SEANCE DU 6 DECEMBRE 2000


Sur ces crédits, la parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la sécurité civile prend, cette année, une résonance particulière. Les unités de la sécurité civile ont été, en effet, lourdement mises à contribution en cette fin de millénaire : il leur a fallu faire face aux tempêtes de décembre dernier, dont les effets continueront à se faire sentir encore longtemps, aux naufrages coup sur coup du pétrolier Erika et de l' Ievoli Sun , qui ont souillé pour de longues années nos côtes et nos fonds marins, ainsi qu'aux inondations et aux incendies de forêt qui ont coûté la vie à quatorze sapeurs-pompiers professionnels.
Tous ces événements ont mis au premier plan la sécurité civile et le travail remarquable de ces professionnels. Ils ont montré également les risques importants que rencontrent les acteurs et les lacunes de notre sécurité civile, notamment dans la prévention des risques, mais également dans la gestion des secours.
Dès lors, on pourrait déplorer que le budget de la sécurité civile ne soit pas plus ambitieux. Certes, les crédits sont en hausse de 26 % et constituent l'un des premiers postes bénéficiaires du budget de votre ministère. Cependant, comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le ministre, il s'agit avant tout d'un « budget de consolidation ou de continuité, dans l'attente du projet de loi sur la sécurité civile », dont vous nous avez confirmé le dépôt pour l'automne 2001.
On peut même se demander si un certain nombre de choix qui semblent d'ores et déjà acquis, notamment au regard des conclusions du rapport Fleury, n'auraient pas pu être budgétisés ici. Je me permettrai de citer deux exemples.
Le premier exemple concerne la prise en compte des risques qui pèsent sur les sapeurs-pompiers au niveau de leur statut. Même si le classement en profession à risque n'est pas acquis, cela n'hypothèque nullement d'autres réformes utiles. Tel est le cas de la reconnaissance d'une possibilité de retraite anticipée, qui peut encore être améliorée. Je pense également aux mesures proposées par le rapport Fleury sur les sapeurs-pompiers volontaires et à certains amendements qui ont été débattus ici récemment.
Néanmoins, nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion de fond, à laquelle devrait nous conduire le futur projet de loi. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, mettons à profit cette année pour régler les problèmes de façon cohérente.
Les inconvénients d'une vision partielle ont d'ailleurs été révélés lors de la discussion d'amendements qui ont été présentés sur le texte relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique : il semblerait en effet que l'octroi du statut de pupille de la nation aux orphelins des sapeurs-pompiers décédés en service commandé aboutirait à priver les intéressés de dispositions qui leur sont plus favorables.
Le second exemple concerne le financement des secours. On sait que les collectivités locales en supportent la majeure partie et que cette situation est source de problèmes. Certains préconisent l'institution de « services payants » ; je pense non seulement à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au remboursement des frais de secours, mais également aux pratiques mises en oeuvre dans certains départements.
Si nous sommes tout à fait convaincus que les missions des sapeurs-pompiers ne doivent pas être paralysées par les interventions « non urgentes », nous nous élevons fortement contre la mise en péril de la gratuité des secours qui est, selon nous, contraire au principe d'égalité, essentiel en matière de sécurité. Mais cette égalité, il faut bien le dire, est déjà mise en péril par le système actuel des SDIS.
C'est pourquoi, nous aurions aimé voir dans ce budget un signe fort dans le sens d'une pérennisation de la contribution de l'Etat. Cela pourrait se faire au travers d'une DGF ou d'une DGE spécifique. Il apparaît également indispensable aujourd'hui d'opérer le transfert nécessaire des moyens financiers de l'Etat pour le fonctionnement des SDIS.
Néanmoins, parce que nous voulons être confiants quant au futur projet de loi et à la volonté du Gouvernement d'améliorer et de repenser le système de sécurité civile, nous voterons ce budget de la sécurité civile, qui, au moins provisoirement, permet de maintenir la qualité des secours.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le ministre, depuis bientôt vingt ans, je m'interdis, quel que soit le ministre en charge, d'intervenir dans la discussion des crédits de votre département. Cela me met très à l'aise pour évoquer une affaire qui me tient beaucoup à coeur : le délaissement par l'Etat de ses attributs régaliens.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Christian Bonnet. J'aurai l'occasion d'en parler plus longuement lundi prochain à Mme le garde des sceaux. Il s'agit d'un phénomène récurrent dont le Gouvernement actuel, je le reconnais, n'est pas responsable : ce problème existe depuis de nombreuses années.
Dans le présent projet de loi de finances, les chiffres sont particulièrement significatifs : avec 29,033 milliards de francs, le budget de la justice représente 1,62 % du budget de la nation. Et si l'on en retire l'administration pénitentiaire, à un moment où nous constatons, d'une part, une avalanche de textes et, d'autre part, une judiciarisation exponentielle de la société, les chiffres paraissent extravagants, et je doute que la loi, pourtant très heureuse, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes puisse s'appliquer dès le 1er janvier prochain.
S'agissant de la sécurité, les crédits de la police - je veux croire que mes chiffres sont bons - s'élèvent à 31,989 milliards de francs, et ceux de la gendarmerie, car il faut y ajouter les chiffres de la gendarmerie si l'on veut être honnête, à 23,776 milliards de francs. Par conséquent, au total, 55,765 milliards de francs sont consacrés aux tâches de sécurité de la police et de la gendarmerie.
Si vous cumulez les crédits de la justice et ceux de la sécurité, vous aboutissez à moins de 5 % du budget de la nation. Or les milliards, quand on le veut, on les trouve !
Je passe sur les 85 milliards de francs du FOREC, qui sont supérieurs aux 84,798 milliards de francs de la justice et de la sécurité.
Je vous prends à témoin les uns et les autres, vous le premier, monsieur le ministre : sitôt qu'une corporation fronce un peu le sourcil, et a fortiori si elle occupe les rues, ce qui ne vous est évidemment pas indifférent dans la charge qui est la vôtre, les milliards sont là, et ils coulent ! Tel n'est pas le cas pour la justice, qui est apparue au congrès des maires, pour la sécurité, M. le rapporteur spécial le rappelait tout à l'heure, comme la préoccupation dominante, avant même l'emploi, sans doute du fait du redressement de la conjoncture.
Je souhaitais appeler votre attention sur ce point, monsieur le ministre, en toute objectivité, avec le sens de l'Etat que j'ai chevillé au corps depuis ma plus tendre enfance et dont je ne doute pas que vous l'ayez vous-même.
Cela étant, et en dépit des insuffisances, hélas ! criantes de ce budget, dont je ne vous rends pas responsable, d'autant que ce budget n'est même pas le vôtre, le moment venu, je le voterai in globo, comme je l'ai fait depuis vingt ans.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. L'exercice des fonctions régaliennes de l'Etat que vient d'évoquer notre collègue Christian Bonnet me conduit à en présenter une illustration au travers des problèmes de sécurité qui se posent dans la ville de Strasbourg.
Strasbourg bat des records sur le plan des voitures brûlées : 1 600 depuis le début de l'année, selon certains médias. Cela illustre la dégradation de la situation, qui risque de ternir l'image d'une ville où siègent de nombreuses institutions européennes, qui risque de démotiver ceux qui ont la lourde tâche d'assurer la sécurité et qui risque de porter en elle les germes d'un certain nombre de dérives auxquelles, tous ensemble, nous devons être particulièrement attentifs.
Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre - et je partage en cela ce qu'a dit notre collègue Christian Bonnet - les contraintes qui sont les vôtres. Mais des mesures d'urgence s'imposent, avant qu'il ne soit trop tard. Mon devoir, aujourd'hui, était de tirer la sonnette d'alarme. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur Hoeffel, vous avez posé un problème réel. En effet, dans le contexte du débat de ce matin, certaines des situations qui ont été dénoncées doivent être appréciées à l'aune de l'objectivité de chacun ; les points de vue énoncés ont pu, quelquefois, être subjectifs.
En revanche, à Strasbourg, il existe de vraies difficultés. Vous l'avez rappelé, la délinquance s'est accrue de 11 % mais, heureusement, le taux des faits élucidés a augmenté de 25 %. On peut penser qu'il s'agit là d'un progrès dans la mesure où, dès lors que des faits sont élucidés, la justice est saisie et des poursuites sont engagées. Bien évidemment, je n'ai pas à dire ce qu'il y a lieu de penser sur la suite des événements en matière judiciaire.
C'est la raison pour laquelle nous avons accompli un effort particulier s'agissant des effectifs de police à Strasbourg : ils ont été portés à 758 grâce à 61 sorties d'école de police en fin d'année, sans parler des affectations en surnombre décidées par M. le Premier ministre, qui ont permis 47 nominations depuis le 1er janvier 1998.
L'augmentation est donc réelle, mais elle est due à une situation particulière, qui mérite d'être réexaminée au fur et à mesure que nous pourrons satisfaire des affectations supplémentaires grâce à des sorties d'école.
Il est vrai que 689 véhicules particuliers ont été incendiés et 60 motos brûlées en 1999. Je suis bien conscient d'une recrudescence dans ce domaine. La coopération entre les différents acteurs est d'autant plus nécessaire. Il faut que la police de proximité prenne à Strasbourg tout son sens.
Il conviendrait par ailleurs d'améliorer le processus en ce qui concerne la chaîne pénale, donc de favoriser la coopération entre les autorités.
M. Paul Blanc. Ah !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Chacun comprendra !
Par ailleurs, j'ai récemment posé la première pierre d'un grand hôtel de police à Strasbourg. Il devrait non seulement signifier pour les policiers de meilleurs moyens pour travailler et une meilleure organisation, mais aussi témoigner d'une forme de reconnaissance de l'Etat, puisque 200 millions de francs seront consacrés à cet édifice.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que tout sera fait pour en finir avec ces incidents, pour que Strasbourg rentre dans la norme sur le plan de la sécurité et retrouve la tranquillité. C'est également le souhait des autorités municipales, notamment de Mme Trautmann, qui ne manque pas de m'alerter sur cette situation, ainsi que d'autres parlementaires.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 20 114 888 227 francs. »