SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 143, MM. Fischer, Loridant, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : "avantages en argent", sont insérés les mots : "les versements et abondements des plans d'épargne constitués en vertu des dispositions du titre IV du livre IV du code du travail,".
« II. - Les dispositions de l'article L. 441-4 du code du travail sont abrogées.
« III. - Le second alinéa du I de l'article L. 442-8 du même code est ainsi rédigé :
« Elles ne sont pas soumises à la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement, qui consiste à introduire un article additionnel avant l'article 1er, vise à prendre en compte les sommes versées dans le cadre de l'épargne salariale au titre du financement de la protection sociale.
Comme nous l'avons affirmé dans notre intervention générale, nous sommes attachés à ce que l'épargne salariale ne se transforme pas en un élément de rémunération qui se substituerait au salaire.
Il s'agit, pour nous, de mettre en avant la nécessité de remettre en cause l'exonération de prélèvements sociaux accordée, dans le cadre de l'épargne salariale, pour les dispositifs existants déjà et ceux à venir.
A ce titre, l'exemple des salariés de chez Dassault nous paraît très révélateur des déconvenues liées aux accords de participation.
Dans un premier temps, une majorité de cadres et d'ingénieurs réagissent très positivement à la participation.
En effet, ces catégories y voient deux avantages importants.
En premier lieu, la participation n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu. Ce point est très sensible pour des cadres imposés à des taux variant entre 25 % et 50 % suivant les foyers fiscaux.
En second lieu, la participation n'est soumise qu'à la cotisation de 10 % du RDS et de la CSG.
Le problème, c'est qu'au moment de la retraite, la non-cotisation à la caisse vieillesse de la sécurité sociale, ainsi qu'à la retraite complémentaire, dans le cadre de la participation, se traduit naturellement par une baisse substantielle du montant de la retraite perçue.
Finalement, le cadeau fiscal durant l'activité se révèle, selon nous, empoisonné lors de la retraite.
De plus, l'article L. 441-4 du code du travail dispose que les sommes versées aux salariés dans le cadre de l'intéressement ne sont pas considérées comme des éléments de salaire pour l'application de la législation du travail et que, passé un délai d'un an suivant la signature d'un accord mettant en place un dispositif d'intéressement au sein d'une entreprise, le principe de non-substitution des sommes épargnées au titre de l'intéressement au salaire ne s'applique plus.
Il s'agit donc de confirmer le choix que nous avons fait au paragraphe I.
Ce point est pour nous très important car on s'aperçoit que, dans les entreprises ayant mis en place des dispositifs d'épargne salariale, les salariés bénéficient certes d'un complément de salaire, mais lorsqu'ils prennent leur retraite - nous l'avons montré avec l'exemple de Dassault - leur pension est fortement amputée puisque les sommes épargnées ne sont pas soumises à cotisation.
C'est pourquoi nous réaffirmons notre attachement à ce que l'épargne salariale n'échappe pas au champ du financement de la protection sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur. Cet amendement vise à soumettre à cotisations sociales l'ensemble des sommes versées, qu'il s'agisse de celles qui sont versées par les salariés ou des abondements des employeurs, dans le cadre d'un dispositif d'épargne salariale, c'est-à-dire les sommes de l'intéressement de la participation mais aussi celles qui résultent de l'effort personnel d'épargne, qu'elles soient placées dans un plan d'épargne d'entreprise ou dans un plan partenarial d'épargne salariale volontaire.
De toute évidence, les rédacteurs de cet amendement expriment leur refus de tout mécanisme d'épargne salariale puisque cela revient à supprimer tout avantage en sa faveur. Mais peut-être visent-ils encore l'épargne salariale et la participation au travers du prisme usagé d'une contradiction profonde entre le capital et le travail.
Par ailleurs, soumettre ces versements à cotisations sociales revient à les considérer comme un salaire alors que, d'une part, il s'agit d'une épargne volontaire, donc déjà taxée, des salariés et, d'autre part, d'un effort de l'employeur qui se situe en dehors des rapports salariaux. Considérer le contraire va à l'encontre du sacro-saint principe de non-substitution entre le salaire et la participation. Avec un amendement comme celui-ci, les signataires accréditent l'idée dangereuse de la substitution. La commission des finances y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Monsieur Fischer, le Gouvernement ne peut vous suivre dans votre démarche, parce que vous souhaitez assimiler les abondements à des salaires, donc les soumettre à cotisations, ce qui serait parfaitement contre-productif alors que l'objet de ce texte est justement d'accroître l'épargne.
Les abondements des employeurs n'ont pas la nature des salaires ; ils sont liés à une épargne des salariés et ils sont limités par un plafond annuel. De plus, le projet de loi prévoit à l'article 8 des dispositions pour interdire la substitution des abondements aux salaires, ce qui répond à la question que vous avez évoquée au sujet d'une entreprise nationale que tout le monde connaît bien.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'adoption de cet amendement, qui remet en cause le régime social actuel des abondements des employeurs et qui serait, je le répète, parfaitement contre-productif par rapport au projet de développement de l'épargne salariale.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 143, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er