SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité a été élevée au rang de deuxième priorité du Gouvernement. Cette préoccupation quotidienne et majeure de nos concitoyens - bon nombre d'entre eux considèrent en effet, nous l'avons constaté à l'occasion du congrès des maires, qu'elles est maintenant plus importante encore que les problèmes de l'emploi - mérite l'attention particulière des responsables de la nation. C'est à l'aune de cette importance que je souhaite vous présenter les crédits proposés en 2001 pour la sécurité et estimer aussi la qualité de leur utilisation.
L'année 2000 aura été particulièrement difficile pour le ministère de l'intérieur.
Elle a vu en effet se succéder bien des événements dramatiques. Je tiens en premier lieu à saluer la qualité de l'engagement de tous les professionnels qui, au prix de leur vie - c'est le cas pour quatorze pompiers et plusieurs fonctionnaires de police - viennent au secours de nos concitoyens et méritent notre reconnaissance.
Dans le même temps, les policiers ont été confrontés à des réformes ambitieuses et à une attente toujours plus grande de la population en matière de sécurité. Les élus et les professionnels taisent de moins en moins l'urgence d'une réforme de l'organisation des services d'incendie et de secours. Enfin, l'actualité n'a pas cessé de mettre en exergue, et récemment encore, les problèmes rencontrés sur certaines parties de notre territoire, à commencer par la Corse.
Face à ces évolutions, ces problèmes et ces préoccupations, j'avais imaginé que le projet de budget pour 2001 du ministère de l'intérieur serait marqué du sceau de l'ambition et de la réforme. Il n'en est rien.
Les effectifs de policiers diminueront. Le sentiment d'insécurité ne devrait pas reculer. La sécurité civile ne bénéficiera pas des moyens supplémentaires qui, pourtant - l'actualité l'a montré - font défaut, sauf pour les matériels dont la livraison a été programmée depuis longtemps. Le projet de budget ne fait pas état de bien des réformes attendues, comme celle des services d'incendie. Le personnel de l'administration centrale continuera à vieillir et à diminuer. Certains thèmes d'importance sont aux abonnés absents.
Le projet de budget de l'ambition et de la réforme n'est en réalité qu'un projet de budget de reconduction, d'attentisme, pour lequel l'aspect cosmétique l'emporte sur la réflexion de fond. Il est construit sur une apparence et un affichage qui sont bien éloignés des préoccupations et des besoins de la population.
J'aborderai très rapidement les grandes masses.
En dehors des collectivités territoriales, les crédits du ministère de l'intérieur devraient augmenter de 4,4 % en 2001 pour atteindre 59,28 milliards de francs. Si l'on ôte les effets de structure, le projet de budget atteint 56,05 milliards de francs, soit une hausse de 2,3 %. Celui de la police augmente de 1,86 %.
Il s'agit, à 97 %, d'un budget de fonctionnement. A elles seules, les dépenses de personnel monopolisent quatre cinquièmes des moyens.
Le ministère disposera de plus de 164 500 emplois, soit 1 000 de moins qu'en 2000. Les trois quarts du personnel sont employés par la police nationale. A ce nombre s'ajoutent les 20 000 adjoints de sécurité.
Monsieur le ministre, vous insisterez sur la marge de manoeuvre dégagée dans le projet de budget pour 2001. Vous nous parlerez des 918 millions de francs de moyens supplémentaires. Vous nous direz votre souhait de les affecter à la police de proximité, à l'achat d'hélicoptères pour la sécurité civile, à des revalorisations indemnitaires et à un effort informatique. Mais tout cela ne suffira pas à cacher les insuffisances.
Je présenterai brièvement les quatre agrégats.
L'administration territoriale dispose de plus de 7 milliards de francs. Hors transferts, les préfectures bénéficieront seulement d'un effort d'amélioration de leur réseau informatique. Le mouvement de globalisation des crédits préfectoraux s'accentue avec quatorze préfectures globalisées en 2001.
La sécurité civile présente une forte hausse de 15,8 % de ses crédits avec 1,6 milliard de francs. Mais cette hausse n'est qu'apparente. En effet, quand on enlève les transferts de cotisations sociales, la professionnalisation des unités, les hélicoptères programmés depuis des années et la revalorisation indemnitaire des pilotes, il ne reste rien. En 2001, la sécurité civile ne bénéficiera pas d'un franc de plus ni pour ses actions ni pour son fonctionnement. Quant aux réformes, elles se limiteront à la création d'un nouvel état-major de zone.
Pour la police nationale, c'est le budget de la poudre aux yeux, si vous me permettez cette expression. En effet, les effectifs budgétaires augmentent de plus de 700 emplois, mais les effectifs réels diminuent. Les crédits de fonctionnement augmentent, mais ils vont tous à la police de proximité. Les dépenses informatiques augmentent, mais le réseau ACROPOL prendra encore du retard. Plusieurs grosses opérations immobilières seront lancées, mais les crédits de paiement diminuent.
Par ailleurs, même si cela est marginal, monsieur le ministre, je suis très intrigué par deux chiffres ; 10 millions de francs iront aux syndicats de police et 3 millions de francs - c'est le chiffre qui m'a le plus étonné - correspondent aux « dons » des compagnies d'assurances aux oeuvres sociales du ministère en contrepartie de la communication par la police à ces compagnies des fichiers des voitures volées. Il serait intéressant que vous développiez ces deux points qui n'ont pas manqué de nous étonner.
Enfin, l'administration générale voit ses crédits augmenter de 1,6 milliard de francs en raison de la hausse de 1,2 milliard de francs des dépenses d'élections. Les 400 millions de francs restants sont pris par des mesures de transferts de cotisations sociales et de crédits de pensions. Parallèlement, les effectifs de l'administration diminuent pour la septième année consécutive. Cette baisse est accentuée par la mise à disposition de 10 % des effectifs, soit 216 personnes sur 2 300, au profit d'autres institutions, dont 21 personnes pour les syndicats et 30 pour les oeuvres sociales.
Je ferai quelques courtes observations.
Tout d'abord, le ministère a une politique de globalisation des crédits qui permet, en interne, plus de souplesse et d'efficacité d'utilisation des sommes, mais cela se traduit par une autorisation parlementaire biaisée : impossible de connaître l'évolution de tous les postes de fonctionnement et de dépenses informatiques, car le directeur de cabinet du ministre fait sa propre répartition, qui n'a rien à voir avec celle du bleu, en janvier 2001. « Votez d'abord, vous saurez après ce que l'on a fait de l'argent. » est donc le mot d'ordre.
On atteint le ridicule quand on apprend que la préfecture du Finistère dépensera 646 francs pour certaines indemnités, alors que l'on ne sait pas ce que la police fera des 4 milliards de francs qui lui seront attribués pour son fonctionnement ! Cela ne peut plus durer.
Nous savons que la globalisation est l'avenir de la gestion publique mais, pour nous, elle doit aller de pair avec un effort accru, un effort maximum de transparence. Or, dans les réponses aux questionnaires, vous nous indiquez vous-même que vous ne savez pas comment seront réparties les sommes que vous nous demandez de voter. Nous n'acceptons pas cette remise en cause par avance du « bleu » et du « vert » budgétaires.
Ma deuxième remarque concerne la politique immobilière, qui est conduite en dépit du bon sens. On commence par réaliser les grosses opérations qui se chiffrent en plusieurs centaines de millions de francs, et on voit ce qu'il reste pour les petites opérations. J'illustrerai mon propos par un chiffre que je juge éloquent.
Vous avez délégué, en 1999, 50 millions de francs aux préfets pour l'entretien immobilier préfectoral. Les sous-préfectures, beaucoup plus nombreuses que les préfectures, n'auront bénéficié que du quart de cette somme. Le reste est allé aux préfectures, aux hôtels et aux jardins des préfets, cela alors que le ministère convient lui-même que le parc immobilier des sous-préfectures et des commissariats se dégrade. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est vous dans vos réponses à nos questions et dans les chiffres que vous nous avez communiqués.
Ma troisième remarque a trait à la sécurité civile. Alors que l'année 2000 aura été marquée par les drames et l'accroissement des charges et des attentes en matière de sécurité civile, le budget ne retient rien pour la sécurité civile en 2001 en dehors de mesures indemnitaires pour les pilotes de Canadair, de l'achat d'hélicoptères prévu de longue date et des crédits nécessaires à la professionnalisation des armées. Pis, les moyens de fonctionnement diminueront alors même qu'il faut reconstituer les stocks et réorganiser les états-majors.
Le Gouvernement estime donc que la sécurité civile n'est pas une priorité. Les quatorze pompiers morts dans les feux de forêts, les quatre-vingt-douze victimes des tempêtes, les victimes des inondations et les habitants de la côte Atlantique souillée par l' Erika auraient certainement un avis contraire. C'est le point le plus noir de votre projet de budget. Vous nous répondrez qu'un projet de loi est en préparation. Il sera trop tard. Nous voulons des actes dès maintenant.
Ma quatrième remarque vise la réforme des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, qui attendra encore un an. La comparaison de l'évolution des moyens et de l'intérêt de l'Etat pour les SDIS et de celle des crédits affectés par les collectivités locales à ces mêmes services serait pourtant intéressante. Le Gouvernement promet un projet de loi pour la fin de l'année 2001, alors que le rapport Fleury, qui le préfigure, est déjà paru. Là aussi, cela fera perdurer un an les problèmes : financement, cohabitation difficile entre volontaires et professionnels, inégalités injustifiées entre communes, etc. Le mécontentement gronde, monsieur le ministre.
S'agissant de la police nationale, on peut déjà constater un paradoxe étonnant : les emplois budgétaires augmentent de 700, mais le nombre de policiers sur le terrain diminuera en tout de 1 300, en raison de la suppression des 2 000 policiers auxiliaires. Vous ne pourrez pas nous dire, monsieur le ministre, que le nombre de policiers en tenue sur la voie publique augmente ! Ne cherchez pas à habiller de mots une réalité comptable que vos chiffres nous révèlent, que la Cour des comptes confirme et que nous constatons tous sur le terrain, à savoir que le nombre de policiers diminue.
Parallèlement, un malaise croît chez les personnels : les tâches indues demeurent lourdes. Où se trouvent d'ailleurs les 5 000 emplois administratifs prévus par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la LOPS ? On n'en compte actuellement que 1 300 ou 1 400. Les réformes passent mal ; ACROPOL ne satisfait pas les personnels ; un choc de générations se crée entre jeunes et anciens. Surtout, tous se plaignent de leurs rapports avec la justice. Là, le malaise atteint son paroxysme. Les magistrats ne se déplacent jamais dans les commissariats ; ils notent des officiers de police judiciaire sans les connaître ; ils ont une conception assez distante de la notion de « permanence » ; ils font preuve de légèreté dans le traitement quasi automatique de certaines affaires sans se soucier des conséquences que cela peut avoir pour les fonctionnaires de police confrontés, par exemple, à des victimes voyant partir leur agresseur avant même qu'elles n'aient fini leur déposition. Bref, le tableau est sombre.
Dans le même temps, qu'en est-il du sentiment d'insécurité ? Faute d'outil de mesure détaillé, puisque l'appareil statistique n'a pas évolué malgré les réformes profondes de la police nationale, il est délicat de s'appuyer sur des preuves certaines. Je citerai tout de même vos chiffres. La criminalité augmente, au premier trimestre 2000, de 2,5 %. Le taux d'élucidation diminue à environ 26,5 % (M. le ministre de l'intérieur fait un signe de dénégation.)
Je cite vos chiffres, monsieur le ministre.
Parallèlement, c'est là le plus grave, l'impression d'un retournement notable de la tendance à l'insécurité ne prévaut pas. Les Français ne se sentent globalement pas plus en sécurité qu'il y a un an ou deux. Nous le savons bien, et c'est cet échec que nous vous reprochons. Vous pouvez vous gargariser de la police de proximité. Nous la voyons à l'oeuvre et pouvons vous dire que l'insécurité ne recule pas.
Par ailleurs, des problèmes inquiétants persistent dans la police. Que se passera-t-il en 2002 quand le contrat des adjoints de sécurité arrivera à échéance ? Le projet de budget fait là une impasse alors que la transition aurait dû commencer à être gérée dès cette année.
Qu'en est-il du renouvellement du parc automobile ? Combien de véhicules ne peuvent plus rouler ? Un véhicule sur quatre a dépassé les critères de réforme et la moitié seulement des besoins seront couverts en 2001, même après l'effort figurant au collectif budgétaire. Ce sont vos chiffres, monsieur le ministre.
J'en viens au logement des compagnies républicaines de sécurité, les CRS. Sur 79 casernes et cantonnements, les deux tiers ont besoin de lourds travaux. Là aussi, ce sont vos chiffres.
Quant au fameux réseaux de l'autocommutateur central répartissant des organes périphériques pour offrir des lignes éloignées, ACROPOL, vous ne pouvez nier ni les problèmes techniques, ni la lenteur de mise en place qui en diffère l'ouverture, sur Paris notamment.
Bref, la modernité de certains hôtels de police, le brillant des vélos tout terrain, le clinquant des policiers en rollers ne doivent pas cacher que la paupérisation existe dans de nombreux postes de police qui, n'ayant pas encore basculé dans la police de proximité, ont le sentiment désagréable de l'oubli et du délaissement.
Dernière remarque : ce projet de budget est muet sur quatre points essentiels.
Rien n'est dit sur les contrats locaux de sécurité qui mobilisent pourtant les élus et les ressources des contribuables locaux.
Rien n'est dit sur la Corse. Il ne me semble pourtant pas que l'inacceptable terrorisme corse ait disparu ni que les risques de contamination en d'autres points du terrorisme régressent. C'est tout au moins mon sentiment.
Rien n'est dit sur la mise en place de la loi sur la présomption d'innocence. Vous avez indiqué que son coût - 70 millions de francs - est couvert par le collectif budgétaire. Certes, mais que dire sur les problèmes administratifs que son apparition soulèvera ? Votre ministère m'a indiqué, dans ses réponses à mes questions, que le surcroît de travail induit par les transferts aux juges et les délais de présentation augmenteront de 30 % à 50 %, alors que ces tâches indues prennent déjà environ 25 % du temps de travail des policiers en tenue. Je crains qu'il ne reste pas grand-chose pour patrouiller sur la voie publique, surtout avec des effectifs en baisse.
Finalement, ce budget n'est pas transparent puisque le ministère reconnaît lui-même qu'il le reconstruira en janvier 2001 en interne. Il se traduira par une baisse des effectifs de policiers sur le terrain. Il ne propose rien pour la sécurité civile, rien pour les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Le sentiment d'insécurité de nos concitoyens ne recule pas.
Nous ne pouvons donc nous satisfaire de ce projet de budget de la sécurité et de l'administration pour 2001. Certes, il y a quelques points positifs, quelques bonnes intentions, quelques gestes ici ou là. Mais cela ne suffit pas. La politique menée doit se traduire concrètement. L'argent que la nation dépense pour la sécurité publique et civile, pour l'administration du territoire et l'administration générale du ministère est-il employé en toute transparence, dans un pur souci d'efficacité, avec des conséquences visibles pour tous les citoyens ? Ce n'est manifestement pas le cas. C'est la raison pour laquelle votre commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, vous propose de rejeter les crédits de la sécurité et de l'administration pour 2001. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des crédits de la police pour 2001, je tiens, après avoir rappelé les conditions souvent très périlleuses dans lesquelles les policiers se dévouent au service de la sécurité de notre pays, à rendre hommage aux 4 policiers tués et aux 4 118 policiers blessés en mission de police au cours de l'année 1999.
Je tiens en outre à souligner que les difficultés de la vie policière restent injustement méconnues de l'opinion publique. Celle-ci a tendance à ne retenir que les « bavures » réelles ou supposées, pointées par des médias peu enclins à l'indulgence à l'égard de la police. S'il importe naturellement de sanctionner sans faiblesse les dérives, il ne faut pas laisser penser aux policiers que leur parole a moins de poids que celle de personnes cherchant systématiquement à mettre en cause leur action.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Dans sa déclaration de politique générale, au mois de juin 1997, le Premier ministre avait placé la sécurité au rang de « deuxième priorité du Gouvernement », après l'emploi. Or, dans un contexte d'augmentation de la criminalité, le budget pour 2001 ne semble pas traduire cette priorité affichée pour la sécurité.
En 1999, la police a constaté avec la gendarmerie nationale plus de 3,5 millions d'infractions. Elle doit faire face à une délinquance de plus en plus violente mettant en cause un nombre alarmant de mineurs.
Or le budget de la police pour 2001, qui s'élève à 32 milliards de francs, augmente de 1,86 % en francs courants, ce qui correspond à une progression à peine supérieure à celle qui est enregistrée pour l'ensemble des dépenses civiles de l'Etat.
Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte, le Gouvernement a souhaité procéder à la généralisation de la police de proximité, expérimentée depuis 1999.
On ne peut que souscrire aux principes.
Une telle orientation nécessite cependant des moyens importants placés au contact des populations.
Or, du fait des difficultés à placer sur le terrain un nombre suffisant de policiers, cette politique repose entièrement sur les titulaires d'emplois-jeunes, mal formés, mal encadrés, dont le recrutement est problématique et l'avenir incertain. Elle ne rencontre d'ailleurs pas véritablement l'adhésion des personnels.
De graves hypothèques pèsent donc sur la généralisation de la police de proximité.
En outre, les moyens d'équipement et de fonctionnement de la police, bien que présentés en nette progression, resteront notoirement insuffisants pour permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
La commission des lois constate, dans un premier temps, qu'une véritable insécurité persiste en France.
Après l'augmentation sensible constatée en 1998, les statistiques de la criminalité se sont stabilisées en 1999 et se sont dégradées au premier semestre 2000. Les vols représentent les deux tiers des infractions. Les vols de téléphones portables, souvent commis avec violence, sont néanmoins en nette augmentation.
Cependant, les statistiques officielles ne suffisent pas à retracer la forte insécurité subie et perçue par les citoyens dans leur vie quotidienne.
L'appareil statistique apparaît inadapté, puisque les statistiques recensent uniquement les crimes et délits transmis à l'autorité judiciaire, ce qui exclut les contraventions telles les violences entraînant une incapacité de travail de moins de huit jours ou encore les actes dits d'incivilité, c'est-à-dire des comportements provoquants, tout à fait susceptibles d'être réprimés pénalement.
De plus, la faiblesse du taux d'élucidation contribue à alimenter l'insécurité et à décourager les citoyens de porter plainte. Le taux d'élucidation s'est établi à 27,63 % en 1999. Il convient d'observer que ce taux est en baisse constante ces dernières années. Or ce taux moyen cache de profondes disparités. Si 80,06 % des homicides sont élucidés, seuls le sont 9,02 % des cambriolages et 3,4 % des vols à la tire, si bien que le taux d'élucidation de l'ensemble de la délinquance de voie publique s'élève à 9,32 %.
Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance minime d'être élucidées. Une fois élucidées, d'ailleurs, elles ont plus d'une chance sur trois d'être classées sans suite par les parquets, faute de moyens. La commission des lois a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne répressive, qui accroît le sentiment d'impunité chez les délinquants et provoque le découragement des citoyens et des forces de police.
Quant à la délinquance des mineurs, elle apparaît particulièrement préoccupante.
Par ailleurs, la politique de lutte contre le trafic de stupéfiants et la toxicomanie s'avère quelque peu ambiguë, puisque l'on constate encore une augmentation de 5,34 % des interpellations. La consommation d'ecstasy et de cocaïne a nettement augmenté même si, il convient de le souligner, celle d'héroïne a baissé, attestant d'un transfert sur les drogues de synthèse.
Le terrorisme, quant à lui, a subi une recrudescence de près de 20 %, notamment en Corse et en Bretagne.
Quant à la pression migratoire, elle s'avère véritablement mal endiguée, du fait notamment de la situation dans les Balkans ayant généré une migration d'origine kurde-kosovare.
Sur 39 855 mesures d'éloignement prononcées par voie judiciaire ou par arrêté préfectoral, seules 7 821 ont été effectivement exécutées, soit un taux d'exécution de 19,6 %, ce qui est particulièrement bas. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont donc eu vocation à devenir des « clandestins officiels ».
La commission des lois ne peut que souhaiter un éloignement effectif des personnes n'ayant pas droit de séjour dans notre pays.
Phénomène récent, l'explosion de la « cybercriminalité » ne cesse de progresser. On peut estimer que 200 000 infractions auraient effectivement été commises à l'aide ou dans le domaine des nouvelles technologies en 1999.
Les affaires liées au réseau Internet présentent une augmentation importante du nombre d'escroqueries commises en matière de commerce électronique, grâce à l'utilisation frauduleuse de références de cartes bancaires. En ce qui concerne les autres délits commis sur Internet, il a été enregistré onze affaires de pédophilie en 1999 et cinquante affaires d'incitation à la haine raciale.
Une action menée sur le plan national et international s'avère donc nécessaire afin de lutter efficacement contre la « cybercriminalité » ; encore faut-il que la police soit dotée de matériels et de logiciels particulièrement adaptés.
La commission des lois observe, dans un second temps, que la généralisation de la police de proximité demeure hypothéquée par un véritable manque de moyens.
Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement a enclenché un processus de généralisation de la police de proximité.
Cette politique nécessite des moyens importants. Or, si les effectifs de policiers sont stables depuis 1995, ils sont à l'heure actuelle lourdement grevés par les vacances de postes résultant du temps de formation des agents appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite. En tout état de cause, il semble que la montée en puissance de la politique de proximité s'accompagne de difficultés réelles pour mettre en place dans les zones sensibles les policiers nécessaires à la réussite de cette politique.
Les recrutements de personnels administratifs devant permettre de décharger les policiers sont intervenus en nombre insuffisant. Il est indispensable de décharger davantage les policiers de tâches administratives de manière qu'ils puissent se consacrer pleinement à leurs missions proprement policières sur le terrain.
De surcroît, la police de proximité repose sur des emplois-jeunes.
Etaient en fonction, au mois d'août 2000, 14 231 adjoints de sécurité, pour un effectif budgétaire de 20 000 et environ 7 000 agents locaux de médiation sociale sur les 15 000 prévus. Le recours à ces agents suscite de nombreuses inquiétudes alors même que les adjoints de sécurité sont appelés à représenter un cinquième de l'effectif du corps de maîtrise.
Leurs missions sont très variées, mais ils ne peuvent pas participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre. Ils portent une arme quand leurs missions le justifient.
Les adjoints de sécurité ont été affectés majoritairement à des tâches d'îlotage et d'accueil dans les commissariats et sont le plus souvent dotés d'une arme. Mais, en pratique, les missions qui leur sont confiées s'écartent souvent de la lettre et de l'esprit de la réglementation. Faute d'un encadrement suffisant, il est fréquent de rencontrer sur le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune stagiaire.
En outre, leur présence en priorité dans les zones sensibles les conduit fréquemment dans les faits à participer à des opérations de maintien de l'ordre. Il est tout à fait anormal d'exposer aux risques les plus élevés des jeunes qui n'y sont pas préparés.
Le tutorat s'est révélé un échec. En outre, des difficultés de recrutement sont apparues, tirant vers le bas le niveau des personnels.
La formation initiale des adjoints de sécurité se révèle inadaptée et nombre d'adjoints de sécurité sont ainsi incapables d'accomplir la moindre tâche administrative.
La commission des lois insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la sélection des candidats, d'autant plus qu'ils auront vocation à entrer en nombre par concours spéciaux dans la police.
La commission des lois relève, dans un troisième temps, que le budget de la police nationale pour 2001 qui lui est soumis ne traduit pas la priorité affichée pour la sécurité. Il s'élève à 32 milliards de francs et, contrairement aux intentions affichées, il ne traduit pas une priorité en faveur de la sécurité des Français.
En effet, les dépenses en personnel connaissent une faible augmentation de 0,9 %.
Les effectifs budgétaires sont en importante diminution par rapport à l'année précédente alors que se profile une gestion sous tension.
Ainsi, l'effectif budgétaire total de la police nationale régresse de près de 1 %. Cette situation est particulièrement grave dans les commissariats de villes moyennes comme Mâcon, où vous devez vous rendre samedi.
De plus, le projet de budget prévoit certaines transformations et créations d'emplois. Deux cents emplois d'officiers seront transformés en emplois de gardiens et brigadiers majors. Huit cents postes de personnels administratifs et techniques seront créés. Cependant, ces créations de postes ne suffisent pas à rattraper le retard sur l'objectif de création en cinq ans de 5 000 emplois administratifs et techniques.
En outre, l'évolution prévisionnelle des effectifs paraît quelque peu inquiétante. Du fait des recrutements massifs intervenus à la fin des années soixante, la police doit faire face à un afflux de départs à la retraite, aggravé par le phénomène, jusqu'à présent sous-estimé, des prises de retraite anticipées.
Ainsi, la progression des crédits de fonctionnement et d'équipement sera insuffisante pour répondre aux retards accumulés ces dernières années.
Les crédits de fonctionnement sont insuffisants à plusieurs égards. L'inscription prévue au profit des services logistiques ne permettra pas de rattraper le retard en matière de renouvellement du parc automobile. Enfin, le budget ne prend pas en compte la loi du 15 juillet 2000 sur la présomption d'innocence s'agissant de l'enregistrement audiovisuel des auditions des mineurs. Cette disposition entrera en application le 16 juin 2001. Or il faut aménager les locaux, acheter du matériel et former du personnel.
En outre, parmi les crédits d'investissement, les crédits d'équipement consacrés au parc lourd se situent à un niveaux équivalent à celui de 2000. Ils ne permettront pas de résorber le retard cumulé. De plus, les besoins de rénovation et de construction de locaux resteront très importants, compte tenu, là encore, des retards accumulés en la matière. Les crédits consacrés au logement des policiers demeurent, eux aussi, notoirement insuffisants, considérant que la politique du logement est un élément essentiel de la fidélisation des agents dans la région parisienne.
La commission de lois constate donc encore une fois que l'effort en matière de fonctionnement et d'équipement des services est insuffisant pour permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
Ces observations l'on donc conduite à donner un avis défavorable sur le projet de budget de la section police-sécurité pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Schosteck, rapporteur pour avis. (M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'assume un difficile héritage puisque j'ai la charge de reprendre un rapport que préparait depuis de nombreuses années, avec talent et compétence, mon collègue et ami René-Georges Laurin, auquel, bien entendu, je rends un hommage tout particulier.
Les crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité civile sont en croissance de 26 % pour 2001. C'est là, bien entendu, un élément dont il faut nous réjouir.
Toutefois, cette progression, pour importante qu'elle soit, ne doit pas faire illusion puisqu'elle résulte de deux facteurs incontournables : d'une part, les conséquences de la professionnalisation des armées, les personnels appelés du service national devant être remplacés par des engagés et des volontaires : d'autre part, l'engagement effectif, mais avec retard, du programme d'acquisition d'hélicoptères BK 117, neuf livraisons étant prévues en 2001.
Les crédits de l'Etat pour la sécurité civile - 2,7 milliards de francs, dont 1,6 milliard de francs au titre du ministère de l'intérieur - couvrent les moyens opérationnels lourds : flotte aérienne, unités militaires, service de déminage. Ils sont à rapprocher des 13 milliards à 15 milliards de francs engagés par les collectivités territoriales pour le fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours.
L'attachement constant de l'opinion publique à la qualité de prestations de plus en plus diversifiées des services de sécurité civile a été conforté par l'efficacité, le professionnalisme et le dévouement dont les personnels de sécurité civile ont su faire preuve lors des graves catastrophes qui ont marqué, ces derniers mois, notre pays.
La commission des lois, évidement unanime, tient à rendre hommage à tous les secouristes et, en particulier, aux onze sapeurs-pompiers et aux deux démineurs décédés en service l'an dernier, ainsi qu'aux douze sapeurs-pompiers qui ont trouvé la mort au cours des huit premiers mois de l'année 2000.
La commission approuve les diverses mesures indemnitaires et statutaires d'harmonisation prises en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, parallèlement à la départementalisation des services d'incendie et de secours et elle constate leur coût élevé pour les collectivités territoriales.
Tout en affirmant la nécessité de payer le prix de la sécurité civile - il s'agit d'un élément incoutournable de la sécurité en général - la commission des lois souligne la nécessité de procéder à une révision approfondie mais concertée des conditions de son financement, afin que l'Etat supporte une part de l'effort qui soit moins éloignée de ses responsabilités en la matière.
La commission souhaite vivement que les élus soient étroitement associés par le Gouvernement aux réflexions qu'il a engagées dans la perspective d'une révision des lois de 1996 sur la sécurité civile.
Je souhaite également bien marquer aujourd'hui, mais surtout pour l'avenir, les enseignements que nous devons tirer de la gestion des catastrophes de grande ampleur que notre pays a connues. Il importe en effet de s'interroger avant qu'il ne soit trop tard sur les premiers enseignements que nous pouvons tirer de la façon dont ont été gérées les conséquences de ces catastrophes.
Nous attendons les conclusions de la mission interministérielle d'évaluation présidée par M. Gilles Sanson, inspecteur général de l'administration. Mais nous connaissons déjà ce qu'indiquait fort judicieusement le président Christian Poncelet devant notre assemblée le 18 janvier dernier : « Nous ne pourrons pas éluder plus longtemps les questions posées par la multiplication des phénomènes naturels qui affectent notre pays. Il convient sans aucun doute de s'interroger sur l'adéquation de notre dispositif de réaction aux situations d'urgence et sur la nécessité de renforcer une culture de gestion de crise, dont Jean-Pierre Chevènement soulignait, le 9 février 2000 devant le Sénat, qu'elle était "très présente chez nos compatriotes de l'outre-mer, confrontés au retour régulier des cyclones tropicaux" ».
Ainsi, d'une part, les services de la météorologie semblent avoir sous-estimé l'intensité des tempêtes et, d'autre part, de nombreuses personnes ont eu le sentiment de n'avoir pas été informées en temps utile des risques encourus et des précautions à prendre le cas échéant. Chacun a tenu à souligner l'action exemplaire des agents des services publics et, en particulier, celle des sapeurs-pompiers, et les événements ont démontré l'impératif d'un service public de proximité présent en toutes parties du territoire.
Les tempêtes ont illustré tout l'intérêt de disposer de « pompiers citoyens », proches de la population et du terrain, même si, par ailleurs, leur action doit être coordonnée avec celle des services départementaux d'incendie et de secours, dont l'utilité n'est évidemment pas en cause.
C'est à juste titre qu'a été souligné l'esprit de solidarité dont de nombreux citoyens ont su faire preuve, ce qui constitue, selon l'expression du président Christian Poncelet, « la plus belle réponse que les Françaises et les Français pouvaient apporter à ceux qui dénoncent la frilosité et l'égoïsme de nos compatriotes ».
Les événements de l'hiver dernier ont aussi démontré la capacité des élus locaux à faire face à des situations exceptionnelles, à organiser la solidarité et à mobiliser les énergies.
Comme l'a souligné encore le président Christian Poncelet, « par le maillage de notre territoire qu'elles assurent, les collectivités locales ont constitué, face aux intempéries, un formidable filet de sécurité. Une fois de plus, les élus ont confirmé leur rôle irremplaçable au service des populations. La décentralisation, c'est bien le service public de proximité ».
Toutefois, les conséquences pratiques des décisions gouvernementales se sont trop souvent fait attendre et l'on peut parfois regretter un délai excessif entre l'effet d'annonce et le déblocage effectif des crédits.
Les graves inondations survenues en novembre 1999 dans plusieurs départements du sud de la France et ayant entraîné la mort de trente-cinq personnes et des dégâts considérables - 3,5 milliards de francs pour l'indemnisation des dommages - ne peuvent malheureusement pas être analysées comme des événements totalement exceptionnels.
Le rapport public de 1999 de la Cour des comptes comporte un développement sur la prévention des inondations en France. Il rappelle que celles-ci constituent le risque naturel prédominant dans notre pays, en raison de l'importance de son réseau de cours d'eau - plus de 275 000 kilomètres - du peuplement sur les rives - 11 600 communes et 2 millions d'habitants - et de son exposition aux deux grands types de crues, crues de plaine et crues torrentielles.
Ainsi, en dix-huit mois - de janvier 1999 à juin 2000 - en dehors des effets des tempêtes de décembre 1999, on a enregistré douze inondations de grande ampleur ayant provoqué la mort de cinquante et une personnes.
Le rapport de la Cour des comptes souligne, en premier lieu, que l'insuffisance des dispositifs juridiques successivement mis en place a eu pour effet, jusqu'à présent, de freiner sensiblement notre connaissance du risque d'inondation.
La Cour des comptes remarque d'abord que le retard pris pour se doter d'un instrument juridique unique de prévention - les plans de prévention des risques naturels - ne permet pas d'espérer une connaissance suffisante des risques sur l'ensemble du territoire avant un certain nombre d'années, d'autant que les plans de prévention des risques élaborés à ce jour sont encore trop peu nombreux : 2 500 communes en sont dotées et, au total, 5 000 communes devraient en bénéficier d'ici à 2005.
La commission des lois avait souligné l'an dernier que « pour l'essentiel, les obstacles semblaient provenir d'une information insuffisante des élus locaux (...), l'Etat ne paraissant pas les associer de manière satisfaisante à la politique de prévention ».
La Cour des comptes mentionne qu'aucun plan de prévention n'a été prescrit pour des villes fluviales importantes comme Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rouen et Orléans.
Elle considère que « la situation générale de méconnaissance de ce risque en Ile-de-France, à l'exception principalement des Yvelines et, depuis peu, de la Seine-et-Marne, est alarmante » (MM. Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Fourcade s'exclament) et qu'« à Paris... la protection n'est pas assurée contre une crue de type 1910 ».
Elle souligne la rareté des analyses économiques du risque d'inondation et l'absence de méthodologie générale adaptée à l'échelon national, rappelant qu'une étude limitée à l'échelon local ne peut suffire au regard de ce risque, qui doit être traité au niveau des grands versants.
Elle relève que le dispositif juridique en matière de prévention des inondations est « inadapté, confus et obsolète », qu'il appelle une réforme d'ensemble et qu'elle « ne peut aujourd'hui se concevoir en dehors d'une coopération étroite et d'un financement partagé entre l'Etat et les groupements de collectivités,... avec une définition claire de toutes les responsabilités en jeu ».
Enfin, la Cour des comptes signale la complexité de l'organisation administrative en matière de lutte contre les inondations - cinq directions relèvent de quatre ministères - et les limites du régime d'assurance, marqué par la déresponsabilisation des assurés - un taux unique de la surprime liée aux catastrophes naturelles est fixé sans que soit pris en compte le degré de vulnérabilité des biens - et par l'indifférence des assureurs, puisqu'il existe des mécanismes de réassurance auprès de la caisse centrale de réassurance, elle-même garantie par l'Etat.
C'est ainsi que Jacques Fleury, député de la Somme, a été chargé par le Premier ministre d'une mission temporaire sur les problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de la réforme des services d'incendie et de secours. Il a ainsi suggéré de procéder à une nouvelle répartition des compétences des services d'incendie et de secours axées sur celles du département et de prévoir un financement adapté à chaque niveau d'organisation, ainsi que diverses mesures d'accompagnement. Nous aurons bien entendu l'occasion d'en débattre de façon plus approfondie lorsqu'un texte nous sera soumis. Nous l'attendons !
La commission pour l'avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy, a constaté que les services départementaux d'incendie et de secours fonctionnaient mal, faute d'être placés sous une autorité administrative clairement identifiée, puisqu'ils sont des établissements publics communs aux départements, aux communes et aux structures intercommunales. Elle a souligné que la question du financement des SDIS était une source de conflits entre collectivités.
La commission Mauroy a envisagé que les services départementaux d'incendie et de secours, compte tenu de leur vocation territoriale, « soient au minimum placés sous l'autorité du président du conseil général ».
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Je n'aurais garde d'oublier, bien entendu, la mission sénatoriale d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales. Celle-ci a préconisé un renforcement du rôle des départements dans le fonctionnement des services d'incendie et de secours.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même annoncé, le 7 octobre dernier, que les « retours d'expérience des catastrophes naturelles » et les réflexions en cours devraient conduire au dépôt, dès l'automne 2001, d'un projet de loi sur la sécurité civile, tandis que « des dispositions notamment plus techniques » pourraient aussi être soumises au Parlement dans des délais plus proches.
Enfin, le Premier ministre a considéré, le 22 novembre 2000 devant le congrès de l'Association des maires de France, que la loi de 1996 sur les services d'incendie et de secours n'avait pas atteint ses objectifs et qu'elle était « source de confusions et de litiges ». Il a ajouté que la législation en la matière devait « être révisée dès l'année prochaine ».
La commission des lois demande instamment que les orientations proposées par le Gouvernement soient précédées d'une étude d'impact approfondie, ainsi que d'une concertation étroite avec toutes les parties concernées et particulièrement, bien entendu, les élus locaux.
En conclusion, la commission des lois a estimé qu'elle ne pouvait méconnaître l'effort sensible réalisé par l'Etat, qui augmente ses crédits de 26 % pour 2001, tout en rappelant les raisons conjoncturelles de cette augmentation. Elle souhaite vivement que cet effort soit poursuivi plus profondément encore dans les années qui viennent, car elle est très préoccupée de la menace que fait courir à nos régions, jusqu'ici, semble-t-il, plutôt épargnées, l'évolution de la climatologie.
Cette satisfaction relative ne lève donc pas les inquiétudes pour l'avenir et cette double constatation a conduit la commission à ne pas vouloir rejeter ces crédits, sans aller toutefois jusqu'à les approuver sans réserve. Elle s'en remet donc à la sagesse du Sénat pour cet avis, partiel il est vrai, sur les crédits de la sécurité civile. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour quarante minutes.
Compte tenu des anciennes fonctions de M. le ministre de l'intérieur, je suis sûr qu'il aura à coeur de veiller au strict respect des décisions de la conférence des présidents.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, vous nous l'avez dit en commission des lois, le budget de la sécurité que vous nous proposez est un budget de consolidation marqué par une progression d'ensemble modérée de 1,86 % pour la police nationale, mais une progression plus significative dans le détail : 5,8 %, soit près de 1 milliard de francs pour les crédits de fonctionnement.
S'agissant de la sécurité civile, son budget connaît une augmentation très sensible des crédits d'équipement. Au total, la hausse s'élève à 26 %, soit 1,6 milliard de francs. Je suis néanmoins conscient que, pour procéder à des comparaisons, la bonne rigueur commande de retirer la part importante que représentent les cotisations sociales, mais pas les hélicoptères, monsieur le rapporteur pour avis, car, même si leur acquisition était programmée depuis longtemps, c'est cette année que les crédits sont inscrits au budget.
Le budget est donc convenable en ce qui concerne la police et très satisfaisant pour ce qui est de la sécurité civile. Autant dire que c'est sans le moindre état d'âme que le groupe socialiste votera à l'unanimité le budget de la sécurité.
On notera que, dans le détail, s'agissant de la police, ce budget est bien conforme aux priorités identifiées par le Gouvernement depuis trois ans. Il s'inscrit donc dans la continuité d'une politique qu'il convient de juger sur la durée et sur sa dynamique. La police de proximité, en particulier, demeure bien l'une des toutes premières priorités du Gouvernement après la lutte contre le chômage. Elles a déjà donné des résultats très positifs ; j'y reviendrai.
On notera aussi que, dans le cadre de la poursuite de cette action de proximité, 1 810 policiers seront affectés dans les 176 circonscriptions supplémentaires.
On retiendra d'ailleurs que, en ce qui concerne les moyens de fonctionnement, dont la police de sécurité est un élément, les crédits augmentent de 6,9 % et même de 10 % si, comme on le doit, on y ajoute les 200 millions de francs du collectif budgétaire.
On notera enfin que l'équipement en informatique respecte le schéma directeur informatique, avec une progression de 6,67 % et un agrégat qui augmente de 22 % si on y ajoute la police technique et scientifique et les transmissions.
De même, en matière d'équipement motorisé, les 65 millions de francs consacrés au parc lourd semblent satisfaisants. En revanche, la progression de 30 % des crédits affectés au parc automobile semble un peu juste au regard de l'état de ce dernier.
Enfin, des mesures catégorielles, qu'il ne faut pas oublier - elles représentent 160 millions de francs - doivent permettre d'améliorer l'exercice du métier de fonctionnaire de police. On retiendra tout particulièrement l'indemnité de police de proximité.
Il s'agit d'un bon budget, donc, et il est mal venu de donner ici ou là des leçons quand on sait le retard considérable qui avait été pris dans la mise en oeuvre de la loi de programmation, lors de la législature précédente.
Il reste quelques points que je souhaiterais aborder dans la perspective d'une amélioration de l'efficacité de la police.
Quoi qu'on en dise, et en préalable, la délinquance sur la voie publique a diminué. Si l'on constate, en 2000, une progression d'ensemble des infractions, c'est en raison de la petite délinquance financière, notamment le trafic de cartes bleues, et de la délinquance économique qui, elle, peut se révéler beaucoup moins « petite ». Autrement dit, votre police de proximité porte ses fruits, monsieur le ministre. Cependant, elle doit s'adapter, en collant au terrain comme elle le fait, mais aussi en prenant en compte les nouvelles formes, souvent plus sophistiquées, de la délinquance. De ce point de vue, il est probable que les 100 millions de francs d'investissement réservés aux locaux - bureaux de police, points contact de police - sont un peu insuffisants.
Mais la question est surtout celle des hommes, de leur nombre et de leur comportement. Monsieur le ministre, avez-vous assez de personnels pour mettre en oeuvre vos légitimes ambitions ? Que va-t-il advenir des adjoints de sécurité, les ADS, dont les premiers, et les meilleurs, sont entrés dans la police comme fonctionnaires, ce qui est une bonne chose, mais dont il est, semble-t-il, de plus en plus difficile d'assurer le remplacement ? Le marché de l'emploi y est sûrement pour quelque chose, et personne ne s'en plaindra. Mais est-on sûr de suffisamment informer les jeunes sur les perspectives de carrière ? Est-on sûr de leur donner tous les moyens de formation pour qu'ils puissent passer dans de bonnes conditions examens et concours ?
Des réponses sur ces points sont souhaitables, car les ADS sont indispensables, en particulier avec la fin du service national dans le courant de l'année 2001.
On a l'impression que les policiers dédiés à la voie publique sont quelquefois bien seuls. Certes, il faut poursuivre l'effort pour que les tâches de mécanicien, d'électricien, de cuisinier ne soient plus assurées par des fonctionnaires de police. De même, il faut continuer à réduire les gardes statiques.
Reste que l'action policière devrait être l'émanation du corps social et, à ce titre, être essentiellement menée en partenariat avec la justice. Après avoir signé un contrat local de sécurité, le procureur de la République joue-t-il bien le jeu de la concertation avec la police ? Je n'en suis pas si sûr. De même, l'action policière doit se comprendre en partenariat avec l'éducation nationale, les collectivités locales, les élus et leurs travailleurs sociaux, voire avec le milieu associatif. Une concertation renforcée avec tous ces interlocuteurs qui connaissent bien leur circonscription, leur quartier devrait permettre un meilleur repérage de la délinquance et, partant, une prévention efficace.
Par ailleurs, tous les services du ministère sont-ils bien utilisés ? La gestion des CRS n'est-elle pas d'une lourdeur excessive ? Est-il bien nécessaire de demander aux renseignements généraux des analyses ou des prospectives politiques, au demeurant assez aléatoires, alors même qu'ils pourraient jouer un rôle majeur avec la police judiciaire en identifiant, par exemple, la délinquance, parfois la grande délinquance, cachée dans les quartiers sous le faux nez de certaines associations, notamment cultuelles ? Voilà des pistes sur lesquelles j'aimerais avoir votre sentiment, monsieur le ministre.
Je parlerai maintenant des services de sécurité civile pour lesquels, je l'ai souligné, vous nous proposez un très important effort d'équipement.
Les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, font actuellement l'objet de critiques unanimes, quelquefois même excessives. Je le dis avec d'autant plus d'objectivité que je n'ai pas voté la loi qui les a réformés. Que pensez-vous en faire ? Je n'oserai pas vous demander de suivre le rapport Mauroy en créant un grand service national de sécurité civile sous l'autorité de l'Etat, mais avez-vous l'intention, comme le préconisent le rapport Fleury et la commission Mauroy, d'adosser les SDIS aux conseils généraux et, dans l'affirmative, dans quelles conditions financières ? Peut-être sommes-nous au début d'un processus, mais quelques éclaircissements nous seraient utiles.
J'en viens aux méfaits de la tempête. Le projet de loi de finances rectificative prévoit une « rallonge » de 75 millions de francs pour les collectivités locales victimes des intempéries de la fin de l'année dernière. J'ignore si c'est suffisant ; d'ailleurs, personne ne le sait, parce que les préfectures n'ont pas encore pu clairement et définitivement arrêter les comptes. Ce qui est certain, monsieur le ministre, c'est que les choses vont durer. Les dégâts, dans les communes forestières en particulier, sont considérables et se feront sentir pendant encore deux ans au moins. Ainsi, les débardages sont toujours en cours et se prolongeront, dans la plupart des cas, pendant plusieurs années.
Je sais bien qu'en la matière, une part importante des crédits provient d'autres ministères, en particulier du ministère de l'agriculture. Mais je voulais attirer l'attention du Gouvernement, que vous représentez tout entier ici, sur un problème qu'il ne faudrait pas oublier.
Monsieur le ministre, quel confort que d'être dans l'opposition ! On peut sans vergogne affirmer un certain nombre de choses dans le détail et le contraire dans la synthèse finale. Mais je ne donne pas de leçons, nous avons fait de même. ( Sourires.) Ainsi, nos rapporteurs, toujours excellents, ont cédé à la tentation du toujours plus, réclamant plus de policiers - et des vrais - , plus de police de sécurité, plus d'hélicoptères, plus de crédits d'investissement pour les locaux et plus de moyens pour les préfectures. Mais il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le Sénat, dans sa majorité, votera finalement contre le projet de loi de finances, invoquant le laxisme du Gouvernement et des dépenses prétendument excessives.
Quant à nous, monsieur le ministre, nous voterons ce budget, et sans états d'âme ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999, nous connaissons le remède miracle du Gouvernement contre l'insécurité dans nos quartiers : la police urbaine de proximité.
Expérimentée tout d'abord dans quelques sites pilotes, dont celui de la cité des Bosquets, à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, elle serait progressivement généralisée à l'ensemble du territoire en 2002. A l'évidence, nous serions en droit d'attendre du ministère de l'intérieur qu'il dégage, dès 2001, des moyens importants en rapport avec les ambitions affichées.
Disons-le clairement : de l'avis des policiers eux-mêmes, la police de proximité constitue une bonne réforme, mais elle nécessitera des crédits considérables. Hélas ! ce budget n'apparaît manifestement pas adapté aux prétentions gouvernementales, laissant même craindre un scandaleux effet d'annonce à visée électoraliste.
Comment, en effet, imaginer que 800 créations d'emplois administratifs destinées à libérer les policiers de tâches bureaucratiques et une maigre augmentation de 7 % des crédits de fonctionnement de la police nationale seront de nature à financer non plus 62 mais 170 unités de police de proximité ?
Cette réforme d'envergure se traduira par une hausse, jugée exceptionnelle, de 4,4 % des crédits du ministère de l'intérieur, hors concours aux collectivités locales.
Dès lors, mettre en oeuvre la réforme à effectifs budgétaires presque constants revient à condamner une bonne idée, faute d'une réelle volonté politique. Cela revient également à faire de la sécurité urbaine l'apanage de quelques zones privilégiées, et ce au détriment de bien d'autres, dont les commissariats seront priés de fournir leurs contingents de fonctionnaires aux « sites vitrines ».
D'ailleurs, ne voit-on pas aujourd'hui les brigades de roulement dites « police secours » littéralement dépecées, réduites aux effectifs minimum, à seule fin d'alimenter ces unités ?
Rien qu'en Seine-Saint-Denis les syndicats de policiers s'accordent tous à reconnaître la nécessité de recruter plus de 400 fonctionnaires supplémentaires, non pas pour pallier ces ponctions, mais seulement pour satisfaire les besoins induits par l'insécurité ambiante.
Tout cela pour vous dire que, si vous ne décidez pas de débloquer des moyens à la hauteur des enjeux, ces sites pilotes dissiperont difficilement une impression de tromperie sur la marchandise, tout particulièrement en Seine-Saint-Denis, département malheureusement toujours en pointe dans les statistiques de l'insécurité.
Tous les Séquano-Dyonisiens ont compris, hélas ! que les moyens prétendument énormes déployés par un gouvernement bien présomptueux sont insuffisants. J'en veux pour preuve l'augmentation irrésistible des crimes et délits entre 1998 et 1999, de l'ordre de 7 %. Le taux de criminalité y est de 87,42 pour mille habitants, la moyenne nationale étant de 60 pour mille habitants.
Tout cela pour vous dire que la police de proximité ne parviendra pas à juguler la délinquance et la criminalité quotidiennes, pour la simple et bonne raison que les crédits sont dérisoires au regard de la réforme souhaitée.
A moins, bien sûr, que, derrière la faiblesse des moyens, ne se cache le désir de « sous-traiter » de plus en plus de dépenses aux collectivités locales, ce qui serait proprement scandaleux !
Outre le fait que les contrats locaux de sécurité demeurent les grands absents de ce projet de loi de finances, force est de déplorer que les relations quotidiennes entre les municipalités et la police nationale sont complètement occultées. Pourtant, combien de communes sont-elles amenées à prendre en charge une partie des dépenses matérielles des commissariat !
Chaque fois que je prends la décision de repeindre le poste de police de ma ville, Neuilly-Plaisance, d'acquérir une voiture, des VTT, des uniformes pour les brigades à vélo ou des ordinateurs, je ne peux m'empêcher de repenser aux mots très forts de votre prédécesseur, M. Chevènement, venant ici proclamer le caractère fondamental et exclusif de la responsabilité de l'Etat en matière de sécurité. Je n'aurais rien à redire à de tels propos, si le ministère de tutelle s'attaquait réellement à la pauvreté des commissariats.
Ma crainte, aujourd'hui, est de voir le Gouvernement ne rien faire pour remédier à cette situation et continuer de s'appuyer sur les communes à seule fin de se ménager quelques marges de manoeuvre financières.
Nous avons désormais la preuve que la police de proximité se fera à effectifs et à budget presque constants. Pour cette raison, les collectivités territoriales seront, hélas ! contraintes de financer la police nationale, soucieuses qu'elles sont de garantir la sécurité de leurs administrés.
Pour toutes ces raisons, et parce que votre budget est loin d'être à la hauteur des véritables enjeux, monsieur le ministre, je ne pourrai que m'y opposer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pourrais bien évidemment consacrer de longs développements à la sécurité, mais les rapporteurs l'ont fait excellemment, qu'il s'agisse de la police ou de la sécurité civile. Aussi, monsieur le ministre, je me contenterai de vous poser quelques questions et d'évoquer quelques problèmes.
Je commencerai par la police. Dans le pays, et même quelquefois dans la capitale, monsieur le ministre, on parle beaucoup des relations entre les élus et la police. Cela vient du fait, selon moi, que les contrats locaux de sécurité ne sont pas suffisants pour associer réellement les maires à cette mission de sécurité.
L'erreur, en fait, est de ne pas comprendre que le maire est autorité de police, aux termes du code général des collectivités territoriales. La police municipale, dont le maire est responsable, c'est la sûreté, le bon ordre, la sécurité et la salubrité publiques. Et le maire ne serait pas associé régulièrement à ce qui se fait au titre du contrat local de sécurité ?
Les contrats locaux de sécurité sont une très bonne idée, à condition, monsieur le ministre, qu'ils soient structurés autour des maires, d'abord, que les réunions, que je souhaite régulières, fassent l'objet d'un compte rendu, et les travaux d'une évaluation. A défaut, c'est risquer de décourager tous les élus et tous les partenaires. Il reste, de ce point de vue, beaucoup d'efforts à faire car à quoi bon signer des contrats locaux de sécurité si les signataires n'y croient bientôt plus ?
En outre, je pense, comme les rapporteurs, qu'il faut associer impérativement les parquets à cette mission. Sinon, on ne fera diminuer ni l'insécurité ni, surtout, le sentiment d'insécurité.
D'ailleurs, d'une manière générale, monsieur le ministre, on peut toujours prétendre que la délinquance diminue ou qu'elle augmente. Mais, sans des outils vraiment fiables, qu'il reste à trouver, l'exercice est un peu vain, d'autant que les statistiques de la police et de la gendarmerie ne reposent pas sur les mêmes bases.
S'agissant du coût des tâches parajudiciaires - je ne parle pas des tâches indues - il est évident que la police et la gendarmerie consacrent beaucoup de temps aux transfèrements, notamment. La justice ne compte pas, de ce point de vue. M. Carraz et moi-même avions demandé, et je pense que ce serait toujours utile, que l'on procède en la matière comme pour l'assurance maladie : l'assuré reçoit son relevé de soins sur lequel figure le coût que la collectivité a assumé pour telle ou telle opération. De même, on pourrait envoyer au parquetier et au juge une fiche de coût pour le transfèrement demandé. Après tout, cela ferait peut-être réfléchir certains. Il conviendrait, d'ailleurs, d'assurer une meilleure coordination de la centralisation des demandes de transfèrement et d'extraction ; l'expérimentation est en cours. Pour l'heure, on constate un grand gaspillage, et la police serait mieux utilisée ailleurs.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Troisième observation, nous savons tous qu'une des difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre du plan de réorganisation de la police et de la gendarmerie tient à la crainte qu'ont éprouvée les policiers de ne plus pouvoir être mutés dans des zones un peu moins sensibles que celles où ils ont été affectés en début de carrière. La raison en est qu'il n'y a pas de politique du logement. Des crédits sont bien alloués, mais ils sont insuffisants.
Il est évident que, notamment en région d'Ile-de-France, si l'on ne fait pas un effort très significatif, les policiers continueront à avoir pour objectif de partir le plus vite possible.
La fidélisation, condition de la police de proximité que vous mettez en place, monsieur le ministre, nécessite une vraie politique sociale, notamment en faveur des jeunes fonctionnaires.
Je ne pense pas que cela soit suffisant, même si des efforts sont faits. Aujourd'hui, nous le savons bien, l'obligation de résidence, qui est pourtant prévue par le statut de la police nationale, n'est pas respectée. Comment pourrait-elle l'être ? Les policiers travaillent dans des zones difficiles, ils ne peuvent pas en plus y être logés. A cet égard, une réflexion doit être menée sur le plan local avec les préfets pour instaurer une véritable politique du logement dans la police nationale.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Ma dernière question concerne la sécurité civile. On parle beaucoup de la loi de 1996. J'ai même entendu dire qu'il fallait des pompiers de terrain. Or tous les pompiers sont des hommes de terrain. Il ne faut pas séparer les professionnels et les volontaires. Je crois que la départementalisation malgré tout le permet, quand elle est menée de manière coordonnée.
J'ai toujours considéré que le département, et pas seulement pour cette mission, était le lieu où pouvaient s'exercer la solidarité et une bonne péréquation. Il y a effectivement des problèmes de financement. La loi de 1996 a révélé qu'un certain nombre de collectivités n'avaient pas suffisamment de moyens pour assurer les secours. La sécurité civile, comme la sécurité d'ailleurs, a un coût. Si on n'y consacre pas entre 300 francs et 350 francs par habitant et par an, on n'a pas les moyens réels de mettre en oeuvre une politique de sécurité civile.
Il faut que l'Etat apporte son aide, car des départements sont très démunis. Vous avez prévu une petite part de la dotation globale d'équipement pour les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours. C'est bien. Une réflexion est en cours. Le rapport Fleury a formulé des propositions intéressantes. L'Association des maires de France et l'Assemblée des départements de France en ont fait également.
J'en suis convaincu, il ne faut pas entretenir le climat malsain qui existe dans certains départements. Nous rencontrons tous des problèmes pour l'aménagement et la réduction du temps de travail des sapeurs-pompiers. En effet, compte tenu des conditions d'exercice de leurs missions, ce n'est pas forcément facile et toutes les dérives peuvent exister dans ce domaine, avec des risques d'explosion des budgets des SDIS.
S'agissant des budgets, j'évoquerai un point particulier, monsieur le ministre. Je suis frappé de l'augmentation des interventions des sapeurs-pompiers au titre du secours médical d'urgence. Il s'agit là d'un vrai problème. Cette situation résulte à la fois des restrictions de crédits imposées aux hôpitaux et d'une mauvaise organisation, parfois, avec les médecins libéraux et les ambulanciers. Par conséquent, il est plus simple d'appeler les pompiers. S'agissant de ce type d'interventions, j'ai constaté, dans mon département, une augmentation d'une année sur l'autre de plus de 7 %. J'ai mis en place un dispositif de vérification de la nature de ces interventions pour que nous sachions exactement où nous en sommes. Je considère qu'elles ne relèvent pas des missions des services d'incendie. Si elles leur sont confiées, car ils sont désormais bien équipés et comptent de plus en plus souvent parmi eux des infirmiers et des médecins ; ils devraient être remboursés par les agences régionales de l'hospitalisation,...
M. Paul Girod. Effectivement !
M. Jean-Jacques Hyest. ... comme le sont les SMUR et les SAMU. En effet, quand les pompiers viennent chercher un malade à son domicile parce qu'aucun autre service public ne peut intervenir, il n'y a pas de raison que les frais que cette intervention génère ne leur soient pas remboursés. ( M. Jacques Machet applaudit.). C'est d'ailleurs une des propositions du rapport Fleury. Elle pourrait être mise en oeuvre très rapidement si les instructions nécessaires étaient données, car cela ne nécessiterait pas l'intervention du législateur. Les services d'incendie et de secours verraient ainsi leur rôle conforté et leurs moyens seraient mieux utilisés.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire sur ce budget. J'aime être concret et répugne à me lancer dans de grands débats. S'agissant du budget de la sécurité, certains affichent un réel optimisme. Pour ma part, je considère, monsieur le ministre, qu'il règne un profond malaise dans la police et qu'il est temps de rassurer ces fonctionnaires, d'autant que, d'ici à quelques années, leurs effectifs connaîtront un profond renouvellement, qui n'est pas totalement préparé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « l'insécurité n'est pas un fantasme ». La formule est connue ; la réalité qu'elle recouvre est, hélas ! toujours bien trop occultée. En effet, même si une partie de la gauche a pu sembler s'y rallier, c'était pour aussitôt en limiter la portée.
Ce gouvernement ne fait pas exception puisqu'il veut, par tous les moyens, accréditer l'idée lancée par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et selon laquelle « l'insécurité est parfaitement contenue dans notre pays ». Or, force est de constater et de déplorer, mes chers collègues, que tel n'est pas le cas. Bien au contraire ! Les faits sont accablants. La criminalité et la délinquance augmentent. Depuis 1997, les hausses succèdent aux augmentations.
Ainsi, au premier semestre 2000, le nombre de crimes et de délits constatés en France s'est établi à 1 844 493, soit une augmentation de 2,5 % par rapport au premier semestre de 1999. Cette hausse est minime, dira-t-on, avec l'habileté des mots. Mais elle représente tout de même, excusez du peu, 100 000 actes de délinquance supplémentaires en année pleine. Ce résultat confirme la tendance enregistrée depuis l'installation de votre majorité puisque la hausse a été de 2,3 % au premier semestre de 1998 et s'élève à 3,4 % au premier semestre de 1999.
Voilà la dure réalité des chiffres, que masque une présentation officielle toujours plus habile.
A Paris, monsieur le ministre, le préfet de police fait de la communication sur la baisse de 7,6 % de la délinquance sur la voie publique au cours des dix premiers mois de cette année, pour mieux atténuer la hausse de 1,8 % du total des infractions recensées dans la capitale.
Plus alarmantes encore sont certaines hausses particulières.
Sur le plan national, au cours des six premiers mois de cette année, les crimes et les délits contre les personnes ont augmenté de 6,1 %, parmi lesquels on note une progression de 10,2 % des coups et blessures volontaires et de 6,3 % des viols.
Les vols, toutes catégories confondues, sont stables, mais les vols avec violences progressent de 14,7 % et les vols à main armée de 5,2 %, la palme revenant aux vols avec violences commis contre des particuliers à domicile, qui connaissent une hausse de 23,1 %.
Aussi, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour toutes les victimes, fortement traumatisées par ces agressions, de plus en plus violentes.
Le pouvoir des mots est habilement utilisé pour affadir la dramatique réalité. Les truands ont disparu ; ce ne sont plus que des malfaiteurs, alors même que les règlements de comptes se multiplient. Les petis délits, pourtant réprimés par le code pénal, ont cédé la place aux « incivilités », pour mieux signifier qu'il faut être « gentil » avec ces « pauvres » petits délinquants.
« Vous n'êtes pas tolérants », a-t-on répondu à de téméraires habitants du XVIIIe arrondissement, qui s'étaient risqués à formuler quelques récriminations à leurs élus locaux.
La tolérance doit avoir ses limites. Et je suis de plus en plus choqué par certains faits. Je pense, par exemple, aux dealers qui ne prennent même plus la peine de ranger leur marchandise au passage d'un véhicule de police.
Mais que l'on se rassure, la sécurité demeure un droit de l'homme.
Le seul problème, si j'ose dire, c'est que le Gouvernement se cache derrière les mots pour mieux dissimuler son échec en matière de sécurité, pourtant première mission de l'Etat.
En matière de sécurité, le moins que l'on puisse dire est que l'égalité n'est pas assurée partout et à tous. Peut-on dire que celle-ci a encore un sens dans les 818 quartiers sensibles, répertoriés comme tels par les Renseignements généraux en 1999 ? « Quartiers sensibles », une autre façon habile d'utiliser le vocabulaire. Les plus faibles de nos concitoyens sont les premières victimes de la violence qui règne dans ces quartiers à haute délinquance.
Au point que ces victimes n'osent plus porter plainte, de peur des représailles. Le « chiffre noir de la criminalité » qu'a évoqué le rapporteur pour avis, notre excellent collègue M. Jean-Patrick Courtois, dont je salue le parler juste, est d'autant plus noir qu'il est important.
Les mineurs sont également les premières victimes de la violence qu'ils génèrent. Et ne pas prendre les mesures efficaces d'éloignement de certains d'entre eux relève réellement de la non-assistance à personne en danger. Les « sauvageons » - toujours les mots ! - n'ont pas disparu avec le changement de ministre.
Conclusion, la situation est grave, d'autant plus préoccupante qu'elle ne cesse de se détériorer. Et que fait le Gouvernement ?
Il se cache, encore et toujours, derrière les mots, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Carrère. Tu parles !
M. Bernard Plasait. Et quel est le mot magique ? La proximité ! Un seul mot, remède à tous les maux.
Je ne discuterai pas du bien-fondé du terme, même s'il me semble relever du pléonasme et de l'aveu.
M. Jean-Louis Carrère. Ah bon ?
M. Bernard Plasait. Pléonasme, car la police doit tout naturellement être proche des gens qu'elle est censée protéger. Aveu, parce que c'est l'aveu qu'elle ne l'était plus.
L'orientation pourrait être bonne à la double condition de distinguer les missions de prévention et de répression et de doter la police de proximité des moyens nécessaires.
Comme le bon sens le commande, pour être efficace, cette police a besoin de moyens, à commencer par des fonctionnaires, hommes et femmes, nombreux, bien formés et disponibles.
Malheureusement, je ne peux que partager l'analyse de M. le rapporteur qui considère que le succès de cette orientation est gravement hypothéqué par le manque de moyens.
Alors qu'il aurait fallu accroître les effectifs de façon substantielle, notamment pour anticiper les départs en retraite, le budget que vous nous présentez pour 2001 consacre une diminution des effectifs de près de 1 %.
Par conséquent, vous en êtes réduit à gérer la pénurie et à ne compter que sur les 20 000 adjoints de sécurité qui, à terme, seront recrutés.
Votre politique se réume donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul, ce qui ne manquera pas d'avoir de graves répercussions.
Je ne peux que souligner, comme chaque année, les difficultés de recrutement rencontrées en région d'Ile-de-France et regretter la très faible formation des adjoints de sécurité - aucun diplôme n'est exigé - ainsi que les défaillances du système d'encadrement - le tutorat a échoué -, ce qui nous conduit à voir patrouiller dans la capitale des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes.
Les Français ont besoin de vrais policiers pour assurer leur sécurité, de vrais professionnels, bien formés, bien rémunérés et considérés à la mesure des services qu'ils rendent à la nation tout entière.
Et si je m'associe évidemment à l'hommage rendu aux quatre policiers tués et aux 4 118 fonctionnaires blessés en mission l'an dernier, je déplore que ce budget, qui ne fait que stagner en francs constants, ne permette pas de répondre aux premières urgences, juste aux premières urgences, monsieur le ministre.
Je pense à la persistance dramatique des tâches indues ainsi qu'aux tâches administratives pour lesquelles vous avez interrompu, dès 1997, le recrutement des 4 300 emplois que prévoyait la loi de programmation.
De même, je considère qu'une attention toute particulière doit être portée au corps des officiers de police qui assument aujourd'hui de très lourdes responsabilités, sans la juste compensation qu'ils méritent.
Enfin, mais c'est aussi devenu un classique depuis trois ans, je ne peux que dénoncer l'insuffisance chronique des crédits de fonctionnement et d'équipement.
Cela conduit, notamment, à un retard préjudiciable du réseau ACROPOL, au maintien en service de près de 7 000 véhicules qui ont dépassé leurs critères de réformes et à l'insatisfaction des besoins en logements des policiers, particulièrement en région parisienne.
Or, la première condition de l'efficacité d'une police, c'est la motivation des hommes et des femmes qui la font.
Pour cela, il faudrait une politique cohérente et ferme qui, pour reprendre la formule de Raymond Marcellin, consiste « à créer l'insécurité dans le camp de nos adversaires ».
Je crains fort, monsieur le ministre, que, avec votre politique, nous n'en soyons bien loin. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à m'associer à l'hommage rendu tout à l'heure aux pompiers tués en service commandé, ainsi qu'à tous ceux qui ont été blessés, sans oublier les membres des autres forces de sécurité qui veillent sur notre population.
S'agissant des pompiers, je regrette que l'Assemblée nationale ait écarté un certain nombre de dispositions introduites par le Sénat dans le projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, notamment la validation des services accomplis par les sapeurs-pompiers volontaires qui sont en même temps fonctionnaires publics territoriaux, et l'augmentation de la pension de réversion et de la pension d'orphelin attribuées aux ayants cause des sapeurs-pompiers décédés en service commandé.
Sur ces deux dispositions que le Sénat avait introduites et que l'Assemblée nationale a supprimées, un mauvais dialogue s'est établi entre les deux assemblées au sujet d'un corps et d'un groupe d'hommes et de femmes qui méritent cependant une reconnaissance absolument unanime de la nation.
Monsieur le ministre, je voudrais vous parler quelques instants de la sécurité civile et de la défense civile pour des raisons que vous connaissez bien et qui me vaudront d'ailleurs l'honneur de vous recevoir dans quelques jours dans une autre enceinte.
Je vous avoue éprouver une certaine inquiétude par rapport à la manière dont l'ensemble de notre pays appréhende actuellement la question : mon inquiétude est liée non à une insuffisance des réflexions engagées - il y en a, et beaucoup - non à une absence de prise de conscience au niveau de l'administration centrale de l'évolution d'un certain nombre de menaces, et en particulier de la menace latente du terrorisme, sur lequel plusieurs groupes de travail sont actuellement à l'oeuvre au sein des organismes gouvernementaux, mais à une tendance de la population française a pour des raisons qui s'expliquent d'ailleurs facilement, à n'aborder le problème de la sécurité civile que sous l'angle des grandes catastrophes que nous venons de subir : inondations, pollutions en tous genres, etc.
C'est effectivement un sujet qui mérite examen et analyse. En ce qui concerne les grandes tempêtes de l'année dernière, notamment, force est de constater que notre système de secours a très bien réagi mais par la base, c'est-à-dire par les élus locaux et les corps de sapeurs-pompiers au contact de la population. Peut-on en dire autant de certaines grandes administrations ou de certains grands services, en particulier d'EDF, quant à la rapidité avec laquelle ils ont fait face aux difficultés auxquelles ils étaient confrontés ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que, malgré les louanges sur le résultat final, un certain nombre de critiques sont émises ici ou là sur la manière dont les choses ont été gérées au cours de la période de réparation et de remise à niveau. Il y a probablement là matière à réfléchir, de même qu'il faut s'interroger sur l'efficacité de certains grands plans derrière lesquels on se réfugie un peu facilement ; ainsi, le plan POLMAR-Terre ne semble pas avoir fait la preuve d'une parfaite efficacité dans l'affaire de l' Erika .
Mon propos, monsieur le ministre, sera plutôt axé autour de l'idée suivante.
Nous avons certes des plans à revoir et un certain nombre de réflexions à mener. Sommes-nous certains que, dans un certain nombre de cas, nous ne sommes pas à la recherche du Graal ? Je m'explique.
Actuellement, une réflexion est menée sur l'unification des réseaux de télécommunications. C'est important. Je sais qu'un certain nombre de solutions apparaissent. Mais n'a-t-on pas trop attendu avant de prendre une décision effective ? Churchill disait que la bataille d'Angleterre avait certes été gagnée par les pilotes, auxquels il rendait un hommage appuyé, mais également grâce à un vieux militaire chargé du choix des appareils volants, autrement dit des avions, qui, un jour, stoppant la course au prototype toujours plus performant, avait décidé de passer au stade de la construction : ce fut le Spitfire, qui permit la victoire de la bataille d'Angleterre, car il existait en nombre suffisant.
Ne sommes-nous pas, dans les réflexions que nous menons en matière de sécurité, à la recherche permanente de l'efficacité la plus parfaite possible pour l'immédiat ou les prochains mois, ce qui nous empêche de passer à l'action ? Il faudrait, à mon avis, réfléchir sur ce point.
De la même manière, monsieur le ministre, ne devons-nous pas réfléchir à la façon dont sont menés nos exercices en matière de sécurité civile ? Il est courant de dire que, lorsque l'on simule un exercice sur un accident de centrale nucléaire, par exemple, il faut le faire de telle manière que cela dérange le moins possible la population civile pour ne pas l'affoler.
Je me permets de verser au débat l'expérience américaine : aux Etats-Unis, les exercices de sécurité civile sont conçus et contrôlés en dehors de l'administration, par des sociétés dont c'est le métier. Ainsi, le dernier grand exercice de sécurité civile a mobilisé jusqu'à la Maison Blanche, et à une date non fixée à l'avance : cet exercice était prévu dans une fourchette de quatre ou cinq jours, mais personne ne savait exactement à quel moment il serait déclenché !
M. Jean-Louis Carrère. C'est plus efficace que pour le décompte des voix ! (Sourires.)
M. Paul Girod. J'ajoute que la société organisant l'opération a passé son temps à créer des incidents supplémentaires dans le cadre même de l'exercice !
Je crains que nos exercices ne soient souvent un peu trop littéraux, préparés, déterminés à l'avance, et que les seuls incidents survenant ne soient dus qu'à des erreurs de lecture de tel ou tel ayant insuffisamment pris connaissance des documents préparés d'avance qui, normalement, ont tout prévu. Il y a donc, à mon avis, une réflexion à mener de ce côté-là.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui regrettent que nous ayons à nous prononcer par un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère de l'intérieur. En effet, même si les critiques que je peux formuler ici ou là sont fortes, j'aurais aimé apporter mon soutien au Gouvernement s'agissant des tâches régaliennes de l'Etat.
Malgré tout ce qui a été dit tout à l'heure sur la réalité du malaise existant dans la police, malaise dont je partage l'analyse, et malgré les réflexions que je viens de faire sur la sécurité civile, j'aurais aimé voter ces crédits.
Malheureusement, le budget de l'intérieur étant un et un seul, la procédure en vigueur quant au vote de la loi de finances dans notre pays m'amènera à émettre un vote négatif sur ces deux points, ce que je regrette profondément. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont une appréhension globalement positive des crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité.
Ils considèrent en effet que, du point de vue qualitatif, ce budget aborde et tente de résoudre concrètement un certain nombre de problèmes soulevés les années passées par les parlementaires et les syndicats de policiers.
Je pense en particulier à la question de la remise sur le terrain de policiers employés à des tâches administratives. Il était temps ! Déjà la loi d'orientation sur la police et la sécurité de 1995 avait prévu le recrutement de personnel administratif à cet effet. Le rapport parlementaire de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, remis en 1999, a constitué, de ce point de vue, l'élément déclencheur qui se traduit aujourd'hui, dans le budget de la police pour 2001, par la création de 800 postes de personnels administratif et scientifique.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent également souligner les efforts de formation et de reclassement réalisés en faveur des adjoints de sécurité ; je pense en particulier à la création d'un concours spécifique « gardien de la paix », même si les choses peuvent et doivent être encore améliorées, notamment du point de vue de la formation.
De plus, si l'on considère que la profession devient, en période de croissance, d'autant moins attractive - on en voit d'ailleurs les effets sur le concours d'officiers -, il convient de veiller particulièrement à maintenir la qualité du recrutement des adjoints et à leur donner un cadre statutaire satisfaisant. Ces exigences deviennent impératives si, comme vous nous l'avez dit en commission, monsieur le ministre, l'on s'oriente vers un élargissement des compétences des adjoints de sécurité et si ces personnels ont effectivement vocation à intégrer le corps des gardiens de la paix.
Cependant, il faudra être particulièrement vigilant à ce que l'effort de qualité en faveur des adjoints de sécurité ne se traduise pas par la constitution d'un corps de policiers au rabais ; c'est la crainte exprimée par le corps des gardiens de la paix à laquelle il nous faut répondre.
Ce risque n'est pas aussi fantasmatique qu'on veut parfois bien le présenter, si l'on considère qu'il faudra, dans les prochaines années, faire face aux massifs départs à la retraite.
Privilégier une lecture qualitative du projet de budget me conduit également à avoir une vision plus critique.
La préoccupation des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen consiste moins à mesurer l'importance des moyens investis, auquel cas il faudrait déplorer la hausse somme toute relative des crédits de cette année, qu'à évaluer l'adéquation des moyens engagés avec la politique qu'ils sont destinés à mettre en oeuvre. En d'autres termes, s'il est bien de créer et de redéployer les postes, encore faut-il savoir pour quelles missions !
Je me limiterai, dans le temps qui m'est imparti, à évoquer le défi de la police de proximité. Le chantier est loin d'être achevé. Si la généralisation des contrats locaux de sécurité a pu démontrer, s'il en était encore besoin, l'intérêt de cette redéfinition de la politique de la sécurité qui réconcilie répression et prévention, prenons cependant garde qu'elle ne soit pas non plus victime de son succès. Des améliorations notables doivent être notamment apportées sur la vocation partenariale des contrats locaux de sécurité, qui en constitue l'un des soubassements. Nombreux sont les syndicats qui ont pu déplorer qu'elle ne se limite trop souvent qu'à des relations épisodiques entre élus et chefs de police.
Il faut songer à y associer plus étroitement, dans une logique de complémentarité, les autres acteurs directs ou indirects de la sécurité, tels les chefs d'établissement scolaire ou des sociétés de transport, mais également la gendarmerie et les autres polices : police des douanes, police municipale, par exemple.
Sur ce dernier aspect, la signature effective ou à venir des conventions conclues entre les polices municipales et la police nationale doit être perçue comme une bonne chose, à condition toutefois qu'elle soit faite dans la complémentarité, sans remise en cause d'aucune sorte du caractère éminemment national et régalien de la police.
Quoi qu'il en soit, ces précisions ne remettent pas en question l'aspect positif de ce projet de budget, que nous voterons donc. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, débattre du budget du ministère de l'intérieur, et plus particulièrement des crédits consacrés à la police, c'est débattre sur une priorité gouvernementale, retenue comme telle par le Premier ministre, dès sa déclaration de politique générale : je veux parler de la sécurité, ce droit fondamental du citoyen dans la République, un droit égal pour tous et en tous lieux.
Trois ans après, il nous appartient d'examiner les conditions dans lesquelles cette volonté politique, solennellement exprimée, s'est inscrite et se poursuit durablement dans les faits.
Elle s'est traduite par l'élaboration et la mise en place des contrats locaux de sécurité et par le développement concomitant de la police de proximité, c'est-à-dire, au-delà de l'indispensable développement des moyens, par une non moins indispensable réorganisation en profondeur des modes d'intervention de la police.
Une réorganisation ne vise à rien moins qu'à rendre la police plus soucieuse du citoyen et de ses attentes, plus sensible à la perception de l'insécurité et mieux impliquée dans les territoires où sa présence est nécessaire. Elle a pour finalité de la rendre plus efficace.
S'il fallait fournir une illustration concrète de la justesse de la politique mise en oeuvre par le Gouvernement, je la trouverais dans mon département, celui des Bouches-du-Rhône, et à Marseille.
En 1999, les chiffres de la délinquance sur la voie publique, génératrice plus que toute autre du sentiment d'insécurité, y ont enregistré une baisse de 5,6 %, n'en déplaise à M. le rapporteur spécial, André Vallet.
Des chiffres plus éloquents encore ont été enregistrés à Marseille, puisque cette baisse a été, pour l'ensemble de la ville, de 9,2 % en 1999 et que, pour les six premiers mois de l'année 2000, une décrue supplémentaire de 8,37 % est venue s'y ajouter.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Grâce à Gaudin ! (Sourires.)
M. Jean-Noël Guérini. Non, grâce au Gouvernement, et non pas grâce à M. Gaudin ! (Nouveaux sourires.)
Par rapport à la période allant de janvier à juin 1999, les derniers chiffres connus pour l'année 2000 font état d'une nouvelle baisse de 18,13 %.
Il s'agit là de résultats encourageants, mes chers collègues, qui nous font enregistrer avec satisfaction l'engagement d'aborder, dès le début de 2001, la seconde phase du dispositif, qui concernera 11 millions d'habitants, répartis dans quatre-vingts départements.
L'achèvement définitif du programme étant annoncé pour juillet 2002, atteindre un tel objectif suppose la création de postes, l'adaptation et la formation des personnels à ces nouvelles méthodes et un accroissement des moyens matériels.
Les mesures les plus significatives sont notamment la création de 550 postes administratifs, qui permettra le retour sur le terrain d'autant de policiers délivrés de tâches qui ne sont pas les leurs, la mobilisation de 200 millions de francs supplémentaires, destinés à financer le seul fonctionnement de la police de proximité, le développement de la formation liée à ce dispositif et la création d'un régime indemnitaire particulier, mais aussi l'affectation de 700 millions de francs d'autorisations de programme à la rénovation du parc immobilier et, surtout, à la construction d'hôtels de police.
On peut affirmer objectivement, monsieur le ministre, que votre projet de budget correspond aux ambitions et à la volonté déjà inscrites dans les budgets précédents.
Pour autant, ne nous dissimulons pas qu'il reste encore beaucoup à faire.
En effet, le problème des effectifs demeure, avec la délicate question du nombre important des départs à la retraite dans les prochaines années, conséquence d'un déséquilibre de la pyramide des âges. Le mouvement de rééquilibrage amorcé dans ce projet de budget par transformation de postes doit être impérativement accéléré.
Je tiens en outre à évoquer un autre problème d'effectifs, celui qui est lié à la pérennisation des ADS dans les années à venir.
Par ailleurs, malgré la création de 150 nouveaux postes, l'insuffisance numérique des personnels scientifiques et techniques, indispensables à une police moderne confrontée aux formes nouvelles de la criminalité organisée, subsiste.
Reste, enfin, l'urgente nécessité qui s'attache à la rénovation et à la reconstruction des centres de rétention, dont l'état est plus qu'affligeant, s'agissant notamment de celui de Marseille, ainsi qu'à la modernisation de nombreux commissariats. Je sais que ces deux dossiers sont pour vous prioritaires, monsieur le ministre.
Au-delà de ce projet de budget, auquel le groupe socialiste apportera, bien évidemment, son soutien, c'est donc une lourde tâche qui vous attend encore, monsieur le ministre.
Cependant, la détermination dont vous avez fait preuve afin d'obtenir de notables ouvertures de crédits complémentaires en collectif budgétaire nous incite à penser que vous saurez la mener à bien.
Qu'il me soit permis de déborder un peu du cadre qui m'est imparti et de souligner, en guise de conclusion, que si, comme je le dis presque quotidiennement à tous ceux qui viennent me confier leurs inquiétudes, la sécurité est avant tout affaire de police et relève de vos services, monsieur le ministre, le sentiment d'insécurité qu'éprouvent nombre de nos concitoyens procède, quant à lui, de facteurs plus complexes.
S'il repose effectivement sur la délinquance, notamment sur une délinquance de rue que l'on a eu trop longtemps le tort de sous-estimer, il résulte aussi de bien d'autres éléments que nous devons prendre en compte.
En effet, un habitat dégradé, des rues malpropres et sombres, des friches sans avenir au coeur de nos cités, l'éloignement qui coupe certaines personnes âgées de l'accès aux services publics, des groupes d'adolescents désoeuvrés faute de lieux de loisirs ou de terrains de sports de proximité sont autant de facteurs engendrant un malaise ambiant qui suscite l'inquiétude et nourrit parfois des fantasmes que d'aucuns s'emploient, de façon nauséabonde, à entretenir.
A tous ces problèmes, seule une ambitieuse politique de la ville, comme celle que s'emploie à mener le Gouvernement, est susceptible d'apporter une réponse.
Cette politique repose aussi en grande partie sur un partenariat volontariste avec les collectivités territoriales. Ainsi, le département des Bouches-du-Rhône s'est engagé à hauteur de plus de 231 millions de francs sur six ans. Cet effort est lourd, très lourd même, mais chacun aura compris, mes chers collègues, que nous sommes confrontés à un véritable enjeu de société et que la réussite est à ce prix. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la sécurité est extrêmement intéressant. Beaucoup d'éléments concrets ont été apportés, même si, monsieur le ministre, le Sénat ne se prononcera pas immédiatement sur les crédits consacrés à la sécurité, puisque c'est l'ensemble du projet de budget du ministère de l'intérieur, y compris les crédits affectés à la décentralisation, qui fera l'objet de notre vote.
Je voudrais toutefois, s'agissant des crédits alloués à la sécurité, faire état de mon désappointement, de ma déception eu égard, en particulier, au net décalage qui me semble exister entre les paroles et la réalité.
Quels sont les indicateurs dont nous disposons en la matière ? Le rapporteur spécial, M. André Vallet, a très justement souligné que le nombre des crimes et délits a augmenté de 2,5 % au premier semestre de 2000, que celui des infractions violentes a progressé de 10 % entre 1998 et 1999 et qu'un sentiment diffus d'insécurité existe partout, dans toutes nos communes, qu'elles soient rurales ou urbaines, dans tous les quartiers, qu'ils soient ou non considérés comme sensibles.
Au regard de ce constat, quel est l'indicateur de l'action de l'Etat, monsieur le ministre ? C'est tout simplement le nombre de policiers en tenue sur la voie publique et susceptibles de consacrer leur activité à des tâches de maintien de l'ordre ou de police, en particulier de proximité. Or l'effectif des agents de la police nationale était de 149 800 en 2000, et il sera de 148 300 en 2001, soit un recul de 1 %.
Monsieur le ministre, il est inhabituel que la commission des finances évoque des variations d'effectifs, car nous nous attachons à prendre en considération l'évolution globale des masses du budget de l'Etat, mais le décalage entre les paroles et la réalité est ici trop criant pour que l'on puisse ne pas réagir.
Ce projet de budget pour 2001 prévoit au total la création de 20 000 emplois de fonctionnaire, mais aussi, parallèlement, une diminution de 1 % du nombre de policiers en tenue.
M. Jean-Louis Carrère. Cela vous fait mal à la bouche !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, quelles sont les priorités du Gouvernement auquel vous appartenez ? ( M. Machet applaudit.) La sécurité est-elle ou non prioritaire ? Bien d'autres choses, naturellement, seraient à dire quant à la préparation de l'avenir.
Au nombre des personnels en tenue figurent les adjoints de sécurité. Ils sont encore 20 000, mais leur nombre diminuera inéluctablement, ce qui explique le recul global des effectifs en tenue disponibles sur la voie publique. Monsieur le ministre, votre prédécesseur nous avait en quelque sorte « vendu » ces adjoints de sécurité, dans l'optique des contrats locaux de sécurité, comme représentant des moyens supplémentaires pour assurer la sécurité dans les rues, dans les quartiers de nos communes. Or, aujourd'hui, leur nombre diminue. Ces adjoints de sécurité, très dignes d'estime et sympathiques au demeurant, qui auront, je l'espère, développé, pendant leur temps de service au sein des commissariats, une vocation pour ce métier, sont en fait des titulaires d'emploi-jeune, relativement peu formés et opérationnels. Ils ont, certes, le mérite de compléter les moyens de la police professionnelle, mais que deviendront-ils dans l'avenir ?
Bien d'autres sujets ont été abordés, mais je ne voudrais pas trop prolonger le débat.
Cela étant, la sécurité civile, les rôles respectifs des services d'incendie et de secours et des établissements hospitaliers constituent autant de questions qui n'ont pas été traitées, or nous sommes bien là au coeur des responsabilités de l'Etat, cet Etat de plus en plus dépensier, qui fait de plus en plus n'importe quoi mais qui ne fait pas son métier essentiel, prioritaire, qui est d'assurer la sécurité de nos citoyens.
Monsieur le ministre, je crois que, à l'occasion de ce débat budgétaire, il revient au Sénat, au vu des propositions et des analyses des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, de faire état de ce qui à ses yeux est l'essentiel. Or, dans ce domaine de la sécurité, la situation n'est pas satisfaisante. Tous les intervenants se sont exprimés en ce sens, c'est notre devoir de le dire, car il s'agit là d'un problème d'opinion publique, d'un problème de société, qui touche à l'évolution de la délinquance dans notre pays, plus spécialement lorsqu'elle concerne les villes et les mineurs.
Ce sujet est donc incontournable, mais rien ne nous est dit sur la manière dont il sera traité dans l'avenir. Pourtant, nous savons bien qu'il y a là des risques très graves pour le tissu social, qu'une sorte de gangrène peut gagner les esprits, affecter les comportements et dégénérer en tensions et en violences. Nous savons bien que tout cela est dangereux pour l'Etat et notre société, mais aucune réponse ne nous est faite à ce sujet.
Par conséquent, monsieur le ministre, ne vous étonnez pas que, cette année, alors que tel n'avait pas été le cas l'année dernière, les commissions du Sénat saisies au fond ou pour avis appellent à rejeter vos crédits de sécurité. L'an passé, je le répète, nous n'avions pas adopté la même attitude, nous ne nous étions pas livrés à la même analyse, mais nous avons examiné en conscience la situation et cela nous conduit cette fois à la préconisation d'un rejet qui, je l'espère, mes chers collègues, sera largement suivie sur les travées du Sénat, de telle sorte que nous marquions nettement notre souci et notre préoccupation au Gouvernement et que nos concitoyens comprennent bien que nous les avons entendus ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas la peine de lui répondre, c'est tellement démago !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme convenu, je n'ai pas l'intention de faire aujourd'hui devant vous une présentation générale du projet de budget du ministère de l'intérieur pour 2001. En effet, mes auditions par la commission des finances de votre assemblée, le 16 novembre dernier, puis par la commission des lois, le 28 novembre, m'ont permis de me livrer à cet exercice.
Je m'efforcerai donc de répondre le plus précisément possible aux différentes questions soulevées, à la fois par écrit et oralement, par MM. les rapporteurs, ainsi qu'aux principales interrogations formulées par les orateurs des différents groupes parlementaires.
Pour ordonner mon propos, qu'il me soit permis de regrouper ces questions en trois thèmes : la police, la sécurité civile et l'administration territoriale. Nous débattrons un peu plus tard, sans doute cet après-midi, des dotations aux collectivités locales.
Mais avant d'entrer dans le détail de vos questions, vous me permettrez de vous rappeler quelques données chiffrées sur ce projet de budget. En effet, j'ai entendu beaucoup de chiffres depuis le début de cette séance, interprétés en règle générale en la défaveur du Gouvernement, et je crois nécessaire de les remettre en perspective.
A périmètre constant et hors dotations aux collectivités locales et crédits pour l'organisation des élections, le budget du ministère de l'intérieur augmente bien de 4,4 % par rapport à l'année dernière, contre 0,3 % pour l'ensemble du budget de l'Etat, monsieur le rapporteur général.
Avec plus de 900 millions de francs l'année prochaine, les mesures nouvelles du ministère de l'intérieur, celles qui représentent notre véritable capacité d'intervention, sont en hausse de 50 % par rapport à l'an 2000 - 50 %, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas les effectifs !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous bénéficierons notamment de plus de 1 milliard de francs pour l'immobilier et de 1 milliard de francs pour l'informatique, les transmissions et les nouvelles technologies.
Ce qui est vrai pour les crédits l'est aussi pour les emplois, monsieur le rapporteur général !
En 2001, après la création nette de 713 emplois, l'effectif global opérationnel du ministère s'établira à près de 185 000 agents, en intégrant les unités de sécurité civile et les adjoints de sécurité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je parlais des personnels de maintien de l'ordre !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. En outre, le Gouvernement vous proposera de majorer ces crédits initiaux dans un collectif budgétaire.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Ce n'est pas sérieux !
M. Jean-Louis Carrère. Il faut savoir avoir tort !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ainsi, 200 millions de francs supplémentaires seront inscrits pour le fonctionnement de la police nationale, pour renforcer la police de proximité, assurer un meilleur entretien du parc des véhicules et tirer les conséquences de la loi sur la présomption d'innocence, ce qui répond à plusieurs de vos préoccupations ; 175 millions de francs seront également ouverts pour les grands projets immobiliers de la police.
Par ailleurs, la sécurité civile bénéficiera de 28 millions de francs supplémentaires à titres divers, notamment pour la reconstitution de ses stocks et le remplacement de ses véhicules lourds brûlés cet été.
Enfin, les crédits des préfectures seront également majorés de 20 millions de francs.
Ces quelques chiffres valent de longs discours. Les grandes politiques dont mon ministère a la charge retrouveront toutes dans ce budget les moyens qui leur sont nécessaires.
Je le redis devant vous, le budget du ministère de l'intérieur pour 2001 sera un bon budget, même si, bien évidemment, il faut continuer à aller dans ce sens dans les années qui suivent.
Au fur et à mesure des réponses que je vous apporterai, vous constaterez que ce progrès est à comparer avec le tableau des tristes années 1995 et 1996, où vous étiez, monsieur le rapporteur général, moins disert qu'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. Il a oublié !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. S'agissant de la police, j'ai noté vos nombreuses questions sur les effectifs de police, notamment sur les adjoints de sécurité, sur les conditions de travail des policiers, en particulier sur le programme ACROPOL, sur le logement des personnels de police et sur les conséquences de la loi relative à la présomption d'innocence. Je vous apporterai également des précisions sur ma conception de la « coproduction » de sécurité, qui concerne aussi bien les contrats locaux de sécurité que les polices municipales, et, enfin, sur la délinquance et l'évolution de certains types de délinquance, sujet de préoccupations de M. Courtois bien que ce ne soit pas des questions d'ordre strictement budgétaire.
S'agissant des effectifs de la police nationale, traités notamment par MM. Courtois, Vallet et Demuynck, il est vrai que la police nationale doit faire face à un vaste mouvement de départ à la retraite qui n'avait pas été anticipé par les gouvernements précédents. Il aurait fallu anticiper ces 4 000 départs par an en 2001 et 2002, selon le principe de la gestion prévisionnelle des effectifs.
Il aurait fallu s'en préoccuper, monsieur le rapporteur général, dès 1995. Or je ne me rappelle pas vous avoir entendu à l'époque ! C'est M. Debré, ministre de l'intérieur, et élu de Paris - je m'adresse également à M. Plasait - qui avait partiellement « déshabillé » la préfecture de police de Paris.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous arrangez les choses à votre convenance !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La vérité est parfois difficile à admettre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est votre vérité toute relative !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. N'y a-t-il pas eu Chevènement, après M. Debré ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Certes, en 2000, les effectifs sont encore bas mais ils augmenteront progressivement jusqu'en 2005. D'ailleurs, c'est justement pour pallier l'imprévision des gouvernements qui nous ont précédés que nous procédons à des embauches en surnombre, ce qui n'est pas, c'est vrai, dans l'orthodoxie budgétaire.
C'est ainsi que M. le Premier ministre a pris la décision de former 2 400 policiers en surnombre ; j'en ai demandé encore pour 2001. Les écoles de la police national sont pleines ; elles forment en 2000 plus de 6 500 élèves gardiens de la paix pour combler les déficits dont nous sommes vos héritiers. (Protestations sur les travées du RPR.) Les écoles de police comptent aujourd'hui 2 000 élèves gardiens de la paix de plus que les années précédentes. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est trop facile !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Dans ce contexte très défavorable, le Gouvernement est néanmoins parvenu à maintenir les effectifs...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle analyse partisane !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Non, pas partisane, je dis la vérité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Vous avez eu quatre ans pour réparer les erreurs.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous avons donc maintenu les effectifs à leur niveau de 1995, et nous sommes parvenus à faire face aux deux premières vagues de généralisation de la police de proximité ; nous sommes en train de la mettre en place. Le projet de loi de finances pour 2001, avec la création de 800 emplois techniques, scientifiques et administratifs, y contribue fortement.
Dois-je vous rappeler que, dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité - j'étais député à l'Assemblée nationale - de M. Pasqua, un de mes prédécesseurs, 5 000 emplois administratifs étaient prévus ? En avez-vous vu la trace dans les budgets de 1995 et de 1996, préparés par les gouvernements que vous souteniez ? Certainement pas !
M. René-Pierre Signé. Non !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous, nous le faisons à votre place. Cela nous demandera un certain temps - 5 000 emplois, ce n'est pas rien ! - mais déjà, avec 800 emplois créés cette année, nous faisons un premier pas qui va dans le bon sens.
M. André Vallet, rapporteur spécial. Et Chevènement, qu'a-t-il fait ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Par ailleurs, nous nous sommes également organisés pour redéployer 5 000 policiers en trois ans dans les quartiers et lieux les plus sensibles du territoire. Personne ne peut contester cette politique de redéploiement menée par le Gouvernement.
Je n'oublie pas le renfort que représentent les adjoints de sécurité dans ce dispositif, dont il est faux de dire qu'ils sont une police de second rang, source de problèmes, alors qu'ils constituent - les policiers que je rencontre sur le terrain le reconnaissent eux-mêmes - un renfort déterminant à la police de proximité, puisque 90 % d'entre eux sont affectés dans les zones sensibles.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Personne ne les critique ; nous nous inquiétons simplement de leur sort !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'y viens, monsieur Marini !
En outre, les adjoints de sécurité contribuent à faire évoluer la police. Ils sont jeunes ; leur moyenne d'âge est de vingt-deux ans ; ils constituent une police plus proche de la population, notamment de par leur origine, puisqu'on compte dans leur rang plus de 30 % de femmes, et de nombreux adjoints de sécurité sont originaires des quartiers où justement des problèmes de sécurité se posent.
Enfin, affirmer que les adjoints de sécurité forment une police de second rang n'est pas sérieux. Il faut savoir qu'ils sont amenés à suppléer les policiers auxiliaires en raison de la suppression du service national. J'imagine que, en tout cas pas sur les travées de la droite de cet hémicycle, vous n'allez pas critiquer cette suppression du service national...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce que nous souhaitons, ce sont des policiers professionnels !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il fallait procéder à ces remplacements. Le recrutement en année pleine de 20 000 adjoints de sécurité est un élément très important pour faire en sorte que la disparition des policiers auxiliaires n'affaiblisse pas les moyens d'intervention de la police.
La politique de recrutement d'adjoints de sécurité a été un véritable succès. Certes, la baisse du chômage, due à la politique menée par le Gouvernement et à la croissance retrouvée, pose parfois, par endroits, des difficultés de recrutement. Cela tient également au fait que les adjoints de sécurité, qui se forment sur le terrain, après deux ans et demi ou trois ans de travail aux côtés des policiers, aspirent naturellement à passer un concours pour intégrer les rangs de la police et à suivre une formation en école. Près de 3 000 d'entre eux ont déjà intégré les rangs de la police nationale. Le poste d'adjoint à la sécurité constitue en quelque sorte une prérecrutement bien utile pour la police, parce que ce sont des personnes que l'on connaît, que l'on a vues à l'oeuvre sur le terrain et dont on connaît le cursus, le comportement et les capacités.
Dès lors, la partie du contrat qui reste à courir n'est plus susceptible d'intéresser de nouveaux jeunes ; ce sont les rompus de contrat. Je souhaite que des décisions soient prises, et elles le seront car je m'en occupe très sérieusement. Chaque fois qu'un jeune quitte son contrat pour intégrer les rangs de la police nationale, il faut que l'on puisse proposer un nouveau contrat de cinq ans à un jeune ; on remet en quelque sorte le compteur à zéro chaque fois qu'un contrat est rompu.
M. René-Pierre Signé. Très bien ! C'est ce qu'ils n'ont pas su faire !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Ça, c'est bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il faut pérenniser la présence des adjoints de sécurité dans la police nationale.
Dans ce contexte de tension pesant sur les effectifs de police, vous avez aussi évoqué un certain malaise qui toucherait le corps des officiers. Sachez que, pour réagir face à ce phénomène, une action d'information est actuellement engagée dans des journaux spécialisés et une campagne d'affichage est en préparation pour susciter, bien entendu, les vocations.
Je répondrai maintenant à M. Demuynck. Les effectifs en Seine-Saint-Denis sont passés, entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2001, de 3 339 à 3 570 gardiens de la paix. C'est une simple précision que j'apporte, qui démontre qu'il n'y a non pas, aujourd'hui, une baisse d'effectifs en Seine-Saint-Denis, mais au contraire un accroissement d'effectifs qui sera bien sûr progressif...
Par ailleurs, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, la police de proximité, à qui, avec le Premier ministre, j'ai rendu visite, fait son travail. Il est bien utile. C'est vrai pour la Seine-Saint-Denis comme pour d'autres départements, notamment en zones urbaines denses.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Elle n'est pas assez nombreuse !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La police de proximité va s'intensifier. La première vague compte 63 circonscriptions de police. La deuxième vague - nous somme en train de la mettre en place - comptera 180 circonscriptions de police. Quant à la troisième vague, elle est prévue pour être mise en place au tout début de l'année 2002. A cette date, l'ensemble des Français qui vivent en zone de police seront concernés par la police de proximité.
Je suis heureux de constater que la police de proximité est un élément positif qui est acté dans cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Elle n'est pas assez dense !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. C'est une bonne politique par rapport à une vieille conception de la police de maintien de l'ordre, tout à fait efficace. Mais, aujourd'hui, nos concitoyens demandent une police de proximité afin qu'elle agisse au plus près de leur vie. C'est là, effectivement, une vraie révolution, qu'il nous faut réaliser. Les policiers l'ont compris. Aujourd'hui, dans la police, dans toute la hiérarchie du bas en haut, et du haut en bas, chacun est convaincu qu'il faut aller vers la police de proximité.
Concernant les conditions de travail des policiers, évoquées par MM. Courtois et Vallet notamment, un rappel me paraît nécessaire. Je ne peux laisser dire que les crédits de fonctionnement de la police seront insuffisants en 2001.
Le projet de budget prévoit que la police disposera en 2001, pour la première fois, de crédits de fonctionnement de plus de 4 milliards de francs, en augmentation de près de 7 % par rapport à 2000. Les moyens de la police de proximité seront de 200 millions de francs en 2001, 145 millions de francs étant réservés au financement et à l'équipement des nouvelles implantations immobilières nécessaires à la police de proximité. Les crédits informatiques de la police augmenteront de 33 %, et les crédits immobiliers progresseront de 18 %.
Le réseau ACROPOL par ailleurs, dont les élus ou les policiers eux-mêmes se plaignent quelquefois au motif qu'il tarde à se généraliser, contribue d'ores et déjà à l'amélioration des conditions de travail des policiers. Les performances insuffisantes des réseaux analogiques utilisés par la police nationale rendaient très difficile la coordination opérationnelle des services. Ce n'est plus le cas dans les zones couvertes. Progressivement, les zones vont être couvertes : 80 % du territoire national devrait l'être en 2002. L'ensemble du programme sera achevé en 2007.
Le coût d'ensemble du programme ACROPOL est de 4,4 milliards de francs. En 2000 comme en 2001, nous disposerons de 400 millions de francs pour ce programme. Un nouveau marché est en cours de négociation, qui devrait être signé d'ici à la fin de l'année.
Vous avez également évoqué les conséquences pour les services de police de l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, à laquelle M. Hyest, notamment, a fait allusion.
L'obligation d'enregistrer les auditions des mineurs gardés à vue - 3 000 sites d'enregistrement devront être équipés d'ici au 1er juillet 2001 - se traduira par un coût évalué à 70 millions de francs. La dotation est prévue dans le projet de loi de finances rectificative qui sera examiné avant la fin de cette année.
M. Hyest m'a également interrogé sur le logement des policiers. Mon ministère mène une politique dynamique de réservation : sur les six dernières années, les crédits consacrés à cet objectif ont atteint un montant cumulé de 760 millions de francs et un stock de plus de 12 000 logements a été constitué, qui permet d'assurer un taux de satisfaction des demandes supérieur à 50 %. Néanmoins, nous sommes confrontés à des problèmes d'adaptation au terrain, problèmes auxquels le coût du foncier n'est pas étranger.
Bien évidemment, nous allons poursuivre ce travail, en partenariat, là encore, avec les collectivités, qui peuvent veiller à ce que les programmes de logements soient bien entrepris.
L'offre totale est supérieure à 15 000 logements. Soucieux d'avoir une meilleure connaissance des besoins des fonctionnaires dans ce domaine, notamment en région parisienne, nous avons lancé une enquête très précise auprès des fonctionnaires eux-mêmes pour déterminer quel est leur souhait. Il serait en effet mauvais de construire des logements que nous ne pourrions ensuite attribuer.
MM. Hyest, Courtois et Vallet m'ont questionné sur la coproduction de sécurité par rapport à la police. Je ne reviens pas sur le contrat local de sécurité, puisque - il faut quand même le dire - la police et la gendarmerie ne peuvent pas être les seuls coproducteurs de sécurité. D'ailleurs, beaucoup d'entre vous l'ont reconnu. L'Etat doit assumer ces tâches mais, bien évidemment, pas toutes les tâches.
Je répondrai tout à l'heure à M. Plasait, qui évoquait l'augmentation du nombre de viols. On ne peut pas placer un policier derrière chaque homme pour l'empêcher de commettre un viol, notamment dans les lieux privés. C'est un problème de société. La police peut élucider les affaires de viol ; elle peut, par sa présence sur la voie publique, empêcher que des viols ne s'y commettent. Mais elle ne peut être partout à la fois ! Il faut ramener les problèmes à leur juste valeur.
Oui, la sécurité est une affaire de partenariat. C'est pourquoi les contrats locaux de sécurité ont été créés. Au 1er décembre 2000, le nombre de ces contrats s'élevait à 457, dont 148 étaient de nature intercommunale et 12 spécifiques au transport public. Par ailleurs, 275 contrats étaient en cours de préparation.
Ce partenariat concerne aussi les polices municipales. Comme l'écrit de façon quelque peu critique M. Courtois dans son rapport, à ce jour près de six cents conventions de coordination entre la police municipale et la police ou la gendarmerie nationale ont été signées. Le bilan définitif sera supérieur, car plusieurs conventions seront prochainement signées.
Nous pouvons donc être satisfaits, même si les contrats locaux de sécurité - et un certain nombre de personnes, notamment une au sein de mon cabinet, s'occupent de cette question - doivent être relancés et évalués. Il faudra bien évidemment réexaminer ces questions parce que la police de proximité ne peut se substituer à l'absence ou à la déficience de ces contrats. Ce partenariat entre les élus locaux, les acteurs économiques, les services déconcentrés de l'Etat, la justice et la police doit se renforcer encore.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Beaucoup de mots, beaucoup de réunions, mais peu d'effectifs !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les contrats locaux de sécurité sont une réalité et quand les élus jouent le jeu, je puis vous dire qu'ils fonctionnent bien !
J'aborderai maintenant un vaste sujet qui a été évoqué par MM. Vallet, Courtois, Hyest et Marini, et à propos duquel j'entends ici et là des critiques récurrentes : les statistiques de la délinquance.
Le système actuel de collecte des statistiques sur les crimes et délits présente, comme je l'ai dit en commission, l'avantage d'être ancien, puisqu'il date de 1972. Il fournit donc des séries statistiques longues, très utiles pour analyser les évolutions de la criminalité, et ses principes n'ont pas été remis en cause depuis vingt-huit ans. Sur le plan local, ce système est un instrument essentiel pour l'élaboration des contrats locaux de sécurité. Il est également très utile pour le redéploiement des autorités de police.
Comme je l'ai indiqué aux autorités de police, notamment au directeur général de la police qui partage mon opinion, mon objectif est de répondre objectivement et sans discrimination aux préoccupations là où elles s'expriment, sans faire intervenir des critères politiques qui conduiraient à placer des effectifs ici plutôt que là. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Robert Bret. Contrairement à ce qui se passait avant !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les statistiques viennent théoriquement à l'appui des décisions prises de la sorte. Elles ne sont bien évidemment pas figées, car elles doivent s'adapter à l'évolution même de la délinquance.
En 1988 et en 1995, les réflexions qui ont été menées ont fait évoluer l'outil statistique. Celles qui sont actuellement en cours sur ce sujet le sont sans tabou et ne sont pas destinées à tripatouiller des chiffres dans les bureaux du ministère ! Nous réfléchissons à la façon non seulement de retracer le nombre et la typologie des interventions, mais aussi de mieux évaluer l'efficacité des interventions de la police, de mieux prendre en compte les évolutions du droit pénal et celles de la délinquance - je pense notamment à la cybercriminalité, nouvelle forme de délinquance qu'il nous faut aussi saisir statistiquement - et de limiter la charge de collecte et de saisie des statistiques dans les services.
Selon moi, les évolutions de la délinquance ne peuvent être interprétées avec précision que sur une période suffisamment longue, à savoir l'année entière, et je parle sous le contrôle d'anciens ministres de l'intérieur. Les statistiques faites sur un ou trois mois n'ont aucun sens. Elles ne servent qu'à faire plaisir au ministre ou à déplaire à ceux qui le critiquent, et encore, puisque, de toute façon, les ministres et les majorités changent !
Voyons donc objectivement comment les choses évoluent en année pleine et prenons les décisions en fonction des évolutions constatées.
M. Vallet a déploré l'absence dans le projet de loi de finances initiale pour 2001 de moyens supplémentaires pour lutter contre la délinquance en Corse. Permettez-moi de vous dire qu'en matière de délinquance, en tout cas la délinquance de voie publique, la Corse enregistre des résultats très favorables. Je vous informe, au risque de vous surprendre, qu'ils n'ont même jamais été aussi bons ! Cela est peut-être dû à la présence de nombreux policiers. Quant à la délinquance, je dirai classique, celle que l'on peut regretter dans nos quartiers, elle ne se retrouve pas en Corse. Je dispose de toutes les statistiques, si elles vous intéressent ; je tenais à en informer la Haute Assemblée.
J'en viens aux critiques émises, notamment dans le rapport de M. Courtois, sur la délinquance des mineurs. Il s'agit, c'est vrai, d'un problème important et difficile. Le nombre de mineurs délinquants a malheureusement augmenté de 73 % en dix ans, soit 72 000 mineurs de plus. Peu importe les gouvernements concernés, puisque ce ne sont ni les gouvernements ni ceux qui les soutiennent qui favorisent la délinquance, qu'elle soit le fait de mineurs ou non. Nous avons en effet tous intérêt à ce que la délinquance diminue.
Certes, une diminution de l'ordre de 1 % est intervenue en 1999, ce qui est vraiment très faible par rapport à 1998, et, sur la même période, la part des mineurs dans le nombre total de personnes mises en cause pour des faits de délinquance a légèrement diminué, de moins de 2 %. Ces mouvements restent donc fragiles.
Sur les dix premiers mois de l'année 2000 - je réponds à votre question même si je préfère, comme je l'ai dit, parler en année pleine - le nombre de mineurs mis en cause a très légèrement augmenté de 0,5 %. La baisse est en revanche assez nette pour les vols : moins 3 %. Mais restons prudents. Nous observons en effet une relative stagnation de la délinquance des mineurs depuis deux ans. Ce phénomène s'explique sans doute pour partie par l'action déterminée des forces de police et peut-être aussi de la justice avec les mesures concernant notamment l'éloignement et les centres de réinsertion, de rééducation. Ce phénomène s'explique aussi par l'amélioration de la croissance et de la situation économique et sociale. Encore une fois, tout cela reste fragile et personne ne dispose de solution miracle.
Ce phénomène ne se limite d'ailleurs pas à certaines couches sociales. Il existe aussi des mineurs délinquants issus de couches sociales auxquelles on ne penserait pas. Tout montre que l'origine sociale n'est donc pas toujours à l'origine de la délinquance...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si tout le monde avait des papiers, il y aurait moins de délinquance !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il s'agit de questions de société pour lesquelles le ministère de l'intérieur et la police ne peuvent pas tout régler, cette dernière n'étant pas, si vous me permettez l'expression, la voiture balai de la société ! Nous devons nous préoccuper de ces problèmes bien en amont.
Quant aux chiffres relatifs à Paris, monsieur Plasait, il faut les prendre avec d'autant plus de prudence qu'ils ne portent que sur les dix premiers mois de l'année 2000. Nous ne disposerons que dans un mois de la totalité des chiffres de l'année 2000. Je note toutefois que la baisse est de 7,6 % pour la délinquance, de 19 % pour les cambriolages ; de 14,5 % pour les vols à la roulotte, de 11 % pour les vols de voitures, de 6 % pour les vols à la tire et de 2,6 % pour les destructions et dégradations.
Les vols avec violence, sont eux, hélas ! en progression, ainsi que la délinquance financière et économique, qui a augmenté de 26,5 % ! Si l'on cumule toutes ces données, on peut toujours faire dire aux statistiques que la délinquance est en augmentation à Paris, alors que la délinquance sur la voie publique, par exemple, a baissé, elle, de 7,6 % ! Les infractions commises sur Internet ou ailleurs n'ont pas lieu sur la voie publique... Vous conviendrez que tous ces chiffres doivent donc être maniés avec prudence.
Pour en finir avec Paris, monsieur Plasait, mieux vaut éviter d'aborder les sujets qu'on connaît moins bien et de politiser un sujet qui ne s'y prête vraiment pas !
Qu'il y ait des problèmes à Paris, c'est sans doute vrai, mais la préfecture de police fonctionne bien. Elle fait son travail, malgré les attributions qui lui ont été retirées, notamment en 1995 ; elle retrouve progressivement des marges et le préfet de police a vocation - il le sait, je le lui ai dit - à affecter les effectifs en priorité là où les problèmes se posent de manière objective.
Je crois que Paris, capitale de la France, a bien besoin de la police nationale, formée avec des règles, avec une déontologie. Je le dis ici très nettement, je n'ai rien contre les polices municipales dans leur ensemble. Ce Gouvernement a d'ailleurs traduit dans la loi une idée qui avait pourtant été émise par MM. Quilès, Pasqua et Debré. Il est vrai que ce dernier l'avait proposée juste avant la dissolution, et que le projet correspondant avait peu de chances d'aboutir ! C'est chose faite grâce à M. Chevènement. La police municipale est encadrée.
Je me permets néanmoins de dire que Paris, compte tenu de sa situation particulière, a besoin d'une police de proximité dans les arrondissements en même temps que d'une police de l'ordre public pour assurer le maintien de l'ordre et la sécurité des manifestations. La préfecture de police et les policiers font preuve d'une grande maîtrise, d'un grand professionnalisme, je veux le dire ici devant vous, puisque M. Plasait m'a interpellé en particulier sur un arrondissement de Paris que je n'aurai pas l'outrecuidance d'évoquer ici, car ce n'est pas le lieu.
J'en arrive à la question de M. Vallet sur les subventions aux syndicats : 10 millions de francs. Très franchement, il me paraît normal que les syndicats - que, j'imagine, personne ne récuse ici, ni dans la police, ni ailleurs, car ils sont bien utiles - puissent être financés par la puissance publique. C'est mieux que par d'autres méthodes ! Il me semble donc normal d'assurer aux syndicats représentatifs des personnels les moyens de fonctionnement nécessaires au dialogue social.
Un amendement parlementaire au projet de budget pour 1997 a souhaité isoler, dans un chapitre séparé du budget global de la police, les subventions de fonctionnement des syndicats, soit 8,5 millions de francs en 1997 et 10 millions de francs aujourd'hui.
Ces crédits sont répartis au prorata de la représentativité des syndicats, qui rendent compte de leur emploi. En contrepartie, le démarchage publicitaire, souvent source d'abus, a été interdit.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur Vallet, vous émettiez des critiques sur la non-transparence de mon budget. Très franchement, je ne vous ai pas entendu adresser ces critiques à mes prédécesseurs, notamment à ceux qui faisaient partie des gouvernements que vous souteniez.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est qu'il n'était pas rapporteur spécial à l'époque ! C'est une bonne raison !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mais les méthodes de présentation n'ont pas régressé, elles ont même été améliorées dans le sens de la transparence. C'est notamment vrai pour les syndicats. Je puis vous dire qu'il n'y a vraiment rien de nouveau qui puisse vous préoccuper par rapport aux périodes antérieures.
M. André Vallet, rapporteur spécial. Pourquoi écrire « autres organismes » ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'en viens aux compagnies d'assurance puisque vous les avez aussi évoquées.
Le ministère de l'intérieur, grâce à un traitement interne des données, communique aux sociétés d'assurance les informations qui leur permettent de retrouver rapidement l'identité des propriétaires de véhicules volés. Cette action de l'Etat est une contribution très précieuse pour les sociétés d'assurance. Par conséquent, ces dernières ont proposé d'abonder par fonds de concours le budget du ministère de l'intérieur. Il n'y a là rien de nouveau.
La Cour des comptes a validé ce dispositif à maintes reprises. Le fait nouveau est que j'ai demandé que l'on mette fin au lien qui existait en effet jusqu'à cette année entre le versement des sociétés et le budget social du ministère. Ce sera fait en 2001. Cela vous a échappé, me semble-t-il. Les fonds des sociétés d'assurance sont versés sur le chapitre du fonctionnement de l'administration centrale.
Les subventions aux oeuvres sociales sont versées sur un autre chapitre budgétaire. Il n'y a donc plus de lien entre les deux.
Monsieur Guérini, en ce qui concerne Arenc, nous venons de choisir le terrain sur lequel doit être reconstruit un bâtiment : 100 millions de francs seront consacrés à ce projet. En attendant la livraison de ce bâtiment, 2 millions de francs seront dépensés pour rénover les locaux existants.
J'en arrive au budget de la sécurité civile.
Bien évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs, vos questions ont porté sur les conséquences à tirer des catastrophes de l'hiver dernier, sur les évolutions envisagées pour assurer un meilleur fonctionnement des SDIS et, plus largement, sur les conclusions à tirer du rapport Fleury sur la sécurité civile.
Plusieurs questions, émanant notamment de MM. Schosteck et Paul Girod, ont porté sur les conséquences de ces catastrophes de l'année dernière.
Le Sénat a déjà eu l'occasion d'étudier cette question par l'intermédiaire de sa commission spéciale sur le naufrage de l' Erika.
Le dispositif de lutte à terre et en mer est certes perfectible. M. le Premier ministre a réuni en effet deux comités interministériels de la mer en février et en juin 2000. De nombreuses mesures ont été décidées dont la plupart ne relèvent pas du champ de compétences du ministère de l'intérieur.
Les enseignements tirés du naufrage de l' Erika ont été précieux pour la gestion de l'accident du Ievoli Sun ; chacun s'accorde à souligner la très bonne coordination qui a eu lieu entre la partie maritime et la partie terrestre du plan POLMAR. Le fait que le préfet de zone ait été chargé de cette question a sans doute contribué à cette bonne coordination.
Dans le même ordre d'idées, M. Schosteck a souligné l'inadaptation des plans contre les inondations.
Vous savez que ces domaines relèvent non pas de la sécurité civile, mais des plans de prévention des risques, les PPR, définis dans la loi de 1995. Le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est pilote dans ce domaine, mais la direction de la sécurité civile travaille actuellement avec Météo France et le ministère de l'équipement à une amélioration des procédures d'alerte. C'est un des enseignements tirés des inondations du Tarn et de l'Aude.
En ce qui concerne les SDIS, je vous rappelle que la loi de 1996 n'était pas sans imperfections, imperfections que nous souhaitons gommer.
Dans le cadre du projet de loi sur la décentralisation, le Gouvernement proposera des dispositions permettant de conforter la place des conseils généraux au sein des conseils d'administration et de stabiliser les dépenses des communes en matière de secours et de lutte contre l'incendie. C'est d'ailleurs ce que j'ai dit lors du congrès de l'Association des maires de France.
M. Vallet a également regretté le caractère, selon lui, tardif du projet de loi sur la sécurité civile. Un premier train de mesures liées au financement des SDIS sera présenté au Parlement dès le premier semestre 2001 ; je viens d'en parler à l'instant.
Pour le reste, il convient de se donner le temps de la réflexion sur l'ensemble de la problématique posée par les questions de sécurité civile. C'est ce que j'ai annoncé lors de mon intervention au congrès des sapeurs-pompiers de Strasbourg, le 7 octobre dernier. Après une année de réflexion, le débat sur la loi d'orientation donnera au Parlement la possibilité de faire part de son expérience et d'aider le Gouvernement à trouver des solutions à plus long terme.
M. Hyest, ainsi que M. Marini, se sont demandé si une contribution des hôpitaux pourrait financer les interventions des sapeurs-pompiers. C'est une hypothèse sur laquelle il nous faut travailler.
Monsieur Girod, vous avez évoqué le problème des exercices. J'en ai parlé dès le 22 septembre, lors de ma première rencontre avec les préfets. J'ai alors demandé que des exercices soient régulièrement organisés. Dans ce domaine, les exercices sont de plus en plus réalistes, la population et les élus étant associés à leur conception et à leur application.
La méthode est perfectible, certes. Mon ministère et la direction de la défense et de la sécurité civile y réfléchissent. Il s'agit d'adapter les exercices auxquels sont soumis les personnels aux évolutions de notre société. Nous allons donc continuer à faire évoluer les capacités d'intervention, notamment en nous appuyant sur les exercices.
J'évoquerai maintenant la situation immobilière des préfectures et des sous-préfectures, en réponse à M. Vallet.
Je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, qu'aucun programme n'est différé pour des raisons budgétaires. Les crédits immobiliers du ministère au titre des préfectures et des sous-préfectures atteindront en 2000 leur montant le plus élevé depuis vingt ans, avec 268 millions de francs.
Je partage votre souci à l'égard des sous-préfectures. J'ai d'ailleurs annoncé qu'aucune sous-préfecture ne devrait fermer. Elles correspondent à un service de proximité que l'Etat doit offrir.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Toutefois, si aucune sous-préfecture ne doit fermer, il faut revoir les contours d'un certain nombre de leurs missions. Lors des assises de modernisation des préfectures qui se sont tenues à Lyon, le 23 novembre, et auxquelles j'ai assisté toute la journée, j'ai pu entendre tous les personnels s'exprimer du jardinier au préfet, si je puis dire. Nous avons dressé un bilan de la situation des préfectures et sous-préfectures, qui restent pour moi des rouages essentiels de la déconcentration de l'Etat, au service du citoyen.
En 2000, 79 projets concernant des sous-préfectures ont été lancés. Certains en sont au recrutement du maître d'oeuvre : Lannion, Dunkerque et Dole. D'autres sont déjà en phase de travaux : Brives, Corte, Tournon et Oloron-Sainte-Marie. Enfin, de gros dossiers sont devant nous : Torcy, Sarcelles et Reims. Vous voyez donc que tout cela avance.
Sur l'insincérité de mon budget, j'ai déjà répondu à M Vallet. Il n'y a pas de changements fondamentaux : la transparence est à l'ordre du jour.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir écouté avec patience. J'ai peut-être répondu avec quelque vivacité, mais c'est bien au Parlement que cette vivacité doit s'exprimer, puisque c'est le lieu de l'échange, de la transparence. Et, quand on présente un bon budget, on le fait naturellement avec allant ! (Bravo et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. André Vallet, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. André Vallet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous venez d'indiquer que c'est en toute objectivité que vous aviez présenté votre budget. Or je me permets de vous indiquer que les effectifs de policiers que vous avez communiqués comportent quelques inexactitudes. Si c'était par rapport à des chiffres que j'aurais moi-même établis, vous pourriez contester mes dires...
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mais non !
M. André Vallet, rapporteur spécial. ... mais, en l'occurrence, je m'appuie sur les chiffres de la Cour des comptes.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'en 1993, 1994, 1995 et 1996 la situation n'était pas bien brillante et que les choses se sont redressées ensuite. C'est exactement le contraire qui s'est produit.
En 1993, il y avait, selon les chiffres de la Cour des comptes, 118 580 policiers sur le territoire national ; en 1994 : 121 000 ; en 1995 : 121 000 ; en 1996 : 122 000 ; en 1997 : 121 000 ; en 1998 : 121 000 ; en 1999 : 117 000 ; en 2000 : 115 000. Or, votre budget fait apparaître le chiffre de 113 013.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Où est la vérité ? La Cour des comptes mentirait-elle ?
M. André Vallet, rapporteur spécial. Tels sont les chiffres de la Cour des comptes, qui montrent que ceux que vous avez cités ne sont pas tout à fait exacts.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est grave !
M. André Vallet, rapporteur spécial. En tout cas, vous ne pouvez pas dire, en utilisant un mot que vous nous avez appliqué, que la Cour des comptes « tripatouille » les chiffres.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est particulièrement grave, cela nécessite une réponse !
M. Paul Masson. Oui, le ministre doit répondre !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ne vous en faites pas, je vais répondre, monsieur Marini.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'y compte bien !
M. André Vallet, rapporteur spécial. Je souhaiterais évoquer un deuxième point un peu plus polémique. Je ne le ferai que sous forme interrogative car, si je peux garantir les chiffres de la Cour des comptes, je ne peux pas garantir ceux que je vais citer.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'il n'y aurait pas d'affectation sur des critères politiques. Or, un grand journal du matin vient d'indiquer que, dans la dernière promotion des gardiens de la paix affectés à la préfecture de police de Paris, sur 111 gardiens, 48 ont été affectés dans le XVIIIe arrondissement. Est-ce vrai ou non ? Je n'en sais rien.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On aimerait bien le savoir !
M. André Vallet, rapporteur spécial. Votre avis sur ce point est particulièrement intéressant.
M. Jean Arthuis. Le ministre se sert en premier !
M. André Vallet, rapporteur spécial. Enfin, dernier point : la Cour des comptes indique que 14 % des effectifs de police ne sont pas affectés à des missions de police sur le territoire.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il est normal que l'on m'interpelle, mais il est tout aussi normal que je rétablisse les faits.
Ainsi, monsieur le rapporteur spécial, j'ai dit que je ne voulais pas qu'on puisse nous accuser de « tripatouillage », ce qui n'est pas exactement l'interprétation qu'ont fait de mes propos certains sénateurs, me semble-t-il. Je ne vous ai jamais accusés, vous, de « tripatouillage ».
Par ailleurs, en ce qui concerne les effectifs, j'indique, une bonne fois pour toutes, que je mets en cause les gouvernements précédents, notamment ceux de 1995 et 1996, qui n'ont pas fait de gestion prévisionnelle, notamment par rapport aux départs à la retraite. Cette carence pèse lourdement sur les effectifs de la police nationale.
Monsieur Vallet, bien évidemment, vous prenez des chiffres...
M. André Vallet, rapporteur spécial. Ce sont les chiffres de la Cour des comptes !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. D'abord, une politique de surnombres n'est pas de celles que peut particulièrement apprécier la Cour des comptes ! Ensuite, dans vos chiffres, vous ne tenez pas compte...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un constat comptable !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il n'y a pas que cela ! Il y a aussi la politique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'y a pas que cela, mais cela compte. Vous dites que la Cour des comptes se trompe, dit des mensonges...
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce que je veux dire semble vous gêner, monsieur le rapporteur général, mais la vérité ne devrait pas vous gêner ! Les chiffres qu'a évoqués M. Vallet ne tiennent compte ni des 2 400 policiers embauchés en surnombre, ni des adjoints de sécurité, au nombre de 20 000, ni des policiers auxiliaires, dont le nombre a atteint dans le passé 9 000.
M. Vallet semble m'approuver.
M. André Vallet, rapporteur spécial. Absolument pas !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Mais vous avez opiné du chef, j'ai donc pensé que vous reconnaissiez le bien-fondé de ma remarque. Le tout forme un ensemble de policiers qui peuvent être présents sur le terrain.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous parlons des policiers professionnels !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Par ailleurs, les policiers doivent de plus en plus être relevés des tâches indues qui étaient les leurs. Tel est le sens de l'embauche, cette année, de 800 personnels administratifs qui seront redéployés au sein des effectifs de la police nationale, ce qui permettra de remettre des policiers sur le terrain. C'est la réalité. Vous ne l'avez pas fait, nous si ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
S'agissant du XVIIIe arrondissement, le préfet de police, qui agit en toute autonomie, a considéré qu'en fonction des départs à la retraite et des mutations sur la première vague des 110 policiers qui, au mois de novembre, étaient transférés à la préfecture de police de Paris, 43 agents - et non 48 comme vous l'avez indiqué - devraient être affectés au XVIIIe arrondissement. Aucun des 160 agents nommés début décembre ne sera affecté dans le XVIIIe arrondissement ; ils seront répartis ailleurs. Simplement, quand des problèmes se posent à certains endroits, nous les réglons. Quand des départs à la retraite ou des mutations interviennent, le préfet de police est normalement fondé à répondre à la demande et aux besoins.
Tout à l'heure, MM. Vallet et Plasait ont mis en cause les relations que je pouvais entretenir avec les élus locaux. L'année dernière, un élu local de l'opposition du XVIIIe arrondissement avait déposé un voeu soutenant que le ministre des relations avec le Parlement n'avait pas obtenu, de la part du ministre de l'intérieur et du préfet de police, les effectifs nécessaires pour ledit arrondissement. Sur ce plan, j'attends les critiques, tout en étant serein. (Bravo et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Parole de ministre maire !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. D'arrondissement, monsieur Marini !
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix aujourd'hui à la suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 2 821 438 095 francs. »