SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° 89 rectifié, MM. Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 17, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, le mot : "deuxième" est remplacé par le mot : "premier".
« II. - a) Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due concurrence par le relèvement à 15 % du taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale.
« b) En conséquence, dans le I de l'article L. 136-8 du même code, les références : "L. 136-6, L. 136-7" sont supprimées. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cette proposition, notre groupe la soumet à la Haute Assemblée à chaque occasion, et cela au moins depuis que je siège dans cet hémicycle.
Nous sommes, certes, conscients de ses limites, mais, sachant que Mme la ministre est attachée à la mise en oeuvre d'une politique familiale fondée à la fois sur l'universalité et sur la recherche d'une plus grande justice, nous ne désespérons pas de la convaincre du bien-fondé du versement des allocations familiales dès le premier enfant.
Ne l'oublions pas, le premier enfant arrive parfois « accidentellement ». Souvent, en tout cas, il arrive chez de très jeunes couples, qui débutent dans la vie professionnelle. Nous le constatons dans les grands ensembles, il n'est pas rare que ce premier enfant naisse dans une famille en situation de précarité. Bref, je ne veux pas faire de misérabilisme, mais bon nombre de familles ont leur premier enfant alors qu'elles connaissent de sérieuses difficultés financières.
J'ajoute que le nombre de familles monoparentales ne cesse de croître, ce qui appelle des mesures spécifiques.
Le versement des allocations familiales dès le premier enfant serait un moyen efficace de contribuer à l'augmentation du pouvoir d'achat de nombreux ménages, augmentation qui se traduirait immédiatement, comme on l'a toujours observé avec les prestations familiales, par une consommation accrue. Cette mesure serait donc aussi un facteur de développement économique.
Nous souhaitons lancer la discussion et nous pensons que notre proposition rencontrera un écho lors de la prochaine conférence de la famille.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. M. Fischer a convaincu la commission. (Sourires.) Je crois qu'il veut soutenir la politique familiale ambitieuse que vous nous avez annoncée tout à l'heure, madame le ministre. Je vous suggère donc, pour éviter toute discussion subalterne, de lever le gage. En tout cas, monsieur le président, nous souhaitons entendre l'avis du Gouvernement avant de nous prononcer.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je vous retournerai le trait : je serais fort surprise que vous acceptiez de vous engager dans une taxation du capital. Mais le Sénat a déjà eu de telles audaces ... Peut-être ne sommes-nous pas à l'abri d'une nouvelle surprise ! (Sourires.)
Monsieur Fischer, si nous pouvions consacrer 14 milliards de francs de plus à la politique familiale, il serait bien préférable d'en faire profiter les familles qui en ont le plus besoin.
Je sais que vous partagez nos valeurs de solidarité et de justice sociale. Je comprends votre préoccupation, mais je vous demande, au nom de cette justice sociale, de retirer votre amendement.
M. Jean Chérioux. Ce serait dommage !
M. Alain Vasselle. Allez, monsieur Fischer, un petit effort !
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je suis désolé que le Gouvernement n'ait pas levé le gage. Dans ces conditions, je demande un vote par division. Je suggère à la majorité sénatoriale de voter le paragraphe I et de rejeter le paragraphe II.
M. le président. Je suis donc saisi d'une demande de vote par division...
M. Guy Fischer. Je retire l'amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié est retiré.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ce n'était qu'un roulement de tambour !
M. Jean Chérioux. Nous allions voter son amendement et il le retire !
M. Guy Fischer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Ecoutez, mes chers collègues, nous faisons de la politique !
M. Jean Chérioux. On s'en doutait un peu !
M. Guy Fischer. On en a entendu d'autres, dans ce débat !
J'ai bien écouté Mme la ministre. Je ne peux que répéter ce que j'ai dit tout à l'heure : parmi les familles qui voient naître leur premier enfant ou qui n'ont qu'un enfant, il y a beaucoup de familles modestes. Et puis, il y a les familles monoparentales, pour lesquelles sont prévues des prestations particulières.
Je pense que cela mérite qu'on y réfléchisse. Cela étant, dans un souci de responsabilité, j'ai jugé préférable de retirer mon amendement.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Il ne veut pas que nous le votions !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il faudra réessayer l'année prochaine, monsieur Fischer !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je propose, mes chers collègues, que sur les 16 milliards de francs qui doivent aller au FOREC, 14 milliards soient prélevés pour financer les allocations au premier enfant ! Le Gouvernement n'aura qu'à prendre ses dispositions pour financer les 35 heures sur le budget de la nation !
Nous aurons ainsi engagé, ce soir, une politique familiale grande et ambitieuse, incluant des allocations familiales pour le premier enfant.
Vous pourriez d'ailleurs appuyer cette proposition, monsieur Fischer. Mais vous avez malheureusement retiré cet amendement, comme vous avez retiré tous les autres depuis le début de la soirée...
M. Guy Fischer. Non ! Il y en a même un qui a été adopté !
M. Charles Descours, rapporteur. C'est vrai, mais ce fut grâce à la majorité sénatoriale et contre l'avis du Gouvernement !
Dites-nous donc si vous allez retirer tous vos amendements les uns après les autres. S'ils ne sont là que pour faire des effets d'annonce, vous risquez de décevoir toutes les familles qui m'ont dit : « Puisque le groupe communiste demande une allocation au premier enfant, elle va sûrement être votée ! » Vous voyant retirer votre amendement, ces familles vont être bien tristes, ce soir ! (Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'union centriste.)
M. Roland Muzeau. Et toutes celles qui pensaient que vous alliez imposer le capital ?... (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

Article 18