SEANCE DU 24 OCTOBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 894, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre des transports, vous n'êtes pas sans savoir que la compagnie Air France a décidé de supprimer, sur la ligne Paris-Saint-Geoirs, c'est-à-dire Paris-Grenoble, une rotation quotidienne.
Parallèlement à cette baisse du nombre de rotations, la capacité des avions a été réduite : des Fokker remplaceront des Airbus A 320 ; ils assureront une navette en continu, ce qui ne va pas sans poser un premier problème en cas de panne ou d'avarie.
La compagnie justifie cette décision par la baisse de fréquentation, notamment après une « période test » de six mois durant laquelle le nombre de passagers a atteint 84 000, au lieu des 102 000 exigés par elle. Or, on sait parfaitement que plus l'avion est petit, moins il suscite de réservations.
Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que l'inquiétude, localement, est vive et que cette suppression révèle bien des incohérences.
D'abord, en effet, un aéroport à Saint-Geoirs répond à des besoins réels : premièrement, ceux des chercheurs de la région, Grenoble étant le deuxième pôle de la recherche française après Paris ; deuxièmement, ceux des industriels, dont l'activité est largement tournée vers l'exportation - Grenoble et son environnement immédiat comptent plus de 1 000 industriels exportateurs ; troisièmement, ceux des touristes, notamment parce que les charters « ski » ne peuvent pas tous atterrir à Lyon ; enfin, ceux des artisans qui travaillent en relation avec l'aéroport - taxis, restaurateurs, etc.
Ensuite, la suppression de cette rotation est décidée au moment même où s'achèvent différents travaux qui doivent améliorer le service de l'aéroport. Les enjeux financiers sont importants et impliquent de nombreux acteurs : l'Etat, les collectivités locales, les milieux économiques.
Il s'agit, monsieur le ministre, de l'agrandissement de l'aéroport, pour un montant de 45 millions de francs, financé par la chambre de commerce et d'industrie et le conseil général, de la construction d'une autoroute d'accès direct de Grenoble à l'aéroport, financée pour 300 millions de francs par le conseil général - tout au moins pour une tranche et demie ; la deuxième tranche est décidée - et de l'installation d'un nouveau système de contrôle des bagages dans les soutes, soit 12 millions de francs à la charge de l'Etat.
Au total, ce sont donc 357 millions de francs qui sont consacrés à la modernisation de l'aéroport de Saint-Geoirs, qui emploie aujourd'hui, directement ou indirectement, 250 personnes.
Vous conviendrez que, dans ce contexte, la décision d'Air France est pour le moins déroutante ! D'autant que la compagnie a récemment décidé de renforcer son pôle lyonnais, comme en a fait état le journal local, Le Dauphiné libéré, du 20 octobre dernier, il y a quatre jours.
Ma question sera donc très claire : quel avenir réservez-vous, monsieur le ministre, à l'aéroport de Grenoble-Saint-Geoirs ? Devra-t-il se cantonner à un rôle d'appoint en n'accueillant que les avions détournés de Lyon pour cause de brouillard ? Quel avenir promettez-vous aux personnes travaillant sur le site ?
Ne croyez-vous pas que supprimer une rotation, c'est entrer dans un cercle vicieux qui risque de créer un mouvement de désaffection à l'égard de l'avion au profit d'autres moyens de transport ?
Enfin, pourquoi y aurait-il deux poids et deux mesures lorsqu'il s'agit du train et de l'avion ? Il ne me semble pas, en effet, que l'on supprime systématiquement toutes les lignes de chemin de fer à partir du moment où elles sont peut-être moins rentables mais où elles continuent de répondre à des besoins et participent de l'aménagement du territoire.
A cet égard, nous devons concevoir l'aménagement du territoire sur le long terme, en recherchant des solutions équilibrées et complémentaires d'un point de vue spatial, et qui ne privilégient pas un mode de transport par rapport à un autre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vais répondre très nettement à votre question, dont vous avez élargi le sujet.
D'abord, je comprends votre attachement aux liaisons aériennes assurées par Air France entre Grenoble-Saint-Geoirs et Paris. Cependant, la compagnie publique, en plein développement, évolue dans un cadre totalement concurrentiel. Je vous rappelle en effet, monsieur le sénateur, qu'en vertu d'un règlement européen le transport aérien est totalement libéralisé en Europe depuis le 1er avril 1997, et je crois savoir que votre groupe est plutôt favorable à la libéralisation.
Dans ce contexte, il appartient donc à Air France, entreprise dotée de l'autonomie de gestion, d'effectuer ses choix. Ne me demandez pas de réglementer et d'administrer la compagnie ; je ne le ferai pas !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en viens plus précisément à votre question.
Comme vous le savez, la liaison aérienne Orly-Grenoble est déficitaire en raison de la forte concurrence du TGV. La compagnie avait d'ailleurs envisagé, en 1999, de supprimer le premier vol aller et le dernier vol retour quotidiens reliant Grenoble à Paris. A la demande d'élus locaux, Air France y a cependant renoncé et mis en place pendant le premier trimestre de l'année 2000 des mesures commerciales volontaristes en direction des familles et des entreprises du département de la Drôme, de l'Isère et de l'Ardèche afin de redynamiser cette liaison.
Malheureusement, d'après la direction d'Air France, les résultats commerciaux enregistrés depuis le mois d'avril montrent que la clientèle ne répond pas aux attentes de la compagnie. La fréquentation a même enregistré une nouvelle baisse - de 16 % - par rapport à la saison 1999 : moins de la moitié des sièges ont été occupés pendant cet été.
Air France a donc été contrainte de procéder à une réduction de son offre afin de ne pas voir se poursuivre la dégradation de la situation économique de cette ligne alors qu'il existe de nombreux besoins à couvrir sur d'autres liaisons. Dans le souci de ne pas pénaliser la clientèle des entreprises grenobloises, le premier vol du matin et le dernier vol du soir ont été maintenus.
L'utilisation des appareils de type Fokker de cent places a de plus été généralisée, et je puis vous assurer qu'ils présentent, selon la direction générale de l'aviation civile, des critères de sécurité et de fiabilité tout à fait comparables aux autres types d'appareils.
Je vous précise enfin que ces aménagements de programme, qui ont pour objectif de consolider la ligne aérienne entre Grenoble et Orly, n'ont aucun impact sur la possibilité d'utiliser la plate-forme de Grenoble-Saint-Geoirs comme plate-forme de déroutement en cas de mauvaises conditions climatiques sur celle de Lyon-Saint-Exupéry.
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, les précisions que vous venez de m'apporter ne m'enchantent guère !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je le comprends.
M. Jean Boyer. Nous avons créé autour de l'aéroport de Saint-Geoirs une zone industrielle qui emploie aujourd'hui plus de 250 personnes. En outre, le pays de Bièvre-Valloire, que nous avons créé voilà trois ou quatre ans, a acquis récemment 150 hectares sur lesquels nous avons installé une seconde zone industrielle. En termes clairs, personne ne viendra s'y installer si les liaisons aériennes Paris-Grenoble vont decrescendo.
C'est cela, monsieur le ministre, qui nous inquiète. La dégradation est certaine et celle-ci risque d'aboutir dans quelques années à la fermeture de l'aéroport de Grenoble.
Cet aéroport n'a certes plus la rentabilité qui était encore la sienne voilà quelques années. J'ajoute qu'il y a vingt-cinq ou trente ans, lorsqu'il a été créé, sous la responsabilité à l'époque de M. Pisani, j'avais dit à ce dernier qu'au lieu de construire l'aéroport grandiose de Saint-Exupéry à Lyon, il aurait peut-être été préférable d'étudier la possibilité d'une ligne de chemin de fer directe entre Saint-Exupéry et Saint-Geoirs, soit au total un trajet de vingt à vingt-cinq minutes.
Au moment où l'on essaie de prendre la mesure des difficultés en doublant la piste de Saint-Exupéry, alors que tous les riverains de cette zone y sont hostiles, à sept minutes exactement, d'aérodrome à aérodrome, il existe une piste de 2,6 kilomètres que l'on n'utilise pas.
Monsieur le ministre, c'est cela, avec tous les investissements dont j'ai rappelé la ventilation, qui m'inquiète et qui inquiète l'ensemble de la population que je représente depuis quarante ans.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. A titre exceptionnel, je vous la donne, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. D'une part, le Gouvernement ne s'inscrit pas dans la perspective de la fermeture de l'aéroport de Grenoble-Saint-Geoirs. D'autre part, la décision d'Air France, pour les raisons que j'ai indiquées, de réduire le nombre de vols Paris-Grenoble n'est pas irréversible : si des conditions nouvelles sont réunies, cette même compagnie, pour des raisons inverse, pourra peut-être envisager des liaisons plus nombreuses.
M. le président. Il n'y a pas que les avions qui prennent du retard. Nous aussi, nous en prenons. (Sourires.) Sauf cas exceptionnel, je souhaite que chacun respecte le temps de parole qui lui est imparti.

INDEMNISATION DES ANCIENS
INCORPORÉS DE FORCE DANS LE RAD