'un des « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ».
Le Gouvernement affichait alors clairement ses intentions : faire reculer l'insécurité dans notre pays. Nous ne pouvions, bien entendu, que souscrire à cette ambition, C'était en 1997...
Or que constate-t-on aujourd'hui ?
Monsieur le ministre, les faits sont accablants. Malgré une présentation toujours plus habile des chiffres officiels, la délinquance et la criminalité augmentent dans notre pays.
Je suis élu de la capitale, et je me limiterai à ce seul exemple. En 1999, la délinquance a augmenté à Paris d'un peu plus de 2 % - 2,1 % exactement - alors qu'elle s'est, nous dit-on, stabilisée sur l'ensemble du territoire national. Cette dernière affirmation mériterait d'ailleurs d'être très largement nuancée tant certaines formes particulières de délinquance sont en pleine explosion. Je pense aux vols avec violence, aux vols à la tire, aux coups et blessures et aux cambriolages, notamment. A cela s'ajoute un inquiétant rajeunissement des populations délinquantes, puisque près de 40 % des délits de voie publique sont commis par des mineurs.
Dans ces conditions, on ne peut s'étonner que, dans notre pays, augmente de façon très inquiétante le sentiment d'insécurité.
La volonté affichée par le Gouvernement voilà moins de trois ans s'est traduite par un échec de l'Etat dans l'une de ses fonctions essentielles, la fonction régalienne qui consiste à assurer la sécurité de tous. Alors, faut-il se résigner ? Y a-t-il une fatalité de l'insécurité ? Je ne peux pas le croire.

Les raisons du constat actuel sont très claires. Plus les phénomènes de délinquance s'amplifient et plus les moyens d'y répondre sont inadaptés. Cette situation, toujours plus redoutable, est d'autant moins irrémédiable que des exemples étrangers nous indiquent les voies que l'on pourrait suivre.
Par conséquent, la clé du succès, la condition sine qua non pour combattre efficacement l'insécurité, en France comme ailleurs, c'est une véritable volonté politique, volonté que vous avez affichée, monsieur le ministre, mais que je ne retrouve pas dans les actes du Gouvernement. Le texte que vous nous présentez en est la parfaite illustration. Contrairement à ce que vous déclariez tout à l'heure, il s'agit d'un texte de circonstance, et rien d'autre.
Il ne fait aucun doute que nous ne serions pas réunis aujourd'hui sur cet ordre du jour s'il n'y avait pas eu une nette recrudescence des attaques de fourgons blindés depuis le début de l'année et s'il n'y avait pas eu une grève générale des convoyeurs de fonds du 9 au 24 mai dernier, avec les conséquences que l'on sait.
Je regrette que les usagers, en particulier les plus modestes qui ne disposent pas d'autres moyens de paiement, aient été pris en otage. Mais je regrette plus encore l'imprévision du Gouvernement, qui ne pouvait ignorer les revendications légitimes des convoyeurs de fonds.
La situation était connue de tous et le Gouvernement a joué les pyromanes en refusant de traiter le problème en amont et d'engager le dialogue social en dehors de toute crise.
Par ce texte, vous poursuivez dans la voie du désengagement de l'Etat.
Même si je ne conteste pas l'utilité des mesures proposées, je constate qu'elles aboutissent au dessaisissement de l'Etat au profit des maires et des donneurs d'ordre.
Pourtant, j'avais lu avec plaisir, dans le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qu'« assurer la sécurité du convoyage de fonds fait partie des missions de l'Etat », et que cette activité a une dimension « d'intérêt général ».
Comment mieux rappeler que la lutte contre l'insécurité est l'une des prérogatives essentielles de l'Etat ?
Par conséquent, je partage pleinement les propos du rapporteur, notre excellent collègue Jean-Pierre Schosteck, qui a souligné avec force que l'intervention des acteurs privés ne devait pas exonérer l'Etat de ses obligations en matière de sécurité.
C'est aussi pourquoi je regrette vivement la modestie de ce projet de loi, qui traduit l'absence de politique ambitieuse et forte de lutte contre l'insécurité.
L'existence isolée de ce texte n'est justifiée que par une actualité dramatique, alors que tous les acteurs privés de la sécurité attendent avec impatience un projet de loi plus vaste, qui devra consacrer leur participation à la sécurité générale.
Il n'est plus possible d'en douter, la sécurité des personnes et des biens, sur tous les points du territoire, ne peut être qu'une oeuvre en coproduction, impliquant tous les acteurs.
La suppression de tous les dysfonctionnements dans la chaîne de production de sécurité doit conduire à dégager tous les moyens nécessaires à l'efficacité de la justice, de la police, ainsi que de tous les acteurs sociaux, municipaux et privés.
La véritable urgence, monsieur le ministre, je le répète, c'est de déclencher un véritable plan ORSEC de la sécurité. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, mon intervention sera brève et elle vaudra également explication de vote.
Nous examinons dans l'urgence un texte court, nécessaire, et sur lequel l'unanimité devrait se faire puisque chacun est bien conscient qu'il entérine les termes d'un accord laborieux entre les convoyeurs de fonds et leurs employeurs.
Sauf à risquer la relance d'un conflit fortement perturbateur de l'activité commerciale de détail, il convient donc d'entériner cet accord.
Cet accord, monsieur le ministre, n'est pourtant pas de circonstance puisque le texte du projet de loi que nous examinons aujourd'hui est extrait d'un projet plus large sur les activités de sécurité privée examiné le 17 mai dernier par le conseil des ministres. Il est cependant de portée limitée, chacun le constate, et il comporte des mesures qui auraient pu être prises par voie réglementaire.
Il comprend deux ou trois points sur lesquels je formulerai quelques remarques.
Ainsi, à l'article 1er, il ne me paraît pas opportun que les maires désignent de façon trop précise l'emplacement exact où stationnera le fourgon de convoyage. La solution devrait plutôt consister dans l'organisation d'un repli éventuel rapide plutôt que dans la matérialisation du stationnement. Mais les maires sont assez habiles pour en discuter avec les personnes intéressées.
Par ailleurs, on peut se demander pourquoi - c'est un point de détail - au II de l'article 1er, il est prévu d'étendre la mesure aux transports de bijoux. N'est-il pas plus sûr de transporter ce type d'objets de manière anonyme, dans sa poche, dans le métro, plutôt que par fourgon ? Il est vrai que je ne suis pas un spécialiste du transport de ce genre d'objets... Enfin, qui peut le mieux, peut le moins !
Il est tout à fait souhaitable, en tout cas, de formaliser les obligations des donneurs d'ordre en matière d'aménagements destinés à limiter les déplacements piétonniers dans la phase de transports.
Bref, monsieur le ministre, vous le comprenez bien, le groupe socialiste votera ce texte, sachant bien qu'il ne règle pas tout, hélas ! sachant bien que cette activité demeurera dangereuse, sachant bien que l'amélioration de la sécurité passe par une lutte accrue contre le grand banditisme assassin, contre le trafic et la circulation des armes, dans la ligne des efforts considérables - n'en déplaisent aux polémistes - que le Gouvernement réalise pour la sécurité de ce pays.
Par ailleurs, il serait bon de favoriser la poursuite des recherches - peut-être par une incitation financière - pour rendre le plus efficace possible la destruction automatique des billets en cas d'ouverture des contenants par une personne non autorisée.
Sous le bénéfice de ces remarques, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera sans problème ce projet de loi. M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous qu'un grand nombre de convoyeurs de fonds ont été victimes de leur profession et qu'il était temps de mieux réglementer ce type d'activité. C'est l'objet du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, projet de loi qui devait s'inscrire dans un texte plus vaste relatif à la sécurité privée mais que les événements ont poussé le Gouvernement à mettre à l'ordre du jour du Parlement.
Un premier texte relatif à la sécurité privée avait déjà été déposé en 1995 sur le bureau du Sénat, et l'on peut penser que la loi d'orientation relative à la sécurité de 1995 va poursuivre ses effets pendant très longtemps.
Nous avons eu ensuite à examiner la loi sur les polices municipales dans ses divers avatars. Elle est votée maintenant et ses diverses dispositions ont été mises en oeuvre y compris ses dispositions relatives à la formation des policiers municipaux. Cependant, monsieur le ministre, je n'ose dire qu'une meilleure répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire soit réellement entrée dans les faits puisque, s'il y a eu création d'une police de proximité, beaucoup reste à faire pour mieux utiliser les forces de police. Au demeurant, cela n'est plus du domaine de la législation puisque les mesures nécessaires sont inscrites dans la loi. Au Gouvernement de les traduire dans la réalité !
Voilà les quelques interrogations que me suggère l'examen d'un texte qui était nécessaire et qui répond aux demandes justifiées des personnels, texte dont M. le rapporteur a bien défini les enjeux et les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre.
Bien entendu, nous voterons ce texte. Toutefois, je voudrais faire remarquer qu'il ne me semble pas que le meilleur moyen de faire respecter les obligations soit de créer de nouvelles infractions ! Nous devons en être à plusieurs milliers d'infractions. Il faudra un jour s'intéresser à ce problème et peut-être prévoir des amendes civiles. Ce serait plus efficace, me semble-t-il, que d'encombrer les tribunaux de police ou les tribunaux correctionnels avec des infractions administratives qui pourraient être réglées autrement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est important. Il marque une étape nouvelle dans la recherche de solutions à une situation qui se dégrade de jour en jour.
Huit mille convoyeurs de fonds sont confrontés à un risque croissant dans l'exercice de leur fonction.
L'angoisse les gagne périodiquement, à l'occasion des obsèques de l'un des leurs. Des luttes importantes sont menées dans la plus grande union, par les organisations syndicales.
De nombreuses réunions interministérielles ont été organisées, notamment dans les trois dernières années, pour préparer les textes réglementaires et législatifs adéquats.
Ce projet de loi constitue une première étape dans l'élaboration d'un projet plus complet et certainement plus efficace.
Actuellement, le chiffre d'affaires du secteur de la sécurité privée est évalué à 15 milliards de francs. Nous estimons que l'extension de cette activité rend indispensable une réflexion d'ensemble sur la sécurité privée, étant entendu que l'Etat ne devra pas abandonner ses prérogatives régaliennes.
Mais, aujourd'hui, c'est l'efficacité des mesures qui compte pour notre groupe.
La violence a gagné tous les secteurs de la vie sociale, de l'école au lieu de travail. Cette violence se traduit aussi par des morts. Si l'on se réfère aux statistiques publiées par la direction de la police et de la gendarmerie pour l'année 1998 - celles de 1999 devraient être publiées très bientôt - on compte, dans notre pays, 73 morts violentes pour 100 000 habitants, la plupart résultant d'homicides liés aux actes des malfaiteurs entre eux, mais aussi d'homicides ou de tentatives d'homicides accompagnant des vols ou des tentatives de vols avec armes.
Les convoyeurs de fonds paient lourdement le développement de cette violence, de ces meurtres, qui sont le fait de véritables commandos du crime, puissamment armés.
Selon la répartition admise par le ministère de l'intérieur, on relève, pour l'année 1998, suivant les différents types de morts violentes, 39 morts par règlements de comptes entre malfaiteurs, 816 par homicides, dont ceux qui sont commis à l'occasion de vols, et 1 189 tentatives d'homicides pour vols.
Par ailleurs, 12 769 vols avec violence et armes ont été relevés, soit une augmentation de 2 % par rapport à 1997.
Sur ces 12 769 vols avec violence et armes, 50 % sont dirigés contre des établissements financiers et industriels, avec le développement d'un réseau du crime de plus en plus déterminé n'hésitant plus à tuer d'abord pour voler ensuite.
Les crimes contre les convoyeurs de fonds s'inscrivent dans ce bilan. Le problème se pose avec une actualité renouvelée. Jeudi 22 juin, les obsèques à Puget-sur-Argens d'un convoyeur de fonds, dernière victime, ont eu lieu, faisant suite aux assassinats de convoyeurs à Bordeaux le 25 janvier, à Grenoble le 27 avril et à Nanterre le 5 mai.
Ainsi s'instaure un cycle d'attaques qui deviennent mortelles, dignes de la détermination d'un véritable syndicat du crime, puissamment armé. Nous sommes dans un secteur d'activité du crime qui est directement lié au travail et qui fait trop de victimes innocentes et dépourvue, dans un des secteurs les plus nobles de la vie des hommes.
Ces victimes sont en effet innocentes, car choisies au hasard, inconnues de tous les acteurs du drame quelques secondes avant qu'il ne se produise. Devra-t-on continuer à admettre que 8 000 salariés sont menacés de mort du simple fait d'exercer leur droit au travail, pour un salaire parfois dérisoire par rapport au risque encouru ?
Ces victimes sont dépourvues également des moyens de se protéger efficacement.
Il est injuste que d'honnêtes travailleurs deviennent les boucliers vivants de sociétés qui se refusent à les considérer comme des pères de familles ou des citoyens dévoués et ne voient en eux que de simples transporteurs de fonds, ce qu'ils sont à 70 % pour les banques et à 20 % pour les grandes sociétés de distribution.
Il convient donc de se montrer sévère avec les deux grands du convoyage, qui connaissent parfaitement les risques encourus et persistent dans leurs erreurs par simple volonté de profits. Et pourtant, la vie des hommes ne doit-elle pas être le premier paramètre à considérer ?
Le chiffre d'affaires des sociétés de convoyage était, cette année, de 1,729 milliard de francs, en hausse de 3,3 % par rapport à l'année précédente. Parmi ces sociétés, Brink's-France, filiale du groupe américain, et Ardial-Serve, filiale du groupe suisse USB, réalisent seules 1,350 milliard de francs. Aujourd'hui, elles se doivent de relever le défi que constitue une méthode de gestion donnant priorité à la sécurité.
Je ne me souviens pas avoir jamais rencontré, dans l'énoncé des revendications du monde du travail, celle qui figure sur les pancartes des manifestants des convoyeurs de fonds : « Stop aux assassinats », et cela dans une France dont on nous vante la modernité, le plaisir de vivre, la douceur des moeurs, la concertation à tous les niveaux.
Je suis intervenue à plusieurs reprises sur ce sujet, vous le savez, monsieur le ministre. Ici même, je vous ai questionné le 5 mai 1998 - en votre absence, c'est M. Richard, ministre de la défense, qui m'a répondu - sur les conditions d'exercice de cette profession. J'ai également été reçue à plusieurs reprises à votre cabinet, avec les syndicats des convoyeurs de fonds.
Au cours de ces deux années, des réunions, des délégations, des décrets, des promesses ont créé un climat nouveau d'écoute, mais n'ont pas comblé les vides, les insuffisances, et des textes qui font que les crimes continuent d'être perpétrés ont été maintenus.
A la suite d'une longue grève, de premières avancées ont été accomplies telles que l'interdiction du convoyage la nuit, l'amélioration de la qualité des gilets pare-balles et une certaine amélioration des salaires, même si elle reste faible.
Le décret du 28 avril 2000 a procédé à une première refonte du dispositif réglementaire sur la qualité du blindage des fourgons, ce qui est bien nécessaire, car les agresseurs tirent désormais sans sommation. On peut se demander si, dans certains cas, leur détermination n'est pas de tuer ! Ce n'est plus la bourse ou la vie ; c'est la vie et la bourse !
A ce propos, monsieur le ministre, estimez-vous normal que la vente des fourgons blindés soit libre, ce qui permet aux commandos criminels de tester les blindages ?
Dans un communiqué de presse du 19 mai transmis par une organisation syndicale, nous apprenons qu'une casse de voitures accueille illégalement, et sans aucune surveillance, une dizaine de fourgons blindés dans la banlieue nord de Paris. C'est un terrain d'entraînement idéal pour les braqueurs désireux de tester les blindages.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que cesse ce trafic honteux de fourgons ? Pour 10 000 francs, prix d'achat d'un vieux fourgon, le commando du crime peut tester la résistance des blindages.
Le décret du 20 avril dernier précise bien que le préfet doit être informé de cette vente, mais il semble que beaucoup reste à faire pour que ce décret soit appliqué dans les faits.
Dans ce décret sont également prévues la création de cellules départementales de la sécurité des transports de fonds, de nouvelles sanctions pénales, les modalités d'agrément du port d'armes, la ventilation, la climatisation du véhicule blindé, etc.
Même si certaines dispositions apparaissent encore perfectibles, ce décret constitue une étape dans la reconnaissance d'un métier à risque.
Toutefois, monsieur le ministre, des problèmes demeurent entiers, vous le savez bien, et tout d'abord celui de la définition du métier de transporteur de fonds, incluant la notion d'utilité publique.
Plus généralement, j'estime souhaitable que soit élaboré un statut particulier pour les sociétés de transport de fonds qui les distinguerait des sociétés de surveillance et de gardiennage et les soumettrait à des obligations de transparence. Cette initiative offrirait l'avantage d'intégrer la notion de métier à risque, d'aménager une convention collective adaptée et de qualifier cette profession de sous-traitant du secteur bancaire. En outre, elle clarifierait les relations entre les donneurs d'ordre et les transporteurs de fonds. Enfin, de telles dispositions permettraient à l'institut d'émission d'accomplir pleinement la mission d'entretien et de contrôle de la circulation fiduciaire que lui a confiée le législateur.
D'autres problèmes attendent des solutions, des manifestations de volonté, des engagements de la part des sociétés de convoyage, et notamment Ardial et la Brink's.
La fixation des horaires de passage doit rester secrète. Trop souvent, le commando du crime connaît l'heure de livraison ou de ramassage. Quelle aubaine ! La routine, le train-train doivent faire place à un peu plus d'imagination.
Les situations sont loin d'être toutes semblables : il existe des lieux de livraison plus sensibles, plus vulnérables. Ne doivent-ils pas être protégés par des forces de l'ordre, surgissant au moment opportun et assurant la protection des convoyeurs, mais aussi celle du public ? La police doit assurer également la sécurité des clients et des employés de la banque, ou ceux du centre commercial. Un service public de sécurité doit être clairement défini et assuré sur le lieu même de l'échange des fonds.
L'utilisation de véhicules banalisés doit être proscrite. Avec des blindages, la protection est loin d'être suffisante mais, sans le blindage elle devient nulle.
Dans la semaine où Jacques Bosetti, de la société Sazias, a été assassiné, cinq attaques sont intervenues sur des véhicules banalisés, dont certains étaient équipés du système HDS d'Axy-Trans : à Meaux, deux attaques sur véhicule équipé de système ; à Nantes, sur véhicule banalisé ; en Haute-Saône, sur un véhicule équipé d'un système ; dans le Val-de-Marne, sur un véhicule équipé d'un système.
J'insiste beaucoup sur la nécessité d'une interdiction du véhicule banalisé, beaucoup plus vulnérable et plus facile à attaquer.
D'autres revendications avancées par les convoyeurs de fonds doivent être satisfaites.
Le seuil financier du transfert, actuellement de 200 000 francs, devrait être abaissé à 30 000 francs.
Dans les fourgons blindés, afin de rendre éventuellement les fonds dérobés inutilisables, les systèmes de maculage préconisés, parfois utilisés dans la période récente, doivent être embarqués.
Les fourgons ne devraient-ils pas également être réservés au seul transfert de fonds, à l'exclusion du transfert des coffres ?
J'ai réservé pour la dernière partie de mon intervention la question de la mise en place de systèmes nouveaux d'accueil des fourgons sur le lieu de livraison pour le transfert de fonds.
La circulation, l'approche, le stationnement des fourgons devant la banque, le centre commercial ou l'entreprise sont de la responsabilité de celui qui profite de l'intervention, qu'il s'agisse d'apport ou de ramassage de fonds. Doit être exclu le transport piétonnier, qui est un moment de vulnérabilité évidente. Il faut donc aménager un lieu discret, voire caché, et protégé pour l'ouverture du fourgon et des opérations de manutention.
De la même manière que tout équipement public ou privé doit disposer d'un local pour accueillir l'organisation de la sécurité incendie, il faut que, désormais, ce même équipement dispose d'un local protégé pour l'accueil des fourgons et la manutention des fonds.
De la même manière qu'un permis ne peut pas être délivré sans que soient scrupuleusement respectées les mesures prévues pour la sécurité incendie, vérifiées par la commission départementale, il faut que le permis ne soit délivré que si la commission départementale a vérifié la présence d'un dispositif d'accueil conforme.
Le projet de loi va dans ce sens, mais ne s'arrête-t-il pas en chemin ? Les prérogatives des maires sont étendues en vue de réserver des emplacements spécifiques sur la voie publique et de prévoir l'aménagement de locaux protégés pour les opérations décidées par le donneur d'ordre, qui doivent être effectuées en toute sécurité.
Nous l'approuvons tout en souhaitant que les décrets d'application précisent le caractère obligatoire du local sécurisé pour toute construction nouvelle, et donc intégré dans le permis de construire. Cela implique également le dépôt d'un permis de construire modificatif - ou, tout au moins, d'une déclaration de travaux - devant être instruit pour agrément et autorisation par le maire, la direction départementale de l'équipement et le préfet.
Le simple trappon ne me semble pas suffisant, même s'il représente un progrès. Il faut un local spécifique protégé et sécurisé. Les dérogations doivent être limitées à des impossibilités physiques objectives. Elles doivent être strictement exceptionnelles.
Nous voterons ce projet de loi, mais nous serons vigilants quant à la publication des décrets, et le délai de six mois nous apparaît comme un maximum.
Nous n'oublierons pas non plus le rôle de la Banque de France. L'article 5 de la loi du 13 mai 1998 précise en effet : « La Banque de France a pour mission d'assurer l'entretien de la monnaie fiduciaire et de gérer la bonne qualité de sa circulation sur l'ensemble du territoire. »
Les 130 caisses de la Banque de France sont concernées. Les risques ne sont-ils pas accrus par la longueur des trajets, sur lesquels c'est un véritable trésor qui est transporté ?
Monsieur le ministre, l'information des commandos du crime est souvent très précise et explique l'efficacité des actions perpétrées.
Notre groupe votera donc le projet proposé. Il tient cependant à souligner la déconnexion du texte, qui n'est pas nécessairement opportune sur le fond, mais qui se justifie pas l'urgence de la situation.
Nous relevons également l'opportunité des modifications apportées par l'Assemblée nationale quant à l'encadrement du futur décret, s'agissant notamment des sanctions en cas de non-respect des obligations du décret. Il serait néanmoins nécessaire d'aller plus loin dans les obligations imposées aux donneurs d'ordre et d'imposer des contraintes dans les documents d'urbanisme.
De même, à l'échelon de chaque entreprise, un protocole de sécurité doit être discuté, défini et appliqué. Ce serait le meilleur moyen de mener une action réfléchie et coordonnée, action qui pourrait alors se révéler efficace.
Nous souhaitons également que de nouvelles augmentations de salaires, des primes de risque et de nouvelles possibilités de formation soient accordées. Les convoyeurs de fonds seront ainsi mieux reconnus et plus respectés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

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