SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Jeunesse et sports (p. 2 )

MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme Hélène Luc, MM. Marcel Vidal, Max Marest, Rémi Herment, Serge Lagauche.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Crédits des titres III, IV et V. - Adoption (p. 3 )

Crédits du titre VI (p. 4 )

M. Alain Joyandet, Mme le ministre.
Adoption des crédits.

Suspension et reprise de la séance (p. 5 )

Emploi et solidarité


III. - VILLE (p. 6 )

MM. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Roland Muzeau, Mmes Gisèle Printz, Nelly Olin, MM. Gilbert Chabroux, Daniel Eckenspieller.
MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Gérard Larcher, rapporteur pour avis.

Crédits du titre III (p. 7 )

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
Rejet des crédits.

Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p. 8 )

Suspension et reprise de la séance
(p. 9 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

Communication (p. 10 )

MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la communication audiovisuelle ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la presse écrite ; Ivan Renar, Mme Danièle Pourtaud, MM. Louis de Broissia, Rémi Herment, Jean Boyer, Pierre Laffitte, Henri Weber.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.

Article 46 (p. 11 )

M. Jack Ralite.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

Mme Hélène Luc.
Amendement n° II-17 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le ministre, M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 46 (p. 12 )

Amendements n°s II-29 rectifié de M. Paul Blanc et II-33 de M. Alain Joyandet. - MM. Paul Blanc, Louis de Broissia, le rapporteur spécial, Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis ; Mme le ministre, MM. Pierre Laffitte, Yann Gaillard, Mme Danièle Pourtaud, M. Ivan Renar. - Retrait de l'amendement n° II-29 rectifié ; adoption de l'amendement n° II-33 insérant un article additionnel.
Amendements n°s II-30 à II-32 de M. Paul Blanc. - Retrait des trois amendements.
Amendement n° II-36 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur spécial, Mme le ministre. - Retrait.

Lignes 40 et 41 de l'état E. - Rejet (p. 13 )

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

I. - Services généraux (p. 14 )

Vote des crédits réservé.

Culture (p. 15 )

MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Mme Danièle Pourtaud, MM. Jacques Legendre, Rémi Herment, Jean Boyer, Pierre Laffitte, Jack Ralite, Marcel Vidal, Louis de Broissia.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.

Crédits du titre III (p. 16 )

M. Jack Ralite.
Adoption des crédits.

Crédits du titre IV (p. 17 )

MM. Jack Ralite, Ivan Renar.
Adoption des crédits.

Crédits du titre V (p. 18 )

M. Jack Ralite.
Adoption des crédits.

Crédits du titre VI (p. 19 )

M. Jack Ralite.
Adoption des crédits.

3. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 20 ).

4. Ordre du jour (p. 21 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92 (2000-2001).]

Jeunesse et sports



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la jeunesse et les sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits budgétaires de la jeunesse et des sports s'élèvent à 3,4 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2001, en hausse de 3,8 % à périmètre constant, soit un taux légèrement supérieur à celui des années précédentes.
Je rappelle que les moyens attribués à la jeunesse et aux sports comprennent également deux comptes spéciaux du Trésor : le Fonds national pour le développement du sport, le FNDS, et le Fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA.
Le projet de loi de finances prévoit que les recettes du FNDS pourraient atteindre 1,2 milliard de francs, compte tenu de l'intégration du fonds de mutualisation issu de la contribution de 5 % sur la vente des droits de retransmission télévisée. D'après les informations dont je dispose, les sommes recueillies à ce jour sont largement inférieures aux prévisions de recettes de 75 millions de francs pour l'année 2000. Il est vrai que les droits de retransmission des manifestations internationales, en particulier des jeux Olympiques, ne sont pas soumis au prélèvement. Je souhaiterais donc connaître les montants perçus à ce jour, et, s'ils sont effectivement inférieurs aux prévisions, savoir comment vous ferez, madame la ministre, pour que le FNDS perçoive effectivement les recettes prévues pour 2001, recettes dont le sport a tant besoin.
Sans m'étendre trop longuement sur ces comptes spéciaux du Trésor, dont le rapporteur spécial est notre collègue M. Paul Loridant, je souhaite également me féliciter des suites que vous avez données, madame la ministre, au rapport sur le FNDS que nous avons « commis » ensemble. Des réformes significatives afin d'améliorer les modalités de fonctionnement du FNDS ont été engagées, dans le sens que nous avions indiqué. Les mesures prises demeurent à ce stade insuffisantes pour clarifier définitivement les actions dont le financement relève du FNDS et celles qui relèvent du budget du ministère, ainsi que pour accélérer l'engagement des dépenses d'investissement. Ces mesures témoignent cependant d'une évidente volonté de transparence et de rénovation des modalités de financement des équipements sportifs, que votre rapporteur appelle de ses voeux. Je rappelle à ce sujet que les besoins en matière de remise à niveau des équipements sportifs sont considérables, et méritent un effort accru et planifié de la part de l'Etat. Un premier effort doit être signalé afin de programmer les crédits de paiement de manière plus conforme à l'exécution budgétaire.
Le FNDS, dont l'existence est régulièrement remise en cause, ne pourra assurer sa pérennité que s'il s'affirme comme un apport singulier et complémentaire du budget du ministère pour financer le sport dans notre pays. S'il ne constitue qu'un appendice du budget du ministère, il perdra alors toute sa légitimité.
Madame la ministre, votre projet de budget pour l'année 2001 s'inscrit très nettement dans la continuité des années précédentes. Les mesures nouvelles soulignent en effet votre volonté de poursuivre une politique dont les axes prioritaires sont l'insertion sociale et professionnelle par le sport, la moralisation de la pratique du sport de haut niveau, le développement de l'éducation populaire et du dialogue avec les jeunes.
Tout d'abord, la dimension sociale du sport est constamment réaffirmée.
Les dispositifs mis en oeuvre en faveur de l'accès au sport pour tous et en faveur de l'emploi dans les associations sportives connaissent un succès remarquable, qui nécessite une croissance des crédits qui y sont affectés.
L'aide aux associations par l'emploi constitue également un complément intéressant à la politique de subventions. Je pense que ces dispositifs doivent être accompagnés par un soutien accru au bénévolat, notamment la mise en place d'un véritable statut du bénévole, qui est demandé depuis plusieurs années par les associations sportives et qui commence à être ébauché.
La formation bénéficie également de crédits nouveaux, destinés en particulier aux emplois-jeunes dans le secteur de la jeunesse et des sports. Votre ministère s'est donné dès l'origine l'ambition de pérenniser les emplois créés, qui correspondent souvent à un véritable besoin de la part des fédérations et des associations sportives. On peut considérer que les efforts demeurent insuffisants à ce stade, il convient néanmoins de saluer comme il se doit cette volonté.
Le projet de budget pour 2001 traduit enfin un développement des actions en faveur de la jeunesse, qui nous rappelle que vous n'êtes pas que la ministre des sports. Le réseau d'information jeunesse est modernisé afin de répondre mieux aux demandes des jeunes, en proposant notamment des accès libres au réseau Internet. Votre ministère contribue ainsi à réduire la « fracture numérique » évoquée avec justesse par les plus hautes autorités de l'Etat.
Le dialogue avec les jeunes est institutionnalisé avec la mise en place dans toute la France de conseils de la jeunesse. Cette initiative ne porte pas encore tous ses fruits, mais elle constitue un vecteur intéressant pour prendre en considération les revendications des jeunes et pour les inciter à participer davantage à la vie publique.
Enfin, pour revenir au sport, la lutte contre le dopage est renforcée, afin de mettre en application les dispositions prévues par la loi du 23 mars 1999, dont je souhaite d'ailleurs que les derniers décrets d'application entrent en vigueur rapidement. Chacun constatera que la France se situe en pointe sur ce sujet, tant sur le plan de la recherche médicale que du point de vue du discours politique, au niveau national, européen et international. Le suivi médical des sportifs de haut niveau, dont la généralisation est prévue pour 2001, permettra de répondre à la double nécessité de protéger la santé des sportifs et de moraliser la pratique sportive de haut niveau. Madame la ministre, il me semble que nous ne pouvons que soutenir votre fermeté face au laxisme de l'Union cycliste internationale, pour ne prendre qu'un événement tout à fait récent.
Je voudrais revenir un instant sur un élément dont la récurrence dans le budget de la jeunesse et des sports année après année ne signifie rien de bon : en 2001, le ministère devra encore verser une indemnité compensatoire de 76 millions de francs au consortium qui exploite le Stade de France, en l'absence de club résident. Je ne puis que déplorer le fait que ce magnifique équipement ne soit pas utilisé régulièrement par un club ; je pense que la recherche d'une solution devient de plus en plus urgente, même si la venue d'un club résident semble sans espoir.
Le Stade de France, qui restera à jamais dans nos esprits comme le temple du football, me conduit également à évoquer la question du financement du sport professionnel, du football en particulier. Les réformes du système des transferts de joueurs de football envisagées par la Commission européenne peuvent avoir des conséquences considérables, sur le plan tant sportif que financier.
Je souhaite que vous nous rappeliez, madame la ministre, les positions qui sont les vôtres.
Dans ce débat, il convient, me semble-t-il, de préserver le système français axé sur la formation et l'équilibre financier de nos clubs, mais également de maintenir une compétitivité mise à mal au niveau européen.
J'ajouterai quelques mots pour féliciter les sportifs qui ont obtenu de très bons résultats à Sydney : 38 médailles et 242 finalistes. Mais ces résultats, il faut l'avouer, ont été contrastés : à côté des valeurs sûres que sont le cyclisme sur piste, le judo et l'escrime, à côté des bonnes surprises du basket-ball et de la boxe, il faut bien reconnaître qu'un sport fondateur des jeux Olympiques, l'athlétisme, a connu un revers cinglant. Une réorganisation profonde de cette fédération, dont je crois savoir qu'elle est déjà programmée, me semble indispensable afin d'envisager de nouveaux rapports entre les sportifs, leurs agents, leurs entraîneurs et l'encadrement technique.
La commission des finances, madame la ministre, a considéré que le budget que vous nous présentiez était un bon budget et elle a décidé de proposer au Sénat de voter les crédits du ministère de la jeunesse et des sports. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de la jeunesse et des sports est en progression, à structure constante, de 3,75 %. Cela porte à 3,4 milliards de francs les moyens dont vous disposez, madame le ministre, pour mener à bien vos actions.
Ces crédits sont complétés par ceux qui figurent sur deux comptes d'affectation spéciale : le Fonds national de développement de la vie associative, le FNDVA, dont les crédits sont estimés à 40 millions de francs, ce qui correspond à la reconduction des ressources de l'année dernière, et le Fonds national de développement du sport, le FNDS, dont les crédits devraient s'établir à 1 199 millions de francs, soit une hausse de 10 %, grâce, notamment, à l'extension en année pleine du prélèvement sur les droits de diffusion télévisuelle. J'ai noté que les 150 millions de francs qui sont attendus de celui-ci doivent bénéficier aux associations sportives locales.
Au total, les moyens dont vous disposez, madame le ministre, s'élèveront à un peu plus de 4,6 milliards de francs. Ils sont en progression de 5,3 % par rapport à l'année 2000.
Les moyens en personnel de votre ministère sont accrus, avec la création nette de vingt-trois emplois dont quinze contrats supplémentaires de préparation olympique et de haut niveau. Les moyens mis à la disposition du mouvement associatif seront également renforcés par la création de cent nouveaux postes au titre du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, FONJEP.
La revalorisation de la prise en charge par l'Etat des postes FONJEP, qui est portée de 45 000 à 47 000 francs, était nécessaire, car aucune modification n'était intervenue depuis 1993.
Madame le ministre, les quelques minutes dont je dispose ne me permettront pas d'aborder, même succinctement, chacune des huit priorités que vous avez exposées devant notre commission des affaires culturelles. Je devrai donc me borner à souligner deux ou trois points qui soulèvent des questions importantes, et sur lesquelles vous pourrez nous apporter des éclaircissements.
Nous sommes convaincus, comme vous, madame le ministre, de la nécessité de lutter contre le dopage, qui dénature les compétitions sportives. Nous avons soutenu vos initiatives, mais nous nous inquiétons des retards pris dans la mise en place des dispositifs prévus par la loi du 23 mars 1999.
Ainsi, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, constitué dès le 15 juin 1999, a dû attendre près d'un an la publication du décret qui lui permet d'assumer effectivement sa mission de régulation, mais il ne peut toujours pas exercer sa mission de veille scientifique.
Je souhaiterais que vous précisiez si la mise en place de certaines des 24 antennes médicales de lutte contre le dopage pourra effectivement intervenir avant la fin de l'année, et si une partie des 13 millions de francs de mesures nouvelles inscrites au projet de budget de l'année dernière à cette fin pourra être engagée.
J'ai noté que le projet de budget pour 2001 prévoit deux mesures nouvelles significatives : 2 millions de francs sont destinés à renforcer le nombre des contrôles effectués par le laboratoire national de dépistage et 18 millions de francs supplémentaires sont prévus pour étendre le suivi médical des sportifs de haut niveau. En revanche, l'extension du suivi médical aux jeunes licenciés inscrits dans les filières de haut niveau bute sur l'absence de définition réglementaire de ces filières.
Le sport de haut niveau pose aujourd'hui un autre problème : celui de la réforme du système de transfert des footballeurs.
Le système actuel, qui a débouché sur une inflation des indemnités, n'est pas tenable. La Commission de Bruxelles estime d'ailleurs qu'il n'est pas conforme à la législation européenne en matière de libre concurrence et de libre circulation des personnes. La pression qu'elle exerce pourrait, en outre, être renforcée par l'arrêt que doit prochainement rendre la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire « Tibor Balog ».
Les instances internationales du football ont fait connaître leurs propositions ; il importe d'aboutir rapidement à une situation de sécurité juridique qui soit acceptable pour les joueurs et pour les clubs, et qui respecte le droit communautaire sans renier la spécificité du sport.
Le rapport que vous devez nous remettre ces jours-ci sur la situation du sport professionnel nous éclairera-t-il sur les données de ce dossier ?
Madame la ministre, nous nous interrogeons aussi sur le devenir des emplois-jeunes. Votre ministère a favorisé la création de 47 800 emplois, dont près de 29 000 dans le secteur associatif et 15 000 dans les collectivités locales. Ces structures seront-elles en mesure de conserver ces emplois une fois qu'elles ne seront plus aidées ?
Au cours de votre audition devant la commission des affaires culturelles, vous nous avez indiqué qu'il conviendrait de chercher des relais vers les entreprises et les collectivités locales. Mais ces dernières, vous le savez madame le ministre, paraissent déjà très sollicitées. Malgré le renforcement de la formation de ces jeunes, bien des efforts restent à accomplir pour effectuer une sortie en bon ordre du plan emploi-jeunes.
Madame la ministre, vous connaissez le rôle crucial joué par les bénévoles dans le fonctionnement des clubs sportifs et la vie associative en général. Vous avez entrepris la publication d'un « guide du bénévole », qui recense utilement les dispositions existantes, mais je souhaite que vous alliez plus loin et plus vite, si possible, pour trouver des solutions aux problèmes de responsabilité et d'assurance auxquels ils sont souvent confrontés.
Je crois également que nous devrions encore amplifier les mesures permettant l'accès aux activités sportives des personnes handicapées, et nous inspirer de l'exemple que nous a montré l'Australie à l'occasion des jeux Paralympiques de Sydney.
Qu'il me soit permis de rendre hommage à notre nageuse aux sept médailles d'or, Béatrice Hess, et d'insister sur ses exploits, source d'espoirs et de joies pour beaucoup de handicapés. Il suffit de passer un moment avec elle pour être transporté dans un autre monde.
Je ne peux terminer mon intervention sans renouveler les réserves que j'avais formulées l'an dernier sur la variété des actions que vous nous avez annoncées. Elle sont certes sympathiques, mais je me demande si elles correspondent au meilleur emploi des moyens dont vous disposez, madame le ministre ; permettez-moi de continuer à en douter parfois.
Enfin, madame le ministre, je ne résiste pas à le dire : je déplore que certains journalistes tentent depuis quelque temps de mettre sur le compte du sport la montée de la violence constatée chez les jeunes. C'est aberrant et triste. Nous devons combattre cette idée et développer encore les activités sportives ; je compte sur vous.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires culturelles a souhaité s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la jeunesse et des sports pour 2001, mais je pense qu'ils seront adoptés, madame le ministre. (Applaudissements.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférences des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 20 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Pour la quatrième fois consécutive depuis que vous êtes en charge de la jeunesse et des sports, madame la ministre, votre projet de budget est en progression. Avec 3,7 % pour 2001, celle-ci est particulièrement nette et porteuse de réalisations nouvelles qu'au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen je tiens à saluer.
Nombreux, au-delà des clivages traditionnels, sont les élus et les acteurs du monde sportif et associatif à reconnaître l'ambition et le bien-fondé des actions que vous avez entreprises sur de nombreux terrains, que ce soit pour endiguer la vague de la marchandisation du sport, pour faire respecter l'éthique du sport, pour lutter contre le dopage ou pour redonner la voix et l'initiative à la jeunesse.
Ces questions sont multiples et complexes, mais votre engagement opiniâtre et constant permet de vaincre bien des résistances, d'ouvrir des chemins nouveaux tant en France qu'en Europe, dans un contexte délicat de pluralité d'approches et de convictions de nos partenaires qui, sans votre détermination, aurait pu être source d'immobilisme.
C'est dire si le domaine d'action de votre ministère prend une dimension et une échelle nouvelles. En effet, beaucoup était à reconstruire et à créer dans des sociétés où la place des activités sportives, que ces dernières soient organisées ou individuelles, compétitives ou purement désintéressées, est devenue très prégnante, sans parler du sport scolaire.
Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer l'impact des communions planétaires autour des événements du football, du tennis ou des jeux Olympiques, l'engagement des dizaines de millions de bénévoles et des pratiquants dans les clubs sportifs, les associations, ou à titre personnel. Voilà pourquoi l'aide aux clubs sportifs est très appréciée.
Aussi, et sans vouloir nécessairement établir de parallèle hâtif avec la cause culturelle, sur laquelle il est aussi nécessaire de s'interroger à nouveau, les deux grandes priorités de la jeunesse et des sports seraient, je crois, confortées grâce à une attention encore plus soutenue de notre majorité plurielle dont la traduction devrait être l'accession de votre budget à la barre symbolique du 1 % du budget de l'Etat.
A l'évidence, votre action mériterait, madame la ministre, que ce flambeau du 1 % soit à nouveau repris par toutes celles et tous ceux qui ont à coeur la mise en valeur de cette source d'épanouissement humain. D'ailleurs, le groupe du sport, en présence du président du Comité national olympique et sportif français, s'est exprimé en ce sens : « Le temps est venu de prendre une initiative nationale, et j'y participerai ».
A la lecture de votre projet de budget, deux grands axes se détachent très nettement : les crédits en faveur de la lutte contre l'exclusion et le soutien au développement des pratiques sportives.
La création de 100 nouveaux postes FONJEP vient rompre avec certaines mauvaises habitudes et permettra, même si l'effort se doit d'être poursuivi, d'améliorer les actions en direction de la jeunesse et de l'éducation populaire.
De même, vis-à-vis de la pérennisation des emplois-jeunes, votre ministère a mené de multiples actions innovantes, et nous nous félicitons de la progression de 60 % de l'effort de formation pour les jeunes recrutés sous cette forme.
Concernant le dopage, madame la ministre, j'ai évoqué tout à l'heure votre détermination, reconnue de tous, d'éradiquer ce phénomène, détermination qu'un quotidien du matin attestait, ces derniers jours, en titrant : « La ministre tient bon ». Je veux vous féliciter d'avoir été nommée représentante de l'Europe auprès de l'Agence mondiale antidopage.
De réels efforts ont été accomplis et je m'en félicite. Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur la nécessité qu'il y a à mettre en place des structures adaptées pour la lutte contre le dopage. Cela passe indubitablement par le développement de la médecine sportive à tous les échelons du mouvement sportif, sport amateur ou sport de compétition.
Dans la prochaine période et concernant le sport de haut niveau, j'approuve les efforts que vous entreprenez et dont vous nous parlerez.
La candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2008 mérite un soutien sans faille de l'ensemble de nos compatriotes. Aussi, attendons-nous beaucoup de la commission nationale qui doit se tenir sur ce thème le 20 décembre prochain. Là encore, madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous en dire davantage.
Par ailleurs, vous avancez l'idée d'un plan triennal pour la mise en conformité des centres de loisirs et de vacances avec hébergement, et avec de nombreux représentants des collectivités territoriales ; nous nous en félicitons. Les crédits d'équipement sont encore largement insuffisants, alors qu'ils pourraient aider les collectivités territoriales à rénover les piscines et les gymnases. C'est pourquoi ce plan triennal est nécessaire. Il permettra de programmer le financement et la réalisation des équipements. J'ai eu l'immense bonheur d'assister aux jeux Olympiques de Sydney. En plus du formidable spectacle des compétitions et de l'adhésion massive des Australiens, j'ai pu mesurer les apports de notre pays aujourd'hui à la reflexion et à l'initiative pour le développement futur du sport de haut niveau. Ce que vous avez entrepris depuis trois ans avec les acteurs concernés n'y est certainement pas étranger, madame la ministre.
Pour l'ensenble de ces raisons, notre groupe vous apportera son soutien résolu, en formulant le voeu d'une amplitude encore plus forte de votre budget pour la période à venir.
Je me réjouis que notre rapporteur, dont j'apprécie le rapport, et ses collègues s'en remettent à la sagesse du Sénat, laquelle, selon nos traditions, devrait, j'en suis persuadée, se traduire par un vote favorable. Ce sera un encouragement pour vous et pour la jeunesse.
Quant à moi, avec ces cinq minutes de temps de parole, j'ai l'impression d'avoir accompli un véritable Marathon ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar. Performance inédite !
M. le président. Cinq minutes... avec la bienveillance du président. (Nouveaux sourires.)
La parole est à monsieur Vidal. M. Marcel Vidal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la jeunesse et les sports constituent des enjeux considérables dans une société moderne, dont l'évolution justifie la force de votre engagement et celle de votre ministère.
Le projet de budget que vous présentez devant le Sénat et dont les crédits sont en progression de 3,8 % par rapport à l'exercice écoulé répond parfaitement, madame la ministre, à cette implication pour un mieux-être collectif.
Pour la troisième année consécutive, le Gouvernement maintient son effort et montre ainsi toute l'importance qu'il accorde non seulement au développement des sports de haut niveau, mais également à la lutte contre le dopage, à la protection de la santé des sportifs et, enfin, à une politique susceptible de renforcer et d'accroître la participation des jeunes à la vie publique.
Je consacrerai le temps qui m'est imparti à l'examen de trois sujets d'actualité : la lutte contre le dopage, le rôle de l'Office franco-allemand de la jeunesse, la pratique du golf.
L'actualité récente prouve le bien-fondé de votre action, madame la ministre, en faveur de ce dossier prioritaire que représente la santé des sportifs. Si le cyclisme semble particulièrement touché par le dopage, les jeux Olympiques de Sydney ont montré que d'autres sports sont également concernés par ce qui constitue une atteinte fondamentale à l'intégralité du sport.
Cette lutte contre le dopage, longue et difficile, doit être menée sans relâche, au nom de la santé publique et de l'éthique sportive. Elle implique non seulement pour les Etats, mais aussi pour l'Europe, de jeter les bases légales d'une politique d'ensemble qui demande une très forte coordination policière et douanière afin de lutter contre les trafics.
La lutte contre le dopage concerne aussi la recherche, dont le développement seul permettra de détecter efficacement les produits dopants qui sont utilisés. La progression de leur utilisation chez les jeunes sportifs amateurs est d'ailleurs un sujet sensible et fort préoccupant.
L'objectif est donc de parvenir à un changement des mentalités au sein du mouvement sportif. Mais il est indispensable qu'il soit complété par une action exemplaire et vigilante à tous les égards de la part des Etats.
L'Union européenne doit pouvoir aujourd'hui parler d'une seule voix pour garantir l'action durable de l'Agence mondiale antidopage. Aussi nous félicitons-nous que vous y représentiez, madame la ministre, l'Union européenne. C'est une marque de reconnaissance donnée à votre engagement et à celui du Gouvernement.
Il est essentiel que la présidence française de l'Europe s'affirme dans ce domaine, car l'opinion publique, les sportives et les sportifs, ainsi que tous ceux qui s'intéressent à la compétition attendent des décisions fermes et conformes à l'intérêt général.
C'est au nom de cette même approche cohérente de l'Europe que vous avez, madame la ministre, travaillé en lien étroit avec Mme Viviane Reding, commissaire européen, notamment à l'occasion des « Rencontres européennes des jeunes », organisées à Paris, les 5, 6 et 7 octobre dernier. Ces rencontres s'inscrivent dans le projet d'élaboration d'un livre blanc sur les politiques de jeunesse en Europe.
A cet égard, il est important de souligner le rôle que joue, depuis sa création en 1963, l'Office franco-allemand de la jeunesse dans le resserrement des liens qui unissent les jeunes gens des deux pays en renforçant leurs compréhension mutuelle et en encourageant des rencontres et des échanges fructueux sur le plan de la formation professionnelle, de l'apprentissage des langues vivantes et de la mobilité étudiante en Europe.
En ma qualité d'élu du Languedoc-Roussillon, j'ai plaisir à rappeler la qualité des échanges que l'Office franco-allemand de la jeunesse a su favoriser dans notre région, en liaison notamment avec la Maison d'Heidelberg à Montpellier, mais aussi grâce à l'appui de très nombreuses villes et communes rurales engagées dans des relations de jumelage avec des villes allemandes. Un débat s'est engagé au niveau national sur le coût de fonctionnement de cette institution, qui paraît à certains anormalement élevé.
Il semble en tout cas légitime de ne pas sous-estimer son utilité, alors même que les missions qu'elle remplit pourraient s'intégrer dans les programmes déjà existants, par exemple les programmes européens Jeunesse, Socrate et Léonardo.
Cette évolution est le résultat positif de la dynamique européenne, de ses avancées significatives en termes de coopération, sans oublier les collectivités territoriales, qui s'investissent fortement dans la lutte contre les exclusions, le soutien à l'emploi des jeunes et à la diversité des pratiques sportives.
Dans la reconnaissance de ce multipartenariat des collectivités territoriales, des associations et des familles, votre projet de budget constitue un grand pas en avant. Près des deux tiers des nouveaux contrats éducatifs locaux concernent en effet des communes de moins de 2 000 habitants. L'accès aux activités culturelles et sportives y sera donc particulièrement favorisé.
Je souhaite, avant de conclure, attirer votre attention, madame la ministre, sur la pratique du golf en France, qui s'effectue majoritairement dans le contexte de clubs privés.
La reconnaissance d'un accès plus démocratique passe par la création de golfs publics, qu'ils soient municipaux, ou mieux, intercommunaux.
Il convient également de privilégier les actions concrètes destinées à permettre au grand public, à des personnes handicapées, de se voir dispenser un entraînement sportif.
Pour répondre à l'ensemble de ces questions, une réflexion globale en termes d'aménagement du territoire, de création d'emplois et d'impact sur l'environnement s'impose.
Je suis convaincu que les positions claires que vous avez adoptées en offrant aux jeunes le cadre éducatif et d'insertion dont ils ont besoin seront d'un grand apport dans ce débat.
Voilà, madame la ministre, brièvement formulées, quelques remarques et appréciations.
Nous voterons votre projet de budget, car il répond aux engagements du Premier ministre envers nos concitoyens, notamment en faveur de la jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Marest.
M. Max Marest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget consacré à la jeunesse et au sport pour 2001 ne représente que 0,20 % du budget de l'Etat.
Avec 3,4 milliards de francs, c'est l'un des plus petits de tous. Comparé à la loi de finances de 2000, ce budget est tout de même en progression de 7 %. Pourquoi une telle progression ?
La raison est plutôt décevante : il s'agit, en partie, de l'intégration, au sein du budget de la jeunesse et des sports, des cotisations patronales versées au régime d'assurance maladie des personnels civils de l'Etat, dont les crédits étaient auparavant inscrits au budget des charges communes, et des crédits relatifs au fonctionnement du service de la jeunesse et des sports de la Nouvelle-Calédonie, ce qui représente 132,5 millions de francs.
Feu Jacques Chaban-Delmas disait : « Le sport, c'est un humanisme ». Je reste persuadé, madame la ministre, que vous êtes prête à faire vôtre cette devise, bien mise en application par vos collègues précédents. La France a besoin d'une véritable politique sportive nationale, avec des moyens financiers à la hauteur des enjeux tant nationaux qu'européens et mondiaux.
Notre pays doit être, au sein de l'Union européenne, celui qui apporte une véritable valeur ajoutée à l'intérêt général du sport par la préservation de l'esprit olympique, la lutte contre le dopage et l'égal accès du public aux rencontres sportives.
Madame la ministre, nous attendons beaucoup de votre part. Vous nous aviez déçus avec la loi relative à l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives. Vous connaissez notre position et nos convictions concernant cette loi, nous n'y reviendrons pas. Nous attendions une grande loi ambitieuse pour le sport, une loi avec des moyens à la clef ! Mais cela n'a pas été le cas ; je le répète, nous le regrettons.
Aujourd'hui, avec ce projet de budget, nous n'avons pas de surprise, le sport n'obtient pas les moyens qu'il mérite. Cependant, nous sommes conscients de votre détermination à faire avancer les choses, même si cela est difficile et long.
Comment le Gouvernement ne peut-il prendre en compte que le budget de votre ministère se situe quasiment au même niveau qu'en 1991, alors que, depuis dix ans, le nombre de sportifs en France a augmenté considérablement, sans oublier les 25 millions de personnes qui s'intéressent au sport ?
Les Français doivent savoir qu'aujourd'hui, dans notre pays, sans les collectivités locales, il n'y aurait pas de politique sportive.
En effet, les crédits alloués au sport par les collectivités territoriales ont augmenté de 1 005 % entre 1981 et 1990. N'oublions pas que les communes sont les premiers financeurs publics du sport. L'effort qu'elles consacrent à son financement est en constante augmentation. Entre 1981 et 1989, l'effort communal a augmenté de 73 % en francs constants, s'élevant en 1989 à 22 milliards de francs. En 1999, les communes ont consacré environ 27 milliards de francs au sport. Quant aux régions, leur effort financier en faveur du sport a été multiplié par 18 de 1982 à 1994.
Il y a deux ans, vous aviez l'espoir au coeur et vous estimiez alors que vous ne pouviez pas donner moins de 3,8 milliards de francs au budget de la jeunesse et des sports.
Quelle déception a dû être la vôtre ! Quelle amertune avez-vous dû ressentir !
En tout état de cause, vous avez la preuve que le sport constitue la dernière des priorités. Pourtant - et je fais état des propos tenus par M. le Premier ministre -, n'a-t-il pas souvent été répété que le sport devait être un facteur d'intégration sociale et qu'il fallait faire en sorte de le promouvoir pour améliorer la cohésion sociale ?
J'en arrive maintenant à un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre au cours de ces dernières années, qui a donné lieu à beaucoup de fâcheries et qui n'a pas toujours donné une bonne image du sport, je veux parler du dopage.
Je tiens à vous faire connaître notre soutien pour votre combat dans la lutte contre ce fléau. Nous appuyons votre demande d'harmonisation au niveau européen et international, car nous ne devons pas oublier qu'il s'agit de la santé de jeunes et parfois même encore d'enfants.
Je pense qu'il serait tout à fait opportun que la France lance une grande campagne d'information sur les risques qu'encourent les sportifs à consommer des produits dopants, peut-être par le biais de témoignages d'anciens sportifs, victimes aujourd'hui de gros problèmes de santé. La balle est dans votre camp, madame, mais la partie n'est pas gagnée !
Le sport pour tous, voilà ce que vous prônez, madame le ministre ! Je souhaiterais donc que nous abordions le sport pour les handicapés, qui, sans être véritablement oubliés, voient leur situation soumise aux propositions que fera le groupe de travail que vous avez prévu à cet effet.
Vous êtes allée en Australie pour les jeux Olympiques et Paralympiques, vous avez donc pu constater la différence, le décalage entre ce pays et le nôtre.
Vous avez donc compris que, sur la planète Australie, il n'y avait pas de sportifs handicapés, qu'il n'existait que des sportifs à part entière. Là-bas, tout est prévu, pensé, organisé de façon qu'il n'y ait aucun obstacle à la pratique du sport ! Les bâtiments sont adaptés, les transports sont adaptés, le sport est à la portée de tous !
Notre pays est très en retard à côté de l'Australie, voire du Canada, pourquoi ? Avons-nous dans notre population moins de personnes handicapées que dans ces deux pays ? Je sais que la question est simpliste, mais il est permis de se demander comment nous pouvons encore décrocher autant de médailles paralympiques avec si peu de moyens au service des handicapés ; je trouve qu'ils ont d'autant plus de mérite !
L'accès au sport est un droit. C'est pourquoi notre groupe, dans le cadre de l'examen de la loi sur l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives, a fait adopter un amendement permettant aux associations sportives qui organisent des activités physiques et sportives destinées à des personnes handicapées de bénéficier d'aides des pouvoirs publics en matière de pratique sportive, d'accès aux équipements sportifs, d'organisation des compétitions, de formation des éducateurs sportifs et d'adaptation des transports. Cela constituait une étape dans l'amélioration de l'accès au sport des personnes handicapées. Il faut continuer dans cette direction afin que la France se trouve dans le peloton de tête des pays qui favorise le handisport.
Pouvez-vous nous dire si vous avez d'ores et déjà dégagé des idées et retenues des options concernant des crédits qui pourraient être débloqués en faveur du handisport ?
Le projet de déclaration qui doit être annexé aux conclusions du prochain sommet de Nice stipule que « la pratique des activités physiques et sportives est, pour les personnes handicapées, physiques ou mentales, un moyen privilégié d'épanouissement individuel, de rééducation, d'intégration sociale et de solidarité et, à ce titre, doit être encouragée ».
Il est à souhaiter que, lors du sommet de Nice, la volonté des ministres chargés des sports, qui se sont réunis à Paris le 6 novembre dernier, soit entendue car nous devons encourager la pratique des activités physiques et sportives pour les personnes touchées par un handicap physique ou mental ; mais, pour cela, il faut se donner les moyens de dégager des crédits suffisamment importants.
Le coeur du problème, vous le savez madame la ministre, c'est le manque de moyens financiers pour le sport en général.
En conclusion, vous me permettrez d'attirer votre attention sur les ressources financières des centres régionaux d'information jeunesse.
Initié et mis en place par le ministère de la jeunesse et des sports, en partenariat avec les collectivités locales, le réseau information jeunesse est présent sur l'ensemble du territoire. Ces centres accueillent tous les jeunes sans exclusive et leur apportent des réponses adaptées en matière d'accès à la vie professionnelle, d'études, de santé, de formation, de famille et encore sur bien d'autres sujets.
Depuis maintenant trente ans, le ministère de la jeunesse et des sports soutient l'activité de ce réseau d'information et participe aux financements des centres nationaux et régionaux. Nous ne pouvons que nous en féliciter au regard du rôle essentiel joué en matière de responsabilisation et d'autonomie des jeunes.
Cependant, de nombreux cas nous amènent à constater que les subventions du ministère, qui représentaient, pour certains centres, 65 % des recettes en 1980 n'en représentaient plus que 36 % en 1999.
Ainsi, hormis quelques mesures nouvelles, la ligne budgétaire « information jeunesse » n'a pas connu d'évolution notable depuis 1994.
De telles situations budgétaires ont des conséquences dommageables pour ces organismes.
Par ailleurs, les centres régionaux d'information jeunesse ayant des activités de vente de séjours et de billets destinés à améliorer l'ordinaire vont se trouver pénalisés financièrement par la réforme fiscale sur les associations.
Une telle évolution ne pourra que fragiliser durablement leur équilibre budgétaire déjà précaire.
Il nous semble urgent de réévaluer le financement des missions des centres régionaux d'information jeunesse par l'Etat. En effet, le soutien aux centres nationaux et régionaux a des répercussions importantes et directes sur la politique des collectivités locales, des partenaires publics et privés de ces associations, ainsi que sur le public des jeunes et leurs familles.
Dans le projet de budget pour 2001, vous prévoyez d'augmenter de 18,5 millions de francs la ligne budgétaire relative aux crédits déconcentrés de l'information de la jeunesse.
Comment ces crédits vont-ils être ventilés ? Par conséquent, quelle part de ces mesures nouvelles reviendra réellement aux centres régionaux d'information jeunesse ?
Enfin, madame la ministre, votre projet de budget certes accroît les efforts engagés en faveur de l'accès au sport pour tous, il développe également les moyens consacrés à la lutte contre le dopage, mais il n'est pas à la mesure des ambitions que nous pensions être les vôtres.
Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez bien apporter à ces interrogations.
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la jeunesse et des sports bénéficie, pour 2001, d'une progression de 5,3 % de ses crédits, ceux-ci étant portés à 4,6 milliards de francs. Mais cet affichage ne fait pas tout. L'augmentation en volume n'est en effet que de 3,8 %.
Les moyens d'intervention sont les principaux bénéficiaires de la revalorisation du budget : les crédits du titre IV progressent de 114,6 millions de francs, soit 9,8 % de plus par rapport à 2000.
Quant au FNDS, il dispose de 110 millions de plus que l'année dernière, soit une progression de 10,1 %.
Les crédits de fonctionnement sont également accrus puisque 48,6 millions de francs supplémentaires sont affectés au titre III.
Enfin, 111 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits afin de consolider les moyens d'engagement ouverts l'année dernière en faveur des investissements.
Vous avez, madame la ministre, annoncé six axes prioritaires pour votre budget : l'emploi, les jeunes, la pratique sportive, l'éducation populaire, la santé des sportifs, les politiques éducatives territoriales.
Ces objectifs majeurs s'inscrivent dans la continuité des actions engagées depuis maintenant plus de trois ans : favoriser la citoyenneté, l'égalité d'accès à l'emploi et la formation des jeunes, développer la vie associative et l'éducation populaire, soutenir le sport dans la diversité de ses pratiques et de ses publics, préserver son éthique.
L'emploi et la lutte contre les exclusions sont la première priorité de votre ministère et celle-ci se résume en réalité au plan emplois-jeunes, qui bénéficiera d'une mesure nouvelle de 11,4 millions de francs.
Le plan « sport emploi » sera poursuivi et 100 nouveaux emplois sont annoncés, pour un montant de 6,5 millions de francs.
Le dialogue avec les jeunes passe par le conseil permanent et les conseils départementaux de la jeunesse. En 2001, deux cents conseils locaux verront le jour, pour 18,2 millions de francs.
Le soutien à l'éducation populaire va bénéficier en 2001 de 65 millions de francs, destinés aux associations nationales de jeunesse et d'éducation.
Le réseau « information jeunesse » recevra pour sa part 57,7 millions de francs en 2001.
Au total, c'est le secteur de la jeunesse qui bénéficie de la plupart des mesures nouvelles, le sport ne bénéficiant, quant à lui, que de 31 % du budget.
Le développement de la pratique sportive passe par des animations telles que l'opération « 1, 2, 3 à vous de jouer », mais aussi par le soutien au bénévolat, auquel sont consacrés 13,5 millions de francs.
L'action en faveur de la santé des sportifs, qui vise à renforcer la surveillance médicale, la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage est, pour l'année prochaine encore, une priorité du Gouvernement : les crédits augmenteront de 69,5 millions de francs. Nous vous approuvons totalement sur ce point.
L'objectif du budget pour 2001 est donc, en la matière, de mettre en place des moyens pour l'application de la loi relative au dopage. Il est donc plutôt volontariste. Cependant, compte tenu de ce qu'est la réalité du milieu sportif, et celle du dopage, l'action à mener ne passe pas seulement par l'abondement d'une ligne budgétaire et la création d'une autorité administrative indépendante ; elle passe aussi par l'éducation, l'information et la sanction.
Vous le savez, madame la ministre, il vous faut aller plus loin que la simple progression des moyens financiers destinés à la lutte contre le dopage, et votre croisade dépasse désormais le cadre hexagonal.
Je note, en revanche, que les moyens consacrés à la réhabilitation des équipements sportifs et socio-éducatifs, qui sont dans un état préoccupant, restent insuffisants, que les redéploiements des moyens des fédérations ne contribuent pas autant que les besoins le nécessiteraient au renforcement du financement des petits clubs et qu'il n'y a rien concernant la question de la violence.
A ces insuffisances s'ajoutent d'autres points qui peuvent justifier des critiques : le refus de la cotation en bourse des clubs sportifs et la fin de non-recevoir concernant la baisse du taux de TVA à 5,5 % pour les droits d'utilisation des installations sportives, alors même que la directive 92/77 sur l'harmonisation des fiscalités indirectes au sein de l'Union européenne donne la faculté d'appliquer un taux réduit de TVA aux droits d'utilisation d'installations sportives.
Ce projet de budget pour 2001 est donc toujours très en deçà des besoins et d'une vraie ambition sportive pour notre pays.
Cela est d'autant plus regrettable que la situation dans le secteur du sport est préoccupante. En effet, après l'activité législative soutenue déployée depuis deux ans, qui s'est traduite par l'adoption de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, ainsi que de quatre textes modifiant la loi du 16 juillet 1984, la mise en application des nouvelles dispositions tarde.
En ce qui concerne la loi du 23 mars 1999, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ne peut exercer son rôle de régulation que depuis la fin du mois de mars 2000 et manque encore de moyens pour remplir sa mission de veille scientifique et épidémiologique.
Le décret relatif aux antennes médicales de lutte contre le dopage, créées par un amendement du Sénat, n'est paru qu'à la fin d'avril 2000, mais aucune de ces antennes n'est encore mise en place.
Enfin, les procédures disciplinaires des fédérations et les contrôles demeurent régis par les décrets d'application de la loi Bambuck de 1989.
La loi du 28 décembre 1999, quant à elle, avait été adoptée en urgence pour permettre le rétablissement, dès le 1er janvier 2000, des subventions des collectivités territoriales aux clubs sportifs, mais le décret indispensable n'est toujours pas paru, non plus d'ailleurs que les autres textes d'application prévus par cette loi.
Enfin, s'il n'est nullement anormal que les décrets d'application de la loi du 6 juillet 2000 modifiant la loi de 1984, elle aussi adoptée en urgence, ne soient pas encore publiés, l'absence de certains d'entre eux crée déjà des vides juridiques dangereux, notamment dans le domaine de l'accès aux fonctions d'encadrement, d'animation et d'enseignement des activités physiques et sportives.
Je dirai un mot du FNDS, auquel mes collègues du groupe d'études sur le sport et son président Jean Faure sont particulièrement attachés.
Les recettes du Fonds national de développement du sport incluent désormais la contribution de 5 % sur les droits de retransmission télévisée des manifestations sportives. Or il semble que ce prélèvement n'ait pas le rendement espéré. Cela est peut-être dû au fait que cette taxe ne touche que les droits portant sur les manifestations sportives organisées par les fédérations, et non par les organisateurs privés. Toujours est-il qu'il manquera sans doute plusieurs dizaines de millions de francs de recettes sur cette ligne du FNDS en 2001.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, comment vous comptez faire pour permettre au FNDS de bénéficier du montant de recettes prévu pour 2001.
J'évoquerai pour terminer le problème du Stade de France.
Il est dommage qu'en 2001 vous soyez obligée de verser une indemnité compensatoire de 76 millions de francs au consortium exploitant le Stade de France, et ce en l'absence de club résident.
J'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous apporter des éléments de réponse sur les sujets que je viens d'évoquer.
Si ce budget marque un soutien affirmé à la création de nouveaux emplois et confirme une politique volontariste pour l'insertion des jeunes, nous regrettons qu'en cette année olympique le sport soit laissé un peu sur la touche. Nous vous adresserons quand même un satisfecit pour votre détermination dans la poursuite de la moralisation de la pratique sportive par l'intensification de la lutte contre le dopage. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union centriste approuvera votre projet de budget pour 2001.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2001 consacré à la jeunesse et aux sports s'inscrit dans la continuité de la politique ambitieuse menée par le Gouvernement avec une augmentation de 3,8 % à structure constante.
Je ne reviendrai pas sur la bonne analyse faite par le rapporteur de la commission des affaires culturelles, quant à la répartition des crédits du budget, dont il juge la progression positive. Le seul regret important que je partage avec le rapporteur pour avis concerne la somme de 76 millions de francs à verser au concessionnaire du Stade de France, question qu'il faudra bien résoudre rapidement.
Néanmoins, permettez-moi de souligner, comme M. le rapporteur pour avis, l'effort significatif accompli sur trois points, et qui intéresse les personnels.
D'abord, la formation bénéficie d'une mesure nouvelle de 3,8 millions de francs.
Ensuite, 15 contrats supplémentaires de préparation olympique et de haut niveau permettant de porter leur efffectif total à 398.
A ce propos, nous pouvons nous féliciter des bons résultats de la délégation à Sydney, malgré quelques déceptions en athlétisme et en natation.
Ajoutons qu'en 2001 nous participerons aux grandes rencontres multidisciplinaires : jeux Méditerranéens à Tunis, jeu de la Francophonie à Ottawa et préparation finale des jeux Olympiques de Salt Lake City, sans compter les vingt-cinq championnats d'Europe et du monde organisés dans notre pays. Bravo, donc, pour les efforts de votre ministère ! Et il faut aussi mentionner à cet égard l'aide versée aux sportifs de haut niveau sous forme de bourse, ainsi que l'aide à l'insertion professionnelle.
Enfin, 100 nouveaux postes FONJEP sont destinés en priorité aux associations nationales qui renforcent leur présence sur le terrain, avec un relèvement de 2 000 francs de la participation de l'Etat à leur financement.
M. Bordas n'a pas manqué de constater que, de 1998 à 2000, 532 nouveaux postes avaient été créés, ce qui montre bien la continuité de l'action.
Permettez-moi maintenant, mes chers collègues, de rappeler quelques-unes des actions remarquables que sous-tend ce budget.
Le dialogue avec et entre les jeunes sera favorisé par le renforcement des instances que sont le Conseil permanent de la jeunesse, grâce à des mesures nouvelles, les conseils départementaux de la jeunesse et les conseils locaux de jeunes - 200 pourront être créés - ainsi que par la reconduction en 2001 du festival de la citoyenneté, en raison de sa réussite.
Le dialogue mais aussi le soutien des initiatives des jeunes et l'appel à leur participation à des projets favoriseront leur insertion. La reconduction de l'opération « Défi jeunes » ou de l'opération « 1, 2, 3 à vous de jouer », qui bénéficiera d'une mesure nouvelle, est nécessaire.
L'accès des jeunes à l'information se veut moderne : le réseau « info-jeunesse », qui bénéficie de mesures nouvelles, pourra équiper 600 points « info-jeunes » en matériel d'accès au multimédia, dans le cadre du programme « Cyber-jeunes ». La proximité et la qualité de l'information seront donc à nouveau développées en 2001 et nous ne pouvons, madame la ministre, que vous encourager dans ce sens.
L'accès à la pratique sportive permet aussi de favoriser l'insertion et les échanges entre jeunes : l'aide financière apportée par le coupon-sport a offert à de nombreux jeunes de familles défavorisées la possibilité de pratiquer une activité. Le budget qui nous est présenté permettra de répondre au nombre croissant de demandes, grâce aux mesures nouvelles portant le total pour cette opération à 50 millions de francs. Souhaitons que ces crédits puissent répondre au succès de l'opération, qui traduit les besoins financiers de nombreuses familles pour leurs enfants.
Quant aux contrats d'éducation locaux, l'augmentation de leur financement permettra d'avancer vers leur généralisation, qui est encore loin d'être atteinte. L'indispensable travail interministériel, malgré des débuts difficiles, semble enfin porter ses fruits : plus de 2 millions d'enfants étaient en effet concernés en juin de cette année.
Même si le financement repose de façon importante sur les collectivités, la demande croissante impose à l'Etat d'apporter un soutien financier renforcé. Rappelons que la nouvelle mesure de 45 millions de francs, répartis entre les interventions en faveur des jeunes et le développement de la pratique sportive, portera le crédit à 310 millions de francs.
L'emploi des jeunes est une autre priorité de ce budget, à laquelle, bien sûr, nous adhérons fortement. Au premier plan figure le dispositif « nouveaux services-nouveaux emplois ». Le ministère de la jeunesse et des sports a participé à la création de plus de quarante-huit mille emplois, ce qui est remarquable. C'était indispensable, tant pour les jeunes que pour répondre aux besoins du sport. Pourtant, si 34,5 millions de francs de crédits en 2001 permettront de poursuivre la formation de ces jeunes et leur professionnalisation, la pérennisation de leur emploi sera une étape qui pourra s'avérer difficile, sachant que près des deux tiers relèvent des associations et un tiers des collectivités locales.
Les conventions de formation permettent de progresser. Néanmoins, comment financer ces nouveaux emplois devenus bien souvent indispensables ?
A ce stade, madame la ministre, pouvez-vous nous fournir des informations sur l'état des discussions au sein du Gouvernement ?
D'ores et déjà, d'importants efforts ont été consentis en faveur de la rénovation des filières des métiers du sports et de l'animation. En outre, 14 000 bourses de 2 000 francs seront octroyées à des jeunes issus de milieux défavorisés afin qu'ils puissent préparer le brevet d'aptitude aux fonctions de directeur.
La création d'un observatoire des métiers du sport et de l'animation est, de même, une avancée importante. A ce sujet, j'avais souligné, lors de notre débat en 1999 sur le sport et l'Europe, tout l'intérêt que présenterait la création d'un organisme identique à l'échelle européenne. Cette action vous paraît-elle réalisable, madame la ministre ?
Le soutien à la vie associative, autre priorité du Gouvernement, est assuré grâce à des mesures en personnels, nous l'avons vu, mais aussi par le renforcement des aides.
Le Fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA, qui atteindra de nouveau 40 millions de francs, permettra de poursuivre la formation des responsables associatifs ainsi que des actions innovatrices ou expérimentales.
Les centres de vacances, les très petites associations, et les « juniors associations » bénéficieront de 19 millions de francs de mesures nouvelles, ce qui répond à une demande qui a été formulée lors des assises nationales de la vie associative de février 1999. Bien entendu, nous ne pouvons que soutenir cette décision tant les besoins, importants, méritent d'être couverts.
Parler des associations à la veille du centenaire de la loi les créant, c'est rappeler qu'elles sont au nombre d'environ sept cent mille regroupant vingt millions de membres, avec huit cent trois mille salariés en équivalent temps plein. Mobilisant environ neuf millions de bénévoles, elles constituent un gage essentiel de cohésion sociale, qu'il importe de favoriser.
Sachant que les fonds d'origine publique représentent plus de la moitié des ressources des associations, on ne peut que vous féliciter, madame la ministre, pour les moyens que vous leur apportez, en particulier pour les 13 millions de francs supplémentaires aux associations nationales, afin d'élargir la mixité et la place des jeunes dans les instances dirigeantes.
A ce propos, le mouvement associatif attend beaucoup pour la célébration du centenaire. Permettez-moi, madame la ministre, de vous signaler que l'aide aux bénévoles comme la réforme de la fiscalité n'ont pas facilité le travail des associations.
Parmi les dossiers difficiles à faire avancer, je note l'effort accompli pour la promotion du sport féminin et du sport en entreprise.
En ce qui concerne l'accès des handicapés aux sports, la mise en place d'un groupe de travail entre votre ministère et ceux de l'éducation nationale et de la santé est positive. Néanmoins, il me semblerait pertinent d'y associer le ministre de l'équipement, des transports et du logement, car sans une adaptation des accès aux équipements et aux transports collectifs, la réponse aux attentes de ces personnes ne pourra jamais être optimale.
De plus, j'insiste une nouvelle fois sur la nécessité de mettre en oeuvre un plan de rattrapage et de rénovation de l'ensemble des équipements sportifs, en collaboration avec les collectivités territoriales et d'autres ministères.
Certes, 32,5 millions de francs sont prévus en autorisations de programme pour 2001 et ils seront bénéfiques si des crédits de paiement sont effectivement ouverts, mais ils ne suffiront pas.
On ne peut pas parler du budget sans rappeler l'effort important réalisé pour lutter contre le dopage. Les audiences du tribunal correctionnel de Lille montrent que les efforts doivent se poursuivre, en particulier eu égard au développement inquiétant de ce phénomène au sein du sport amateur. Il faut pousser les fédérations à réagir par une action concertée.
Je partage l'avis de M. le rapporteur sur la lenteur administrative de la mise en place des dispositifs permettant l'action complète du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, accompagnée d'un retard important dans la mise en place des antennes médicales, ce qui ne facilite pas le travail de contrôle.
Nous savons tous que la politique française du sport doit être relayée par une action au niveau européen. Nous ne pouvons donc que vous féliciter, madame la ministre, pour vos importantes initiatives à l'échelon communautaire, en particulier sur le dopage : Vienne 1998, Lausanne 1999 avec la création de l'Agence mondiale antidopage qui pose bien des problèmes, enfin la réunion des ministres des sports du Conseil de l'Europe à Bratislava en mai 2000.
Les efforts que vous avez accomplis dans le cadre de la présidence française contre le dopage font partie de notre volonté d'adapter les règles communautaires visant à reconnaître la spécificité des activités sportives et de refuser de les soumettre à une simple activité économique et aux règles de la concurrence.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit en commission que la progression des crédits du ministère allait dans le bon sens et, à de rares exceptions près, vous avez trouvé les actions justes. Mme la ministre a essayé de répondre au mieux à une demande que vous reconnaissez importante et justifiée, et vous appelez malheureusement cela du saupoudrage et de la mauvaise gestion.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le rapporteur, que votre proposition de s'en remettre à la sagesse du Sénat me fait penser que vous n'êtes pas convaincu par vos arguments et que peut-être certains de vos collègues de la majorité sénatoriale ont abusé de la vôtre.
J'espère qu'à la suite de notre débat la majorité de notre assemblée se prononcera pour une approbation de votre budget, madame la ministre, face aux efforts que vous déployez pour notre jeunesse et nos sportifs, respectant ainsi la proposition de sagesse de notre collègue rapporteur. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que les orateurs l'ont souligné, pour la quatrième année consécutive j'ai l'honneur de défendre un budget en augmentation. Certes, madame Luc, ce budget n'atteint pas encore le 1 % du budget de l'Etat, comme vous le souhaitez, et je comprends votre impatience, celle des bénévoles, du mouvement associatif sportif ou d'éducation populaire et des élus, qui me demandent encore plus de moyens. Cependant, reconnaissez-le, nous sortons de la spirale du déclin que nous avons connue précédemment, n'est-ce pas, monsieur Marest...
En réponse à vos question, j'insisterai sur quelques points.
Tout d'abord, monsieur Herment, à l'heure actuelle, les agrégats budgétaires se présentent de la façon suivante : la jeunesse représente environ 844 millions de francs, le sport 1,4 milliard de francs, l'emploi et la formation 165 millions de francs, l'administration et le fonctionnement comptant pour un peu moins de 1 milliard de francs. Certes, des déséquilibres demeurent et je m'emploie à les corriger au rythme de l'augmentation de mon budget sans déshabiller Pierre pour habiller Paul.
J'entends mettre ce budget au service de six objectifs précisément définis, que je cherche à atteindre avec constance depuis maintenant trois ans, car ces chantiers demandent une grande persévérance et beaucoup de volonté.
En premier lieu, vous m'avez interrogée quant à la poursuite de l'action pour l'emploi sportif et la consolidation de nos capacités de formation.
Plusieurs d'entre vous l'ont souligné, le ministère de la jeunesse et des sports s'est particulièrement investi dans la mise en oeuvre du plan emploi-jeunes : 48 784 emplois ont ainsi été créés dans le champ jeunesse et sports. Cet accès à l'emploi a redonné l'espoir à des milliers de jeunes et de familles. L'enjeu de la pérennisation de ces emplois est évidemment capital, vous l'avez souligné. Cela nécessite un effort soutenu en faveur de la formation professionnelle offerte à ces jeunes. Les crédits consacrés à cet objectif augmenteront de manière très significative dans le budget pour 2001.
Par ailleurs, le Gouvernement travaille sur plusieurs dispositifs, monsieur Bordas, pour répondre à la variété des situations que connaissent les emplois-jeunes. Au niveau des collectivités locales, nous allons certainement nous orienter vers l'ouverture de concours pour ces jeunes et la création de nouvelles filières. Mais mon grand souci concerne les emplois-jeunes dans les mouvements associatifs ; ils représentent plus de la moitié des emplois-jeunes, jeunesse et sports. Bien entendu, les entreprises et parfois les collectivités territoriales doivent être sollicitées. Mais il faut absolument que soient maintenues les aides de l'Etat, peut-être sous une forme simple de contrats triennals ou sous une forme dégressive. Dans le cas contraire, ces emplois dans les associations devront être supprimés. Le débat est engagé et je pense que nous progressons. Parallèlement, nous poursuivons, bien sûr, la mise en oeuvre de notre propre plan sport-emploi.
Au-delà de l'effort que nous accomplissons pour rénover les formations et les diplômes, des crédits ont été inscrits pour la validation des acquis professionnels et bénévoles.
Le deuxième objectif tend à poursuivre le dialogue avec les jeunes. Vous en avez souligné la portée, monsieur Lagauche.
En effet, grâce à la valeur de leurs activités et à la force de leurs propositions, les conseils de la jeunesse - national et départementaux - ont été reconnus par le Premier ministre comme des lieux priviligiés de concertation entre les jeunes et les institutions. C'est pourquoi j'ai souhaité que leurs moyens d'action soient renforcés et que nous puissions continuer à participer à la création de conseils locaux. Nous allons ainsi pouvoir reconduire en 2001 le festival de la citoyenneté : en 2000, il a donné lieu à plus de mille évènements sur l'ensemble du territoire. Les jeunes ont pu y discuter de la citoyenneté et cela me paraît très important. L'information des jeunes et leur égal accès aux nouvelles technologies sont aussi des priorités de mon ministère. Le réseau information jeunesse représente mille cinq cent lieux accueillant cinq millions de jeunes par an. Son financement global sera porté de 48 millions de francs en 1998 à 57,7 millions de francs en 2001. J'ai bien entendu, monsieur Marest, votre remarque sur la nécessité de veiller, eu égard à l'augmentation de l'aide de l'Etat, à une répartition équitable entre les régions. Le développement des points cyber-jeunes, auquel 20 millions de francs seront consacrés en 2001, doit permettre un accès pour tous et toutes aux nouvelles technologies. Mon souci est de prévenir l'émergence d'une société à deux vitesses et que les jeunes qui ne disposent pas d'un ordinateur à leur domicile puissent néanmoins accéder à ces nouvelles technologies.
Par ailleurs, vous le savez, les jeunes s'intéressent à la dimension internationale des échanges. Je tiens à souligner que la rencontre que nous avons organisée à Paris de quatre cent cinquante jeunes de l'Union européenne et des pays candidats à l'Union européenne a été particulièrement riche, comme l'a été la rencontre entre les quinze ministres de l'Union européenne et les dix-huit jeunes issus de cette rencontre internationale. Ceux-ci ont demandé qu'il ne s'agisse pas simplement d'un coup médiatique, mais que, sous chaque présidence, soit organisée une telle rencontre de la jeunesse.
Plusieurs questions ont été posées sur l'Office franco-allemand de la jeunesse, l'OFAJ, notamment par M. Vidal.
Il convient effectivement de modifier désormais les orientations de l'OFAJ. Cette organisation a été créée pour favoriser la réconciliation. Je crois que la jeunesse d'aujourd'hui est toujours attachée à ce devoir de mémoire et à ces échanges franco-allemands, mais elle cherche une nouvelle utilité à ces échanges, notamment sur le plan de la formation et de l'insertion professionnelle et il faut répondre à cette attente.
Il importe également de développer davantage les échanges linguistiques entre l'Allemagne et la France, car nous constatons de part et d'autre une baisse de l'apprentissage du français en Allemagne et de l'allemand en France ; ce souci est partagé par nos deux pays.
Bien entendu, l'effort en faveur des vacances et des loisirs des jeunes sera poursuivi, madame Luc, qu'il s'agisse des contrôles pour garantir la sécurité et la qualité des séjours ou de l'aide à la rénovation et à la mise aux normes de sécurité et d'hygiène.
Troisième objectif du présent projet de budget : aider au développement de tous les niveaux de pratiques sportives.
Chacun d'entre vous a souligné les bons résultats enregistrés par nos équipes aux jeux Olympiques et Paralympiques. Cela doit nous encourager à poursuivre notre effort pour le développement du sport.
Nous allons tirer les enseignements des résultats contrastés obtenus par nos athlètes. Nous avons déjà eu plusieurs réunions avec la fédération d'athlétisme. J'ai rencontré son président, je le rencontrerai de nouveau dans les prochains jours. Les cadres techniques ont également été réunis. J'ai reçu le groupement des athlètes et d'autres partenaires. Nous devrions pouvoir annoncer avant la fin de l'année, conjointement, fédération et ministère, un plan pour le redressement de cette fédération. Je crois qu'il y a une volonté commune d'y travailler.
Enfin, la réunion, le 20 décembre prochain, de la Commission nationale du sport de haut niveau va revêtir une importance particulière, puisque nous allons aborder la question de la définition des missions de la commission du groupement d'intérêt public « préparation olympique » et surtout de l'INSEP, dont il faut revaloriser les objectifs. Outre les manifestations sportives internationales, très nombreuses - vous l'avez souligné, monsieur Lagauche - nous allons, bien sûr, poursuivre notre action en vue de la candidature de Paris en 2008 aux jeux Olympiques et Paralympiques, grâce à une contribution de 27,5 millions de francs en 2001.
Nombre d'entre vous ont souligné l'importance du handisport pour le plaisir, le joie et l'insertion à travers le sport des personnes touchées par le handicap. Je partage l'opinion émise par M. Bordas et plusieurs d'entre vous : il faut consacrer devantage de moyens au développement du handisport.
Nous avons multiplié par deux les subventions à la fédération handisport et nous poursuivrons cet effort en développant les moyens financiers et humains. En effet, le grand problème, c'est bien sûr l'encadrement, mais aussi l'accompagnement de nos sportifs. Nous avons décidé, avec M. Lang et Mme Gillot, la mise en place d'un groupe de travail, très attendu par les fédérations handisport, chargé de traiter de l'accès à la pratique sportive des jeunes handicapés à l'école et dans les établissements spécialisés. Je souhaite également apporter un soin particulier à la préparation des championnats du monde d'athlétisme handisport qui auront lieu à Villeneuve-d'Ascq.
Le sport de haut niveau s'appuie, on le sait, sur l'accessibilité de toutes et de tous. Cela exige de donner aux clubs les moyens nécessaires à leur développement et à l'accueil des jeunes. Je m'y emploie.
Plus largement, puisque nous avons abordé la question du FNDS, je souligne que nous avons suivi les conseils de M. Sergent en améliorant la consommation des programmes, en reportant sur le budget de l'Etat des sommes qui avaient été indûment portées sur le FNDS et en associant les élus au plan régional à la répartition des fonds du FNDS. Ce n'est qu'un début de progrès, je le sais, et seul un budget supérieur permettra de nouveau le redéploiement vers le budget de l'Etat.
Mais nous avons augmenté depuis trois ans la part régionale du FNDS de 40 %, ce qui nous a permis d'accroître le nombre des clubs bénéficiaires de 32 % et de passer d'un montant moyen de subvention de 4 500 francs à 6 000 francs. D'ailleurs, dans mes déplacements, je vois que les petits clubs commencent à sentir les effets de cette augmentation de la part régionale.
Le fonds Sastre nous a permis d'aider 498 projets, pour 73 millions de francs. Nous allons de nouveau distribuer des subventions, le 7 décembre prochain, pour utiliser de la meilleure façon possible les 285 millions de francs que nous attendons de ce fonds.
Le fonds de mutualisation, alimenté par le produit de la taxe de 5 % sur les droits de diffusion, va donner son plein effet en 2001. Il est vrai qu'à la fin du mois d'octobre nous n'avions perçu que 24 millions de francs pour l'année 2000. Mais, je le rappelle, la loi n'a été votée qu'au mois de juin, et les contrats sont signés plutôt en début d'année. Je pense donc que cette somme va augmenter. Nous ferons un bilan pour 2000 à la fin du mois de janvier ; nous n'atteindrons peut-être pas 75 millions de francs, mais je pense qu'en 2001 nous pourrons arriver à 150 millions de francs.
Je ne veux pas m'étendre sur le golf mais, la question ayant été posée par M. Vidal, je le prends comme exemple de sport qu'il faut aider à se démocratiser. Pour faciliter l'accès à ce sport, le FNDS nous a permis un certain nombre de mesures, notamment pour la création de « golfs compacts » permettant une pratique plus urbaine du golf, donc un accès plus facile pour la population des villes, notamment les jeunes. Nous tentons de défendre le golf public par rapport au golf commercial, qui, petit à petit, envahit les terrains, laissant peu de place aux associations sportives de golf.
Permettre l'accès à ces clubs du plus grand nombre demande des mesures incitatives complémentaires. Nous allons augmenter encore la part consacrée aux coupons-sports. Cette initiative prend une réelle importance et notamment dans les départements les plus touchés par les problèmes sociaux et qui, souvent, ont moins de licenciés que d'autres ; l'efficacité de cette aide est reconnue ; elle demande un effort particulier.
Certes, monsieur Sergent, j'estime, comme vous, que les 76 millions de francs d'indemnité que l'Etat doit verser au consortium exploitant le Stade de France pourraient très certainement servir à financer des actions plus légitimes et plus utiles au mouvement sportif. Cette charge, vous le savez, nous est imposée par les termes de la convention de concession signée en 1995 par le gouvernement de M. Balladur.
M. Alain Joyandet. Qu'auriez-vous fait sans le Stade de France pour le Mondial ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Devant les difficultés à trouver un club résident, l'Etat vient de désigner un négociateur chargé de réexaminer avec le consortium l'équilibre de cette convention de concession, d'autant plus que, je le rappelle, l'exploitation du stade est aujourd'hui bénéficiaire.
Je souhaite terminer ce volet consacré au sport sur une note plus positive. Je puis vous indiquer aujourd'hui avec certitude que le Conseil européen de Nice pourra adopter une déclaration annexée à ses conclusions reconnaissant les caractéristiques spécifiques du sport et ses fonctions sociales, et donc leur prise en compte dans la mise en oeuvre des politiques communes.
Ce fut une très longue bataille. Nous avons beaucoup discuté avec la Commission, avec les quinze pays de l'Union européenne, et nous sommes parvenus à un consensus, notamment sur le rôle central des fédérations sportives par rapport à l'organisation privée de compétitions, sur la cohésion du mouvement sportif, sur les liens de solidarité entre toutes les pratiques, sur la préservation des clubs formateurs ou la protection des jeunes sportifs. Nous avons pu également faire inscrire la place du handisport. Nous abordons également, dans cette déclaration, la question fondamentale des transferts de joueurs. Soyez persuadé, monsieur Bordas, que je me suis beaucoup investie dans ce dossier afin que nous aboutissions à un compromis entre le mouvement sportif international et la Commission, car rien ne serait plus grave que le maintien de la situation actuelle ou une déréglementation encore plus importante.
Vous avez abordé les questions de fiscalité. Nous avançons, notamment par rapport à la TVA sur la billetterie. Des groupes de travail se mettent en place au niveau du secrétariat d'Etat de Mme Parly. Nous avançons également en ce qui concerne la fiscalité des joueurs.
Concernant le décret sur les subventions publiques aux clubs professionnels, cela fait, hélas ! six mois qu'il est bloqué au niveau de la Commission européenne après avoir fait de multiples allers et retours. Nous avons pourtant répondu à toutes les questions que nous posait la Commission européenne. J'espère que nous obtiendrons la signature de ce décret pour l'année 2001 et que les subventions publiques pourront être attribuées d'une façon tout à fait normale.
Je vous signale tout de même qu'un des arguments de la Commission européenne consistait à soutenir que, la formation des jeunes étant de la valeur ajoutée, elle ne pouvait pas être subventionnée par de l'argent public ! Vous voyez quel handicap nous avons dû surmonter.
Quatrième objectif : intensifier l'action pour la santé des sportifs et la lutte contre le dopage.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Marest, il faut faire un effort permanent et continu pour la prévention et l'éducation. Je retiens donc votre idée de lancer une nouvelle campagne en ce sens.
Nous avons encore augmenté les crédits pour la lutte contre le dopage, qui sont passés de 37 millions de francs en 1997 à 133 millions de francs en 2001. Nous voulons étendre le suivi médical à l'ensemble des sportifs de haut niveau et donner plus de moyens à notre laboratoire national de dépistage du dopage.
A propos de ce laboratoire, la presse a fait état dernièrement de prétendues oppositions entre le président du CIO et la ministre de la jeunesse et des sports sur l'utilisation des prélèvements. Le problème vient du délai pris par le CIO à valider ce test. En effet, à chaque fois, M. Samaranch, président du CIO, m'écrit pour me confirmer que ce test est très positif, très intéressant, mais la validation n'intervient toujours pas.
Je dois vous informer, si vous ne l'avez pas lu dans la presse ce matin, que, dans le cadre d'une procédure judiciaire, le juge Château a décidé de perquisitionner dans les locaux du laboratoire hier, y a saisi un certain nombre de ces prélèvements et a demandé que les scellés soient posés sur les autres. La justice applique donc la loi que vous avez adoptée en 1999.
Les médecins régionaux sont en place. S'agissant des antennes médicales, je vous annonce une bonne nouvelle : nous avons reçu hier la circulaire signée par l'ensemble des ministres concernés.
M. James Bordas, rapporteur pour avis. C'est Noël !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Nous sommes prêts à les mettre en place dès maintenant à Lille et à Toulouse. Par conséquent, nous allons pouvoir avancer avec au moins deux créations d'antenne très rapidement, comme vous le souhaitez, monsieur Bordas.
MM. Lagauche et Vidal ont insisté sur la nécessité d'internationaliser cette lutte ; je partage complètement leur point de vue. C'est l'action que nous menons sur le plan européen et, vous l'avez constaté, c'est fait, l'Europe a décidé de participer officiellement à l'Agence mondiale anti-dopage et à son financement. La présidence de l'Union européenne et la commissaire concernée participeront dorénavant aux travaux de la conférence.
Sur le dossier de la violence, nous avançons, monsieur Herment. Après avoir étendu à vingt-six départements le dispositif que nous avions mis en place en Seine-Saint-Denis et qui avait montré son efficacité, nous allons progressivement, en concertation avec le ministère de l'intérieur, le généraliser à l'ensemble des départements.
Cinquième objectif, monsieur Lagauche, le soutien aux associations, l'encouragement aux bénévoles, le développement de l'éducation populaire. L'aide aux associations nationales de jeunesse et d'éducation populaire sera portée de 52 millions de francs à 65 millions de francs, dont une partie significative pour leur fonctionnement.
Le développement du FNDVA est en train de s'améliorer grâce aux nouvelles dispositions que nous avons prises et vous avez été plusieurs à souligner l'importance des postes FONJEP et de leur augmentation.
Je ne sais pas si nous allons aboutir sur le statut des bénévoles, mais il est certain que, à partir des premières mesures que nous avons arrêtées grâce au Sénat et à l'Assemblée nationale, nous allons continuer, pour fêter, en 2001, le centenaire de la loi sur les associations avec de nouvelles mesures.
Enfin, sur le sixième objectif, c'est-à-dire les CEL, vous avez raison d'insister sur le fait que ces contrats éducatifs locaux sont utilisés très fortement par les petites communes comme moyens de développer les activités artistiques et sportives. Nous avons inscrit 45 millions de francs de mesures nouvelles pour les financer.
Tels sont les six chantiers prioritaires que je voulais vous présenter. J'ai essayé, dans la mesure du temps qui m'était imparti - à une minute près - de répondre aux principales questions que vous avez posées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse et les sports et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 154 390 535 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 241 717 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 46 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 23 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 70 588 000 francs ;

« Crédits de paiement : 38 088 000 francs. »
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Bien entendu, nous allons suivre les conseils de la commission, nous allons être fair-play.
Je voudrais cependant relever ce qu'a dit Mme la ministre tout à l'heure, en réponse à notre collègue Serge Lagauche concernant le Stade de France. Je suis étonné qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de budget, au moment où, ici, au Sénat, se dégage un large accord sur les crédits du sport, Mme la ministre regrette presque que l'on ait fait un Stade de France. (Mme le ministre fait un signe de dénégation.) Mme la ministre regrette que les crédits ne puissent être utilisés à autre chose qu'à respecter les termes d'une convention qui a été passée pour continuer à payer cet équipement érigé sur la ville de Saint-Denis, ville qu'elle doit bien connaître !
Il me semble pourtant avoir beaucoup vu Mme la ministre à la télévision, au moment de cette fameuse finale de la Coupe du monde de football, qui a tout de même été un moment historique pour notre pays. Je pensais qu'en tant que ministre des sports elle aurait pu répondre que ces crédits étaient bien nécessaires pour assumer l'héritage positif de ce grand événement mondial. Que Mme la ministre ne se montre pas plus « sport » m'a beaucoup choqué.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, entendons-nous bien, je me félicite de l'existence du Stade de France et je pense même qu'il sera notre principal atout pour obtenir l'organisation des jeux Olympiques de 2008.
M. Alain Joyandet. Voilà ! Il fallait le dire !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Laissez-moi poursuivre, monsieur le sénateur. Le problème, je l'ai dit très clairement, tient non pas au Stade de France ou à la gestion du consortium, mais à une clause du contrat...
M. Roland Muzeau. C'est ça !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. ... qui nous oblige, alors même que le Stade est bénéficiaire depuis deux ans, à verser une sorte d'indemnité pour absence de club résident.
C'est cela que nous allons renégocier. Voilà ce que j'ai dit.
M. Alain Joyandet. Non, ce n'est pas ce que vous avez dit !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je pense que votre interprétation dépassait très largement l'ambition de mon propos.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la jeunesse et les sports.
Mes chers collègues, pour laisser à M. le ministre délégué à la ville le temps de gagner l'hémicycle, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Emploi et solidarité

III. - VILLE

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la ville pour 2001 est, une fois encore, annoncé en forte progression de 70 % par rapport au budget de l'année dernière. Mais il ne s'agit que de 3 milliards de francs sur les 40 milliards de francs annoncés.
Depuis déjà plusieurs années, le Gouvernement s'évertue à démontrer le caractère prioritaire de la politique de la ville. Il ne s'agit malheureusement, que d'une politique en trompe-l'oeil, d'un discours de façade qui tend à pallier les lacunes structurelles et budgétaires de cette politique.
Comment mettre en oeuvre une véritable politique de la ville lorsque les crédits strictement affectés à la ville ne représentent que la partie immergée de l'iceberg : 3 milliards de francs sur les 40 milliards de francs annoncés ? En effet, la principale caractéristique de la politique de la ville demeure l'interministérialité. Aussi est-ce là un bon moyen pour le Gouvernement de donner l'illusion d'une action forte en direction de nos banlieues alors que, en réalité, la complexité des structures administratives rend quasiment impossible la réalisation d'actions fortes en cette matière.
Par exemple, votre ministère a constaté que, dans certains territoires situés en contrat de ville, les crédits d'Etat étaient moindres que pour les territoires « de droit commun », l'apport de crédits spécifiques « ville » produisant un effet d'éviction à l'égard des autres ministères. Ce constat est tout simplement édifiant : à quoi sert-il de définir des périmètres spécifiques, d'engager des études préalables coûteuses et de multiplier les annonces si, sur le terrain, l'effet obtenu est contraire à celui qui est attendu ?
Enfin, la multiplication des procédures dites « contractuelles » conduit parfois les différents services de l'Etat à tenir des discours contradictoires aux maires et aux bailleurs sociaux.
On ne pourra concevoir une politique de la ville forte sans une concentration des moyens aux mains du ministère de la ville et une relation beaucoup plus étroite, au niveau déconcentré, entre le maire et le préfet. Ce sont les acteurs de terrain qui doivent définir les priorités au cas par cas et, pour ce faire, une plus grande souplesse est nécessaire.
Aujourd'hui, un constat s'impose : la complexité des structures chargées de mettre en oeuvre la politique de la ville tue la ville. Ce qui reposait sur une bonne approche du terrain, sur le secteur associatif et, au final, sur les élus locaux est désormais étouffé sous l'appareil administratif.
Il convient de faciliter l'utilisation des crédits, d'éviter les lourdeurs administratives et de permettre une meilleure évaluation des actions menées, car c'est peu de chose que de dire que celle-ci est lacunaire : il n'existe aucune évaluation qualitative des résultats obtenus par les différentes politiques.
Une telle situation vous a conduit à remettre en cause dans un premier temps le dispositif des zones franches urbaines, les ZFU, condamnant les « effets d'aubaine » et le coût de cette expérience. Or, devant la levée de boucliers des maires, toutes tendances politiques confondues, vous avez dû, monsieur le ministre, vous rendre à l'évidence : les zones franches, ça marche, et il faut prévoir de prolonger le dispositif au-delà de 2002. C'est pourquoi vous proposez une fusion des zones franches urbaines et des zones de redynamisation urbaine, proposition qu'il faut saluer comme un retour à la raison du Gouvernement.
Que faire alors pour définir une véritable politique de la ville qui soit efficace et qui atteigne des objectifs clairement définis ?
Trois objectifs nous paraissent prioritaires : le logement avant tout, la sécurité et la relance par l'économie.
En premier lieu, le logement : nous avons besoin d'un véritable « plan Marshall » à destination de nos banlieues, ce qui implique notamment un vrai programme de reconstruction-démolition. Lors de la discussion du budget de la ville à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que « le tabou de la démolition était levé ». Alors, levons-le, mais pas avec les 10 000 logements prévus pour 2001 ! Prenons de vrais moyens et lançons des opérations de grande envergure.
Il faut construire de nouveaux logements sociaux. A cet égard, le Gouvernement a tenté de donner une réponse forte en imposant, dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, des sanctions pécuniaires pour les communes qui ne construiraient pas assez de logements sociaux.
Cette disposition ne constitue pas une réponse adaptée au problème du logement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les communes riches sont souvent confrontées à des problèmes fonciers importants et préféreront, de toute évidence, payer des pénalités plutôt que de construire des logements sociaux.
Deuxièmement, si ces communes construisent des logements, elles attireront les familles les plus solvables et renforceront ainsi la ségrégation sociale, ce qui va à l'encontre de l'objectif recherché.
Pour résoudre le problème du logement, le Gouvernement s'engage également dans un programme de renouvellement urbain dont le point fort est la mise en oeuvre de cinquante grands projets de ville, appelés à remplacer et à étendre le champ d'intervention des grands projets urbains.
Les moyens qui y sont affectés sont insuffisants. Ils restent modestes puisqu'ils représentent un taux de subvention moyen de 30 %, ce qui va contraindre les communes pauvres à se lancer dans une incertaine tournée des guichets ou à accroître la pression fiscale pour financer les dépenses nécessaires.
On le voit bien, la question du logement est au coeur de la politique de la ville. Elle va de pair avec un autre problème majeur : la question de la sécurité, qui fait l'objet de ma deuxième remarque. Le problème de la sécurité dans les quartiers est l'une des composantes essentielles de toute action en faveur de la politique de la ville : on ne peut « Refaire la ville », comme s'en prévaut le Gouvernement, sans assurer la sécurité dans les quartiers.
Que propose le Gouvernement sur ce point ? Les contrats locaux de sécurité ? Ils sont inefficaces. J'en veux pour preuve le fait qu'il est question de les relancer. Police et justice ne savent d'ailleurs plus quoi faire. En effet, à quoi cela sert-il d'arrêter les responsables de nuisances s'ils sont immédiatement remis en liberté ?
Nous sommes tous interpellés, monsieur le ministre, par le sort complaisant qui est réservé aux « sauvageons ». Tant qu'ils apparaîtront comme des modèles impunis, nos villes ne retrouveront pas la sérénité tant souhaitée.
Enfin - et c'est là le dernier point que je souhaite aborder pour la définition d'une véritable politique de la ville -, il me semble indispensable de donner une inflexion forte en direction de la relance par l'économie. Le Gouvernement a mis en place un fonds de revitalisation. L'intention est louable, mais les moyens ne sont pas, une fois encore, à la hauteur des enjeux. Ce nouveau fonds présentera cependant l'avantage de la souplesse, puisqu'il pourra aussi bien accorder des aides au fonctionnement que des aides à l'investissement pour les petites entreprises implantées dans les zones urbaines sensibles.
Je salue une bonne nouvelle, monsieur le ministre, à savoir la fin de la remise en cause des zones franches par le Gouvernement. Cette décision va dans le bon sens, puisqu'elle reconnaît l'utilité des expériences qui existent depuis quatre ans. On commence d'ailleurs à peine à évaluer les effets bénéfiques des zones franches urbaines. Il est donc souhaitable de pérenniser l'expérience pour qu'elle apporte la preuve de son efficacité.
J'ai pu constater, en visitant des zones franches, l'intérêt d'un tel dispositif permettant de refaire vivre des quartiers qui se transformaient en véritables friches commerciales, de donner du travail à des habitants des quartiers, et de créer une dynamique, à laquelle participent l'ensemble des acteurs concernés. Si des effets d'aubaine existent - et vous les avez d'ailleurs souvent dénoncés, monsieur le ministre - ils sont minimes et ne doivent pas porter préjudice à la grande majorité des acteurs qui ont accepté de relever ce défi courageux de s'implanter dans des zones difficiles. Je pense que cette relance par l'économie est indispensable ; c'est elle qui redonnera vie à nos quartiers et permettra aux jeunes qui, aujourd'hui, sont sans emploi, de retrouver une dignité par le travail.
Il est de loin préférable, monsieur le ministre, d'attirer des entreprises dans les quartiers, plutôt que de développer des dispositifs d'assistance. Mieux vaut quelques exonérations pour les entreprises qui proposeront des emplois aux jeunes plutôt que d'offrir à ces derniers, par exemple, des « adultes-relais ».
Vous le voyez, le projet de budget, tel qu'il nous est présenté, ne répond pas du tout aux problèmes qui se posent, même si un certain nombre d'avancées sont constatées. Que ce soit en matière de logement, de sécurité ou d'emplois réels pour les jeunes, nous constatons sur le terrain que votre politique de la ville, monsieur le ministre, ne marche pas.
Si vos déclarations, comme je le reconnais, sont souvent justes, le Gouvernement ne vous donne ni l'organisation ni les moyens pour réussir.
C'est pourquoi la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de la ville pour 2001. (Applaudissements sur les travées du groupe du RPR.)
M. Roland Muzeau. Incroyable !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le ministre, après l'exposé très complet de notre collègue Alain Joyandet, vous me permettrez d'évoquer les résultats obtenus dans les zones franches urbaines, puis quelques sujets de portée interministérielle, avant de vous rendre compte de la visite que j'ai effectuée dans la ZFU de Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne, autant de sujets qui me conduiront à vous poser cinq questions précises.
Le nombre d'emplois salariés bénéficiant de mesures d'exonération sociale dans les ZFU est passé de 42 635, en 1998, à plus de 50 000 en 1999, soit une croissance de 18 %. La proportion des salariés résidant en zone franche serait d'au moins 20 %, ce qui répond à l'obligation fixée par le législateur en 1996.
Cependant, la question du devenir des zones franches urbaines est désormais posée. Tous les comités d'orientation et de surveillance consultés sur l'avenir de ces zones ont souligné le risque que représenterait une interruption brutale des régimes dérogatoires d'exonérations et ont proposé un dispositif de transition avant le retour au droit commun.
Le Gouvernement semble avoir la sagesse de conserver le dispositif actuel ; il faut qu'il trouve le courage d'en exploiter toutes les possibilités.
Il y a d'autant plus intérêt à suivre cette direction que les chiffres que vient de nous transmettre l'association des villes ayant des zones franches urbaines montrent que celles-ci sont un réel succès.
Le nombre des entreprises a progressé dans une fourchette allant de 1,4 à 2,8, tandis que le nombre d'emplois a crû dans une proportion qui varie entre 1,6 et 3 par rapport à la situation initiale. Quant aux transferts d'entreprises, le cabinet Ernst et Young, qui a réalisé cette étude pour l'association des villes ayant des zones franches urbaines, estime que « les entreprises issues d'un transfert sont généralement plus importantes en effectifs, plus assurées sur leur marché et prêtes à investir plus durablement que les créations ». Voilà pour le commentaire !
On constate d'ailleurs que, bien souvent, les emplois créés sont non pas des emplois précaires mais des emplois à temps plein, occupés par des personnes peu qualifiées au départ.
J'ajoute que, selon le cabinet d'audit précité, « aucun dispositif d'aide ne semble aussi attractif que celui des ZFU », car il constitue « une aide globale sur longue période », alors même qu'il est nettement moins coûteux par emploi : l'exonération d'un emploi salarié sur un an n'est-elle pas de 49 000 francs pour un contrat initiative-emploi et de 37 000 pour un salaire supérieur au SMIC en zone franche urbaine ? J'en arrive, monsieur le ministre, à ma question : qu'envisagez-vous très clairement de faire, à l'issue de la période de cinq ans, pour les zones franches urbaines ? Nous attendons votre réponse.
M. Roland Muzeau. Il faut en sortir !
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. J'en viens aux sujets « transversaux », sujets essentiels, comme l'est celui de la violence.
Je centrerai mon propos sur le thème de la sécurité, qui est le préalable de toute politique de la ville, si ambitieuse soit-elle.
J'insisterai, en premier lieu, sur la nécessité de lutter contre la délinquance des mineurs. J'aimerais avoir la confirmation que l'exécutif est toujours soucieux de ramener dans le droit chemin ceux que l'un de ses ministres qualifiait, voilà trois ans, de « sauvageons » et qu'Alain Joyandet vient également d'évoquer.
J'observe, au demeurant, que nous sommes confrontés à une évolution des formes de violence de rue : les délinquants sont de plus en plus jeunes ; les agressions de molossoïdes se multiplient et, aujourd'hui, dans la région parisienne celles des singes magots, qui semblent remplacer les molossoïdes.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : pour lutter contre la délinquance juvénile, combien d'unités d'encadrement renforcé le Gouvernement envisage-t-il de créer dans les mois à venir ? Voilà une question précise qui attend une réponse précise !
Je souhaite, enfin, vous présenter les observations faites sur le terrain lors de ma visite à Montereau-Fault-Yonne, cité dont l'origine remonte à la Condate gallo-romaine, et qui n'aurait jamais eu à connaître de la « politique de la ville » si, à la fin des années cinquante, l'Etat n'avait décidé, notamment au travers de ses grands services, d'y construire de grands ensembles, puis de les abandonner, sans y adjoindre les éléments du développement économique.
Le premier problème rencontré est celui du logement. Le parc de logements du quartier de Surville, qui représente près des deux tiers de la population de la ville, ne répond manifestement pas aux attentes des habitants. On dénombre 400 logements vacants. Le taux de vacance au rez-de-chaussée est, dans la plupart des immeubles, de 50 %.
Afin d'améliorer le parc existant, l'office d'HLM local a fait poser, entre 1997 et 1999, pour améliorer la qualité de la vie, 1 400 portes blindées. Voilà un élément positif de la politique de la ville !
Il serait souhaitable, comme le recommande le maire, Yves Jego, de faciliter l'installation de propriétaires privés, de favoriser, ce faisant, la mixité sociale, donc la diversité, dans ce quartier où 90 % des logements locatifs sont collectifs. La présence d'une population de propriétaires serait de nature à rééquilibrer la sociologie du quartier. Comme le disait le maire : « Quand l'ascenseur social fonctionne, ceux qui le prennent quittent le quartier ». Ils s'en vont dans la basse ville ou dans les villages alentour.
C'est cette tendance qu'il faut inverser, en engageant de grandes opérations de démolition-reconstruction, et notamment en reconstruisant autour d'habitats individuels diversifiés, comme le disait Alain Joyandet.
D'où ma question, monsieur le ministre : à partir de l'exemple de Montereau-Fault-Yonne, envisagez-vous, au plan national, d'accélérer le programme de démolition-reconstruction ?
Le quartier de Surville souffre d'un déficit d'image. Selon l'un de mes interlocuteurs, un cambriolage qui serait appelé « fait divers » à Fontainebleau ou à Melun devient un « fait de société » à Surville. Ce phénomène d'ostracisme occasionne de graves dommages et occulte le succès de certains jeunes, à l'instar de ces deux élèves de Surville dont l'une est devenue, il y a quelques mois, docteur en mathématique et en informatique et l'autre pilote de ligne. Personne n'en parle ! Lorsque l'on est jeune en banlieue, on n'est pas forcément un voyou !
Voilà qui me conduit, monsieur le ministre, à vous poser ma quatrième question : envisagez-vous d'encourager les médias à respecter davantage la déontologie lorsqu'ils abordent le sujet de la ville ?
Vous me permettrez, à cet égard, de faire référence à l'amende requise par le parquet, le 15 novembre dernier, contre les éditions Hachette-Filipacchi pour la parution dans le magazine Entrevue d'un reportage où l'on voyait de « faux jeunes » balancer un frigo sur de faux policiers, et dont le titre était : « Banlieues, la chasse aux flics est ouverte ».
Un reportage « bidonné », des interview bidonnées avec des réponses bidonnées, tout cela, naturellement, détruit le travail de reconstruction qu'accomplissent les municipalités, les animateurs, les éducateurs. On ne peut donc pas rester sans réponse, sur le plan de la déontologie, face à de tels agissements.
Oui, les problèmes rencontrés sont très lourds à gérer pour une ville moyenne de 17 600 habitants, dont 12 000 dans le seul quartier de Surville ! Les réponses des services municipaux ne peuvent être calibrées à la dimension des problèmes que pose ce grand ensemble, d'autant que Montereau ne bénéficie d'aucun avantage par rapport aux autre villes ayant des ZFU. Ainsi, la commune ne peut pas recruter un administrateur territorial, dont le barème de rémunération est exclusivement fonction du classement démographique.
D'où ma cinquième et dernière question, monsieur le ministre : eu égard à la complexité des procédures et à la nécessité de disposer d'équipes stables dans leur composition, ne conviendrait-il pas d'instituer un « surclassement démographique » au bénéfice de ces communes de taille moyenne qui ont besoin d'une politique de la ville ?
Le renouvellement urbain, nous l'avons évoqué ; il ne suffira pas, dans ce quartier, de démolir 270 logements. La ZFU Montereau, c'est aussi soixante et une entreprises supplémentaires, correspondant à 230 emplois nouveaux, c'est le transfert de quinze entreprises employant soixante-quinze salariés.
Donc, pour ce qui est des ZFU, le pacte de relance pour la ville, cela marche, et je sais que Nelly Olin, qui conduit sa commune avec le courage et la volonté que l'on sait, en est également persuadée.
Mme Nelly Olin. Merci, mon cher collègue !
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Alors, parce que la politique de la ville doit aussi être transversale, au regard de nos choix, la commission des affaires économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des crédits de la ville incrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union cntriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le troisième projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, affiche une hausse spectaculaire de 70 %. Il est vrai qu'il enregistre en partie l'effet des nouvelles mesures pour la ville décidées à la fin de 1999 et qui n'avaient donc pu être entièrement transcrites dans le budget pour 2000.
Vous vous souvenez que, l'année dernière, à la même époque, nous regrettions de devoir nous prononcer sans connaître le mesures qui allaient être annoncées lors du comité interministériel des villes, CIV, du 14 décembre 1999. Le Premier ministre a donc annoncé son programme « pour des villes renouvelées et solidaires », nous permettant, enfin, de connaître la ligne d'action du Gouvernement que nous attendions impatiemment depuis 1997.
Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales a reconnu que votre projet de budget pour 2001 présentait des aspects positifs, mais, en même temps, elle s'est montrée très réservée sur certains des nouveaux instruments de la politique de la ville.
Parmi les éléments de satisfaction, le fonds interministériel pour la ville, le FIV, qui avait été mis en place en 1995 pour simplifier les procédures interministérielles, atteindra près d'un milliard de francs en 2001. Le seul regret est que les services déconcentrés sur le terrain aient du mal à gérer les délégations de crédit dans un esprit de simplification et de rapidité.
Par ailleurs, ce budget amorce plus clairement le financement des cinquante grands projets de ville, qui amplifient et prolongent les grands projets urbains lancés par Mme Simone Veil en 1993. Ces projets auront des résultats si la démarche ambitieuse qui est proposée est effectivement appliquée.
Enfin, l'augmentation des dépenses de fonctionnement du ministère en 2001 n'est plus consacrée au développement pléthorique des dépenses de communication, que nous avions un peu regretté l'année dernière, elle est utilement orientée vers le renforcement des moyens d'information et de conseil aux chômeurs des quartiers difficiles à travers la mise en place des équipes emploi-formation.
J'apporterai toutefois deux nuances.
La commission a regretté la stagnation, déjà constatée l'année dernière, des moyens consacrés aux opérations « ville-vie-vacances » ; les collectivités territoriales assurant l'accueil des jeunes sont très sollicitées, et elles ne doivent pas être considérées comme une variable d'ajustement.
La commission a également regretté l'absence d'un véritable redéploiement des dépenses de communication du ministère, car elle n'est toujours pas convaincue des résultats.
Mais c'est sur la nouvelle politique proposée en matière de revitalisation sociale et économique que la commission se déclare la plus réservée.
Le bilan du pacte de relance pour la ville de 1996, voulu par MM. Alain Juppé, Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult, montre, dans les zones franches urbaines, non seulement que l'hémorragie d'emplois des année quatre-vingt a été jugulée, mais aussi que 40 000 embauches peuvent être réalisées dans des zones réputées sinistrées, comme vient de le dire Gérard Larcher.
Pourtant, le Gouvernement maintient son option d'une sortie progressive du dispositif à compter de 2002, tout en prenant son temps pour informer les entreprises de leur avenir. Tout à l'heure, j'ai entendu dire, à gauche, qu'il fallait en sortir. Je ne crois pas que ce soit la solution !
Les réticences du Gouvernement à l'égard des zones franches urbaines sont excessives, d'autant que l'on peut douter de l'efficacité des alternatives proposées.
S'agissant de l'emploi, le dispositif des adultes relais, largement inspiré des emplois-jeunes, est, en fait, un instrument classique et coûteux de lutte contre le chômage par la création d'emplois parapublics non marchands, qui n'apporteront pas de garantie de réinsertion durable pour les intéressés.
L'autre inconvénient de ces emplois réservés, qui représentent tout de même, au total, 2,8 milliards de francs de dépenses, c'est de laisser penser aux habitants des banlieues difficiles qu'ils sont à part. Comme l'écrit un éditorialiste dans un grand journal du soir peu suspect de sympathie envers la majorité sénatoriale : « La multiplication des médiateurs, des personnes relais ne fait qu'exacerber l'impression de constituer une population à part, à laquelle on ne peut plus s'adresser que par des intermédiaires, comme des Indiens dans leur réserve. »
Concernant le développement économique, le fonds de revitalisation économique met certes en place des moyens nouveaux, mais la commission des affaires sociales est perplexe sur l'efficacité de ce dispositif, qui obéit à une logique dépassée d'économie administrée à l'aide de subventions et qui n'échappera pas au risque de saupoudrage des moyens.
Pour avoir un effet tangible, ce fonds devrait être calculé moins chichement, ce qui ne permettrait pas pour autant de lui assurer la même efficacité qu'un mécanisme d'exonérations fiscales et sociales.
Enfin, monsieur le ministre, vous me permettrez de revenir sur le problème de l'insécurité, que vient d'évoquer mon collègue Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, j'ai été à la fois choqué - je dis bien choqué - et abasourdi à la lecture d'un article paru dans un hebdomadaire hier soir concernant les viols collectifs dans les cités. On ne peut que condamner des actes aussi révoltants.
Je souhaiterais qu'en matière de sécurité des actions vraiment fortes soient engagées pour éviter que de tels actes puissent se produire. La lecture de cet article m'a conforté dans mon opinion et dans l'avis que je dois vous présenter : la commission des affaires sociales est défavorable à l'adoption du projet de budget de la ville pour 2001 transmis par l'Assemblée nationale. Tant que vous n'apporterez pas une réponse à de tels actes, la commission des affaires sociales ne pourra qu'être opposée à ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 22 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Devant l'étendue des problèmes accumulés et exacerbés dans nombre de quartiers, de villes, de zones urbaines, on ne peut que se féliciter de voir, pour la troisième année consécutive, le budget du ministère de la ville en augmentation. Celui-ci passe de 1,4 milliard de francs à 2,4 milliards de francs, soit 70 % de progression d'un exercice à l'autre.
C'est d'autant plus positif que ces crédits s'inscrivent dans un effort de revalorisation des moyens publics dévolus à la politique de la ville qui atteint les 40 milliards de francs en moyens d'engagement, traduisant ainsi une progression de 65 % en trois ans.
Face à ces chiffres, le vote de rejet annoncé par la droite est surréaliste ! Il n'est motivé que par une attitude politicienne et idéologique.
Ce budget traduit la volonté politique du Gouvernement et des années d'initiatives multiformes des élus, toutes tendances politiques confondues d'ailleurs, pour qu'existe enfin une politique de la ville impliquant les partenaires locaux une politique qui ne se contente pas de mettre en place des soins palliatifs pour « empêcher le pire », mais qui commence à aborder le curatif.
Les situations sont si inégales dans notre pays que le ministère de la ville ne peut à lui seul tout régler. Il convient plus que jamais que l'action interministérielle se développe et que tous les efforts soient concentrés dans ces lieux de « mal vie ».
L'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains constitue un bel exemple en la matière, et il est regrettable que la majorité sénatoriale l'ait si fortement combattue et la combatte encore si fortement.
Des ressources nouvelles doivent être dégagées et réparties en fonction du potentiel fiscal de la commune, du niveau social des populations.
Je souhaite toutefois vous alerter, monsieur le ministre, sur les blocages rencontrés par les collectivités locales.
Les collectivités locales sont parties prenantes d'une politique contractuelle volontariste qui s'attaque aux causes des maux urbains, mais il faut que l'Etat fasse encore plus là où les communes ou les coopérations intercommunales sont dans l'incapacité de monter financièrement les projets dont elles ont pourtant le plus grand besoin. Et je doute que les 13 millions de francs d'aides aux communes les plus pauvres engagées dans les grands projets de ville soient suffisants. Pour nombre d'entre elles, financer 20 % ou 30 % des projets est hors de portée, même en passant par l'emprunt.
Dans ces conditions, comment rattraper les retards accumulés ? Cela s'avère d'autant plus difficile que le retour de la croissance alimente un sentiment où se mêlent l'espoir et la frustration. En effet, si le chômage a tendance à diminuer dans ces quartiers aussi, l'écart existant entre le taux de chômage qui y est enregistré et celui du reste de la commune, du département ou de la nation ne se réduit pas. Cela suscite beaucoup de colère, d'amertume et de rancoeur, et donc de multiples tensions.
La couleur de peau et l'adresse qui figurent sur leur curriculum vitae sont autant d'éléments de discrimination qui, ajoutés au manque de formation, continuent à peser très lourdement au moment de l'embauche. Il faut donc résolument s'attaquer à l'apartheid social et spatial, à l'existence de territoires de non-droits, ces territoires où le droit à la réussite scolaire, le droit à un véritable emploi, le droit aux services publics, le droit à la sécurité sont trop souvent bafoués.
Le risque patent que la croissance s'arrête aux portes des quartiers populaires, avec tous les effets catastrophiques que nous connaissons ensuite, mérite que cette question soit prise à bras-le-corps.
Il est très regrettable à cet égard que les moyens prévus pour l'emploi dans le projet de budget soient en diminution de 1,9 %.
En ce qui concerne la politique contractuelle, les choses vont dans le bon sens, mais les élus se plaignent toujours de la complexité des procédures. Il faut aller plus loin dans la simplification des circuits et des procédures d'agrément des dossiers.
Par ailleurs, l'Etat et les services publics doivent montrer toujours plus l'exemple. Mais interrogeons-nous : tout est-il fait, vraiment fait pour assurer l'égalité de traitement en matière d'établissements scolaires, de présence de guichets postaux, de centres de sécurité sociale et de la CAF, d'antennes de police ? Poser la question, c'est y répondre !
Au sujet de l'éducation nationale, il est insupportable qu'à chaque rentrée scolaire le même constat soit fait : les nouveaux enseignants sont très majoritairement des débutants sortants des IUFM avec, pour corollaire, une absence totale d'expérience pour exercer leur métier dans des classes parmi les plus délicates. Quand cette situation changera-t-elle ?
Enfin, s'il faut admettre que des efforts de simplification des circuits de financement de la politique de la ville ont été entrepris, il reste que les acteurs de terrain, en particulier les associations où les bénévoles assurent un travail souvent exemplaire, ne disposent toujours pas de leurs crédits avant de très longs mois et sont contraintes de déposer de nouveaux dossiers chaque année, sans avoir la garantie qu'ils seront acceptés. Vive la programmation pluriannuelle ! disiez-vous, monsieur le ministre. Qu'elle devienne la règle !
Pourquoi, monsieur le ministre, l'expérience menée à Paris par la Caisse des dépôts et consignations depuis deux ans et permettant d'assurer un fonds de roulement au bénéfice des associations n'est-elle pas généralisée en 2001 dans tous les sites ?
Reconnaissons vraiment le travail des associations et leur statut de partenaires à part entière.
En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera donc ce bon budget en espérant que ses remarques seront prises en compte et que le dialogue avec les collectivités locales s'amplifiera.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Je suis très heureuse, au nom du groupe socialiste, de défendre le budget de la ville qui est, une fois encore, un excellent budget. Depuis votre entrée en fonction, monsieur le ministre, le Gouvernement a entrepris une importante revalorisation des crédits destinés à la politique de la ville. Elle s'est traduite par une augmentation de 32 % en 1999 et de 10 % en 2000, elle sera de 8 % pour 2001. En tenant compte des nouvelles mesures concernant le renouvellement urbain et l'emploi, les crédits de ce budget vont croître de 70 %.
Pour la troisième année consécutive, votre budget est donc celui qui bénéficie de la plus forte augmentation. Il me semble également important de souligner que, depuis 1998, l'effort consacré à la politique de la ville a été multiplié par trois. Cette augmentation significative marque une volonté forte du Gouvernemnet de faire de la politique de la ville une priorité et d'inscrire celle-ci dans la durée.
Une telle politique n'est en effet efficace que si elle est durable, car nous connaissons toutes et tous l'ampleur des problèmes.
Lutter contre l'exclusion dans les quartiers est l'objectif principal de votre politique et il ne pourra être atteint que sur la base de projets solides et durables. Ainsi, ce projet de budget qui vise à faire profiter les habitants des quartiers de la croissance, à lancer le renouvellement urbain à grande échelle et à conforter les moyens des nouveaux contrats de ville, permettra de poursuivre et d'amplifier l'effort engager depuis deux ans.
Faire profiter les habitants des quartiers de la croissance est un objectif très important, car il est indispensable de mettre définitivement fin à l'étiquette « foyer de pauvreté et d'exclusion » qui colle encore aux grands ensembles urbains. Six millions de personnes vivent dans des cités de banlieue et beaucoup ont encore bien souvent le sentiment d'être reléguées dans une société de seconde zone. C'est pourquoi vous nous proposez des actions de proximité en vue de résorber le chômage qui perdure dans les cités.
A cet effet, cent cinquante équipes emploi-insertion articulées avec le service public de l'emploi seront mises en place dans les quartiers. Il s'agit là d'une excellente initiative.
Je souhaite citer en exemple un dispositif équivalent dans mon département. Dans le cadre du précédent contrat de ville de l'agglomération thionvilloise, des espaces citoyens ont été créés. Ces structures ont pour objet de faciliter l'accès à l'information et à la recherche d'emploi, et d'organiser un relais avec les structures déjà en place. Ces dispositifs sont très appréciés, et personne ne saurait en contester l'efficacité. Vous avez, vous-même, pu le constater, monsieur le ministre, lors de votre visite en Moselle voilà deux ans. Je suis donc très optimiste quant aux résultats de ce dispositif nouveau sur l'emploi.
Pour ce qui est du programme concernant les « adultes-relais », il contribuera lui aussi à redonner à certaines personnes leur chance sur le marché du travail. Les nombreux bénévoles déjà en place dans des structures telles que les commissions locales dans le cadre des contrats de ville ou Vie Libre oeuvrent dans ce sens et leur reconnaissance en tant qu'« adultes-relais » ne pourra que favoriser davantage le dialogue entre les habitants et faciliter la réinsertion des exclus.
Concernant l'objectif visant à conforter les moyens des nouveaux contrats de ville, il est, lui aussi, essentiel, car il permettra aux élus et aux associations de s'impliquer davantage dans la politique de la ville au travers des subventions qu'ils recevront en vue de mener à bien leurs projets. J'ai récemment rencontré des acteurs locaux qui appliquent et font mettre en oeuvre la politique de la ville au quotidien. Ils se félicitent d'une telle orientation car elle leur permettra de conforter les initiatives prises en faveur des jeunes et de les développer.
Ainsi en sera-t-il par exemple pour le projet Mob-emploi, récemment mis en place dans le cadre du contrat de ville, en vue d'aider les jeunes dans leurs déplacements. Pour l'instant, il s'agit de la mise à disposition de mobylettes pour effectuer des démarches en faveur de l'emploi et pour se rendre au travail, car de nombreux jeunes ayant trouvé un emploi n'ont pas les moyens de se déplacer. Beaucoup de projets fleurissent autour de cette idée : location de voitures, aides au permis de conduire, co-voiturage, garages associatifs, etc.
En fait, l'imagination et les idées ne manquent pas, et le fait de conforter les moyens alloués permettra donc à beaucoup de projets, comme celui que je viens de citer en exemple, de se développer.
Le fonds de participation des habitants qui permet de soutenir des micro-initiatives au sein des quartiers a été reconduit, et c'est une très bonne chose. Les acteurs présents sur le terrain sont tout à fait acquis à cette idée, mais certains sont encore un peu démunis quant aux modalités techniques qu'elle demande. C'est pourquoi il me semble important de communiquer davantage sur ce plan, monsieur le ministre.
Certains critiquent la part de votre budget réservée à la communication. En ce qui me concerne, je ne la trouve pas excessive, au contraire. Il faut communiquer et informer plus. La demande émane du terrain, les acteurs ont beaucoup d'idées et ils attendent les informations et, surtout, les éléments techniques nécessaires à la mise en oeuvre de leurs projets.
Pour ce qui est du financement, le guichet unique est une avancée réelle, mais le versement des subventions est quelquefois tardif et il peut retarder la mise en oeuvre de certains projets dont les initiateurs ne possèdent pas les fonds suffisants. L'objectif de raccourcir encore les délais répond tout à fait aux attentes des intéressés, mais ne serait-il pas possible d'aller encore plus loin en avançant à certaines associations les fonds nécessaires à la réalisation de leurs projets en début d'année ? Ce point particulier ne pourrait-il pas faire l'objet d'une réflexion avec le ministre des finances ?
Monsieur le ministre, les crédits de la ville ont « explosé » et les projets fleurissent de toutes parts. Il est nécessaire de coordonner les initiatives. A ce sujet, je souhaite vous interroger sur la revalorisation de la fonction des sous-préfets pour la ville, chargés de mettre en oeuvre votre politique dans les départements les plus concernés. Suivront-ils à l'avenir une formation particulière ? Pourront-ils passer outre les sous-préfets d'arrondissement pour prendre des décisions ? Seront-ils des coordinateurs et les animateurs des équipes intervenant dans le cadre des maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales ?
Pour ce qui est de ces dernières, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur le statut des chargés de mission et des chefs de projets recrutés dans ce cadre. Malgré le rapport rendu cet été par Mme Claude Brévan, il semble que leur statut reste inchangé et que ces personnes restent confinées dans la précarité de leur poste, à savoir un recrutement contractuel reconductible d'une année sur l'autre, sans avancement ni plan de carrière. Connaissant leur implication dans la politique de la ville et l'efficacité de leur travail, je pense qu'il est grand temps, puisque le Gouvernement a décidé d'inscrire son action dans la durée, de s'interroger sur la professionnalisation des chargés de mission et des chefs de projet.
Concernant toujours les contrats de ville, vous connaissez, monsieur le ministre, le rôle que jouent les appelés du contingent dans la politique de la ville et l'apport significatif qu'ils représentent pour les petites associations. Ils sont de moins en moins nombreux et vont totalement disparaître avec la professionnalisation des armées et la fin de la conscription le 31 décembre 2002. Aussi faudra-t-il les remplacer. La première « solution » qui me vient à l'esprit est de les relayer par des emplois-jeunes. Mais un problème peut se poser pour les associations qui n'ont pas les moyens de couvrir les 25 % du salaire qui reste à la charge de l'employeur. Ce financement résiduel pourrait-il être assuré par les crédits consacrés à la politique de la ville ? Les associations concernées pourraient-elles déposer un dossier, dans le cadre des contrats de ville, en vue d'obtenir, en plus de la part de l'Etat, le financement résiduel de ces contrats, dans la mesure où l'action effectuée par ces emplois-jeunes relève des priorités de la politique de la ville ?
Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le programme national de renouvellement urbain, qui est aussi un volet important de votre politique.
Il s'illustrera, dans les années qui viennent, par des investissements massifs pour transformer certains quartiers dont l'urbanisme est dépassé. Ces investissements pourront se traduire non seulement par une amélioration du cadre de vie, mais aussi par la réalisation d'équipements nouveaux, culturels et sportifs, qui structurent la vie des cités et contribuent à une meilleure qualité de vie au coeur des banlieues.
Ce programme s'illustrera également par le renforcement des services publics, qui ouvrent le quartier à toute la ville. Je ne cesserai d'affirmer l'importance d'une telle politique. La présence massive de services publics de qualité au sein des grands ensembles, qu'il s'agisse de la poste, des transports publics ou des écoles primaires, est une condition nécessaire pour que le quartier urbain ne vive pas en circuit fermé. Ces services sont autant de « passerelles » vers la ville, d'ouvertures vers le monde et de moyens pour enrayer l'exode des habitants.
Monsieur le ministre, l'orientation de votre politique est excellente, la coordination doit être à la hauteur. Nous vous faisons confiance, à vous-même et au Gouvernement, pour atteindre ces objectifs ambitieux. C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de budget sans hésiter. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le ministre, le Gouvernement a affiché la priorité qu'il entend donner à la politique de la ville. Nous ne pouvons pas contester l'augmentation significative de votre budget. Toutefois, je regrette qu'elle ne soit pas à la hauteur de votre ambition. Connaissant votre volonté de redresser nos villes, je reste persuadée que vous partagez mes regrets.
Cela dit, vous vous en doutez, de nombreuses remarques s'imposent, les mêmes, pour la plupart, que l'an passé, je le déplore, car nous n'avons pas l'impression d'être souvent entendus.
Le processus de délégation des crédits au préfet s'inscrit dans un mouvement de déconcentration de l'Etat ; c'est une bonne chose, car les décisions seront ainsi prises plus près du terrain.
Toutefois, ce progrès est assombri par la forte intensification des exigences, en termes de procédures et de contrôles, que les acteurs locaux et les maires que nous sommes comprennent d'autant moins que ces procédures de plus en plus laborieuses et longues constituent un handicap certain pour l'aboutissement des dossiers. Quant aux moyens, s'ils sont, certes, en augmentation, ils sont extrêmement difficiles à mobiliser.
Les mécanismes traditionnels de la politique de la ville permettent une bonne concertation entre les services de l'Etat, les élus et les associations. Il est dommage que l'amplification des exigences de contrôles administratif et financier donne aux élus le sentiment bien décourageant d'être en faute, de jouer le rôle de quémandeurs quelque peu irresponsables dont l'Etat devrait réfréner la tentation qu'ils ont d'utiliser de manière inconsidérée les deniers publics.
Monsieur le ministre, ce sont pourtant bien les élus - je sais que vous en avez conscience et que vous le reconnaissez -, en contact permanent avec les acteurs locaux, qui peuvent juger s'il est bon de placer des animateurs dans tel quartier ou de financer telle association.
Ce que nous gagnons aujourd'hui en déconcentration des décisions, nous le perdons en lourdeur des règles d'instruction et de notification des financements.
L'engagement et la motivation des services locaux de l'Etat ne sont pas en cause ; ils sont, eux aussi, confrontés aux difficultés que nous rencontrons.
Je suis donc amenée à vous demander s'il existe une réelle volonté au niveau national de voir se concrétiser sur le terrain les crédits de la politique de la ville.
Il est grand temps que l'Etat modernise son fonctionnement et ses procédures. Il y va de la crédibilité de l'action publique dans son ensemble.
Monsieur le ministre, lorsque cette dernière est mise en péril par les lourdeurs de l'Etat, ce sont les élus qui sont en première ligne pour faire face au mécontentement et au découragement bien légitimes de nos concitoyens.
Les maires éprouvent donc de grandes difficultés à concrétiser sur le terrain les projets du Gouvernement, fussent-ils positifs.
Je prendrai pour exemple les grands projets de ville, qui succèdent aux grands projets urbains. Sur un même projet, le financement peut provenir à la fois de l'Etat, de la région, du département, de l'Europe et, bien sûr, des collectivités locales qui, pour certaines, ne se sont toujours pas prononcées sur leurs intentions et leur mode d'intervention.
Les grands projets de ville restent, on l'a dit, financés pour une part par les communes qui n'en ont pas toujours les moyens puisqu'ils s'adressent par définition à des villes en difficulté ! La part communale reste encore bien trop lourde, et nombreux sont malheureusement les projets mis en attente faute de moyens.
La complexité du système de financements croisés nous amène parfois à faire appel à de véritables bataillons de spécialistes pour préparer et suivre les mêmes dossiers dans un dédale de circuits administratifs dont je renonce à vous décrire l'ampleur !
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. C'est vrai !
Mme Nelly Olin. Au demeurant, ces spécialistes coûtent fort cher aux villes. On serait mieux avisé de les utiliser pour ce qui est leur fonction première !
Ce système est d'autant plus générateur de déperdition de temps, d'énergie et de compétences que l'Etat s'est avisé, depuis peu, de demander systématiquement les preuves écrites des accords des autres financeurs avant de confirmer son propre accord.
Vous imaginez, monsieur le ministre, à quoi cette nouvelle rigidité risque de conduire si chaque financeur se met à exprimer les mêmes exigences ! Les décisions n'étant jamais simultanées, chacun pourra différer à l'infini son engagement en s'abritant derrière les lenteurs des autres !
A force de complexité et de délais trop importants dans le processus d'élaboration et d'instruction des dossiers, les actions sont engagées en fonction non plus du seul intérêt général, qui devrait être le seul guide, mais des aléas et des mécanismes opaques inhérents au fonctionnement des services !
La concertation et le dialogue avec les citoyens s'apparentent aujourd'hui à un véritable exercice de haute voltige pour lequel les élus doivent présenter des actions et prendre des engagements sans en maîtriser la faisabilité dans le temps, celle-ci étant subordonnée aux mécaniques totalement aléatoires des processus de financement de l'Etat.
Monsieur le ministre, comment la démocratie locale peut-elle fonctionner si un maire n'est pas en mesure de donner la moindre information quant au délai dans lequel des travaux de réhabilitation d'un centre social - c'est un exemple parmi d'autres - seront effectivement autorisés par la trésorerie générale ?
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Nelly Olin. Quelle crédibilité les élus ont-ils vis-à-vis des habitants et des entreprises si les projets les plus simples traînent des mois et des mois avant d'être finalement rejetés pour des raisons que seuls des spécialistes aguerris peuvent comprendre ? Malheureusement, ces spécialistes ne sont plus là quand il faut s'expliquer dans les réunions de quartier et prendre de nouveaux engagements devant les citoyens ou les entreprises !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !
Mme Nelly Olin. Chacun comprendra que la simplification s'impose d'urgence, car la politique de la ville doit être souple, rapide et efficace pour trouver une application concrète sur le terrain.
Monsieur le ministre, votre projet de budget, certes ambitieux, n'est pas assez imaginatif, et l'incitation à la mobilisation des acteurs privés demeure le parent pauvre, ce qui, j'en suis convaincue, pénalise bon nombre de grands projets.
Le problème des zones franches urbaines ayant été abordé, je ne serai pas redondante.
La mise en place du pacte de relance par Alain Juppé a bien fonctionné. Je constate que, d'ailleurs, vous revenez sur vos propos des débuts, qui m'avaient profondément choquée puisque vous attaquiez les zones franches. Il en est qui marchent bien. Je sais que vous êtes un honnête homme...
MM. Gérard Larcher et Paul Blanc, rapporteurs pour avis. Oh oui !
Mme Nelly Olin. ... et que vous saurez reconnaître ce qui va et ce qui ne va pas.
Aujourd'hui, vous connaissez l'inquiétude des entreprises, celles qui sont déjà en zone franche comme celles qui voudraient y venir, et des élus qui en bénéficient. Quelles mesures allez-vous, d'une manière précise, nous annoncer ?
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Nelly Olin. Dans les villes où le dispositif relatif aux zones franches a bien fonctionné c'est-à-dire dans la plupart d'entre elles, nous devons poursuivre le redressement du volet économique qui, seul, permettra de résorber le chômage des jeunes dans nos quartiers.
Il faut savoir aussi que les entreprises privées garantissent aujourd'hui des emplois durables, mais les moyens que vous leur accordez ne sont pas à la hauteur des enjeux.
La politique de la ville a besoin de toutes les énergies ; elle ne peut pas se limiter au champ clos des acteurs publics. Il faut l'ouvrir largement aux acteurs privés et savoir dépasser les préjugés des gouvernements de gauche qui veulent faire croire que l'argent public est forcément mal utilisé, voire dévoyé, par les acteurs privés.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, MM. Gérard Larcher et Paul Blanc, rapporteurs pour avis. Très bien !
Mme Nelly Olin. Pour la première fois en Ile-de-France, les fonds structurels européens vont être mobilisés au profit d'opérations privées contribuant à l'intérêt des quartiers.
Le gouvernement français devrait s'inspirer des institutions européennes et ouvrir la possibilité, aujourd'hui exclue, de mobiliser des subventions comme incitations aux projets privés et ainsi augmenter la richesse et les emplois au profit des quartiers en difficulté et de leurs habitants. L'Etat et les collectivités, mais surtout les populations, s'y retrouveront, ainsi qu'en témoigne la réussite des zones franches.
Ne soyons pas hypocrites, nul n'a envie de se promener dans un quartier sans vie. Ce ne sont, hélas ! ni les adjoints de sécurité, ni les agents de médiation, ni les « adultes-relais » qui feront revivre, par exemple, nos centres commerciaux.
Toutefois, il y a des évolutions positives, et je me réjouis que certains tabous soient tombés s'agissant des opérations de « démolition-reconstruction ».
Je mettrai cependant un bémol : je souhaite que les opérations de démolition ne s'accompagnent pas systématiquement d'opérations de reconstruction. Ne répétons pas les erreurs du passé ! L'échec des quartiers de nos banlieues trouve sa cause dans une urbanisation massive. Aujourd'hui, ayons le courage de dire quand il faut démolir et ne nous sentons pas obligés de reconstruire.
Ayons recours aussi aux « résidencialisations pieds d'immeuble », qui, à mon avis, permettent de rendre les quartiers difficiles plus attrayants pour leurs habitants.
Si nous voulons que la politique de la mixité sociale réussisse, nous ne devons pas pérenniser les erreurs du passé.
Monsieur le ministre, compte tenu de ces observations fondées sur des constats et de ces interrogations sur des simplifications du système - et je crois avoir attiré votre attention de manière alarmiste - ainsi que des attentes de nombreux maires, je me rangerai à la position de sagesse de la commission et, à titre personnel, je m'abstiendrai sur ce projet de budget, qui, s'il affiche une volonté certaine, manque encore d'ambition et de moyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, c'est le troisième budget que vous nous présentez. Les années se suivent et chacune d'elles apporte des mesures nouvelles et des moyens fortement majorés.
En 1999, les crédits spécifiques de votre ministère progressaient de 32 %, franchissant ainsi le cap symbolique du milliard de francs.
En 2000, la nouvelle progression étant de 10 %, votre budget était celui qui augmentait le plus. Mais certains de nos collègues restaient dubitatifs : cela allait-il durer ou ne s'agisssait-il que d'un effet d'annonce ?
Ils devraient trouver, dans le projet de budget que vous présentez pour 2001, des réponses à leurs attentes. En effet, il progresse de 70 % pour atteindre 2,4 milliards de francs. Jamais il n'a connu une telle progression ! Jamais la volonté de promouvoir et de réaliser une politique de la ville n'a été aussi active !
La commission des affaires sociales et son rapporteur, notre collègue Paul Blanc, en ont été troublés et ont demandé un temps de réflexion. Comment pourraient-ils rejeter un tel budget ? C'est difficile...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Non !
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Il va y arriver !
M. Gilbert Chabroux. ..., d'autant que M. le rapporteur reconnaît que, « pour la première fois, ce budget va de pair avec la mise en oeuvre d'orientations et de mesures nouvelles au titre de la politique de la ville par le gouvernement de M. Lionel Jospin ». Notre collègue Paul Blanc a donc souhaité se concerter plus avant avec les rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires économiques avant de donner un avis définitif.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. S'il y a eu autant d'hésitations, c'est la preuve, monsieur le ministre, que votre budget va dans le bon sens et, mieux, que c'est un bon budget.
Ce budget marque un tournant de la politique de la ville en associant renouvellement urbain et revitalisation économique. Il convient de l'analyser en tenant compte aussi de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, qui devrait s'appliquer dès le 1er janvier prochain.
Ainsi que le constate notre collègue Paul Blanc,...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Encore !
M. Gilbert Chabroux. Je cite les bons auteurs...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je vous en remercie !
M. Gilbert Chabroux. Comme le constate notre collègue Paul Blanc, disais-je, avec cette loi, le Gouvernement disposera de tous les instruments de sa nouvelle politique de la ville.
Je n'interviendrai pas sur le volet du renouvellement urbain car beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce sujet, particulièrement par Gisèle Printz.
Je voudrais en revanche insister sur le développement économique des quartiers sensibles. Nous savons tous que la croissance a du mal à pénétrer dans ces quartiers. Elle ne profite que très peu aux publics les plus en difficulté. De ce fait, le fossé se creuse avec le reste de la population et le risque est grand d'engendrer de fortes tensions.
Nous ne pouvons pas laisser sur le bord de la route ces publics, jeunes et moins jeunes, qui ont le droit, eux aussi, de profiter de la croissance retrouvée. Il ne peut pas y avoir de ville à deux vitesses, il faut lutter contre la fracture urbaine. Il y a un problème de cohérence sociale au niveau de chaque agglomération.
Bien sûr, tout le monde tient à peu près le même discours, mais les moyens divergent. La droite ne voit de salut que dans les zones franches urbaines et les allégements de fiscalité.
Mme Nelly Olin. Eh oui, c'est la réalité !
M. Gilbert Chabroux. Certaines zones franches, il est vrai, ont favorisé la création d'emplois. La croissance y a sans doute eu une part importante, mais l'implantation d'entreprises dans ces zones est toujours bénéfique, surtout si cette implantation est accompagnée d'un recrutement local. Toutefois, dans l'ensemble, force est de reconnaître que la situation ne s'est pas sensiblement améliorée et que, trop souvent, les habitants des quartiers n'ont pas réellement profité des avantages très importants concédés aux entreprises.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. C'est faux !
M. Gilbert Chabroux. Vous proposez, monsieur le ministre, de nouvelles actions pour favoriser la revitalisation économique des quartiers avec, sans doute, des aides fiscales mais aussi des aides sociales.
Seront ainsi accordées une prime supplémentaire pour toute embauche d'un demandeur d'emploi habitant le quartier de même que des exonérations pendant trois ans de 50 % des charges sociales pour les emplois créés en zone de redynamisation urbaine. En outre, un fonds de revitalisation économique est créé pour aider le commerce de proximité, les artisans, les entreprises déjà installées dans le quartier. Nous devrions tous être d'accord avec de telles mesures !
De même, nous devrions l'être avec la création et la mise en place d'équipes emploi-insertion qui auront pour mission de rétablir le lien entre les habitants et les services d'appui à l'emploi en portant l'information au coeur des quartiers et en créant un partenariat étroit avec les différents acteurs qui oeuvrent au quotidien pour l'insertion dans la ville.
Enfin, toujours pour développer l'accès à l'emploi et le lien social, vous proposez de recruter, sur trois ans, 10 000 « adultes-relais ». Ces postes sont destinés aux chômeurs hommes ou femmes, de plus de trente ans habitant dans les quartiers. Le rapporteur de la commission des affaires sociales a vu dans ce dispositif « le risque de conduire à un enfermement des banlieues sur elles-mêmes, comme des Indiens dans une réserve ». C'était une citation, mais elle pouvait être révélatrice d'une certaine attitude par rapport aux populations des quartiers défavorisés. Ainsi que vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous avons, en fait, une dette envers ces populations qui ont été lourdement touchées par la crise et qui ont été, en quelque sorte, assignées à résidence. Les « adultes-relais » devraient permettre de favoriser le dialogue, créer un lien social, résoudre les conflits mineurs de la vie quotidienne et améliorer la qualité de vie sociale dans ces quartiers.
Ce dispositif présente, en outre, le très gros avantage de s'appuyer sur les associations et les organismes comme les offices d'HLM, qui auront la responsabilité de recruter. Il est important de mobiliser les associations qui agissent au plus près de la réalité des quartiers.
Une autre critique porte sur la part de financement qui incombe aux collectivités territoriales, par exemple pour les opérations « ville-vie-vacances ». Les collectivités locales seraient considérées par l'Etat comme « une variable d'ajustement » pour combler les dépenses.
Mais comment les villes pourraient-elles ne pas participer au financement de projets ou d'actions qui les concernent au premier chef, surtout au moment où elles revendiquent une plus grande autonomie ? De plus, l'échelle qui est maintenant celle de l'agglomération tout entière permet de faire jouer la solidarité intercommunale. Les départements même ont souhaité s'associer à la politique de la ville et participent à son financement. Et n'oublions pas les régions et les contrats de plan Etat-régions, qui jouent un rôle déterminant !
Il faut aussi souligner que la dotation de solidarité urbaine s'est fortement accrue ces dernières années. Elle a augmenté de 45 % en 1999 et de 14 % en 2000. Elle devrait augmenter encore, car c'est une dotation de péréquation. L'Etat devrait mieux dimensionner son aide et la moduler, en prenant en compte l'importance relative des problèmes locaux.
Monsieur le ministre, la politique de la ville date d'une bonne quinzaine d'années, de vingt ans même. Elle avait fini par s'essouffler. Vous avez su, en trois années, nous présenter des budgets d'impulsion et d'innovation, des budgets pour un nouvel élan. Non seulement les crédits sont en très forte hausse, mais des projets se dessinent et se réalisent. Ils doivent permettre de faire de la ville un lieu d'échanges et de bien vivre, une ville faite pour l'homme.
Mme Nelly Olin. C'est cela !
M. Gilbert Chabroux. Bien entendu, le groupe socialiste salue l'action que vous menez ; il vous apportera tout son soutien pour que vous puissiez mettre en oeuvre cette politique et donner une nouvelle ambition aux villes. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le ministre, ce sont les crédits de votre ministère qui connaissent la plus forte progression même si, en valeur absolue, les moyens financiers dont vous disposez en propre restent malgré tout modestes par rapport à l'ampleur des problèmes posés.
Les acteurs de la politique de la ville sont, en principe, en ordre de marche, puisque, à l'issue d'une concertation qui aura été longue, coûteuse et complexe, les 247 contrats de ville, le 50 grands projets de ville et les 30 opérations de renouvellement urbain sont tous signés ou en voie de l'être.
Et pourtant, il faut bien en convenir, les acteurs de terrain restent sceptiques.
Ils restent sceptiques, parce que, au quotidien, ils voient autour d'eux s'aggraver les tensions et se multiplier les problèmes.
Ils restent sceptiques, encore et surtout, à cause de la lourdeur des dispositifs, du rôle excessif qu'y joue l'appareil administratif, de la très faible marge de manoeuvre laissée aux véritables artisans de la reconquête de la ville, de l'échelle souvent peu pertinente à laquelle on entend résoudre les problèmes, à cause enfin, des solutions trop stéréotypées proposées pour des situations dont la diversité est considérable.
Le problème de fond qui se trouve posé est, en fait, celui de la maîtrise d'oeuvre de la conduite de la politique de la ville.
Dans le dispositif mis en place, tout démontre qu'il n'y a, de la part de l'Etat, ni véritable volonté de subsidiarité, ni même parfois de confiance suffisante.
L'Etat réussit-il tellement mieux dans les domaines qui relèvent de sa pleine compétence ?
Réussit-il en matière d'enseignement, de sécurié, de justice, de santé publique, de gestion des prisons ?
Et n'oublions pas que les énormes ensembles immobiliers, qui nous posent tant de problèmes, sont l'héritage d'une période du tout-Etat en matière de réalisation de logements sociaux !
Les réussites en matière de reconquête urbaine sont toujours le résultat d'une détermination et d'un engagement exceptionnels des élus locaux et des acteurs de terrain.
C'est à eux qu'il conviendrait de donner, à travers des mesures de simplification, de liberté, de responsabilité, les moyens de réussir là où - il faut bien le reconnaître -, l'Etat a largement échoué.
C'est à eux aussi qu'il faudrait laisser l'évaluation de l'échelle de leur action qui, certes, doit s'inscrire dans une certaine cohérence par rapport à un large bassin de vie, mais qui est d'abord du « cousu main », au jour le jour, et au plus près, loin des aréopages pléthoriques où le verbe est roi, où l'on empile les études et où l'on fait dans la prospective alors que l'actualité se nourrit surtout de l'imprévisible.
Il convient d'évoquer aussi les énormes obstacles que continuent de rencontrer celles et ceux qui se battent sur le front de l'insertion professionnelle des personnes en grande difficulté alors que l'embellie économique est en train de creuser dramatiquement les écarts.
Les contrats emplois-solidarité et les contrats emplois consolidés sont de plus en plus difficilement accessibles. Dans mon département, leur nombre a été réduit de 30 % en une année.
Quant aux entreprises d'insertion - outils remarquables pour accompagner vers « l'employabilité » des personnes qui en sont éloignées - elles se débattent dans des difficultés énormes. Les services de l'Etat recensent vers le mois d'octobre leurs besoins en matière de financement. Ces services ne sont en mesure de leur indiquer leur dotation pour l'année en cours qu'au second semestre, alors que le versement des fonds n'intervient qu'à la fin de l'année, voire au début de l'année suivante. Les actions ont donc été conduites et préfinancées par des entreprises qui travaillent dans des conditions suffisamment difficiles pour que ne s'y ajoutent pas encore cette incertitude et cette précarité.
Je voudrais souligner, ensuite, le paradoxe qui a conduit à mettre en place des programmes intercommunaux de l'habitat et des conférences intercommunales du logement, alors même que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains conduit à apprécier le quota de logements sociaux commune par commune.
Outre le fait que, dans certains cas, la loi sera inapplicable pour de simples raisons matérielles, elle accélérera des effets pervers, dont certains se produisent dès à présent.
Dans les ensembles les plus difficiles, les familles qui auront, grâce à la reprise, vu s'améliorer leur situation s'empresseront de quitter le quartier, où elles seront remplacées par de plus démunies. On verra donc s'accentuer encore la ghettoïsation et, ce qui est souvent son corollaire, le communautarisme.
Aussi convient-il de saluer comme une mesure positive l'accroissement des crédits destinés à la démolition, puisque son rythme doit passer à environ 10 000 opérations par an.
Il n'en reste pas moins que ces opérations chirurgicales lourdes laissent à la charge des communes - souvent les plus pauvres - des montants résiduels considérables.
Dans notre ville, deux tours de soixante logements chacune ont été libérées, puis démolies. La dette communale s'en trouve accrue de 15 millions de francs, soit l'équivalent annuel du produit cumulé de la taxe d'habitation et de la taxe foncière de la ville.
Comment, avant de conclure, ne pas évoquer les problèmes de violence urbaine pour lesquels, manifestement, le dispositif existant n'apporte aucune amélioration.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Daniel Eckenspieller. Dans la communauté urbaine de Strasbourg, malgré une intercommunalité totalement intégrée, malgré un contrat de ville, malgré un contrat local de sécurité, les incendies de voitures ont augmenté de 36 % en un an : si on les plaçait pare-chocs contre pare-chocs, les 1 600 voitures incendiées depuis le début de l'année feraient une file de plus de six kilomètres de long !
Les vols avec violence ont augmenté, pendant la même période, de 32 %.
Il faudrait également évoquer la violence dans les établissements scolaires, dans les transports en commun, dans les stades, dans les centres commerciaux et autres lieux publics.
Quelle idée peut se faire, de la protection qui lui est accordée par la puissance publique, le citoyen ou la citoyenne qui découvre, chaque matin, dans son quotidien, le récit des exactions de la nuit précédente ?
Quelle est, en l'occurrence, la réponse de l'Etat ? Quinze centres de placement immédiat pour tout le territoire national, des adjoints de sécurité pour remplacer, au moins provisoirement, les policiers partant à la retraite.
Qui peut croire que la reconquête de la paix civile se suffira de tels moyens ?
Que l'Etat remplisse d'abord pleinement et efficacement les missions qui sont les siennes et qu'il donne, pour le reste, aux responsables locaux les moyens de conduire, de la manière qui leur paraît la plus adaptée à la situation du lieu et du moment, les actions à travers lesquelles se renoue le lien social, se construit l'intégration, se réinsèrent les personnes en déshérence et se retrouve l'équilibre de nos cités ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Lagauche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le contexte nouveau de croissance et la volonté du Premier ministre ont profondément changé le sens de la politique de la ville que je coordonne au sein du Gouvernement. De politique de solidarité conçue pour amortir dans les quartiers populaires les effets de la crise dans les quartiers populaires, elle devient une politique de développement pour remettre à niveau les territoires à la dérive et prévenir l'émergence de nouveaux ghettos.
Cette nouvelle ambition de développement solidaire bénéficie depuis deux ans de moyens qui sont davantage à la mesure des enjeux, et les premiers résultats sont déjà visibles.
Le premier budget que je vous ai présenté proposait pour 1999 une augmentation de 32 %, de façon à ajuster les moyens mis à la disposition des acteurs des contrats de ville, restés stables pendant des années malgré la progression de l'exclusion sociale et urbaine.
Le budget de 2000, à travers une nouvelle augmentation de 40 %, visait à la fois à simplifier des financements jusque-là éparpillés sur les budgets de plusieurs ministères, - mais je reconnais qu'il reste beaucoup à faire en la matière - et à préparer le changement d'échelle de la politique de la ville programmé dans les contrats de ville 2000-2006.
Pour 2001, je vous propose de consolider ces acquis à travers une hausse de 8 %, à périmètre constant, des moyens consacrés au « coeur de métier » du ministère, à savoir les actions menées dans le cadre des contrats de ville et destinées à améliorer la vie quotidienne des habitants des quartiers les plus en difficulté.
En plus de cette augmentation, de nouveaux dispositifs vont compléter la palette d'intervention de mon ministère en matière de renouvellement urbain, d'emploi et de revitalisation économique. Il vous est donc proposé d'accroître mon budget de 70 %, pour le porter à 2,4 milliards de francs.
Ces moyens permettront de poursuivre et d'amplifier l'effort engagé depuis deux ans, qui est conforté par de premiers indices de réussite.
J'aimerais revenir sur les trois objectifs principaux de cet effort : conforter les acteurs de la politique de la ville ; lancer le renouvellement urbain à grande échelle ; faire profiter les habitants de la croissance.
Conforter les moyens des acteurs dans les quartiers est ma première priorité, car il ne faut jamais oublier que cette politique repose d'abord sur des milliers d'élus, de fonctionnaires, de travailleurs sociaux, de professionnels de terrain ou de bénévoles associatifs. Il s'agit donc d'ajuster les moyens des nouveaux contrats 2000-2006, pour intensifier les actions en matière de sécurité ou d'éducation, par exemple. Ces moyens sont donc accrus de 89 millions de francs, enregistrant ainsi une augmentation de 8 %.
Cet abondement permettra également de répondre à la nécessité de concentrer les moyens dans les quartiers où les problèmes sont particulièrement aigus, tout en prenant en compte la dimension intercommunale nouvelle de cette politique.
Cet objectif se traduit également par la création d'une nouvelle ligne de 15 millions de francs pour favoriser les innovations sociales, dans des domaines clés pour la politique de la ville comme la santé, la famille ou la culture.
Je poursuivrai avec ténacité le chantier de la simplification des procédures en 2001, afin de permettre aux acteurs locaux, notamment les associations, de bénéficier plus rapidement des crédits disponibles. Je vous sais, comme moi, particulièrement attentifs à ce point. A ma demande, une mission parlementaire vient d'ailleurs d'être confiée par le Premier ministre au député Jean-Claude Sandrier sur le partenariat avec les associations. Ses propositions prendront un relief particulier l'année où nous célébrerons le centenaire de la loi de 1901.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Claude Bartolone ministre délégué. Les professionnels de la politique de la ville continueront également d'être confortés, à travers l'action de la délégation interministérielle à la ville, dont les moyens sont stables, et la création de l'Institut des villes, qui sera l'instrument des élus et de l'Etat pour faire avancer la réflexion sur la gouvernance urbaine dans notre pays.
De nouveaux intervenants sont apparus dans la politique de la ville au cours des deux dernières années, par exemple à travers le programme emploi-jeunes, mais aussi avec le développement progressif du programme adultes-relais ou l'installation de délégués de l'Etat dans les quartiers, de délégués du Médiateur de la République et, prochainement, de volontaires civils.
Les missions de chef de projet de contrat de ville et, demain, directeur de grand projet de ville nécessitent des profils de plus en plus complets. Parallèlement, les travailleurs sociaux ou les agents des services publics ont été amenés à faire évoluer sensiblement leurs pratiques professionnelles.
Ces « nouveaux métiers » ont fait l'objet d'un rapport confié à Claude Brevan et Paul Picard. Leurs propositions, qui m'ont été remises il y a quelques semaines, pour mieux les reconnaître, les pérenniser et les professionnaliser, seront mises en oeuvre. Les efforts de formation seront intensifiés pour ces professionnels, et de manière particulière pour les agents publics de l'Etat. C'est ainsi que le programme de formation interministérielle et partenariale de mon ministère bénéficiera de 25 millions de francs de moyens nouveaux en 2001.
Je voudrais revenir un instant sur la philosophie du programme de 10 000 « adultes-relais », qui mobilisera 300 millions de francs dans le budget de mon ministère en 2001. Il ne s'agira en aucun cas d'une mesure de traitement social du chômage comme il a pu en exister par le passé ; il ne s'agit pas non plus d'« emplois-vieux », comme il y a des emplois-jeunes. L'enjeu est de conforter les processus de médiation et de développer la présence des adultes et des parents dans ce que l'on pourrait appeler une « veille éducative ».
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de m'attarder quelques instants sur les divers métiers de la médiation, tous les métiers de la médiation : « adultes-relais », agents locaux de médiation sociale, délégués du Médiateur.
La politique de la ville ne vise pas du tout à confiner les habitants dans une réserve. Elle est au contraire à l'avant-garde, dans l'ensemble du pays, d'un renouveau du mode de régulation des problèmes sociaux. Dans un certain nombre de quartiers, qui sont socialement équilibrés, les difficultés sont moindres y compris au regard de la médiation, simplement parce que, lorsqu'on maîtrise la langue, lorsqu'on est mieux intégré dans notre culture, il est beaucoup plus aisé d'aller rencontrer son sénateur, son député, son maire, son conseiller général. En revanche, dans d'autres de nos quartiers populaires, pour celles et ceux qui sont le plus en difficulté sociale, ce simple geste en direction des élus, ou en direction des guichets de toutes sortes, représente un énorme effort. Je crois que l'ensemble des métiers de la médiation permettront de réintroduire ce lien social dans ces quartiers-là.
Lancer le renouvellement urbain à une vaste échelle sera la deuxième grande priorité de mon action.
Le programme national de renouvellement urbain, lancé lors du conseil interministériel des villes du 14 décembre 1999, permettra d'amplifier et de coordonner les efforts dans cinquante sites en grand projet de ville, ou GPV, et dans trente sites bénéficiant d'une opération de renouvellement urbain.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui vient d'être votée, donne à ce programme la perspective politique de rééquilibrer nos agglomérations pour renforcer la mixité sociale, casser les ghettos qui se sont formés dans notre société urbaine et prévenir en amont les pulsions séparatistes qui la travaillent.
Le tabou de la démolition est en train de sauter, et c'est une première satisfaction pour moi. En effet, si la destruction d'une tour ou d'une barre signe l'échec d'une forme inadaptée d'urbanisme, elle devient aussi, pour les habitants, la promesse d'une vie meilleure.
Pour que cette promesse ne soit pas trop lointaine, j'ai insisté sur la nécessité de prévoir, dans la phase de préparation et de mise en oeuvre, des formes nouvelles de participation des habitants et de combiner les interventions sur l'urbanisme avec des actions à plus court terme sur la vie quotidienne des habitants. Les élus et les acteurs de terrain ont su produire dans des délais très courts des projets ambitieux et de qualité.
Dans ces conditions, le programme de renouvellement va prendre très vite l'ampleur nécessaire. Je vais signer dans les prochains jours les premières conventions de sites en GPV, et les crédits de mon budget - 485 millions de francs d'autorisations de programme,78 millions de francs de crédits de paiement et 90 millions de francs de fonctionnement - seront immédiatement disponibles. Ces crédits prennent également en compte les besoins en ingénierie, ainsi qu'une aide spécifique de 70 millions de francs au bénéfice du budget des communes les plus pauvres.
Enfin, la priorité de mon action restera de faire profiter les habitants de la croissance, mais ce budget tend à la renforcer. Le risque était grand, en effet, pour les habitants des quartiers populaires, de voir redémarrer sans eux le train de la croissance. C'est donc devenu l'axe prioritaire de ma politique dès 1998, à travers, par exemple, l'objectif de 20 % des emplois jeunes et 25 % des parcours TRACE pour les quartiers, le développement des plans locaux d'insertion par l'économique ou la lutte contre les discriminations. Cet effort commence à produire des résultats depuis quelques mois, et le chômage baisse dans la plupart des quartiers dans les mêmes proportions que sur le reste du territoire.
J'ai demandé aux missions locales et aux différents services de l'emploi de me remettre un rapport. Tous reconnaissent aujourd'hui que, si ce sentiment n'existait pas voilà encore un an dans les quartiers, depuis le mois de mai dernier, les choses bougent, et parfois de manière très spectaculaire.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. La mission locale et l'ANPE de Stains, en particulier, me signalent un recul de 30 % du chômage.
Les choses bougent, y compris dans les têtes. J'étais voilà quelques jours à Strasbourg. Le préfet m'a signalé que le conseil économique et social d'Alsace, qui se préoccupe aujourd'hui des emplois non pourvus, a réalisé une étude tout à fait intéressante dans laquelle, pour la première fois, sont mis en avant les problèmes terribles de ségrégation à l'embauche qui se posent dans cette ville et dans toute la région.
Monsieur Eckenspieller, j'ai bien entendu ce que vous avez dit sur les violences inadmissibles que connaît aujourd'hui Strasbourg. Je ne veux pas spécialement mettre en avant des excuses psychologiques ou sociales, mais vous conviendrez avec moi que, lorsque dans une région ou dans une ville comme la vôtre le taux de chômage global approche 4 %, alors que, dans certains quartiers de la même ville ou de la même région, il reste à 30 %, il y a tout de même un problème ! De tels chiffres portent en eux les germes de la violence.
J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec le préfet. Celui-ci est conscient que, au-delà des postes de policiers supplémentaires, qui sont nécessaires, il faut aussi réfléchir, en particulier avec les conseils généraux, aux problèmes spécifiques que pose le fait que les auteurs d'actes de délinquance sont de plus en plus jeunes ! En réalité, ce sont surtout des postes de travailleurs sociaux qu'il faut créer, parce que la réponse à apporter, notamment dans le cas de ces très jeunes délinquants, ne peut être seulement celle de l'enfermement. Mais je reviendrai sur ce point à la fin de mon intervention.
Pour s'attaquer au noyau dur du chômage et résorber ainsi l'écart préoccupant qui demeure dans les taux d'emploi, il faudra aller encore plus loin en 2001. C'est le sens de mesures comme la mise en place dans les quartiers de 150 équipes emploi-insertion, articulées avec le service public de l'emploi, qui bénéficieront de 20 millions de francs en 2001, et la poursuite des efforts de formation, notamment en direction des plus jeunes, et de lutte contre les discriminations.
La revitalisation économique des quartiers sera une dimension nouvelle de la politique de la ville à partir de 2001, pour diversifier des quartiers conçus comme des cités-dortoirs, contribuer au développement de l'activité, redonner une valeur aux territoires les plus défavorisés et attirer les investisseurs privés dans le sillage des investissements publics.
La panoplie à la disposition des acteurs reposera désormais sur deux types d'outils : des exonérations fiscales et sociales dans un dispositif unique et simplifié seront mises en place à partir de 2002 dans les 416 zones de redynamisation urbaine, offrant ainsi une suite au dispositif des zones franches urbaines ; un fonds de revitalisation économique, créé par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, permettra, dans une géographie plus large, d'aider les créateurs d'entreprise, les investisseurs et le tissu économique existant. Ce fonds sera doté de 500 millions de francs en 2001, dont 375 millions de francs de subventions disponibles.
La diversité des outils de revitalisation économique permettra de répondre aux besoins spécifiques de chaque projet de territoire. Je voudrais rappeler, à ce sujet, que le Gouvernement n'a pas souhaité mettre fin avant le terme prévu à l'expérience des quarante-quatre zones franches.
Effectivement, j'ai été dur avec les zones franches, mesdames, messieurs les sénateurs, mais il fallait que je le sois compte tenu de l'état dans lequel j'ai trouvé ce dispositif. La première année, nous l'avons « moralisé ». Nous avons demandé, comme l'avait réclamé le Sénat, des rapports qui nous permettaient de savoir exactement ce qui ce passait dans les zones franches. De l'examen effectué par ces trois commissions différentes il est ressorti - ce qui est significatif - que, sur ces 44 sites 14 fonctionnaient mieux que les autres et un tiers ne connaissait aucune modification, mais il s'agissait de ceux qui avaient su faire de ces zones franches l'un des outils de la politique de la ville. Les élus qui ont su conjuguer ces zones franches avec des interventions sur le bâti, l'amélioration de la sécurité et les actions sociales ont obtenu des résultats.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant votre commission et ici même à la tribune, il n'était pas question pour moi d'adopter un comportement manichéen : la politique de la ville et ses acteurs ont besoin de temps et de durée.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Mais il était indispensable pour le Gouvernement de corriger les défauts de ce dispositif en tenant compte de ses aspects positifs afin d'essayer de les intégrer aux mesures que j'ai eu l'occasion de présenter dans le cadre du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. On a voté le fonds de péréquation !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. En ce qui concerne les zones franches, monsieur Gérard Larcher, le dispositif sera prolongé de façon dégressive pendant trois ans. Le système que le Gouvernement prépare permettra à plus de territoires de bénéficier des acquis de la politique d'exonération, tout en disposant d'outils plus ciblés, qui ont fait défaut dans les zones franches pour impulser de véritables dynamiques de développement. Ces nouveaux outils seront promus à l'occasion d'une campagne nationale de mobilisation qui s'ouvrira en janvier prochain et associera le secteur privé.
Madame Olin, même si, dans un premier temps, il a fallu rééquilibrer cette politique, lui donner enfin les moyens qu'aucun gouvernement avant celui-là ne lui a donné, cette année, il me semble indispensable d'associer le secteur privé à cette réflexion, parce que, en termes à la fois de terrain, de bras et d'intelligence, les quartiers populaires sont parties prenantes.
Il est un point sur lequel je veux être très clair aujourd'hui. La semaine dernière, un grand hebdomadaire a rouvert le débat sur l'immigration : « Faut-il ou non reprendre l'immigration ? » Ce débat me paraît indécent eu égard au taux de chômage qui existe encore dans nos quartiers populaires.
Il faut que les entreprises comprennent que si elles ont besoin de bras, s'il faut changer les modes de formation, nous le ferons avec l'intervention des régions et des pouvoirs publics. Mais on ne peut pas continuer à entendre ce discours sur le manque de salariés quand autant de jeunes diplômés, quand autant de jeunes motivés, quand des femmes et des hommes, parce qu'ils habitent des quartiers populaires, parce qu'ils ont des parents issus de pays étrangers, ou encore parce qu'ils ont une couleur de peau différente, donneraient l'impression d'être condamnés à tout jamais au chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Vous n'avez pas le monopole en la matière !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je ne pense pas que ce soit une question de monopole ! Lorsque je lis dans le journal Le Monde un article de l'ancien premier ministre, M. Juppé, qui est paru voilà quelques mois, attirant l'attention de la collectivité nationale sur ce sujet, j'applaudis aussi ! En effet, cela prouve que, sur un point comme celui-là, les lignes bougent et qu'il y a une volonté non pas de se servir de la population immigrée ou de leurs enfants comme repoussoirs, mais de renforcer la citoyenneté et la collectivité nationale.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. On est tous d'accord sur ce point !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Au-delà du seul budget de mon ministère en 2001, l'effort public global en faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé dans le « jaune », traduit une nouvelle étape dans la prise en compte par les pouvoirs publics de la crise urbaine. Cet effort dépassera 40 milliards de francs en 2001. Il aura ainsi doublé depuis 1997, ce qui vous montre le chemin parcouru.
Je suis un ministre de la ville qui souhaite renforcer ses moyens propres, mais je ne veux pas donner l'impression aux autres grands ministères que l'on augmente mes moyens à leurs dépens. En effet, le véritable gisement de la politique de la ville, ce sont les crédits de droit commun. Notre objectif commun, élus ou ministre de la ville, doit être de faire comprendre au ministère de l'éducation nationale, au ministère de l'intérieur et au ministère de la justice qu'ils doivent travailler d'une manière différente, en intégrant la problématique urbaine. Croyez-moi, l'avancée des contrats éducatifs locaux, la mise en place des contrats locaux de sécurité, l'émergence d'une intelligence partagée en matière de culture urbaine sont pour moi un grand réconfort, car c'est là que réside le véritable gisement de la politique de la ville.
C'est le signe que les acteurs publics, Etat - collectivités locales ou Europe - ont enfin pris la mesure des défis urbains auxquels notre société est confrontée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les moyens de la politique de la ville sont davantage proportionnés aux enjeux, et les premiers résultats sont encourageants. Mais la bataille ne sera gagnée que lorsque les habitants des quartiers, notamment les plus jeunes, et ceux dont les familles ont connu l'immigration, se sentiront les bienvenus dans notre société. Il reste encore beaucoup à faire, beaucoup d'attitudes héritées de la crise à changer, pour que ce message soit entendu.
Mon propos ne serait pas complet si je n'apportais pas des réponses plus précises à certaines questions, notamment à celle qui a été posée par M. Gérard Larcher en ce qui concerne le programme de développement des unités d'encadrement éducatif renforcé.
Cinquante unités sont prévues. Le programme sera mis en oeuvre progressivement en fonction de la montée en puissance des moyens, en particulier en matière de formation. Mais le Gouvernement entend surtout diversifier l'offre en privilégiant des lieux non fermés mettant l'accent sur un accompagnement éducatif renforcé.
Je vous en livre deux exemples : le développement des centres de placement immédiat après les décisions qui ont été prises par les centres de santé intégrés, les CSI, et le recrutement, pour la première fois depuis dix ans, d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Il sera procédé à plus de deux cents recrutements l'année prochaine !
M. Gilbert Chabroux. Très bien !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Vous vous rendez bien compte, monsieur le sénateur, que cette politique d'embauche et de formation est indispensable ! Quels que soient les problèmes que ces jeunes aient pu poser, on ne peut pas les placer dans des structures pour essayer de les réinsérer s'ils n'ont pas face à eux des adultes formés pour leur permettre de retrouver ce chemin de la réinsertion.
C'est à l'aune de cette remarque que je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de porter une attention soutenue à ce programme de dix mille « adultes-relais ». Ce n'est pas simplement pour fournir un emploi à des adultes de valeur que j'ai voulu instaurer ce programme d'« adultes-relais ». Il est important que ces jeunes puissent retrouver dans les quartiers l'image de l'adulte référent qui se lève le matin pour se rendre au travail, qui a des horaires de l'adulte qui est considéré comme un médiateur, comme un intervenant dans leur propre vie, pour rompre avec ce sentiment que leurs parents sont condamnés à tout jamais à offrir l'image de l'adulte au chômage.
C'est aussi la raison pour laquelle mille de ces « adultes-relais » seront spécialisés s'agissant du lien à établir entre les jeunes et l'école : là encore, il me paraît important de mener une action, notamment en direction des parents qui sont le plus éloignés de l'institution scolaire, pour que cette institution puisse, en ayant un intérêt plus marqué aux yeux des parents, être mieux considérée par leurs propres enfants.
Monsieur Gérard Larcher, j'ai, à mon tour, une demande à vous faire. Vous avez évoqué le rapport de Ernst et Young qui a été commandé par l'Association sur les zones franches urbaines. Pouvez-vous user de tout votre talent et de votre influence pour que je sois destinataire de ce rapport que, depuis plusieurs semaines, je réclame avec véhémence ? J'ai l'impression qu'il est marqué du sceau « secret défense nationale » parce que, pour le moment, malgré toutes mes suppliques, je n'ai pas pu l'obtenir. Cela me permettrait de comparer les remarques formulées dans le rapport de Ernst et Young avec celles qui figurent dans les rapports que j'ai eu l'occasion de consulter jusqu'à présent.
Madame Printz, comme vous, je suis attentif à la professionnalisation des chefs de projet et des directeurs de projet, en particulier pour les grands projets de ville. C'est pourquoi nous avons créé sept centres de ressources dans les régions, qui devront essayer de nous donner plus de moyens en ce qui concerne ces sujets. Les sous-préfets de ville suivent une formation spécifique quand ils sont nommés. Il est par ailleurs essentiel qu'ils travaillent en harmonie avec les sous-préfets d'arrondissement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, je souhaite vous remercier les uns et les autres, que vous ayez approuvé ou contesté ce projet de budget. Mais, croyez-moi, au-delà du soutien manifesté par les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste, je sens comme un hommage ou une volonté de soutenir cette action dans les hésitations qui ont marqué la prise de position de M. Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, avant qu'il n'annonce cette position. Je vois également dans l'abstention de Mme Nelly Olin comme un encouragement à poursuivre. Je sais qu'elle suit particulièrement ce dossier et je connais l'intérêt qu'elle manifeste en ce qui concerne la politique de la ville. Cette abstention est peut-être une hirondelle qui annonce le printemps ! (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, en référence à vos derniers mots, je dirai qu'avec la présence de Nelly Olin c'est toujours le printemps ici. (Sourires.) Je tiens à souligner le courage avec lequel Nelly Olin conduit sa cité. Je me souviens des difficultés qu'elle a rencontrées lors de son intervention auprès de l'Etablissement d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, à propos d'un centre commercial dégradé dans sa commune.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous promettre que je transmettrai votre supplique. Vous recevrez sans aucun doute ces rapports, même si je n'appartiens pas à cette association.
Par ailleurs, cette année, l'une de nos requêtes a été couronnée de succès : la transmission du « jaune » à temps. Auparavant, le « jaune » arrivait après le « blanc ». C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule ! (Sourires.) Et la réponse de vos services a été très complète.
Enfin, en ce qui concerne la campagne que vous allez conduire avec les entrepreneurs privés, je souhaite qu'elle ne s'arrête pas le 18 mars prochain : en la poursuivant tout au long de l'année, vous manifesterez ainsi votre volonté de développer les zones franches et les zones de redynamisation urbaines.
Je ne sais pas si c'est un hommage, mais je crois que la politique de la ville est capable, à certains moments, de dépasser les clivages. Dans le même temps, un certain nombre de choix que vous opérez ne sont pas ceux que nous ferions si nous avions la responsabilité de l'exécutif. C'est aussi ce que souhaite dire la majorité sénatoriale ; mes deux collègues rapporteurs partagent ce sentiment.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant la ville.

ÉTAT B

EMPLOI ET SOLIDARITÉ
III. - Ville

M. le président. « Titre III : 25 000 000 francs. »

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je tiens à corriger une petite erreur qui s'est glissée dans le propos de mon collègue Gilbert Chabroux et qui a été reprise par M. le ministre : la commission n'a pas hésité. Je vous rappelle simplement qu'elle s'était réunie le 26 octobre et que l'Assemblée nationale avait examiné le projet le 13 novembre. Nous pensions que la sagesse du Sénat serait entendue et qu'il serait tenu compte de nos critiques. Malheureusement, cela n'a pas été le cas, ce qui explique pourquoi notre commission a décidé d'émettre un vote négatif.
Quant à ce que je disais de la variable d'ajustement, monsieur Chabroux, je tiens à préciser que l'expression ne vaut pas pour tout et ne concernait, dans mon esprit, que l'opération Ville Vie Vacances.
J'ajoute que les contrats de ville actuellement signés entre l'Etat et les villes, me semblent tout de même un peu éloignés de ce que l'on entend communément par « contrat ». Lorsqu'il y a un contrat, les parties s'entendent sur ce qu'elles signent. Or, en l'espèce, l'Etat propose et les partenaires n'ont d'autre solution que d'apposer leur signature, sans discussion, sans préparation en amont. Donc, sur le terme « contrat », il y aurait peut-être beaucoup à dire.
Ces pour ces raisons que la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits. Comme l'a fort justement dit M. Larcher, si nous étions au gouvernement, nous ne pratiquerions pas la même politique !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 761 826 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

EMPLOI ET SOLIDARITÉ
III. - Ville

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 6 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 115 770 000 francs ;
Crédits de paiement : 299 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
Nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.

Communication



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moment important que celui où l'on discute de la pensée, de l'image et de l'information, et donc de la démocratie.
S'agissant de la presse, nous avons l'impression, en ce moment, que le système craque de partout, car nous vivons dans un contexte résultant de dispositions qui ont été mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui ne sont plus adaptées à la situation d'aujourd'hui.
J'insisterai plus particulièrement sur quelques points qui prennent actuellement une intensité particulière.
J'évoquerai, d'abord, le problème des Nouvelles Messageries de la presse parisienne, les NMPP. La loi Bichet de 1947 n'est plus adaptée à la situation actuelle. Cependant, l'objectif demeure : à l'évidence, la démocratie française exige que tous les journaux puissent arriver dans n'importe quel point de notre pays, à l'heure et sans discrimination. Or, aujourd'hui, le système ne fonctionne que grâce à une bonne volonté générale, qui s'émousse, voire disparaît. En effet, on ne peut pas demander à des personnes d'effectuer une tâche sans rémunération ou avec une rémunération très insuffisante. J'en suis convaincu, on arrive quasiment au terme de ce système, si vous n'y prenez pas garde, madame la ministre, et si vous ne mettez pas en place des dispositifs beaucoup plus adaptés.
J'examinerai, ensuite, le problème de l'AFP, l'agence France-Presse.
Votre prédécesseur avait nommé ou, plutôt, fait nommer M. Giuily - c'était en mars 1999 - avec pour mission de redresser la situation de cette entreprise en grande difficulté. L'année dernière, la commission des finances avait décidé de faire des contrôles sur pièces et sur place, comme nous en avons la possibilité. Mais M. Giuily semblait dans une telle difficulté et si soucieux de bien faire que nous avons décidé de surseoir à cette démarche, qui aurait pu être désagréable et lui compliquer la tâche. Force est de constater, aujourd'hui, que vous n'avez pas soutenu M. Giuily. Il est parti après avoir exercé ses responsabilités pendant une quinzaine de mois. Il s'est efforcé de redresser une entreprise qui ne pourra pas continuer d'exercer son métier. Or il s'agit d'un métier fondamental, qui consiste à être le regard de la France dans le monde entier. Notre pays ne peut que s'honorer d'avoir pu maintenir jusqu'à présent cette institution vaille que vaille. Il faut continuer.
Toutefois, dans des domaines importants, comme l'information du monde en matière économique, l'AFP, si elle n'a pas complètement « décroché », n'a plus les moyens de suivre ses concurrents. Cela ne va donc pas.
En outre et par définition, de nombreux personnels de l'AFP vivent à l'étranger. Ils subissent de plein fouet la dépréciation de l'euro et ne peuvent continuer à exercer leur métier sans revalorisation salariale.
Par ailleurs, cette entreprise est tout de même extraordinaire : il n'y a pas de capital ni d'actionnaires ; le conseil d'administration est composé essentiellement de clients et ceux qui décident de l'avenir de l'entreprise ne sont donc pas ceux qui doivent assumer la responsabilité de son fonctionnement.
Madame la ministre, nous allons, l'année prochaine, sérieusement examiner les problèmes de l'AFP. Nous n'entendons pas gêner son nouveau responsable. Le Sénat, comme il le fait habituellement, c'est-à-dire avec un esprit de responsabilité et le souci de faire en sorte que la France réussisse dans toutes ses composantes, conduira cette opération à partir du printemps car il est urgent d'intervenir, mais, j'en suis sûr, vous en êtes vous-même consciente.
Le changement de responsable est un geste d'humeur. Il ne suffira pas pour redresser la barque. Or, cela est urgent. Je vous confirme notre attachement à l'existence de l'AFP. Il s'agit d'un organisme important. L'AFP doit donc demeurer, mais comme une entreprise. Elle doit donc avoir une comptabilité, faire face aux nécessités de la modernisation, de l'engagement. Il faut qu'elle ait les moyens de vivre. Ces moyens sont certes financiers, mais aussi structurels. Telle est ma conviction.
J'en viens au prix du papier, qui est un problème mineur. J'ai entendu les responsables de presse. Vous les avez sans doute entendus vous-même à Lille. Ils vous ont présenté de nombreuses doléances, parmi lesquelles celle qui concerne le prix du papier. Une entreprise de presse est une entreprise comme une autre, qui doit assumer ses fins de mois. Aussi, il est important que vous trouviez une solution non pas en ce qui concerne le prix du papier - car celui-ci dépend du cours mondial - mais pour compenser le surcoût qui en résulte.
On continue une politique. Un fonds de modernisation a été créé. Son fonctionnement n'est pas une grande réussite, car il est extrêmement administratif. L'innovation n'est, semble-t-il, pas prise en compte. Dans un certain nombre de cas, il s'agit d'un moyen pour augmenter le nombre de véhicules ou pour diminuer l'âge du parc automobile car il est urgent de traiter les dossiers avant le 31 décembre. Si on ne rend pas des projets bien ficelés, c'est effectivement ainsi que les choses se passent.
La situation de la presse peut se résumer ainsi : une reconduction des crédits, pas ou peu d'innovations, et des problèmes qu'il est urgent de régler, je pense notamment à l'AFP et aux Nouvelles Messageries de la presse parisienne.
J'en viens à l'audiovisuel. Le problème est d'une autre ampleur. En effet, nous sommes en train de vivre en même temps plusieurs évolutions ou révolutions.
Si l'on s'en tient aux chiffres bruts, les crédits augmentent effectivement de 6,1 %, et vous avez donc été un ministre gâté. Mais il y a la mondialisation de l'économie. Avec l'avènement du numérique, il est nécessaire de fabriquer quantité de contenus. Les grandes concentrations auxquelles nous assistons montrent bien que, dans le monde entier, on s'adapte à cette évolution. L'audiovisuel public français devra avoir les moyens de suivre. Il n'est pas possible qu'il ne soit que diffuseur de contenus, qu'il aura, bien sûr, achetés à d'autres. En effet, on vit toujours sur les quotas, et c'est sans doute une bonne chose. Encore lui faudra-t-il être capable de réaliser en français suffisamment de productions à un moment où il sera nécessaire d'assurer simultanément de nombreuses diffusions.
Nous vivons donc à un moment où d'importants moyens sont nécessaires. Je pense aux contenus et à la numérisation. Je pense également à l'avènement du numérique terrestre. On verra ce qui se passera dans ce domaine-là. Beaucoup de choses se passent déjà au niveau des « tuyaux » de diffusion de l'image. Nous voyons apparaître une convergence entre le téléphone, Internet, qui, lui aussi, porte des images, et la télévision.
Selon les acteurs du domaine audiovisuel - c'est ce que j'entends de plus en plus non pas en France car dans notre pays on est plus réservé sur cette question, mais à l'étranger - Internet sera le tuyau et le produit - car c'est un produit particulier - le téléphone utilisera le même tuyau et la télévision sera donnée en prime. Quand je dis « la télévision », il s'agit bien sûr des télévisions du monde entier. Il faut bien en être conscient, raisonner à partir du seul Hexagone n'a plus de sens. C'est pourquoi il faut donner à l'audiovisuel public les moyens de travailler, les moyens d'exister et, à coup sûr, les moyens de vivre.
J'ai eu l'honneur de présider, à la commission des finances, un groupe de travail qui, pendant plusieurs mois, a rencontré les acteurs, a réfléchi, a essayé de comprendre ce qui se passe dans ce domaine. Nous sommes allés à Londres, au Canada, nous avons regardé ce qui se fait dans d'autres grands pays démocratiques.
Je tiens à vous le dire, la commission des finances est très attachée à l'existence d'un audiovisuel public fort. Nous l'avons dit et voté à l'unanimité. La commission des finances du Sénat, toutes tendances confondues, a considéré qu'il était nécessaire d'avoir un audiovisuel public de qualité, fort, correspondant à un esprit de service public, même si, parfois, on peut débattre sur ce point, comme l'a montré l'actualité récente. Telle est notre position.
Pour parvenir à cela, il faut des moyens. Or, vous avez décidé de diminuer la publicité. Ce choix a des conséquences. Alors que les diffuseurs privés voient leur chiffre d'affaires publicitaire augmenter - 16 % pour le principal d'entre eux et plus de 20 % pour M 6 - au 31 décembre prochain, la télévision publique affichera, au mieux, une stagnation de ses recettes publicitaires. Il faut donc absolument trouver une autre ressource, laquelle, dans l'état actuel du droit, ne peut être que la redevance. Des amendements ont été déposés sur ce point, et je vous exposerai tout à l'heure la position de la commission des finances. Mais il est nécessaire de bien réfléchir à ce sujet et de donner à l'audiovisuel public les moyens d'exister, de travailler et de préparer un avenir serein.
Vous avez choisi - et je crois que c'est un bon choix - de faire de France Télévision une entreprise comme les autres, avec un capital, avec les risques d'une entreprise, avec la subordination aux règles du droit privé en cas de pertes ou d'insuffisance de recettes. Par conséquent, le milliard de francs, que l'on ne voit d'ailleurs toujours pas venir, n'est pas suffisant.
La commission des finances a estimé qu'il faudrait au moins 4 milliards de francs de ressources, dont une part importante sous forme de capitalisation pour permettre à cette entreprise de perdurer sans difficulté. C'est quelque chose d'important.
Je rappellerai, afin que nous ayons tous une idée très claire de ce sujet, que la capitalisation boursière de TF 1, de Canal Plus et de M 6 représente aujourd'hui 350 milliards de francs, alors que l'on envisage de doter France Télévision de 1 milliard de francs. Je sais que la bourse fluctue, je sais que l'on ne fait pas la politique, et encore moins la politique audiovisuelle, à la corbeille ; mais ce que je sais - et l'arithmétique la plus élémentaire le prouve -, c'est que ces entreprises n'auraient aucune difficulté à augmenter leur capital de 1 % et qu'elles auraient immédiatement trois fois plus que le capital de France Télévision.
Madame la ministre, la commission des finances souhaite que vous donniez à cette entreprise France Télévision les moyens qui lui sont nécessaires pour, comme c'est notre choix, maintenir un audiovisuel public à hauteur de l'enjeu, qui n'est pas un simple enjeu technique ou ludique, mais également un enjeu démocratique ; c'est très important.
Enfin, j'évoquerai, pour terminer, l'absence complète de vue sur l'avenir de la télévision de proximité. France 3 n'est pas une télévision de proximité. Et la France est pratiquement le dernier des grands pays démocratiques à ne pas avoir de télévision de proximité.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer à cette tribune, ma ville est jumelée avec une ville québécoise. J'ai vu naître dans cette dernière, voilà vingt ans, une véritable télévision de proximité. Celle-ci connaît une très grande réussite, bien qu'elle ne dispose pas de moyens considérables. La situation doit donc changer en France.
Si tel n'était pas le cas, vous laisseriez perdurer ce qui commence à apparaître. Vous savez parfaitement que certaines personnes, se fondant sur la directive européenne de 1992, fabriquent déjà, dans un petit pays situé à l'intérieur de la France, des images qui sont ensuite diffusées depuis Bruxelles. Or vous ne pouvez pas vous y opposer, car elles appliquent strictement la directive. Par conséquent, si vous n'adoptez pas, sur le sujet, une attitude claire, voire offensive, tout se passera en dehors des normes françaises, et vous n'y pourrez rien, ce qui serait bien dommage à beaucoup d'égards.
Voilà tout simplement ce que je voulais vous dire, madame la ministre. Au-delà des chiffres, aucune doctrine n'apparaît très clairement en matière d'audiovisuel public. La commission des finances proposera donc au Sénat, contrairement aux années précédentes - je tiens à le préciser - de rejeter les crédits budgétaires consacrés à la communication audiovisuelle. En effet, alors que l'heure est grave et qu'il faut s'adapter à une situation sous peine de voir les choses nous échapper, il n'est pas possible d'agir comme il le faudrait. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés de constater dans mes propos un certain nombre de convergences avec les approches et peut-être aussi avec les conclusions de la commission des finances, brillamment exposées par notre collègue Claude Belot.
Les crédits de l'audiovisuel public augmenteront globalement de 6,1 % en 2001. Madame la ministre, si, sur ce point, la reconnaissance de l'effort est unanimement admise, il importe cependant de voir comment ces évolutions s'inscrivent à l'égard d'une loi récente puisque le progrès enregistré dans ce projet de budget a été présenté comme la traduction concrète des engagements pris dans le cadre de la loi du 1er août 2000. Ce critère d'appréciation s'impose effectivement - nous ne sommes pas que des comptables - quelque cinq mois après le vote de la loi, puisque, ce qui nous importe, ce sont les objectifs. C'est donc en fonction des intentions et des promesses de cette loi, à l'enrichissement de laquelle le Sénat a souhaité largement participer, que la commission des affaires culturelles a porté un jugement sur le projet de budget.
En ce qui concerne les promesses tenues, je note que l'augmentation globale des ressources résulte essentiellement - et c'est déjà inquiétant - de la forte diminution des prévisions de recettes publicitaires et de la hausse des ressources publiques. Certes, la part des ressources publiques passera de 74 % à 76,6 %.
Peut-être même, madame la ministre, les résultats constatés seront-ils même supérieurs, si l'on extrapole les mauvais chiffres des chaînes publiques sur le marché publicitaire en 1999 et en 2000. En effet, la baisse des recettes publicitaires est autant subie que voulue. La situation des chaînes publiques, vue à travers les bilans de 1999 publiés par le CSA, n'est en effet pas bonne : les résultats financiers ont été mauvais du fait d'une dégradation des parts de marché publicitaire causée elle-même - nous avons le devoir de le dire avec quelque regret - par la baisse des parts d'audience.
On nous dit que les résultats comptables et d'audience ont été stabilisés au cours du premier trimestre de cette année. Nous verrons l'an prochain si les bilans de 2000 le confirment ; nous évaluerons aussi l'incidence de la baisse des recettes publicitaires sur la qualité des programmes ; et nous pourrons commencer à voir si l'augmentation de la qualité justifiait l'abandon de ressources indispensables à la création du pôle industriel de l'audiovisuel public. J'ai exprimé plus que des doutes sur ce point au cours du débat législatif du printemps dernier, et la polémique qui vient d'éclater sur la programmation de France 3 me paraît susceptible de faire rebondir le débat. Mais il est difficile d'en dire plus pour le moment : le débat n'est manifestement pas tout à fait mûr.
Je voudrais poursuivre mon analyse de la mise en oeuvre budgétaire de la récente loi en évoquant une des rares propositions du projet initial que le Sénat avait approuvée d'emblée. Il s'agit de l'idée de pôle industriel de l'audiovisuel public, que vous avez renoncé à introduire explicitement dans la loi, madame la ministre, sans en rejeter la substance, me semble-t-il. C'est d'ailleurs un concept qui était évoqué dans les années précédant immédiatement votre prise de responsabilités.
Quoi qu'il en soit, nous avons tous souhaité, au printemps dernier, que la loi donne une impulsion décisive au développement de l'audiovisuel public, et nous avons à vérifier que le budget prend le relais.
Nous avons voulu inscrire dans la loi, à travers la définition des missions, la description des moyens, la réforme des structures, la confiance, réitérée après la déclaration de notre collègue de la commission des finances, que nous portons à l'audiovisuel public comme instrument d'un double objectif : d'une part, inventer, mettre en scène et diffuser cette « culture pour tous », fondée sur les valeurs de liberté et d'égalité, qui est indispensable à la construction permanente de notre lien social ; d'autre part, soutenir de façon active, en France comme à l'étranger, la vitalité de la culture française face à une mondialisation porteuse de valeurs que nous ne voulons pas assimiler servilement. La télévision publique doit, à mes yeux, trier les propositions d'autres cultures, les croiser avec nos propres traditions, affirmer la créativité et le rayonnement de nos valeurs.
C'est la raison pour laquelle, au-delà du taux enchanteur de 6,1 %, il est indispensable que nous vérifiions si le projet de budget traduit seulement les engagements du Gouvernement en matière de recettes publicitaires ou prend aussi en charge la mission que nous avons assignée à l'audiovisuel public il y a moins de cinq mois.
Se pose d'abord le problème global des moyens financiers.
Je souhaite, pour ma part, distinguer les modes de financement en fonction des deux objectifs que je viens d'évoquer, objectifs concernant, je le rappelle, d'une part, d'un point de vue national, la promotion d'une culture pour tous et, d'autre part, le rayonnement de la culture française dans le monde.
La redevance doit, à mon avis, financer le premier objectif, qui correspond à la mission généraliste de l'audiovisuel public, le faire sans entraver par des prélèvements excessifs la possibilité pour les auditeurs de consacrer une part de leur « budget audiovisuel », si je peux m'exprimer ainsi, à l'offre nouvelle de programmes payants. J'approuve donc, madame la ministre, le maintien des taux de la redevance à leur niveau de 2000.
Compte tenu des critiques largement justifiées portées contre l'archaïsme et le caractère inégalitaire de cette ressource, il est certainement souhaitable, par ailleurs, de réfléchir au moyen de réformer la redevance pour lui assurer une vraie légitimité. Mais il faut la réformer pour pouvoir la maintenir. J'esquisse à cet égard dans mon rapport écrit quelques commentaires que je n'ai pas le temps de développer à cette tribune.
Les crédits budgétaires affectés à l'audiovisuel public constituent la seconde source de financement public. Il faut, à mon avis, fixer leur montant en fonction du niveau des objectifs que les pouvoirs publics assignent à l'audiovisuel public en tant qu'instrument du rayonnement international et avant tout européen de la culture française - c'est la seconde mission. Comme les fonctions traditionnelles de souveraineté de l'Etat, telle la fonction diplomatique, par exemple, cette mission doit être financée par des dotations budgétaires et non par les assujettis à la redevance. Les crédits budgétaires doivent, en outre, être fixés à un niveau suffisamment élevé pour que le développement lié à la mise en oeuvre de cette mission soit assuré dans les meilleures conditions. Il faut en particulier que le pôle industriel public soit convenablement financé afin que le groupe France Télévision puisse investir le numérique de terre avec une véritable dynamique et pour que la télévision publique soit en mesure de tirer l'industrie française des programmes, mais désormais dans un champ de compétition qui est clairement mondial.
Nous en sommes loin.
Le financement des nouvelles chaînes numériques publiques, non prévu par le budget de 2001, apparaît en particulier très problématique. Le coût du projet numérique de France Télévision serait de 1,6 milliard de francs à 1,8 milliard de francs par an au terme de la période de lancement. Quels seront les financements ? La gratuité des chaînes publiques numériques a été annoncée, ce qui exclut les ressources d'abonnement. Le financement publicitaire est d'autant plus incertain que le marché du numérique de terre sera très concurrentiel, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ayant souhaité que les fréquences destinées aux chaînes privées soient attribuées de façon prioritaire aux services gratuits. Le Gouvernement a annoncé pour plus tard une dotation en capital d'un milliard de francs. En Grande-Bretagne, ce sont 200 millions de livres qui seront levés chaque année pour financer le projet numérique, grâce à une augmentation annuelle de la redevance de 1,5 % en valeur.
J'ai dit pourquoi je ne propose pas d'augmenter chez nous les taux de la redevance. C'est le budget de l'Etat qui doit être mobilisé pour relever le défi du numérique et pour engager ainsi l'évolution vers le pôle industriel public capable de porter sur les plans national et international nos ambitions culturelles. Qu'est en effet, aujourd'hui, un pôle industriel qui, d'emblée, n'assure pas sa survie et ses objectifs sur un champ de compétition mondiale ?
Or, il est clair que les crédits budgétaire de l'audiovisuel public n'iront pas au-delà des 2,16 milliards de francs accordés en 2001 au titre de la compensation des exonérations de redevance. Le système de financement mis en place par la loi du 1er août 2000 comporte en effet une sorte de butoir : toutes les exonérations seront compensées, et l'on s'arrêtera là pour ce qui est des crédits budgétaires.
Au cours de la discussion de cette loi, j'ai dénoncé à plusieurs reprises les chausse-trapes du régime juridique mis en place par l'Assemblée nationale pour le numérique de terre. J'en ai cité une ; il y en aura bien d'autres, pour le public comme pour le privé.
A côté du problème des moyens globaux du secteur public, je voudrais évoquer celui de la répartition des ressources entre les organismes.
Pour une augmentation globale des dotations de quelque 6 %, comme on l'a vu, le budget de RFI, par exemple, n'augmentera que de 3,5 %. Cela permettra à peine de financer les glissements et ajustements inéluctables, c'est-à-dire, essentiellement, les augmentations conventionnelles de salaires - y compris les 35 heures - et les mesures d'alignement sur les salaires du reste de l'audiovisuel public. RFI ne pourra consacrer que de très faibles moyens au développement d'activités et de projets nouveaux.
Je regrette fortement cette situation, qui affaiblira l'un des instruments les plus efficaces de notre politique audiovisuelle extérieure.
Je me félicite, en revanche, que le budget d'Arte augmente de 9,1 %. J'espère que ce traitement privilégié sera, comme la commission en a déjà exprimé le souhait, mis à profit pour élargir, spécialement vers l'Europe du Sud, les centres d'intérêt et les partenariats de la chaîne. Je crains en effet que le couple télévisuel franco-allemand ne tourne désespérément au vieux couple ressasseur. Il faut y introduire un peu d'air et de soleil.
En ce qui concerne l'aide à l'industrie des programmes, j'ai noté les efforts que vous avez consentis, après que les signaux d'alarme eurent sonné assez longtemps, afin de réagir aux menaces que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne fait périodiquement peser sur les systèmes d'aide nationaux.
La réunion du Conseil « culture et audiovisuel » du 23 novembre dernier a permis, sur votre initiative, madame la ministre, de préciser la position des ministes sur ce point. Dans une résolution sur les aides nationales au cinéma et à l'audiovisuel, le Conseil a en effet souligné que l'industrie audiovisuelle constituait une « industrie culturelle par excellence » et a affirmé la nécessité des aides nationales pour compenser les faiblesses structurelles des industries européennes.
Je me félicite de cette prise de position, sans en exagérer, malheureusement, la portée, car la position du Conseil « culture » ne modifiera pas les pouvoirs dont la Commission européenne dispose pour la mise en oeuvre du droit européen de la concurrence.
Quelles sont alors les perspectives concrètes ? Je voudrais avoir votre analyse sur ce dossier, madame la ministre.
Lors du débat législatif du printemps dernier, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont pris l'initiative d'introduire dans la loi des mesures détaillées en faveur de l'industrie française des programmes, sans craindre d'empiéter sur le domaine réglementaire. Etait-ce utile ou vain ? Etait-ce louable intention ou simple affichage, dans la mesure où l'on n'est pas certain, aujourd'hui, de pouvoir faire obstacle aux tendances éradicatrices de la Commission européenne ?
Je termine mon analyse par un dernier parallèle entre le projet de budget et la loi d'août 2000.
Je me souviens, madame la ministre, que vous aviez mentionné le renforcement de la régulation parmi les nombreux mérites de la loi du 1er août 2000. Je me souviens aussi que vous citiez parmi les éléments forts de ce renforcement le rôle attribué au CSA dans la mise en place de l'offre du numérique de terre et ses nouvelles compétences en matière de surveillance des candidatures des actionnaires des chaînes privées à des marchés publics ou à des délégations de service public.
Or, pour faire face à ces nouvelles compétences, ainsi qu'à l'extension de son champ de compétences à la diffusion satellitaire, le CSA a demandé la création de... trois emplois. Cette demande me paraît des plus modestes, compte tenu du rôle directeur que la loi a attribué au CSA dans la mise en place du numérique de terre. Je rappelle que le régulateur est quasiment appelé à se substituer aux opérateurs dans la détermination de l'offre numérique proposée au public. Ce n'est pas une mince responsabilité !
Or, le CSA n'a obtenu, m'a-t-il été indiqué, que deux emplois nouveaux, ce qui ne lui permettra guère de se lancer dans le dépouillement des candidatures aux marchés publics. Cette compétence, présentée voilà cinq mois comme un pas décisif vers la transparence et la déontologie, est-elle jetée aux oubliettes ? Quant à la mise en place du numérique de terre, je crains qu'elle n'ait lieu, dans ces conditions, au petit bonheur la chance et qu'elle ne nous réserve des surprises, qui n'en seront d'ailleurs pas vraiment pour qui a suivi les débats législatifs du Sénat sur ce dossier.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles estime que les enjeux les plus importants ont été mal perçus et que les réponses ont été mal conçues. Nous proposons donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la communication audiovisuelle pour 2001.
M. le président. La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la presse écrite. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les aides budgétaires directes qui, chaque année, servent à mesurer de manière synthétique et, bien entendu, sommaire l'évolution de l'effort de l'Etat en faveur de la presse diminueront de près de 2 % en 2001.
Tout d'abord, mes chers collègues, d'où vient ce chiffre, différent de celui de 1,8 % annoncé aussi à bon droit, madame la ministre, lors de votre récente audition par notre commission ?
Il s'explique par la diminution draconienne de l'aide au plan social de la presse parisienne. Cette aide finançant un programme en voie d'achèvement, sa diminution est donc normale. Il n'en reste pas moins que les aides budgétaires directes diminueront, en 2001, de 9,5 millions de francs, alors que la presse évolue - je rejoins, là encore, l'analyse de M. le rapporteur spécial - dans un environnement économique difficile et qu'il aurait été justifié d'affecter cette somme, ou d'autres, à des actions compensatrices des handicaps nouveaux ou persistants dont souffre la presse.
Quels sont donc ces handicaps ?
Le chiffre d'affaires de la presse a augmenté globalement de 5,3 % en 1999, soit un résultat honorable, mais cette reprise est très fragile, dans la mesure où elle est tirée fortement par la publicité, alors que le lectorat continue de se dégrader.
Elle restera fragile à l'avenir puisque s'annonce, de façon inéluctable, en 2001, une augmentation de 15 % à 20 % du prix du papier journal qui dégradera fortement les comptes. Pour donner un exemple, le prix du papier journal, dans un quotidien régional, représente environ 20 % des charges globales, ce qui revient à dire que 4 % à 5 % de la rentabilité brute se trouvent affectés. Une menace évidente plane également sur l'accroissement de l'espace éditorial entrepris depuis plusieurs années par quantité de journaux afin de développer leur lectorat.
Enfin, la reprise est fragile dans la mesure où la presse d'information politique et générale, dont la vitalité est indispensable à la démocratie, en bénéficie très peu.
Vous me direz, madame la ministre, que la réaffectation de 9,5 millions de francs aurait peu contribué à la solution de ces vastes problèmes et qu'elle n'aurait été qu'un modeste symbole, sachant que les dotations de 2001 atteindront 613 millions de francs si l'on s'en tient aux aides budgétaires directes, 868 millions de francs si l'on y ajoute les abonnements de l'Etat à l'AFP, 2,3 milliards si l'on tient compte du fonds de modernisation et quelque 10 milliards de francs si l'on considère l'ensemble des aides indirectes. L'ensemble des chiffres figurent dans le rapport écrit.
Tout cela est vrai. Mais la diminution de 2 % des aides budgétaires directes est surtout révélatrice, mes chers collègues, d'une politique d'attentisme - c'est, madame la ministre, le mot le plus plaisant que j'ai pu trouver - dont les manifestations m'apparaissent alarmantes. Je vais en citer quelques cas.
Je commencerai, à tout seigneur tout honneur, par l'AFP, et vous ne serez pas étonnés que j'évoque immédiatement son sort.
Chacun sait que certaines dispositions du statut de l'AFP, qui remonte à la IVe République et que l'on doit à l'initiative d'un ministre de l'époque qui s'appelait François Mitterand, empêchent la recherche des financements nécessaires à son développement.
Je ferai court. Nombre de présidents se sont exprimés sur ce sujet. Le Gouvernement a rappelé le soutien qu'il a apporté aux tentatives, de plus en plus modestes, lancées par l'avant-dernier président. Ce soutien s'est fait discret, si j'ose dire, puis chancelant. Changer sans rien toucher, tel était le mot d'ordre du Gouvernement, et d'ailleurs celui de l'ensemble de l'environnement de l'AFP, jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il fallait tout de même faire semblant de bouger. Aussi a-t-on préféré changer de président plutôt que de dispositions statutaires !
La commission des affaires culturelles, considérant que c'était son devoir, a, de ce fait, adopté une proposition de loi adaptant la loi de 1957, ancienne et caduque, aux exigences minimales d'une relance de l'AFP.
Nous voulions permettre au conseil de l'AFP d'adopter un budget en déséquilibre, à titre exceptionnel, après avis motivé de la commission financière. Nous voulions consacrer le droit de l'AFP de recourir à des emprunts, ce qui semble aussi être le bon sens. Ces propositions ont été écartées.
Madame la ministre, nous serons heureux de vous entendre, l'augmentation de 0,93 % des abonnements de l'Etat à l'AFP me paraissant relever plus de l'humour que d'une véritable réponse à la dure réalité à laquelle est confrontée l'AFP.
Et voici que le nouveau président a annoncé, madame la ministre - j'y suis sensible, en tant que rapporteur des crédits de la presse - qu'avec l'accord de l'Etat, et cela n'a jamais été démenti, un budget pourrait être adopté en déséquilibre !
Je ne chercherai pas à me retrouver dans ces circonvolutions de bateau ivre. Je rappelle simplement que l'adoption d'un budget en déséquilibre est illégale en l'état actuel de la loi. Je le ferai alors remarquer ; ce sera mon devoir, ce sera notre devoir.
La réorganisation des Nouvelles Messageries de la presse parisienne, les NMPP est un autre sujet d'inquiétude.
La situation est claire, je la résume : les NMPP sont, en France, le principal acteur de la vente de la presse au numéro.
Leurs ventes représentaient, en 1998, à peu près le tiers du marché total de la vente de la presse, 51 % du marché de la vente au numéro et 88 % du marché de la vente au numéro de la presse nationale.
Or, ces chiffres ont tendance à régresser, ce qui met en péril la situation d'une entreprise essentielle pour la distribution de la presse. La concurrence est en effet engagée avec d'autres formes de distribution, comme le portage, ou avec d'autres entreprises.
Le Gouvernement, je le souligne, n'a pas méconnu la gravité de la situation. Un rapport a été commandé, en janvier 2000, à un membre du Conseil d'Etat par votre ministère. Hélas ! ce rapport a soigneusement évité de répondre à la seule question que l'Etat doit se poser, celle de l'imputation de la charge financière que, dans l'intérêt public, dans l'intérêt du pluralisme de l'information et de la démocratie, la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale fait peser sur les NMPP, et donc sur la collectivité des éditeurs.
Pour le moment, la réponse de l'Etat demeure ambiguë. Vous avez reçu récemment, en février dernier, le syndicat CGT des NMPP. Mme Trautmann n'avait pas, à l'époque, rejeté le principe d'une contribution de l'Etat à la mise en oeuvre du plan. Les subventions annoncées n'ont pas été adoptées.
Vous avez déclaré devant notre commission, madame la ministre - j'en prends acte - que vous ne refusiez pas, mais que vous étiez attentive à ce que pourrait dire l'Europe. Cette position nous apparaît, au mieux, ambiguë et, au pire, annonciatrice d'une stratégie de défaussement que je viens de constater, s'agissant de l'AFP.
Notre commission estime légitime - notre débat, à cet égard, a été fort intéressant - que l'Etat prenne en charge les coûts spécifiques afférents à la distribution de ce type de presse, dans le cadre juridique de la notion de service universel, que nous défendons, et que la Commission européenne ne saurait critiquer à l'heure où l'Union adopte une charte des droits fondamentaux consacrant solennellement les principes de la démocratie et dressant un inventaire de leurs conséquences.
Au-delà de l'AFP, des NMPP, c'est une stratégie globale de reconquête du lectorat qu'il faudrait aider la presse à mettre en oeuvre. Il faut savoir que 45 % du lectorat de l'ensemble de la presse a plus de cinquante-cinq ans. D'où la nécessité de former - je le dis depuis plusieurs années à cette tribune ou ailleurs - la jeunesse scolaire à la lecture de la presse. C'est à cet âge que l'on « accroche » la lecture.
C'est pourquoi je m'attache depuis plusieurs mois - en vain jusqu'à présent, mais j'y arriverai sans doute un jour - à faire admettre l'idée de créer un fonds de concours destiné à permettre à l'ensemble des classes des établissements d'enseignement - je dis bien à chaque classe - de disposer, dans des conditions favorables, d'abonnements aux journaux de toutes tendances. Je sais que le CLEMI, le Centre de liaison de l'enseignement et des moyens d'information, y travaille, mais il s'agit de remèdes trop homéopathiques pour enrayer la dégradation du lectorat de la presse.
D'autres préoccupations de la presse à vocation nationale ou régionale mériteraient de trouver une traduction budgétaire. Je vous livre en vrac quelques suggestions à cet égard.
Tout d'abord, l'aide à la transmission des données numérisées pourrait utilement être progressivement substituée à celle qui concerne le fac-similé, or cette mesure n'est pas inscrite au projet de budget pour 2001.
Ensuite, l'élargissement du champ d'intervention du fonds de modernisation de la presse à d'autres supports que le papier devient une nécessité, car la presse dans le monde ne sera plus jamais « unimédia ». Or les crédits de ce fonds de modernisation, madame la ministre, déclinent. En effet, ils atteignent 160 millions de francs, alors que l'on avait évoqué le chiffre de 300 millions, voire de 400 millions de francs lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue député Jean-Marie Le Guen. Rien ne permet d'espérer le redressement du montant de ces crédits.
Enfin, un autre aspect de ce projet de budget pour 2001 nous inquiète : aucune mesure nouvelle ne concerne les correspondants de presse, véritables artisans de la presse au coeur de la vie des quartiers urbains ou des cantons ruraux, alors que les bas revenus sont exonérés de la CSG et du RDS.
Pour conclure, j'affirmerai qu'un grand redéploiement du budget des aides à la presse était possible et souhaitable. Le projet de loi de finances pour 2001 ne l'engage pas : c'est une occasion ratée, alors que la croissance économique le permettait.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2001. Elle souhaite à l'avenir, madame la ministre, des arbitrages plus volontaristes en faveur de l'un des piliers de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, dix-huit minutes ;
Groupe socialiste, seize minutes ;
Groupe de l'Union centriste, quatorze minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, quatorze minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, douze minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, onze minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Je demande à chacun d'y veiller.
Par ailleurs, le temps de parole prévu pour le Gouvernement est de quarante-cinq minutes au maximum.
Telles sont les règles que nous respectons depuis le début de la seconde partie du débat budgétaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la télévision et, dans une moindre mesure, la radio doivent-elles et peuvent-elles sortir des crises qui les secouent, au moment même où l'accompagnement budgétaire du Gouvernement marque une très nette progression des dotations publiques, avec une hausse des crédits de 6,1 % par rapport à l'an dernier ? Est-ce à dire que cet accompagnement budgétaire suffira à redonner au service public de la communication une place particulière dans le paysage audiovisuel de notre pays ?
Nous ne le pensons pas, et ce pour de multiples raisons, eu égard en particulier à l'inadéquation qui existe entre la réalité du secteur de l'audiovisuel aujourd'hui, en incessante mutation, et les mesures politiques d'accompagnement.
Au moment où il conviendrait d'affirmer une volonté politique très forte en matière de contenus et d'originalité des programmes, où la recherche audiovisuelle devrait être renforcée, n'y a-t-il pas lieu de craindre, par exemple, un amoindrissement des missions de l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, qui subit une réduction de 1 % du montant de ses dotations ? Le développement du numérique à Radio-France peut-il se concevoir alors que les missions de ce groupe se trouvent réduites ? D'ores et déjà, le réseau de FIP et les productions locales et régionales y ont beaucoup perdu.
La majorité plurielle reste, je l'avoue, attendue sur le terrain de l'audiovisuel, comme sur celui de la culture, d'ailleurs.
A la suite de l'adoption d'un nouveau cadre législatif pour l'audiovisuel, la télévision publique peine aujourd'hui à trouver une place originale au sein d'un secteur très fortement concurrentiel, et c'est là un euphémisme ! On ne peut se satisfaire du constat d'une relative inadaptation de notre télévision publique.
Peut-être le moment est-il venu de remettre sur l'établi un certain nombre des politiques qui ont été conduites jusqu'à présent et de chercher les raisons structurelles des difficultés que traversent les chaînes publiques. Les objectifs de qualité des programmes inscrits dans la loi récemment adoptée peuvent-ils réellement être atteints sans que l'on remette en question l'ensemble de la politique des programmes ? L'absence d'un volet relatif à l'industrie des programmes, s'agissant notamment du service public, n'est-elle pas une entrave à l'originalité que nous souhaiterions voir mise en oeuvre ?
Au-delà des missions de régulation du Conseil supérieur de l'audiovisuel - je ne remets pas du tout en cause le bien-fondé de l'existence de cette instance - ne conviendrait-il pas de donner au politique, notamment à la représentation nationale, des instruments permettant de mieux orienter qu'aujourd'hui les missions du service public de l'audiovisuel, à l'image, par exemple, de ce que représente l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques dans un autre domaine ?
Certes, l'apport de moyens financiers publics nouveaux pour l'audiovisuel était nécessaire, et il conviendra de poursuivre cette démarche. Nous savons que notre pays avait pris en la matière un très gros retard, mais il faut avoir, pour l'audiovisuel public, d'autres ambitions.
En effet, n'est-il pas nécessaire, voire vital pour elle, que la télévision de service public reste une réponse incontournable aux attentes très diverses de nos compatriotes en matière de programmes ? Pour ce faire, peut-être convient-il de favoriser plus que ne l'a fait la loi sur la liberté de la communication les spécificités du service public.
Certes, les chaînes thématiques existent et le service public doit tenir une place dans ce secteur, mais on constate aujourd'hui un éclatement de la télévision, peu propice aux surprises du talent, à la création dont pourrait se nourrir l'audiovisuel.
Au-delà de l'examen du projet de budget lui-même, nous souhaiterions qu'un réel débat s'engage sur les missions de l'audiovisuel public dans notre pays, de la même manière qu'il serait bon que la représentation nationale soit associée, plus qu'elle ne l'est actuellement, à la mise en place du réseau hertzien numérique.
En matière de presse écrite, madame la ministre, je prends acte avec satisfaction des efforts continus consentis en matière d'aides, particulièrement en direction des journaux, des hebdomadaires et des quotidiens ne bénéficiant que de faibles ressources publicitaires. Je n'insisterai jamais assez sur l'absolue nécessité de ces aides, qui sont non pas une aumône mais un véritable concours à l'exercice du pluralisme, donc de la démocratie. Et ce n'est pas inutile !
La presse se porte mieux, peut-on entendre ou lire. Qui s'en plaindra ? Je me garderai pourtant bien, pour ma part, de toute vision idyllique des choses, car la presse écrite est confrontée à de nombreux défis, notamment avec la concurrence des nouveaux médias, la numérisation de l'entreprise de presse, la mondialisation, la concentration et, en arrière-plan, la « statue du commandeur » de la World Company .
Cela étant, l'éclaircie que j'ai évoquée est principalement due à un essor des ressources publicitaires. Mais qu'en sera-t-il demain ? La presse reste en effet en butte à des difficultés majeures, particulièrement à la réduction et au vieillissement du lectorat.
Mais, surtout, le bulletin de santé n'est pas identique pour tous. Je pense ici aux difficultés spécifiques que connaissent les journaux d'information politique et générale, ainsi qu'aux phénomènes de concentration et de regroupement menaçant des titres existants, ainsi que le pluralisme.
Dès lors, une question se pose : les dispositions actuelles suffisent-elles ou non à garantir réellement le maintien et l'existence d'une presse d'information libre, pluraliste et indépendante des grands groupes financiers ?
Cette question est d'autant plus légitime que l'ensemble de la presse écrite se trouve aujourd'hui confronté, comme je l'ai souligné, à des défis inédits liés à l'émergence et au développement des nouveaux vecteurs de communication, le réseau Internet en particulier. Aucun titre aujourd'hui ne peut penser son avenir hors de la « toile », sans apporter une réponse à ces besoins naissants des citoyens.
La presse écrite a donc besoin d'Internet. Cela ne peut que favoriser une reconquête du lectorat et le rajeunissement de celui-ci, mais Internet a aussi besoin de la presse écrite. Au moment où nous constatons une mainmise massive des grands groupes marchands sur les réseaux, je considère comme essentiel le développement de lieux alternatifs d'information et de portails progressistes. La responsabilité de la presse écrite, qui est mise en valeur par le remarquable sondage réalisé à l'occasion du congrès national de la Fédération de la presse, qui s'est tenu à Lille la semaine dernière.
Bien sûr, les interrogations ne manquent pas. Comment éviter que la révolution numérique n'amplifie les déséquilibres entre les journaux puissants et les autres, entre ceux qui pourront investir dans les nouveaux réseaux de communications et ceux qui n'en auront pas les moyens ? Comment garantir que la presse écrite garde sa spécificité, son éthique, les valeurs propres qui lui sont reconnues et qui lui valent cette relation de confiance avec le lecteur ? Autrement dit, la recherche de rentabilisation des investissements sur Internet ne risque-t-elle pas de dénaturer la presse écrite, de la noyer dans un mélange des genres entre information, divertissement, publicité et commerce ?
Nous touchons là à de véritables enjeux de société. La presse écrite et les nouveaux vecteurs de communication ont un chemin à parcourir ensemble, mais pas à n'importe quel prix. Il y a là matière à réflexion pour l'Etat, qui doit non pas brider et imposer, mais garantir le respect de valeurs éthiques, morales, démocratiques, déontologiques.
En effet, ce que l'on appelle la société de l'information, ou plutôt le nouvel environnement numérique, représente non pas une question technique, mais l'une des plus grandes questions politiques du moment, politique au meilleur sens du terme, c'est-à-dire ce qui permet d'assumer son destin et non de le subir.
Parler de la presse écrite m'amène tout naturellement à évoquer brièvement l'Agence France Presse, dont le Gouvernement vient d'annoncer l'apurement de la dette de quarante-cinq millions de francs. C'est là un deuxième pas, après celui de l'année dernière, dont nous prenons volontiers acte.
Néanmoins, la question de la modernisation de l'Agence et de son développement reste à ce jour incontournable. Nous avons à ce titre formulé un certain nombre de propositions - mise en oeuvre de nouvelles synergies publiques, dotation exceptionnelle pour modernisation, attribution d'un prêt bonifié - et, comme vous le savez, les personnels sont eux-mêmes porteurs d'un grand nombre de suggestions. Aussi souhaiterais-je connaître, madame la ministre, l'état des travaux menés par le ministère et, plus généralement, par le Gouvernement, sur le problème de la modernisation de l'Agence France Presse et du développement de ses missions.
Madame la ministre, lors du récent congrès de la Fédération de la presse qui s'est tenu à Lille, j'ai pu écouter et apprécier vos propos. Vous avez en particulier joliment cité Paul Valéry, souhaitant que « le commerce des esprits soit le premier commerce du monde ». Comment le garantir dans cette société libérale, où s'annonce, pour paraphraser Octavio Paz mais aussi Jack Ralite (sourires), le « marché sans concurrence ni miséricorde » ?
Mais, comme le disait Cocteau, « en amour, ce qui compte, ce ne sont pas les déclarations, ce sont les manifestations », ou, plus prosaïquement, la preuve du pudding, c'est qu'on le mange. (Nouveaux sourires.)
Madame la ministre, vous pouvez compter, pour aborder ce vaste chantier, sur notre soutien le plus résolu. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.) Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu'il s'agisse de demander des garanties pour Canal Plus dans la fusion Vivendi-Universal, de renforcer le service public de l'audiovisuel ou de se battre pour les crédits des grands programmes culturels et audiovisuels européens, le combat du gouvernement français - le vôtre, madame la ministre - vise bel et bien à préserver les capacités de production de nos industries de programmes, garantes de la diversité culturelle.
Dans l'univers numérique, la bataille d'aujourd'hui, et plus encore de demain, est plus que jamais, je le répète, celle des programmes.
Le projet de budget de la communication pour 2001 peut être qualifié d'emblée d'excellent : le Gouvernement tient ses promesses, et nous savons tous que vous n'y êtes pas pour rien, madame la ministre.
Ce budget devra permettre d'assumer une lourde tâche, celle de mettre en oeuvre la loi que nous avons votée avant l'été. Cette année sera effectivement une année stratégique pour France Télévision, avec trois axes majeurs : redonner au service public les moyens d'affirmer sa spécificité ; le renforcer globalement vis-à-vis de la concurrence du secteur privé ; assurer son développement dans l'aventure du numérique hertzien terrestre.
Il fallait donc continuer à renforcer les moyens du secteur public. Votre budget progresse de 6,1 %, et c'est la quatrième année consécutive qu'il croît. Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que ces crédits avaient déjà augmenté de 3 % en 1998 et en 1999, et de 4,8 % en 2000.
Le budget total de l'audiovisuel public représentera 20,6 milliards de francs, dont 13,5 milliards de francs pour le groupe public France Télévision, désormais en ordre de marche, plus de 1,1 milliard de francs pour Arte France, 3 milliards de francs pour Radio France et, enfin, 1,4 milliard de francs pour RFO, la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer.
J'en viens au deuxième défi que vous avez relevé : redonner au service public les moyens d'affirmer sa spécificité en le rendant moins dépendant des recettes publicitaires.
Les financements publics représenteront plus de 75 % des ressources de l'audiovisuel public et 69,1 % de celles de France Télévision, avec deux conséquences : le confort pour les téléspectateurs, avec la fin des tunnels publicitaires, puisque le volume horaire sera passé en deux ans de douze à huit minutes, et, surtout, une certaine liberté de programmation qui devrait permettre à France Télévision, comme c'est sa vocation, de donner toute sa place à l'audace et à la création, sans négliger l'audience.
Je trouve assez étrange - ou amusant - que le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui prétend défendre le secteur public, désapprouve ce budget, lui qui, en décembre 1996, votait des deux mains, si j'ose dire, un budget pour 1997 qui entérinait la diminution des ressources publiques de 1 milliard de francs en deux ans et faisait dépendre France 2 à plus de 50 % des recettes publicitaires. Le lien entre pression publicitaire et programmation n'est plus à démontrer dans cet hémicycle.
Aujourd'hui, ce sont 2,1 milliards de francs de remboursement des exonérations de redevance que l'Etat consacre à ce désengagement publicitaire. Je crois que les Français apprécieront.
Par ailleurs, cette manne supplémentaire servira en priorité les programmes, puisqu'ils bénéficieront de 450 millions de francs de mesures nouvelles, sur les 783 millions de francs accordés à France Télévision. Là encore, comparons avec le « bon budget » de décembre 1996, qui demandait à France 2 d'économiser 200 millions de francs sur les programmes ! Tous les créateurs qui travaillent pour le secteur public apprécieront, monsieur Hugot !
Néanmoins, je me permettrai, madame la ministre, de formuler rapidement quelques interrogations quelques inquiétudes.
La première inquiétude, et c'est le troisième défi qui est devant nous : permettre le développement du secteur public et, bien sûr, d'abord sur le numérique hertzien. M. le rapporteur pour avis semble s'indigner du milliard de francs promis par le Gouvernement, qui fera l'objet d'une dotation spécifique.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Ah bon !
Mme Danièle Pourtaud. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'aux termes de la loi que vous n'avez, il est vrai, pas votée, le secteur public bénéficie d'une priorité par rapport au secteur privé. Il sera doté d'au moins dix canaux sur les trente-six disponibles dans les six multiplexes.
Vous le savez comme moi, la viabilité économique du numérique hertzien terrestre repose sur l'équipement massif des téléspectateurs en terminaux numériques. L'offre de programmes doit être attractive et nous avons choisi de privilégier les services gratuits.
France Télévision vient d'ailleurs de finaliser un projet ambitieux de chaînes gratuites qui devront éclore à l'automne 2002 : une chaîne d'information permanente, qui s'appuiera sur la puissance rédactionnelle de France Télévision ; des chaînes régionales, qui permettront de nombreux décrochages locaux ; une chaîne « sport », qui rendra leur place aux sports délaissés par les chaînes généralistes ou les chaînes payantes, alors qu'ils regroupent énormément de pratiquants dans notre pays ; une chaîne « jeunes » pour les adolescents, qui cherchera à leur ressembler et à les rassembler, le « mouv » de la télévision en quelque sorte ; enfin, deux chaînes tournées vers la création française, d'abord une chaîne dite « nouveaux choix », qui sélectionnera les meilleurs programmes de France 2 et France 3 et donnera à certaines émissions programmées hors des heures de grande écoute l'opportunité de rencontrer de nouveaux publics, ensuite une chaîne « arts et spectacles », qui traitera de l'actualité artistique et fera mieux connaître aux Français notre patrimoine.
Nous devrons accompagner France Télévision dans cette aventure du numérique hertzien, qui constitue une chance pour le service public de répondre aux demandes du plus grand nombre et d'offrir de nouveaux débouchés à la production audiovisuelle. J'ajouterai que la dotation spécifique prévue, dont vous allez peut-être nous dire un mot, madame la ministre, ne fait d'ailleurs que couvrir une partie de l'ensemble des financements nécessaires, évalués à plus de 1,5 milliard de francs.
Deuxième inquiétude : les moyens financiers du secteur seront-ils suffisants pour affronter tous ces défis et pourront-ils maintenir le groupe public dans une concurrence équitable avec le secteur privé ?
Je le répète, le budget du secteur public français demeure trop faible comparé à celui de l'Allemagne, plus de 40 milliards de francs actuellement, ou à celui de la Grande-Bretagne, qui dépasse les 25 milliards de francs.
Je ne reprendrai pas ici la mauvaise et vieille polémique sur la suppression de la redevance. Je remarque qu'elle rebondit à travers un amendement présenté par certaines membres du groupe du RPR.
Mon avis est connu, je continue à penser qu'elle est non seulement nécessaire mais qu'elle devrait être augmentée pour atteindre les niveaux allemand de 1 000 francs, ou britannique de 1 200 francs.
M. Paul Blanc. C'est cela !
Mme Danièle Pourtaud. Elle est la garantie du financement autonome de l'audiovisuel public et, par là même, de son indépendance éditoriale, et je pense que l'on aurait tort de sous-estimer le lien qu'elle établit entre les Français et leur télévision publique.
Mais soyons réalistes, ce n'est sans doute pas la ressource dynamique à forte croissance annuelle dont a besoin le service public pour son développement. Nous devons faire preuve d'imagination, demander aux services de Bercy de faire des simulations et inventer une nouvelle ressource de complément, voire de substitution.
M. Louis de Broissia. Une vignette !
Mme Danièle Pourtaud. Je ne peux conclure sans revenir aux financements des télévisions associatives. Je dois redire encore une fois qu'il serait totalement incohérent et hypocrite de reconnaître le droit d'exister aux télévisions associatives sans leur en donner les moyens.
Je n'ai pas besoin de vous convaincre, madame la ministre, dans notre société dominée par les médias commerciaux, où le tiers secteur audiovisuel donne la parole aux citoyens, que ces télévisions sont des espaces de liberté, et qu'elles créent un lien social. Pouvez-vous nous préciser si elles peuvent espérer très rapidement la création d'un fonds de soutien à l'expression télévisuelle ?
J'évoquerai en quelques mots des sujets qui engagent l'Europe, alors que s'achève la présidence européenne, en exprimant une satisfaction et une inquiétude.
Avec 400 millions d'euros, le nouveau programme Média Plus est en hausse de 23 % par rapport à Média II. Je crois que c'est là encore le fruit de combats que vous avez menés. Le programme Média Plus se dote de financements, certes modestes, mais au moins au niveau de son ambition : favoriser la circulation de la production européenne dans l'univers numérique.
Moins assurée et beaucoup plus lourde de menaces est la question du sort de la culture et de l'audiovisuel dans les négociations internationales. Après l'AMI - accord multilatéral sur l'investissement - et les négociations NTM - New Transatlantic market - nous savons qu'aujourd'hui nos partenaires européens exercent une forte pression pour inclure l'article 133-5 du traité de Maastricht, dont dépendent culture et communication, dans le champ des sujets sur lesquels l'Europe déciderait à la majorité. Comme les artistes rassemblés il y a une heure devant l'Odéon, nous pensons, madame la ministre, qu'il faut plus que jamais préserver la diversité culturelle par l'exception culturelle.
Sachez que nous vous soutiendrons, madame la ministre, dans cette bataille et que le groupe socialiste votera avec plaisir ce budget, qui ouvre une nouvelle ère pour l'audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas reprendre, après l'excellent rapport de notre collègue Jean-Paul Hugot, les données de ce projet de budget pour 2001 sur l'audiovisuel public. L'évolution des crédits traduit bien le nouvel équilibre ou le nouveau déséquilibre qui s'opère entre les différentes ressources de l'audiovisuel public.
J'insisterai simplement sur deux points qui ont particulièrement retenu l'attention du groupe du Rassemblement pour la République : d'abord, l'enjeu du numérique dont Mme Pourtaud et d'autres intervenants ont parlé, ensuite, le maintien utile de la redevance audiovisuelle, et j'évoquerai, bien entendu, les défis de la programmation.
S'agissant de l'enjeu du numérique, madame le ministre, nous avions tous insisté, lors de l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel, sur la nécessité de l'engagement de l'audiovisuel public dans ce mode de diffusion, mais aussi sur l'importance des coûts qu'entraînerait son développement.
Il est vrai que certains voient l'avenir en rose, et que d'autres sont plus réalistes ; mais le coût pour France Télévision a été chiffré - il figure dans le rapport de notre collègue M. Hugot - à 1,6 ou 1,8 milliard de francs. Nous avons la confirmation de ces chiffres et nous savons que ces investissements ne seront possibles qu'au prix d'un effort budgétaire important que la Grande-Bretagne a déjà consenti à hauteur de 200 millions de livres - ce chiffre figure également dans le rapport de notre collègue Hugot.
Madame le ministre, nous attendons que vous nous éclairiez quant à vos intentions en la matière.
La loi sur la liberté de communication, adoptée en août dernier, a permis des avancées voulues par le Sénat,...
Mme Danièle Pourtaud. Ah bon !
M. Louis de Broissia. ... notamment en matière de diffusion numérique hertzienne. Cet objectif majeur, compromis par les contraintes financières de cette même loi, n'a, semble-t-il, pas été pris en compte dans ce projet de budget, ou alors, madame le ministre, il y a des idées différentes, des idées de partenariat local ou national, d'ouverture sur le capital pour l'exploitation des multiplexes. Nous serions heureux que vous nous rassuriez sur ce point. J'émets un doute positif.
S'agissant de l'avenir de la redevance et de la manière dont l'audiovisuel public sera financé, plusieurs amendements ont été déposés. Pour ma part, je ne soutiendrai que celui que j'ai déposé avec M. Joyandet. Cet amendement vise à exonérer de la redevance ceux qui font partie du quart monde de l'audiovisuel, c'est-à-dire ceux qui ne reçoivent aujourd'hui rien. Est-il possible au xxie siècle d'admettre durablement qu'un téléspectateur soit obligé de payer pour des chaînes publiques qu'il ne reçoit pas ?
En revanche, je ne soutiendrai pas l'amendement de mes collègues visant à supprimer la redevance. Je pense, et je suis en cohérence avec ce que je disais voilà quelques jours s'agissant de la vignette automobile, qu'il s'agit d'un impôt d'usage qui établit un lien entre le public et le service public de l'audiovisuel.
On peut s'interroger sur l'avenir d'une telle taxe. Nous avons soulevé cette question à plusieurs reprises, en particulier avec M. Pelchat. Son mode de recouvrement est archaïque et plus coûteux que celui de la vignette automobile, que le Gouvernement a pourtant choisi de supprimer pour plusieurs raisons, dont, m'a-t-on dit, des raisons électorales propres au lieu où se situe le service de la redevance !
Quel paradoxe en tout cas de ne pas vouloir maintenir un financement transparent comme c'est le cas dans la plupart des pays européens.
Quel paradoxe ce serait aussi de ne pas nous pencher sur la programmation de la télévision publique. Il serait tout de même navrant que le Sénat n'aborde pas cette question. L'audiovisuel public s'efforce de diversifier ses programmes, de « coller » davantage aux demandes de tous les publics, au risque de déplaire en diffusant des émissions qui sont - nous pensons tous à des émissions comme « C'est mon choix » mais il en est d'autres - jugées trop racoleuses, populaires, voire voyeuristes.
Quel paradoxe effectivement que notre service public à la française n'ait comme ressource, si je puis dire, que d'être condamné par des parlementaires. J'ai entendu hier et ce matin des commentateurs de la presse radiophonique déclarer que nos collègues de l'Assemblée nationale devenaient les censeurs ou les procureurs des médias publics. C'est là, madame le ministre, que le fameux équilibre entre le financement public et le financement privé pose problème.
L'audiovisuel public - nous l'avons tous souligné, mais nous n'avons pas été beaucoup entendus - est obligé en permanence de faire le grand écart entre des missions de service public dont la définition reste, quoi que l'on en dise, totalement floue et la nécessité évidente - il n'y a qu'à entendre les patrons de ces chaînes - de diffuser des émissions qui plaisent au public auquel elles sont relativement destinées.
Voilà donc le problème posé à l'occasion du vote du budget pour 2001. En ce domaine, mes chers collègues, ne faisons pas trop de crise d'ego et regardons le chiffre figurant dans le rapport de notre collègue M. Hugot qui reprend la réponse, madame le ministre, que vous avez bien voulu apporter à une question écrite que j'avais posée sur le financement public consenti par nos principaux partenaires européens. La France est loin derrière le Danemark, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Nous pouvons faire infiniment mieux. Je ne pense pas que la suppression totale de la redevance réponde aux nécessités de l'heure.
Je ne voudrais pas, en revanche, que nous achevions cette discussion budgétaire sans évoquer deux sujets : l'indépendance du secteur public que, pour ma part, j'entends respecter par le maintien de la redevance, et le souci de la convergence qui doit être notre préoccupation première.
Je le pense, madame le ministre : dans les visions que vous nous proposez pour 2001, l'indépendance n'est pas mise en cause, mais la convergence me paraît particulièrement écartée. C'est la raison pour laquelle j'aurai de très grands doutes au moment du vote de ce budget.
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget du « toujours plus » et des « engagements tenus » selon vos propres termes, madame la ministre. A la fin de l'été, vous en avez dévoilé les chiffres et indiqué que le remboursement des exonérations de redevance sera intégral en 2001 et approchera 2,2 milliards de francs, montant qui représente plus du double des effets de la limitation de la publicité sur France 2 et France 3.
Le projet de budget du secteur public de la communication audiovisuelle s'élève donc à 20,6 milliards de francs pour 2001 contre 19 milliards de francs en 2000.
Les ressources publiques - redevances et dotations budgétaires - connaissent une croissance de près de 1,5 milliard de francs ce qui porte en deux ans la progression de l'effort public à 23,2 %. Le taux de redevance est stable et la redevance reste à 751 francs pour un récepteur couleur et à 479 francs pour un poste noir et blanc ; le produit des encaissements de cette redevance s'élève à 13,5 milliards de francs pour l'année prochaine.
Conformément à la loi du 1er août 2000, le budget de l'Etat compense l'impact des exonérations de redevance, et les crédits budgétaires s'élèvent à 2,11 milliards de francs. Il s'agit là de la concrétisation du fort desserrement de la dépendance des chaînes publiques à l'égard des recettes commerciales.
Si les ressources publiques augmentent, les ressources propres assignées aux organismes, quant à elles, diminuent, puisqu'il y a eu baisse des recettes publicitaires en raison de la réduction des écrans sur France 2 et sur France 3.
Les objectifs de recettes publicitaires ou de parrainage sont donc en baisse de 6 %, compte tenu de la restructuration des ressources pour la télévision publique.
Le holding France Télévision, qui était au coeur de la réforme législative, se trouve ainsi être le grand bénéficiaire de la manne publique et voit son budget, qualifié de « refondation », progresser de 6,1 %.
France Télévision disposera de 783 millions de francs de moyens nouveaux, dont 450 millions de francs seront entièrement consacrés aux programmes.
Les autres chaînes du secteur public bénéficient également de crédits supplémentaires, qui s'élèvent respectivement pour Arte à 9,1 %, pour RFO à 8,1 %, pour Radio-France à 6,1 % et pour RFI à 3,4 %.
Les axes prioritaires retenus pour 2001 tendent à « assurer des moyens au service public audiovisuel » et à « mettre en oeuvre la réforme de la télévision publique ».
Cela se traduit par « une rupture dans la structure de financement de l'audiovisuel public » et par « une augmentation des budgets totaux des sociétés ».
Cette rupture dans la structure du financement a pour conséquence une hausse de la part du financement public qui passera ainsi de 69,4 % en 1999, à 76 % en 2001.
L'augmentation des crédits publics résulte, pour moitié, de la hausse du rendement de la redevance et, pour moitié, de l'abondement des crédits budgétaires.
Pour autant, hormis cette grande tendance, il n'y rien sur le fond et ce budget laisse l'impression que les questions d'avenir ne sont pas réellement traitées.
Ainsi en est-il du numérique, pour lequel le Gouvernement indique qu'il n'a « pas été traité à l'occasion de la préparation de ce budget » et auquel il affecte un milliard de francs, mais pour 2002 !... J'y reviendrai dans un instant.
Autre pilier de la réforme mis à mal : la redevance. On a en effet entendu parler d'un projet de suppression. Cela aurait des conséquences dramatiques pour le financement de l'audiovisuel public, qui ne serait plus alors assuré, et perdrait l'indépendance que lui confère une taxe affectée...
Cela signifierait, à terme, la réduction du périmètre de l'audiovisuel public, donc la privatisation de France 2, et marquerait un tournant pour le PAF, qui basculerait dans le privé.
Ce qui est sûr, c'est que le débat sur la redevance est plus que jamais ouvert et qu'il ne peut être éludé... Vous avez, madame la ministre, avoué avoir engagé une réflexion sur un nouveau mode de financement à moyen terme car « la pérennité de la redevance pose un problème et son rendement n'est plus à la hauteur des défis du marché »...
Ce projet de budget ne répond pas à un problème immédiat : le numérique hertzien, dont le traitement est renvoyé à 2002. Pourtant, vous avez souligné, madame la ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement souhaitait un démarrage « rapide et réussi » de ce vaste projet. Dès lors, pourquoi attendre 2002 ? Seriez-vous inquiète des prises de position des principaux opérateurs privés - TF 1, Canal Plus ou le bouquet satellitaire TPS - qui soulignent que le numérique hertzien va au devant d'innombrables périls ? Certains lui prédisent même le sort funeste du plan câble comme dans les années quatre-vingt.
Par ailleurs, comme l'a fort bien rappelé, dans son rapport écrit, mon collègue M. Claude Belot, ce budget nous laisse l'impression que vous ne percevez pas complètement les enjeux du secteur. La France a besoin d'entreprises privées fortes. Pour cela, elles doivent pouvoir s'appuyer sur un cadre législatif stable et en adéquation avec celui qui est en vigueur à l'extérieur de nos frontières. Parallèlement, le service public, pour s'affirmer, doit pouvoir bénéficier de toutes les ressources disponibles pour faire face aux investissements qu'exige le numérique. Il doit aussi bénéficier de ressources courantes pour se placer sur le marché de l'interactivité.
En outre, votre politique, madame la ministre, demeure timide sur l'indispensable développement des télévisions locales. Pourtant nos concitoyens voient dans ces télévisions de proximité un moyen de cultiver leur identité et d'approfondir la démocratie.
Enfin, je dirai un mot sur les crédits d'aides à la presse pour 2001. Deux questions fondamentales ne sont pas réglées. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne sont toujours en crise. L'agence France-Presse, l'AFP souffre toujours d'une situation dans laquelle l'Etat ne lui donne pas les moyens d'accomplir ses missions.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, mes collègues et moi-même ne pourrons voter ni le budget de l'audiovisuel public, ni les crédits d'aides à la presse. Ils ne permettent pas d'envisager l'avenir sereinement, ils ne permettent pas aux entreprises publiques du secteur d'assurer l'indispensable convergence des technologies. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 6,1 % d'augmentation pour le budget de la communication, voilà qui devrait a priori nous satisfaire. Ce budget de la communication pour 2001 ne saurait cependant me contenter. Nous partons de si loin, madame la ministre, comparativement à nos voisins ! Et nous allons dans le mur si le sous-financement chronique du secteur public de l'audiovisuel perdure !
Nous savons depuis longtemps déjà que notre production nationale en matière d'audiovisuel est très inférieure à celle des Etats-Unis d'Amérique. Mais elle l'est aussi vis-à-vis de la production de nos voisins européens. Et cela, parce que nos chaînes publiques manquent de ressources !
Ainsi, par exemple, les ressources cumulées des chaînes françaises sont très largement inférieures à celles des diffuseurs britanniques et allemands. Là où pour les seules chaînes publiques allemandes le budget total des activités s'élevait en 1998 à 30 milliards de francs et les ressources de la BBC à légèrement plus de 30 milliards, le cumul des budgets de France 2, France 3, La cinquième, la Sept, Arte et l'INA atteignait péniblement les 14 milliards de francs !... Inutile de dire que nous ne pouvons prétendre combattre dans la même catégorie.
Qu'attendez-vous pour réformer le système de la redevance ? Estimez-vous la décision si impopulaire qu'il vaille mieux attendre des échéances électorales ? N'y a-t-il pas un intérêt populaire supérieur qui exige des réformes urgentes ?
J'insiste : il faut, sans attendre, en réformer le mode de perception. C'est là la principale source de financement du service public de l'audiovisuel. C'est la garantie d'un minimum de ressources stables et pérennes. Je rappellerai à ceux qui auraient des velléités de la supprimer qu'il y a quand même 13 pays sur 15 en Europe où une redevance est perçue pour l'audiovisuel, et à un taux supérieur !
Mon collègue M. Michel Pelchat a lui aussi déjà exposé ici, à plusieurs reprises, sa proposition de réforme de l'assiette de la redevance et M. Louis de Broissia y a fait allusion tout à l'heure en prenant comme fait générateur de celle-ci non plus le binôme « poste de télévision et point de réception » sur un rôle constitué par un acte de déclaration volontaire, mais simplement le « point de réception ».
Je n'y reviendrai pas dans le détail cet après-midi. Je ne reviendrai pas plus sur l'engagement pris dans la loi que nous avons votée il y a quelques mois en ce qui concerne le remboursement des exonérations.
A mon sens, vous le savez, cet engagement ne peut tenir que si, chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Gouvernement soumet au Parlement le champ des exonérations qu'il envisage, ainsi que leurs conséquences budgétaires.
Je vous donnerai simplement quelques chiffres très révélateurs et instructifs quant au potentiel de recettes de redevances non perçues.
Au 30 avril 2000, les comptes gérés par le service de la redevance étaient de 21 884 980, exonérations comprises. Ceux qui se sont acquittés de cette taxe étaient ainsi 18 327 589 et les exonérés, eux, étaient au nombre de 3 557 391.
Or, savez-vous combien il y a de foyers en France ? A la même date du 30 avril, selon l'INSEE, il y avait plus de 29 millions de foyers !
Faudrait-il en conclure qu'il y a en France plus de 8 millions de foyers qui ne possèdent pas de poste de télévision ? Je laisse à chacun ici le soin d'apprécier... et de chercher l'erreur !
Ainsi, madame la ministre, parce que le budget que vous nous présentez n'est pas du tout à la hauteur des ambitions nécessaires pour le service public de l'audiovisuel, je ne voterai pas ce projet de budget pour la communication. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les débats internationaux concernant les spectres de fréquences sont particulièrement vifs - je pense que mon collègue M. Ralite ne me démentira pas sur ce point - car, notamment lorsqu'il s'agit de questions stratégiques, nos amis américains ne sont pas tellement faciles à convaincre !
Les besoins en fréquences augmentent avec le développement des technologies de l'information et des communications, au rang desquelles je compte, bien entendu, la communication audiovisuelle.
Je rappelle que l'excellent rapport publié par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en juin 2000 précise que la contribution de ce secteur à la croissance est infiniment supérieure à sa part du produit intérieur brut. On estime en effet que cette contribution pourrait aller jusqu'à 1,6 point de croissance, c'est-à-dire la moitié de la croissance en France, alors que le poids de ce secteur dans l'économie n'est que de 2,5 % à 3 %.
Cela provient de diverses raisons, en particulier de la « transversalité » totale de ces produits et de leur usage, et de la forte croissance des investissements dans ce secteur.
Tous les industriels du domaine stratégique considèrent que les besoins en fréquences sont très forts. Ils le prouvent puisque, pour obtenir une licence dans une bande de fréquence UMTS, ils sont allés jusqu'à s'engager à payer 32,5 milliards de francs, et pour se déployer sur la part du territoire qu'ils se sont engagés à couvrir, il leur faudra encore dépenser de l'ordre de 40 milliards de francs. C'est beaucoup d'argent !
Le coût du déploiement des UHF - Ultra High Frequency - et des VHF - Very High Frequency - est beaucoup plus faible, et coûtera de l'ordre du quart du prix, tout simplement parce que ces fréquences ont une longueur d'ondes plus grande et qu'un pylône couvre plus de territoire.
La numérisation va permettre de libérer une vingtaine, voire une trentaine de fréquences supplémentaires, indépendamment de celles qui sont attribuées aux opérateurs actuels. Par conséquent, on peut se demander s'il faudra les faire payer. Dans l'affirmative, quel en sera le coût, selon quelles modalités, en fonction de quels critères et de quelles priorités ?
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de communication, examiné le 18 janvier 2000 en première lecture au Sénat, j'avais déjà évoqué ce sujet, en indiquant qu'à mon sens il serait déraisonnable de ne pas débattre au moins de l'affectation réservée à certains services prioritaires. Je pense, par exemple, aux services concernant la santé, la prévention, le télédiagnostic, la télémédecine ou la médecine à domicile - pensez au budget de la sécurité sociale - ou encore à d'autres domaines tels que l'enseignement et la formation continue, qui représentent environ 400 milliards de francs de dépenses dans le projet de budget pour 2001 et ne cessent d'augmenter. Bref, tout cela prouve qu'il y a vraiment là un problème majeur dont, à mon sens, le Parlement doit débattre.
Je ne sais pas quelles seront les positions qui seront prises, madame la ministre, mais une chose est sûre : il est absolument indispensable que le Parlement débatte de la mise à plat du spectre de fréquences.
Certaines fréquences sont affectées à des militaires, d'autres sont utilisées en commun avec des pays voisins, d'autres encore sont affectées à la télévision, d'autres enfin aux télécommunications... L'ordre de grandeur de la valeur de ces fréquences - la valeur affichée et non, comme l'ont fait les Britanniques, celle qui résulte d'une mise aux enchères ! - dépasse les 1 000 milliards de francs !
Cela mérite bien que le Gouvernement et le Parlement débattent de la répartition, des priorités, des modalités d'appréciation et éventuellement de la remise à plat des affectations et des responsabilités.
Des réaffectations en capital pourraient, monsieur Belot, être réalisées à cette occasion au bénéfice de France Télévision, qui doterait alors fortement la Banque de programmes et des services déjà mise en place par La Cinquième, afin de lui donner une réelle dimension nationale, et contribuerait aux services numériques interactifs que j'ai évoqués.
Cela précise bien que je ne suis pas opposé à la réaffectation de fréquences au domaine télévisuel. Il est d'autant plus nécessaire de mettre à plat les problèmes, les types de services et de monter les structures correspondantes, qu'il y a le phénomène de convergence.
Des télévisions commencent à diffuser sur Internet, à l'image de Canal Web. La prochaine fois que vous viendrez à Cannes, madame la ministre, vous serez filmée par Azur Télévision, une petite société qui vient de se créer et qui va probablement se capitaliser, pour diffuser largement sur Internet et vendre des produits culturels de proximité.
Cela conduit à envisager que ce ne sont plus les seules fréquences distribuées par le CSA qui doivent être contrôlées par le CSA. Il faut réorganiser les fonctions à la fois du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de l'Autorité de régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences. Sur ce point, madame la ministre, je souhaite que vous nous donniez un avis, et que vous preniez éventuellement un engagement sur l'intérêt que présenterait un débat au Parlement sur ce problème. Je vous remercie (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma collègue Danièle Pourtaud ayant dit tout le bien que nous pensons de votre projet de budget, je n'y reviendrai pas, sinon pour me réjouir des informations complémentaires que vous avez données aux députés : les 550 millions de francs d'exonérations supplémentaires votés par l'Assemblée nationale seront reversés intégralement à votre budget, via le fonds d'affectation spéciale, ainsi que les 200 millions de francs d'exédents de redevance perçus l'année dernière.
Toutefois, je tiens, au passage, à joindre ma protestation à celle de mes collègues députés et sénateurs concernant le coût de la collecte de cette redevance. La redevance en elle-même est une excellente chose - nous l'avions d'ailleurs défendue cet été lorsqu'elle a été mise en cause -, car elle permet d'assurer l'autonomie de l'audiovisuel public. En revanche, un récent rapport de l'inspection des finances a révélé que le coût de sa collecte était non pas de 400 millions de francs, comme on nous l'avait assuré jusque-là malgré nos marques de scepticisme, mais bien du double, voire de 1 milliard de francs, ce qui est exorbitant ! Je réitère la proposition de prélèvement automatique à la source de cette « malheureuse » somme de 753 francs annuels pour tous les ménages qui n'en sont pas exemptés ; quitte, pour ceux qui n'ont pas de poste de télévision, à faire une déclaration sur l'honneur. Un tel système de collecte non seulement serait beaucoup moins onéreux, mais permettrait de surcroît, en concentrant les contrôles sur une population plus étroite, de réduire la fraude, qui reste considérable.
S'agissant du financement de l'audiovisuel public, je note avec satisfaction une croissance de 6 %, contre 4,8 % l'année dernière. Conformément à nos engagements, la part des dotations publiques atteint désormais 76 %, les écrans publicitaires passant de dix à huit minutes.
Madame la ministre, il ne m'a pas échappé non plus que le chiffre d'affaires de TF1 a augmenté dans le même temps de 16 % et celui de M6 de 24 %, les deux chaînes commerciales bénéficiant de l'effet d'aubaine du retrait progressif de France Télévision du marché de la publicité. Le fossé entre les ressources des chaînes publiques et celles des chaînes privées continue donc de s'élargir, malgré l'effort considérable de financement que vous avez consenti. Il en va de même de l'autre fossé, celui qui existe entre les ressources de l'audiovisuel national, public et privé confondus, et celles de ses homologues étrangers, ressources supérieures d'un bon quart aux nôtres en ce qui concerne l'audiovisuel britannique et d'un bon tiers en ce qui concerne l'audiovisuel allemand.
Je rappelle que le Gouvernement de M. Tony Blair, qui n'est pourtant pas spécialement porté à augmenter les prélèvements obligatoires, s'est engagé à accroître la redevance de 2 milliards de francs par an pendant cinq ans pour financer l'essor du numérique hertzien en Grande-Bretagne. En Allemagne, cet engagement est de 3 milliards de francs par an. En comparaison, la dotation spécifique de 1 milliard de francs, confirmée par le Gouvernement, pour financer le développement de France Télévision dans le numérique hertzien, paraît bien modeste !
Madame la ministre, vous en avez conscience, je le sais, et vous êtes même plus encore préoccupée de l'existence de ce double handicap. Vos services travaillent à la recherche d'un financement nouveau du service public de l'audiovisuel, financement pérenne, affecté et dynamique, c'est-à-dire qui bénéficierait d'une croissance forte, car il serait indexé sur celle du secteur économique de l'information et des télécommunications plus que sur celle du budget de l'Etat.
Nous attendons avec intérêt des propositions dans ce domaine qui pourraient progressivement mettre un terme, à l'état de sous-financement chronique du secteur audiovisuel public et du secteur audiovisuel en général.
L'année 2000 sera aussi celle de la négociation des contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat actionnaire et France Télévision. Le débat sur ce qu'est et sur ce que devrait être une télévision de service public va rebondir de plus belle. Il a même déjà rebondi, si j'en juge par le discours tenu à cette tribune par M. de Broissia.
Si l'on s'efforce de définir la télévision publique par opposition à la télévision privée, l'une et l'autre étant, en quelque sorte, d'essence différente et assumant des fonctions radicalement autres, on aboutit, je le crois, à une impasse.
Une telle démarche pose en effet comme postulat implicite que la vocation des chaînes commerciales serait de divertir, de détendre, d'amuser, alors que la vocation des chaînes de service public serait d'éduquer, d'informer, d'élever les âmes. On aurait, d'un côté, une télévision récréative et, de l'autre, une télévision éducative, la seconde devant évidemment s'interdire de se laisser entraîner sur le terrain de la première ! Une telle approche, sous-jacente à bien des critiques que nous entendons actuellement, est caricaturale et dangereuse.
Elle est caricaturale, car les chaînes privées, TF1, M6 et Canal Plus ne se réduisent évidemment pas à cette fonction de divertissement. Elles assument, elles aussi, du fait de leur cahier des charges, mais aussi par leur propre mouvement, des missions de service public dans l'ordre de l'information, de la fiction, du débat.
Cette approche est par ailleurs dangereuse car, si les chaînes publiques généralistes ne se limitaient qu'à leur fonction éducative, si elles ne s'efforçaient pas de répondre aussi bien que possible aux besoins de divertissement, de détente, de jeux, des téléspectateurs, elles perdraient beaucoup de leur audience et se marginaliseraient.
Or conserver une vaste audience - elle est aujourd'hui, malgré la multiplication des chaînes concurrentes, supérieures à 40 % - constitue un impératif catégorique pour le service public de l'audiovisuel, car c'est précisément cette vaste audience qui lui permet de peser sur notre système audiovisuel dans son ensemble et de le conditionner.
La qualité et la fécondité de notre télévision proviennent largement, à mon sens, de l'équilibre et de la compétition qui se sont institués entre ces deux pôles.
Le premier est un pôle public puissant qui prétend incarner la tradition, les valeurs, les ambitions de la télévision de service public - promotion des oeuvres de fiction et des documentaires de qualité pour un grand public, informations nationales et internationales, animation du débat public -, fonction qui incite les chaînes privées à démontrer qu'elles peuvent, elles aussi, et peut-être mieux encore, s'acquitter de telles missions.
Le second est un pôle commercial qui, créant la concurrence, incite France Télévision à se soucier de son audience, à éviter l'élitisme, la routine et le corporatisme.
Cette émulation tire l'ensemble de notre système audiovisuel vers le haut. Il ne faudrait pas l'affaiblir. Si l'audience du service public tombait en deçà d'un certain seuil, si l'équilibre actuel était rompu, la dérive des chaînes commerciales ne connaîtrait plus de limite, comme on le voit en Italie ou aux Etats-Unis.
Je me réjouis de la progression de l'audience de France 3 qui est passée, en six mois, de 16,4 % à 17,3 %, ainsi que de l'image excellente que recueille cette chaîne auprès de nos concitoyens. Je juge un peu excessif le procès qui a été fait à l'émission « C'est mon choix ».
M. Louis de Broissia. Procès fait à gauche !
M. Henri Weber. Elle a sans doute donné lieu à des dérapages que la chaîne s'est d'ailleurs engagée à corriger, mais le concept de l'émission ne me paraît pas déplacé sur une chaîne publique, même si le choix des sujets mérite d'être resserré. Il est possible de divertir sans abêtir, d'amuser sans dégrader.
Nous attendons donc, madame la ministre, les contrats d'objectifs et de moyens en cours d'élaboration. Je ne doute pas qu'ils donneront vie à toutes les missions du service public de l'audiovisuel tout en ayant à coeur de préserver et d'augmenter son audience. C'est donc avec satisfaction et confiance que nous allons voter votre budget, que ma collègue et amie Danièle Pourtaud a qualifié à juste titre d'excellent. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Louis de Broissia. Débat intéressant entre MM. Weber et Fabius.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous présenter aujourd'hui le projet de budget de la communication pour 2001 et de renouer ainsi, après quelques années, ce débat avec votre assemblée, débat qui touche à des enjeux essentiels pour notre démocratie, ainsi que pour l'information, la culture et le divertissement de nos concitoyens.
A mes yeux, le projet de budget que je vous soumets est bon. Je commencerai par la presse.
Partons d'un constat : la presse va globalement plutôt bien. La reprise économique aidant, les journaux ont bénéficié de rentrées publicitaires qui ont atteint des niveaux importants. L'année 2000 sera très positive et cette tendance devrait se confirmer en 2001.
Je rappelle que, pour le Gouvernement, c'est toute la presse - quotidiens et magazines - qui doit pouvoir se développer dans de bonnes conditions, car elle contribue à la création d'un lien social fort. La presse est un secteur clef pour un pays démocratique. Il appartient donc au Gouvernement de créer l'environnement juridique et économique qui facilite son développement, dans le respect de la libre concurrence.
La véritable et durable indépendance de la presse nécessite santé économique et rentabilité. Il faut donc se féliciter de cette situation économique plus favorable, même si nous savons qu'elle est inégalement partagée.
L'existence d'une presse quotidienne d'information politique et générale est, à l'évidence, plus fragile.
C'est pourquoi le Gouvernement a soutenu, en 1997, une initiative parlementaire créant un fonds de modernisation pour accélérer la modernisation et le développement de cette presse, ce qui lui permet notamment d'être présente sur Internet, voie incontournable, comme l'a souligné M. Renar.
Depuis sa création, le fonds a permis d'accorder 200 aides pour un montant global de 327 millions de francs, ce qui n'est pas peu, vous en conviendrez, je pense, monsieur de Broissia.
La presse quotidienne régionale totalise 81 dossiers instruits et arrive en tête de l'aide avec 145 millions de francs. La presse quotidienne nationale a bénéficié, quant à elle, de 104,8 millions de francs, la presse quotidienne départementale de 39 millions de francs et la presse hebdomadaire régionale de 26,4 millions de francs.
Pour 2001, le montant estimé du compte d'affectation spéciale est de 160 millions de francs mais, comme vous le savez, le montant final de la ressource sera fonction du produit de la taxe sur la publicité destinée à le financer. C'est pourquoi j'ai demandé à ma collègue Mme Parly, secrétaire d'Etat chargé du budget, de veiller au bon fonctionnement de la perception de la taxe afin que, tant par son niveau que par sa dynamique, elle assure un meilleur financement du fonds de modernisation. La situation du marché publicitaire devrait le permettre, et mes services suivent ce dossier avec attention.
Pour le Gouvernement, vous l'avez bien compris, les aides sont prioritairement justifiées par le souci du maintien d'une diversité de titres d'information politique et générale, garant du pluralisme. Ce sont ces principes qui donnent à l'intervention publique sa légitimité puisqu'ils visent à garantir effectivement la liberté de la presse.
Je voudrais maintenant répondre à la question et aux suggestions de M. de Broissia concernant la presse à l'école.
En 1990, Lionel Jospin, alors ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, et moi-même avons lancé la première semaine de la presse à l'école. Nous fêterons donc, au printemps 2001, sa douzième édition. Au cours de l'année 2000, cinq millions d'élèves ont été touchés, quatre cent cinquante journaux se sont portés volontaires pour distribuer, dans les différents établissements, 2 millions d'exemplaires, qui ont été acheminés par La Poste. On ne peut que se réjouir d'un tel succès !
Faut-il aller plus loin, comme vous le proposez, monsieur le rapporteur pour avis ? Dans l'affirmative, l'Etat doit-il intervenir ?
Il me semble que c'est plutôt dans l'établissement de relations au plan local entre les écoles, collèges ou lycées et les éditeurs que les solutions doivent être trouvées. En revanche, si de telles initiatives devaient exister, il conviendrait de veiller à assurer le pluralisme de l'information et à conserver la neutralité du service public de l'enseignement. Je suis certaine que les parents d'élèves y seraient très attentifs.
Les crédits qui seront consacrés aux aides directes à la presse baissent de 2 %. Mais cette baisse résulte du fait que le plan social de la presse quotidienne prendra fin le 31 août 2001, comme l'a rappelé M. de Broissia. Au total, c'est près d'un demi-milliard de francs qui auront été consacrés en tout par l'Etat à l'accompagnement social de la modernisation de la presse parisienne sur huit ans.
Pour rester dans le domaine des plans sociaux, des mesures propres aux NMPP, les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, ont conduit l'Etat à intervenir pour accompagner le plan social de cette entreprise, de 1993 à 1999, à hauteur de 105 millions de francs.
Cela étant précisé, à périmètre constant, l'ensemble des crédits consacrés aux aides directes à la presse pour 2001 progressera de 1,8 %, passant de 247 millions à 255,7 millions de francs, comme je l'avais en effet indiqué devant votre commission.
A ce chiffre vient bien évidemment s'ajouter le montant des abonnements souscrits par l'Etat auprès de l'AFP, soit, en 2001, 613 millions de francs.
La part des abonnements souscrits par l'Etat par rapport au chiffre d'affaires de l'agence diminue depuis quinze ans grâce notamment aux efforts de développement de l'agence et à la diversification de ses ressources.
Aujourd'hui l'AFP, comme tous ses homologues, doit relever le défi de l'internet ; vous avez été nombreux à le rappeler à cette tribune.
Nous sommes convaincus que la révolution en cours du marché de l'information lui offre de réelles perspectives de développement sans qu'il soit nécessaire pour autant de remettre en cause ses missions et ses valeurs. Au contraire, le besoin d'informations vérifiées valorise et renforce le métier de base de l'agence et le travail de ses journalistes.
Nous souhaitons que M. Bertrand Eveno, président de l'AFP, construise une véritable politique de modernisation et de développement de son entreprise, dans la confiance, le dialogue et la transparence, comme l'a souhaité M. Belot.
C'est à partir d'un tel projet que peut s'engager la réflexion sur une réforme des statuts telle que l'appelle de ses voeux depuis longtemps, je dois le reconnaître, M. Broissia.
Mais le Gouvernement estime qu'une telle réforme ne peut s'engager dans une entreprise qui, pendant plusieurs mois, a douté de son avenir. Quelles qu'aient été les qualités et les propositions de son précédent président, celui-ci n'a pas été en mesure d'associer à son projet l'ensemble de son personnel et de son conseil d'administration.
Pour le Gouvernement, l'avenir de l'AFP ne peut se concevoir que selon deux critères principaux : d'une part, un respect scrupuleux de la déontologie qui fonde toute l'histoire même de l'AFP ; d'autre part, une équation économique impliquant l'ensemble des parties et suffisamment dynamique pour diversifier les recettes de l'agence.
L'Etat, je puis vous l'assurer, est prêt à prendre la part qui lui incombe. Il ne saurait agir seul. L'effort doit rester équilibré ; l'examen décidé par le Sénat, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, peut y contribuer.
Je rappelle l'abandon de 45 millions de francs de prêts participatifs approuvé par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je souhaite, à présent, évoquer plus particulièrement les aides publiques directes à la presse et le fonds d'aide au multimédia.
L'aide au portage des quotidiens, dont bénéficient déjà cinquante-neuf titres, permet de toucher et de fidéliser un nouveau lectorat. Elle progressera de 3,9 %. Il est à noter que, pour près de 70 %, cette aide a bénéficié cette année à la presse quotidienne régionale puisque 34,8 millions de francs ont été répartis sur trente-deux titres, alors que sept quotidiens nationaux et vingt quotidiens départementaux se partagent respectivement 10,4 millions de francs et 5,2 millions de francs.
Les trois fonds d'aide aux quotidiens nationaux ou départementaux et aux hebdomadaires régionaux à faibles ressources publicitaires ont progressé en trois ans de 31,6 %. Dix-sept quotidiens, dont cinq nationaux, et deux cents hebdomadaires régionaux en ont bénéficié.
Le fonds d'aide au multimédia accompagne désormais efficacement les développements en ligne des diverses catégories de presse. Je dois dire à ce propos que le colloque organisé par la fédération nationale de la presse à Lille a mis en évidence la prise de conscience chez l'ensemble des professionnels de l'absolue nécessité d'investir pour donner à leur entreprise un prolongement sur Internet.
Même s'ils n'ont aucune implication budgétaire, je souhaite évoquer devant le Sénat deux dossiers qui préoccupent actuellement les éditeurs de journaux.
Le premier concerne le papier journal, pour lequel sont apparues récemment des craintes de pénurie, ce dont je me suis bien évidemment préoccupée.
Un certain nombre d'éditeurs de presse s'approvisionnent directement auprès d'usines françaises, généralement dans le cadre de contrats annuels. Ces éditeurs ne paraissent pas aujourd'hui rencontrer de difficultés particulières.
D'autres, comme cela semble être le cas de la Société professionnelle des papiers de presse, la SPPP, depuis de nombreuses années, ont choisi, dans le cadre de leur politique commerciale, de s'approvisionner sur le marché spot international. Ceux-là s'émeuvent de difficultés éventuelles pour 2001.
Il serait évidemment regrettable que, au moment où la presse quotidienne a investi pour offrir aux annonceurs une meilleure qualité, par exemple par la systématisation de la quadrichromie, elle se retrouve pénalisée par une pagination qui s'avérerait insuffisante pour faire face à la demande des publicitaires.
Prenant en compte ces différents éléments, mon collègue Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, que j'avais immédiatement saisi de la question, m'a répondu : « Il me paraît important d'examiner les conditions dans lesquelles les producteurs français pourraient approvisionner de façon plus significative les éditeurs, notamment ceux qui rencontrent aujourd'hui des difficultés, sans ignorer que les contrats de longue durée passés par la profession avec ses clients actuels pourraient être un obstacle à une augmentation immédiate des quantités livrées. »
Je compte donc poursuivre le dialogue avec la SPPP, qui ne m'avait pas donné exactement cet éclairage sur la situation de l'approvisionnement des éditeurs de presse.
Le deuxième dossier que je souhaite évoquer devant vous est celui des NMPP, sur lequel a particulièrement insisté M. Belot.
Le 17 février 2000, l'opérateur Hachette et la direction des NMPP ont présenté à l'Etat les grandes lignes d'un plan de modernisation de l'entreprise.
Ce plan comporte un volet social, dont la mise en oeuvre et le financement devraient être assurés grâce à un accord de branche signé le 9 novembre dernier.
Par ailleurs, les NMPP et Hachette ont fait savoir que, selon eux, ce plan nécessiterait une aide pérenne de l'Etat, évaluée entre 200 et 250 millions de francs par an, s'ajoutant au coût pour l'Etat des mesures sociales.
Si une aide devait être apportée par l'Etat, elle devrait bien entendu répondre à une double exigence de transparence : transparence interne par la fourniture d'informations de caractère financier et comptable de la part de l'entreprise ; transparence externe par rapport, notamment, au respect des règles de la concurrence tant nationales qu'européennes.
La profession a pris l'initiative d'une table ronde sur la distribution de la presse en présence d'un représentant de l'Etat. Elle devrait se réunir de nouveau le 11 décembre prochain. Le Gouvernement est prêt à étudier, sur la base de propositions solides et consensuelles des éditeurs, un mécanisme d'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale.
J'ai même engagé avec mes services des études ponctuelles sur les différents aspects techniques que se pose aujourd'hui notre système des NMPP.
Je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si les textes qui fondent tant l'agence France-Presse que les NMPP ont pris de l'âge, nous ne devons pas perdre de vue que la raison d'être de ces entreprises, au service de la liberté et du pluralisme de la presse, conservent toute sa validité.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Tout aménagement de ces textes, toute évolution de ces entreprises devrait, bien sûr, s'inscrire dans ce même objectif.
J'ai noté avec un peu de surprise, je dois le dire, que plusieurs orateurs, notamment les rapporteurs, suggéraient de répondre à ces situations par des financements de l'Etat. L'Etat, je le répète, est prêt à prendre sa part. Mais je n'oublie pas que nous devons, par ailleurs, nous inscrire dans un propos budgétaire responsable qui, lui-même, s'inscrit dans une réflexion dynamique sur la diminution des dépenses publiques et la réduction des impôts.
Je voudrais évoquer également, M. de Brossia ayant appelé mon attention sur ce point, la situation des correspondants locaux de presse au regard du droit social et fiscal.
Le statut dérogatoire dont ils bénéficiaient depuis 1993 a été supprimé, je le rappelle, par la loi de financement de la sécurité sociale du 27 décembre 1996, sous le gouvernement de M. Juppé. J'ai donc saisi la ministre de l'emploi et de la solidarité de cette situation en lui demandant comment il pourrait y être remédié, et je vous tiendrai informé, monsieur le sénateur, des suites de cette démarche.
J'en viens maintenant au secteur audiovisuel lui-même.
Vous avez abordé divers sujets qui ne sont pas directement liés au débat strictement budgétaire, mais qui rendent compte de vos préoccupations, et je tiens à vous répondre avant d'évoquer le budget lui-même.
C'est en termes financiers mais aussi en termes de diversification de notre paysage audiovisuel que Mme Pourtaud a traité de la question des télévisions locales.
Si nous nous entendons tous pour reconnaître l'enjeu de société que recouvre cette question, le Gouvernement estime que le financement des télévisions associatives ne peut être calqué sur celui de la radio, d'abord parce que les deux supports répondent à des logiques techniques et financières différentes, mais surtout parce que le dossier du développement de la télévision locale doit être traité de manière globale, en tenant compte de toutes les possibilités techniques qui se présentent désormais. Diffusion hertzienne, diffusion analogique ou numérique, diffusion par Internet : les possibilités sont extraordinairement ouvertes au regard tant des données techniques et économiques qu'au regard des attentes du public. Tout cela fera l'objet du rapport que le Gouvernement doit vous présenter au plus tard en août 2001.
M. Laffite a soulevé, également en marge de ce débat budgétaire, mais avec le souci de prospective - ou de projection dans l'avenir qui est toujours le sien, le problème d'une remise à plat du spectre général des fréquences. S'agissant de l'utilisation des fréquences qui se trouvent libérées par la numérisation, nous avons, en effet, à nous poser aussi la question de leur mode d'attribution et de leur mode de distribution, celle-ci pouvant être soit gratuite, soit payante.
Qu'il soit utile d'en débattre à terme relativement proche, j'en suis d'accord, monsieur le sénateur, et soyez certain que le Gouvernement est conscient de la nécessité d'un tel débat. Cependant, il me paraît un peu prématuré de le tenir aujourd'hui : nous croyons préférable d'attendre que les premiers usages du numérique soient déterminés avant d'établir, à partir d'études solides, de véritables projections économiques et d'engager la concertation que vous souhaitez.
L'actualité veut, par ailleurs, que nous nous interrogions tous sur les phénomènes de concentration dans l'audiovisuel. Je crois que, d'une manière générale, nous devons en avoir une vision dynamique.
Des mécanismes de régulation existent dans notre pays en matière de concentration et de respect de la concurrence : les autorités compétentes - je pense en particulier au Conseil de la concurrence et au CSA - auront donc à intervenir le cas échéant.
Sous la condition du respect des règles de la concurrence, la constitution de grands groupes français peut être bénéfique si elle apporte, face aux groupes étrangers, dynamisme et efficacité à l'économie de ce secteur, et si elle accroît, comme vous l'avez dit, madame Pourtaud, les capacités de notre appareil de production de contenus.
En ce qui concerne plus spécifiquement le projet de fusion entre les sociétés Vivendi et Seagram, le Gouvernement a suivi avec attention l'évolution de ce dossier et son examen par le CSA.
Notre préoccupation, largement partagée, je le crois, était de préserver le champ propre de Canal Plus dans le nouveau groupe, afin de garantir durablement le respect des engagements souscrits auprès du cinéma et de la production audiovisuelle.
Le 30 novembre, le CSA, dans l'exercice de la responsabilité de régulateur que lui a confiée le législateur, a décidé de ne pas s'opposer au projet de fusion. Il a conduit de larges consultations avec les professionnels et obtenu que divers aménagements soient apportés au projet initial de convention liant Canal Plus SA à Canal Plus distribution.
Je suis certaine que le CSA et les professionnels du secteur resteront vigilants sur la mise en oeuvre de ces accords.
J'en viens maintenant aux sujets strictement budgétaires.
Ce budget, que M. Herment présentait, apparemment à regret, comme celui du « toujours plus » - se démarquant ainsi de plusieurs interventions qui plaidaient justement pour le « plus », notamment pour le « plus » de financements budgétaires - s'inscrit dans la logique du vote de la loi du 1er août 2000 sur la liberté de communication, par laquelle le Gouvernement a exprimé très clairement son choix en faveur d'un service public fort, c'est-à-dire mieux financé, tourné vers l'avenir, dans la perspective du déploiement du numérique terrestre, et attaché, dans ce cadre nouveau, à remplir ses missions.
Je note à nouveau, comme lors du débat sur la loi du 1er août 2000, que la Haute Assemblée nous rejoint sur la nécessité d'un service audiovisuel public fort, et donc doté des moyens lui permettant réellement de remplir ses missions.
La représentation nationale tout entière a approuvé ces choix, dont le projet de budget pour 2001 de l'audiovisuel public est la traduction concrète. Il démontre l'engagement de ce gouvernement en faveur d'un audiovisuel public bien armé pour affronter la compétition nationale et internationale qui caractérise aujourd'hui ce secteur.
Un service public mieux financé : c'est le premier axe du projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter. M. Belot, rapporteur spécial, a bien insisté sur cette nécessité. Les ressources publiques affectées au secteur progresse de 10,3 %, soit 1,5 milliard de francs de plus par rapport à l'année dernière, ce qui se traduit par un accroissement de 6,1 % du budget du secteur.
L'effort consenti n'est donc pas négligeable, et j'avoue ne pas avoir bien compris, monsieur le rapporteur spécial, si vous considériez ce chiffre comme très positif ou comme très insuffisant. L'annonce que vous avez faite quant à votre vote à venir semble indiquer que la seconde hypothèse est la bonne, mais cela n'apparaissait pas de manière limpide dans le reste de vos propos. (Sourires.)
La croissance du budget s'explique par la mise en oeuvre de la disposition, figurant dans la loi du 1er août 2000, relative au remboursement des exonérations, qui se traduit par une ressource additionnelle de 2,1 milliards de francs, inscrite au budget en 2001, 900 millions de francs ayant déjà été versés au titre de l'année 2000.
Dans la logique de la loi du 1er août dernier, la nouvelle catégorie d'exonérations qui a été créée, à la suite de l'adoption d'un amendement parlementaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances, fera elle-même l'objet d'un remboursement intégral, pour un montant de 550 millions de francs, comme j'ai le plaisir de le confirmer ici. Il n'y a donc pas d'incidence sur les ressources affectées au secteur public.
J'évoquerai brièvement la répartition, entreprise par entreprise, de ces moyens supplémentaires.
Deux axes principaux de dépenses se dégagent : le renforcement des programmes et la modernisation des structures.
France Télévision voit ses moyens augmenter de près de 1,1 milliard de francs, soit une progression de ses ressources publiques de 13,2 %. Sur ce total, plus de 450 millions de francs de moyens nouveaux iront au renforcement des programmes des différentes chaînes du groupe : La Cinquième, France 2, France 3.
Je ne peux vous suivre, monsieur le rapporteur spécial, lorsque vous dites que France 3 ne saurait être considérée comme une chaîne de proximité. Cette chaîne à elle seule ne répond certainement pas à l'ensemble des attentes de proximité des téléspectateurs, mais je crois qu'elle remplit néanmoins déjà largement cette mission. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'elle mesure, jour après jour, la grande fidélité de son public, qui se reconnaît dans ses programmes régionaux. Il s'agit également d'un axe fort de ses projets de développement, dont j'ai pu m'entretenir tour récemment avec MM. Tessier et Pfimlin. Les nouvelles grilles de France 3 font une place croissante aux décrochages locaux et aux nouvelles éditions locales, ce que nous devons encourager.
Le budget de Radio France augmente de 6,1 %. Cette progression est consacrée à trois projets fondamentaux : la numérisation de ses antennes, le développement des projets stratégiques visant à renforcer ses antennes de proximité - c'est l'objet assigné au « plan bleu », dont Radio France vient de commencer la mise en oeuvre - et la politique de modernisation de sa gestion salariale.
L'objectif de RFO est d'assainir ses bases financières : cet objectif sera atteint grâce à la forte progression - de 8,1 % - des moyens qui lui sont accordés, dont plus de 30 milions de francs correspondent à la reconstruction de sa base budgétaire.
Le budget d'Arte France progresse de 9,2 %. Ces moyens supplémentaires sont justifiés par une dépense exceptionnelle, liée à la construction de son siège unique à Strasbourg, et par le renforcement de ses budgets de programmes.
La part de la redevance attribuée à RFI, dont vous vous êtes particulièrement préoccupé, monsieur Hugot, avec le souci d'assurer le rayonnement de notre audiovisuel public hors de nos frontières, permet d'enregistrer un budget en hausse de 3,4 %. L'entreprise les consacrera notamment à la modernisation de l'organisation du travail.
S'agissant de l'INA, nous nous situons dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens, le premier signé entre l'Etat et une entreprise de l'audiovisuel public, qui est axé sur une stratégie de recentrage de l'Institut sur ses missions patrimoniales. Sa dotation n'est pas en diminution, permettez-moi de vous le dire, monsieur Renar : elle est stable avec 415,5 millions de francs.
Je traiterai également brièvement du collectif budgétaire, qui vise à répartir les excédents de redevance enregistrés cette année, soit environ 200 millions de francs. Il permettra notamment à l'ensemble des entreprises de financer en 2000 les engagements salariaux qui ont été pris.
Les perspectives de développement du secteur public ne se concevant que dans la durée, je souhaite encore dire un mot du débat qui s'est engagé et qui se poursuit sur les modalités de son financement. Le sujet a été abordé ici, notamment par M. le rapporteur spécial, Mme Pourtaud et M. Weber, mais il a donné lieu, ces derniers temps, à nombre de commentaires dans les médias.
Chacun sait que la redevance soulève des interrogations et des critiques. Ceux qui parlent de sa suppression insistent, en général, sur le coût de sa perception. Les chiffres sont connus, mais depuis très peu de temps. Tout comme MM. Jean Boyer et Henri Weber, je pense que nous pourrions assez aisément améliorer les conditions de cette perception.
Au-delà de cette question du coût, je voudrais invoquer des arguments plus prospectifs, fondés sur les évolutions technologiques, qui conduisent à remettre en cause le lien exclusif qui existait jusqu'à présent entre la détention d'un poste de télévision et le paiement de la redevance.
Les analyses économiques démontrent que l'évolution de la recette liée à la redevance n'est pas suffisamment dynamique - et c'est bien là que se situe le vrai problème - pour répondre aux besoins d'un secteur public en plein développement, qui doit tenir sa place dans un paysage audiovisuel où les acteurs privés disposent de ressources très importantes et en forte croissance. Il existe effectivement un double écart : par rapport au secteur privé intervenant dans notre pays et par rapport aux autres secteurs publics de l'espace européen.
En d'autres termes, il ne peut être question de se contenter de ce qui n'est peut-être qu'une rémission dans le débat sur l'éventuelle suppression de la redevance. Nous ne pouvons pas considérer que le débat est clos par la décision positive prise par le gouvernement de Lionel Jospin de ne pas remettre en cause la redevance.
Il nous faut évidemment poursuivre la réflexion et apporter des réponses aux questions de fond que traite imparfaitement le débat, me semble-t-il.
On sait que l'existence même d'une télévision publique forte est liée, comme l'a souligné M. Herment, à la présence de ressources affectées et dynamiques.
S'agissant du nécessaire maintien de la redevance, je rejoins, pour ma part, l'analyse de plusieurs parlementaires et notamment, dans cette assemblée, celle de M. de Broissia : le lien que maintient cette redevance entre les entreprises de l'audiovisuel public et le public n'est pas un lien indifférent, mais il est clair que nous ne pouvons pas nous contenter de cette ressource.
L'interrogation sur le financement du secteur public audiovisuel ne peut se résumer à cette question de la redevance. Il faut au contraire - vous l'avez souligné, monsieur Weber - travailler à l'avenir de ce financement, comme l'a souhaité M. Hugot, rapporteur pour avis, et comme le souhaitent, me semble-t-il, tous ceux qui s'intéressent réellement à l'avenir du secteur public. Pour ma part, j'ai engagé avec mes services un travail sur cette question difficile, mais décisive, et je ne manquerai pas de m'inspirer des travaux qui ont d'ores et déjà été réalisés à ce sujet, en particulier par votre assemblée.
Il s'agit, en effet, de travailler à l'avenir du secteur public en veillant prioritairement à l'accomplissement de ses missions : tel est le second axe de notre stratégie budgétaire, en particulier du projet de budget qui est aujourd'hui soumis à votre examen.
La progression des moyens alloués en témoigne, puisqu'elle permet de conforter la part du financement public dans les ressources du secteur public de l'audiovisuel : cette part passe à 76,7 %. Il s'agit là d'un point central. C'est un fort desserrement de la dépendance des chaînes publiques, en particulier de France 2 et de France 3, à l'égard des recettes commerciales.
On ne peut pas à la fois souhaiter - nous l'avons fait presque tous - ce desserrement et, dans le même temps, déplorer que cela ampute, d'une certaine manière, les ressources du secteur public de l'audiovisuel. Cela doit au contraire nous conduire à trouver d'autres ressources.
Ce desserrement de la dépendance des chaînes publiques permet aussi de mieux répondre aux attentes des téléspectateurs, en allégeant les écrans publicitaires et en travaillant aux stratégies éditoriales dans un esprit, qui, sans être ignorant de l'audience, doit être moins soumis à l'Audimat tel qu'il peut être conçu par les annonceurs. C'est également avec la préoccupation d'apporter une attention scrupuleuse aux missions de service public du groupe France Télévision qu'a été défini le cadre de ce budget.
On sait que le budget pour 2001 sera le premier budget d'application des contrats d'objectifs et de moyens, au travers desquels l'Etat entend renouveler son mode de relation avec les organismes du secteur. Il s'agit d'accompagner la modernisation de la gestion de ces entreprises telle qu'elle a été engagée par leurs responsables. Le redressement opéré depuis 1999 permet d'envisager un résultat sensiblement amélioré. Je ne partage pas, notamment, le constat quelque peu pessimiste de certains sur l'évolution de l'audience et des recettes publicitaires. Les chiffres récents nous donnent de bonnes raisons d'avoir confiance.
Mais il s'agit aussi - et j'y suis particulièrement attachée - de dire clairement à ces organismes du secteur public de l'audiovisuel ce qui est attendu d'eux, y compris en termes éditoriaux, parce que c'est là que se trouve le coeur des missions qui leur sont confiées par la nation.
En d'autres termes, c'est aussi dans ce cadre que doit avoir lieu le débat que vous appelez de vos voeux, messieurs Renar, Weber et tant d'autres. L'actualité récente veut que chacun ait pu prendre la mesure des attentes, parfois aussi des partis pris, qui peuvent s'exprimer en la matière. Même si les propos sont parfois outrés - et vous avez raison, monsieur Weber, de souligner les présentations trop globales ou caricaturales - ces attentes à l'égard de l'audiovisuel public doivent être entendues. Parallèlement, il nous faut reconnaître au service public ses mérites lorsqu'il assure ses missions, par exemple, lorsqu'il développe réellement une offre de proximité. C'est en ce sens que je vous répondais, monsieur le rapporteur spécial, eu égard à votre vision sévère s'agissant de France 3 et de sa contribution à l'offre de proximité.
Nous devons également saluer l'effort qui est accompli de soutien à la production : production de fiction, production documentaire, animation. Il s'agit là d'un apport incontestable de l'audiovisuel public.
Nous devons aussi saluer les efforts de renouvellement des formats et, disons-le, du style, de la nature même de l'offre télévisuelle. C'est une tâche difficile ! Au fil des ans, les générations se renouvellent et les attentes du public sont différentes. En tout état de cause, puisque France 3 a été plus particulièrement mise en cause ces dernières semaines, je tiens à dire que cette entreprise me semble inscrire son projet d'avenir dans cette démarche. Il me paraît fondamental de débattre de ce sujet, ne serait-ce que pour répondre à ces interrogations.
Le débat sur les contenus est inépuisable ! En tout cas, il n'a jamais trouvé de réponse univoque. Il reste que nous avons aujourd'hui l'occasion et le devoir de l'aborder : l'occasion, puisque la loi donne à l'Etat, avec les contrats d'objectifs et de moyens, un instrument précieux pour travailler et que je compte utiliser la négociation de ces contrats à cet effet ; le devoir, parce que l'évolution du paysage audiovisuel, que vous avez tous saluée - la multiplication de l'offre, l'évolution de notre société et des goûts que le public exprime, la nécessité pour le service public de demeurer dans une approche de communication vers le plus grand nombre - renouvelle très profondément ce débat sur les contenus et les programmes.
Je crois que nous ne saurions aller, et vous l'avez dit, vers une télévision de public fractionné, voire de public élitaire. La télévision publique doit être une télévision généraliste de grand public, sans pour autant se transformer en une télévision publique de simple réponse à la demande. Elle doit maintenir son ambition ! Je suis sûre qu'elle se préoccupe d'être réellement une télévision de divertissement, quels que soient les genres. On le voit bien d'ailleurs aujourd'hui, au travers des efforts de renouvellement des chaînes publiques : le divertissement est, lui aussi, un champ de création tout à fait fondamental.
J'y vois une responsabilité culturelle, dont la réponse se trouve dans le contenu des programmes, et qui doit s'exprimer en termes de pluralisme, de création et de diversité. Cette responsabilité relève, bien sûr, des présidents et directeurs généraux des chaînes, mais les pouvoirs publics doivent bien évidemment l'accompagner.
De ce point de vue, le projet numérique terrestre de France Télévision jouera un grand rôle. Il s'agit, là encore, de traduire concrètement les priorités fixées par la loi.
Nous avons confié au service public un rôle moteur en ce qui concerne le développement de cette nouvelle technologie. Vous en connaissez le calendrier : les administrations de tutelle analysent, en ce momemt même, les projets qui lui ont été présentés. Les décisions seront prises prochainement - au plus tard au début de l'année 2001 - pour la signature des contrats d'objectifs et de moyens.
Mme Pourtaud a évoqué l'ensemble des propositions de France Télévision. A ce jour, en effet, il s'agit de propositions ; les pouvoirs publics n'ont pas encore arrêté leurs choix.
Ceux-ci devront être opérés dans un esprit de responsabilité, en fonction des capacités créatives du secteur public et de ses moyens financiers.
Pour assurer le financement de ce projet numérique terrestre, le Gouvernement s'est engagé, vous le savez, à accorder à France Télévision une dotation en capital de 1 milliard de francs. Je confirme cet engagement devant la Haute Assemblée. Ce point ne relevait pas du projet de budget pour 2001, car le calendrier du CSA nous permet de ne prévoir la mise en oeuvre de ces projets que pour 2002.
Nous aurons donc de nouveau l'occasion, dans les mois à venir, de débattre avec vous des choix qui pourront être les nôtres en matière de contenu de ce développement numérique, dans lequel je vois l'un des très grands enjeux de la transformation du paysage audiovisuel.
Enfin, plusieurs d'entre vous ont également mentionné, à juste raison, les enjeux de l'audiovisuel dans l'espace européen. Je vous remercie d'avoir approuvé la position de la présidence française et la victoire que nous avons tous ensemble remportée en amenant le programme Média Plus au niveau de 400 millions d'euros. Cela me paraît décisif pour l'ensemble des opérateurs et producteurs français, puisqu'il s'agit non seulement de soutenir les créations, mais également d'en favoriser la circulation entre pays et publics européens.
De même, je vous remercie d'avoir souligné que la résolution confirmant l'engagement des gouvernements européens dans leur système d'aides nationales à la production cinématographique et audiovisuelle est une résolution extrêmement importante pour l'avenir du paysage audiovisuel européen.
Le projet de budget que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation s'inscrit donc bien, vous le voyez, dans une logique d'avenir. Modernisation et développement pour l'audiovisuel public en sont les maîtres mots. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner l'article 46 puis, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-29 rectifié, II-30, II-31, II-32, II-33 et II-36 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels après l'article 46, enfin, les lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article 42.

Article 46



M. le président.
« Art. 46. - Est approuvée, pour l'exercice 2001, la répartition suivante entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :

(En millions
de francs)

France Télévision 9 356
Radio France 2 839
Radio France Internationale 311
Réseau France Outre-mer 1 255
Arte-France 1 166
Institut national de l'audiovisuel 415,5

Total 15 342,5 »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite Madame la ministre, je souhaite dire quelques mots au sujet de l'accord qui est intervenu entre Vivendi, Canal Plus et Universal et du vote qui sera émis à Nice, les 6 et 7 décembre prochain, sur l'article 133, alinéa 5.
Auparavant, sachez que je suis heureux des résultats obtenus en ce qui concerne Média Plus - je sais la part que vous y avez prise - et que j'apprécie les propos que vous avez tenus au sujet des aides nationales. En effet, il était un peu scandaleux que la DG IV à Bruxelles assimile les obligations des chaînes de télévision, par exemple à l'égard de la production cinématographique, à des subventions.
Je veux rappeler aussi que, voilà un an, nous étions quelques-uns à être présents à Seattle, dans la foulée de l'acte majeur du gouvernement de Lionel Jospin, à savoir le rejet de l'Accord multilatéral sur l'investissement l'AMI ; les attaques de l'OMC contre la mesure n'ont pu aboutir.
En ce qui concerne l'accord Vivendi - Canal Plus - Universal, il n'a pas la qualité qu'on lui prête ici et là. C'est en effet la construction d'un ensemble qui, d'ailleurs, ressemble beaucoup à AOL-Time Warner et, bientôt, à EMI, même si, provisoirement, la DG IV ne l'a pas accepté. On assiste en effet à la création d'organismes privés transnationaux d'une puissance telle que l'on se demande comment les services publics résisteront. La capitalisation de Canal Plus-Vivendi-Universal est gigantesque, mais, surtout, il s'agit de la mise en rapport de portefeuilles de droits d'oeuvres avec des abonnés. Vivendi Universal annonce, un peu triomphalement, d'ailleurs, détenir plus de 70 millions d'abonnés potentiels, un portefeuille d'oeuvres composé des 1 500 films d'Universal et des 27 000 épisodes d'émissions de télévision, mais aussi le catalogue musical d'Universal Music Group.
C'est une véritable puissance mondiale qui se constitue sous nos yeux.
Sur la carte UGC, dont nous avons discuté il y a quelque temps, je me félicite que le Premier ministre ait dit, à Montreuil, et vous étiez à ses côtés, qu'elle n'était tout de même pas « le bonheur du cinéma ». Voilà une déclaration forte. Reste qu'UCG et Vivendi marchent ensemble et que le terme « d'abonnés » à travers la carte, introduit dans le cinéma les pratiques télévisuelles.
La création d'un tel ensemble me paraît constituer un véritable séisme culturel et économique à partir duquel se structurerait le secteur clé de l'économie du xxie siècle : l'industrie de l'esprit.
En vérité, ce groupe veut gérer les représentations de l'information et de l'imaginaire en s'appuyant sur la maturité des technologies numériques, le développement d'internet et la réglementation généralisée.
Comme l'a dit, à mon avis très justement, le directeur de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD, le CSA a plutôt exprimé un non-refus que donné un accord. D'ailleurs, M. Bourges montre que le CSA, en la circonstance, n'a pas les pouvoirs suffisants. Ne déclare-t-il pas que cette affaire « marque bien quels sont les pouvoirs du Conseil en matière de régulation économique, mais aussi quelles sont leurs limites et à quels enjeux le régulateur se trouvera de plus en plus confronté » ?
Et puis, comment ne pas noter que Jean-Marie Messier, dans Le Figaro de ce matin, fait montre d'une quasi-insolence à l'égard des autres acteurs de l'audiovisuel et du cinéma, en osant déclarer, notamment : « Nous sommes fiers de la culture française. Nous souhaitons la propager, mais il faut assurer la diversité culturelle. »
Dire qu'il faut assurer la diversité culturelle en France, alors que nous sommes le pays du monde où elle est le mieux assurée ! On se demande vraiment de quoi il parle. Même la nomination de M. Jorge Semprun, un homme d'une immense valeur, est blessante à l'égard du CSA. Le CSA avait revendiqué la présidence du comité de surveillance ; on la lui a refusée et, le lendemain, on a accordé une vice-présidence à Jorge Semprun. C'est entraîner cet immense homme d'éthique, d'art et de dignité sur un chemin où il risque de se blesser.
M. Jean-Marie Messier va jusqu'à estimer que « le cinéma manque de décence ». Sur cette question, je pense qu'il nous faut réfléchir beaucoup à la création de procédures antitrust. Là, nous sentons bien que nous sommes à la limite, plus même que les Etats-Unis qui, lorsque Microsoft grossit trop, arrivent à le tronçonner. Pas nous !
J'en viens à l'article 133, alinéa 5. Je vous ai entendue parler, avec une grande force, à Beaune, lors des rencontres de l'ARP, en octobre dernier, madame la ministre. Je connais votre détermination sur ces questions. Je redoute toutefois, s'agissant des votes à la majorité qualifiée ou à l'unanimité, que l'on nous accule dans une position qui ne nous servira pas. Et, disant « nous », je pense non pas à la France et aux Français, mais à la culture de tous les pays du monde.
Je sais que, à l'heure actuelle, on réfléchit à Bruxelles.
On envisage le vote à la majorité qualifiée sur le futur et le vote à l'unanimité sur l'ancien. Je me souviens de M. Valenti, le grand patron du cinéma hollywoodien, conseillant, à Beaune, de continuer la régulation a minima pour les anciennes technologies et, pour les nouvelles technologies, pas de régulation du tout. Curieuse attitude européenne ! Cela reviendrait à créer un « AMI européen », alors que nous avons rejeté l'AMI mondial.
Toujours à Bruxelles, on envisage aussi un vote à la majorité qualifiée en interne et un vote à l'unanimité en externe. Cela me fait penser à ces gosses qui jouent à la marelle. Ils vont vers le ciel, mais à cloche-pied ! On commencerait ainsi par des petits bouts, puis on glisserait vers le vote à la majorité qualifiée. Non pas que je nie son importance dans de nombreux domaines. Mais la culture, vous l'avez dit à juste titre à Beaune, madame la ministre, n'est pas une partie d'un tout, elle est le socle de tout. Et le socle de tout, cela ne se négocie pas. C'est comme l'homme, comme la femme.
Je pense que, là, il nous faut vraiment agir, et je regrette que cette assemblée, qui avait organisé un débat au moment des négociations de l'AMI et qui en avait organisé un autre dans les jours qui avaient précédé Seattle, n'ait pas réussi, au sein de la commission des affaires culturelles, à nous faire débattre de la question comme je l'avais demandé en octobre.
Grâce au Gouvernement, nous avions obtenu que les parlementaires soient associés aux discussions de l'OMC, et votre collègue M. Huwart nous réunit d'ailleurs régulièrement. Mais, sur le plan européen, on n'arrive pas à créer la structure où l'on puisse débattre en amont, avant les votes, avant les décisions.
Je ne suis pas pessimiste, ayant participé, depuis le 15 août, à une quinzaine de réunions et de colloques qui ont traité de ces questions. Partout, sans exception, on refuse la règle de la majorité qualifiée et l'article 133, alinéa 5. Il y a donc une force et j'ai voulu m'en faire l'écho ici, passionné et exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Paul Girod remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Société française de production, la SFP, et l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, ont été durant de longues années des instruments incontournables de la politique audiovisuelle de notre pays.
Aujourd'hui, la SFP, qui se meut au sein d'un environnement extrêmement concurrentiel, doit tout mettre en oeuvre pour valoriser son principal site qu'elle partage avec l'Institut national de l'audiovisuel, à Bry-sur-Marne.
Dans ce cadre, le conseil général du Val-de-Marne a pris l'initiative, à la fin du mois d'avril 2000, de la création d'un groupe de travail sur la redynamisation du pôle audiovisuel de Bry-sur-Marne et Villiers-sur-Marne avec les maires de ces deux villes et le préfet du Val-de-Marne.
Nous pensons, en effet, madame la ministre, mes chers collègues, que le secteur public de l'audiovisuel ne peut faire aujourd'hui l'économie d'instruments adaptés en matière de production audiovisuelle. Le développement d'un pôle audiovisuel regroupant la SFP et l'INA sur les territoires de Bry-sur-Marne et de Villiers-sur-Marne doit retenir toute notre attention.
Sur le site de l'INA et de la SFP, de multiples activités, regroupées en partenariats publics et privés, pourraient voir le jour autour des métiers du cinéma et de la télévision.
J'ai souhaité attirer votre attention, madame la ministre, sur cette question. Le département du Val-de-Marne entend assurer la maîtrise d'ouvrage d'une étude stratégique de développement d'un pôle audiovisuel sur ces territoires ainsi que d'une formation professionnelle pour ces métiers.
L'Etat doit, bien évidemment, y jouer également un rôle important.
Pour autant, et compte tenu de l'évolution du secteur de l'audiovisuel, nous souhaiterions connaître les orientations du Gouvernement sur les outils que contituent la SFP et l'INA, pour avancer sur le dossier de la création d'un pôle public de production et d'études audiovisuelles constitué sur les sites que j'évoquais.
L'examen du budget de la communication nous offre ainsi l'occasion d'aborder la question plus large de la politique de l'industrie cinématographique et audiovisuelle de notre pays.
M. le président. Par amendement n° II-17, M. Belot, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. L'amendement tend purement et simplement à supprimer l'article 46 pour une raison simple de technique budgétaire. Si, en effet, on émet un vote défavorable sur les crédits, on doit logiquement supprimer l'article. Il est bien évident que cela ne signifie pas un désaccord sur la répartition entre les différents bénéficiaires du produit de la redevance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le problème de la répartition est en effet réglé si l'on supprime la redevance, monsieur le rapporteur spécial !
Le Gouvernement s'est souvent exprimé sur la nécessité de maintenir la redevance, au moins tant qu'une autre ressource n'aura pas été définie. Avis donc défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-17.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. J'adhère à la proposition de M. le rapporteur spécial. Nous voterons cet amendement, pour exprimer formellement notre refus du budget, mais pas du tout pour nous opposer à l'opportunité de la redevance et à sa répartition.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-17, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l'article 46 est supprimé.

Articles additionnels après l'article 46



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-29 rectifié, MM. Blanc, André, Bizet, Dejoie, Gérard, Francis Giraud, Le Grand, Murat et de Richemont proposent d'insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
« A. - Les premier et deuxième alinéas du III sont supprimés.
« B. - Le V est supprimé.
« C. - En conséquence, les mentions : "VI" et "VII" sont remplacées par les mentions : "V" et "VI".
« D. - Au VII, la mention : "VI" est remplacée par la mention : "V".
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° II-33, MM. Joyandet, de Broissia et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... sont exonérés de la redevance applicable aux appareils récepteurs de télévision de première catégorie les foyers qui, situés en zone d'ombre, ne reçoivent pas les chaînes publiques.
« II. - Nonobstant le V de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, la perte de recettes est compensée à due concurrence par une augmentation du taux de la redevance applicable aux postes récepteurs couleur. »
La parole est à M. Blanc, pour présenter l'amendement n° II-29 rectifié.
M. Paul Blanc. La présentation de cet amendement va peut-être paraître incongrue.
Mme Danièle Pourtaud. Oui !
M. Paul Blanc. C'est pourquoi je souhaite donner au Sénat quelques explications.
M. Henri Weber. Il en faut !
M. Paul Blanc. Le 9 mars dernier, alors qu'il était question de la découverte d'une cagnotte de 30 milliards de francs, j'avais demandé au secrétaire d'Etat au budget de l'époque, M. Sautter, si, à l'occasion de l'affectation de cette cagnotte, on ne pourrait pas tout simplement supprimer la redevance et la compenser de façon à ce que l'audiovisuel public puisse bénéficier du financement nécessaire à son fonctionnement.
Par ailleurs, comme, dans le monde rural, il est question de supprimer de nombreux postes de perception, et donc d'agents du Trésor, j'avais proposé, à l'époque, que les postes des 1 442 agents actuellement chargés du recouvrement de la taxe sur l'audiovisuel puissent être redistribués de façon à maintenir en milieu rural toutes ces perceptions.
Je regrette que le débat qui s'est engagé à cette époque ait un peu dérapé. On m'a reproché de vouloir, en supprimant la redevance qui alimente l'audiovisuel public, supprimer le financement du service public. Telle n'était pas du tout mon intention.
M. Henri Weber. C'est pourtant le résultat !
M. Paul Blanc. Je ne vous ai pas interrompu, tout à l'heure, monsieur Weber !
Je continue à penser que la suppression de la redevance audiovisuelle peut être compensée par l'Etat, d'où cet amendement.
Quand le Gouvernement a décidé de supprimer la vignette, je ne pense pas qu'il ait été dans ses intentions de priver les conseils généraux des revenus qui y étaient liés. Le Gouvernement s'est alors engagé à compenser, au franc le franc, ce que les conseils généraux ne percevraient plus de ce fait.
Et si l'on s'est beaucoup préoccupé des 1 442 agents qui assurent le recouvrement de la redevance, on s'est beaucoup moins préoccupé des 142 000 buralistes qui vendaient la vignette et qui ont, d'ailleurs, alerté le public sur les conséquences de la décision du Gouvernement.
Aussi, il m'avait semblé tout naturel de supprimer la redevance. Tous les intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont fait état de la complexité de son recouvrement et de la difficulté de faire accepter quelques exonérations. En définitive, le seul fait de la percevoir coûte cher et revient - vous l'avez dit vous-même, monsieur Weber - à près de 1 milliard de francs.
M. Henri Weber. Il faut la percevoir autrement !
M. Paul Blanc. Pour toutes ces raisons, je considérais que la suppression de la redevance était une simplification. En définitive, cette redevance aurait très bien pu être compensée par des engagements de l'Etat sur des recettes sûres, par exemple la taxe sur les jeux. On aurait donc pu assurer ainsi à l'audiovisuel des ressources qui me paraissent nécessaires. Sur ce point, il existe un consensus.
Cependant, et je m'en rends bien compte, si je maintiens cet amendement, ce sera un combat perdu. Je vous ai tous entendus. J'ai noté dans vos propos, madame la ministre, un désir de réexaminer ce problème.
Par ailleurs, je m'étais réjoui, quelques semaines après avoir posé ma question orale, d'entendre le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, émettre, lui aussi, l'hypothèse d'une suppression de la redevance. J'ai alors pensé que la proposition d'un sénateur de base, élu d'un milieu rural, n'était pas aussi farfelue qu'elle pouvait sembler l'être.
Compte tenu des propos que j'ai entendus, je retire bien sûr mon amendement. Quand on fait de la politique, de la vraie politique, c'est-à-dire quand on essaye de prévoir l'avenir et d'organiser la société, il n'est pas bon d'avoir raison trop tôt. Aussi, à mes yeux, le retrait de cet amendement n'est pas une défaite. Cela prépare peut-être une victoire pour demain. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° II-29 rectifié est retiré.
La parole est à M. de Broissia, pour défendre l'amendement n° II-33.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement ayant été déposé également par mes collègues MM. Joyandet et Trégouët, je ne lui réserverai pas le sort qui a été réservé à l'amendement précédent.
Vous l'avez entendu, madame la ministre, je suis favorable au maintien de la redevance. Je l'ai défendue et je n'ai d'ailleurs de mérite que celui de la cohérence. Comme je l'ai dit à votre collègue Florence Parly à propos de la suppression de la vignette, je crois à l'impôt d'usage, l'usage d'une route départementale ou nationale comme l'usage du domaine hertzien, ou, demain, du domaine numérique. Je considère également que c'est un lien indispensable entre le service public de l'audiovisuel et le citoyen.
Cela étant, que puis-je dire au citoyen qui ne reçoit pas France 3 régions, sa région ? D'ailleurs, je suis dans cette situation. Je reçois deux régions voisines : Champagne-Ardenne - c'est charmant - et la Franche-Comté - c'est adorable - qui est ma région d'origine, mais pas la région où j'habite. Je dis à ceux qui sont dans cette situation : payez la redevance et rouspétez ! Doit-on aller devant le tribunal administratif ou au Conseil d'Etat pour constater ce droit à un usage qui n'existe pas ?
A l'évidence, il en va de même pour Arte et La Cinquième, que nous ne pouvons pas non plus recevoir.
A une époque, on a beaucoup parlé - et M. le Président de la Répubique avait raison - d'une fracture sociale. Madame la ministre, à force d'éluder cette question qui revient de façon récurrente lors de chacune de nos discussions, je crains que nous ne finissions par évacuer définitivement le problème de la fracture territoriale. Ce sera l'un des thèmes majeurs du développement de la télévision française et de la télévision publique. Je crois que nous nous honorerions à prendre, enfin, une mesure qui, du coup, conforterait la redevance dans son ensemble, et qui montrerait l'existence d'une certaine justice dans cette redevance !
Tel est l'objet de cet amendement, que je défends au nom de mes collègues MM. Joyandet et Trégouët.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Sagesse plutôt favorable.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Visant le même objectif que notre collègue M. de Broissia mais avec d'autres arguments, je demande à nos collègues d'émettre un avis favorable sur cet amendement, tout en précisant que la redevance est une réponse au service public, et pas nécessairement au service rendu.
Cela étant dit, le service public comporte, selon moi, l'universalité de la desserte. Or elle n'est pas, aujourd'hui, assurée. C'est parce que le service public n'est pas à la hauteur que je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous savez, comme moi, que la redevance qui est due en raison de la détention d'un téléviseur vise à assurer un financement indépendant des chaînes de service public.
Je déplore, comme vous, que tous nos concitoyens ne puissent recevoir dans leur foyer l'intégralité des chaînes publiques. Le service public s'efforce constamment d'améliorer les conditions de réception de ses programmes ; toutefois, si France 2 et France 3 sont reçues de façon quasi générale, il est des zones, notamment frontalières, où le cinquième réseau n'est pas accessible, faute de fréquence disponible.
Un effort particulier pour ce réseau est en cours, avec l'installation en 2001 de nouveaux émetteurs. Le pourcentage de la population couverte n'en sera toutefois que partiellement augmenté, puisqu'il s'agit surtout de zones de faible densité démographique.
Les réseaux câblés, après des débuts difficiles, connaissent depuis deux ans un fort développement. Ils touchent aujourd'hui près de 3 millions de foyers, et de nouveaux sites sont en construction. Dans un avenir proche, le développement du numérique hertzien améliorera considérablement l'accès à Arte et à La Cinquième. Je reconnais qu'il y a là un manque de service public, dont nos concitoyens peuvent légitimement s'émouvoir.
J'émets cependant un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-33.
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc. Je suis tout à fait favorable à cet amendement. J'aurais même préféré aller beaucoup plus loin, je l'ai dit tout à l'heure.
Je suis chargé de quarante-sept communes au sein d'un syndicat de télévision qui possède dix-sept relais payés par les collectivités locales. Pourtant, il y a encore dans nos vallées pyrénéennes des zones d'ombre, où des personnes ne reçoivent pas la télévision.
Quand, de surcroît, on demande aux contribuables de participer, à travers une cotisation à un syndicat de télévision, au financement de relais de télévision alors qu'ils ne reçoivent rien, on comprend qu'ils expriment un véritable courroux.
De plus, et je ne suis pas du tout d'accord avec vous, madame la ministre, cette situation sera encore aggravée par le numérique hertzien. Lorsque l'on examine la carte présentée par TDF sur les relais qui seront équipés en numérique hertzien, que constate-t-on ?
Pour le Languedoc-Roussillon, et notamment dans le département des Pyrénées-Orientales, on voit que seulement deux relais sont prévus : le pic de Nore, qui arrose une partie de l'Aude et une partie des Pyrénées-Orientales, et le Néoulous, qui arrose Perpignan et sa zone périphérique. En revanche, tous les autres relais, qui sont pourtant des relais officiels, tels ceux du pic de Baou et de Fontfroide, ne font l'objet d'aucune prévision d'équipement en numérique hertzien. Il est donc clair que, à l'avenir, on fera encore appel aux collectivités locales pour équiper ces relais en numérique hertzien. De surcroît, le nombre de personnes qui paieront la redevance, à qui elle sera imposée et qui n'auront pas accès au numérique hertzien, sera encore plus important.
Je suis bien sûr favorable à cet amendement. Ce sera un pis-aller en attendant que les collectivités locales puissent s'engager et faire mieux.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je suis favorable à cet amendement pour les raisons qui viennent d'être exprimées. Je rappelle que la situation est la même pour les licences UMTS, qui ne couvriront que 40 % du territoire.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Pierre Laffitte. Il y a là un problème. C'est la raison pour laquelle j'avais demandé, madame la ministre, indépendamment des problèmes financiers, qu'un débat soit organisé. Le problème que nous évoquons est un problème de justice sociale pour l'ensemble des territoires français. Je crois qu'il y a là une nécessité absolue. Pour marquer le besoin d'aller plus avant - parce que ce n'est tout de même pas TDF qui doit définir la politique de couverture de la France - il est nécessaire que le Gouvernement et le Parlement puissent en débattre de façon à étudier les avantages et les inconvénients ainsi que la façon dont on peut compenser.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je voterai cet amendement pour deux raisons.
La première, c'est le problème spécifique qui est posé par cet amendement s'agissant des zones d'ombre. C'est encore un problème de ruralité mal traité qui, par conséquent, ne peut qu'appeler notre sympathie.
Seconde raison, je considère cet amendement comme un amendement d'appel sur le problème de la redevance. J'ai beaucoup apprécié la déclaration pleine de bon sens et empreinte de noblesse de M. Paul Blanc quand il a renoncé à défendre son amendement. Il est certain que ce débat sur la redevance est biaisé. En effet, deux éléments sont mêlés. D'une part, il faut porter un jugement sur le mécanisme fiscal qu'est la redevance. D'autre part, se pose la question suivante : est-on pour le service public ou pas ? Par conséquent, tout amendement de suppression peut être pris par la télévision publique comme un acte de guerre. Je n'aurais pas voulu que le Sénat apparaisse comme celui qui aurait déclaré la guerre à la télévision publique.
Cela étant, sur le plan fiscal et d'un point de vue technique, ce mécanisme de la redevance apparaît obsolète et coûteux. Cette situation appelle véritablement une réflexion sur la manière dont l'Etat manage son système de recouvrement, qui est assez mauvais dans notre pays.
A cet égard, cet amendement montre que la redevance présente des défauts évidents, notamment celui qui a été mis en lumière par M. de Broissia.
Je voterai donc cet amendement car il pose un problème pratique et invite le Gouvernement à réfléchir et à mettre enfin sur la table ce problème de la redevance en tant que modalité spécifique de recouvrement d'une taxe qui est de plus en plus contestée.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je vais expliquer pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
Si nous le votons pas, ce n'est pas parce que nous ne considérerions pas qu'il n'est pas nécessaire d'assurer un égal accès de tous nos concitoyens à tous les services publics, qu'il s'agisse de la télévision ou des licences de téléphonie mobile de nouvelle génération, les licences UMTS. A cet égard, je dirai seulement à M. Laffitte que le secrétaire d'Etat M. Christian Pierret s'est préoccupé de ce problème et que les cahiers des charges des opérateurs seront revus afin que la couverture soit largement supérieure au pourcentage qu'il a évoqué voilà un instant.
Je ne voterai donc pas cet amendement car, en fait, une fois de plus, on le voit bien, c'est un moyen détourné pour faire le procès de la redevance. Je dirai à mes collègues qui n'ont pas voulu maintenir leur amendement mais qui ont néanmoins exposé leurs arguments que, pour moi, la redevance est un outil indispensable pour assurer l'indépendance du service public. Aujourd'hui, l'indépendance du service public est liée à la fois à l'existence du CSA et à l'existence de la redevance.
Vous nous dites qu'il est possible de remplacer la redevance par des crédits publics. Bien sûr, on le peut, et si c'était le gouvernement de Lionel Jospin qui nous faisait cette proposition, je lui ferais confiance, car je sais à quel point le gouvernement actuel est attaché au service public. (M. de Broissia s'exclame.)
Mais, mes chers collègues, j'ai en mémoire des budgets qui nous ont été présentés dans cet hémicycle par des gouvernements que je ne soutenais pas et qui, à court de crédits publics, nous proposaient assez facilement des régulations sur le budget de l'audiovisuel public. Dans ces cas-là, l'audiovisuel public n'était plus du tout une priorité ! J'ai donné les chiffres tout à l'heure. J'ajoute qu'à ces moments-là on trouvait assez souvent sur les travées de la majorité sénatoriale des sénateurs qui non seulement votaient ces budgets, mais, de plus, proposaient assez rapidement de trouver une solution à l'insuffisance des crédits publics pour l'audiovisuel public en privatisant France 2 !
Je répète donc que, pour nous, la redevance est la garantie de l'existence et de l'indépendance du service public. Peut-être devons-nous néanmoins collectivement réfléchir à la mise en place d'une ressource complémentaire plus dynamique. Et si cette dernière offre les mêmes garanties de sécurité et de pérennité, nous verrons ensuite si nous pouvons la substituer à la redevance. Mais nous ne devons en aucun cas lâcher la proie pour l'ombre ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Monsieur le président, nous discutons de plusieurs amendements à la fois, et nous en venons à nous interroger sur la question posée !
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Le groupe de travail que j'ai eu l'honneur de présider sur l'audiovisuel public a beaucoup travaillé. Il a longuement débattu de la nature, de l'essence de l'audiovisuel public et de la redevance. Ce groupe, réunissant les différentes composantes de cette assemblée, a estimé à l'unanimité qu'il était indispensable de donner des moyens significatifs à l'audiovisuel public, et il n'a pas trouvé, pour ce faire, autre chose que la redevance. La redevance française est l'une des plus faibles d'Europe - c'est un fait objectif, et tous les Etats européens, toutes les grandes démocraties à l'exception d'un ou deux pays, ont décidé de maintenir le principe d'une recette affectée,...
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. ... en général une redevance.
En Grande-Bretagne, la redevance s'élève à plus de 100 livres par an, avec une augmentation programmée systématique sur une période assez longue de 1,5 % par an. Cela signifie donc que lorsque l'on veut disposer d'un audiovisuel public, qui est un bien d'une nature particulière, il faut sans doute le payer.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Voilà la conclusion à laquelle le groupe de travail, à l'unanimité, est parvenue.
M. Paul Blanc. Il faut une recette affectée !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Par ailleurs, quelques-uns d'entre nous, dont Mme Beaudeau et moi-même, sont allés faire du contrôle sur place au service de la redevance de Rennes. Depuis, j'ai reçu longuement le chef du service de l'inspection générale des finances et l'inspecteur des finances qui ont procédé précisément à l'analyse de l'opération « redevance ». Permettez-moi de vous livrer nos impressions.
Tout d'abord, il s'agit d'un commando très motivé qui a réalisé des gains de productivité considérables depuis quelques années, et j'ai le sentiment que ces personnes font leur travail et qu'elles le font plutôt bien.
Par ailleurs, je voudrais dire que, pour un impôt dont, par définition, le recouvrement moyen est de 751 francs, il faut souvent déployer le même effort que pour un impôt important, et parfois même envoyer beaucoup plus de courrier. Par conséquent, il suffirait de doubler la redevance pour faire tomber immédiatement le pourcentage de quelque 7 % à 3,5 %. Je crois qu'il faut être sérieux dans ce domaine. Il s'agit de relever des produits qui sont de faible importance.
Il y a peut-être d'autres solutions. Et si le pouvoir exécutif en trouve d'autres qui soient efficaces, nous les examinerons. Mais je voudrais quand même rappeler que la Haute Assemblée a toujours soutenu la redevance, et qu'elle a fait ce qu'il fallait pour la rendre plus productive. C'est en effet un amdement du Sénat, qui, voilà cinq ans seulement, a permis le recoupement des fichiers de la taxe d'habitation et de ceux de la redevance, ce qui a fait passer le produit de cette dernière de quelque 8 milliards de francs à 13 milliards de francs en peu de temps. Cela a été la cause essentielle de l'amélioration de la situation.
Par ailleurs, compte tenu de l'état du droit, il est vraisemblable que les bases de la redevance ne pourront pas beaucoup augmenter, ou alors on change de société et l'on s'intéresse de très près aux résidence secondaires, à la limite de ce que peut tolérer notre société. Il faudra donc engager dans les plus brefs délais une réflexion sur la nature de la redevance. Internet posera également problème, car nos concitoyens pourront recevoir la télévision par ce moyen. Il est certain qu'il faudra, dans les années à venir, étudier sérieusement cette question.
Mais, dans l'état actuel des choses et tant que nous n'avons pas une solution plus efficace, je crois infondé le débat sur le coût excessif du produit. Et ce n'est pas sans conséquence. En effet, il est toujours facile d'ouvrir un débat de cette nature, mais, quand on le fait, on soulève des problèmes. Aujourd'hui, les agents du service de la redevance reçoivent des dizaines de milliers de lettres de personnes demandant à ne payer qu'un prorata de la redevance dans la mesure où cette dernière doit être supprimée à compter du 1er janvier 2001 ! Nous devons donc être prudents dans nos propos. Les médias font leur métier, et ensuite on complique la tâche de ceux qui font plutôt bien leur travail !
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. M. le rapporteur spécial est passé, si j'ai bien compris, de la sagesse favorable à la sagesse défavorable...
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Non !
M. Ivan Renar. Je rejoins son propos sur les amendements n°s II-29 rectifié et II-33, qui sont en discussion.
M. le président. Seul l'amendement n° II-33 est en discussion, mon cher collègue !
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Nous débattons dans la confusion !
M. Ivan Renar. C'est une confusion, mais aussi une non-confusion ! Sur le fond, aujourd'hui, c'est le sort de la redevance pour les années à venir qui est en jeu. Sur ce point, nous avons intérêt à clarifier la situation.
Je pense que la redevance n'est pas seulement une recette fiscale ; c'est aussi un lien social qui unit le téléspectateur au service public de l'audiovisuel. Comparons-le au spectateur de cinéma : dans le prix de sa place figure notamment l'avance sur recettes. De ce fait, il participe au financement de la production cinématographique dans son pays. Si l'on supprime ces formes de recettes, le service public est mort.
A mon avis, ce n'est pas au débotté que l'on doit discuter et voter ce type de mesure. Cela mérite un grand débat contradictoire, préparé suffisamment longtemps à l'avance, qui fixera les nouvelles règles du financement du secteur de l'audiovisuel public. Je suis globalement hostile à tout vote qui viserait à supprimer ou à diminuer la redevance de télévision.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Cette explication de vote m'apparaît d'autant plus nécessaire que je crois que nous sommes en train de refaire la guerre de 1914-1918,...
M. Ivan Renar. Même celle de 1870 !
M. Louis de Broissia. ... puisque l'un des deux amendements a été retiré. La responsabilité en revient à Mme Pourtaud, qui est revenue sur la discussion de l'amendement précédent.
Mme Danièle Pourtaud. Je répondais à M. Gaillard !
M. Louis de Broissia. Permettez-moi, madame Pourtaud, de vous le dire ! L'amendement n° 29 rectifié a été retiré, et nous n'en avons alors plus discuté.
Mme Danièle Pourtaud. Si, M. Gaillard en a parlé !
M. Louis de Broissia. Je suis d'accord avec Mme Pourtaud, avec M. le rapporteur spécial et avec M. Renar. L'amendement n° II-33 que je défends, le seul qui reste en discussion, tient compte d'un lien social important, d'un lien civique avec la télévision publique et, aussi, d'un lien territorial. Comment demander une redevance à quelqu'un qui n'a pas les moyens de ce lien civique ? C'est la seule question que vise à traiter cet amendement, et je me réjouis que M. Laffitte ait bien voulu dire qu'après la fracture territoriale de la télévision il y aura la fracture territoriale d'Internet à moyen et à haut débit. C'est clair !
M. Paul Blanc. Bien sûr !
M. Louis de Broissia. Il y a déjà la fracture territoriale de la téléphonie mobile ; c'est la même fracture ! Alors, madame Pourtaud, il vous arrive de sortir des arrondissements parisiens ! Venez à vingt kilomètres de Dijon : ce n'est pas une zone de haute montagne, et nous ne recevons pourtant rien ! Comment expliquer à mes concitoyens qu'ils doivent quand même payer pour tout ? C'est le but de mon amendement, et c'est le seul.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-33, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 46.
Je suis saisi de trois amendements, présentés par MM. Blanc, André, Bizet, Dejoie, Gérard, Francis Giraud, Le Grand, Murat et de Richemont.
L'amendement n° II-30 vise à insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 94, 95 et 96 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle sont abrogés.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-31 tend à insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281 nonies du code général des impôts est abrogé.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° II-32 vise à insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'avant-dernier alinéa (18°) de l'article 257 du code général des impôts est supprimé.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par suite du retrait de l'amendement n° II-29 rectifié, ces trois amendements n'ont plus d'objet.
Par amendement n° II-36 rectifié, MM. Laffitte, Valley, Joly et de Montesquiou proposent d'insérer, après l'article 46, un article additionnel rédigé comme suit :
« Il est institué un fonds alimenté par une partie des recettes qui seront tirées de la cession des licences d'attribution des fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus de numérisation des bandes de fréquences UHF et VHF.
« Ce fonds a pour objet de financer le développement de recherches industrielles dans le domaine du multimédia, ainsi que la numérisation des chaînes et des logiciels associés. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement va dans un sens différent puisqu'il vise à donner au service public de la télévision la possibilité d'un financement supplémentaire, important le cas échéant.
Il s'agit tout simplement d'instituer un fonds alimenté par une partie des recettes, et notamment par celles qui seront tirées de la cession des licences d'attribution des fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus de numérisation des bandes de fréquences UHF et VHF.
Ce fonds aura pour objet de financer le développement des recherches industrielles dans le domaine du multimédia ainsi que la numérisation des chaînes et des logiciels associés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial. La commission des finances a voté contre l'article 23, qui portait sur les produits de l'UMTS. Par conséquent, le rapporteur spécial ne peut pas soutenir cet amendement qui crée un prélèvement de même nature.
M. Pierre Laffitte. Ce n'est pas l'UMTS !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, en ce qui concerne la réorganisation du spectre des fréquences, je crois, avec vous, qu'il nous faut réfléchir à cette question ensemble, sur la base d'études solides réalisées à mesure que les technologies numériques se seront stabilisées et qu'elles auront commencé à trouver leurs usages. C'est d'ailleurs ce que je disais tout à l'heure dans mon propos.
Le moment ne me semble pas encore tout à fait venu. Aujourd'hui, le décret du 6 décembre 1996 dispose « que les fréquences attribuées à la radiodiffusion audiovisuelle sont exemptées de toute rémunération de la part des chaînes ». Vous savez que, par convention passée avec le CSA, les chaînes s'engagent à un grand nombre d'obligations, notamment en faveur de la diversité, de la contribution à la production, de la diffusion de programmes et de la mise en oeuvre d'un certain nombre de missions.
La loi du 1er août 2000 a maintenu sur les réseaux terrestres numériques un régime d'obligations assez contraignant en faveur de l'intérêt général. Je ne crois pas que le temps soit venu de modifier ces équilibres que nous avons évalués avec la représentation nationale au profit d'équilibres à venir que nous pouvons, dans le meilleur des cas seulement, commencer à étudier et à distinguer.
J'entends votre souci de soutenir les jeunes pousses du multimédia et la recherche, l'innovation, dans ce domaine. C'est pourquoi je mettrai en place, avec mes collègues de la recherche et de l'industrie, dès le début de l'année 2001, un nouveau réseau de recherche et d'innovation pour l'audiovisuel et le multimédia. Il devrait permettre, avec toute la neutralité et l'objectivité que permet ce type de crédit, d'inciter et de suivre la vitalité du secteur.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° II-36 rectifié.
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement n° II-36 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Compte tenu de l'opposition simultanée de la commission des finances et du Gouvernement, je retire mon amendement.
Toutefois, je précise, madame la ministre, qu'il ne s'agissait pas de revenus provenant de la cession de fréquences affectées à l'audiovisuel. Mon amendement visait le cas très probable où la fréquence serait attribuée à d'autres opérateurs. Par conséquent, il y aurait eu là une possibilité, et c'est sur cette dernière que je voulais insister. En effet, je crois véritablement qu'un financement important sera nécessaire pour que le service public de l'audiovisuel puisse effectivement développer les opérations de numérisation, comme il a commencé à le faire, notamment avec la banque de programmes de La Cinquième.
M. le président. L'amendement n° II-36 est retiré.
Nous allons maintenant examiner les lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article 42.

Ligne 40 de l'état E



M. le président.
J'appelle la ligne 40 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision.



LIGNES

2000
2001


DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année 2000 ou

la campagne 1999-2000

ÉVALUATION
pour l'année 2001 ou

la campagne 2000-2001

. .
Culture et communication
39 40

Nature de la taxe :

13 602 189 600 13 982 892 500
. .
- redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision
Organismes bénéficiaires ou objet :
- compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975
Taux et assiette :
Redevance perçue annuellement :
En 2000 et 2001 :
- 479 F pour les appareils récepteurs « noir et blanc »
- 751 F pour les appareils récepteurs « couleur »
Textes :
- décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié
- décret n° 94-1088 du 15 décembre 1994 - décret n° 95-1333 du 29 décembre 1995



M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Sur la ligne 40 de l'état E, ainsi que, je le dis par avance, sur la ligne 41 de ce même état, la commission des finances a émis un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 40 de l'Etat E, repoussée par la commission.

(La ligne 40 de l'état E n'est pas adoptée.)

Ligne 41 de l'état E

M. le président. J'appelle la ligne 41 de l'état E concernant la taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée.



LIGNES

2000
2001


DESCRIPTION

PRODUIT
pour l'année 2000 ou

la campagne 1999-2000

ÉVALUATION
pour l'année 2001 ou

la campagne 2000-2001

. .
Culture et communication
40 41

Nature de la taxe :

125 000 000 130 000 000
. .
- taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée
Organismes bénéficiaires ou objet :
- fonds de soutien à l'expression radiophonique locale
Taux et assiette :
- taxe assise sur le produit des activités des régies publicitaires
Textes :
- décret n° 92-1063 du 30 septembre 1992
- décret n° 94-1222 du 30 décembre 1994
- décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 - arrêté du 23 juillet 1998



Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 41 de l'état E, repoussée par la commission.

(La ligne 41 de l'état E n'est pas adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 42 est réservé.
Je rappelle que les crédits concernant la communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le lundi 4 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

ÉTAT B

SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux

M. le président. « Titre III : 174 946 965 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur le titre III est réservé.
« Titre IV : 2 011 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur le titre IV est réservé.

ÉTAT C

SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. - Services généraux

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 312 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 165 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur le titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la communication.

Culture



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, le budget de la culture va « tangenter » le fameux 1 %. Avec ses 16,67 milliards de francs, en augmentation de 590 millions de francs par rapport au budget précédent, nous y voilà, ou presque : 0,997 % !
J'ai déjà lu dans la presse le voeu exprimé par tel ou tel de viser les 1,25 % ou - pourquoi pas ? - les 2 %, mais, plus sagement, Mme la ministre a dit à l'Assemblée nationale - j'ai apprécié - que l'objectif de ce 1 % n'avait « jamais représenté à lui seul une politique » et qu'il convient désormais de réfléchir à « l'au-delà » du 1 %. Nous la rejoindrons s'il s'agit d'un au-delà qualitatif et non quantitatif.
D'autant que ce 1 % pratiquement atteint ne l'a été que parce que le périmètre du ministère n'a cessé de s'élargir. Et peut-être ce désir de franchir un seuil psychologique n'est-il pas étranger à l'inclusion, telle année, des services de l'architecture ôtés au ministère de l'équipement, telle autre, des dotations de bibliothèques, reprises à l'intérieur, cette année encore, ou encore des cotisations sociales de l'Etat employeur qui figuraient jusqu'à présent au budget des charges communes - il est vrai qu'il s'agit d'une mesure de portée générale.
Mais oublions tout cela ! Ne chipotons pas sur la comparaison entre pourcentage d'augmentation en valeur absolue, à savoir 3,7 %, et pourcentage d'augmentation à structure constante, soit 2,5 %. Ce qui compte, c'est le contenu de ce budget et la politique, plus ou moins volontariste, plus ou moins subie, dont il est la traduction.
L'analyse n'est pas aisée, car le budget de l'Etat, nous le savons tous, est un budget de moyens et non de missions. Peut-être la réflexion qui est actuellement menée sur la réforme de l'ordonnance organique de 1959, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, nous permettra-t-elle, dans deux ans, dans trois ans - qui sait ? - d'y voir plus clair. Il nous serait alors possible de chiffrer précisément quels moyens l'Etat consacre respectivement aux trois principales missions du ministère de la culture : conservation, création, diffusion. Nous pourrions alors disposer d'un instrument de mesure pour apprécier au plus juste les priorités du ministre en place pour savoir s'il préfère la préservation du passé à la préparation de l'avenir, ou l'inverse.
Mais puisque nous n'en sommes qu'à un budget de moyens, analysons ceux-ci.
Les moyens augmentent sensiblement. Les dépenses de fonctionnement qui nous sont proposées - 7,9 milliards de francs - sont supérieures de 2,33 % à celles de l'an passé, si l'on ne tient pas compte du transfert des charges de retraite. Les dépenses d'intervention - 5 milliards de francs - augmentent de 2,45 %. Les dépenses d'investissement, exprimées en autorisation de programmes, connaissent une progression de 6,19 %, supérieure à celle de l'an dernier, qui était de 4,64 %, effaçant ainsi le reflux de 1999, qui atteignait 4,96 %.
Tout cela est assez honorable, mais n'échappe pas à une double critique que n'ont pas manqué de faire des observateurs aussi impartiaux que les magistrats de la Cour des comptes. On pourrait dire, en gros, que le budget de la culture souffre d'un manque de lisibilité.
D'une part, les dépenses de fonctionnement sont de plus en plus éparpillées, sans que les moyens de suivi, informatique ou comptable, soient suffisants pour compenser cet éparpillement. D'autre part, les dépenses d'équipement sont, parfois, de pure apparence, parce que le taux de consommation des crédits est fort insuffisant et que le niveau des reports finit par ressembler à une méthode occulte de régulation budgétaire.
Fragmentation et éparpillement, d'abord : ils s'accroissent d'année en année, du fait de la déconcentration et de la croissance des subventions. Bénéficient de cette déconcentration, outre les vingt-six DRAC, les nombreux services à compétence nationale, les SCN. Cette nouvelle catégorie administrative comprend, outre les musées nationaux - quand ils ne sont pas érigés en établissements publics - les centres d'archives, les centres d'art et les laboratoires de recherche. Au total, en 2000, les dépenses exécutées directement par l'Etat ne représentent que le tiers des crédits disponibles. Dans le domaine des spectacles et des arts plastiques, plus de 70 % des crédits sont déconcentrés.
S'y ajoutent, bien sûr, les subventions, technique traditionnelle d'intervention pour l'Etat culturel. On peut estimer que plus de 60 % des crédits du ministère sont consacrés à ces subventions, qu'il s'agisse de fonctionnement ou d'investissement, qu'il s'agisse des SNC ou de cette myriade d'institutions para-administratives ou associatives que sont les centres dramatiques ou chorégraphiques, les orchestres, nationaux ou régionaux, les fonds régionaux d'art contemporain, etc. A eux seuls, trois grands établissements - l'Opéra national de Paris, la Bibliothèque nationale de France et le Centre Georges-Pompidou - consomment 10 % du budget du ministère !
C'est un choix que je ne conteste pas, mais les moyens qui, en contrepartie, rendraient possibles un pilotage fin et un contrôle effectif sont encore insuffisants, en dépit des efforts déjà entrepris. Je vous renvoie, sur ce point, mes chers collègues, à mon rapport écrit, comme à celui, d'ailleurs, de mon homologue de l'Assemblée nationale.
Qu'il suffise de dire à cette tribune que le logiciel Quadrille, outil de suivi comptable et d'analyse de la dépense, que l'on nous avait déjà promis l'an passé, n'est toujours pas en place. Et je pourrais m'étendre sur l'inégalité entre les grands établissements quant aux méthodes comptables !
En matière de personnel, l'intention affirmée est de résorber l'emploi précaire, dans l'esprit de l'accord passé le 10 juillet 2000 à la suite des mouvements sociaux dans les musées et les monuments historiques : 300 emplois « stabilisés », comme l'an dernier, à raison de 190 plus 111 transferts d'emplois contractuels dans les budgets des établissements publics.
Mais a-t-on la certitude que, par l'intermédiaire des crédits de vacations, ne s'annoncent pas d'autres emplois précaires ? L'ancien directeur de l'administration générale du ministère m'avait assuré qu'il y veillerait personnellement. Je souhaite que son successeur manifeste la même vigilance.
Autre question : derrière ce souci, légitime, de faire disparaître la précarité, est-ce que ne se profile pas la tentation d'augmenter les effectifs du ministère et de ses établissements publics ? Il semble bien qu'une certaine dérive, de 1996 à 1999, qui porte sur plus de 1 200 postes supplémentaires, se soit déjà manifestée.
Les observations que l'on peut faire sur les crédits de fonctionnement sont toutefois mineures au regard de celles que le budget du ministère appelle pour les crédits d'équipement : sous-consommation des crédits, ampleur exagérée des reports.
On avait constaté, de 1995 à 1997, un certain redressement, vertu qui était peut-être liée aux restrictions budgétaires. Depuis 1998, le taux de consommation des crédits du titre V est de l'ordre de 70 %. Chaque année, les reliquats disponibles en fin de gestion sont supérieurs à 900 millions de francs. En 1999 et 2000, les reports représentent plus de 30 % des crédits ouverts. Sur le titre VI, la consommation des crédits, qui s'était améliorée en 1999, tend à se dégrader de nouveau, notamment pour le chapitre 66-20, consacré au patrimoine monumental : 144,5 millions de francs de report à la fin de la gestion 2000.
Il semble que, outre les difficultés inhérentes aux grands travaux, le contrat de gestion passé avec le ministère de l'économie et des finances n'y soit pas pour rien - c'est du moins l'avis de la Cour des comptes ! On substituerait ainsi une régulation budgétaire endogène, moins visible, aux gels et aux annulations de crédits. Mais, dans les deux cas, c'est bien l'autorisation parlementaire qui est contournée.
La mission patrimoniale appelle donc d'assez vives critiques quant aux méthodes budgétaires. Elle en appelle aussi sur le fond. Permettez-moi, à cet égard, de vous présenter quatre remarques.
Premièrement : le rééquilibrage entre Paris et les régions n'est plus de saison. L'an dernier, pour les grands équipements, la province, avec 567 millions de francs, dépassait de peu la capitale, qui disposait de 538 millions de francs. En 2000, Paris, avec 744 millions de francs de crédits d'investissement, relègue le reste de la France à 610 millions de francs. On me répondra que c'est dû, en partie, à la montée en puissance du musée du quai Branly, voulue par le Président de la République, et j'en conviens, mais cela ne suffit pas à expliquer ce regrettable renversement.
Deuxièmement : le feuilleton des grands travaux, détaillé dans le rapport écrit, et qui continue, hélas ! Immeuble des Bons-Enfants, Grand Palais, Palais de Tokyo, où des dizaines de millions de francs auront été dépensés en pure perte pour un musée du cinéma transféré à l' American Center de Bercy ! Travaux qui traînent, immeubles en déshérence ! Tout cela, monsieur le secrétaire d'Etat, a commencé avant la mise en place du nouvel attelage ministériel.
Je me contenterai d'une modeste requête : que s'ouvre au moins, avenue du Président-Wilson, l'espace voué à la jeune création en France, qui fait si cruellement défaut à nos artistes, et qui fut une des bonnes idées de Mme Trautmann !
J'ajouterai, s'il se peut : qu'on y voie enfin clair sur le devenir du Grand Palais, qui, à mon sens, devrait être consacré aux expositions de prestige, en vue de soutenir notre marché de l'art. Qu'une destination soit enfin prévue pour l'admirable Musée des arts africains et océaniens de la porte Dorée, qui n'a pas seulement ses crocodiles, chers aux enfants, et qui, même privé de ses collections d'arts premiers, pourrait présenter ses admirables collections sur l'histoire coloniale française - je sais bien que ce n'est pas à la mode ! - sous l'ombre tutélaire du maréchal Lyautey.
Troisièmement : les crédits d'entretien du patrimoine, qu'il s'agisse des bâtiments appartenant à l'Etat, qui se voient dotés de 83 millions de francs, ou de ceux dont il aide les propriétaires, sont notoirement insuffisants. La fragilité de ces bâtiments a été soulignée par la tempête de décembre 1999, au point qu'il a fallu dégager dans le collectif 500 millions de francs : 300 millions de francs pour l'Etat, 200 millions de francs pour les autres propriétaires, ces derniers crédits étant faiblement engagés jusqu'à présent.
Les 87 cathédrales et les 100 monuments historiques ouverts au public ne reçoivent, en moyenne, que 200 000 francs par an ! Par ailleurs, 470 monuments sont considérés comme « en péril » et 3 690 « en état défectueux ». Cette situation ne s'améliore pas d'une année sur l'autre. Monsieur le secrétaire d'Etat chargé du patrimoine, vous avez du travail !
Quatrièmement : les crédits d'acquisition de nos musées sont, eux aussi, insuffisants, tout comme leurs crédits d'investissement. Il est même proposé, cette année, de prélever 10 millions de francs sur le fonds du patrimoine au chapitre 43-92 - commandes artistiques et achats d'oeuvres - pour compenser la perte de recettes liée à la gratuité du premier dimanche de chaque année. Cette mesure, certes, est sociale, et elle est utile à l'amour de l'art. Mais n'est-ce pas mesquinerie de la financer de cette manière ?
Le budget comporte, certes, pour les deux autres missions du ministère, la création et la diffusion, des inscriptions mieux inspirées.
Le spectacle vivant est bien pourvu - cela ne saurait nous surprendre de la part de Mme Catherine Tasca - avec une augmentation de 3,65 % des crédits d'intervention et de 9,3 % des autorisations de programme. Les théâtres nationaux voient leurs moyens renforcés de 13 millions de francs. Chaillot pourra enfin accueillir des spectacles de danse.
Les responsables de certaines scènes nationales font toutefois remarquer que les 35 heures devraient coûter plus de 100 millions de francs au spectacle vivant, soit plus que l'ensemble des mesures nouvelles - 80 millions de francs - prévues cette année. Ces funestes 35 heures font également des ravages à l'Opéra de Paris en dépit de la gestion brillante de son directeur, M. Hugues Gall.
Au cours d'une audition préparatoire avec la directrice du théâtre, de la musique et de la danse, Mme Hubac, j'ai toutefois été sensible à certains aspects positifs de la réforme des compagnies théâtrales. La tendance à la reconduction automatique, notamment, serait freinée puisque 170 compagnies nouvelles auraient été aidées en l'an 2000.
Le budget de 2001 porte une attention bienveillante aux enseignements artistiques : 18 millions de francs de mesures nouvelles sont prévues dans le cadre de l'accord conclu avec le ministère de l'éducation nationale, permettant d'ouvrir 1 600 ateliers d'expression artistique dans les lycées.
Enfin, je porte un jugement favorable sur le budget du livre, qui, avec ses 1 131,6 millions de francs de crédits, est en augmentation de 3,23 %. Les efforts entrepris pour les bibliothèques municipales, notamment, ne peuvent laisser indifférents les sénateurs qui, Dieu merci ! sont encore maires et qui, je l'espère, le resteront.
S'il est permis au rapporteur spécial de céder un instant la parole au maire d'Essoyes, commune de 650 habitants située dans l'Aube, celui-ci se dira charmé par les progrès de nos bibliothèques municipales en milieu rural. L'aide de l'Europe, de l'Etat, de la région et du département y est certes pour beaucoup, mais aussi le dévouement des bénévoles qui les animent. Je ne saurais donc trop encourager le ministère à poursuivre son effort en faveur de la lecture publique et, pour reprendre un débat que j'ai eu avec Mme Tasca dans cet hémicycle voilà peu de temps à propos de l'affaire du prêt payant en bibliothèque, je veux continuer à plaider la cause des communes. J'espère qu'elles seront ménagées dans les annonces que Mme le ministre de la culture devrait faire en fin d'année sur ce dossier épineux.
Je me suis permis de parler de la bibliothèque d'Essoyes : cela m'évite d'évoquer le cauchemar de la Bibliothèque nationale de France, peut-être dû à la malchance mais qui ne cesse de connaître de nouveaux épisodes.
En conclusion, le projet de budget pour la culture se caractérise par beaucoup d'ombres et peu de lumière. Comme les nouveaux responsables ministériels ne sont en fonctions que depuis neuf mois, je pense qu'ils ne pouvaient pas estomper toutes les ombres et pousser tous les éclairages. La commission des finances, en préconisant, malgré tout, l'adoption de ce projet de budget, a voulu, en somme, réserver son jugement et leur rappeler l'invite du poète Henri Michaux : « Ne désespérez pas, faites infuser davantage. » (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de la culture que nous examinons voit alterner, comme le rappelait à l'instant M. Gaillard, les ombres et les lumières. C'est peut-être ce qui en fait une oeuvre d'art, c'est en tout cas ce qui m'autorisera à le présenter sous trois éclairages différents.
Il s'agit - ce sera le premier éclairage - d'un projet de budget globalement satisfaisant, mais qui supporte, nous le constatons année après année, de très lourdes contraintes.
L'augmentation des crédits, que j'évoquerai très brièvement, me référant, pour ce qui est du détail, au rapport écrit, est de 2,5 % en francs courants. C'est à peu près autant qu'en 2000, c'est moins qu'en 1999, où l'augmentation était de 3,5 %, mais c'est plus, en revanche - et j'en terminerai là avec l'énumération, ô combien aride, des pourcentages - que la progression du budget global de l'Etat, qui est de 1,5 %.
Nous nous approchons par conséquent, avec 0,98 % du budget total de l'Etat, du « 1 % », mais nous ne sommes plus à l'époque où Jean Vilar considérait ce taux comme la pierre de touche en fonction de laquelle on devait juger de l'intérêt d'une politique culturelle. La modification constante et normale des compétences du ministère a rendu tout à fait relative la pertinence de ce critère.
Cette augmentation est équitablement répartie entre les dépenses ordinaires et les dépenses d'intervention, alors que le budget de l'année précédente avait donné très nettement la priorité aux dépenses ordinaires. Ces dernières augmentent de 2,7 % à structure constante, ce qui devrait permettre de dégager des moyens permettant au ministère d'affirmer ses intentions.
Deux contraintes pèsent cependant très lourdement sur cette partie du budget.
S'agissant tout d'abord des dépenses en personnel, nul ne contestera la nécessité impérieuse de s'engager dans la voie de la résorption de la précarité. Les établissements publics culturels et les services du ministère eux-mêmes ont en effet trop souffert d'un climat social difficile en raison du pourcentage, à l'évidence excessif, d'agents non titulaires. Il fallait par conséquent mettre en oeuvre ce plan, et la commission des affaires culturelles ne peut que s'en féliciter.
Toutefois, la quasi-totalité des emplois créés étant affectés à ce plan de résorption, on peut s'interroger sur les difficultés que rencontreront en particulier les services déconcentrés pour faire face aux tâches qui leur sont progressivement dévolues.
La seconde contrainte qui pèse sur le projet de budget tient à la lourdeur des subventions versées pour assurer le fonctionnement des grands établissements publics. Nous constatons depuis quelques années une montée en puissance de ces institutions, liée à la politique des grands travaux - je ne la critiquerai pas, ayant au contraire, lors des précédentes discussions budgétaires, loué les réalisations prestigieuses et la diffusion culturelle qu'elle a induites - qui entraîne des conséquences considérables pour le budget du ministère de la culture. En effet, près d'un tiers de ses crédits servent désormais à financer le fonctionnement de ces établissements. Une politique de contractualisation a été mise sur pied, un contrat ayant notamment été signé avec le Centre national de la danse : nous assistons peut-être à l'amorce d'une modération toute relative face à la dérive financière que pourrait engendrer le fonctionnement de ces institutions.
En ce qui concerne les dépenses d'intervention du titre IV, dont l'importance est réelle puisqu'il reflète les priorités de la politique culturelle du ministère, on enregistre une progression de 3,12 %. Je ne peux que saluer cette augmentation tout à fait importante, qui vient conforter les principales orientations marquées par ce budget, notamment - j'y reviendrai dans un instant en examinant au fond les politiques préconisées - la promotion du spectacle vivant et le renforcement des enseignements artistiques et de la décentralisation, ce qui correspond aux souhaits que le Sénat exprime depuis longtemps. J'exprimerai simplement un petit regret à cet égard, à propos de la nette réduction des commandes de l'Etat aux artistes : l'Etat ne doit pas oublier qu'il est aussi un mécène et qu'il a des devoirs en ce domaine, que ce budget ne permettra pas d'assumer pleinement.
S'agissant des dépenses en capital, qui sont essentielles puisqu'elles intéressent à la fois le patrimoine monumental et celui des grandes institutions, elles augmentent globalement d'une manière satisfaisante. Néanmoins, leur répartition amène à s'interroger, comme l'a fait, voilà un instant, M. le rapporteur spécial, sur le déséquilibre qui existe entre Paris et la province. Les crédits affectés hors patrimoine aux équipements culturels parisiens augmentent ainsi de 38 %, tandis que ceux qui sont alloués à la province sont en hausse de 7,4 %, même s'il va sans dire que l'ensemble de notre pays profite des infrastructures parisiennes. Parmi les nouvelles opérations inscrites dans ce projet de budget figurent notamment celle qui a trait à l'espace du quai Branly et la restructuration du théâtre de l'Odéon. Je ne disconviens en aucune manière de l'intérêt de ces opérations, je voudrais néanmoins que l'on n'oubliât pas que la province a elle aussi des besoins considérables.
J'indiquerai à cet égard qu'un effort tout à fait louable est proposé, au travers de ce projet de budget, dans deux domaines importants pour le Sénat, qui est sensible aux demandes des élus locaux : il s'agit, d'une part, des bâtiments d'archives, dont les crédits augmentent de 70 %, ce qui est tout à fait méritoire, et, d'autre part, de la construction et de la rénovation des salles de spectacle.
En ce qui concerne enfin les crédits du patrimoine, et j'en terminerai par là avec les dépenses en capital, leur stagnation, voire leur recul, est plus qu'inquiétante. J'y reviendrai dans un instant.
J'aborderai maintenant le deuxième éclairage que j'entendais donner sur ce projet de budget.
Les priorités que le ministère a définies traduisent la continuité de l'action culturelle. La commission des affaires culturelles du Sénat a estimé qu'il fallait s'en féliciter, car les trois objectifs retenus, à savoir soutenir la création, favoriser l'égalité d'accès à la culture et poursuivre la politique de déconcentration, correspondent à ce que nous souhaitions.
En ce qui concerne tout d'abord la création artistique, les crédits destinés au développement de l'aide au spectacle vivant augmentent de 3,8 % et représentent près du quart du budget. Si l'on détaille les différentes interventions, on peut estimer que le soutien apporté aux établissements publics nationaux est tout à fait exemplaire et que celui qui est consenti aux compagnies subventionnées et aux institutions est convenable.
En revanche, une lacune existe s'agissant des théâtres municipaux non conventionnés. En effet, nombre de petites villes font l'effort, immense au regard de leurs ressources, d'entretenir des théâtres municipaux, pour lesquels la formule du conventionnement n'est pas adaptée. Je citerai l'exemple d'une commune de mon département, Frouard, petite ville de 7 000 habitants qui consacre 2 millions de francs par an, sur 17 millions de francs de dépenses de fonctionnement, à son théâtre municipal. Peut-être serait-il souhaitable que les services du ministère engagent une réflexion sur la manière dont pourraient être soutenues de telles institutions, pour lesquelles le conventionnement, formule sans doute trop complexe et trop lourde de conséquences financières, n'est pas adapté.
Un autre point recueille l'approbation de la commission des affaires culturelles : je veux parler de l'aide apportée au développement des enseignements artistiques spécialisés, notamment par le biais des grandes institutions universitaires, héritières d'une tradition tout à fait prestigieuse. Je souhaiterais, à cet égard, indiquer que nous avons été sensibles au soutien apporté aux vingt-deux écoles d'architecture. Voilà quelques années, lorsque ces écoles avaient échangé la tutelle d'un ministère riche pour celle d'un ministère moins riche, de grandes inquiétudes s'étaient fait jour. Ces écoles sont aujourd'hui convenablement traitées et leurs responsables n'hésitent pas à le dire ; cela méritait d'être rappelé ici même. En revanche, les établissements d'enseignement relevant des collectivités locales, à savoir les conservatoires, d'une part, les écoles d'art municipales ou régionales, d'autre part, ne bénéficient pas d'une aide suffisante, ce qui signifie, puisque les collectivités territoriales, qui y sont très attachées, les financent, que de réelles disparités existent entre les régions.
En ce qui concerne par ailleurs la promotion de l'égalité d'accès à la culture, deux points importants me paraissent là aussi mériter quelques commentaires.
J'évoquerai en premier lieu le soutien à l'éducation artistique, indépendamment des grands établissements universitaires que j'évoquais à l'instant. En 1998, le Parlement a voté une loi organisant les enseignements artistiques, qui n'a jamais été appliquée d'une manière convenable. Elle a toutefois incité le ministère, et je m'en félicite, à mettre en place une politique très « pointue » dans ce domaine, avec des classes culturelles, des ateliers de pratiques artistiques et des jumelages avec les institutions culturelles, destinée à diffuser l'éducation artistique en milieu scolaire. Malheureusement, seuls 1,5 % des élèves en bénéficient : c'est dire à quel point nous devons rappeler que c'est à l'éducation nationale et à elle principalement qu'il appartient d'assurer cette diffusion, quel que soit l'effort accompli par le ministère de la culture.
J'ajouterai que les collectivités locales et les associations fournissent un effort tout à fait considérable dans ce domaine, qui mériterait d'être beaucoup mieux soutenu, car c'est le ministère de la culture, d'une part, les élus locaux et les associations, d'autre part, qui compensent l'insuffisance criante de l'éducation nationale en matière d'enseignements artistiques, essentiels pourtant si l'on veut assurer l'égalité des chances pour tous les enfants.
En second lieu, j'aborderai rapidement la question de la politique tarifaire, dont nous avions longuement parlé l'an dernier. Cette année, le projet de budget marque une pause sur ce point, et je crois que c'est une bonne chose, car cette politique tarifaire visant les musées, les théâtres ou les monuments historiques a un peu été, comme la langue d'Esope, la pire et la meilleure des choses. En effet, elle a engendré un effet d'aubaine, de telle sorte qu'elle n'a pas du tout touché le public auquel elle était destinée, mais les habitués, qui se sont judicieusement adaptés à la situation. Elle a eu enfin, sur le plan financier, des conséquences tout à fait dommageables pour de nombreuses institutions, telles que les musées.
S'agissant enfin de la poursuite de la déconcentration, 69 % des crédits disponibles sont actuellement gérés de manière déconcentrée. Je ne peux que m'en féliciter, parce que cela traduit le souci qu'a le ministère d'assurer une gestion de proximité. Un certain nombre de nos collègues, au sein de la commission, se sont interrogés sur le devenir du rôle de l'Etat dans ce domaine. Pour ma part, je suis de ceux qui, lorsqu'ils voient fonctionner leur direction régionale des affaires culturelles n'éprouvent aucune inquiétude quant à la manière dont s'organise la déconcentration. Mais peut-être la situation prévalant dans d'autres régions a-t-elle conduit certains de nos collègues à formuler des objections que je dois ici relayer, car c'est mon rôle de rapporteur. En tout cas, je crois que la voie de la contractualisation dans laquelle nous nous engageons pourra sans doute permettre d'apporter un correctif utile.
Enfin, le troisième éclairage sera légèrement différent des précédents et portera sur l'insuffisance criante, monsieur le secrétaire d'Etat, des crédits affectés au patrimoine.
La tempête - cela a été rappelé - a été à cet égard un signal d'alarme : dépenser 1,713 milliard de francs pour réparer les dégâts, cela signifie tout simplement que l'entretien du patrimoine n'était pas suffisant. Or les crédits que nous examinons aujourd'hui ne sont pas à la hauteur des besoins, aussi bien pour assurer l'entretien que pour financer l'investissement, alors que la loi de programme du 31 décembre 1993 avait prévu un effort annuel de 2 %. Je crois que cette faiblesse est grave, parce qu'elle démontre que des pans entiers du patrimoine de notre pays sont voués à disparaître - et j'avais évoqué à ce titre, l'an dernier, l'exemple criant du patrimoine industriel.
Il est essentiel que le prochain budget marque un effort particulier dans ce domaine. Je citerai seulement, parce que le chiffre est caricatural, les 70 millions de francs affectés, pour toute la France, au patrimoine rural non protégé. Cela permet de traiter un dossier par région, ce qui, à l'évidence, ne correspond pas à l'état de notre patrimoine. De même, j'évoquerai d'une phrase les crédits d'acquisition des musées, qui nous paraissent tout à fait insuffisants.
Je conclurai en indiquant que, compte tenu des lourdes charges qui pèsent sur ce budget et des orientations positives que, malgré cela, le ministère a su lui donner, la commission des affaires culturelles, en dépit des zones d'ombre que j'évoquais, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal. rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma et le théâtre dramatique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les politiques du cinéma et du théâtre, si elles reposent sur des mécanismes de soutien très différents, concourent également à promouvoir la création, priorité du projet de budget du ministère de la culture pour 2001. J'examinerai successivement les crédits qui leur sont consacrés par le projet de loi de finances.
Avant de procéder à l'analyse comptable des crédits du cinéma, je dresserai un rapide bilan de la situation économique de ce secteur qui, hélas ! demeure fragile.
Même si un léger infléchissement de la fréquentation a été observé en 1999, avec 155 millions d'entrées, les premiers résultats de 2000 confirment la tendance au redressement observée depuis quelques années. Ce retour du public vers les salles se traduit par le dynamisme du secteur de l'exploitation. Entre 1998 et 1999, le nombre d'écrans a ainsi augmenté de manière inégalée au cours de la dernière décennie, évolution largement imputable aux multiplexes, qui représentent aujourdhui 14,3 % de l'offre cinématographique en termes de fauteuils, mais aussi plus de 27 % de la fréquentation globale.
La production cinématographique fait également preuve de sa vigueur et de ses capacités de renouvellement.
Le nombre de films agréés par le CNC s'établit à un niveau qui n'avait pas été atteint depuis 1980. Et les premiers et deuxièmes films, qui bénéficient désormais de meilleures conditions de financement, représentent plus de la moitié des films français.
En dépit de ces signes encourageants, les parts de marché des oeuvres françaises restent modestes : elles ne dépasseraient pas 30 % pour les premiers mois de l'année 2000, contre 36 % pour la même période en 1999. Leurs recettes à l'exportation dépendent de quelques grands succès et elles ne connaissent pas encore d'amélioration durable.
Ces évolutions ne peuvent laisser indifférents en raison du renforcement de la concurrence sur le secteur de l'exploitation, évolution qui risque à terme de menacer la diversité de la programmation. Certes, les multiplexes n'ont pas - ou pas encore - eu les effets dévastateurs annoncés. A cet égard, les analyses du rapport de M. Françis Delon sont rassurantes : les salles indépendantes, en particulier les établissements d'art et d'essai, semblent avoir bien résisté, du moins celles qui mènent une politique d'animation dynamique.
Ces analyses s'inscrivent dans un contexte favorable de croissance de la fréquentation. Elles ne permettent pas d'anticiper les conséquences de l'accélération du rythme de création de ces complexes multisalle à laquelle on assiste aujourd'hui.
Au-delà des 70 multiplexes déjà en activité, près de 70 nouvelles implantations ont été autorisées. Mais l'amendement adopté par le Sénat, sur la proposition de Mme la ministre, lors de l'examen du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, devrait permettre d'aboutir à une implantation plus raisonnée des multiplexes.
Ce dispositif, assez différent de celui qui est proposé par le rapport Delon, prévoit essentiellement, au-delà d'une extension du champ de la procédure d'autorisation, de compléter les critèrers d'autorisation afin de mieux tenir compte de la vocation culturelle de ces équipements.
Vous me permettez toutefois de regretter que sa logique demeure celle de l'urbanisme commercial, qui, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, me semble peu adaptée.
Je me demande par ailleurs si une modification de la composition des commissions départementales d'équipement commercial n'aurait pas été nécessaire pour permettre à ces instances d'arbitrer plus aisément entre les intérêts locaux en présence.
Enfin, j'exprime le souhait que les contraintes imposées aux multiplexes au nom de la diversité de la programmation n'aboutissent pas, paradoxalement, à accroître la concurrence envers les autres exploitants.
Cette concurrence est déjà très vive, comme en témoigne l'apparition de nouvelles pratiques commerciales telles que les abonnements illimités lancées par plusieurs opérateurs. C'est l'actualité.
Sur cette question, je ne peux que soutenir le Gouvernement, qui veut restaurer l'efficacité des mécanismes de régulation du secteur de l'exploitation, ces mécanismes étant mis à mal par des initiatives qui n'ont été précédées d'aucune concertation.
Le texte inséré dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques présente le mérite de garantir les conditions de rémunération des ayants droit et d'obliger les grands groupes à associer à leurs initiatives les exploitants indépendants. En dépit de ces possibilités d'association, les risques que représentent pour les indépendants de telles formules demeurent, en raison de la fragilité de leur situation financière.
Par ailleurs, il n'est pas exclu que ces pratiques se révèlent, à l'usage, anticoncurrentielles et, de ce fait, portent atteinte aux conditions d'exploitation de ces salles indépendantes. Cette possibilité n'a pas été exclue par le Conseil de la concurrence.
A l'évidence, il est nécessaire que ces salles bénéficient d'un soutien accru et les réformes engagées pour renforcer les aides sélectives seront les bienvenues.
J'en arrive, mes chers collègues, aux données comptables. Le budget du cinéma s'établit pour 2001 à 1 791,9 millions de francs ; il est donc en progression de 6,2 % par rapport à 2000.
Ces crédits proviennent, pour 1 489 millions de francs, de la section « cinéma » du compte de soutien, et pour 295 millions de francs du budget du ministère de la culture.
La progression des recettes de la section « cinéma » du compte de soutien sera essentiellement consacrée au renforcement du soutien sélectif, notamment au secteur de l'exploitation.
L'objectif est de simplifier les dispositifs et de permettre aux salles indépendantes de disposer de moyens plus importants pour moderniser leurs équipements, ce qui, je crois, constitue aujourd'hui une condition de leur survie face aux investissements considérables consentis par les grands groupes intégrés.
Les crédits du ministère de la culture destinés au cinéma augmentent de 5,4 %. Les dépenses ordinaires et les dépenses d'investissement connaissent toutefois des évolutions contrastées.
Les crédits d'intervention affectés au CNC ne progressent que faiblement, ce qui ne permettra guère de renforcer son action de soutien aux initiatives locales, qu'il s'agisse de la sensibilisation des jeunes ou des actions de soutien au cinéma en régions.
En revanche, les crédits d'investissement connaissent une progression significative qui bénéficiera aux services des archives du film et du dépôt légal. Je m'en félicite parce que j'ai eu l'occasion de me rendre compte de la précarité de leurs conditions de travail.
En outre, le projet de budget prévoit 20 millions de francs pour l'achèvement de la future Maison du cinéma. Je souhaite que les difficultés auxquelles se heurte ce projet puissent être rapidement levées afin de permettre l'ouverture dans les meilleurs délais de cette institution indispensable à la valorisation de notre patrimoine cinématographique.
Enfin, nous nous satisfaisons des récentes mesures européennes en faveur d'un soutien de 2,5 milliards de francs à la création cinématographique.
La présidence française de l'Union européenne a permis de garder bien vivant l'espoir de voir émerger l'Europe du cinéma, notamment à l'issue de la réunion du Conseil des Quinze, le jeudi 23 novembre dernier. Au cours de cette réunion, les ministres de la culture et de la communication des Quinze ont adopté le programme européen Média Plus.
La plus grande part de ce budget visera à faciliter, pour les films européens, la traversée des frontières nationales au sein de l'Union européenne.
Depuis le mois de septembre dernier, avec l'appui efficace de la commissaire, Mme Viviane Reding, du Parlement européen et de la profession, Mme la ministre s'est beaucoup dépensée pour convaincre et mobiliser.
Ce programme d'aide à l'industrie audiovisuelle lui doit beaucoup. Il incite aujourd'hui à faire preuve de plus d'optimisme et il doit être salué comme une avancée stimulante pour l'avenir du septième art.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'en viens maintenant aux crédits du théâtre.
En 2001, l'augmentation significative des crédits consacrés, au sein du budget de la culture, au spectacle vivant et représentant 3,77 % à structure constante, permettra de poursuivre l'effort engagé en faveur du théâtre au cours des précédents exercices budgétaires.
Cet effort profite aux théâtres nationaux mais également au réseau résultant de la décentralisation.
Sur les 80 millions de francs de mesures nouvelles dégagées sur le titre IV en faveur du spectacle vivant, environ la moitié ira au théâtre.
Ces moyens supplémentaires permettront de consolider en 2001 les crédits ouverts par le collectif de printemps en faveur des centres dramatiques nationaux qui ont pâti, au cours des dernières années, d'un alourdissement de leurs charges de fonctionnement. Les subventions des scènes nationales seront augmentées dans la perspective de la négociation des nouveaux contrats d'objectifs les liant à l'Etat. La mise en place de scènes conventionnées fera également l'objet d'un effort spécifique.
Les compagnies dramatiques devraient bénéficier pour leur part de moyens supplémentaires, à hauteur de 14 millions de francs.
Enfin, comme en 2000, les dépenses d'investissement consacrées au théâtre progresseront d'une manière significative, essentiellement au bénéfice des institutions régionales. Je me félicite de cette orientation.
La politique d'équipement conduite par les collectivités locales est donc confortée, ce qui n'est que justice.
Je dois cependant souligner que l'évolution des dotations budgétaires consacrées au théâtre est difficile à apprécier. La présentation des documents budgétaires comme l'uniformisation des procédures de soutien au spectacle vivant, dont la vocation devient de plus en plus pluridisciplinaire, ne permettent plus d'identifier les crédits consacrés au théâtre au sein des enveloppes gérées par la direction unique en charge de l'ensemble des disciplines du spectacle vivant, notamment les dépenses d'intervention qui constituent le coeur de la politique de soutien à la création.
La déconcentration des crédits complique encore les choses. Faute notamment d'outils informatiques adaptés, les services centraux ne disposent, au moment où nous examinons le budget, ni d'indications fiables sur les conditions d'exécution de la loi de finances pour 2000 ni de données précises sur la répartition de l'enveloppe budgétaire entre les différentes actions pour l'année 2001.
Au-delà des inconvénients que cela représente pour un contrôle approfondi du Parlement sur le budget, cette situation révèle que les effets de la déconcentration sont encore mal maîtrisés par le ministère.
A cet égard, je ne pourrais que vous inciter, monsieur le secrétaire d'Etat, à poursuivre vos efforts pour réaffirmer le rôle d'impulsion et d'évaluation du ministère et de ses services centraux qui ne sont pas encore rompus à cette nouvelle donne administrative.
Sous réserve de ces observations, compte tenu de la volonté de poursuivre la politique de soutien à la création que traduit le projet de budget, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2001 du cinéma et du théâtre dramatique.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 40 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la culture progresse pour la quatrième année consécutive. Il s'élève à près de 16,5 milliards de francs. Avec 2,6 % d'augmentation, il représentera 0,99 % du budget de l'Etat en 2001.
Le fameux seuil du 1 %, tant convoité par tous les ministres de la culture après mai 68, n'a jamais été si proche depuis 1993, où il avait été atteint pour la première fois grâce au volontarisme de Jack Lang.
Pour autant, je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, le symbole n'a jamais eu moins de sens qu'aujourd'hui. Jean Vilar, à qui l'on doit cette célèbre revendication, remettait déjà le pourcentage à sa place : « aussi imprécis », disait-il « que peut l'être un chiffre... Cela tient du grignotage... C'est sans doute une tactique, mais est-elle vraiment efficace ? ».
Je ne crois pas le trahir en disant que l'idéal des pères de la décentralisation culturelle ne s'est jamais résolu dans un chiffre mais qui s'incarne plutôt dans l'exigence démocratique de la culture pour tous. Nous le savons tous aussi, par un tour de passe-passe destiné à masquer artificiellement une chute brutale des crédits, M. Philippe Douste-Blazy avait élargi les compétences du ministère, sans que les moyens suivent. Au fil du temps, si la ritournelle du 1 % est passé du mythe à la complainte, elle n'est en aucun cas une finalité.
Depuis vote arrivée rue de Valois, Mme Catherine Tasca et vous-même avez décidé de vous consacrer à une « refondation de la politique culturelle ». Trois objectifs prioritaires ont été clairement définis : la défense de la diversité culturelle, la poursuite de la décentralisation et l'égalité d'accès à la culture.
Défendre la diversité culturelle, c'est vouloir restaurer les « marges artistiques » pour mieux soutenir la création et les créateurs.
La tâche est ardue au regard des missions incompressibles du ministère de la culture. Nous pensions que la fin des « grands travaux » allait débrider sa capacité d'initiative. Mais vous devez faire face à des investissements trop longtemps différés, qu'il s'agisse des indispensables réparations du Grand Palais, de la rénovation de l'Odéon ou de la restauration de l'Orangerie, sans parler des chantiers à lancer, comme la Cité de l'architecture et du patrimoine à Chaillot ou la réalisation d'une grande salle de concert à La Villette. Vous avez par ailleurs « hérité » de la construction du Musée des arts premiers, quai Branly.
Au total, si l'on ajoute les charges de fonctionnement, le ministère de la culture consacrera 56 % de son budget en 2001 aux grandes institutions parisiennes, alors même que la Bibliothèque nationale de France dévore à elle seule 10 % des crédits.
Ce n'est pas l'élue parisienne que je suis qui s'en plaindrait et irait contester l'attrait de ces grands lieux de culture, ces « phares », comme le disait Baudelaire, dont les feux rayonnent dans le monde entier. Mais il faut bien constater que les marges d'action sont du coup extrêmement réduites. Je me limiterai à l'exemple du spectacle vivant : en l'espace de cinq ans, de 1994 à 1999, les subventions aux établissements publics - opéras, théâtres nationaux - ont augmenté de 32 %, celles des réseaux nationaux - centres dramatiques, chorégraphiques, scènes nationales, orchestres... - de 21 %, tandis que les compagnies dramatiques, les arts de la rue, les festivals, bref, tout le vivier de la création de demain n'a bénéficié que d'une hausse de 4 %.
Comment, dans ces conditions, pourra-t-on réussir le virage du renouveau des générations artistiques et le pari de l'élargissement des publics ? Je ne saurai le dire mieux que Tadeusz Kantor, que je cite : « ce n'est pas l'oeuvre comme produit qui importe, ce n'est pas son aspect éternel et figé, mais l'activité même de créer. »
A la faiblesse des moyens financiers s'ajoutent des difficultés que je qualifierai d'administratives.
La réforme de l'aide aux compagnies et le principe d'une aide à la création tous les deux ans, si elle a permis de soutenir plus de projets, déstabilise aussi les aventures confirmées. Par ailleurs, le réseau national des cent vingt scènes de musiques actuelles est en ordre de marche, mais peut-on actuellement promouvoir une programmation audacieuse ?
Je ne vous le cache pas, mes interlocuteurs ne comprennent pas toujours les critères d'évaluation pratiqués et m'interrogent régulièrement sur la transparence des décisions.
Le revers de la médaille est paradoxalement plus positif. La génération montante se désintéresse des lieux de l'art officiel, que se partagent depuis trop d'années les mêmes « barons de la culture ». C'est ainsi que nous voyons émerger un peu partout de nouvelles spontanéités artistiques, plus proches du tissu urbain, des quartiers, hors les murs, hors l'institution, dans les friches industrielles ou les immeubles désaffectés, bref, dans les squats artistiques.
Mon intention n'est pas de remettre en cause le processus de déconcentration des crédits, qui s'est beaucoup accéléré en l'espace de trois ans - en 2001, les deux tiers des « crédits déconcentrables » le seront effectivement. Il était nécessaire de rapprocher l'Etat des artistes et du public. Mais fallait-il autant se précipiter ? A-t-on vraiment voulu « cette déconcentration à marche forcée », alors que les effectifs dans les directions régionales des affaires culturelles n'ont pas suivi ?
Je salue la création annoncée de 514 emplois budgétaires, auxquels s'ajoutent 110 transferts d'emplois contractuels. Cela permettra en particulier de résorber l'emploi précaire, mais je souhaite savoir quels sont les moyens supplémentaires des DRAC, en particulier ceux de la DRAC d'Ile-de-France, laquelle, je le souligne, doit gérer autant de compagnies que le reste de la France !
Comme l'a dit Catherine Tasca, « l'enjeu culturel doit se hisser au rang des grands enjeux politiques », et je salue au passage la pugnacité qui lui a permis d'obtenir, pour la première fois dans le cadre d'un collectif budgétaire, 50 millions de francs supplémentaires pour la création et les créateurs. Sachez que nous serons toujours à vos côtés.
Je crois néanmoins qu'à l'avenir la culture devra plus que jamais devenir une préoccupation transversale et largement partagée. Votre ministère pourra se reposer davantage sur ses partenaires, l'éducation, les affaires étrangères ou l'environnement, l'Etat pourra lever la tête vers l'Europe, sans oublier le rôle prépondérant des collectivités locales.
Nous le savons, depuis 1996, la part des collectivités territoriales dans le financement public de la culture dépasse nettement, avec plus de 30 milliards de francs, celle de l'Etat.
Je ne peux m'empêcher de souligner que cette saine émulation - est-ce vraiment une surprise ? - ne trouve malheureusement pas d'écho dans la plus grande ville de France. La forte implication de l'Etat y est inversement proportionnelle au désengagement scandaleux de la municipalité. Avec moins de 5 % de son budget pour la culture, contre trois fois plus dans la plupart des capitales européennes,... (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Mes chers collègues, il ne s'agit que de comparaisons !
M. Louis de Broissia. Pas de campagne électorale !
Mme Danièle Pourtaud. Il ne s'agit pas de campagne électorale ! Certaines vérités sont bonnes à dire et, si elles vous dérangent, c'est dommage !
M. Louis de Broissia. Trouvez d'autres enceintes !
Mme Danièle Pourtaud. ... la mairie de Paris peut s'enorgueillir d'apporter sa contribution à l'asphyxie du ministère de la culture et brandir la lanterne rouge de l'initiative culturelle.
Quoi qu'il en soit, le second acte de la décentralisation passe nécessairement par le développement des partenariats entre l'Etat déconcentré et les collectivités locales. Il faut, comme vous l'avez décidé, inventer de nouvelles formes de collaboration avec les régions, les villes, voire les arrondissements. Osons mettre un terme à cette politique gigogne qui consiste à imiter et à reproduire à tous les échelons, sans aucune concertation !
Mais je n'oublie pas que toute politique culturelle, toute innovation ou création n'a de sens que dans sa capacité à toucher le plus grand nombre.
La démocratisation de la culture ne passe pas seulement, nous le savons bien, par des politiques tarifaires. Une politique tarifaire, sans éducation, sans éveil de la sensibilité à l'art dès le plus jeune âge, ne profite qu'à ceux qui ont déjà une pratique culturelle.
L'éducation nationale a enfin répondu à l'appel du ministère de la culture. Un plan ambitieux de 300 millions de francs permettra d'instituer de solides partenariats dès l'année prochaine. Le ministère de la culture s'engagera en mobilisant ses structures pour que la formation artistique se fasse avec les artistes et dans les lieux de spectacles. Je souhaite vivement que vous disposiez de moyens accrus dans les prochaines années pour pérenniser ces actions.
Je voudrais maintenant revenir sur un problème qui n'a que peu à voir, à mon avis, avec la démocratisation de l'accès à la culture, je veux parler des cartes d'abonnement au cinéma, lancées par les grands circuits de distribution.
Il est clair que cette trouvaille marketing ne vise qu'à capter les spectateurs et spécialement les jeunes au détriment des salles indépendantes. Ces pratiques font peser deux dangers majeurs sur le cinéma français.
Le premier danger est de faire oublier que le cinéma est le septième art et que sa diversité est essentielle à notre identité culturelle. La carte illimitée risque de transformer, surtout pour les jeunes, le choix d'un film en « sortie pop corn » : peu importe ce que l'on va voir, on « zappe » d'une salle à l'autre.
Le second danger est de tuer le réseau le plus riche du monde de salles indépendantes et d'art et d'essai, salles dont les animateurs sont des amoureux du cinéma et qui sont indispensables pour que « petits films » ou « films difficiles » puissent rencontrer un public. Conjuguée à la multiplication engagée des multiplexes, dont la programmation est totalement tournée vers les grosses productions américaines, ces pratiques commerciales risquent d'assassiner le cinéma français. Nous devons tous rester très vigilants, et il faudra certainement améliorer encore le dispositif d'encadrement proposé par Catherine Tasca.
Je ne peux conclure sans évoquer des dossiers qui engagent l'Europe, alors que s'achève la présidence française de l'Union européenne.
M. le président. Il vous faut effectivement conclure, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud. Je conclus, monsieur le président.
Je ne reviendrai pas sur le plan Média Plus. Je voudrais toutefois souligner deux inquiétudes.
La première concerne la TVA sur le disque. Au moment où toute l'industrie musicale est menacée par l'inflation des copies privées et par le piratage sur Internet, via la norme MP3, je suis plus que jamais convaincue de la nécessité d'intégrer le disque dans les produits culturels auxquels le taux réduit peut s'appliquer.
Ma seconde inquiétude porte sur le commerce électronique, qui soulève de nombreuses craintes dans le milieu de l'édition papier. Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-être pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos pistes de réflexion pour rassurer les éditeurs et les libraires indépendants.
En conclusion, vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe socaliste votera ce projet de budget, qui traduit bien, malgré les difficultés, la volonté de réformer le service public de la culture. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits du ministère de la culture et les crédits consacrés à la décentralisation culturelle. Cet ajout est heureux. Il faut, en effet, dans ce pays, faire un effort, et un effort important, en faveur de la décentralisation culturelle au niveau de l'Etat. En effet, s'il existe bien une politique culturelle locale, on la doit, pour l'essentiel, aux collectivités locales. Il est donc juste, bon et nécessaire que l'Etat en tienne compte et aide les collectivités dans leur effort de décentralisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous êtes en charge de cette décentralisation, pour laquelle je formule des souhaits de succès, permettez-moi, à l'occasion de l'examen de ce budget, de redire ici combien il est paradoxal, alors que vous affichez une volonté de décentralisation, que le premier texte que vous soyez amené à défendre dans cette enceinte vise à la création d'un monopole d´Etat dans le domaine culturel ! C'est même tout à fait contradictoire avec la volonté que vous affichez et que nous partageons.
Sur un dossier comme l'archéologie préventive, qu'on veuille bien croire que nous recherchons un accord et un bon texte, et non pas des oppositions de caractère idéologique qui, vraiment, n'ont pas leur place dans cette affaire. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous allons bientôt, dans cet hémicycle, examiner en troisième lecture ce texte qui est, je vous le redis, contradictoire avec la volonté de décentralisation que vous affichez.
De plus, il consterne - et le mot est faible ! - tous les acteurs des services locaux des collectivités territoriales dans le domaine de l'archéologie - services qui ont été créés, là encore, par la volonté de ces collectivités - qui ne sont pas encore assez nombreux et qui sentent, malgré toutes les garanties que vous avez bien voulu leur donner, malgré les propos que vous allez tenir, que leur situation va être minorée, qu'on va faire d'eux des auxiliaires qu'on utilisera quand on le voudra bien. Peu importe qu'il s'agisse d'un établissement public à caractère administratif, comme vous le voulez, ou à caractère industriel ou commercial, comme cela a été dit. Ces hommes et ces femmes attachés à leur territoire auraient voulu qu'on reconnaisse leur rôle, leur contribution et leur dignité, au même titre que les personnes au service de l'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les chiffres du budget n'annoncent pas, dans les services de l'Etat qui ont à connaître de l'archéologie, des créations de postes permettant à ceux-ci de jouer leur rôle. Il est probable qu'il s'agira plutôt, d'une certaine manière, d'un transfert à cet établissement public des responsabilités régaliennes qui sont celles de l'Etat dans la préservation des vestiges archéologiques.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de souhaiter solennellement et sincèrement qu'à l'occasion de nos retrouvailles, pour l'examen en troisième lecture du texte, il y ait de votre part, comme elle existe de la nôtre, une volonté de parvenir enfin à un accord qui, s'il dote la France d'un établissement à vocation nationale pour le service de l'archéologie, permette aussi aux collectivités quand elles le souhaitent - et même les incite à le faire - de se doter de services archéologiques responsables au premier chef de leur territoire.
Voilà ce qu'il me fallait vous dire aujourd'hui sur ce point.
On me permettra maintenant d'aborder un autre sujet qui, je le crois, est fondamental quand on parle de culture française. Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne relève pas directement de votre responsabilité, mais je crois savoir que Mme Tasca a à coeur la place et la défense de la langue française en France. Qu'y a-t-il de plus important pour notre culture que de veiller à ce que notre langue continue bien à tenir toute sa place en France même ? Or, monsieur le secrétaire d'Etat, des menaces sérieuses risquent malheureusement de se préciser année après année dans ce domaine.
Il arrive même parfois aux parlementaires qui s'intéressent à cette question d'être quelque peu découragés par les bonnes paroles avec lesquelles on leur répond et du peu de résultats obtenus sur le plan de l'action. Déjà, l'an dernier, je dénonçais à cette tribune ce problème singulier des films dits français subventionnés et aidés par nos soins - ce qui est normal - qui ont l'anglais comme version originale ! Il en est ainsi de la Jeanne d'Arc qui a fait des grosses entrées l'an dernier. Aussi singulier que cela puisse paraître, les exemples sont nombreux et se répètent.
Je viens de recevoir un exemplaire de la Nouvelle revue aérospatiale , titre bien français. Elle s'appellera désormais Planet Aerospace ! Les éditeurs ont dû se sentir un peu gênés. Ils expliquent les raisons de ce changement de titre dans un éditorial. Pour sacrifier à une mode ? Non point ! Tout simplement pour symboliser d'abord une unité dans la diversité et aussi parce que ces mots dans la langue de Shakespeare sont compris par tous les professionnels et les passionnés des technologies aéronautiques et spatiales de par le monde !
Qui ne comprend que ce mode de raisonnement peut se retrouver dans bien d'autres disciplines ? Ainsi, on nous explique qu'il est indispensable que les films français, pour être exportés, soient en anglais dans leur version originale, que la langue de la science soit maintenant l'anglais et que les scientifiques doivent s'exprimer en anglais. Et tant pis pour ceux qui sont un peu moins doués pour la langue de Shakespeare ! On nous explique encore que la langue des transports est l'anglais et, maintenant - c'est M. le ministre de la défense qui l'a dit - que l'anglais sera aussi la langue opérationnelle pour les forces françaises qui opèrent conjointement avec les troupes de l'OTAN ! Autrement dit, notre armée, dont le rôle est tout de même d'assurer la défense et l'indépendance de notre pays, reconnaît elle-même qu'elle devra de plus en plus utiliser une autre langue que la sienne !
M. Allègre, qui n'est certes plus membre du Gouvernement puisqu'il a connu quelques vicissitudes dans l'exercice de ses responsabilités ministérielles, nous expliquait, lui aussi, que nous devions nous résoudre, en France, que cela nous plaise ou non, à aller vers le bilinguisme, à voir l'anglais devenir notre autre langue.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que le ministère de la culture est aussi le ministère de la langue française, et que l'une de ses tâches primordiales est bien de veiller tout simplement au respect de notre langue en France et d'intervenir quand son usage est ainsi menacé.
Comment la France, elle qui milite pour le plurilinguisme en Europe, pour la préservation de la place du français dans les institutions internationales, serait-elle crédible si elle continue d'accepter sans rechigner que la place du français en France soit, année après année, minorée ?
Ne nous y trompons pas : encore quelques années de ce comportement en France et c'en sera fait du rôle international de la langue française ! Et nous pourrons faire toutes les grandes manifestations francophoniques possibles, pour l'essentiel, notre action dans ce domaine ne sera plus que gesticulation, théâtre.
Cela, nous ne pouvons l'accepter, monsieur le secrétaire d'Etat.
Alors, permettez-moi de m'inquiéter quand je vois que, dans ce budget, les crédits de la délégation générale à la langue française, qui est votre principal outil d'action ou d'intervention, sont stables, et à un niveau très moyen, alors même que vous avez décidé cette année d'attribuer à cette délégation générale des compétences nouvelles.
Vous souhaitez en effet que la délégation générale à la langue française s'occupe de la langue française et des langues de France. Je ne suis pas de ceux qui veulent opposer les langues de France à la langue française ; je crois que chaque langue est respectable, surtout quand elle est la langue du coeur et qu'elle est ressentie comme une langue maternelle. Je ne suis donc pas choqué que le Gouvernement veuille permettre aux langues de France de s'exprimer d'une manière ou d'une autre. Encore faut-il savoir quelle forme cela peut prendre, mais c'est là un autre débat.
En revanche, quand je constate que les crédits destinés aux langues de France sont prélevés sur les crédits, déjà bien faibles, consacrés au rôle et à la place de la langue française en France - car il apparaît clairement que ce ne sont pas des crédits supplémentaires -, je ne peux pas être d'accord, monsieur le secrétaire d'Etat. Les sommes en cause ne sont pas telles que vous ne puissiez pas, à cette mission nouvelle, consacrer des crédits nouveaux.
Je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte que votre action en faveur des langues de France ne soit pas un simple transfert des crédits de la langue française, menacée, au profit des langues de France, que vous estimez également menacées, mais traduise bien une ambition nouvelle du Gouvernement, dotée de crédits nouveaux.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, je terminerai donc en disant que, si ce budget présente l'apparence d'une certaine aisance financière et indique un certain nombre d'orientations qui peuvent être intéressantes sur des points essentiels - je pense en particulier à ce problème de la langue française, qui doit être au coeur de l'action d'un ministère comme le ministère de la culture - un gros effort reste à faire pour qu'aux mots correspondent les réalités. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de la culture pour 2001 ressemble à s'y méprendre à celui de l'année dernière. On y retrouve les mêmes priorités politiques : démocratiser, décentraliser et stabiliser les emplois et les institutions.
A structure constante, il s'élève à 16,495 milliards de francs.
Les dépenses ordinaires sont en hausse de 2,4 %. Ces crédits supplémentaires profiteront à la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques et aux interventions culturelles.
Les autorisations de programme font l'objet d'une hausse importante pour ce qui concerne les subventions d'investissement accordées par l'Etat et enregistrent une diminution sensible pour les investissements réalisés à la suite de l'achèvement programmé de plusieurs grands travaux.
Au total, le budget du ministère de la culture représentera 0,98 % des charges nettes de l'Etat en 2001. Il n'a donc toujours pas atteint l'objectif symbolique de 1 % du budget de l'Etat.
Comme du temps de Mme Trautmann, la part belle est faite à l'« art vivant », qu'il s'agisse de soutenir les créateurs ou de renforcer les moyens des structures de formation et de diffusion.
En parallèle, la contractualisation des rapports entre l'Etat et les institutions culturelles sera développée.
Des secteurs spécifiques de la création, comme le cirque, la jeune création contemporaine ou le multimédia, font également l'objet d'un soutien renforcé.
Par ailleurs, cette priorité s'exprime par un soutien plus effectif aux enseignements artistiques spécialisés, notamment aux écoles d'architecture. Nous ne pouvons que saluer ces mesures.
La deuxième priorité du budget concerne la poursuite de l'effort en matière de démocratisation : gratuité de l'accès aux musées nationaux le premier dimanche du mois, par exemple. Là aussi, nous vous approuvons totalement.
Le dernier axe prioritaire est l'établissement d'un nouvel équilibre de l'action culturelle entre Paris et la province. Cette heureuse évolution passera, comme en 2000, par la poursuite de la déconcentration des crédits - plus de 50 % des crédits d'intervention du ministère de la culture sont en effet désormais directement gérés par les directions régionales des affaires culturelles -, par la relance concomitante de la politique contractuelle avec les collectivités territoriales ainsi que par un soutien renforcé aux équipements culturels en région.
Le projet de budget pour 2001 permet, certes, de consolider les priorités, mais il sacrifie pour cela plusieurs domaines qui conditionnent à long terme l'efficacité et la pérennité de l'action culturelle et de ses institutions.
Pour la seconde année consécutive, le budget de la culture témoigne du faible intérêt accordé aux monuments historiques, les crédits qui y sont consacrés n'augmentant que de 1,4 %.
Il s'agit malheureusement là d'une vision à court terme : il est dangereux de consentir un effort aussi mesuré en faveur de l'entretien de nos monuments, car le risque est grand de devoir, un jour ou l'autre, débourser des sommes beaucoup plus importantes pour effectuer des réparations lourdes.
C'est d'autant plus grave que les tempêtes de décembre 1999 ont causé des dégâts considérables. Ils ont été chiffrés à 900 millions de francs. Mais cette estimation semble en dessous de la réalité si l'on inclut les dommages subis par les collectivités territoriales et les demandes des propriétaires privés. Aucune ligne budgétaire n'est prévue.
De même, le point noir du budget demeure la faiblesse des crédits d'acquisition. Alors que le Parlement a adopté un projet de loi relatif à la protection des trésors nationaux, on ne peut que regretter ce manque de cohérence entre les objectifs affichés et les moyens réellement mis en oeuvre.
La situation de la direction des musées de France sera particulièrement difficile puisque l'apparent maintien de ses crédits d'acquisition dissimule en réalité une amputation de 10 millions de francs. En effet, la compensation de la gratuité pour l'entrée dans les musées nationaux a été en 2000 et sera en 2001 prélevée sur le fonds du patrimoine. Avec 95 millions de francs, ce fonds est censé à la fois permettre l'acquisition des oeuvres dont le refus de certificat d'exportation est arrivé à échéance, poursuivre les acquisitions destinées au musée du quai Branly et concourir à l'enrichissement des collections des musées nationaux.
Dans ce contexte, on ne peut que dénoncer l'absence d'une véritable politique d'incitation fiscale en matière d'oeuvres d'art.
Au début des années cinquante, la France se plaçait au premier rang du marché mondial de l'art. Aujourd'hui, la situation est très différente : le marché de l'art français a décliné de 24 % au cours des dix dernières années.
On assiste à une véritable hémorragie : le ratio exportation/importation montre que sortent de France chaque année 2 milliards de francs d'objets d'art, dont les trois quarts partent vers les Etats-Unis. Le danger de fuite de notre patrimoine vers l'étranger est donc bien réel.
Il est clair que, dans le domaine culturel, l'Etat ne peut pas tout assumer. C'est pourquoi on ne peut que regretter l'absence, en France, d'encouragement au mécénat. Le mécénat d'entreprise participe pourtant activement, par exemple, à la rénovation du château de Versailles, dont le coût total est estimé à près de 3 milliards de francs sur vingt-cinq ans.
Enfin, concernant la politique de l'emploi, les efforts en matière de résorption de l'emploi précaire sont poursuivis. Le ministère affiche 300 créations d'emploi. En réalité, sur ces 300 emplois, 110 correspondent à des transferts de postes du budget de l'Etat vers celui des établissements publics.
Par ailleurs, le budget ne fait aucune mention de la situation des écoles nationales d'art, en dépit des engagements pris par Mme la ministre de la culture et de la communication lors de la signature d'un protocole d'accord de fin de grève. Elle avait d'ailleurs, à cette occasion, reconnu le bien-fondé de leurs revendications et promis des solutions rapidement.
Ces huit écoles nationales demandent la reconnaissance de leur statut d'établissement d'enseignement supérieur.
Je sais les marges de manoeuvre budgétaires limitées. Les grands établissements absorbent encore une part importante des fonds. En 1999, leur subvention de fonctionnement représentait près de 12 % du budget total.
Parmi les grands travaux, la Bibliothèque nationale de France représente un véritable gouffre financier, qui ne fait que se creuser, pour une efficacité contestable. En 2000, le coût pour le budget de l'Etat s'élevait à 1 milliard de francs. On croit rêver !
J'attends, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des précisions sur les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Malgré les carences regrettables que je viens d'évoquer, il faut reconnaître que ce budget témoigne de l'effort de rigueur qu'appelle de ses voeux la commission des finances du Sénat. Le processus de réduction de l'emploi précaire qui est engagé et le rééquilibrage entre Paris et la province sont globalement satisfaisants. Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste votera ce budget.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais aimé pouvoir saluer Mme Tasca, nouveau ministre de la culture, ayant eu pendant des décennies le privilège d'apprécier ses qualités d'efficacité et d'amabilité lorsqu'elle était à la tête de la maison de la culture de Grenoble. Puis-je vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, de lui transmettre ce modeste message ?
Nos collègues Yann Gaillard et Philippe Nachbar, que je remercie pour leurs rapports, ont bien mis en évidence les points positifs de ce budget ainsi que les réserves qu'il pouvait susciter. Aussi concentrerai-je mon propos sur la décentralisation culturelle et sur le spectacle vivant.
La création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle laissait augurer des avancées importantes dans ces deux domaines. De ce point de vue, il faut l'avouer, ce projet de budget nous laisse, du moins pour le moment, sur notre faim.
L'une des priorités affichées pour l'année prochaine est la poursuite de la construction d'un nouvel équilibre de l'action culturelle entre Paris et la province. Cette action passe par la déconcentration des crédits et la décentralisation culturelle.
La déconcentration est, on le sait, l'un des acquis et des atouts de ce ministère. Chaque année, on se félicite des avancées dans ce domaine. Ce projet de budget ne faut pas à la coutume. En 2001, 69 % des crédits d'intervention seront délégués aux DRAC, contre 67 % cette année.
Pour autant, ce satisfecit quant à l'évolution globale ne doit pas cacher le déséquilibre important qui subsiste.
Cette année, tous titres confondus et hors crédits de personnel, 31,5 % des crédits disponibles ont été déconcentrés. C'est mieux que l'année dernière, certes, où l'on atteignait 28,7 % ; c'est même mieux d'année en année, je le reconnais. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui près de 70 % des crédits restent à Paris. La capitale continue de drainer bien plus de la moitié des crédits consacrés par l'Etat à la culture.
Une déconcentration qui ne concerne, après tant d'années de réflexion et de suppliques, qu'un peu plus de 30 % du budget du ministère est-elle une vraie déconcentration ?
En outre, si l'évolution globale va dans le bon sens, certains postes marquent le pas.
Prenons les dépenses en capital, par exemple. Vous continuez de vous prévaloir, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un effort en faveur des équipements culturels locaux. Qu'en est-il réellement ?
D'abord, les taux d'évolution pour l'année prochaine des crédits d'investissement à Paris et en province sont sans comparaison.
Hors dotations destinées au patrimoine, les crédits consacrés aux équipements culturels progressent de 38 % à Paris et seulement de 7,4 % en régions, soit cinq fois moins.
En outre, les projets financés de part et d'autre sont d'une tout autre dimension. A l'exception du Cargo à Grenoble et du Centre de la mémoire contemporaine de Reims, les opérations menées en province sont nettement plus modestes que celles qui sont lancées à Paris.
Comme l'a montré mon collègue Yann Gaillard, le rapport entre les crédits d'investissement consacrés aux équipements culturels en région et ceux qui sont destinés à Paris passe de 105 cette année à 82 pour l'année prochaine. La disproportion des moyens engagés est patente. Le fort rééquilibrage dont se prévalait le Gouvernement se révèle donc précaire. On le constate également dans le domaine du spectacle vivant.
En cinq ans, le budget des établissements publics, tels que les opéras et les théâtres nationaux, a progressé de plus de 30 %, celui du réseau national, comme les scènes nationales et les orchestres de région, de plus de 20 % et, enfin, celui des compagnies et des festivals seulement de 4 %.
L'étude détaillée des crédits budgétaires pour 2001 laisse apparaître une réelle prise en compte des besoins pour les seuls établissements publics nationaux - l'Opéra de Paris, la Comédie française et les autres théâtres nationaux - alors que, pour le titre IV, l'augmentation est nettement inférieure à celle des années précédentes, et ce malgré l'arrivée de nouveaux établissements labellisés.
Les établissements nationaux, directement gérés par l'Etat, étant tous situés à Paris, à quelques exceptions près comme le théâtre national de Strasbourg, le fossé entre les moyens alloués à la capitale et ceux qui sont réservés à la province grandit.
L'une des raisons de cette évolution tient à la réduction du temps de travail dont le coût pour le seul secteur du spectacle vivant a été évalué à 110 millions de francs, soit près de quatre fois plus que la totalité des mesures nouvelles prévues en faveur de ce serveur pour 2001, lesquelles s'élèvent à 30 millions de francs.
Plus profondément, le fossé entre Paris et la province est d'ordre culturel, si je puis dire. La culture est trop souvent le fait de fonctionnaires parisiens, pour un public qui vit à Paris, qui vient à Paris ou qui aime Paris, et assez peu pour la province !
Je sais bien que votre ministère fait des efforts et je vous en sais gré.
En tant qu'homme de province, élu du monde rural depuis plus de quarante ans, je tiens à vous dire que nous ne voyons guère de trace sur le terrain de toutes ces sommes immenses consacrées à la culture dont nous parlons ici. Etant concerné et impliqué dans les affaires culturelles, je vois comme il est difficile d'obtenir localement le soutien que l'on espère des pouvoirs publics.
C'est pourquoi, malgré tous les points positifs que je reconnais, l'évolution actuelle me paraît préoccupante. Elle révèle le soutien à une exception parisienne plus qu'à une exception française. Elle reproduit à petite échelle dans les métropoles dotées de scènes nationales le schéma parisien. Qu'en est-il alors de la politique de la ville en matière culturelle et, surtout, des populations rurales situées, par définition, loin de ces pôles régionaux ?
L'exemple du Cargo à Grenoble est édifiant à cet égard. Voilà une maison de la culture que Mme la ministre a dirigée et où elle a laissé le meilleur souvenir, je dois le reconnaître. Eh bien ! pour sa « requalification », comme l'on dit, 250 millions de francs sont, paraît-il, nécessaires !
Depuis deux ans, mes chers collègues, les locaux sont vides ! Les travaux n'ont pas commencé et les appels d'offres sont infructueux. Il faudra peut être prévoir 30 millions ou 40 millions de francs de plus. Le projet artistique, auquel aucun directeur ni professionnel de l'agglomération n'a été associé, d'ailleurs, est aujourd'hui abandonné par les artistes eux-mêmes. Il faut le savoir !
Je note qu'alors que tout est bloqué les théâtres des villes de l'agglomération grenobloise n'obtiennent rien de l'Etat, tandis que, pour Le Cargo, on provisionne dix millions de francs en budget artistique sur l'exercice 2001, alors qu'il est fermé. Telle est la vérité !
Il est grand temps que l'Etat contrôle au mieux l'utilisation de ses aides et subventions.
Une décentralisation accrue devrait faciliter le dialogue entre les professionnels et l'Etat. Ensemble, ils seraient mieux à même de juger de l'authenticité et de l'intérêt des projets. On éviterait ainsi ces décisions fondées sur une vision simplifiée d'aménagement du territoire réservée aux villes-centres.
Pour illustrer ces difficultés persistantes entre une mainmise parisienne et une province encore délaissée, je finirai mon propos par une question.
La Côte-Saint-André, dont je suis l'élu, est, vous le savez, le lieu de naissance d'Hector Berlioz. En 2003, nous fêterons le bicentenaire de celle-ci. Je souhaite que soient présents de nombreux sénateurs qui, depuis de nombreuses années, manifestent leur amitié à Berlioz ainsi qu'à ma modeste personne.
Pourrons-nous encore solliciter l'Etat pour cette célébration ou devrons-nous, pour rentrer dans les cadres fixés par Paris, faire un festival de musiques actuelles, aujourd'hui au catalogue des subventions prioritaires ? Cette question est d'actualité et je souhaiterais que vous puissiez me répondre, monsieur le secrétaire d'Etat.
En fait, je suis persuadé que vous avez conscience de l'importance de cet anniversaire, que le monde entier fêtera. Mme la ministre comme vous-même vous intéressez depuis longtemps à la région. J'espère que nous pourrons compter sur vous et, par avance, je vous en exprime toute ma gratitude. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes chargé de la décentralisation culturelle. Je souhaite limiter mon intervention à la diffusion de la culture scientifique et technique.
La Cité des sciences et de l'industrie se trouve, bien entendu, à Paris et son coût de fonctionnement est très élevé. En province, nous n'avons aucun équivalent ! La fonction de ce type d'établissement est tout à fait capitale, car, dans le monde moderne, il faut de plus en plus comprendre ce qui se passe.
La technologie envahit tout, y compris les arts, d'ailleurs. Internet distribue de la musique. Les cours d'arts plastiques sur Internet sont extrêmement riches, puisque des débats peuvent avoir lieu entre des élèves, des professeurs, des artistes. Du reste, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, devraient être plus attentives à ce type de mélange entre la technologie et la culture.
Dans le même temps, l'économie se mondialise, les stratégies industrielles se modifient. La plupart des gens s'interrogent : ils ne comprennent pas ! Des sociétés de la nouvelle économie qui perdent de l'argent trouvent facilement des millions et des millions de francs, alors que des sociétés traditionnelles, des artisans ou des commerçants se voient refuser des petites avances.
Quand on ne comprend pas, on s'inquiète et on mélange tout. On mélange la vache folle et la biotechnologie, comme s'il y avait un rapport entre les deux ! On dénonce le dérèglement du climat, mais on continue à rouler en 4 × 4 ou à chauffer très fort son appartement sans se rendre compte que l'on contribue à l'effet de serre.
Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire de démocratiser le savoir, notamment scientifique, parce que, si l'on ne comprend pas la science, la technologie et l'économie nouvelle, on s'inquiète et la société se dérègle.
Mais il s'agit là d'un problème d'ordre général. Je parlerai plus particulièrement de vos responsabilités, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il existe à Paris de nombreuses structures qui font de la formation continue, et ce depuis longtemps. Le Muséum national d'histoire naturelle a été créé par le roi de France, justement pour diffuser la culture scientifique. Ensuite, on a créé le Palais de la découverte, en 1936, puis le musée de la Villette, qui est devenu la Cité des sciences et de l'industrie. Cette dernière a une vocation nationale qu'elle ne remplit pas ou trop peu !
Des projets majeurs sont mis en oeuvre, pour lesquels une contribution humaine et financière de la Cité des sciences et de l'industrie serait nécessaire. J'en citerai au moins deux : l'un se trouve à Strasbourg et il a pour objet de diffuser la francophonie, qui est chère à nos coeurs, notamment à notre ami Jacques Legendre, vers l'Europe centrale et l'Europe de l'est ; l'autre projet, situé à Sophia Antipolis, permettrait d'assurer une diffusion de la culture scientifique vers l'ensemble des milieux méditerranéens, où de nombreuses personnes ont envie de connaître la science moderne, les technologies modernes et les progrès techniques.
Ces projets sont soutenus par les forces vives locales : soit des universités, soit des grandes écoles, soit des centres de recherche, soit des industriels. Par conséquent, l'ensemble serait assuré d'un appui local très fort auquel s'ajoutent, bien entendu, les collectivités locales, qui sont toujours mises à contribution.
Il faut bien que la collectivité nationale, qui a déjà investi dans ce domaine, sollicite la participation forte de la Cité des sciences et de l'industrie. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous adjure de pousser son conseil d'administration à agir dans ce sens.
En fait, les négociations, aussi bien avec Sophia Antipolis qu'avec Strasbourg, sont déjà bien avancées. Mais peut-être craint-on que les autorités de tutelle considèrent que tout doit rester centralisé à Paris. Je ne le pense pas, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous êtes chargé de la décentralisation culturelle et je vous demande d'y veiller. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai ce budget, mais je souhaite intervenir sur son montant, parce que je crains que, finalement, dans le domaine de la culture, on ne travaille qu'à la marge des enjeux qui nous sont posés.
Je rappelle mon attachement à la création artistique et aux questions culturelles, qui prennent de plus en plus d'importance dans notre société, je devrais dire dans notre humanité : d'abord, parce que les artistes et les écrivains sont des observateurs de tout ce qui est inhabituel et inquiétant ; ensuite, parce que notre temps est confronté à la perte de sens, pour le moins à un sens suspendu, et qu'art et culture, par la place qu'ils tiennent dans notre imaginaire, sont irremplaçables ; encore, parce que, de plus en plus, le marché et les technologies sont déclarés « naturels », alors que les femmes et les hommes sont traités comme des invités de raccroc - or les arts et la culture sont le lieu de l'autonomie humaine ; enfin, parce que l'industrie du divertissement, face à la crise des façons de vivre, répand platitude et vacarme et nous cerne avec le factuel. Les arts, eux, ne sont jamais tempérés, ils convoquent la pensée, ils travaillent sur l'exception, ils sont mutins.
Bref, la civilisation n'est qu'une mince couche qui peut se rompre, d'autant que le noyau même de l'être humain est actuellement attaqué. Certains artistes vont jusqu'à dire que tout ce que nous nommons avenir est comme une roulette. J'ai lu cette phrase d'une écrivain qui n'accepte pas l'indifférence et l'égoïsme aveugles d'aujourd'hui : « J'ai si froid autour du cerveau. »
Mais je ne suis pas pessimiste. Il y aurait un développement à faire sur le foisonnement des créations artistiques et littéraires.
Toutefois, de ce débat budgétaire, je ne veux retenir que le premier développement, d'autant que dans le monde des artistes et de la culture se murmure souvent, se crie parfois, se dit presque toujours que les arts et la culture ne sont pas suffisamment dotés.
Chacun a sa façon d'entendre le chant profond du pays. J'ai voulu, par ces quelques mots, témoigner auprès de vous de la mienne qui n'oublie jamais que la création artistique, la culture, dans leur pluralisme, leur tension vibrante, dépassent la notion d'utilité. Il s'agit d'une responsabilité publique et nationale qui concerne la création et tous les citoyens, plus généralement l'émancipation des femmes et des hommes, et cela dès l'enfance, c'est-à-dire dès l'école.
J'entends que le 1 % est presque atteint. Je ne peux que rappeler, ayant été le porte-parole à la fin des années soixante du mouvement pour le 1 %, qui comptait 137 organisations, que l'objectif du 1 %, pour symbolique qu'il soit, a connu une histoire brouillée et que, surtout aujourd'hui, ce ne peut être qu'un plancher, et qu'il faut l'utiliser plus comme tremplin que comme but.
Mme Catherine Trautmann avait commencé sa tâche ministérielle avec un budget rétréci par des gels et des recompositions de compétence antérieurs, ce qui n'a pas été sans conséquence.
En intervenant comme je le fais, je veux dire que Mme Catherine Tasca et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez besoin d'un geste fort, d'un acte budgétaire d'envergure pour 2001, à la hauteur des enjeux auxquels est confronté votre ministère.
Ecoutant les arguments de l'économie et de la finance, je pense, sans en sous-estimer l'intérêt, que doit cesser l'hégémonie des comptables supérieurs sur les décisions politiques culturelles. Certes, le budget pour 2001 comporte une majoration, mais je pense surtout à celui de 2002, qui ne saurait se contenter du « 1 % », ce qui en ferait un budget à mi-côte ; et je crois que, sur cette question, il y a du courage à avoir, y compris envers ses amis.
La politique artistique et culturelle ne peut marcher à la dérive des vents budgétaires. C'est en tant que membre d'une des composantes de la gauche plurielle, soutien actif et exigeant du Gouvernement, que je dis cela. C'est encore comme maire d'Aubervilliers, ville plébéienne où il y a de véritables embellies conquises, mais aussi une mise de côté d'une partie de la population qui a l'impression d'être en trop, que je le fais. D'ailleurs, nous ne renonçons pas au développement de notre politique culturelle, préoccupée du nouage - travail inouï ! - entre créateurs et citoyens, tout aussi éloigné du consensus mou que des mondes séparés.
Et puis n'oublions pas que les actes de notre pays en ce domaine sont « sémaphore » pour nos partenaires européens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous comprendrez le sens de ma démarche qui ne vise pas simplement à ce que nous ne connaissions en France ni freinage culturel ni statu quo qui conduirait à des « agios » humains et politiques. Elle vise, au contraire, à ce que nous favorisions de nouveaux élans artistiques et culturels avec un budget dont je vous propose dès maintenant d'envisager qu'il « décolle » l'an prochain. La revue Mouvement a proposé de le doubler et a recueilli 7 000 signatures. Je propose, pour ma part, que l'on donne au budget de la culture, comme à celui de l'audiovisuel d'ailleurs, le référent du PIB. Pour ma part, je verrais bien ce budget de la culture et de l'audiovisuel atteindre ensemble 1 % du PIB.
Je veux terminer cette brève intervention - j'interviendrai lors de l'examen des articles pour dire le reste (Sourires) - en évoquant le spectacle vivant et les nouveaux chemins qu'il emprunte.
En effet, cet été, j'ai visité quatre lieux :
En Balagne, dans quatre villages corses, où le comédien Robin Renucci a pour la troisième année mis en oeuvre un rendez-vous théâtral qui, cette année, a favorisé la présentation de vingt-huit mises en scène de théâtre. Cette très belle région de la Corse s'est mobilisée autour d'actes artistiques et de paroles citoyennes grâce à l'initiative de Robin Renucci, avec pour base deux démarches : premièrement, créer des pièces de théâtre ; deuxièmement, pérenniser tout au long de l'année une formation concernant aussi bien les amateurs que les professionnels. Un très important public était là, heureux de voir s'allumer une flamme théâtrale de l'intérieur même de leurs communes, une flamme qui gagne comme une folie contagieuse et contribue à créer un espace de fraternité, une alchimie communautaire ouverte, une utopie créative avec la revendication d'installer dans l'école d'Olmi-Cappela un lieu de formation, de réflexion, de culture pour un départ nouveau des lieux.
A Uzeste, non loin de Bordeaux, qui vivait cette année son vingt-troisième rendez-vous musical animé par un enfant du pays, le musicien compositeur Bernard Lubat, la rencontre fut, avec ses spécificités, de même nature. Bernard Lubat et son équipe considérant que les subventions n'évoluaient pas au niveau de la qualité et de l'audience de leur travail annuel avaient décidé de suspendre les manifestations artistiques et d'occuper la durée des rencontres par des débats.
Là aussi, sur la base d'une mêlée, actes artistiques et paroles citoyennes, et de la durée tout le long de l'année d'une activité de formation, le rendez-vous fut d'une extraordinaire qualité. Des dizaines de débats avec des participants allant de 400 à 1 500, voire 2 000 personnes ont « troussé », comme eût dit François Mauriac, le dossier de la culture, de l'art et de la ruralité. Débat sur politique et culture, débat sur décentralisation culturelle, débat sur mondialisation et culture ponctuèrent ce rendez-vous incontournable en Gironde.
Troisième rendez-vous, Bussang. Ce théâtre de statut privé qui a cent cinq ans d'âge et qui, s'appuyant sur cette immense tradition et sur une aptitude rare à penser à neuf, a cette année, lui aussi, continué d'affirmer sa pratique d'actes artistiques du mois d'août et de formation tout au long de l'année d'amateurs dans un lieu devenu familier « la popote ».
Là aussi, un artiste, Jean-Claude Berutti, une équipe, une rigueur et un profond respect des lieux. Là aussi, un véritable mouvement, ni une troupe au sens traditionnel, ni un syndicat de la corporation du théâtre, ni un parti, le parti du théâtre, ni un enfermement - « la vosgitude » - mais une grande dimension d'échange, un croisement de paroles et d'actes, un travail de douze mois pour un rendez-vous d'un mois, on peut presque dire un peuple qui fabrique du sens.
Et cette année, un premier grand résultat : vous êtes venu, monsieur le secrétaire d'Etat, consacrer une étape décisive de Bussang, c'est-à-dire une convention de principe et de subvention associant - c'est une première nationale - les trois régions d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté, le conseil général des Vosges et l'Etat. Dans ce gros bourg vosgien, c'était vraiment un acte de confiance dans l'avenir que cette signature.
Quatrième rendez-vous, à Aubervilliers, au mois d'août, un collectif critique et artistique, avec en son coeur le chorégraphe François Verret, recevant au « Labo » d'Aubervilliers le théâtre itinérant du Cameroun avec un très large public complétant tout un travail original au long de l'année qui tourne autour des langues - une centaine de langues sont parlées dans notre ville - qui tourne autour du cirque, élément de création populaire mais qui ne triche jamais avec la réalité, qui tourne autour du travail de mémoire, notamment du quartier.
Actuellement, nous préparons une rencontre entre Robin Renucci, Bernard Lubat, François Verret et Jean-Claude Berutti afin d'approfondir ces initiatives d'authentiques décentralisations, de grande qualité artistique et de formation permanente d'amateurs. Il n'y a pas plus de miracle culturel que de miracle social, mais en Balagne, comme à Uzeste, comme à Bussang, comme à Aubervilliers, se construit d'une manière vivante et démocratique un énorme labeur sur le sens qui concerne toute la société, tant il est vrai, comme le dit Torga, que « l'universel c'est le local sans les murs ».
M. le président. Il faut conclure !
M. Jack Ralite. Je continuerai tout à l'heure mon intervention. (Rires. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. N'ayez aucune crainte, monsieur Ralite, je vous laisserai à chaque fois le temps imparti à chaque orateur, mais pas plus.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes invités aujourd'hui à discuter du budget de la culture, dont l'élaboration répond à trois priorités essentielles : le soutien de la diversité culturelle, les garanties d'égalité d'accès et le renforcement de la décentralisation.
Certains ont cru pouvoir affirmer, notamment lors des récents débats au Palais-Bourbon, que de telles priorités n'étaient que très classiques. Mais peut-on parler sérieusement de classicisme lorsque la politique culturelle du Gouvernement, engagée depuis 1997, a pour objectif la démocratie culturelle ?
L'une des plus importantes missions du ministère de la culture est, en effet, de favoriser l'accès de la culture dans ses différentes composantes et au plus grand nombre.
Or, en réalité, le contenu artistique proprement dit et le prix d'accès à une activité culturelle sont aujourd'hui les facteurs déterminants de l'affluence du public.
Dès lors, nous devons nous attacher, d'une part, à favoriser l'éducation artistique de l'ensemble de nos concitoyens, qui va de pair avec un élargissement des formes artistiques, et, d'autre part, à encourager le développement de manifestations gratuites.
Les caractéristiques du projet de budget de la culture pour l'année 2001 répondent à ces attentes essentielles pour notre société.
Pour illustrer l'importance de telles directives budgétaires, je prendrai l'exemple de l'extraordinaire diversité de la programmation de l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette. En effet, cet établissement propose des activités artistiques d'une grande variété en organisant notamment des spectacles allant du cirque au festival de jazz, des manifestations de plein air gratuites telles que le cinéma de plein air ou les bals-concerts, des expositions à thèmes très différents et la création de jardins artistiques.
Le résultat d'une telle politique est qu'aujourd'hui le public de la Villette est d'une incontestable diversité sociale, puisqu'il est composé de familles, de jeunes et moins jeunes, démontrant une vraie mixité sociale.
Cet exemple me semble parfaitement justifier les objectifs du projet de budget de la culture qui nous est présenté, objectifs qui ne peuvent que recevoir notre soutien.
Par ailleurs, nous pouvons tous constater que la forte progression du budget de la culture démontre que le Gouvernement, considérant cette politique comme prioritaire, met en oeuvre des moyens financiers importants.
Nous ne pouvons qu'être satisfaits du fait que, compte tenu de l'inscription de crédits relatifs à la réserve parlementaire dans la loi de finances initiale pour 2000, le budget de la culture bénéficiera en 2001 de 457 millions de francs de crédits supplémentaires par rapport à ceux qui ont été mis effectivement à sa disposition en 2000, soit une progression de 2,8 %.
En 2001, le budget de la culture représentera donc 0,994 % du projet de loi de finances.
Certes, le pourcentage symbolique du « 1 % culturel » n'a pas été encore atteint cette année. Toutefois, comme le soulignait très récemment Mme la ministre, ce pourcentage n'a jamais en lui-même représenté une politique. Il constitue uniquement le symbole d'un véritable engagement du Gouvernement en faveur de la culture. D'ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que vous souhaitiez désormais réfléchir à l'au-delà du 1 %. En effet, si le budget pour l'année 2001 est équilibré dans son ensemble, il nous faudra poursuivre l'effort entrepris.
Les établissements publics culturels, tant nationaux que locaux, sont devenus des acteurs essentiels de l'activité culturelle en France. L'influence des musées nationaux, notamment, dépasse d'ailleurs très largement le cadre national et contribue à l'image de la France.
Or, s'il est vrai que votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, prévoit d'importantes subventions pour les établissements culturels, puisqu'elles représenteront en 2001 près de 27 % du budget de la culture, il conviendra très prochainement de faire en sorte que cet effort budgétaire soit poursuivi et amplifié, notamment pour les crédits affectés à l'acquisition d'oeuvres d'art.
En effet, depuis trois ans, ces crédits stagnent, alors même que le marché de l'art s'est fortement développé. La situation est d'autant plus préoccupante que la compensation de la gratuité de l'entrée des musées, mesure par ailleurs excellente, vient en déduction des crédits d'acquisition.
Je citerai l'exemple du centre Georges-Pompidou, pour qui, comme vous le savez, j'ai une particulière affection, que je partage avec vous, mes chers collègues, mais aussi avec de très nombreux Français et visiteurs venant du monde entier. Le succès populaire de sa réouverture, le 1er janvier 2000, l'illustre parfaitement.
En effet, les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art du Musée national d'art moderne-Centre de création industrielle s'élèvent à un peu plus de 28 millions de francs. Toutefois, sur ces crédits, le centre devra rembourser une avance du fonds du patrimoine effectuée en 2000 pour l'acquisition d'une oeuvre d'Yves Klein. En conséquence, les moyens financiers disponibles pour l'acquisition d'oeuvres d'art en 2001 ne s'élèveront qu'à 19,2 millions de francs.
Les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art attribués au centre Georges-Pompidou se situent ainsi au même niveau depuis plusieurs années. Cet exemple atteste des difficultés rencontrées par les établissements culturels.
Dès lors, il est à craindre, à moyen terme, que nos musées ne puissent poursuivre efficacement leur politique d'acquisition, faute de crédits suffisants, compte tenu de la concurrence, notamment anglo-saxonne. Il est donc important que les crédits d'acquisition soient augmentés dans les meilleurs délais. A cet égard, notre collègue Yann Gaillard, également membre du conseil d'administration du centre, est en mesure d'apporter son témoignage. Nous espérons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apporterez une réponse à la fois encourageante et conforme au contexte général.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement a démontré son attachement à la protection de notre patrimoine culturel, notamment en donnant à la fois au marché de l'art et à nos trésors nationaux un encadrement législatif.
Enfin, j'évoquerai brièvement la situation de la BNF, la Bibliothèque nationale de France. Je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, que la subvention affectée à la Bibliothèque nationale de France soit fortement augmentée afin de permettre le développement des services offerts au public et aux chercheurs. En effet, si la BNF a connu récemment de graves difficultés - nous en sommes très conscients - cet établissement, en raison de sa conception novatrice et d'un personnel de grande qualité, est en passe de devenir l'un des vecteurs les plus importants de notre culture.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, définit ainsi une approche démocratique de la culture. Nous le voterons donc avec conviction et enthousiasme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en écoutant tout à l'heure avec beaucoup de plaisir M. Ralite, je pensais que la culture était la manière dont notre vie, tel un diamant brut, était taillée en de multiples facettes. Ce soir, je n'aborderai que trois facettes.
Je formulerai tout d'abord une remarque de fond, monsieur le secrétaire d'Etat ; M. Fabius aurait quand même pu faire un petit effort pour vous accorder les 6/100 000e qui vous auraient permis d'atteindre le seuil un peu fétichiste de 1 % du budget de l'Etat, seuil auquel je n'attache, pour ma part, pas d'importance considérable, mais qui aurait tant fait plaisir à certains ! Je prends donc acte de la fin de ce fétichisme.
Je me contenterai d'aborder trois sujets, à savoir le patrimoine, le cinéma et les grands travaux provinciaux.
S'agissant du patrimoine, permettez-moi de vous faire part de notre surprise face à la faiblesse déconcertante des crédits alloués. Là aussi, je pensais que votre ministère pouvait être mieux encouragé. La stagnation est inquiétante ; quelle que soit la manière dont on peut présenter la consommation des crédits, il me paraît important de souligner, après M. le rapporteur spécial, que les collectivités locales et les particuliers demeurent heureusement actifs dans ce domaine essentiel de la culture des Français, à laquelle il sont tous très attachés, tout comme le sont les Européens et tous les touristes du monde.
Je constate que les dépenses d'entretien pour les monuments appartenant à l'Etat représenteront moins de 200 000 francs par bâtiment. Que peut-on faire avec cette somme ? Les collectivités locales s'inquiéteraient de disposer de crédits aussi faibles.
J'espère également, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous accorderez crédit quant à l'inquiétude que nous avons témoignée à l'égard de la consommation, à la suite de la tempête, des 300 millions de francs consacrés aux monuments historiques appartenant à l'Etat et des 200 millions de francs consacrés aux monument historiques n'appartenant pas à l'Etat, sommes qui - et je me réfère à ce que disait notre collègue Herment - ne correspondent qu'à la moitié des crédits d'urgence qu'il aurait fallu inscrire. Pouvez-vous dresser ce soir le bilan des mesures prises et nous indiquer l'état d'avancement de ces réparations ?
J'exprime donc, sur ces crédits consacrés au patrimoine, des réserves qui, malheureusement, sont récurrentes dans nos discussions budgétaires. Je regrette que vous n'ayez pas été encouragé plus fortement par Bercy.
Je veux exprimer, en revanche, une certaine satisfaction quant à votre approche du cinéma. Le secteur cinématographique a connu une période heureuse. La France reste un pays où le cinéma est un art apprécié de nos concitoyens. Mme Tasca, à l'occasion du Congrès des exploitants, a tenu les propos qui convenaient en disant qu'il fallait veiller au maintien de la diversité des lieux d'accès au cinéma, dans les centres-villes, dans les communes, mais aussi à leur périphérie, et être vigilants quant à la variété des programmations.
Permettez-moi néanmoins - chat échaudé craint l'eau froide ! - de vous dire que, quelles que soient les mesures que nous prendrons, votre ministère devra veiller au respect des engagements pris au moment des ouvertures de salles multiplexes. Je suis bien placé pour le dire. Si le cinéma d'art et d'essai est protégé sur le papier lors de l'ouverture d'une salle multiplexe, il ne l'est jamais dans les mois ou les années qui suivent. Je vous invite à venir à Dijon constater sur place ce qui se passe avec l'Eldorado, et il y a hélas ! beaucoup d'autres cas de ce type en France !
Je pense d'ailleurs que nous ne devons pas nous obnubiler sur le problème des cartes d'abonnement illimité. Ces cartes ont le mérite de permettre la démocratisation de l'accès à la culture, en particulier pour les plus jeunes. Elles incarnent, il est vrai, une pratique purement commerciale à laquelle nous devrons veiller.
La spécificité du cinéma français est aujourd'hui préservée, avec un film sur trois. Je pense que le ministère a les moyens de poursuivre dans le sens que souhaite le Sénat.
Je terminerai mon intervention par une facette locale. On parle beaucoup des grands travaux parisiens, et j'ai entendu quelques-uns de mes prédécesseurs les évoquer. Mais il existe aussi des grands travaux - ô tout relatifs ! - en province. J'en donnerai un exemple, ayant la chance de m'exprimer en dernier.
Voilà 2052 ans, sur le plateau d'Alésia, là où serpente le TGV, Jules César a engagé un siège qui a duré quarante jours. Nous engageons la réhabilitation de ce site. C'est pour nous, à l'échelle de la Bourgogne, du département de la Côte-d'Or, de l'Auxois et sans doute de l'Europe, un combat et un travail de grande importance au moment où le film Vercingétorix va remettre en lumière l'acteur majeur de l'unité nationale qu'a été très provisoirement ce chef gaulois.
Ce dossier est connu de votre ministère. C'est, à mon avis, un exemple remarquable de patrimoine reconstruit, restitué et de décentralisation. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que votre soutien, en 2001, soit non pas seulement moral, mais aussi concret et financier. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un honneur que de présenter aujourd'hui, au nom de Catherine Tasca et en mon nom propre, le budget du ministère de la culture devant une assemblée que je connais bien et où j'aime à me retrouver.
M. le président. Et qui est ravie de vous retrouver, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Cela intervient huit mois après notre double nomination, le temps, en ce qui me concerne, d'entamer plus que largement ce que j'ai appelé un « Tour de France de la culture » et donc d'observer, mais surtout de dialoguer et d'échanger avec l'ensemble de ceux qui font la culture dans ce pays, les artistes et les professionnels, les administrations et, bien sûr, les élus.
Ce que je retiens particulièrement, c'est l'appétence de notre pays en matière artistique et culturelle, mais c'est aussi le mouvement, les mutations profondes qui le traversent et le dynamisent en profondeur.
Le regard « décentralisé » que je porte sur ce nouveau paysage est tout à fait optimiste. Non seulement l'histoire culturelle « exceptionnelle » de la France se poursuit dans un champ institutionnel élargi et vivant, mais elle s'enrichit d'un foisonnement d'expériences nouvelles, de pratiques innovantes qui bousculent les catégories, les hiérarchies et les disciplines. Nous devons y être attentifs, fidèles précisément à notre histoire spécifique.
Cette affirmation initiale relève d'une conviction profonde et ancienne qui considère l'art et la culture comme un vecteur essentiel du développement de la société, et mon expérience d'élu à la culture me rappelle, s'il en était besoin, qu'il n'est pas de politique culturelle sérieuse qui ne s'appuie à la fois sur le plus haut niveau d'exigence artistique, tel que je l'ai bien connu en travaillant aux côtés du Théâtre des Amandiers, et l'action inlassable, toujours renouvelée, toujours à inventer auprès du et des publics.
Les enseignements de cette expérience nouvelle ajoutés à mon cheminement personnel me conduisent naturellement à une pleine convergence de vues avec Catherine Tasca.
L'Etat, donc notre ministère, doit affirmer la présence de la création au coeur de la cité, rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres dans toute leur diversité, y compris dans leurs nouvelles inspirations.
C'est le sens premier du soutien de l'Etat, c'est ce qui fonde la légitimité de son intervention. Celle-ci est aujourd'hui reconnue tant par les professionnels que par toutes les collectivités territoriales qui, depuis des décennies, ont consenti des efforts considérables.
Alors que le temps libéré s'accroît, le risque est grand, malgré l'élévation du niveau éducatif de nos concitoyens, d'une standardisation de la culture et des loisirs culturels. Alors que le marché y occupe une place de plus en plus forte, le rôle de l'Etat me paraît aujourd'hui encore plus nécessaire pour soutenir la création dans sa diversité, pour garantir l'égalité devant la culture, pour équilibrer l'offre culturelle au bénéfice de l'ensemble de nos villes, de nos quartiers et de nos territoires.
A quelques jours du sommet européen de Nice, je souhaite rappeler devant vous la position de la France. Le Gouvernement s'est prononcé très clairement sur l'article 133-5. Il défendra le maintien de la règle de l'unanimité pour les secteurs de l'audiovisuel et de la culture. Notre attachement à la diversité culturelle et à la promotion d'une identité culturelle française et européenne est bien l'un des combats majeurs.
Face à la logique marchande qui est aussi une réalité pour le champ culturel, l'Etat peut-il se contenter de colmater les digues ? Il y a une manière de résister qui fait avancer plus vite ce que l'on veut contenir.
J'accorde ma préférence à un autre dessein : agir, et non pas seulement réagir. Je veux ici souligner ma profonde convergence avec vos propos, monsieur Ralite. Cela implique de proposer du sens, et non de l'imposer, d'indiquer aujourd'hui ce que pourrait être la politique culturelle de demain.
Le budget que j'ai pour responsabilité de présenter devant vous s'y efforce. Toutes les mesures nouvelles qu'il comporte traduisent un esprit, une visée : contribuer à ouvrir en grand les portes du débat public et citoyen qui est absolument nécessaire.
Avec un total de 16,496 milliards de francs, soit 0,994 % du budget de l'Etat, le budget de la culture a anticipé sur l'objectif fixé par le Premier ministre en 1997, de 1 % du budget de l'Etat à la fin de la législature. Si cet objectif n'a jamais en lui-même représenté une politique - vous avez raison de le souligner, madame Pourtaud - il est bien cependant le symbole d'un véritable engagement de notre Gouvernement.
Avec 415 millions de francs de mesures nouvelles, le budget de la culture connaît une progression de 2,6 %, supérieure à celle qui a été enregistrée entre 1999 et 2000, et plus de deux fois supérieure à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat.
Le budget pour 2001 marque également une progression très significative en matière d'emploi : le ministère s'inscrit résolument dans la politique de résorption de l'emploi précaire, et je remercie M. Nachbar de son appréciation. C'est ainsi que 300 vacataires seront stabilisés dans des corps correspondant à l'ensemble des catégories A, B et C. Par ailleurs, les établissements publics bénéficient de 315 créations d'emploi.
Ainsi, nous nous attachons à sortir progressivement d'une situation socialement et fonctionnellement très fragile liée à un recours excessif à des agents précaires pour satisfaire des besoins permanents du service public.
Je suis particulièrement sensible aux préoccupations que vous avez manifestées, messieurs les rapporteurs, ainsi que madame Pourtaud ou monsieur Herment, envers la capacité du ministère à épauler la déconcentration de ses objectifs et de ses moyens par des effectifs suffisants dans les DRAC.
Sur ce dernier point, je tiens à dire ici que le mouvement entrepris depuis dix ans de renforcement des effectifs des directions régionales des affaires culturelles a connu une réelle accélération, sur laquelle il n'est en aucune façon question de revenir, bien au contraire. Entre 1990 et 1999, l'effectif des directions régionales est passé de 1 470 emplois à 1 807, soit une augmentation de 23 % qui me semble attester d'une aptitude du ministère à la réforme de son fonctionnement, puisque ce renforcement des effectifs a coïncidé avec l'augmentation de la part des crédits déconcentrés dans le budget : 70 % du titre IV est aujourd'hui déconcentré, monsieur Boyer. Plus encore, en 1999, la décision a été prise de transférer 200 emplois supplémentaires sur quatre ans, jusqu'en 2002, et ce sont 50 emplois dont la création est prévue en 2001. C'est donc sur un objectif de croissance des effectifs en DRAC de 11 % que je vous donne rendez-vous au terme de l'année 2002.
Je voudrais dire là encore que ce transfert d'emplois est à la fois quantitatif et qualitatif. Je pense notamment à la nomination de quatre nouveaux conseillers en architecture et à nos travaux en cours sur le statut des conseillers sectoriels.
Je relève dans les rapports de MM. Nachbar et Gaillard une inquiétude sur l'efficacité, la rigueur et la transparence de la gestion des crédits de notre ministère. Je tiens à leur dire que le nouveau logiciel Quadrille, dont M. Nachbar réclame la mise en service, sera effectivement opérationnel dès le début de l'année 2001.
Ce budget pour 2001 permettra, à partir de l'existant, de mettre en oeuvre des actions nouvelles conformes à nos priorités.
Les moyens supplémentaires seront mis au service de deux objectifs majeurs : d'une part, renforcer la création et la diffusion des arts vivants ; d'autre part, maintenir un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.
S'agissant du premier objectif, dès notre arrivée au ministère, vous le savez, nous avons souhaité l'inscription au collectif de printemps de 50 millions de francs de crédits au bénéfice de la création et des créateurs. Le Parlement a adopté cette mesure.
En 2001, 80 millions de francs de mesures nouvelles porteront à 2 263 millions de francs les crédits d'intervention destinés au spectacle vivant. En outre, les théâtres nationaux bénéficieront de 13 millions de francs de mesures nouvelles, dont 6 millions permettront notamment au théâtre de Chaillot d'enrichir sa programmation en s'ouvrant largement à la danse.
Mais, je l'ai souligné dans mon introduction, le champ artistique s'élargit tous les jours, et la création passe aujourd'hui aussi par de nouveaux lieux, par l'éclosion de disciplines nouvelles que nous devons accompagner.
M. Ralite évoque des expériences passionnantes, atypiques, qui, de la Balagne à Aubervilliers, transforment tel ou tel territoire en laboratoire dédié simultanément aux artistes et aux populations. Il a raison de les mettre en valeur, car elles traduisent toutes un nouveau rapport à la création et à l'action culturelle.
La réforme du soutien aux compagnies a permis d'ouvrir le dispositif aux jeunes équipes théâtrales et chorégraphiques, qui bénéficieront, l'an prochain, de 14 millions de francs de mesures nouvelles.
En ce domaine, je voudrais dire à Mme Pourtaud ainsi qu'à M. Gaillard que la réforme de l'aide aux compagnies, mise en place en 1999, a permis de maintenir globalement le nombre des compagnies aidées chaque année : environ 580 sur les 1 500 qui se déclarent professionnelles.
Le nouveau dispositif identifie deux modes d'intervention dans le soutien aux compagnies, comme vous l'avez parfaitement souligné, monsieur Vidal.
D'abord, le conventionnement, qui permet d'accompagner sur la durée l'activité d'une équipe permanente dont le rayonnement, la régularité professionnelle et les capacités de recherche sont avérées : le nombre des compagnies conventionnées est passé de 167, en 1998, à 245 en 2000, tandis que le montant moyen des aides de l'Etat progressait simultanément.
Ensuite, l'aide à la production, qui vise à donner de vrais moyens à des projets de création ambitieux, ajustés le mieux possible à la réalité de chaque compagnie, en sachant que la règle d'un subventionnement tous les deux ans est assouplie.
Le programme de conventionnement des théâtres de ville, devenant théâtres conventionnés, se poursuit à un rythme régulier, monsieur Nachbar.
L'année 2001 sera consacrée « année du cirque », avec une dotation supplémentaire de 9 millions de francs.
Par ailleurs, le soutien à la création implique désormais une aide à la création artistique multimédia. Ce nouveau mode d'expression, souvent pluridisciplinaire, porté par de jeunes créateurs, s'adapte mal à l'organisation et aux procédures des services traditionnels ; et pourtant, il fait preuve d'une rare vitalité ! Nous avons donc décidé la création d'un dispositif fonctionnant comme un guichet unique, doté de 4 millions de francs.
Dans le domaine cinématographique, je note que M. Vidal souligne dans son rapport « la vigueur, les capacités de renouvellement de la production et le niveau élevé de la fréquentation des salles », ce qui constitue de grands motifs de satisfaction, même si la vulnérabilité de ce secteur oblige à une vigilance de tous les instants.
Les aides du Centre national de la cinématographie au cinéma et à l'audiovisuel connaîtront une progression très sensible en 2001.
Le compte de soutien devrait augmenter de 9,7 %. Cette progression profitera prioritairement, dans le secteur du cinéma, aux aides sélectives destinées aux salles d'art et d'essai, à l'écriture, à la distribution et au court métrage.
On a évoqué le site de Bercy, dont l'ouverture est prévue en 2002. Il bénéficiera de 35 millions d'autorisations de programme.
Concernant les cartes d'abonnement, Catherine Tasca, on le sait, à réagi fermement et, jeudi dernier, M. le Premier ministre a redit sa préoccupation, madame Pourtaud, quant au risque qu'elles font peser sur les maillages des cinémas indépendants.
Enfin, une politique en faveur de la création passe par la formation des créateurs de l'avenir : comédiens, artistes plasticiens, architectes, etc. Avec 52 millions de francs de mesures nouvelles, les crédits consacrés aux enseignements artistiques atteindront 1,7 milliard de francs en 2001, soit une progression de plus de 18 % depuis 1999.
Le Palais de Tokyo, monsieur Gaillard, verra bien le jour.
Quant au protocole sur les écoles d'art, monsieur Boyer, il se met bien en place grâce au développement des passerelles avec l'Université, au statut des enseignants, que nous étudions, et au statut futur des écoles nationales.
Le deuxième objectif que Catherine Tasca et moi-même nous sommes fixé vise le maintien d'un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.
J'ai bien entendu la préoccupation majeure des rapporteurs concernant en quelque sorte le cercle diabolique de la préservation patrimoniale quand augmente, avec notre désir de mémoire, le nombre de bâtiments qui seraient à protéger. Cette crainte, que je comprends, pourrait d'ailleurs intervenir aussi en nuance des critiques sur l'insuffisance de l'engagement du ministère : il y aurait comme une fatalité dans ce mécanisme, par nature culturel, qui nous fait les uns et les autres nous sentir responsables, souvent partenaires, de la préservation active du patrimoine.
Il est vrai que ce désir de mémoire ouvre en quelque sorte sur la « patrimonialisation » des approches des territoires quels qu'ils soient, et, de ce fait, en effet, nous pouvons, à propos du patrimoine, nous concevoir dans la démarche éternellement répétée de Sisyphe.
Mais je me souviens aussi qu'Albert Camus écrivait dans le Mythe de Sisyphe qu'il fallait « imaginer Sisyphe heureux ». C'est pourquoi sans naïveté ni angélisme, je souhaite faire trois remarques préalables.
Premièrement, je voudrais rappeler les graves annulations de crédits des exercices 1996 et 1997,...
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. ... atteignant, 500 millions de francs, soit 30 % du budget du patrimoine, et faire observer le spectaculaire rétablissement, avec, aujourd'hui, une enveloppe globale de 1,68 milliard de francs !
M. Ivan Renar. Ce sont les conservateurs qui ne conservent rien !
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat. Deuxièmement, les opérations de restauration des monuments historiques relèvent d'une programmation pluriannuelle. C'est donc au regard d'un effort poursuivi sur plusieurs exercices que doivent être appréciés les moyens consacrés à la restauration du patrimoine relevant du ministère de la culture et de la communication.
Troisièmement, pour les monuments historiques en régions et n'appartenant pas à l'Etat, des coopérations se mettent en place entre conseil régional, conseil général, ville et Etat, ou encore des crédits sont inscrits au contrat de plan Etat-région.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos et, en outre, nuancer les critiques persistantes sur le déséquilibre entre Paris et les régions.
La cathédrale d'Amiens, monument historique appartenant à l'Etat et classé au patrimoine mondial, vient de connaître un dommage. La restauration des parties extérieures des flancs nord et sud, pour un montant total estimé à 125 millions de francs, fait l'objet d'une convention de l'Etat avec trois collectivités territoriales pour une réalisation des travaux de 2000 à 2006.
Le plan pour la sauvegarde du patrimoine antique de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est inscrit au contrat de plan Etat-région 2000-2006. Sont prévus 700 millions de francs de travaux sur sept ans qui concernent différents monuments antiques à Arles, Fréjus, Orange ou Nice.
Ces éléments éclairent les chiffres du budget pour 2001.
Avant de les aborder, je voudrais revenir, pour répondre à M. de Broissia, sur les tempêtes des 26 et 27 décembre 1999 et sur leurs conséquences.
Dans les jours qui ont suivi, le ministère de la culture et de la communication s'est immédiatement mobilisé, et tout particulièrement ses directions régionales des affaires culturelles.
Pour les monuments appartenant à l'Etat, les dommages les plus importants ont frappé les domaines de Versailles - ils sont évalués à 250 millions de francs, dont 5 millions de francs seront financés par des souscriptions du public - de Saint-Cloud - ils atteignent près de 40 millions de francs - mais aussi les cathédrales de Rouen et de Paris.
Pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat, les dommages s'observent tant sur les édifices que sur les parcs et jardins. Les parcs et jardins ont été, pour certains, ravagés, jusqu'à 90 %.
Notre patrimoine a donc été durement éprouvé. Le montant global des dommages non couverts par les assurances a été évalué à 800 millions de francs. Le collectif budgétaire voté au mois de juin a d'ores et déjà dégagé des crédits de 500 millions de francs, inclus dans « les avenants tempêtes » aux contrats de plan Etat-région et, bien sûr, nous attendons le collectif budgétaire de fin d'année 2000.
Il convient de rappeler que, pour contribuer à cet effort, les dotations ordinaires d'entretien ont été exceptionnellement augmentées de 60 millions de francs : 30 millions de francs pour les monuments de l'Etat et 30 millions de francs pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat à cet effort.
En 2001, concernant le patrimoine, je veux rappeler ici le vote imminent du projet de loi sur l'archéologie préventive. J'ai le sentiment, monsieur Legendre, que nos points de vue ne sont pas très éloignés, mais nous n'avons pas la même lecture de ce texte dont nous allons débattre à nouveau bientôt.
Le budget global du patrimoine progressera de 43 millions de francs. Outre les 14 millions de francs du budget pour 2001 qui permettront de poursuivre en priorité la restauration de grandes cathédrales - Bourges, Strasbourg, Beauvais - les travaux sur les grands monuments - Grand Palais, Opéra Garnier, Chaillot, Musée du Louvre - sont poursuivis, avec une augmentation globale de 13,55 millions de francs.
L'ensemble de ces grandes opérations a représenté, ces dernières années, une part très significative du budget global alloué aux monuments historiques de l'Etat entre 13 % et 42 %.
En 2000, 192 millions de francs sur les 852 millions de francs affectés aux monuments historiques de l'Etat leur ont été consacrés, et en 2001, ce sera 205,5 millions de francs sur 880 millions de francs.
En ce qui concerne le patrimoine n'appartenant pas à l'Etat, les demandes de financement sont sans cesse plus nombreuses pour des opérations souvent très lourdes. Parmi les opérations importantes qui continueront d'être financées en 2001, il convient de citer notamment la poursuite de la restauration de la flèche de l'église Saint-Maclou à Rouen, qui s'élève à 4,75 millions de francs, opération dont la réalisation est prévue dans la convention signée en 1998 avec la ville de Rouen.
L'effort en faveur de la restauration du patrimoine rural non protégé se poursuit, avec le maintien de 35 millions de francs en 2001, et sera développé dans le cadre des crédits réservés aux « protocoles de décentralisation ».
Je voudrais souligner l'ensemble des actions de sensibilisation au patrimoine qui sont conduites par le ministère, notamment avec la réforme du centre des monuments nationaux, dont la mission d'ouverture au public est redéfinie dans le sens de l'égalité d'accès de tous à la culture et d'une meilleure diffusion des connaissances. Elle tend à rapprocher la notion de monument de celle de musée et de pôle d'animation culturelle en prise sur la création artistique.
Par ailleurs, associé aux opérateurs locaux du tourisme, le Centre des monuments nationaux participe au développement du tourisme culturel. Il joue un rôle important en termes d'aménagement culturel du territoire et de démocratisation de la culture.
On peut citer également les journées du patrimoine, qui auront cette année pour thème le patrimoine du xxe siècle et qui rencontrent un succès croissant, 11,5 millions de visiteurs ayant été recensés l'an dernier. Cet accès démocratique à la culture patrimoniale se trouve ainsi renforcé et s'inscrit dans le droit-fil de la résolution pour la qualité architecturale qui vient d'être votée par le conseil des ministres européens de la culture, sous la présidence française.
L'objectif culturel est bien d'allier la dimension historique du patrimoine et la création architecturale dans le débat sur l'avenir de la ville et d'associer les habitants à celui-ci. La configuration et la qualité des espaces publics, leur conception et leur transformation, l'intégration du patrimoine et de la création architecturale sont en effet autant de questions qui concernent tous nos concitoyens, ainsi que nos voisins européens.
Nous constatons tous le succès de fréquentation, en termes de visite comme en termes de rendez-vous réguliers, des musées de France. L'institution du musée connaît de profondes mutations, qui toutes tendent, en quelque sorte, à désacraliser l'accès au musée, l'accès à l'oeuvre, en même temps qu'elles attestent de la réalité fédératrice, structurante du musée dans notre rapport à la culture. C'est d'ailleurs une observation que nous avons largement partagée avec la commission que présidait M. Alfred Recours.
C'est dans cette optique que les musées classés et contrôlés verront leurs autorisations de programme progresser de 8 %. Les monuments historiques abritant des musées seront privilégiés. Nous mènerons ainsi une cinquantaine d'opérations sur l'ensemble du territoire. A Paris, notre ministère contribuera ainsi, à hauteur de 376 millions de francs, à la première phase de construction du futur musée du quai Branly. Je ne peux évidemment pas ne pas mentionner, puisque nous parlons de Paris et de la province, la décentralisation à Marseille du musée des arts et traditions populaires, projet que Catherine Tasca et moi-même avons repris et auquel nous travaillons.
Cette politique patrimoniale rejoint une forte attente du public et contribue au rayonnement culturel de notre pays. En effet, en 1999, 49 millions de personnes ont visité nos musées, et les chiffres de l'année 2000 devraient marquer une nouvelle progression.
Dans ce même champ patrimonial, nous soutiendrons massivement l'effort de modernisation des bâtiments d'archives entrepris par les collectivités territoriales.
Enfin, s'agissant des bibliothèques, nous poursuivrons la modernisation du réseau, y compris en milieu rural. Il s'agit notamment d'accélérer la généralisation de l'application des techniques de l'information et de faciliter la numérisation des fonds patrimoniaux.
La politique en faveur de la création et de la défense du patrimoine que je viens de dessiner doit s'inscrire elle-même dans une double logique, celle de la réduction des inégalités et de la décentralisation.
Les mesures de gratuité mises en place dans certains secteurs, par exemple dans les musées, ont eu un impact réel. Elles ne constituent évidemment qu'une réponse partielle aux difficultés d'accès à la culture. Ces inégalités apparaissent dès l'enfance et doivent être réduites au sein même du système scolaire. C'est pourquoi nous travaillons activement à l'approfondissement de la collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.
En outre, dès 2001, nous consacrerons 18 millions de francs, au titre des mesures nouvelles, à des actions d'éducation artistique et à la formation des professionnels de la culture intervenant en milieu scolaire. Ces moyens nouveaux permettront la création de 660 ateliers d'expression artistique supplémentaires dans les lycées, qui s'ajouteront aux 1 650 ateliers déjà existants. De plus, le dispositif « musique à l'école », qui a pour objet de favoriser la pratique musicale, sera renforcé.
On le sait, face aux nouvelles technologies de l'information, l'égalité d'accès à la culture passe par une attention vigilante aux contenus qui seront diffusés sur les nouveaux réseaux. Conformément aux orientations définies par le Premier ministre, nous entendons, grâce à l'ensemble des ressources du ministère et de ses établissements publics, enrichir l'offre en mobilisant 8 millions de francs pour la numérisation des fonds culturels.
J'aborde maintenant un domaine qui m'est particulièrement cher, puisqu'il s'agit de la décentralisation.
Comme l'a indiqué le Premier ministre, le Gouvernement a décidé d'engager une deuxième étape de la décentralisation. La commission présidée par Pierre Mauroy vient de rendre public son rapport, à partir duquel un débat national est engagé. La création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle traduit l'importance, l'actualité et l'acuité de cette grande question qui traverse notre histoire, en particulier notre histoire culturelle. Permettez-moi de rappeler que la décentralisation n'est pas une fin en soi ; elle n'a de sens que si elle tend, par le biais d'un meilleur service public, à la démocratie culturelle.
Le nouveau contexte dans lequel s'inscrit l'action concertée de l'Etat et des collectivités locales au travers de multiples contrats, qu'il s'agisse d'agglomérations, de villes ou de pays, appelle une modernisation des modes d'intervention de notre ministère. Seront expérimentés dès 2001, avec des collectivités locales volontaires, de nouveaux protocoles de décentralisation culturelle, qui concerneront prioritairement le patrimoine et les enseignements artistiques. Au nombre de six à huit, ils permettront une nouvelle répartition des responsabilités en matière culturelle, qui sera expérimentée pendant trois ans. Notre ministère leur consacrera dès 2001 une enveloppe de 15 millions de francs. Ces protocoles, j'y insiste, notamment à l'intention de M. Nachbar, ne sont donc ni un succédané de la décentralisation culturelle ni le cache-misère d'un ministère qui hésiterait à se réformer, mais bien la mise à l'essai de nouvelles figures de la responsabilité publique partagée en matière culturelle.
L'acquis de notre politique décentralisée est considérable, et le projet de budget que nous vous proposons prévoit une forte progression des concours à l'investissement pour la réalisation d'équipements culturels dans les régions.
L'effort le plus significatif sera consenti, comme je l'ai déjà indiqué, en faveur de la modernisation des bâtiments d'archives, entreprise avec les collectivités territoriales. Ainsi, le montant des crédits d'aide à la construction ou à l'extension de ces bâtiments progressera de plus de 70 %, après avoir plus que doublé en 2000 par rapport à 1999.
Les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement constituent un instrument précieux au service des collectivités territoriales. Nous avons demandé que soient étudiées les nécessaires modifications de l'organisation, des missions et du financement des CAUE, notamment un aménagement de la fiscalité qui permettrait d'assurer à ces organismes des ressources pérennes.
Les crédits d'investissement prévus au projet de budget pour 2001, qui s'élèveront à 190 millions de francs pour le spectacle vivant et à 70 millions de francs pour les arts plastiques, permettront de poursuivre la politique de construction et d'aménagement des lieux de diffusion et d'enseignement, en partenariat avec les collectivités locales.
Dans le domaine du livre et de la lecture qui, je le souligne, représente une authentique réussite de la décentralisation, une mesure nouvelle de 32 millions de francs portant à 981 millions de francs le montant des crédits affectés aux bibliothèques permettra la poursuite de la modernisation du réseau des bibliothèques. Ces crédits permettront de soutenir plus de 300 opérations de construction et d'extension de bibliothèques. Le programme des bibliothèques à vocation régionale touche à son terme avec l'inauguration récente de celles de Montpellier et de Châlons-en-Champagne, qui précède la réalisation des bibliothèques de Rennes et de Troyes.
Je voudrais rasséréner M. Legendre sur notre engagement en faveur de la langue française et des langues de France : le succès des bibliothèques publiques est tout de même rassurant ! Nous sommes, Catherine Tasca et moi-même, très vigilants sur ces questions, tout en sachant qu'il y a beaucoup à faire. Cela étant, le bilan de l'application de la loi du 4 août est à notre avis positif et la sensibilisation à la langue française donne lieu à de nombreuses opérations qui contribueront à la participation de la France à l'année européenne des langues.
Je tiens à souligner la qualité de ce réseau dense et moderne qui se met en place dans notre pays et le rôle joué par la Bibliothèque nationale de France, qui, par les systèmes de consultation à distance et de numérisation des catalogues, tient, et tiendra demain plus encore, sa place de pilote et de partenaire dans le réseau des grandes bibliothèques régionales.
En outre, on ne met pas assez en exergue, dans les enquêtes ou les articles consacrés aux rapports entre Paris et les régions, la participation croissante de nos grands établissements publics culturels à la politique de décentralisation. Comme la Bibliothèque nationale de France, le Centre Georges-Pompidou, la Réunion des musées nationaux, la Cité des sciences et de l'industrie et, bientôt, la Cité de l'architecture et du patrimoine coopèrent très activement, chacun selon des modalités correspondant à sa vocation, avec l'ensemble du territoire et sont donc à prendre en compte dans l'équilibre entre Paris et la province.
M. Laffitte m'a interrogé à propos de la culture scientifique, technique et industrielle. Je lui renverrai au soutien que nous apportons à la diffusion de cette culture et au rôle joué dans ce domaine par la Cité des sciences et de l'industrie, qui connaît une très forte fréquentation.
A M. Vidal, qui m'a interrogé sur le Centre Georges-Pompidou, je répondrai que les crédits alloués à l'acquisition d'oeuvres d'art contemporain par les lois de finances sont stables depuis 1996. Toutefois, le Centre n'a plus subi d'annulation importante de ses crédits en collectif budgétaire depuis 1997. Il faut s'en féliciter, d'autant que cela se traduit par une augmentation des moyens réellement disponsibles. En outre, le fonds du patrimoine a complété les crédits du Centre Georges-Pompidou à plusieurs reprises depuis 1996. Ainsi, 18,7 millions de francs lui ont été accordés pour l'aide à acquérir des oeuvres importantes. Par ailleurs, la politique d'acquisition de l'Etat en matière d'oeuvres d'art contemporain doit s'apprécier globalement. Le Fonds national d'art contemporain et les fonds régionaux d'art contemporain ont ainsi bénéficié à cette fin de l'attribution de 33 millions de francs de crédits de l'Etat en 2000, auxquels s'ajoutent 34 millions de francs de crédits consacrés à la commande publique en matière d'arts plastiques.
Enfin, c'est une réalité, les villes, les départements et les régions s'engagent - certes encore irrégulièrement, mais de plus en plus activement - dans le domaine culturel. Les moyens qu'ils y consacrent sont en constante progression, et la dynamique de partenariat qui profite à tous nos concitoyens est, je le crois, irréversible.
J'ai la ferme conviction que l'Etat, garant de la diversité de la création et de l'égal accès de tous à la culture, a un rôle essentiel à jouer. Il a des responsabilités propres, même si, de plus en plus, il intervient en coopération avec les collectivités teritoriales. Au cours des années récentes, l'augmentation du budget de notre ministère a marqué une volonté constante d'encourager et d'accompagner l'essor des actions culturelles dans les régions. Le projet de budget pour 2001 traduit bien cette volonté et nous souhaitons, Catherine Tasca et moi-même, qu'à l'avenir, et avec votre soutien, nous ayons les moyens de poursuivre ce développement.
Baudelaire disait : « Pour taper sur le ventre d'un colosse, il faut pouvoir s'y hausser. » Aujourd'hui, le colosse, c'est l'absolutisme du marché, sa prédilection pour la politique du fait accompli ; l'échelle pour gravir l'obstacle, c'est l'intervention citoyenne. Le ministère veut être un barreau, l'appui pour escalader le colosse. Pour casser ce barreau-là, il faudrait avoir perdu la raison, et j'apprécie que tous les orateurs qui se sont exprimés aujourd'hui dans cet hémicycle aient partagé les préoccupations du ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 359 829 393 francs. »

La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. J'ai décidé de demander la parole sur les crédits parce que dix minutes dans la discussion générale, c'était peu. J'ai l'impression de lancer des confettis, mais l'enjeu en vaut la peine.
Pour entamer mon propos, je citerai Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. »
En l'occurrence, je veux parler de l'« exception culturelle ». Depuis plus d'un an et demi, on nous dit partout que c'est une expression archaïque, une expression dépassée, et qu'il faut maintenant s'entendre sur « la diversité culturelle ». Or, au moment où l'on arrive à l'échéance, on s'aperçoit que même les conditions d'établissement, de maintien ou d'épanouissement de la diversité culturelle sont remises en cause.
Mme Danièle Pourtaud. Exactement !
M. Jack Ralite. Il faut toujours faire attention aux mots, car, comme je le dis souvent, quand on cède sur les mots, on cède sur les choses.
Mme Danièle Pourtaud. Très juste !
M. Jack Ralite. Je ferai une deuxième citation, tirée cette fois de Walter Benjamin : « Laisser aller le cours des choses, voilà la catastrophe ! »
Aujourd'hui, j'ai été très sensible à la façon dont Mme Tasca et M. Duffour ont traité du budget. Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat forment un tandem dynamique, inventif et rigoureux, cela me plaît ! Mais je m'empresse d'ajouter qu'au jour d'aujourd'hui, à l'OMC, certains tentent de glisser, dans la discussion sur les services, l'audiovisuel et la propriété intellectuelle. Là, je dis : danger.
J'évoque une nouvelle fois l'article 133-5 résultant du traité d'Amsterdam : c'est exactement la même chose.
Il s'agit de dangers tout à fait importants, mais il y en a d'autres. Il y en a notamment un, dont j'ai oublié de parler tout à l'heure : à propos de Vivendi - Canal Plus - Universal.
Une chaîne ne peut être avalisée si plus de 20 % de son capital sont d'origine extra-communautaire ! La question mérite d'être posée en l'occurrence parce que les petits calculs auxquels je me suis livré débouchent sur quelque 26 % à 28 % ! C'est une question dont les artistes sont décidés à s'emparer.
Autre sujet dangereux, celui qui concerne l'UNEDIC. Il y a eu, comme vous le savez, la « refondation sociale » et, pendant tout un temps, les annexes VIII et X qui concernent les intermittents du spectacle ont été le point de mire. Je suis très heureux de constater qu'après un échange de courrier entre Mmes Catherine Tasca et Elisabeth Guigou, fort heureusement, les intermittents vont provisoirement échapper aux dangers de l'offensive du Medef. Cela dit, le texte de base, le texte fondamental a été voté et reste potentiellement hors de danger.
Je parlerai enfin de la carte UGC. M. le Premier ministre l'a jugée insatisfaisante. Très bien ! Maintenant, il faut un acte. On ne peut pas continuer comme cela.
Voilà quelques dangers que je souhaitais relever.
M. le président. Personne ne demande plus la parole !...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 181 871 042 francs. »

M. Jack Ralite. Ce point est important, lui aussi, et je citerai un autre écrivain, René Char : « Méfie-toi de ceux qui se déclarent tranquilles, parce qu'ils pactisent ».
J'ai dit tout à l'heure ce qui avait été proposé sur l'article 133-5 comme devant faciliter son acceptation. Mais une autre idée est avancée en ce moment à Bruxelles : nous passerions au vote à la majorité qualifiée sur l'article 133-5, mais un protocole nous garantirait que la culture serait mise de côté.
Il faurdrait donc définir ce qu'est la culture ! Cela nous promet des séances de discussion interminables, comme celles qui ont lieu à l'Académie française pour le dictionnaire. La culture, cela ne peut pas se définir, puisque c'est essentiellement l'innovation.
Il ne faut pas se satisfaire d'une disposition qui semble protectrice. Cela ne suffit pas !
Il faut de plus cesser de dire : « Je fais avec. » Il faut cesser d'obéir à la fatale fatalité. Il faut cesser la fuite en avant comme le repliement identitaire. Il faut au contraire adopter une attitude de courage, d'examen objectif de la réalité.
Et puis, il faut travailler à la transformer, à la maîtriser, donc à favoriser la création dont nous discutons le budget ce soir. (M. Jean Boyer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. J'ai souhaité intervenir sur ce titre, car j'ai déposé un amendement visant à réduire les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité pour abonder les crédits du titre IV du ministère de la culture à hauteur de 300 millions de francs.
Il faut voir là non pas une attaque contre l'emploi au profit de la culture, mais bien plutôt la persistance de règles constitutionnelles en matière budgétaire qui privent le Parlement de toute possibilité réelle d'intervention, autrement que par l'adoption ou le rejet du budget proposé à la représentation nationale.
Je dois donc recourir à un artifice budgétaire de ce type. Cela étant, à bien y penser, l'imputation de crédits destinés aux aides à l'emploi au profit du ministère de la culture n'est pas aussi saugrenue qu'il peut paraître.
La réduction du temps de travail, la reprise économique, de nouvelles formes d'organisation de notre société appellent un effort sans précédent dans des domaines aussi variés et importants que la culture, pour ce qui nous occupe, la formation, l'éducation et le sport où, là encore, les attentes de nos concitoyens sont grandes.
Mais je veux quand même rassurer tout le monde : pour éviter toute interprétation malveillante, je serai amené, lundi, à retirer cet amendement.
Ce dont je veux témoigner ce soir, c'est qu'il faut conforter le budget de la culture, qui est insuffisant, parce que la création même du ministère, en son temps, a généré des demandes nouvelles. Nous avons tout lieu de nous en réjouir. Nous avons le devoir de répondre à cet appel, à plus forte raison dans un contexte de forte reprise économique.
L'insuffisance des crédits consacrés au spectacle vivant, en particulier au théâtre, est une des insuffisances les plus marquées de ce budget.
Certes, il faut l'acter, 29 millions de francs sont apportés, s'ajoutant aux 50 millions de francs déjà dégagés à l'occasion du collectif budgétaire du printemps dernier. Mais cela reste notoirement insuffisant face aux difficultés et aux nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les professionnels de la culture et les structures, tout particulièrement les jeunes compagnies.
Les sommes annoncées dans ce budget sont, par exemple, à rapprocher des 110 millions de francs correspondant au coût du passage aux 35 heures dans ce secteur culturel.
Il faudra bien en parler un jour, comme du coût de la fiscalisation. Il n'est pas inutile en effet de rappeler les changements supplémentaires engendrés par les nouvelles dispositions fiscales : d'un côté, l'Etat verse sa subvention, de l'autre, il en récupère une partie.
Les activités des structures culturelles, leurs missions de service public, sont désormais assimilées aux activités commerciales ou industrielles et donc soumises à la taxe professionnelle, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe parafiscale.
Tous ces nouveaux prélèvements grèveront à coup sûr les activités artistiques, en particulier les créations.
J'aborderai, enfin, la réforme de l'aide aux compagnies dramatiques qui, malgré les mesures transitoires adoptées, tout en faisant ressurgir des conflits entre les petites et les grandes structures, risque de fragiliser l'ensemble des secteurs.
J'ai rencontré à plusieurs reprises les compagnies qui travaillent dans la région Nord - Pas-de-Calais.
Cette réforme a pour conséquence, acceptée pour dix d'entre elles qui sont conventionnées, au mieux de les priver de l'aide une année sur deux, au pire de leur retirer toute aide. Concrètement, pour trente compagnies relevant de l'aide à la production, seize sont aidées en 2000 et quatorze ne le sont pas, et inversement l'an prochain.
Il y a bien, en définitive, qu'on le veuille ou non, une diminution de l'action et de l'aide de l'Etat. Je regrette par ailleurs que tout cela se soit mis en place sans aucune concertation avec les collectivités territoriales, qui doivent pourtant aujourd'hui assumer sur le terrain les conséquences de ces dispositions, surtout dans une région où la collectivité intervient à part entière, et même au-delà de l'intervention de l'Etat.
D'une manière générale, l'aide à la création dans notre pays est encore insuffisante.
Je pourrais évoquer encore la politique des achats d'oeuvres en région, où, là encore, les moyens se révèlent insuffisants en dépit d'un financement croisé entre l'Etat et les régions, notamment avec les fonds d'acquisition des musées et les fonds régionaux d'art contemporain. Il faut bien voir que la politique d'achat d'oeuvres est une manière de venir en aide aux artistes, notamment aux plus jeunes et aux plus talentueux d'entre eux, mais, pour aider la création à la source, d'autres aides mériteraient d'être évoquées. Je pense notamment à l'augmentation du nombre des bourses et à l'aide aux publications.
Autant dire que la création culturelle, dans son ensemble, n'aurait pas trop des 300 millions de francs dont nous proposerons d'amputer les crédits de l'emploi.
Par cette intervention, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, rappeler tout notre attachement à doter le ministère des moyens nécessaires à ses actions, et indiquer à nos collègues du Sénat que le moment est peut-être venu de dépasser le symbole du 1 % pour la culture afin de donner à la politique culturelle, notamment à l'aide à la création, un nouvel essor. Je rejoins sur ce point les propos de M. Ralite.
J'insiste sur cet aspect des choses : à calculer désormais le 1 % réservé à la culture sur le produit intérieur brut, cela nous donne une ligne d'horizon. Je ne souhaite pas que plus nous nous en rapprochons, plus elle s'éloigne ! Il est indispensable, pour un pays civilisé comme le nôtre, de se fixer un tel objectif s'il veut continuer à jouer le rôle qui est le sien dans le monde.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 840 890 000 francs ;

« Crédits de paiement : 470 045 000 francs. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je pars cette fois-ci d'un texte d'Hölderlin : « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve. »
Pendant douze à treize ans, les artistes se sont mobilisés, notamment en France, afin de réunir les artistes européens, voire mondiaux. Ils ont gagné des acquis. Je pense à la directive Télévision sans frontière, au GATT et à la naissance de l'exception culturelle, au rejet de l'AMI, au rejet du NTM, au rejet de la convergence à la conférence de Birmingham. C'est un capital qu'il serait dommage de brader aujourd'hui.
Quand on fréquente ce milieu et ceux qui prennent plaisir à le côtoyer, ses spectateurs, on s'aperçoit qu'il y a une quasi-unanimité sur ces questions.
Je peux citer aussi les rencontres à l'occasion du Salon du livre de la jeunesse, à Montreuil.
Mais la bataille est aujourd'hui particulièrement intense pour le cinéma. Citons à cet égard les rencontres sur le statut des artistes, comme à Cabourg la semaine dernière, sur les salles de cinéma, avec l'ADRC voilà dix jours - plus de 1 500 salles ont été financées par cette association en France - et hier encore à Europa Cinéma où tous les pays d'Europe étaient représentés, ainsi que les pays des rives de la Méditerranée.
Partout la question de la sauvegarde et de l'épanouissement du pluralisme culturel a été posée comme une exigence.
On sent bien que la force est grande. Bien évidemment, à l'heure qu'il est, au nombre que nous sommes, il peut paraître quelque peu comique de s'exprimer ainsi, et, d'une certaine manière, c'est grave. Mais par notre volonté au sein de notre assemblée, qui n'a jamais failli sur ces questions, comme à l'extérieur, nous devons travailler pour continuer dans la voie de l'invention législative dont nous avons besoin pour que la création continue son chemin.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisation de programme : 2 103 266 000 francs ;

« Crédits de paiement : 1 006 083 000 francs. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Sur ce titre VI, je prends plutôt la parole pour faire des propositions. Après l'ère tout à fait légitime de grands travaux culturels que nous avons connue en France, je trouve que nous aurions besoin de certaines grandes décisions.
Premièrement, il faudrait que le budget de la culture et celui de l'audiovisuel atteignent ensemble 1 % du PIB.
Deuxièmement, le Gouvernement devrait s'engager à maintenir l'exception culturelle pour tout ce qui relève de l'alinéa 5 de l'article 133 résultant du traité d'Amsterdam. Ce serait une grande décision ! Troisièmement, il serait nécessaire de relancer une grande ambition pour le livre car, à une époque où les nouvelles technologies se développent, la place de l'écrit demeure fondamentale. Heureusement, au Salon du livre de jeunesse à Montreuil, Catherine Tasca nous a dit qu'elle était contre le prêt payant dans les bibliothèques, mais cela ne résout pas le problème des auteurs. Or on ne réglera pas la question des bibliothèques en choisissant l'un contre l'autre. C'est l'un et l'autre !
La première partie est réglée, mais la seconde ne l'est pas. Il faut un nouveau statut pour les écrivains. Il faut s'occuper de leur retraite, maintenant qu'ils ont gagné la sécurité sociale, et il faut codifier la rémunération de leurs interventions. Je propose que la Journée du livre au mois d'octobre soit jumelée avec une multitude d'assemblées de réflexions et d'échanges entre les écrivains et leurs lecteurs.
Quatrièmement, sur Vivendi - j'y reviens - il faut préparer un texte antitrust. Hier, à EuropaCinema, une grande dame de la culture italienne, Luciana Castellina, et la cinéaste française Catherine Breillat ont dit qu'il fallait trouver des critères - qu'elles ont même l'une et l'autre qualifiés d'« antitotalitaires » - pour ne pas s'abandonner à un seul groupe dans un monde qui réclame de la diversité.
Cinquièmement, sur le spectacle vivant, il ne faut pas choisir la création contre le patrimoine ni le patrimoine contre la création. De ce point de vue, j'ai trouvé l'argumentaire du secrétaire d'Etat, Michel Duffour, très fin et très fort.
Sixièmement, le temps est venu d'établir une responsabilité publique pour le secteur privé comme pour le secteur public, en matière de culture, car le secteur public seul ne suffit pas.
Septièmement, pour les nouvelles technologies, les grandes questions sont la création et la formation par rapport à ces nouvelles technologies.
Huitièmement, pour la formation à l'école, on a parlé des crédits de votre ministère, mais il faut y ajouter les crédits du ministère de Jack Lang. Il faut prendre en compte la responsabilité de former des enfants à l'art et à la culture.
Neuvièmement, pour la décentralisation, j'aime beaucoup l'utilisation du mot « partenariat ». J'ai pris précédemment l'exemple du théâtre Bussang ; Michel Duffour en a pris d'autres. C'est une bonne voie.
Dixièmement, comme je l'ai proposé plusieurs fois, la France devrait reprendre l'idée d'une réunion mondiale ou internationale sur la culture. Choisissez le qualificatif qui vous plaît le mieux. Personnellement, je préfère « internationale », mais celui de « mondiale » est plus approprié aujourd'hui. Une telle réunion permettrait à toutes les cultures du monde de se rencontrer, de se connaître et donc de se respecter et de se déveloper. Comme il y a eu un Rio de l'environnement, il devrait y avoir un Rio de la culture, et la France s'honorerait de concrétiser cette idée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

3

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Xavier Darcos une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (n° E-1539).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 118 distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

4

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 4 décembre 2000, à neuf heures trente, quinze heures et le soir.

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Emploi et solidarité :
I. - Emploi (et articles 57 à 59, 59 bis et 60) :
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 17) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (travail et emploi, avis n° 96, tome IV) ;
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (formation professionnelle, avis n° 96, tome V).
II. - Santé et solidarité (et articles 54, 55, 55 bis et 56) :
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 18).
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (solidarité, avis n° 96, tome I) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (santé, avis n° 96, tome II).
Services du Premier ministre :
I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 35).
II. - Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 36).
III. - Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 37).
IV. - Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 38) ;
Mme Janine Bardou, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 94, tome XII).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 39).
Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 63) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 28).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001, est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON






DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera le mercredi 6 décembre 2000, à 9 h 30, le rapport de M. Pierre Hérisson sur la proposition de résolution n° 89 (2000-2001) de M. Gérard Larcher et plusieurs de ses collègues sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n° E 1520), ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mardi 5 décembre 2000, à 12 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Situation du pôle de santé de Prades

959. - 2 décembre 2000. - M. Paul Blanc s'inquiète auprès de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés de la disparition du pôle de santé de Prades : fermeture de la maternité le 30 novembre 2000, suppression du service de cardiologie à l'hôpital rural.