SEANCE DU 19 OCTOBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concerne la situation financière des 34 000 débitants de tabac buralistes.
Monsieur le ministre, ces 34 000 petites entreprises, qui constituent un lien social évident dans nos villages et dans nos quartiers, sont pour vous une armée de supplétifs puisque, bon an mal an, en vendant produits de tabac, vignettes, timbres fiscaux, etc., ils encaissent en fait une centaine de milliards de francs de recettes fiscales. Or leurs rémunérations n'ont pas bougé depuis vingt-trois ans, depuis le moment où, avec le secours éclairé de celui qui est depuis devenu le président du Sénat, nous avons revu les barèmes et les remises applicables à l'ensemble de ces débitants.
Je signale que 2 500 débits de tabac ont fermé leurs portes en cinq ans, et que l'érosion continue au rythme de 500 par an.
L'annonce de la suppression de la vignette, qu'ils ont apprise, comme nous, par la télévision ou par leurs journaux, leur a causé une vive émotion puisque la vente de la vignette représentait pour eux un treizième mois de rémunération.
Mes questions sont simples : envisagez-vous d'ouvrir une négociation avec cette catégorie de petites entreprises tout à fait digne d'intérêt ? Envisagez-vous de revoir l'ensemble des mécanismes qui les lient à la direction générale des impôts ? Ou bien allez-vous laisser se constituer un nouveau facteur de difficultés qui risque, à terme, de peser sur l'ensemble de vos recettes fiscales ?
Ayant eu, comme je viens de le rappeler, la responsabilité de traiter ces problèmes de ristournes et de remises voilà vingt-trois ans, je crois qu'il est temps de s'en occuper sérieusement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Weber applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Fourcade, je suis d'autant plus heureux de répondre à cette question que les bases d'un accord avec les buralistes ont été trouvées ce matin, ses modalités étant en voie de finalisation. (Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Voilà une question qui tombe à pic !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Fourcade savait qu'en posant cette question il ferait un tabac ! (Rires.)
Dès l'annonce de la suppression de la vignette, j'ai souhaité que soit mis en oeuvre un plan d'accompagnement en faveur des débitants de tabac. Les représentants de la profession ont été reçus à plusieurs reprises par Mme Parly et par nos collaborateurs. Les discussions se sont déroulées dans un excellent climat, en particulier avec M. Michel Arnaud, président de la confédération.
Il ne s'agissait d'ailleurs pas uniquement d'évoquer la suppression de la vignette. Le Gouvernement voulait en effet engager avec la profession un dialogue global et constructif, avec les objectifs suivants : conforter un secteur économique important dans le commerce de notre pays ; réaffirmer notre attachement au réseau de proximité des buralistes, très apprécié des Français, notamment dans les zones rurales ; leur redire le rôle indispensable qu'il joue dans la vente des tabacs, dont ils ont le monopole. Celui-ci constitue un rempart contre les trafics de toutes sortes, sur les prix, les produits, les origines, qui seraient néfastes en termes à la fois d'ordre public et de santé.
La suppression de la vignette représente un manque à gagner pour ces commerçants. C'est pourquoi nous nous sommes attachés à définir, en concertation avec la profession, une mesure qui sera globale et qui profitera à l'ensemble des 34 000 buralistes sous forme d'une augmentation de leur rémunération. J'ajoute que, comme il est normal, cette mesure sera plus favorable aux plus petits d'entre eux.
J'ai souhaité que cette négociation permette de mettre tous les problèmes sur la table.
Un dialogue s'engagera rapidement entre les buralistes et leurs fournisseurs pour examiner les difficultés liées à l'approvisionnement. Ces travaux contribueront à améliorer la fluidité de la gestion de leurs stocks. Un comité de suivi sera mis en place pour superviser tout cela.
Ainsi, monsieur Fourcade, nous confirmons la nécessité de supprimer la vignette, mais nous réalisons cette suppression dans des conditions telles que les 34 000 buralistes n'auront pas à en souffrir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à l'orateur suivant, je voudrais saluer, en votre nom à tous, la présence au banc du Gouvernement, pour la première fois dans ses nouvelles fonctions de ministre de l'emploi et de la solidarité, de Mme Elisabeth Guigou. (Applaudissements prolongés sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Lorsque vous étiez place Vendôme, madame, vous avez souvent eu l'occasion de venir débattre avec nous sur des sujets importants.
Au-delà de nos divergences, bien naturelles en démocratie, nous avons apprécié votre sens du dialogue, singulièrement lors de l'examen du projet de loi sur la présomption d'innocence.
Madame le ministre, ces qualités vous seront précieuses dans vos nouvelles fonctions.
Laissez-moi vous remercier des propos laudatifs - mais mérités... (Sourires.) - qui figurent dans votre ouvrage Une Femme au coeur de l'Etat et qui s'adressent au Sénat ; nous y avons été sensibles. Comme quoi on peut changer d'avis ! Je vous remercie d'avoir évolué. (Nouveaux sourires.)
Au nom du Sénat, je vous réitère mes sincères félicitations pour votre nomination et tous mes voeux de succès. (Applaudissements.)
Je voudrais aussi saluer la première venue au Sénat de M. François Patriat, qui vient d'être appelé aux fonctions de secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
Nous ne doutons pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez trouver avec le Sénat les voies d'un dialogue constructif et républicain.
Je me permets, sachant traduire les sentiments de beaucoup de membres de notre assemblée, de vous demander, en confidence, de conserver un oeil vigilant sur un problème auquel nous sommes sensibles : la chasse. (Nouveaux sourires.)
Au nom du Sénat, je vous réitère mes souhaits de cordiale bienvenue. (Applaudissements.)

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