SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 56. - La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée est ainsi modifiée :
« 1° A l'article 98, les trois premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société, il veille à leur application et exerce les pouvoirs qui lui sont réservés par la présente loi.
« Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du conseil d'administration qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
« A toute époque de l'année, chaque administrateur reçoit toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission et se fait communiquer les documents qu'il estime utiles. Le conseil d'administration opère les vérifications et les contrôles qu'il juge opportuns et se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société.
« Les administrateurs sont responsables envers la société et envers les tiers dans les conditions prévues à l'article 244. » ;
« 2° L'article 113 est ainsi rédigé :
« Art. 113 . - Le président du conseil d'administration représente le conseil d'administration. Il organise et dirige les travaux de celui-ci, dont il rend compte à l'assemblée générale, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 117. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s'assure, en particulier, que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.
« La direction générale de la société est assumée sous sa responsabilité soit par le président du conseil d'administration, soit par le directeur général ; le conseil d'administration choisit entre les deux modalités d'exercice de la direction générale et en informe les actionnaires dans des conditions fixées par les statuts.
« Dans l'hypothèse où le président exerce les fonctions de directeur général, les dispositions de la présente sous-section relative à ce dernier lui sont applicables. »
Par amendement n° 528, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« Le livre II du code de commerce est ainsi modifié : ».
II. - Au deuxième alinéa (1°) de cet article, de remplacer la référence : « 98 » par la référence : « L. 225-35 ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est encore un amendement de codification.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 528, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 239 rectifié est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 42 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le troisième alinéa de l'article 56 :
« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en oeuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social, il règle, par ses délibérations, toute question intéressant la bonne marche de la société. »
Par amendement n° 529, Le Gouvernement propose, au troisième alinéa de l'article 56, de remplacer les mots : « la présente loi » par les mots : « le présent livre ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 239 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons maintenant une série d'amendements qui visent à bien définir le rôle, les fonctions et les responsabilités des organes sociaux au sein de la société anonyme.
Je voudrais rappeler à ce stade que, depuis la loi de juillet 1996, il existe - et cela n'est pas mis en cause, me semble-t-il - deux modèles de sociétés anonymes : d'un côté, la société anonyme dite classique, avec un conseil d'administration, et, de l'autre, la société anonyme dite dualiste, avec un conseil de surveillance et un directoire.
Avec le texte que nous examinons, les sociétés anonymes classiques - celles de la première catégorie - vont pouvoir choisir entre deux modes de gestion : soit le maintien de l'unicité des fonctions de président et de directeur général, soit la dissociation de ces deux fonctions.
Cette souplesse - dès lors qu'il s'agit d'une souplesse - a semblé opportune à la commission des finances, sous quelques réserves cependant et à condition que certains principes soient bien respectés.
Le premier de ces principes est d'éviter toute confusion entre les deux modèles de société, car les responsabilités d'un membre de conseil de surveillance ne sont pas celles d'un administrateur : un membre de conseil de surveillance d'une société anonyme duale a interdiction de s'immiscer dans la gestion de la société ; l'administrateur a un devoir de vigilance - et, éventuellement, d'action - beaucoup plus étendu, dont la contrepartie est un régime de responsabilité différent, puisque sa responsabilité personnelle peut être engagée dans des proportions beaucoup plus vastes que celle du membre d'un simple conseil de surveillance.
Je tenais à rappeler ces éléments pour éviter que l'option, dans la première famille, ne conduise à des confusions juridiques qui seraient susceptibles de se prolonger par une incertitude préjudiciable aux sociétés tout en altérant la visibilité extérieure et internationale de notre droit des sociétés, ce qui serait, bien entendu, source de contentieux multiples.
Tel est l'esprit dans lequel nos commission ont travaillé.
S'y ajoute une deuxième préoccupation, celle de la souplesse et du réalisme. Une possibilité nouvelle va en effet être ouverte aux sociétés anonymes classiques, c'est-à-dire aux sociétés anonymes à conseil d'administration. Il s'agit de s'adapter aux besoins concrets des situations économiques et des hommes, grâce à un dispositif souple et réversible. On peut soit unifier soit dissocier, mais il convient de faire en sorte que la décision soit opportune dans la situation concrète que vit l'entreprise.
Troisième préoccupation - et je m'arrêterai là dans les considérations générales - il est nécessaire, lorsque la dissociation est choisie, que l'équipe dirigeante de l'entreprise puisse travailler de façon harmonieuse et complémentaire.
En d'autres termes, le souci de vos commissions est d'éviter à la société anonyme à conseil d'aministration de subir les affres de la cohabitation. Le président et le directeur général doivent travailler à l'intérieur d'une équipe et se choisir mutuellement, en quelque sorte, avec un partage des tâches bien clair aux yeux et du conseil d'administration et de l'assemblée générale.
L'amendement n° 239 rectifié intervient dans un domaine clé puisqu'il reformule le rôle et les responsabilités du conseil d'administration en tant que collège. Le conseil d'administration a en effet une responsabilité globale et collégiale. Il « détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en oeuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite de l'objet social, il règle, par ses délibérations, toute question intéressant la bonne marché de la société ».
Le texte qui nous est parvenu de l'Assemblée nationale nous semble trop restrictif. On ne peut restreindre la responsabilité du conseil d'administration à définir la stratégie de l'entreprise, car ce n'est plus un conseil d'administration, cela devient un conseil de surveillance.
Le conseil d'administration, au-delà des responsabilités stratégiques globales, désigne les mandataires sociaux chargés de gérer l'entreprise dans le cadre des orientations retenues, mais sa confiance n'est pas aveugle : il a le devoir de contrôler la gestion de la direction et de veiller à la qualité de l'information que celle-ci fournira, par son intermédiaire, aux actionnaires et au marché, notamment dans les comptes ou à l'occasion des opérations les plus significatives qui marqueront la vie de la société.
Il nous semble donc indispensable que soit maintenue dans la loi une formulation claire, formulation qui a d'ailleurs toujours existé, depuis 1867 comme depuis 1966, dans nos textes fondateurs du droit des sociétés.
J'aurais souhaité, en particulier, que l'on conserve dans sa rédaction actuelle la disposition selon laquelle le conseil d'administration « règle, par ses délibérations, toute question intéressant la bonne marche de la société ». Au demeurant, messieurs les maires qui siégez nombreux dans ces travées, cette formulation, vous la connaissez : le conseil municipal ne règle-t-il pas, par ses délibérations, les affaires de la commune ? Il y a là une image, une symétrie que nos prédécesseurs ont toujours voulu lorsqu'ils légiféraient et qu'il serait dommageable de voir disparaître de notre droit.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques considérations que je souhaitais développer au nom de la commission des finances sur cet amendement n° 239 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 42.
M. Jean-Jacques Hyest, rappporteur pour avis. Je n'ai rien à ajouter à l'exposé de M. le rapporteur !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 239 rectifié et 42, et pour défendre l'amendement n° 529.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 239 rectifié et 42, parce que leur rédaction, combinée à celle qui est proposée dans les amendements que nous allons examiner dans un instant s'agissant du rôle du conseil d'administration, risque d'affaiblir le rôle dudit conseil : supprimer la précision selon laquelle le conseil d'administration se saisit de toute question pourrait amener à penser qu'il ne gère pas la société.
Le Gouvernement ne souhaite pas transformer les conseils d'administration en simples conseils de surveillance. C'est la raison pour laquelle il est défavorable à ces amendements.
Quant à l'amendement n° 529, c'est un amendement de codification qui a le même caractère que les précédents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 529 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement de codification deviendra sans objet si nous adoptons une rédaction différente s'agissant des attributions du conseil d'administration.
Cela étant, monsieur le président, j'avoue que je suis très surpris de ce que je viens d'entendre sur nos deux amendements précédents, car si nos considérants se rejoignent, les conséquences du texte que nous propose le Gouvernement sont tout à fait divergentes.
Dans ces conditions, si Mme le garde des sceaux l'acceptait, peut-être pourrions-nous suspendre la séance quelques instants pour voir si nous serions susceptibles d'aboutir à une rectification de nos amendements qui réponde à ce qui vient d'être dit en commun, mais dont nous n'avons pas tiré les mêmes conséquences quant à la rédaction du texte.
Notre souhait est effectivement, comme l'a dit Mme le garde des sceaux, que l'on ne puisse pas confondre conseil d'administration et conseil de surveillance. Par conséquent, nous sommes prêts, si le Gouvernement est d'accord, à consacrer quelques instants à la recherche d'une rédaction qui respecte cet esprit apparemment commun.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, je demande la réserve de l'article 56 jusqu'après la discussion des articles appelés en discussion par priorité. Cela laissera le temps à la commission des finances de réfléchir sur la rédaction proposée par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission y est favorable, étant entendu qu'une réflexion utile est une réflexion conjointe et que, si nous sommes tout à fait prêts, au vu d'objectifs qui, apparemment, sont communs, à reprendre certains éléments de nos rédactions, cela ne peut avoir d'utilité que si nos services sont en mesure de travailler en commun dans les heures à venir.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il est parfaitement possible que l'un de mes collaborateurs travaille avec l'un des collaborateurs de la commission.
M. le président. En conséquence, l'article 56 est réservé.

Article 57 (priorité)