SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 75. - I. - La Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays. Ce groupe remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et les collectivités locales et peut exercer des activités concurrentielles.
« Dans ce cadre, la Caisse des dépôts et consignations est plus particulièrement chargée de la gestion des dépôts réglementés et des consignations, de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite. Elle contribue également au développement économique local et national, particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l'exclusion bancaire et financière, de la création d'entreprise et du développement durable.
« II. - Les fonctionnaires de l'Etat en activité dans la "Direction des activités bancaires et financières" de la Caisse des dépôts et consignations le jour de la promulgation de la présente loi sont mis, à compter de cette même date et pour une période de quinze ans, à la disposition de la société CDC Finance ou des sociétés dont elle détient la majorité du capital.
« Ces sociétés remboursent à la Caisse des dépôts et consignations les charges correspondantes.
« III. - Les fonctionnaires mis à la disposition de la société CDC Finance ou des sociétés dont elle détient la majorité du capital, en application du II, peuvent à tout moment et sans attendre la proposition prévue au IV, solliciter leur réaffectation dans les services de la Caisse des dépôts et consignations.
« IV. - Avant le terme de la période prévue au II, chacune des sociétés concernées propose un contrat de travail à tous les fonctionnaires mis à sa disposition. En cas d'acceptation, le fonctionnaire est placé en position de détachement, de hors cadres ou de disponibilité dans les conditions prévues par le chapitre V de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, sauf dispositions contraires résultant du présent article.
« Au cours de chaque période de détachement ou de mise en position hors cadres, le fonctionnaire placé dans l'une de ces deux positions en application de l'alinéa précédent peut à tout moment solliciter sa réintégration dans les services de la Caisse des dépôts et consignations. Jusqu'à ce qu'intervienne sa réintégration, il demeure rémunéré par la société avec laquelle il a signé un contrat de travail. La réintégration intervient de droit au plus tard à l'expiration de la période de détachement ou de mise en position hors cadres.
« V. - Les fonctionnaires qui n'ont pas été réaffectés sur leur demande en application du III ou qui ont refusé la proposition prévue au IV sont réaffectés dans les services de la Caisse des dépôts et consignations au terme de la période prévue au II.
« VI. - L'article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« La Caisse des dépôts et consignations représentée par son directeur général est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle au sens du II de l'article L. 439-1 du code du travail.
« Ces accords, approuvés par arrêté du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, portent d'une part sur la désignation et les compétences de délégués syndicaux communs pouvant intervenir auprès des personnes morales visées à l'alinéa précédent et bénéficiant des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail. Ils portent d'autre part sur la création d'un comité mixte d'information et de concertation doté de moyens autonomes de fonctionnement, et notamment d'un budget géré sous sa responsabilité dans le cadre de son objet. La création de ce comité n'est pas exclusive de la mise en place, dans les formes prévues ci-dessus, d'une ou plusieurs autres instances dont les compétences et les moyens de fonctionnement seront déterminés conventionnellement.
« Les délégués syndicaux communs et les membres des instances visées aux alinéas précédents bénéficient de la protection prévue par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, des articles L. 412-18 et suivants du code du travail. »
Par amendement n° 474, Mme Beaudeau, M. Loridant, M. Foucaud, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le premier alinéa du II de cet article, de supprimer les mots : « et pour une période de quinze ans »
II. - En conséquence :
a) Dans le III de cet article, de supprimer les mots : « et sans attendre la proposition prévue au IV »,
b) De supprimer le IV de cet article ;
c) De rédiger ainsi le V de cet article.
« V. - Les fonctionnaires qui n'ont pas été réaffectés sur leur demande, en application du III, sont réaffectés dans les services de la Caisse des dépôts et consignations ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement fait suite au débat qui a animé l'Assemblée nationale et qui portait sur la transformation juridique de la direction des affaires bancaires et financières de la Caisse des dépôts et consignations en une holding dénommée « CDC Finance ».
Cette transformation s'accompagne, dans le texte actuel du projet de loi, de la mise en place d'un dispositif d'extinction progressive des emplois occupés par les agents de la Caisse ayant statut de fonctionnaire, une longue période d'extinction étant programmée sur quinze ans, avant leur complète disparition.
Nous retrouvons là un scénario assez proche de celui qu'ont connu d'autres entreprises publiques comme le GIAT, mais aussi, dans la durée, La Poste ou plus encore France Télécom.
Cette situation n'est pas sans nous interpeller au moment où le débat parlementaire, notamment dans le cadre de l'examen de la loi sur l'épargne et la sécurité financière, a affirmé la nécessité de constituer un pôle financier et donné en ce sens un rôle crucial, sinon central, à la Caisse des dépôts et consignations.
Il s'agit clairement d'un grand pas vers la privatisation des activités les plus rentables de la CDC, ce qui signifie le transfert de près de 40 % de ses fonds propres, soit 25 à 30 milliards de francs, vers cette nouvelle banque d'affaires de statut privé que constituera CDC Finance.
Ce chiffre est à comparer aux pauvres 1,5 milliard de francs mobilisés pour les nouvelles missions d'intérêt général, telles que l'aide au PME ou la rénovation urbaine.
Cette évolution, totalement contradictoire avec l'intérêt national, renforce nos inquiétudes quant à la constitution et au rôle du « pôle financier public » que le Gouvernement ne cesse de promettre.
En 1999, au moment de la discussion à l'Assemblée nationale du texte relatif à l'épargne et à la sécurité financière, le ministre de l'économie et des finances de l'époque avait pris des engagements, et l'exposé des motifs de la loi consacrait la création de ce pôle financier public structuré autour de la Caisse des dépôts et rassemblant la CNP, La Poste, la Banque de développement des PME et les caisses d'épargne, pôle visant à financer la formation, la lutte contre l'exclusion, au service de l'emploi et de la croissance.
M. Philippe Marini, rapporteur. Pures promesses verbales !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Dans son exposé sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, M. Fabius a présenté la création de CDC Finance comme la consécration de la constitution du pôle financier public. Or les activités qui lui seront dévolues seront à l'opposé des objectifs que je viens de rappeler.
Cela me semble très significatif d'un double discours : plus on nous parle du pôle financier public, plus la marche forcée vers la privatisation et le démantèlement des activités de service public des institutions financières nationales concernées s'accélère. J'en donnerai deux exemples : à La Poste, depuis le 1er janvier 2000, les 180 milliards de francs de dépôts à vue sont non plus réservés au Trésor public, mais gérés par une filiale et dirigés vers les marchés financiers ; aux chèques postaux et à la Caisse nationale d'épargne, ce sont 2 000 emplois de fonctionnaires qui ont été supprimés depuis 1998.
Il est donc relativement surprenant que les dispositions de l'article 75 organisent en fait la sortie d'une part importante de la Caisse des dépôts et consignations du secteur public puisque, quand bien même seraient réaffirmées un certain nombre de missions d'intérêt général de l'établissement financier, les fonctionnaires de l'une de ses directions stratégiques seraient progressivement remplacés par des salariés de droit privé.
Si les compétences professionnelles de ceux-ci sont loin d'être remises en cause, il n'en demeure pas moins que leur statut modifié ne sera pas la meilleure garantie pour assurer les missions publiques de CDC Finance !
Dans ces conditions, notre amendement vise à pérenniser la cohabitation entre agents issus de la fonction publique et salariés de droit privé au sein des effectifs de CDC Finance, en ne mettant pas les premiers dans l'obligation de choisir coûte que coûte entre les deux statuts à l'issue d'une certaine période, mais en faisant de l'existence de la société holding une possibilité de carrière offerte sans obligation d'abandon de statut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est attachée à la constitution de CDC Finance, qui est un vrai progrès d'organisation et qui va permettre au groupe de la Caisse des dépôts de rationaliser ses structures. Il ne faut donc pas compliquer inutilement les choses.
S'agissant du nombre d'emplois de fonctionnaires de l'Etat, vous allez pouvoir vous réjouir, madame Beaudeau, en examinant le prochain projet de loi de finances, qui prévoit une création brute de 20 000 emplois de fonctionnaires, soit une création nette de 11 000 emplois. Par conséquent, il n'y a donc pas lieu de vous faire trop de soucis à ce sujet ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je comprends l'inquiétude de Mme Beaudeau, mais CDC Finance est et restera majoritairement public puisque la participation significative annoncée est celle des caisses d'épargne.
CDC Finance est un atout pour le pôle financier public que vous réclamez puisqu'on lui donne ainsi des armes nouvelles.
Suivant l'engagement pris par le ministre des finances, de l'économie et de l'industrie que vous avez cité, nous renforçons le pôle financier public en lui donnant de nouvelles missions d'intérêt général : le dépôt des notaires ou encore le prêt à la création d'entreprise, qui a été mis en place voilà maintenant dix jours. J'évoquerai également le renforcement des liens entre la CDC, la CNP et la Caisse d'épargne, ce qui nous permettra de disposer d'un pôle financier public assis sur des bases solides.
En ce qui concerne les fonctionnaires, un tel dispositif de mise à disposition, allant au-delà de l'accord tel qu'il existe aujourd'hui, est dérogatoire au statut de la fonction publique et il ne saurait être envisagé que pour une durée limitée.
Concernant le statut de la fonction publique, si nous vous suivions aujourd'hui, nous serions en contradiction avec ce que nous défendons ensemble.
Pour ces deux raisons, je souhaite le retrait de cet amendement.
CDC Finance constitue un outil puissant, placé au coeur d'un dispositif dont nous pouvons être fiers : on parle beaucoup d'exception française pour les services publics, mais je pense que notre pôle financier public est le seul de cette taille en Europe.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 474, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 75.

(L'article 75 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 75