SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports et sécurité routière : 4. Transport aérien et météorologie, et budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, sans doute pour l'une des dernières fois, pour examiner le projet de budget annexe de l'aviation civile et les crédits concernant le transport aérien et la météorologie.
Pour l'une des dernières fois, puisque la proposition de loi organique réformant l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances qui a été adoptée par la commission des finances de l'Assemblée nationale entend supprimer la catégorie des budgets annexes.
Monsieur le ministre, cela m'amène à vous poser ma première question. Approuvez-vous la suppression du budget annexe de l'aviation civile ?
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la suppression des budgets annexes. Ils me paraissent être une formule utile, sous réserve de respecter certains principes. Vous connaissez - nous nous connaissons bien maintenant - mes exigences de ce point de vue, et j'en rappellerai quelques-unes ce soir.
Monsieur le ministre, ne vous méprenez pas. Mon désaccord avec la suppression des budgets annexes ne vient pas du fait que le budget annexe de l'aviation civile que vous nous présentez ce soir est un parangon de vertus. Je devine que je vous déçois, monsieur le ministre. Vous vous attendiez sans doute à ce que je me félicite d'une progression des crédits de 2,8 %,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. ... que vous jugez modérée. Vous deviez aussi espérer que je saluerai la baisse du taux unitaire des redevances de navigation aérienne (M. le ministre opine) que vous avez annoncée.
Hélas, trois fois hélas ! je ne le peux pas. Je n'ai pas pour rôle d'ouvrir le bleu budgétaire et de tenir pour argent comptant ce qu'il contient. Je le regrette, car cela serait plus simple et traduirait une révolution : la capacité du Gouvernement à nous présenter des données budgétaires claires et sincères. Nous en sommes loin !
D'abord, si les crédits augmentent de 2,8 %, les prélèvements obligatoires spécifiques du transport aérien croissent, eux, à structure constante, de 7,5 %, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas tout à fait la même chose.
S'il faut, pour en apprécier la variation, tenir compte des recettes du budget annexe de l'aviation civile, il faut aussi tenir compte d'autres recettes : celles qui résultent du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, et celles qui proviennent de la funeste taxe d'aéroport, directement affectée aux aéroports.
Je souligne ensuite, monsieur le ministre, que vous faites l'impasse sur un certain nombre de dépenses inéluctables. Les crédits d'exploitation du budget annexe augmentent déjà très vivement. Avec un accroissement de 3,8 %, on est assez loin de mettre en évidence les gains de productivité du secteur, auxquels vous aimez vous référer. Mais votre goût pour le productivisme, monsieur le ministre, ne doit pas vous pousser à user d'artifices pour le satisfaire.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'était à une certaine époque ! (Sourires.)
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je vous pose ainsi, avec humour, ma deuxième question, monsieur le ministre : où sont les crédits nécessaires au financement des mesures générales de la fonction publique ? Où sont les provisions budgétaires nécessaires au financement du nouveau protocole triennal 2001-2003 ? Je n'en trouve pas trace dans votre projet de budget.
Et pourtant ! Je vous ai interrogé sur les perspectives de la négociation du nouveau protocole. « Trop tôt », m'avez-vous répondu. J'avais demandé la transmission des procès-verbaux de négociation. Aucune suite n'a été donnée à cette demande. Très heureusement, les organisations syndicales sont plus claires. Elles demandent, pêle-mêle, plus de personnels, plus de rémunérations, plus de 35 heures, plus de pensions, etc. Cela doit avoir un coût, ou alors, monsieur le ministre, vous êtes non seulement le meilleur élève du Gouvernement, comme certains le prétendent à juste titre, je partage cet avis, mais aussi un vrai magicien. Moi, j'aime la magie,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi !
M. Yvon Collin rapporteur spécial. ... mais je m'applique à découvrir les trucages budgétaires. Je m'avoue vaincu et je vous demande quel est votre « truc », monsieur le ministre, pour que ces coûts disparaissent devotre budget.
Troisième question : comment allez-vous faire pour baisser dans les proportions que vous avez indiquées les taux unitaires des redevances de navigation aérienne alors que les perspectives de trafic, qui restent bonnes, j'en conviens, ne sont plus suffisantes pour vous le permettre ? Allez-vous constater des reprises de provision au-delà de ce que vous prévoyez et qui est déjà très élevé ? Allez-vous recourir plus que prévu à l'emprunt ? Ou alors allez-vous arrêter des taux supérieurs à ceux que vousaviez annoncés ?
J'en arrive à ma quatrième question, monsieur le ministre. Ne vous paraît-il pas quelque peu anormal que ceux qui financent le budget annexe et qui sont aussi ses usagers soient totalement écartés des négociations sociales qui se déroulent au sein de la direction générale de l'aviation civile, la DGAC ? Vous me répondrez sans doute qu'ils ne sont juridiquement pas l'employeur des personnels. Mais admettez qu'ils financent leurs recrutements, leurs rémunérations et leurs pensions.
Je pense qu'il s'agit d'une question qui fait partie d'un problème plus vaste : la représentation des usagers du transport aérien dans notre pays. Je suis sûr que, de ce point de vue, vous êtes d'accord avec moi. Je voudrais en dire deux mots puisque le transport aérien est le seul mode de transport entièrement financé par les usagers et par les collectivités territoriales, le budget général de l'Etat s'étant totalement désengagé de ce secteur.
Ce problème est d'abord celui de la surveillance des coûts des infrastructures du transport aérien. Ces coûts sont in fine supportés par les clients des compagnies, une faible partie d'entre eux étant absorbés par elles. L'on pourrait s'attendre, dans ces conditions, à ce que les compagnies soient particulièrement vigilantes dans ce domaine, soit pour faire des économies, soit pour défendre les intérêts commerciaux de leur clientèle. Certaines le font, mais notre excellente compagnie Air France est bien inerte sur ce sujet. On l'entend rarement contester les augmentations de redevances ou de taxes et sa position sur les charges du budget annexe est des plus discrètes. Je m'interroge sur la concomitance de cette situation avec l'appartenance de la compagnie au secteur public. Elle me met mal à l'aise puisque j'ai le sentiment d'être un peu isolé en défendant des intérêts consuméristes sur lesquels cette grande entreprise devrait particulièrement veiller.
Il est vrai qu'une grève des contrôleurs aériens coûterait 200 millions de francs par jour à la compagnie et que la progression continue des charges salariales du budget annexe de l'aviation civile est répercutée sur ses clients ou absorbée par des économies que favorisent d'importants gisements. Mais Air France n'est pas seule ! Il y a les autres compagnies et il y a aussi les clients ! Je m'en ferai, monsieur le ministre, l'inlassable défenseur !
A ce propos, permettez-moi d'insister sur un problème que j'avais exposé au Premier ministre dès le 22 juin 1997, le problème des surréservations. Comment comptez-vous mettre à profit - c'est une autre question, monsieur le ministre - la présidence par la France de l'Union européenne pour que le Conseil « transport » prohibe une fois pour toutes une pratique commerciale aussi abusive qu'insupportable ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je terminerai mon propos sur le budget annexe de l'aviation civile en recommandant que la France n'écarte pas toute proposition d'intégration du ciel unique européen.
Je partage votre sentiment : ce sujet est plus complexe que ce qui semble transparaître des réflexions de la Commission. Nous devons aussi défendre les intérêts français. Mais nous ne pourrons les défendre si nous ne jouons pas le jeu de la transparence sur nos coûts, sur notre efficience et sur nos performances.
A ce sujet, monsieur le ministre, la France a raison lorsqu'elle fait valoir que les retards sont parfois le prix de la sécurité du transport aérien. Nous devons, en cette année de deuil, et j'ai une pensée émue pour les victimes du transport aérien, affirmer notre attachement à la sécurité du transport aérien à laquelle les contrôleurs sont très sensibilisés, j'en témoigne.
Mais nous ne devons pas opposer ponctualité et sécurité. Les deux vont de pair. C'est bien notre faculté à répondre aux problèmes de capacité des infrastructures de transport aérien qui permettra de satisfaire ces deux exigences.
C'est le point central de la mission de contrôle de la navigation aérienne que je mène actuellement. Je n'en dévoilerai pas, ce soir, les conclusions. Ce serait prématuré. Mais je crois qu'il existe, dans ce domaine, un réel problème de gestion des personnels. Pouvez-vous à ce propos, monsieur le ministre, nous indiquer quels sont les temps moyens d'ancienneté dans chacun des cinq centres de contrôle aérien et quelle est la durée moyenne de formation d'un contrôleur comparée à la durée pendant laquelle, au cours de sa carrière, il est opérationnel.
Avant d'en venir aux crédits du transport aérien, je souhaiterais évoquer d'un mot la question du troisième aéroport. Elle est évidemment liée à celle de Roissy-Charles-de-Gaulle.
A ce propos, vous avez décidé de plafonner les capacités de Charles-de-Gaulle à 55 millions de passagers. Je saisis vos motivations, mais je ne comprends pas comment cette décision peut suivre celle qui concerne la construction des deux nouvelles pistes à Roissy, laquelle, semble-t-il, a été prise sur la base d'une prévision de 70 millions de passagers. Merci, monsieur le ministre, de nous expliquer la cohérence de ces deux décisions.
Du coup, vous annoncez un troisième aéroport dans le Bassin parisien. Des appétits s'aiguisent, des réticences se font jour. Parmi celles-ci, il en est une qui a un certain poids, je veux parler de la réticence d'Air France. La compagnie ne paraît pas enthousiasmée par la perspective d'ouvrir une seconde plate-forme de correspondance.
Convenez que c'est un léger problème et que la question se pose de savoir quel type de trafic accueillera ce nouvel aéroport ! Merci, là aussi, monsieur le ministre, d'apporter une réponse précise car elle concerne l'utilisation d'un investissement de plusieurs dizaines de milliards de francs.
Plusieurs dizaines de milliards de francs, c'est aussi le coût du développement de l'A3XX. Je me félicite du lancement de cet appareil annoncé par EADS. Je l'ai depuis longtemps appelé de mes voeux...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je vous en donne acte !
J'avais souhaité également une meilleure intégration de l'industrie aéronautique européenne. C'est fait, ou presque, et je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir contribué à la privatisation d'Aérospatiale, sans laquelle cette intégration n'aurait pas été possible. (M. le ministre sourit. - M. le rapporteur pour avis applaudit.)
Il est toutefois dommage que le siège de la holding EADS soit localisé aux Pays-Bas. On en devine tous les avantages fiscaux, mais, monsieur le ministre, il serait utile que vous nous indiquiez précisément leur montant par rapport à des localisations alternatives, en France ou en Allemagne.
Je suis certain que des simulations ont été faites sur ce sujet. Je me félicite aussi que vous inscriviez dans les crédits de transport aérien une avance remboursable qui marque l'intérêt du Gouvernement et de son Premier ministre à ce projet d'A3XX.
Je vous poserai trois questions précises à ce propos. Que font, de leur côté, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Allemagne ? Où en est le projet, que vous aviez évoqué, tendant à rééquilibrer notre système de soutien public de sorte qu'il soit aussi favorable que celui qui est en vigueur aux Etats-unis ? Quel est le taux de consommation de l'avance remboursable ouverte dans le budget de 2000 pour l'A3XX ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en aurai fini lorsque je vous aurai indiqué que la commission des finances, à la sagesse de laquelle je m'en étais remis, a décidé de rejeter les crédits du budget annexe de l'aviation civile pour 2001.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Le vote des crédits du transport aérien aurait sans doute connu un meilleur sort, mais il n'est pas individualisé et interviendra après l'examen des crédits de la mer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile et le transport aérien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire combien la commission des affaires économiques partage l'analyse excellement exposée par notre collègue Yvon Collin sur le devenir des budgets annexes d'une manière générale, et sur celui de l'aviation civile en particulier.
Permettez-moi également de vous livrer en préambule un sentiment et deux réflexions que m'inspire la catastrophe du Concorde survenue le 25 juillet dernier.
Le sentiment, tout d'abord, c'est que nous ne pouvons pas, ce soir, nous dispenser d'avoir une pensée pour les victimes et leurs familles, après cet accident terrible qui a coûté la vie à 113 personnes. Ce dramatique accident a cloué au sol un des plus beaux fleurons de notre technologie : cet avion volant deux fois plus vite que le son, capable de survoler l'océan Atlantique en moins de quatre heures. Je forme des voeux pour que les causes de cette catastrophe soient le plus rapidement possible élucidées.
Ma première réflexion, après ce sentiment qui sera, j'en suis sûr, partagé par tous, consiste à donner un « coup de chapeau » au bureau enquêtes accidents, qui effectue un travail difficile, avec sérieux et compétence. Le système que nous avons institué en votant la loi du 29 mars 1999 sur les incidents et accidents aériens semble avoir, dans ces circonstances dramatiques, bien fonctionné, et nous ne pouvons que nous réjouir des amendements qui avaient alors été retenus par le Sénat.
Ma deuxième réflexion vise à souligner la pertinence d'une recommandation constante que nous faisons, en matière de politique aéroportuaire, depuis de longues années : celle, monsieur le ministre, de la maîtrise de l'urbanisation au voisinage des aéroports.
Je rappelle que, en 1999, nous avions introduit dans le texte portant création de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires des dispositions issues d'une proposition de loi que j'avais déposée, tendant à l'information préalable des riverains des aéroports.
Le Sénat avait aussi modéré les tentations de certains députés d'adoucir les dispositifs de contrôle de l'urbanisation au voisinage des aéroports, au nom de la revitalisation des vieux bourgs riverains.
La solution que nous avions proposée, et qui avait été retenue ici comme à l'Assemblée nationale, conditionnait toute opération de restructuration urbaine au respect d'une enveloppe constante de capacité d'accueil d'habitants. Or, lors de la discussion du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, nos collègues députés sont revenus, moins d'un an après sa conclusion, sur ce sage compromis.
Pis encore, le rapporteur du texte de 1999, qui avait adopté en nouvelle lecture, sans les modifier, nos propositions, a lui-même déposé l'amendement qui a levé les garde-fous du code de l'urbanisme. Bien sûr, nous nous y sommes opposés au Sénat. Mais, ironie du sort, c'est dans la ville dont il est le premier magistrat que le Concorde s'est écrasé, vingt-sept jours seulement après la discussion en nouvelle lecture de son amendement, ce qui a conduit - je le dis avec beaucoup de gravité - ce député à s'exprimer sur toutes les ondes et à déclarer au journal Le Monde du 27 juillet que « la loi sur l'urbanisation est trop laxiste ». Je le dis avec beaucoup de solennité, mais avec beaucoup de tristesse en même temps.
Je considère, quant à moi, qu'être élu c'est être responsable. Je continue donc de m'opposer aux dispositions adoptées à l'article 36 du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, que nous avons d'ailleurs déférée au Conseil constitutionnel.
Je déplore que le Gouvernement et l'Assemblée nationale aient si brutalement changé d'avis, entre 1999 et 2000. La catastrophe du Concorde a malheureusement montré toute la pertinence de notre position !
En ce qui concerne les crédits du transport aérien et de l'aviation civile, je ne reviendrai pas sur l'analyse du budget annexe, que vient de développer de façon très argumentée notre collègue Yvon Collin. Comme lui, je regretterai simplement que la subvention de l'Etat baisse de 43 %, puisqu'elle passe de 210 millions de francs à 120 millions de francs, et que les taxes et redevances payées par les compagnies assurent, symétriquement, une proportion croissante du financement. Je partage totalement, sur ce point, l'analyse de M. Collin. Qu'il soit remercié de son excellent rapport !
C'est surtout le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, qui préoccupe la commission des affaires économiques : aucun crédit supplémentaire n'est prévu cette année pour le soutien des dessertes aériennes d'aménagement du territoire, qui devrait être financé, à hauteur d'environ 94 millions de francs, par des reports d'excédents des années passées.
J'aimerais réaffirmer ici l'attachement de la commission à ce système mis en place par la loi Pasqua du 4 février 1995, qui permet de subventionner vingt et une liaisons d'aménagement du territoire.
Progressivement, le FIATA se déforme : d'un outil d'aménagement du territoire, il ne faudrait pas qu'il devienne pour l'Etat un simple prétexte à la perception d'une taxe !
En même temps, la restructuration du pôle régional d'Air France entraîne des supressions de lignes parfois préjudiciables à l'équilibre du territoire.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi conserver la majorité du capital de cette compagnie si l'Etat ne s'en sert pas pour assurer l'aménagement aérien du territoire ?
Sur l'initiative de son président, Jean François-Poncet, la commission des affaires économiques a mis en place un groupe de travail pour contrôler l'action du Gouvernement en la matière.
S'agissant du troisième aéroport dans le Bassin parisien, permettez-moi de rappeler les conclusions de la mission conduite en 1996 sur ce sujet par Jacques Douffiagues, à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir. L'optimatisation des plates-formes existantes, à Roissy et en province, était considérée comme un préalable à toute construction de nouvelle structure. Je considère, quant à moi, que la limite des 55 millions de passagers à Roissy est artificielle : c'est le niveau global de bruit qui est le critère pertinent, c'est lui qui est le facteur générateur des difficultés. En outre, que fera-t-on quand Roissy aura atteint le plafond et que le nouvel aéroport ne sera pas encore construit ?
Je regrette que les considérations économiques, environnementales et d'aménagement du territoire qui nous avaient conduits à préconiser, en 1996, le site de Beauvilliers, en Eure-et-Loire, ne semblent plus être les déterminants actuels du Gouvernement pour le choix de l'implantation d'un troisième aéroport. Rassurez-nous, monsieur le ministre ! Dites-nous que le choix final ne sera pas déterminé par des guérillas de majorité plurielle, même si une députée verte a été élue en Eure-et-Loire contre le projet d'aéroport !
Vous le voyez, nos interrogations sont à la fois multiples et simples. Toutefois, nous prenons acte du soutien, à la section « équipement et transports » du budget général, du projet d'A3XX. La décision, annoncée voilà deux jours, de la compagnie Qantas d'acheter Airbus ouvre les portes de l'Asie à cet appareil. Nous nous en réjouissons tous !
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Compte tenu de ce dernier aspect plutôt positif, la commission des affaires économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits, alors que, sur les autres points, elle aurait plutôt eu tendance à en proposer le rejet.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt-cinq minutes.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de budget que nous allons avoir ce soir est un exercice relativement virtuel, le Sénat ayant rejeté l'article 19 de la première partie du projet de loi de finances qui modifiait, au profit du budget annexe de l'aviation civile, la répartition du produit de la taxe d'aviation civile.
On rappellera, à ce propos, que, depuis la création du Fonds d'investissement des transports aériens, se pose le problème de son alimentation et de la validité de son intervention.
Notre position de principe est connue : nous ne sommes pas partisans de la multiplication des comptes d'affectation spéciale, qui, le plus souvent, ne font que masquer l'absence d'une véritable volonté politique en matière d'investissement public.
Nous sommes opposés à la position prise par la commission des finances, que rien ne vient réellement justifier, notamment la réalité des engagements finalement supportés par le FIATA.
Cette remarque initiale formulée, le budget annexe de l'aviation civile connaîtra cependant en 2001, selon toute vraisemblance, une progression résultant directement de la poursuite de la progression du trafic aérien.
On ne peut évidemment manquer de parler ici de la tragique catastrophe qu'a connue notre pays au mois de juillet et qui a affecté le fleuron de la compagnie nationale, le Concorde.
D'une certaine manière, cette catastrophe témoigne d'une part des enjeux du débat sur le transport aérien dans notre pays : sécurité aérienne, occupation des couloirs, développement de la capacité d'accueil des plates-formes existantes ou à venir.
Ce sont là les points sur lesquels je veux insister dans le cadre de cette intervention.
S'agissant de la sécurité aérienne, on notera qu'en cette matière, comme nous aurons encore l'occasion d'en faire état lors de la discussion des crédits de la mer, notre pays dispose d'un ensemble de procédures, de moyens humains et matériels susceptibles de faire face de la manière la plus satisfaisante possible aux enjeux du développement du trafic.
Cela n'empêche cependant pas que se pose, en ce domaine comme en bien d'autres, la question de l'harmonisation des législations européennes, certains de nos partenaires étant largement partisans d'une libéralisation et d'une privatisation du contrôle aérien.
Nous vous saurions gré, monsieur le ministre, de bien vouloir nous informer de l'action menée sur ce point et des résultats qui ont été enregistrés à ce jour.
Le développement du trafic aérien est une réalité, notamment à l'examen de l'évolution du nombre de mouvements et, dans une moindre mesure, du nombre de voyageurs transportés.
La position centrale de la France au coeur de l'Europe en fait naturellement un point de passage obligé que le renforcement des moyens d'accueil à Roissy-Charles-de-Gaulle est encore susceptible de favoriser, notamment par le biais de l'intermodalité des moyens de transport.
Pour autant, les stratégies commerciales des compagnies, en matière de surréservation en particulier, ont comme conséquence tangible une tension supplémentaire sur l'environnement immédiat des plates-formes et continuent d'alimenter le débat sur la desserte de nuit.
Sur ce point, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les orientations que vous avez définies, dans l'optique de la négociation internationale, au regard de ces contraintes environnementales et de développement du transport aérien ?
Une plus large ouverture au transport civil des couloirs réservés jusqu'alors aux avions militaires fait sans doute partie des solutions que nous devons mettre en oeuvre, ne serait-ce que pour pallier le risque de l'allongement des délais d'attente des avions avant atterrissage. Monsieur le ministre, nous vous saurions gré de bien vouloir nous indiquer les résultats des négociations que vous avez menées avec votre collègue ministre de la défense.
Dans le même contexte, se pose évidemment la question de la réalisation du troisième aéroport parisien, rendue nécessaire par le risque d'engorgement des plates-formes internationales d'Orly et de Roissy. Toutefois, la localisation précise de cet équipement fortement structurant n'a pas encore été définie.
Sans doute convient-il de relever que les avantages et les inconvénients des sites proposés doivent être soigneusement mesurés avant toute décision. Pour autant, se pose également la question de savoir qui assurera la gestion de la plate-forme une fois qu'elle aura été ouverte. Il nous semble, à ce sujet, que le rôle d'Aéroports de Paris doit être validé et étendu à la gestion du nouveau site.
Enfin, le devenir de la compagnie nationale Air France soulève de nouveau quelques interrogations.
Certes, la situation financière de la compagnie nationale s'est nettement améliorée, même s'il convient de ne pas oublier les efforts qui ont été demandés aux salariés et de vérifier plus précisément, dans les comptes de l'entreprise publique, si le redressement financier ne s'opère pas, parfois, au détriment de la qualité du service rendu. Le dialogue social doit se poursuivre au sein de l'entreprise, et conduire notamment à inverser clairement la tendance à la baisse des effectifs, à renforcer la capacité d'intervention des salariés et à définir un projet industriel et social permettant notamment de donner corps à la notion de service public du transport aérien. Sur ce sujet, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de la qualité de la démarche suivie par le conseil d'administration d'Air France ?
Telles sont les quelques observations que, au nom de mon groupe, je comptais produire à la suite de l'examen des crédits du transport aérien et du bubget annexe de l'aviation civile, crédits que, contrairement aux recommandations de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, nous approuverons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la croissance du trafic aérien, au plan tant mondial qu'européen, se poursuit de façon régulière. L'Organisation de l'aviation civile internationale prévoit ainsi que cette croissance va perdurer dans les années à venir, annonçant qu'elle sera en 2002 de 7 % pour la région Asie-Pacifique, de 5,4 % pour l'Europe et de 5,2 % pour l'Amérique.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2001 alloue au budget annexe de l'aviation civile des crédits qui s'élèvent à 8,95 milliards de francs, soit une hausse de 2,8 %. Ces dotations devraient donc permettre d'accompagner la croissance du trafic, de répondre aux impératifs de sécurité et d'assurer une meilleure fluidité des mouvements, sans pour autant peser sur les compagnies aériennes et les passagers.
Je note en effet avec satisfaction que, pour la seconde année consécutive, le Gouvernement a fait le choix de la modération fiscale, même s'il est vrai que l'augmentation des recettes engendrée par la croissance du trafic permet cette modération.
Ces crédits permettront la création de 419 emplois dans le secteur de la navigation aérienne, qui seront tout à fait utiles pour faire face à l'augmentation du trafic. J'espère que cela contribuera aussi à limiter les retards. Sur ce point, il apparaît que nous sommes sur la bonne voie, mais la grogne, monsieur le ministre, est encore forte chez les usagers, bien souvent à juste titre.
A ce propos, je ne crois pas que les propositions de la Commission européenne, qui visent à séparer les fonctions de régulateur et d'opérateur dans le domaine du contrôle aérien et à ouvrir celui-ci à la concurrence, soient de nature à régler les problèmes de retard. Il nous semble d'ailleurs que la libéralisation des services de navigation aérienne, outre les questions sociales qu'elle peut poser, est difficilement compatible avec l'objectif de sécurité. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer où en sont actuellement les discussions à l'échelon communautaire et quelle sera votre position lors du Conseil « transports » du 21 décembre prochain, et nous préciser quelles nouvelles mesures peuvent être envisagées, à l'échelon tant européen que national, pour assurer la ponctualité du transport aérien, sans bien entendu remettre en cause l'impératif de sécurité ?
Il existe un autre revers à la bonne santé du secteur aérien qui suscite lui aussi le mécontentement des usagers, à savoir le recours systématique, par les compagnies aériennes, au système de la surréservation. A cet égard, le Gouvernement, au cours de la présidence française de l'Union européenne, a fait du renforcement des droits des passagers une priorité. Cela nous semble être une très bonne chose. Le Conseil « transports » d'octobre dernier a d'ailleurs adopté une résolution visant à accorder de nouveaux droits aux passagers : un droit de recours en cas de litige, une meilleure information, une meilleure prise en compte des passagers handicapés. Ces questions devraient donc être inscrites à l'ordre du jour du Conseil « transports » de décembre, et nous nous en réjouissons. Nous aimerions cependant savoir quelles mesures concrètes sont envisagées, s'agissant du problème de la surréservation.
Je souhaiterais maintenant, d'une part, étudier le secteur du transport aérien sous l'angle de l'aménagement durable du territoire, et, d'autre part, évoquer la question des nuisances environnementales.
Je voudrais tout d'abord attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les stratégies d'alliances et de fusions-acquisitions qui se sont développées ces dernières années dans le domaine du transport aérien, et sur leurs conséquences pour le développement des aéroports de province.
Je prendrai notamment l'exemple de l'aéroport de Clermont-Ferrand, qui m'a été signalé par notre collègue Serge Godard. Plus de 200 millions de francs de fonds publics ont été investis en dix ans pour cette plate-forme. Or la crainte exprimée par M. Godard et les responsables économiques de la région Auvergne est que ces 200 millions de francs aient été dépensés en pure perte.
En effet, ils viennent d'apprendre que la compagnie régionale Airlines, filiale du groupe Air France, a, depuis la fin du mois d'octobre dernier, procédé à la suppression de six liaisons directes quotidiennes. Toutes ces liaisons connaissaient pourtant une croissance très forte de leur fréquentation. Une très vive inquiétude est apparue à la suite de cette décision, qui paraît en effet incompréhensible au regard du succès rencontré. Nos craintes portent notamment sur la stratégie du groupe Air France quant aux dessertes régionales, et nous savons par ailleurs que les responsables politiques et économiques des aéroports de province - je pense en particulier à ceux de Pau et de Caen - les partagent.
Je demande donc à l'Etat d'intervenir auprès du groupe Air France, dont il est encore l'actionnaire majoritaire, pour que la compagnie nationale prenne en compte, dans sa stratégie commerciale, la performance et la réussite d'un « hub » comme celui de Clermont-Ferrand. Je voudrais également savoir, monsieur le ministre, quelles actions l'Etat compte engager pour garantir une politique d'aménagement du territoire cohérente dans le domaine aéroportuaire. M. Godard m'a d'ailleurs indiqué qu'il vous transmettrait une note sur ce problème particulier à la fin de cette séance.
L'activité de l'ensemble des grandes plates-formes aéroportuaires est donc en augmentation. Si l'on s'intéresse aux aéroports parisiens, on constate que cette plate-forme a connu, en 1999, une hausse d'activité du trafic passagers de 8,4 %. S'agissant des six principaux aéroports de province, cette augmentation est de 7 %, ce chiffre restant valide pour la seule plate-forme aéroportuaire de Toulouse, où le trafic a crû de 10 % pour le fret.
Cependant, l'accroissement du nombre de mouvements est à l'origine de nouvelles nuisances sonores et environnementales : c'est un peu l'effet pervers du succès. L'an dernier, l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires a été créée par la loi du 12 juillet 1999, sur votre initiative, monsieur le ministre. La mise en place de cette autorité constitue une avancée essentielle dans la lutte contre le bruit aux abords des aéroports. Elle dispose de réels pouvoirs de contrôle, de recommandation, d'information et de prescription, mais aussi et surtout de sanction. Le projet de loi de finances pour 2001 permet de doter cette autorité de quatre agents supplémentaires, ce qui est une bonne chose.
S'agissant maintenant des nuisances environnementales, j'étais intervenu, lors de l'examen du projet de loi de ratification du protocole de Kyoto visant à lutter contre l'effet de serre, pour regretter que ce protocole ne prenne pas en compte l'ensemble des sources d'émission de gaz à effet de serre, notamment le transport aérien, qui représente à lui seul 12 % des émissions de gaz carbonique du secteur des transports. C'est là, je crois, une question dont il faut se préoccuper, d'autant que le trafic aérien est en pleine croissance. On ne peut donc que déplorer l'échec de la conférence de La Haye, en espérant qu'il ne s'agit que d'un retard qui devrait permettre de déboucher sur un bon accord.
En effet, nous avons su apporter des réponses au problème des nuisances sonores aux abords des aéroports, et je crois que nous pouvons aussi trouver des solutions pour lutter contre la pollution atmosphérique provoquée par les avions. C'est un chantier auquel l'Union européenne doit s'attaquer et la réponse, bien évidemment, ne pourra qu'être internationale, et sera sans doute élaborée au sein de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Pour revenir au projet de budget, monsieur le ministre, je note que les dotations en faveur du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien diminuent. Aucun crédit n'est notamment prévu pour financer les lignes d'aménagement du territoire, cela a été dit excellemment par M. Jean-François Le Grand,...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Merci !
M. Jean-Pierre Plancade. ... en raison des reports de crédits de l'exercice 2000. Cette sous-consommation des crédits doit nous amener à nous interroger sur la pertinence des critères retenus. Ne faudrait-il pas les revoir ?
Enfin, avant de conclure, je souhaiterais dire un mot sur la construction aéronautique. C'est, là encore, un sujet qui me tient à coeur, tant il est lui aussi important en termes d'aménagement du territoire, ainsi que l'a très bien rappelé M. Yvon Collin.
Je souhaiterais d'abord que vous fassiez le point, monsieur le ministre, sur le projet de création d'une autorité européenne de plein exercice chargée de la certification des aéronefs. Où en est ce projet ? Quel sera le statut de cette autorité ?
Ensuite, je rappellerai que 1999 a été une année phare pour la construction aéronautique européenne. Cette année a vu, en effet, la création d'un grand pôle européen de l'aéronautique, la société EADS, capable de rivaliser et de faire jeu égal avec les grands groupes américains.
L'année 2000 l'est tout autant : le 10 juillet a eu lieu la première cotation en bourse des actions d'EADS sur les marchés de Paris, de Francfort et de Madrid, et, le 23 juin, les membres du GIE Airbus, EADS et BAE Systems ont annoncé leur accord de principe pour la transformation du GIE en une société anonyme par actions simplifiée dénommée AIC, qui devrait voir le jour le 1er janvier 2001.
Ces évolutions donnent désormais à l'industrie aéronautique européenne les moyens humains, financiers et techniques pour lancer de grands projets industriels. Elles donnent aussi à Airbus tous les moyens de son développement.
Pour ma part, en ma qualité de sénateur de la Haute-Garonne, je ne peux que me féliciter de ces évolutions positives en termes d'emploi, de développement de richesse et d'aménagement du territoire. En accueillant le siège opérationnel d'Airbus, Toulouse et son agglomération confirment leur place de capitale de l'aéronautique européenne.
Cependant, monsieur le ministre, je ne peux pas ne pas évoquer le sort de l'ATR. Nous savons que cette réalisation franco-italienne est très largement concurrencée par les produits d'entreprises américaines, canadiennes ou brésiliennes qui construisent des avions à réaction recueillant la préférence des compagnies aériennes, au détriment, peut-être, de l'avion à hélice que nous continuons à produire. Ne serait-il pas temps de montrer la voie pour lancer un programme de modernisation de l'ATR, afin de ne pas abandonner le créneau de la construction des avions de transport régional à l'Amérique ? Il s'agit de défendre quelques milliers d'emplois. Nous serons très attentifs à votre réponse, monsieur le ministre.
Au total, le projet de loi de finances témoigne de la volonté du Gouvernement de soutenir la construction aéronautique ; ainsi, les crédits de paiement finançant les avances remboursables augmentent de plus de 34 %, pour atteindre 1,2 milliard de francs. Ces dotations sont notamment destinées au lancement de l'A3XX et au développement de nouveaux moteurs par la SNECMA.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Par Dassault aussi !
M. Jean-Pierre Plancade. En effet !
Monsieur le ministre, sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens, le Gouvernement a su faire prévaloir l'intérêt général, ainsi que définir et mettre en oeuvre une stratégie industrielle et une politique des transports aériens qui soit au service de l'emploi et du développement durable. Les moyens mobilisés par ce projet de loi de finances permettent de soutenir cette politique, et le groupe socialiste votera donc les crédits des transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera relativement bref, et portera sur trois points.
Premier point, nous constatons un développement important du trafic aérien, s'agissant aussi bien du fret que des passagers. En ce qui concerne le fret, un certain nombre de nouveautés sont d'ailleurs apparues, notamment la montée en puissance très nette dans notre pays, et observée depuis longtemps aux Etats-Unis, des grands routeurs, à l'instar de DHL, de Federal Express ou même d'Air France-Cargo, qui, de plus en plus, envahissent le marché du transport tout court et concurrencent même le transport maritime, dès lors qu'il s'agit de marchandises ayant une certaine valeur au kilogramme, et surtout pour lesquelles la livraison doit être rapide et régulière.
A cet égard, monsieur le ministre, les perspectives sont floues, c'est le moins que l'on puisse dire. Quelle est la part de ce fret dont le transport sera assuré, dans l'avenir, par les avions spécialisés, dits avions cargo ? Quelle part de ce fret continuera, comme aujourd'hui, à emprunter les soutes des avions de ligne ?
De la réponse à cette question découle bien entendu toute une série de déclinaisons. Notre collègue Albert Vecten, promoteur de l'aéroport de Vatry, a-t-il eu raison trop tôt, a-t-il eu raison à temps ou s'est-il trompé ? Nous n'en savons rien pour l'instant, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que l'évolution des choses, telles qu'elles se dessinent, va plutôt, me semble-t-il, dans le sens de l'augmentation du fret dans les grandes plates-formes aéroportuaires classiques. D'ailleurs, si j'étais un routeur, ayant à envoyer des colis du continent nord-américain en Europe, j'utiliserais plutôt des avions de ligne qui décolent toutes les dix minutes, tous les quarts d'heure ou toutes les demi-heures que des avions-cargos dont la fréquence est forcément moins régulière.
C'est un premier point sur lequel je n'ai pas le sentiment que les doctrines de votre ministère soient parfaitement arrêtées.
Deuxième point que je voudrais évoquer, le mécontentement qui monte chez les passagers, spécialement en France. Les excellents rapports préparés au bénéfice du Sénat font en effet apparaître, en France plus que dans d'autres pays européens, des retards permanents, des vols annulés, et autres difficultés.
Certains y voient les conséquences d'un système européen insuffisamment intégré. C'est probablement l'une des explications.
D'autres ont tendance à penser que le rythme de travail, les contraintes statutaires et autres spécificités inhérentes au corps des contrôleurs aériens français ne font qu'aggraver la situation. Là encore, j'aimerais savoir si votre ministère a quelques idées, doctrines et perspectives en la matière pour faire en sorte que les chirurgiens soient à l'heure dans leurs hôpitaux, que les hommes d'affaires soient à l'heure à leurs rendez-vous, que les vacanciers ne tournent plus comme des bêtes en cage dans les aéroports en attendant un hypothétique avion, ce qui gâche plus ou moins le début de leurs vacances !
Nous savons tous que ces retards ne sont pas tous imputables aux compagnies aériennes et qu'il y a des responsabilités à chercher ailleurs. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, quelles sont vos perspectives en ce domaine.
Je vous ai déjà interrogé voilà quelques jours, par le biais d'une question orale, sur le troisième point qui me préoccupe. Il s'agissait du fameux troisième aéroport de la région parisienne. J'avais déposé ma question orale avant que vous n'en annonciez la création, mais elle n'est venue en séance publique qu'après. Vous me l'aviez fait remarquer, et je l'avais admis.
Vous m'aviez répondu alors que l'on y verrait plus clair au mois d'avril prochain, et vous aviez accepté de discuter du problème que je soulevais, à savoir la limitation de l'aéroport de Roissy à 55 millions de passagers. Au demeurant, c'est là une notion sans valeur en soi, parce que tout dépend de la capacité des avions et que, en réalité, les nuisances d'un aéroport se mesurent plutôt aux quantités de bruit émises. Or, que je sache, sur l'aéroport de Roissy, actuellement, plus de 60 % des nuisances sonores sont émises par moins de 5 % des vols. On sait aussi les compagnies qui sont en cause, mais une pudeur antiraciste interdit de les rappeler à l'ordre.
Mais je crains que cette décision unilatérale n'aboutisse, d'une part, à ce que l'on rende moins performant qu'il ne pourrait l'être dans l'avenir un outil qui s'est avéré au fil des ans avoir été un trait de génie anticipateur des gouvernements et même des présidents de la République d'il y a déjà une trentaine d'années, et, d'autre part, que l'on ne crée un désordre inextricable dans tout l'est du Bassin parisien. Je m'explique.
Actuellement, autant que je sache, l'aéroport d'Atlanta, qui est le frère jumeau de l'aéroport de Roissy, tourne sur une base de 85 à 90 millions de passagers par an, avec des perspectives à 110 ou 115 millions, sans que cela gêne en quoi que ce soit l'exploitation de la plate-forme.
En revanche, il est vrai que chez nous, nous éprouvons un certain nombre de difficultés qui, à ma connaissance, résultent de deux faits.
Premièrement, on s'est fort peu soucié - pour ne pas dire qu'on s'est assis dessus - de l'ancien SDAURIF, le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, en laissant se développer, et ce à coup de dérogations, des constructions au voisinage, voire dans l'antériorité d'un certain nombre de cônes de bruit.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Mais non !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas moi !
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je n'accuse personne, je constate.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Venez habiter dans le Val-d'Oise !
M. Paul Girod. Par ailleurs, si j'analyse bien les cônes de bruit, tels qu'ils ont été définis voilà quelques années, ceux des pistes nord sont infiniment plus longs que ceux de la piste sud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Venez dans le Val-d'Oise et vous verrez ! Vous pourrez alors parler en connaissance de cause !
M. Paul Girod. Mon cher ami, puis-je me permettre de vous répondre que 60 % des gens qui se plaignent aujourd'hui de ces nuisances se sont installés après la construction de l'aéroport !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Ce n'est pas vrai !
M. Paul Girod. Ceux qui se plaignent sont à l'image de ceux qui achètent une résidence secondaire dans ma région et qui, le dimanche, protestent parce que, au petit matin, un coq chante dans la cour de la ferme d'à côté !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est ridicule, on ne peut pas comparer le bruit d'un avion au chant d'un coq !
M. Paul Girod. Devant de tels excès, nous avons tous des examens de conscience à faire, mais ce n'est pas en s'affrontant que l'on résoudra le problème.
Deuxièmement, monsieur le ministre, le fameux cône de bruit des pistes sud a été calculé très court vers l'ouest pour des raisons qui restent mystérieuses pour tous ceux qui sont aujourd'hui confrontés à l'affolement généralisé des populations. Je ne parle même pas de l'action d'un certain nombre de pêcheurs en eaux troubles dont je commence à me demander, dans le sud de l'Aisne en particulier, s'ils ne sont pas en train d'essayer d'affoler l'ensemble des propriétaires locaux de maisons ou de terrains pour obtenir des baisses immédiates, susceptibles de procurer à des intervenants bien avisés quelques plus-values futures sur lesquelles il faudra un jour s'interroger.
Alors, monsieur le ministre, il faut sortir de l'ambiguïté ! Il faut maintenant que l'on sache très vite quels sont les sites retenus.
Vous avez dit qu'on y verrait plus clair au mois d'avril. Pour être franc, on ne peut plus attendre jusqu'au printemps. Nous devons savoir très vite au moins quelle est la liste des sites à l'étude. Je ne peux pas continuer à voir dans mon propre département circuler des documents dont on me dit qu'ils sortent de Matignon - je suis persuadé que c'est faux - dans lesquels on voit des périmètres d'aéroport qui ne sont même pas est-ouest, mais sud-ouest - nord-est, dans lesquels on nous explique que tout est déjà pratiquement arrêté.
Il faut, monsieur le ministre, que votre ministère mette de l'ordre dans les informations qui circulent et qu'un certain nombre de démentis ou tout au moins de mises au point soient faites le plus vite possible. Nous sommes actuellement en face d'une dégradation de la situation psychologique sur au moins deux arrondissements du département de l'Aisne dans lesquels on ne peut pas continuer à vivre dans ce climat encore quelques mois, je vous le dis comme je le pense. C'est une des raisons pour lesquelles, en dehors des deux autres, je tenais à intervenir dans ce débat car, honnêtement, je suis très préoccupé de la dégradation de la situation dans ce secteur.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Quel mépris du voisin !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord remercier les deux rapporteurs, MM. Le Grand et Collin, et louer la qualité de leurs rapports, qui témoigne de leur bonne connaissance du transport aérien de leur fidélité au transport aérien.
Je ne peux qu'adhérer au tableau qu'a brossé M. Le Grand de la croissance du transport aérien - vous avez été plusieurs à le dire - et du redressement des entreprises. Ce point n'est pas négligeable pour moi parce qu'on peut ainsi mesurer l'évolution qui s'est produite depuis trois ans notamment. C'est mon quatrième budget en qualité de ministre. Cette évolution est réelle. Vous avez bien fait de le souligner. Elle ne correspond pas aux prévisions qui prévalaient à l'automne 1997, lorsque je présentais mon premier budget.
Comme l'ont rappelé vos rapporteurs et M. Plancade, le transport aérien se développe fortement, de l'ordre de 5 % à 6 % par an. Les résultats d'Air France sont bons. Ils viennent d'être publiés et ils sont très positifs. Personne ne pensait que cette entreprise, en déclin voilà quelques années, qui supprimait des emplois, qui était menacée de liquidation, pourrait passer des alliances. Tout cela est aujourd'hui démenti. Cette entreprise publique, certes ouverte et modernisée, confirme qu'elle est capable de se développer.
Les résultats de l'industrie aéronautique sont bons, vous l'avez souligné, et les perspectives aussi.
Le seul point faible porte sur les petites compagnies de transport aérien dont certaines, en métropole et outre-mer, se trouvent dans des situations financières délicates. M. Le Grand y a fait allusion, et je partage cette préoccupation.
La situation du transport aérien français évolue vers des regroupements autour d'Air France d'une part, ou autour d'AOM et Air Liberté d'autre part, qui dépendent aujourd'hui de Swissair.
MM. Le Grand et Plancade craignent que ces regroupements ne conduisent à la suppression de lignes régionales. C'est une question, même si aucun phénomène d'ampleur généralisée n'a jusqu'à présent été constaté. Des suppressions de ligne peuvent affecter certaines liaisons. C'est le cas en Normandie mais aussi à Clermont-Ferrand, comme cela a été dit. Une concertation est en cours à ce sujet entre la compagnie et les élus. Sachez que j'observe attentivement ces évolutions.
Pour autant, ne me demandez pas - ou alors dites-le franchement - d'administrer les entreprises, y compris quand elles sont publiques. Ce n'est pas l'intention du Gouvernement.
Il faut savoir ce qu'on veut. Ce sont des entreprises publiques. Au conseil d'administration d'Air France siègent six représentants administrateurs de l'Etat et six représentants du personnel. C'est un événement, qui a d'ailleurs été quelque peu retardé, notamment en raison de la position du Sénat.
La compagnie Air France s'administre pour se développer, se défendre sur la base de divers critères. C'est là que peut intervenir l'actionnaire public qu'est l'Etat.
La croissance du trafic aérien se traduit nécessairement par des créations d'emplois. En 2001, le budget annexe de l'aviation civile verra la création de 429 emplois, dont 216 seront d'ailleurs consacrés à la résorption de surnombres, c'est-à-dire des postes existants mais qui n'étaient pas affectés. Il permet également de pallier les départs en retraite, de prendre en compte l'évolution des qualifications, et de lutter contre les problèmes de retard dont vous avez parlé. J'y reviendrai, M. Plancade a d'ailleurs insisté sur ce point à juste raison.
Monsieur Collin, vous avez évoqué le surbooking, la surréservation en français. Pour moi, c'est une pratique absolument insupportable, mais c'est à l'échelle de l'Europe au moins et sûrement à l'échelle du monde qu'il faut faire évoluer les choses.
J'ai également le sentiment qu'il faut à la fois développer et défendre les droits des passagers, y compris, monsieur Paul Girod, lorsqu'il s'agit d'une personne qui s'apprête à partir en vacances et qui se retrouve dans cette situation. Cela peut être vrai pour les sénateurs qui veulent arriver à l'heure, surtout compte tenu des horaires très précis auxquels vous êtes maintenant astreints, mesdames, messieurs.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Même à un train de sénateur !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela peut avoir de très graves conséquences. C'est une pratique inadmissible et, à la limite, une pratique qui méprise l'usager. C'est ainsi que j'ai porté l'affaire à l'échelle européenne en tant que président en exercice du conseil des ministres des transports européens. Mais je pense que si les usagers ont des droits, ils ont aussi des devoirs qu'ils doivent accepter.
Les compagnies ne pratiqueraient pas la surréservation si certains passagers ne prenaient pas, pour de simples convenances d'horaire, des réservations sur cinq, six, voire sept vols.
La bonne situation du transport aérien ne pourra se maintenir que par une politique volontariste des pouvoirs publics dans plusieurs domaines.
En ce qui concerne la politique industrielle, monsieur Collin, vous m'avez félicité, avec l'humour qui vous caractérise, des évolutions du statut de l'industrie aéronautique.
J'étais au Gouvernement lorsque s'est constituée la compagnie EADS, qui résulte de la fusion de deux compagnies privées allemande et espagnole avec une compagnie française, qui était elle-même le résultat d'une fusion entre une compagnie publique, Aérospatiale, et une compagnie privée, Matra. Comment voulez-vous qu'au bout du compte une telle fusion se traduise par une entreprise ayant un capital public majoritaire ? Si c'est ce que vous me reprochez...
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je ne vous reproche rien, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Permettez-moi de vous faire remarquer que votre humour était assez perfide.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Pas du tout !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je retire le mot « perfide ».
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Je vous ai même félicité et j'étais sincère !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je me suis battu, y compris au sein du Gouvernement. Lorsque le Premier ministre, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de la défense et moi-même avons débattu de ces questions, nous avons veillé à ce que la France ait toute sa place dans ce dispositif.
Ce qui se passe avec l'A3XX, le développement des capacités d'Airbus, y compris la perspective d'implantation de son siège social à Toulouse n'est pas sans liaison avec cette action et mon intervention dans ce domaine.
La création de la société EADS associant le Français Aerospatiale-Matra, l'Allemand DASA et l'Espagnol CASA, confortée par l'accord conclu par la suite entre EADS et l'Italien Finmeccanica, et la transformation du statut de GIE d'Airbus Industrie en société de plein exercice, associant notamment EADS et British Aerospace, sont des facteurs décisifs de cette transformation.
Le développement de l'industrie aéronautique bénéficie de soutiens importants, tant en ce qui concerne la recherche qu'en matière de nouveaux produits.
Je ne reviens pas sur le montant des avances remboursables qui, vous le savez, seront pour une large part destinées au nouvel avion très gros porteur A3XX, ainsi qu'au moteur de la SNECMA et au nouveau Falcon de chez Dassault. Parfois, on néglige ces affectations. C'est d'ailleurs le cas dans vos interventions, me semble-t-il. Par ailleurs, la décision de lancement par Airbus de l'A3XX est, je crois, tout à fait imminente.
Je puis vous dire, monsieur Collin, que le Royaume-Uni et l'Espagne ont déjà décidé de verser des avances remboursables. Quant à l'Allemagne, à la suite de la rencontre franco-allemande de Vittel, celle-ci a annoncé qu'elle se ralliait à la position commune en faveur des avances remboursables. Nous sommes dans le cadre de l'accord de 1992 conclu entre l'Europe et les Etats-Unis sur le financement de ce genre de situations.
Vous me demandez, monsieur Collin, quel est le taux de consommation des avances remboursables pour l'A3XX : je vous réponds franchement, et je vais vous étonner : zéro !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Ah bon !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En effet, l'A3XX n'est pas encore lancé !
Pourquoi avons-nous inscrit des crédits dans le budget au titre des avances remboursables ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. C'est la question !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En agissant ainsi, nous avons voulu montrer l'engagement de la France. En choisissant cette démarche, nous vous avons permis, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'ensemble des parlementaires, de contribuer à lever toutes les hésitations qui pouvaient planer sur le rôle de la France dans le lancement de l'A3XX.
Les crédits prévus en 2000 à cet effet - 240 millions de francs en autorisations de programme - seront reportés sur 2001.
En matière aéroportuaire, la politique préconisée dans les propositions de schémas de services collectifs « transport », consiste à rechercher une meilleure utilisation des aéroports existants et à envisager la construction de nouvelles infrastructures.
Toutes les études convergent sur le fait que la limite de trafic qu'il est raisonnable de prévoir, notamment pour des raisons d'environnement, pour les aéroports existant en région parisienne sera atteinte avant dix ans, à une échéance plus rapprochée, disent certains, que l'échéance prévue lorsque la décision avait été prise de construire deux doublets de pistes sur l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.
Le Gouvernement a donc adopté une politique aéroportuaire globale, fondée sur le développement d'un réseau de plates-formes complémentaires à l'échelle nationale.
Dans ce cadre, grâce aux plates-formes de Notre-Dame-des-Landes entre Nantes et Rennes ou de Lyon-Saint-Exupéry, par exemple, les relations aériennes des grandes aires métropolitaines seront facilitées avec les principaux pôles européens ou mondiaux.
En complément de ces mesures, une plate-forme à vocation internationale est nécessaire pour le Bassin parisien.
Des études sont engagées sur la configuration du projet et sur les sites. Si vous me demandez, monsieur Paul Girod, de vous dire tout de suite quel site sera choisi, je ne pourrai pas le faire, puisque, justement, l'implantation de ce nouvel aéroport est à l'étude.
Nous avons dit que trois régions étaient susceptibles d'accueillir ce nouvel aéroport du grand Bassin parisien : les régions Picardie, Centre et Champagne-Ardenne.
Il faut choisir le site le plus favorable, celui qui présente le moins de risques, du point de vue de l'environnement urbain notamment, et il ne faut pas faire les erreurs qui ont pu être faites auparavant.
Il faut aussi penser aux liaisons entre les trois aéroports, entre Orly, Roissy et ce troisième aéroport dont on parle.
Il faut tenir compte également de ce qui se passe dans le ciel, car il ne faut pas croire qu'on peut tout faire passer n'importe où, n'importe comment.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Mais le travail avait été fait par la mission Douffiagues !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous savez bien comment cela marche ! Chaque avion est dans une « boîte à chaussures virtuelle » et il est impératif qu'aucune ne touche l'autre.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. La comparaison est audacieuse !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai utilisé cette comparaison en conseil des ministres, et elle a été très appréciée ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Nous avons un ministre pédagogue !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur Le Grand, vous avez évoqué la question de l'urbanisation aux abords des aéroports. Ce sujet est difficile.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Oui.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous aviez déjà évoqué cette question lors d'un précédent débat au sujet des vieux bourgs situés à proximité des aéroports. Nous devons apporter - en tout cas pour le nouvel aéroport - des solutions ambitieuses et protectrices pour les populations.
En matière d'environnement, le Gouvernement souhaite, avec les riverains et les élus, un contrôle démocratique des engagements - et j'en ai pris - et une garantie de l'indépendance du contrôle des nuisances.
C'est dans cet objectif que vous avez voté la loi qui a conféré à l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires un pouvoir de recommandation et de contrôle, y compris de sanction, sur toute question relative à la maîtrise des nuisances sonores autour des aéroports.
Cette autorité est en place et commence à travailler. Un de ses premiers dossiers sera celui de la réorganisation de la circulation aérienne en région parisienne. Cette question est extrêmement sensible parmi les populations et les élus.
Je puis vous dire qu'une information précise, détaillée, sera très prochainement diffusée. En effet, il faut éviter qu'il ne se dise tout et n'importe quoi et que certains profitent des fantasmes qui peuvent se créer. Mais il existe aussi de vrais problèmes. Je vais donc veiller à ce qu'il y ait une information rapide et précise.
Il est bien évident que les pistes ne seront pas orientées Nord-Sud. M. Pierre Graff, directeur général de l'aviation civile, ne pourrait que me confirmer que même les changements climatiques ne laissent pas prévoir que cela soit possible à l'avenir.
Venons-en au projet de budget. Je souhaite tout d'abord faire justice d'une affirmation de M. Collin selon laquelle ce budget ne serait pas sincère : certaines charges, tel le financement du futur protocole avec les contrôleurs aériens, ne seraient pas inscrites au budget. Il est sincère comme je le suis !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. C'est ce qui nous inquiète.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous l'êtes assurément plus que le budget ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si cela ne dépendait que de moi, vous seriez totalement rassurés.
Comme vous le savez, les modifications indemnitaires et statutaires, l'évolution des emplois, l'adaptation de l'organisation du travail figurent, pour l'aviation civile, dans des protocoles conclus pour une durée de trois ans et non pour un budget. Le protocole de 1997 est arrivé à expiration ; des discussions se déroulent sur l'élaboration de celui qui couvrira la période 2001-2003.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Il risque d'y avoir des blocages en 2001 !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. A la date d'élaboration du budget, on ne pouvait prévoir les dépenses correspondantes.
A cet égard, je vais peut-être vous faire une révélation : les discussions se sont terminées ce matin à huit heures, avec l'adoption d'un nouveau protocole qui a reçu l'accord d'un grand nombre de syndicats.
Les arbitrages nécessaires auront lieu pour que les engagements soient financés en 2001 sans affecter les grandes masses qui conditionnent le budget annexe.
J'ai été interrogé sur les contrôleurs : temps de formation initiale, quatre à cinq ans ; formation après mutation, quinze à vingt ans ; demandes de mutation acceptées au bout de trois ans de service ; durée moyenne d'affectation dans un poste, huit à onze ans, mais il faut dire que de fortes variations interviennent entre le Nord et du Sud, région très recherché.
M. le rapporteur spécial s'étonne que les compagnies aériennes ne soient pas associées aux négociations sociales. Il en a toujours été ainsi pour mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, et pour cause.
L'existence d'un budget annexe permet d'associer les compagnies aériennes aux choix budgétaires. Au niveau d'Eurocontrol, les compagnies peuvent s'exprimer au sein de la commission, du conseil provisoire et au comité élargi des redevances de routes.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur Collin, la proposition de loi de M. le député Migaud concernant la réforme des lois de finances. Bien sûr, dans cette proposition est évoquée la suppression des budgets annexes. La réforme des procédures budgétaires, tout à fait nécessaire, ne doit pas servir de prétexte ou de paravent à des évolutions dictées par des présupposés idéologiques. Le budget annexe, outil de gestion plus efficace et plus transparent que le budget général, est en lui-même un des « programmes » que vise à mettre en place la proposition Migaud.
M. Le Grand et M. Lefevre ont évoqué la terrible catastrophe du Concorde. Je voudrais réaffirmer ici mon attachement à la reprise des vols du Concorde dès qu'il sera confirmé que l'enchaînement ayant conduit à une telle catastrophe ne peut se reproduire.
Le travail que mènent actuellement les administrations et les industriels donne à espérer que des mesures permettant d'assurer la sécurité dans des conditions satisfaisantes pourront être prochainement arrêtées et mises en oeuvre dans un délai raisonnable. Nous y travaillons avec nos homologues britanniques et, comme M. le rapporteur, je suis prêt à saluer ici le travail du bureau enquêtes accidents.
La sécurité et la régularité des vols sont deux objectifs principaux.
Monsieur le rapporteur, vous soulignez l'augmentation de 35 % des crédits de fonctionnement de la navigation aérienne entre 1994 et 2001. Mais, dans le même temps, le trafic traité s'est accru de 54 %. Les gains de productivité ont permis de réduire de près de 19 % en francs courants le taux unitaire national. De plus, c'est entre 1997 et 2001 que l'essentiel de ces gains de productivité a été réalisé.
Les transporteurs aériens souhaitent que la croissance des crédits d'investissement soit encore plus rapide.
L'année 2000 est marquée par une réduction sensible des retards, quoique je pense, comme vous, qu'il faut continuer à mener cette bataille pour les réduire encore.
L'analyse des retards dits « en chaîne » sur certaines liaisons intérieures importantes montre que les problèmes de congestion de l'espace aérien représentent entre 30 % et 50 % de toutes les causes de retard. Mais il n'y a pas seulement la navigation qui est en cause, il y a aussi les compagnies, les aéroports et la coordination à l'échelle européenne ; c'est sur tous ces éléments qu'il faut agir.
Il faut aussi reconsidérer les rapports entre civils et militaires de façon que tout soit fait pour que l'aviation civile, qui se développe, dispose de l'espace nécessaire pour faire circuler ses avions. C'est une question difficile à régler, mais nous y travaillons, dans de très bonnes conditions, avec M. Alain Richard, mon collègue de la défense.
M. Paul Girod a abordé ces sujets, il a eu tout à fait raison de le faire. J'y suis, moi aussi, très attentif, y compris à l'échelle européenne. Toutefois, je ne crois pas, comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, que c'est par la séparation de l'opérateur et du régulateur dans la navigation aérienne que nous résoudrons les problèmes. Au contraire, il s'agit de mieux coordonner, de régler des problèmes techniques majeurs. C'est pourquoi nous créons plus de postes de contrôleurs du ciel. En tout cas, je ne pense pas qu'il suffise de libéraliser ou de privatiser pour que les choses marchent mieux. La vie a montré que ce n'était pas toujours évident.
La situation de la France s'est améliorée en matière de retard. En effet, la part de la France dans le volume européen des retards liés à la circulation aérienne a diminué ces deux derniers mois, tombant à environ 15 % du total seulement, ce qui est une très bonne performance. Les projets de la Commission européenne doivent être examinés avec attention.
En réaction à l'accroissement des retards des vols constaté en 1999, la Commission européenne a présenté au conseil des ministres une communication sur le contrôle aérien en Europe, relative à la création du « ciel unique européen ». Sur ce thème, la Commission a constitué un groupe de réflexion à haut niveau.
Le Conseil européen va devoir prendre position au premier semestre 2001 sur ces propositions. J'ai demandé que la présidence française évoque ce sujet dans trois semaines au conseil des ministres des transports européens.
Au demeurant, comme je l'ai toujours dit et comme le montrent les résultats de l'année 2000, les solutions pour faire face à l'accroissement du trafic sont essentiellement de nature technique. Ces actions ne nécessitent pas une augmentation de la pression fiscale, monsieur le rapporteur.
L'augmentation du trafic permet en effet d'accroître les recettes sans affecter les grands équilibres du budget annexe. A cet égard, j'entends consolider la baisse des tarifs des redevances qui a été réalisée ces dernières années.
Par ailleurs, les taux de la taxe de l'aviation civile seront maintenus au même niveau que ceux qui ont été votés l'année dernière et l'année précédente. Les fourchettes de la taxe d'aéroport perçue au profit des gestionnaires d'aéroport ne sont pas modifiées.
M. Collin s'est inquiété de l'endettement du budget annexe. Je peux le rassurer : d'ores et déjà, l'endettement net de 4,5 milliards de francs en 1998 est stabilisé et il sera un peu réduit en 2000, ce qui va donc dans le bon sens.
Je voudrais enfin indiquer que le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien - le FIATA - reste toujours un outil d'aménagement du territoire. En effet, aux vingt-et-une liaisons exploitées à ce jour s'ajouteront d'autres lignes pour lesquelles des dossiers ont été présentés ou sont en voie de l'être.
Les dépenses du FIATA, monsieur Lefebvre, augmenteront de 50 % par rapport à 2000 alors que l'on doit constater une baisse des crédits de ladite ligne budgétaire. Cette augmentation est essentiellement due à des reports de crédits d'un total de 170 millions de francs.
Cette situation résulte des premières décisions prises lors de la création du fonds de péréquation du transport aérien, le FPTA : le montant de la taxe avait été fixé à un niveau supérieur aux besoins. Il en ira de même avec la prise en charge en 1999 des dépenses de sécurité incendie et de sûreté par le FTPA. Les crédits votés se sont révélés excédentaires.
En fin de compte mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que vous devriez tous pouvoir voter ce budget, qui est un bon budget en progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le transport aérien et la météorologie, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 213 286 420 francs. »