SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2000


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Bimbenet, pour explication de vote.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de voter aujourd'hui un texte qui est le résultat fructueux d'un véritable travail des deux assemblées, ce qui n'est pas toujours le cas. L'intérêt de nos concitoyennes a été heureusement plus fort que nos divergences politiques.
En première lecture, le Sénat a amélioré le texte adopté par l'Assemblée nationale. Je pense notamment à la délivrance en pharmacie du NorLevo à titre gratuit. Cette mesure permet, d'une part, que le coût de ce produit ne constitue pas un obstacle pour certaines jeunes filles issues de milieux défavorisées et facilite, d'autre part, son accès pendant les vacances scolaires.
Le 20 novembre dernier, la commission mixte paritaire, aux travaux de laquelle j'ai participé, a rapidement abouti à un accord et a donc adopté à l'unanimité le texte sur lequel nous allons finalement nous prononcer. J'en suis d'autant plus heureux qu'il s'agit d'un texte particulièrement important, qui constitue une avancée essentielle pour les femmes.
En effet, il ne faut pas oublier que cette proposition de loi met en relief un véritable phénomène de société, le nombre élevé d'IVG : environ 220 000 par an. Je souhaite que ce dispositif évite aux femmes, et surtout aux adolescentes, de se retrouver dans une situation de grande détresse face à une grossesse non désirée, car le recours à l'IVG n'est pas un choix : c'est toujours un drame.
Toutefois, j'insiste sur ce point, l'accès à la contraception d'urgence ne doit pas en banaliser l'usage. Cette proposition de loi n'est qu'une étape dans la bataille que nous devons mener pour que le nombre d'IVG diminue.
Ainsi que l'a rappelé mon collègue Bernard Joly en première lecture, il est nécessaire d'entreprendre une véritable politique de prévention afin d'améliorer l'éducation sexuelle des jeunes.
Certes, le Gouvernement a lancé, le 12 janvier dernier, une campagne sur la contraception. Malheureusement, elle est passée pratiquement inaperçue. De plus, l'effort des pouvoirs publics dans ce domaine s'est concentré, au cours des années 1984 et 1985, sur la prévention du sida et des maladies sexuellement transmissibles, si bien que les jeunes qui entretiennent une relation durable et qui sont sûrs de leur fidélité négligent l'usage du préservatif, sans penser au risque de grossesse.
La bataille que nous engageons pour que le recours à la contraception d'urgence ait un caractère exceptionnel et que le nombre d'IVG diminue est longue et ardue, mais il est de notre devoir de la mener à terme.
C'est dans cet esprit que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera le texte adopté par la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste du Sénat, je voudrais exprimer devant vous ma satisfaction présente et mes espoirs pour l'avenir dans le domaine des droits des femmes.
Ma satisfaction tient à ce que nous nous apprêtons à voter les conclusions de la commission mixte paritaire sur la contraception d'urgence, ce qui signifie que les deux assemblées sont parvenues à un accord sur un texte important et, surtout, vécu comme prioritaire.
Une nouvelle étape est donc en passe d'être franchie concernant la contraception puisque l'accès à la contraception d'urgence pour toutes les femmes, indépendamment de leur situation sociale ou de leur âge, reçoit ainsi une base légale.
Cette nouvelle étape est une réponse essentielle en vue de pallier les trop nombreuses situations de détresse que vivent les jeunes filles et qui, malheureusement, perdurent.
Cependant, ne nous y trompons pas, même si nous venons ensemble de mener une noble bataille, nous devrons continuer de concentrer nos efforts, car d'autres progrès sont encore à accomplir, des progrès tout aussi primordiaux pour les jeunes filles d'aujourd'hui et les femmes de demain, afin que leur sexualité ne soit plus culturellement vécue comme un tabou, mais surtout pour que leur soit reconnue la maîtrise de leur fécondité et qu'elles puissent toutes, un jour, s'approprier la contraception et son contrôle.
Cela passera nécessairement par une réelle éducation à la sexualité de la jeune fille, bien sûr, mais aussi du jeune homme, des familles, bref, de la société tout entière.
Il va de soi que le groupe socialiste du Sénat votera les conclusions de la commission mixte paritaire, qui sont tout à fait conformes à ses voeux.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à féliciter nos collègues députés et sénateurs qui, en commission mixte paritaire, ont réussi à trouver un accord sur ce texte concernant la contraception d'urgence.
Je constate avec satisfaction que les conclusions de cette commission mixte paritaire s'inscrivent dans la continuité de l'esprit constructif qui a accompagné les débats en première lecture, que ce soit à l'Asssemblée nationale ou au Sénat.
Il est très encourageant, à l'heure où la politique pâtit d'un certain discrédit, de voir que les femmes et les hommes politiques ont su passer outre leurs querelles politiciennes et leurs positions idéologiques pour prendre en compte l'intérêt des jeunes filles.
Le texte qui a fait l'objet d'un accord prend la juste mesure de la détresse rencontrée par les adolescentes lorsqu'elles sont confrontées à une grossesse non désirée.
Je rappellerai brièvement les chiffres. Chaque année, 10 000 adolescentes âgées de quinze à dix-huit ans doivent faire face à une grossesse non désirée ; 6 700 d'entre elles ont recours à une IVG. Et celles qui sont issues des milieux les plus défavorisés sont plus que les autres confrontées à ce douloureux problème.
Pour prendre en compte cette angoisse - car, derrière les chiffres, il y a des adolescentes qui souffrent -, il fallait que la législation évolue. C'est désormais chose faite.
Le texte autorise la délivrance sans autorisation médicale préalable de la contraception d'urgence. En cela, il reconnaît l'évolution de la société et prend en compte les progrès scientifiques intervenus dans le domaine de la contraception depuis la loi Neuwirth de 1967.
D'autre part, grâce à l'esprit constructif qui a régné lors de nos débats au Sénat, le texte est enrichi sur un point très important puisqu'il précise que la délivrance de la contraception d'urgence s'effectue à titre gratuit dans les pharmacies.
Nous avions exprimé, lors de l'examen du texte par le Sénat, notre attachement à cette mesure ; nous n'étions d'ailleurs pas les seuls. Aussi sommes-nous satisfaits que la commission mixte paritaire l'ait maintenue.
En ce qui concerne la délivrance de la contraception d'urgence par les infirmières scolaires, nous nous félicitons que le texte reconnaisse le rôle éducatif essentiel joué par les infirmières scolaires et le lien privilégié qu'elles savent nouer avec les jeunes.
Pour que cette mesure porte pleinement ses fruits, il conviendra maintenant de concentrer nos efforts sur l'augmentation des effectifs de cette profession, même si nous reconnaissons que le nombre de postes d'infirmière scolaire a augmenté l'an dernier et augmentera aussi en 2001.
Enfin, le texte précise dans l'article 2 que le Gouvernement devra présenter, avant le 31 décembre 2002, un rapport dressant le bilan de la délivrance de la contraception d'urgence par les infirmières scolaires et, à titre gratuit, dans les pharmacies. Nous souscrivons à cette volonté.
En fait, le seul point qui modère un peu notre satisfaction concerne le problème de l'accès à la contraception d'urgence en dehors des périodes scolaires. Nous avions proposé d'étendre l'autorisation de délivrer la pilule du lendemain par les infirmières exerçant dans les centres de vacances agréés et nous regrettons de ne pas avoir été entendus sur cet aspect de la contraception d'urgence. Nous pensons, en effet, que cette mesure constituerait un complément utile allant dans le sens d'une continuité avec la période scolaire.
Cela étant dit, nous considérons que ce texte est un volet important de la lutte des femmes et des jeunes filles pour la maîtrise de leur fécondité. Il permettra à de nombreuses adolescentes en situation de détresse de ne pas débuter leur vie amoureuse et sexuelle par le traumatisme d'une interruption volontaire de grossesse ou d'une grossesse non désirée.
Par conséquent, nous approuvons les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la contraception d'urgence.
Enfin, je dirai que le groupe communiste républicain et citoyen souhaite ardemment que soit rapidement mise en place, par les différents ministères concernés, une importante campagne d'information sur la contraception en direction de la jeunesse, seule réelle prévention contre les grossesses précoces chez les adolescentes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Après les précédents intervenants, je veux moi aussi me féliciter du fait que la commission mixte paritaire soit si rapidement parvenue à un accord sur les dispositions qui nous sont soumises aujourd'hui. Il lui a fallu aussi peu de temps qu'à la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour aboutir à un désaccord ! Cela prouve que les mêmes parlementaires qui étaient en désaccord sur un sujet ont pu être, tout de suite après, en accord sur un autre sujet !
Je me félicite aussi de la qualité du débat que nous avons eu. Je commence à avoir un certain nombre d'années d'expérience en tant que parlementaire et j'ai pu constater que, sur les sujets de société - je pense notamment aux lois sur la bioéthique, dont nous avons débattu voilà quelques années - nous parvenions parfois à dépasser les clivages partisans. Sur la contraception d'urgence, nous avons eu un vrai débat et l'accord auquel la commission mixte paritaire est parvenue en illustre la qualité.
Cependant, si, comme d'autres intervenants, je me réjouis de ce que le texte que nous votons aujourd'hui évitera à des femmes et à des jeunes filles le recours à une interruption volontaire de grossesse, je regrette que 220 000 femmes doivent encore y faire appel chaque année dans notre pays, soit pratiquement le même nombre qu'avant les lois Neuwirth et Veil. Comme l'a dit M. Neuwirth voilà un instant, ce nombre démontre que nous avons échoué, et la responsabilité n'est pas imputable à ce gouvernement, elle est collective.
En effet, le nombre d'IVG en France est quasiment égal au nombre total d'IVG pratiquées dans les cinq ou six pays qui nous entourent.
Le problème est réel ! Il faut engager une réflexion approfondie sur le sujet, car le système ne fonctionne pas correctement.
Comme vous le savez, je suis chirurgien et je peux dire que trop d'hôpitaux ne disposent pas de centres d'IVG convenables. Au CHU de Grenoble, l'Etat - ou la direction - je ne sais pas exactement, mais peu importe ! - vient de fermer un centre de consultation de la femme.
Je vous ai d'ailleurs écrit à ce sujet, madame le ministre, ou à Mme Aubry, je ne sais plus précisément.
Dès lors, que l'on ne s'étonne pas de ne pas voir le nombre d'IVG diminuer.
Il est de notre responsabilité d'hommes et de femmes politique d'examiner ce problème, qui marque un échec de notre société vingt-cinq ans après les lois qui ont fondé une contraception moderne dans notre pays.
Comme Lucien Neuwirth, je déplore l'ignorance qui, curieusement, règne dans ce domaine. Même les associations qui nous interrogeaient mêlaient la prolongation du délai légal pour pratiquer une IVG et la contraception d'urgence. Au demeurant, le Gouvernement aurait pu lui-même éviter cette confusion dans le projet de loi qui nous sera soumis dans quelques jours. Il s'agit pour le moins d'une méthode pédagogique complètement nulle ! L'ignorance est donc entretenue par les uns et les autres.
J'ai également été surpris de constater qu'un grand nombre d'associations considéraient le NorLevo comme une pilule abortive. C'est ahurissant ! C'est vraiment une pilule contraceptive. Sur le plan éthique, la différence est de taille !
Cela dit, je me réjouis que, grâce à l'autorité de Lucien Neuwirth, nous soyons parvenus à un accord.
Je précise pour conclure que le groupe du RPR du Sénat votera, dans sa majorité, les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons de nouveau interrompre nos travaux.
Madame le ministre, je vous fais, vous aussi, l'émissaire auprès du Gouvernement d'un message que j'ai déjà délivré à trois ministres successifs, déplorant que, en plein milieu du débat budgétaire, qui nous est limité par la Constitution, nous ayons des interruptions comme celle de cet après-midi, d'abord par l'intrusion de textes qui n'ont rien à voir avec le débat budgétaire, ensuite par une mauvaise coordination : nous allons, en effet, interrompre maintenant nos travaux alors que nous aurions pu aborder l'examen du budget des anciens combattants dès à présent.
Pour essayer de faire en sorte que la séance de ce soir n'empiète pas sur celle de demain matin, je vous propose, mes chers collègues, de reprendre nos travaux à vingt et une heures.
Il n'y a pas d'opposition ?...
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures.)