SEANCE DU 3 OCTOBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 11, Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le cinquième alinéa de l'article L. 513-1 du code du travail, après les mots : "électeurs employeurs" sont insérés les mots : "les conjoints collaborateurs d'artisans mentionnés au répertoire des métiers,". »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement vise à rendre les conjoints collaborateurs d'entreprise artisanale électeurs et donc éligibles aux conseils de prud'hommes, dans le collège des employeurs.
Le statut de conjoint collaborateur, qui concerne dans les faits quasi exclusivement les femmes, reste en effet imparfait. Le manque de reconnaissance de leur activité professionnelle devient alors source d'inégalité professionnelle.
Depuis 1999, les conjoints collaborateurs sont désormais électeurs et éligibles aux chambres de métiers. Mais ils ne le sont toujours pas aux conseils de prud'hommes. Cet amendement vise à remédier à cette situation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Madame Bocandé, pour comprendre ma position, vous pouvez vous référer à ce que j'ai dit ce matin. J'ai saisi le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle de ce sujet et les partenaires sociaux examinent actuellement un rapport relatif à l'amélioration de la place des femmes dans les relations professionnelles.
Le dispositif qui figure dans cet amendement est en cours d'examen dans ce cadre. J'ai commencé la concertation et je souhaiterais qu'elle s'achève. Je suis donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
M. le président. Par amendement n° 12, Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa de l'article L. 129-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les services mentionnés à l'alinéa précédent ont pour objet la garde d'un enfant de moins de trois ans, le montant maximum de l'aide financière visée au même alinéa est doublé. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat et les organismes de sécurité sociale résultant le cas échéant du présent article sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'un des obstacles majeurs à une réelle égalité professionnelle résulte incontestablement des lacunes actuelles des dispositifs de prise en charge des enfants.
Cette dimension, pourtant fondamentale, est ignorée par la présente proposition de loi. Aussi, votre commission a-t-elle tenu à prendre une initiative en la matière.
Cet amendement prévoit la possibilité de doubler l'aide maximale que peut accorder un comité d'entreprise ou un employeur, en franchise de cotisations sociales, pour l'emploi d'un salarié à domicile lorsque ce salarié assure la garde d'un enfant de moins de trois ans. Cette aide est actuellement plafonnée à 12 000 francs par an, montant à l'évidence très insuffisant.
Une telle mesure aurait l'avantage de relancer les titres emplois-services. Ces titres, qui peuvent être rapprochés des titres restaurant, sont émis par des organismes comme les comités d'entreprise et permettent à leur bénéficiaire de payer des prestations de services à domicile effectuées par un organisme agréé.
Une telle disposition constitue une première piste. Il est toutefois évident que l'ampleur du problème exige la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés, qu'il s'agisse des comités d'entreprise, mais aussi de l'Etat et des caisses d'allocations familiales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il manque un élément d'explication dans l'intervention de Mme Bocandé !
Proposer que les comités d'entreprise soient invités à prendre une participation aux frais qu'elle a évoqués, à la limite, on pourrait en discuter ; encore faudrait-il que des droits soient donnés aux comités d'entreprise afin que ceux-ci disposent de ressources.
Chacun sait que les ressources des comités d'entreprise sont a minima et que rares sont ceux qui bénéficient de ressources importantes leur permettant de mettre en place des dispositifs de cette nature.
Une telle proposition n'est donc pas envisageable.
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Ce n'est pas sûr ! C'est une question de volonté !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
Par amendement n° 13, Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 122-28-1 du code du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Le congé parental prend fin au plus tard au troisième anniversaire de l'enfant ou, en cas d'adoption d'un enfant de moins de trois ans, à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'arrivée au foyer de l'enfant. La période d'activité à temps partiel prend fin au plus tard au sixième anniversaire de l'enfant ou, en cas d'adoption d'un enfant de moins de trois ans, à l'expiration d'un délai de six ans à compter de l'arrivée au foyer de l'enfant. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Il aurait été souhaitable que le présent texte prévoie des propositions fortes et concrètes pour favoriser la réinsertion professionnelle des femmes ayant interrompu leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants. Tel n'est pas le cas. La commission des affaires sociales a donc, là encore, tenu à prendre une initiative.
Le présent amendement, qui reprend un article de la proposition de loi relative à la famille déposée en juin 1999 par MM. Arthuis, Cabanel, de Raincourt et de Rohan, modifie le régime du congé parental d'éducation.
Je vous rappelle que tout salarié qui justifie d'une ancienneté d'un an dans l'entreprise peut demander, à la naissance de son enfant, soit un congé parental d'éducation à temps plein, et son contrat de travail est alors suspendu, soit une réduction de son temps de travail. Dans tous les cas, l'employeur est tenu de faire droit à la demande du salarié jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant.
Cet amendement prévoit d'étendre jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant la période d'activité à temps partiel, la durée du congé parental d'éducation restant, elle, limitée jusqu'au troisième anniversaire.
Un tel dispositif devrait alors permettre au salarié, qui est, dans 99 % des cas, une femme, de mieux préparer son retour dans l'entreprise, sachant qu'il lui est possible de transformer chaque année son congé en un temps partiel. Ainsi, une femme ayant cessé son activité pendant trois ans pourrait de droit la reprendre à temps partiel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable.
Nous entrons là dans un débat extrêmement important, certes, mais qui dépasse le strict champ de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
Par amendement n° 14, M. Cornu propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable est ainsi modifiée :
« A. - Le second alinéa de l'article 2 est ainsi rédigé :
« La valeur dudit bien, y compris celle des cheptels ou immeuble par destination, ne devra pas, lors de sa fondation, dépasser 800 000 francs. »
« B. - Les deux derniers alinéas de l'article 4 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque le bien est d'une valeur inférieure à 800 000 francs, il peut être porté à cette valeur au moyen d'acquisitions qui sont soumises aux mêmes conditions et formalité que la fondation. Le bénéfice de la constitution du bien de famille reste acquis alors même que, par le seul fait de la plus-value postérieure à la constitution, le montant de 800 000 francs se trouverait dépassé. »
« C. - Le second alinéa de l'article 15 est ainsi rédigé :
« La femme peut exiger l'emploi des indemnités d'assurances ou d'expropriation soit en immeubles, soit en rentes sur l'Etat français, à concurrence d'un maximum de 800 000 francs. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'accroissement de la valeur d'un bien de famille insaisissable sont compensées par le relèvement à due concurrence des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
M. Gérard Cornu. Nous avons beaucoup parlé des conjoints collaborateur d'artisan et de commerçant et du cautionnement solidaire, qui lève la protection apportée par les régimes matrimoniaux. Cet amendement n'est donc pas un cavalier : il concerne la situation des femmes.
Il convient de dénoncer un état de fait et d'améliorer la protection juridique et financière du conjoint. Je l'ai dit dans la discussion générale : il faut privilégier l'approche globale par rapport au traitement catégoriel.
Cela dit, je suis bien conscient qu'il est difficile de porter atteinte à la liberté contractuelle. Les établissements de crédit sont seuls responsables des risques qu'ils acceptent et seuls juges en matière d'attribution de prêts. Si les banques étaient contraintes de renoncer à la caution solidaire même dans les cas où cette garantie leur paraît appropriée, il s'ensuivrait très vraisemblablement un accroissement des refus de prêts, ce qui, en définitive, serait préjudiciable à l'ensemble des artisans. Par ailleurs, il n'est pas non plus envisageable de modifier les régimes matrimoniaux. Alors, que proposer ?
J'ai examiné longuement quelle voie on pourrait adopter pour protéger - partiellement, c'est vrai - les conjoints collaborateur qui apportent une caution solidaire. C'est ainsi que j'ai retrouvé une loi du 12 juillet 1909 dont l'objet était de protéger le patrimoine des commerçants et des artisans et de constituer un bien de famille insaisissable. Cette loi de 1909 est peu appliquée aujourd'hui du fait du faible montant, qui n'a jamais été réévalué, de la valeur retenue : 50 000 francs.
A cette époque, ce chiffre correspondait à la valeur d'une maison. Il semble bien faible aujourd'hui. Je vous propose donc de le réévaluer et de le porter à 800 000 francs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Si ce sujet me paraît effectivement très important, il dépasse largement la seule question de l'égalité professionnelle abordée par cette proposition de loi. Je pense donc que votre amendement, monsieur Cornu, pourrait être discuté à l'occasion de futurs débats, par exemple lors de l'examen projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, et je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement considère lui aussi que cet amendement dépasse le strict champ de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je saisis cette occasion pour dire que Mme Lebranchu a engagé des discussions en ce sens et qu'elle présentera prochainement un certain nombre de propositions.
M. le président. Monsieur Cornu, maintenez-vous l'amendement n° 14 ?
M. Gérard Cornu. Décidément, je n'ai pas de chance : chaque fois que je présente un amendement, on me demande de le retirer ! (Sourires.)
Je comprends bien la difficulté d'insérer une telle disposition dans cette proposition de loi. Cela étant, je voulais alerter notre assemblée sur ce problème.
Essayons d'actualiser cette loi de 1909, qui constitue une protection pour les conjoints collaborateur, dont nous avons presque tous évoqué les difficultés dans la discussion générale.
J'ai bien compris, madame le secrétaire d'Etat, que le dispositif que je propose dépasse le cadre de cette proposition de loi sur l'égalité professionnelle ; il n'en demeure pas moins qu'il concernerait beaucoup les femmes. Je souhaite donc que vous alertiez Mme Lebranchu sur ce projet pour qu'elle propose d'actualiser la loi de 1909.
Cela dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
Par amendement n° 15, M. Cornu propose d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 513-6 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. »
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements n°s 16 et 17.
M. le président. Je suis effectivement saisi de deux autres amendements présentés par M. Cornu.
L'amendement n° 16 tend à insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.
« Dans les entreprises où l'un des deux sexes représente plus des deux tiers des effectifs, la disposition prévue à l'alinéa précédent ne s'applique pas. »
L'amendement n° 17 vise à insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 423-2 du code du travail sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.
« Dans les entreprises où l'un des deux sexes représente plus des deux tiers des effectifs, la disposition prévue à l'alinéa précédent ne s'applique pas. »
Veuillez poursuivre, monsieur Cornu.
M. Gérard Cornu. Lors de la discussion du projet de loi relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, j'avais déposé des amendements sur ce sujet. J'interviens de nouveau, car il m'apparaît normal, dès lors que l'on a souhaité la parité dans la vie politique, de demander également la parité dans les élections professionnelles.
La commission et le Gouvernement m'avaient invité alors, comme aujourd'hui pour mon amendement n° 14, à retirer mes amendements, qui, selon eux, étaient de bons sens, mais qu'il était plus judicieux d'introduire dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
J'ai de la suite dans les idées ! (Sourires.) C'est pourquoi je reviens vers vous aujourd'hui.
Certes, je n'ai pas affaire uniquement à la commission des lois, mais j'espère que la commission des affaires sociales, qui est saisie au fond, sera aussi compréhensive que la commission des lois, qui m'avait invité, à l'époque, à rattacher mes amendements à cette proposition de loi.
L'amendement n° 15 est en fait tout simple : il a pour objet d'étendre le principe de la parité aux listes présentées par les organisations syndicales aux élections des conseillers prud'hommes. Cela me paraît logique car, à partir du moment où l'on veut la parité, il faut aller jusqu'au bout.
L'amendement n° 16 est un peu différent. Il a pour objet d'étendre le principe de la parité aux listes présentées par les organisations syndicales aux élections des représentants du personnel au comité d'entreprise. Cela étant, je suis bien conscient des difficultés qui risquent de s'ensuivre. C'est pourquoi j'ai présenté l'amendement n° 16, qui précise que « dans les entreprises où l'un des deux sexes représente plus des deux tiers des effectifs, la disposition prévue à l'alinéa précédent ne s'applique pas ».
L'amendement n° 17 est identique, mais il a pour objet d'étendre le principe de la parité aux listes présentées par les organisations syndicales aux élections des délégués du personnel alors que l'amendement n° 16 vise les listes présentées par les organisations syndicales aux élections des représentants du personnel au comité d'entreprise.
En adoptant ces amendements, qui sont la suite logique de la parité dans la vie politique, nous traduirions dans les faits notre volonté d'assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Aussi, cette fois-ci, j'espère que la commission ne me demandera pas de les retirer !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Notre collègue a été très convaincant. J'aimerais toutefois entendre la position de Mme le secrétaire d'Etat sur le sujet.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Sur l'ensemble de ces amendements présentés par M. Cornu, le Gouvernement a la même position que celle qu'il a exprimée précédemment. (M. Cornu lève les bras au ciel.)
Le Gouvernement, évidemment, est entièrement d'accord avec votre analyse et vos propositions, monsieur Cornu.
M. Gérard Cornu. C'est déjà cela !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Néanmoins, conformément à ce que souhaitent de très nombreux élus - c'est d'ailleurs ma méthode de travail - je commence toujours par le dialogue social. (M. Cornu s'exclame).
J'ai donc, là encore, saisi les partenaires sociaux de ce sujet, sur lequel je souhaite vraiment progresser.
Je vous indique que, à ce jour, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle et les organisations syndicales et patronales travaillent dans le sens d'une représentativité plus que d'une parité des femmes dans ces diverses instances, ce qui nourrira notre débat.
Le conseil supérieur me remettra son rapport à la fin du mois de novembre prochain et j'espère vraiment être en mesure de formuler, à l'occasion de la prochaine lecture de ce texte, des propositions concrètes. En attendant, je vous demande d'avoir encore un peu de patience et de respecter le dialogue social engagé au sein du conseil supérieur.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Compte tenu de tous les arguments que j'ai entendus, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Madame le secrétaire d'Etat, je comprends que vous vouliez commencer par le dialogue social, mais on peut se poser la question, comme l'ont fait, dans la discussion générale ce matin, un certain nombre d'intervenants, de savoir pourquoi nous légiférons ! Comme Mme le rapporteur l'a excellemment dit : à quoi servons-nous ?
Si vous voulez vraiment respecter le dialogue social, allez jusqu'au bout ! Plutôt que de légiférer, laissons la discussion s'instaurer.
Ce matin, vous avez souhaité l'affirmation d'une volonté politique par le législateur. Les trois amendements que je propose sont précisément la traduction d'une volonté politique.
Ce matin, il fallait légiférer. Cet après-midi, il faut faire place au dialogue social ! Je ne comprends pas ce retournement d'argumentation. J'aimerais que vous vous expliquiez un peu mieux car tout cela manque de cohérence ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, quand le dialogue social est en panne et que les choses n'avancent pas, je prends mes responsabilités et je vous propose d'agir sur le plan législatif. Mais quand le dialogue social permet d'avancer et laisse espérer des propositions concrètes, je dis qu'il faut attendre le rapport final.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Ce débat est intéressant et notre collègue Gérard Cornu a été très convaincant.
La proposition de loi que nous examinons portant sur l'égalité professionnelle, je ne vois pas pourquoi le législateur n'affirmerait pas qu'il est favorable à l'égalité en matière de représentativité. Pourquoi attendre encore ?
En réalité, le Gouvernement ne se soucie guère du dialogue social, qui ne l'intéresse même pas du tout. De nombreux exemples le prouvent !
Puisque nous sommes tous ici favorables à l'égalité des femmes et des hommes en matière de représentativité, je voterai les trois amendements de mon collègue Gérard Cornu.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Notre collègue Gérard Cornu a de la constance - j'appelais à la continuité des actions tout à l'heure ! - car il reprend ici un amendement qu'il a déjà déposé.
Cela part d'une bonne intention.
En revanche, quand il nous dit : « Attention, vous dénoncez le dialogue social mais, quand cela vous arrange, vous le prônez », je répondrai non, car il y a dialogue social et dialogue social.
Quand il s'agit d'un dialogue social entre partenaires sociaux - partenaires patronaux d'un côté et organisations syndicales de l'autre - qui est en panne, alors, oui, nous, nous le regrettons. S'agissant de l'égalité professionnelle, je l'ai dit moi-même aujourd'hui, je regrette même que ce dialogue social n'ait pas eu lieu depuis vingt ans, depuis la loi Roudy.
Mais quand on consulte les organisations syndicales de salariés pour savoir comment elles peuvent effectivement prendre en compte en leur sein telle ou telle question, ce n'est pas tout à fait la même chose. Or c'est ce dialogue-là qui s'établit au sein du conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Ce qui pèche un peu dans ces amendements, c'est que vous faites supporter l'application de la parité aux seules organisations syndicales de salariés. Pas un mot sur les employeurs, qui ne connaissent pas de problème de parité chez eux !
Mme Odette Terrade. Comment allez-vous faire appliquer la parité chez eux ?
Mme Dinah Derycke. Pourtant, les employeurs sont plus souvent des hommes que des femmes, les chiffres qui ont été donnés le prouvent. Au sein des entreprises et même des comités d'entreprise, alors même que des femmes y travaillent - trop peu, beaucoup trop peu, on l'a vu - la direction est souvent représentée par les hommes !
Mon cher collègue, vous posez un vrai problème. J'ai moi-même fait état tout à l'heure de la prégnance de la culture masculine au sein des organisations syndicales, et je sais trop qu'elles ne sont pas totalement à égalité avec les organisations patronales dans l'entreprise.
Si le dialogue social engagé - Mme le secrétaire d'Etat n'a pas parlé de dialogue social entre organisations patronales et organisations syndicales - nous permet d'avancer dans la résolution du problème posé et de parvenir à une plus juste représentation des femmes au sein de l'entreprise, j'y suis favorable.
Les amendements de M. Cornu sont certes intéressants, mais ils sont prématurés. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 8.
Par amendement n° 18, M. Cornu propose d'insérer, après l'article 8 additionnel, un article ainsi rédigé :
« L'article L. 411-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution dans les conditions déterminées par la loi. »
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. L'amendement n° 18 est un peu la conséquence des trois amendements précédents.
Pour la vie politique, on a confié aux partis le soin d'assurer la parité, cet amendement a donc pour objet de confier aux syndicats le rôle de promotion des candidatures féminines aux élections professionnelles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé, rapporteur. Bien que notre collègue ait raison sur le fond, je lui demande de retirer cet amendement, pour des raisons de forme.
En effet, il vise un article de la Constitution qui s'applique plus aux élections politiques qu'aux élections professionnelles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je suis défavorable à cet amendement et je reste, là encore, sur la même argumentation : le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle est saisi et nous devons clore ses travaux à la fin du mois de novembre.
M. le président. L'amendement n° 18 est-il maintenu, monsieur Cornu ?
M. Gérard Cornu. Suite aux explications de Mme le rapporteur, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
Par amendement n° 49, MM. Muzeau, Fischer, Mmes Beaudeau, Bidard-Reydet, Borvo, Luc et Terrade proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 123-4-1 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... Dès lors qu'une apparence de discrimination directe ou indirecte a été établie par le salarié, il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas violation du principe de l'égalité de traitement. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement du groupe communiste républicain et citoyen nous semble très important.
En effet, il s'agit de renverser la charge de la preuve de l'inégalité directe ou indirecte établie par la salariée ou le salarié, et ainsi de la faire supporter par l'employeur et non plus par la victime.
Ce détail n'est pas mineur. Aujourd'hui, il incombe à la salariée qui se sent lésée, du fait de son sexe, ou au salarié, d'apporter la preuve de la discrimination dont il ou elle a fait l'objet. L'expérience montre combien cet exercice est difficile tant les pratiques discriminatoires sont sournoises et masquées. Vous imaginez facilement qu'aucun employeur peu enclin à embaucher une femme ne lui signifiera le motif réel du rejet de sa candidature par écrit !
Il paraît évident que l'employeur dispose de plus d'éléments de preuve pour attester de sa bonne foi et du respect de la loi.
En outre, cet amendement nous permettrait de mettre notre législation en conformité avec la directive européenne n° 97/80 du 15 décembre 1997, relative à la discrimination fondée sur le sexe dans les relations de travail. La France, tout comme les autres Etats membres, devra se conformer à ce texte communautaire avant le 1er janvier 2001 en adoptant une disposition législative au terme de laquelle la charge de la preuve de l'inégalité incombera à la partie défenderesse.
J'ai noté avec beaucoup d'intérêt, madame la secrétaire d'Etat, lors de la discussion qui s'est déroulée à l'Assemblée nationale, combien ce problème de fond vous sensibilisait. Il semble que le Gouvernement ait prévu d'inclure la transposition de la directive 97/80 de façon plus globale dans le projet de loi relatif à la modernisation sociale. Bien entendu, mon groupe s'en réjouit.
Toutefois, sans vouloir pratiquer la surenchère, il me semble que l'insertion de notre amendement dans cette proposition de loi relative à l'égalité professionnelle marquerait positivement notre volonté commune de rendre les dispositions qu'elle contient plus efficaces.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'Assemblée nationale va être prochainement saisie d'une proposition de loi relative aux discriminations.
La portée du présent amendement allant bien au-delà de la seule discrimination fondée sur le sexe, il nous semblerait préférable de l'examiner lorsque le Sénat aura à se prononcer sur ce texte, que le Gouvernement entend inscrire à l'ordre du jour de nos travaux en janvier 2001. Dans l'attente de ce nouveau texte, je demande donc à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je m'inscris dans la même logique que Mme le rapporteur. Une proposition de loi sur le même sujet devant être examinée par l'Assemblée nationale le 12 octobre, il semblerait opportun d'attendre.
M. le président. Madame Terrade, maintenez-vous l'amendement n° 49 ?
Mme Odette Terrade. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 49 est retiré.

Article 9