Séance du 28 juin 2000







M. le président. « Art. 3. - L'article L. 342-3 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :
« Art. L. 342-3 . - Par dérogation à l'article 4 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d'administration de la société Air France compte vingt et un membres. Indépendamment des représentants de l'Etat, des salariés, des salariés actionnaires ainsi que des actionnaires autres que l'Etat et les salariés, le conseil peut comprendre des personnalités choisies soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou économique, soit en raison de leur connaissance du transport aérien. La représentation des salariés actionnaires peut se faire par catégories. Elle peut être subordonnée à la détention par l'ensemble des salariés actionnaires ou par chaque catégorie d'une part minimale du capital social. »
Par amendement n° 1, M. Le Grand, au nom de la commission, propose :
I. - A la fin de la première phrase du texte présenté par cet article pour l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile de remplacer les mots : « vingt et un membres » par les mots : « vingt-trois membres ».'
II. - Compléter in fine le même texte par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition du conseil d'administration doit également respecter la répartition du capital. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Tout ayant été dit dans la discussion générale, je me contenterai de faire écho à la comparaison qu'a faite tout à l'heure notre collègue M. Lefebvre - elle est souvent faite ! - entre British Airways et Air France, l'une étant privatisée, l'autre non, l'une éprouvant des difficultés, l'autre se portant bien.
Je rappellerai simplement que, si le chiffre d'affaires d'Air France est de 10,3 milliards de francs, ce qui est tout à fait appréciable et prouve que l'entreprise va bien, celui de British Airways est de 87 milliards de francs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai dit dans mon intervention générale, le Gouvernement est opposé à cet amendement, dont l'adoption aurait pour seul effet de retarder l'entrée en vigueur de ce projet de loi, tant attendu par les dirigeants et par le personnel d'Air France.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il suffit donc au Gouvernement d'accepter l'amendement du Sénat, madame le secrétaire d'Etat. Je vous en remercie. (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous avez pu le constater, le groupe socialiste n'a pas souhaité s'exprimer dans la discussion générale. En effet, nous pensons que tous les arguments, sur toutes les travées et dans les deux assemblées, ont déjà été exposés en première lecture.
Aujourd'hui, notre seul point de désaccord porte sur le nombre des membres du conseil d'administration de la compagnie et, paradoxalement, sur la nécessité de respecter la répartition du capital.
Le groupe socialiste s'était déjà résolument exprimé par ma voix, lors de la première lecture, contre les amendements déposés à l'époque par M. Poniatowski.
Je constate qu'ils sont repris aujourd'hui par la commission, et vous comprenez bien, mes chers collègues, que nous ne voterons pas ce projet de loi tel qu'il sera probablement modifié par le Sénat, et ce pour trois raisons.
La première raison est d'ordre purement technique.
Le Sénat souhaite augmenter le nombre des représentants des actionnaires privés et, dans le même temps, respecter la répartition du capital.
J'en suis désolé, mes chers collègues, mais cette double volonté nous conduit tout droit à une impasse. En effet, si nous suivons le Sénat, le nombre des membres du conseil d'administration serait de vingt-trois au lieu de vingt et un ; la majorité serait donc de douze ; si l'on tient compte de l'amendement déposé, l'Etat étant actionnaire majoritaire à bientôt 53 %, ses représentants devraient obligatoirement être majoritaires. Cela porterait en conséquence l'effectif des représentants de l'Etat et des personnes qualifiées nommées par les ministres compétents à douze, au lieu de onze, soit une personne de plus que prévu dans le texte initial du Gouvernement. Or la philosophie de ce texte est précisément d'alléger la tutelle de l'Etat, discours qui devrait vous convenir, chers collègues de la majorité sénatoriale.
Ce que propose donc le Sénat par la voix de M. le rapporteur, c'est précisément d'alourdir la présence de l'Etat au sein du conseil d'administration. Avouez tout de même, mes chers collègues, qu'il s'agit là d'un paradoxe pour cette assemblée et tout particulièrement de la part d'un parlementaire - je pense ici à M. Poniatowski - qui appartient au groupe Démocratie libérale. Enfin, que voulez-vous, et ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de le constater, parfois il est des repères qui se perdent un peu !
M. Ladislas Poniatowski. Mais je ne suis pas membre de Démocratie libérale !
M. Jean-Pierre Plancade. En tout cas, vous appartenez à quelque chose d'approchant (Sourires) et vous êtes un libéral convaincu, vous l'avez assez souvent revendiqué. Mais, parfois, les voies de la politique sont, comme celles du Seigneur, impénétrables...
La deuxième raison tient à l'efficacité.
En effet, en passant de dix-huit à vingt et un administrateurs - cela a été dit par Mme le secrétaire d'Etat et je partage son opinion - Air France aura l'un des conseils d'administration les plus étoffés des entreprises cotées en Bourse. Or, un nombre important de membres pourraient nuire à l'efficacité des travaux du conseil d'administration - d'ailleurs, les institutions financières pourraient le voir d'un oeil critique - comme aux intérêts de l'actionnaire principal, en même temps qu'à ceux de la compagnie.
La troisième raison est d'ordre politique.
En effet, la majorité sénatoriale, en ne votant pas en termes identiques le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale prend une responsabilité que nous considérons comme grave, celle de retarder l'application de l'accord du 22 octobre 1998 passé entre la direction d'Air France et son personnel. Maintenant que cette compagnie, au prix de grands efforts, a retrouvé l'équilibre social et financier, nous ne devons pas être ceux qui pourraient être à l'origine de la dégradation du climat social et économique de cette belle entreprise.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste ne votera pas cet amendement et, s'il est adopté, votera contre l'ensemble du texte.
Je voudrais ajouter en exergue que si les aiguilleurs du ciel ont fait grève lundi dernier, c'est parce qu'ils ne souhaitent pas que la gestion du ciel soit mise à l'encan. Et ils ont raison ! (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(Le vote à main levée a lieu.)
M. le président. Mes chers collègues, il y a doute et je vais consulter à nouveau le Sénat.

(Il est procédé à un nouveau vote.)
M. le président. Le doute persiste...
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission. (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Plancade. Ce n'est pas sérieux, monsieur le président !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! pas au milieu du vote !
M. Jean Chérioux. Il avait été demandé bien avant !
M. le président. La commission avait, en effet, déposé une demande de scrutin public avant que je mette aux voix l'amendement.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, il fallait nous prévenir ! Vous ne l'avez pas fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez consulté deux fois le Sénat ! Ce n'est pas possible !
M. le président. La seconde fois, j'ai procédé à une vérification !
M. Jean Chérioux. Je le répète, le scrutin public avait été demandé avant !
M. le président. Mes chers collègues, je constate que les votes ont été partagés : dix votes pour et dix votes contre. En conséquence, l'amendement n'est pas adopté. (Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 91:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 99
Contre 220

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi n'est pas adopté.)

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