SEANCE DU 8 DECEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Demande d'autorisation de missions d'information (p. 1 ).

3. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2 ).

Charges communes
et comptes spéciaux du Trésor (p. 3 )

MM. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les charges communes ; Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les comptes spéciaux du Trésor ; Yves Fréville, Paul Loridant.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

CHARGES COMMUNES (p. 4 )

Crédits du titre Ier (p. 5 )

Amendement n° II-79 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés

Crédits des titres II et III. - Adoption (p. 6 )

Crédits du titre IV (p. 7 )

Amendement n° II-80 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés

COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR (p. 8 )

Articles 37 A et 37. - Adoption (p. 9 )

Article 38 (p. 10 )

Amendement n° II-82 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Paul Loridant, rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 39 à 41. - Adoption (p. 11 )

Article 41 bis (p. 12 )

Amendement n° II-78 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, Paul Loridant, rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Budget annexe des monnaies et médailles (p. 13 )

Mmes Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marie-Claude Beaudeau, M. Bernard Dussaut.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
Adoption des crédits figurant aux articles 35 et 36.

Economie, finances et industrie

services financiers (et consommation) (p. 14 )

M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la consommation et la concurrence ; Marie-Claude Beaudeau.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

Crédits du titre III (p. 16 )

M. Gérard Delfau, le ministre.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p. 17 )

INDUSTRIE (ET POSTE) (p. 18 )

MM. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'industrie ; Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'énergie ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les technologies de l'information et La Poste ; Pierre Laffitte, Mme Odette Terrade, MM. Pierre-Yvon Trémel, Daniel Goulet, Gérard Delfau, Aymeri de Montesquiou.
MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.

Crédits du titre III (p. 19 )

M. Gérard Delfau.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre IV (p. 20 )

Mme Odette Terrade.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres V et VI. - Vote réservé (p. 21 )

Article additionnel après l'article 53 sexies (p. 22 )

Amendement n° II-40 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-37 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

petites et moyennes entreprises,
commerce et artisanat (p. 23 )

MM. René Ballayer, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Serge Mathieu, Aymeri de Montesquiou, Mme Odette Terrade, MM. Bernard Dussaut, André Jourdain, Pierre Hérisson, Gérard Delfau, Pierre-Yvon Trémel, Joseph Ostermann.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.

Crédits des titres III à VI. - Vote réservé (p. 24 )

Article 53 quinquies (p. 25 )

Amendements n°s II-76 de M. Joseph Ostermann et II-55 de M. Gérard Cornu. - MM. Joseph Ostermann, Gérard Cornu, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Gérard Delfau. - Retrait de l'amendement n° II-76 ; adoption de l'amendement n° II-55.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 53 quinquies (p. 26 )

Amendement n° II-77 de M. Joseph Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 53 sexies (p. 27 )

Amendement n° II-56 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 28 )

4. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 29 ).

5. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 30 ).

6. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 31 ).

Economie, finances et industrie (suite)

commerce extérieur (p. 32 )

MM. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Souplet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; André Ferrand, Aymeri de Montesquiou, Mme Odette Terrade, M. Pierre-Yvon Trémel.
MM. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur ; Alain Lambert, président de la commission des finances.

Crédits des titres III à VI. - Rejet (p. 33 )

Recherche
(p. 34 )

MM. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche scientifique et technique ; Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Pierre Laffitte, Ivan Renar, Serge Lagauche, Lucien Lanier, André Maman, Henri Revol.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.

Crédits du titre III (p. 35 )

MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Gérard Delfau, Ivan Renar, Serge Lagauche, le ministre.
Rejet, par scrutin public, des crédits.

Crédits des titres IV et V. - Rejet (p. 36 )

Crédits du titre VI (p. 37 )

Amendement n° II-81 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Pierre Laffitte, rapporteur pour avis ; Lucien Lanier, Ivan Renar, Henri Revol. - Adoption.
Rejet des crédits modifiés.

7. Transmission d'un projet de loi (p. 38 ).

8. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 39 ).

9. Ordre du jour (p. 40 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DEMANDE D'AUTORISATION
DE MISSIONS D'INFORMATION

M. le président. M. le président a été saisi :
- par M. Jean François-Poncet, président de la commission des affaires économiques, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin d'étudier la situation des économies de la Malaisie et de Singapour, ainsi que la présence française dans ces deux pays ;
- et par M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin d'étudier l'évolution de la situation en Ouzbékistan et au Kazakhstan.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.

3

LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport n° 92 (2000-2001).

Charges communes et comptes spéciaux du Trésor



M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor.
La parole est à M. de Rocca Serra, rapporteur spécial.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des charges communes pour 2001 s'élève à 721 milliards de francs. Ces crédits nets des dégrèvements et des remboursements, qui s'élèvent à 366 milliards de francs, et des recettes d'ordre, soit 18 milliards de francs, s'établissent à 335 milliards de francs, soit une diminution de 4,9 % par rapport à 2000. Ils représentent 19,7 % des dépenses du budget général.
Le budget des charges communes subit traditionnellement d'importants transferts de crédits. Le projet de budget pour 2001 n'échappe pas à la règle, puisque 23,60 milliards de francs font l'objet de transferts entre sections budgétaires, même s'ils concernent beaucoup moins de chapitres que l'année dernière.
Je souhaiterais maintenant, mes chers collègues, vous faire part des trois observations que m'inspirent les dotations allouées au budget des charges communes pour 2001.
Première observation : le budget des charges communes reste encore trop peu lisible.
Ce budget présente un caractère paradoxal, puisqu'il est relativement méconnu alors qu'il représente plus de 40 % du budget général, tout en abordant des thèmes très variés.
Il présente également un caractère hétéroclite puisqu'il comprend les crédits destinés à l'ensemble des services de l'Etat ou à plusieurs d'entre eux qui ne peuvent être inscrits dans le budget d'un ministère particulier.
L'année dernière, le budget des charges communes avait fait l'objet d'un effort indéniable de clarification, grâce aux modifications de structure consécutives à la suppression de quarante-quatre chapitres budgétaires.
Toutefois, il continue de souffrir d'un manque évident de lisibilité accentué par les incertitudes pesant sur l'évaluation de certaines dotations ; trois exemples au moins illustrent le caractère extrêmement vague de la budgétisation initiale de certains crédits.
Premier exemple : les dépenses éventuelles et accidentelles qui constituent, en réalité, comme je l'avais montré dans mon rapport d'information de juillet dernier, une réserve de crédits à l'utilisation aléatoire destinée à faire face aux besoins du moment, sans souci particulier pour les dispositions de l'ordonnance portant loi organique de 1959. Or, pour 2001, ces dotations diminuent, sans la moindre justification, de 690 millions de francs, alors qu'elles avaient crû de plus de 260 % l'année dernière : pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des explications claires sur ce point ?
Deuxième exemple : les dépenses de garantie, dont la difficulté de prévision permet au Gouvernement de moduler les crédits en fonction de ses propres contraintes. Par ailleurs, elles évoluent de façon erratique depuis de nombreuses années, comme le souligne régulièrement la Cour des comptes.
Enfin, troisième exemple, il convient de s'interroger sur la provision de 3,25 milliards de francs que le Gouvernement a constituée au titre des mesures générales intéressant la fonction publique : ce « magot » lui a en fait servi à financer la hausse de 0,5 % du point de la fonction publique dans le cadre des négociations salariales qu'il conduit avec les syndicats de fonctionnaires. Il est hautement critiquable de voir le Gouvernement utiliser une telle dotation de façon totalement arbitraire.
J'en viens à ma deuxième observation : le budget des charges communes est extrêmement contraint.
La grande majorité des dépenses inscrites au budget des charges communes correspond, le plus souvent, à des dépenses de constatation, ce qui lui donne un caractère extrêmement contraint dont le Parlement est le plus souvent obligé de prendre acte.
C'est le cas, par exemple, de la charge budgétaire de la dette, qui connaît du reste une évolution beaucoup plus défavorable que l'année dernière, puisqu'elle s'alourdit en raison de la remontée des taux d'intérêt, s'établissant à près de 240 milliards de francs, en hausse de 2,1 %, alors qu'elle avait diminué de 1 % en 2000.
La dette grossissant des déficits budgétaires successifs, eux-mêmes engendrés par un niveau trop élevé de la dépense publique, il est urgent d'en réduire le niveau, d'autant que la norme de progression des dépenses retenue par le Gouvernement pour les années 2001 à 2003 résulte essentiellement de la dérive spontanée de la charge de la dette.
Les dépenses en atténuation de recettes, en particulier les remboursements et dégrèvements d'impôts, présentent également un caractère très contraint. Bien qu'elles représentent environ 367 milliards de francs, soit la moitié du budget des charges communes, leur montant résulte essentiellement de mesures législatives votées dans le passé, comme la réforme de la taxe professionnelle, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, des mesures de baisse du taux de la TVA ou encore des mesures relatives à la fiscalité pétrolière.
Enfin, les dépenses de fonction publique inscrites au budget des charges communes, même si elles ne concernent que 62 milliards de francs sur 710 milliards de francs, soit 8,7 % du total, sont, par nature, peu sujettes à de réelles inflexions.
Troisième observation : il convient de suivre avec vigilance la mise en oeuvre des mesures annoncées par le Gouvernement visant à améliorer la connaissance de la situation budgétaire et financière de l'Etat.
L'année dernière, j'avais insisté sur le fait que le « hors-bilan » ou « dette publique invisible » constituait un obstacle important dans la connaissance exacte par la représentation nationale et les citoyens de l'état réel de la situation financière et budgétaire de l'Etat. Or le Gouvernement a annoncé des mesures visant à améliorer cette connaissance.
Une réforme de la comptabilité de l'Etat est en cours. Elle poursuit quatre objectifs : doter l'Etat d'un système comptable plus proche du droit commun ; intégrer dans les comptes une information économique plus pertinente ; soutenir une démarche de performance dans la gestion des services publics ; assurer un meilleur suivi et une plus grande lisibilité des engagements de l'Etat à moyen et long terme.
Le compte général de l'administration des finances pour 1999 est ainsi enrichi d'éléments patrimoniaux grâce à l'introduction d'éléments exprimés en termes de bilans et de comptes de résultat.
Ainsi, s'agissant des engagements à moyen et long terme de l'Etat, trois secteurs d'intervention ont été retenus : les retraites des fonctionnaires de l'Etat des régimes spéciaux, à propos desquelles je regrette vivement qu'aucune indication chiffrée ne figure dans l'annexe du compte général de l'administration des finances, seule une méthodologie étant précisée les engagements de l'Etat en matière d'épargne-logement, estimés à 50 milliards de francs ; les garanties accordées par l'Etat aux entreprises, soit 247 milliards de francs ; enfin, les garanties à l'exportation passant par l'intermédiaire de la COFACE, la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, pour 534 milliards de francs. Cela représente un total de 831 milliards de francs, hors pensions publiques.
Mes chers collègues, s'il faut se réjouir de l'engagement de réformes comptables, la mission d'information, pour laquelle la commission des finances était dotée des prérogatives des commissions d'enquête, a bien montré que la transparence des comptes de l'Etat dépendait non pas tant des instruments techniques que des changements d'habitudes et d'attitudes.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les principales observations et remarques que suscite de notre part le budget des charges communes pour 2001, que la commission des finances propose au Sénat d'adopter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Loridant, rapporteur spécial.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes réunis, pour l'une des deux dernières fois peut-être, pour examiner l'impressionnant patchwork que constituent les comptes spéciaux du Trésor.
Pour l'une des dernières fois peut-être, puisque le destin des comptes sera certainement examiné à l'occasion de la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Le texte de la proposition de loi de M. Didier Migaud, rapporteur général de l'Assemblée nationale, comporte déjà la suppression des comptes d'affectation spéciale.
Voilà qui m'amène à vous poser ma première question, monsieur le secrétaire d'Etat : êtes-vous favorable à cette suppression ?
J'aurais tendance à penser que non puisque vous proposez, dans le projet de loi de finances pour 2001, la création d'un nouveau compte, le compte UMTS, destiné à recueillir les redevances pour les licences de téléphone mobile. Mais je n'oublie pas que le Gouvernement a témoigné à plusieurs reprises de sa volonté de réduire le champ d'intervention des affectations de recettes.
Pour ma part, je ne suis pas défavorable à ces procédures dès lors qu'elles permettent, notamment, de retracer dans le budget de l'Etat des opérations qui, sans elles, pourraient lui échapper. Et d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, nous pourrions réfléchir utilement à la création d'un compte d'affectation spéciale pour retracer les opérations du FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Mais, si les comptes d'affectation spéciale ont leur utilité, il faudra sans doute en rénover le régime.
Avec les comptes spéciaux du Trésor, le Parlement est aux prises avec des sortes d'icebergs budgétaires. Il voit la partie émergée du dispositif, enfin celle que veulent bien lui dévoiler les gouvernements. Il est tenu dans l'ignorance des soubassements.
Ces soubassements sont les très importants reports de crédits, qui atteignaient plus de 15 milliards de francs au titre de l'exercice 1998 et qui interviennent chaque année. Ils sont tout à fait excessifs. Ils proviennent en grande partie d'une pratique abusive des contrôleurs financiers qui conditionne l'engagement des autorisations de programme à l'ouverture de la totalité des crédits de paiement en loi de finances. Cette condition, qui n'est pas exigée pour l'exécution du budget général, ne repose, selon moi, sur aucun fondement légal puisque la seule condition posée par l'ordonnance organique de 1959 à l'utilisation des crédits porte sur la disponibilité des recettes.
Non seulement elle engendre des reports, mais encore elle dénature la portée du vote du Parlement : ce dernier est ainsi appelé à se prononcer sur des crédits qui, en grande partie, ne seront pas consommés alors qu'il se trouve sans pouvoir sur les crédits reportés, qui seront, eux, utilisés
Nous devrons corriger cela de la même manière que devront être corrigés les dispositifs qui permettent au Gouvernement de gérer les comptes comme il l'entend, sans avoir à se soucier de l'intervention du Parlement.
Je veux parler ici, d'abord, de la faculté offerte au ministre chargé des finances de majorer les crédits des comptes d'affectation spéciale en cas de plus-values de recettes. Cette faculté donne beaucoup de marges au pilotage budgétaire, marges qui sont parfois utilisées avec excès.
Mais surtout, cette faculté est totalement attentatoire au principe de l'universalité budgétaire. Des crédits sont ouverts sans autorisation du Parlement, et la rigueur des évaluations initiales de recettes s'en ressent aussitôt.
Il faudra aussi rationaliser le traitement de certaines opérations, en particulier le statut budgétaire des transports au découvert du Trésor. Il est évidemment peu satisfaisant de ne pas budgéter les pertes sur avances et prêts, alors que ces dernières opérations sont, elles, inscrites au budget. Nous verrons cela en son temps.
Comprenez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous puissions nourrir quelque scepticisme en abordant cette discussion.
D'un mot, je dirai que ces comptes seront, cette année, très utiles au Gouvernement puisqu'ils contribueront à réduire de manière importante le déficit budgétaire de plus de 9 milliards de francs. Mais cette donnée dépend beaucoup de l'exactitude des prévisions portant sur les comptes d'avances et sur les comptes de prêts, qui sont évidemment incertaines.
Qu'en sera-t-il de l'exécution ? Je crois ne pas exagérer en affirmant que nul ici n'est capable de le dire exactement. Et l'exemple du fonds national de solidarité pour l'eau, créé l'an dernier après de multiples discussions, sur l'initiative du ministre de l'environnement, est éloquent. En effet, seulement 17 % de ses crédits d'investissement auraient été consommés. Nous n'avions, semble-t-il, pas eu tort de nous opposer à une innovation qui nous semblait précipitée, qui minore en fin de compte les moyens des agences de l'eau et qui fait peser un risque analogue sur le fonds national pour le développement des adductions d'eau.
Quant aux comptes retraçant certaines des opérations patrimoniales de l'Etat, leur devenir effectif laisse perplexe. Je voudrais aller un peu au fond des choses à leur sujet.
J'évoquerai d'abord le compte n° 902-24, qui affecte les produits de cessions de titres publics à des emplois d'ordre patrimonial. Je note que, d'ores et déjà, le cumul des opérations prévues pour les années 2000 et 2001 est inférieur à ce qui avait été prévu en loi de finances. Est-ce en raison des dépenses anticipées en 1999 ?
Comment ferez-vous, à l'avenir, pour couvrir les besoins de financement des entreprises publiques, dont certaines connaissent un déficit structurel ?
Beaucoup de cessions sont déjà intervenues, et le secteur public abrite de moins en moins de pépites ! Quelle sera la formule employée à l'avenir pour réduire l'endettement du secteur public, qui dépasse aujourd'hui les 500 milliards de francs ?
L'avenir du système de défaisance du Crédit lyonnais appelle également des clarifications.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous confirmer le chiffrage par la Cour des comptes du coût des défaisances financières ? D'autres mauvaises surprises sont-elles à redouter ? Quel sera l'avenir des établissements en charge de la défaisance du Crédit lyonnais : l'établissement public de financement et de restructuration, l'EPFR, et le consortium de réalisation, ou CDR ? Faut-il maintenir ces structures et comment comptez-vous gérer l'extinction de la mission du CDR ?
Ce sont là, beaucoup de questions, je vous l'accorde, mais, hélas ! je n'en ai pas tout à fait fini ! (Sourires.)
La Haute Assemblée s'est opposée à la création du fonds de provisionnement des charges de retraite et de désendettement de l'Etat, qui fait l'objet d'un nouveau compte patrimonial, le compte n° 902-33. Bref, je dirai que ce rejet s'est notamment fondé sur l'absence de garantie résultant des incertitudes du statut du fonds de réserve des retraites, le FRR.
En l'état actuel des choses, il semblerait que le FRR affecte ses moyens à la souscription d'emprunts publics, notamment de bons du Trésor. Dans ces conditions, on n'est pas en mesure de distinguer clairement les mérites particuliers d'une affectation des recettes des redevances UMTS au FRR plutôt qu'au désendettement de l'Etat.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer comment le Gouvernement compte doter ce fonds de toutes les garanties nécessaires à une gestion dynamique de ses ressources ? Pouvez-vous nous dire comment il entend sanctuariser celles-ci, pour couper court à toutes les tentations de les affecter à d'autres usages moins orthodoxes ?
Je voudrais enfin obtenir de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques informations sur les conditions de la gestion de la Caisse d'amortissement de la dette publique, la CADEP. Des annonces ont été faites - nous l'avons lu dans la presse financière - concernant la création d'une agence de la dette qui regrouperait les moyens de France Trésor et de professionnels de marché.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous le dis très sereinement, mais très fermement, en mon nom mais aussi, je le crois, au nom de la commission des finances, puisque son président lui-même n'a pas été informé du pourquoi et du comment de la création de cette agence : vous devez absolument - et cela s'adresse, à travers vous, à tout le Gouvernement - des informations au Parlement non seulement sur le statut de cette agence,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et Yves Fréville. Très bien !
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. ... mais aussi sur l'impact budgétaire que pourrait avoir le recrutement de ces « professionnels de marché », ainsi que sur les liens qui devraient exister entre cette agence et la CADEP.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations que je voulais faire en qualité de rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du Trésor, lesquels représentent un volume important de dépenses de ce budget, et, je le répète, contribuent à la diminution du déficit budgétaire. La commission des finances propose l'adoption de ces comptes spéciaux, mais cela ne retire rien, monsieur le secrétaire d'Etat, aux importantes questions que je vous ai posées. (Applaudissements.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe de l'Union centriste 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que le temps programmé pour le Gouvernement est au maximum de 25 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des charges communes, c'est le budget de la dette, et le budget de la dette, c'est le prix à payer pour le passé. Ici, point de belles promesses pour l'avenir, mais le simple enregistrement du coût de la dette financière, après un petit détour par les budgets des divers ministères pour y « glaner » la dette viagère, c'est-à-dire les pensions.
Au total, cela fait 460 milliards de francs, soit un quart du budget général, avec une augmentation annuelle de l'ordre de 10 milliards de francs, soit le quart, là aussi, de la marge de manoeuvre. Et je ne fais pas figurer dans cet inventaire l'amortissement de la dette, qui atteindra cette année près de 350 milliards de francs...
En attendant le jour où il sera possible d'évoquer la dette viagère à l'occasion de la discussion du budget des charges communes, je me contenterai, monsieur le secrétaire d'Etat, de poser quelques questions sur la politique de gestion de la dette financière.
Cette dette, qui atteint un stock de 4 500 milliards de francs, suppose une gestion active : une telle gestion est effectivement mise en oeuvre, et je m'en félicite. Mais cette gestion doit aussi être contrôlée par le Parlement, et c'est dans cet esprit que je formulerai quelques observations et interrogations.
La première observation a déjà été faite lors de la discussion générale du projet de loi de finances : la charge de la dette reprend sa marche en avant. Certains s'étaient un peu vite réjouis de la stabilisation de la charge nette de la dette en 1999 au niveau de 1998. Ce n'était qu'une embellie, obtenue grâce à une très forte baisse conjoncturelle des taux à court terme, qui contrebalançait de façon provisoire la hausse du volume de la dette engendrée par l'accumulation des déficits. Aujourd'hui, la progression reprend : la charge nette est évaluée pour 2001 à 240 milliards de francs, c'est-à-dire à 12 milliards de francs de plus en deux ans, avec un taux d'intérêt moyen encore très élevé, de 5,4 %.
Je ferai deux remarques à ce sujet.
D'abord, la baisse du taux moyen de la dette va progressivement cesser : les émissions se font à des taux voisins de 5,5 % pour les OAT, les obligations assimilables du Trésor, et un peu moins pour les BTF, les bons du Trésor à taux fixe, mais la marge avec le coût moyen disparaît ; par conséquent, l'effet volume va jouer à plein.
Faisons une hypothèse favorable pour le budget 2002 : 150 milliards de francs de déficit à 5 %, cela représente 7,5 milliards de francs de charge de la dette qui viennent s'ajouter mécaniquement à ce qui existe aujourd'hui.
Ensuite, le taux moyen d'intérêt est supérieur au taux de croissance de notre économie, ce que signifie que l'effet boule de neige n'a pas tout à fait cessé. Il faut que notre solde budgétaire stabilisant soit supérieur à zéro, qu'il atteigne 50 milliards de francs ; c'est à peu près le cas aujourd'hui. Mais, avec 50 milliards de francs de solde stabilisateur, on ne diminue pas la part de la dette dans le PIB.
Ma deuxième observation concerne la structure du capital de la dette, lequel continue à croître fortement, mais avec des variations qu'il est intéressant de noter. Si l'on compare la situation résumée des opérations du Trésor, la SROT, du 30 septembre 1999 à celle du 30 septembre 2000, on constate que la dette a globalement augmenté de 200 milliards de francs. Cela est assez étonnant dans la mesure où la dette négociable, elle, n'a augmenté que de 170 milliards de francs et où, dans le même temps, les dépôts des correspondants du Trésor ont diminué de 50 milliards de francs, essentiellement du fait de la diminution des dépôts des chèques postaux. Autrement dit, le total de la dette négociable et des dépôts des correspondants du Trésor n'a augmenté que de 120 milliards de francs. D'où viennent les 80 milliards de francs qui permettent d'atteindre le chiffre que j'indiquais tout à l'heure ? Tout simplement d'un « dégonflement » à hauteur de 75 milliards de francs du compte du Trésor auprès de la Banque de France et des prises en pension de titres d'Etat.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, si, en un an, il a été possible de « dégonfler » d'un tel montant les titres en pension et le compte de la Banque de France, c'est parce que vous aviez une trésorie pléthorique, constatée à la mi-1999. C'est là, bien sûr, la conséquence - à moins que vous ne me disiez le contraire - de l'accumulation de la « cagnotte », qui ne vous a pas fait réduire le programme de placement des titres l'année dernière. L'Etat a donc placé un peu trop d'argent, et vous êtes obligé de « dégonfler » ses encaisses !
J'en arrive à mes interrogations sur la politique de gestion de la dette.
D'abord, dans le prolongement des propos de M. le rapporteur spécial des comptes du Trésor, je me demande quel sens il faut donner à la politique dite « d'allégement de l'encours de la dette », dont le coup d'envoi a été donné par M. le ministre des finances dans son discours du 11 juillet de cette année. M. Fabius s'exprimait ainsi : « J'ai demandé à France Trésor de procéder à un allégement de l'encours de la dette sous forme d'opérations de rachats d'un montant de 10 milliards d'euros », c'est-à-dire à peu près 65 milliards de francs. Somme énorme ! Ce programme a été respecté puisque, à fin novembre, 47 milliards de francs avaient été effectivement rachetés.
Il s'agit, bien entendu, non pas d'une réduction du stock de la dette totale, qui dépend du déficit, mais d'une réduction indirecte d'un programme de financement brut qui, lui, n'a pas été modifié.
Mais cette politique de rachats peut s'inscrire dans une autre perspective : la modification de la structure de la dette de manière - je reprends la formule utilisée dans les explications qui accompagnent le budget des charges communes - à « minimiser le coût de la dette ».
Or c'est là un nouvel objectif. En tout cas, il n'était pas aussi apparent dans le passé qu'il l'est aujourd'hui.
J'aimerais obtenir de vous quelques explications à ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat. S'agit-il d'accroître l'offre de titres courts et moyens - bons du Trésor sur formule et bons à taux annuel normalisé - en intervenant de façon prioritaire sur la partie courte et moyenne de la courbe des taux, où les taux sont normalement plus bas que sur la partie longue, même si cette courbe s'est considérablement aplatie au cours des années récentes ? Si c'est le cas, il y a changement de doctrine de la part du Trésor !
Pour le contribuable, émettre au coût le plus faible est un objectif très sympathique, que j'approuve bien entendu, mais c'est un nouvel objectif pour l'agence de la dette qui le mettra en oeuvre, et il présentera probablement certains risques, car il conduira à un raccourcissement de la durée moyenne de la dette. On s'éloigne quelque peu, me semble-t-il, de la doctrine antérieure suivant laquelle la France calquait la structure de sa dette sur ses besoins de trésorerie et sur ses besoins à long terme, et se refusait à jouer sur la courbe des taux.
Sans doute l'euro a-t-il réduit les contraintes qui pesaient sur le Trésor, ce qui permet une politique plus active ; mais je me souviens de certaines expériences très cuisantes que le Trésor américain a connues au début des années quatre-vint-dix, lorsqu'il avait basculé une partie de la dette sur les taux courts.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ai-je bien compris votre politique ? Comment procéderez-vous pour réduire le coût de la dette ?
Dans le droit-fil des questions posées par M. le rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du Trésor, je souhaite savoir quel est l'impact réel sur la gestion de la dette de la création de ce nouveau compte d'affectation spéciale de provisionnement des charges de retraites et de désendettement de l'Etat, financé, à hauteur de 32 milliards de francs, par des recettes provenant de la vente des licences UMTS.
Nous le savons très bien, le seul amortissement de la dette doit atteindre 358 milliards de francs et représente aujourd'hui près des deux tiers du besoin de financement, donc du recours à l'emprunt, pour 2001. Mais de quelle manière la CADEP, qui est dotée de 14 milliards de francs et le FRR, qui est, lui, doté de 18 milliards de francs, vont-ils participer à la couverture de ce besoin de financement ?
La CADEP, quant à elle, peut agir de deux façons. Elle peut soit acheter des titres supplémentaires sur le marché, qui s'ajouteront aux amortissements normaux, soit se substituer à l'Etat et prendre à sa charge une partie des 358 milliards de francs. C'est un problème d'ordre technique et, finalement, ce choix n'a pas en soi d'importance. Dans les deux cas, en effet, la dette sera réduite de 14 milliards de francs ; seule sa structure sera différente.
En tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas compris le tableau de financement du Trésor pour 2001, dans lequel les 14 milliards de francs de la CADEP figurent en négatif. C'est là un mystère que j'aimerais voir éclairci.
Quant au fonds de réserve des retraites, il va naturellement intervenir en souscrivant des bons du Trésor.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yves Fréville. Finalement, la dette sera diminuée de 34 milliards de francs. Il n'y a donc pas de provisionnement séparé en vue de couvrir les retraites ; il y a tout simplement diminution de la dette à due concurrence.
En conclusion, les membres du groupe de l'Union centriste doivent-ils voter ce budget des charges communes ? Dans une certaine mesure, le poids excessif de la dette résulte de l'insuffisante réduction du déficit budgétaire, et nous devrions logiquement, pour voir baisser la charge de la dette, réduire le déficit de 30 milliards de francs par an. Vous ne le faites pas. Au mieux, vous stabilisez cette dette. En sens inverse, les crédits de la dette étant évaluatifs, nous pouvons considérer que la prévision qui en est faite est satisfaisante. Je pense donc qu'il est important pour l'opposition de soutenir le crédit de notre pays sur les marchés financiers. C'est le sens, et le seul, que je donnerai à ce vote favorable.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je prends la parole, cette fois au nom du groupe communiste républicain et citoyen. Mon intervention portera pour l'essentiel sur le budget des charges communes.
Ce budget, comme à son habitude, représente un ensemble consistant de dépenses publiques, même si l'orthodoxie budgétaire la plus rigoureuse pourrait, à terme, conduire à un reprofilage de son contenu.
L'examen des 721,2 milliards de francs de crédits engagés suscite, de ma part, deux observations essentielles.
On ne peut, en effet, guère discuter de la pertinence des dépenses du chapitre 15-01, qui couvre les frais de dégrèvement de nos impôts et taxes. Son augmentation résulte, pour une part, de la simple mécanique qui associe à la progression globale des recettes fiscales de l'Etat celle des charges d'atténuation de recettes.
On relèvera, en revanche, avec intérêt qu'une avancée se produit sur le chapitre 33-91 « prestations et versements obligatoires », qui enregistre, enfin, la budgétisation, dans chacun des départements ministériels, des charges de pensions.
Dans le même temps, nous sommes attentifs au fait que le budget des charges communes enregistre un accroissement du chapitre 46-90, représentatif des versements à divers organismes sociaux, accroissement dû, entre autres, à la prise en charge des mesures de correction du régime de retraite agricole dont nous avons débattu hier, lors de l'examen du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, et de l'article 50, notamment.
Même si les sommes en jeu permettent de donner quelque consistance à cet article, nous pensons que la budgétisation effective de ces sommes, outre leur majoration en vue de réduire les profondes distorsions du régime de retraite concerné, est une priorité de court terme.
J'en viens maintenant à la question fondamentale, je veux parler de la dette publique, qui constitue, avec des engagements de plus de 250 milliards de francs en dette négociable et un peu plus de 6,6 milliards de francs en dette non négociable, l'essentiel du budget des charges communes.
L'encours de la dette publique demeure particulièrement significatif. Il dépasse, en effet, 608 milliards d'euros, selon les éléments en notre possession. Cette dette négociable est aujourd'hui assortie d'un taux d'intérêt moyen de 5,1 %, supérieur, donc, à la progression du produit intérieur brut en valeur.
On soulignera, de ce point de vue, un certain nombre de données importantes.
Tout d'abord, le mouvement de progression de l'encours de la dette négociable dans l'ensemble de la dette continue, et l'on peut s'en féliciter.
Pour autant, on constate également une sensible montée en puissance du coût des OAT indexées.
En effet, les crédits ouverts sur cette ligne de dette encore relativement réduite en termes d'encours augmentent de manière très sensible, passant de 3,068 milliards de francs à 3,959 milliards de francs, soit une progression proche de 30 points.
Si le produit a été conçu, à l'origine, par la loi de 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier pour assurer un minimum de sécurité aux épargnants et aux investisseurs participant aux émissions, il n'en demeure pas moins que la progression du coût de la formule est significative et pourrait être rapprochée d'autres dépenses publiques qui, elles, ne connaissent pas la même indexation.
S'agissant, de manière plus générale, du coût de la dette publique, on constatera, une fois de plus, que celle-ci constitue le second poste de dépenses du budget et qu'elle contribue, malgré l'amélioration de la situation, à « rigidifier » un peu plus ce budget.
Ainsi, à la fin du mois d'octobre 1999, la dette représentait 17,2 points des dépenses civiles ordinaires. A la fin du mois d'octobre 2000, cette part est passée à 18,2 points.
On peut escompter que la charge de la dette s'allège dans les deux derniers mois de l'année, mais la progression est réelle.
Certes, l'apurement de titres parvenus à maturité assortis d'un taux élevé est sans doute pour partie responsable de cette situation.
Cependant, la persistance d'un taux d'intérêt encore élevé constitue bel et bien le problème essentiel, l'effet boule de neige de la dette sur la situation des comptes publics n'ayant pas totalement disparu, malgré un niveau de rendement de nos recettes fiscales tout à fait inédit et une gestion serrée, parfois trop, d'ailleurs, des dépenses.
Telles sont les quelques observations que je comptais formuler à propos de l'examen des crédits du budget des charges communes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai de répondre avec concision, mais précision aux intervenants, notamment aux rapporteurs spéciaux. Ils m'excuseront toutefois de ne pas être exhaustif et d'aller à l'essentiel.
M. de Rocca Serra a souligné le caractère quelque peu hétéroclite du rassemblement de ces crédits dans le budget des charges communes. Mais c'est la loi du genre, et, s'il est vrai que la présentation de crédits destinés à l'ensemble des services de l'Etat ou à plusieurs d'entre eux, ne facilite pas la lecture du document, il n'en demeure pas moins que l'exercice nous est imposé par la nature même de ces crédits.
Il faut, monsieur le rapporteur spécial, que vous teniez compte des efforts entrepris par le Gouvernement pour clarifier la présentation au Parlement des comptes de ces charges communes, objectif essentiel dans une démocratie.
Tout d'abord, en loi de finances initiale pour 2000, le budget des charges communes est passé de quatre-vingt-un à quarante chapitres ; vous l'avez d'ailleurs indiqué, et je vous en remercie. Ensuite, nous avons proposé de transférer les cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie sur les chapitres des différentes sections budgétaires qui supportent effectivement la dépense. Ainsi 23,6 milliards de francs ont fait l'objet d'un tel transfert. Cela facilite la lisibilité du « coût complet » des personnels employés par chacun des ministères.
Vous avez également évoqué la question de l'agrégat des garanties et des autres dépenses en atténuation de recettes. Cet agrégat complexe concerne non seulement les crédits d'un chapitre destiné à financer les risques auxquels l'Etat a accepté d'accorder sa garantie, mais aussi les deux chapitres où sont inscrites les dépenses correspondant aux décharges de responsabilité et remises de débet et aux frais de poursuites et contentieux, ainsi que les credits prévus sur un troisième chapitre, qui sont ajustés aux besoins de financement des garanties afférentes au commerce extérieur - l'assurance prospection et la garantie du risque économique.
En ce qui concerne la provision pour revalorisation salariale, une mesure d'ajustement de 3,02 milliards de francs la porte à 3,25 milliards de francs, au chapitre 31-94 des charges communes.
Le processus d'élaboration des mesures de revalorisation salariale, qui débute par une rencontre entre le ministre de la fonction publique et les organisations représentatives - c'est d'actualité, puisque cette rencontre a eu lieu le 21 novembre - devrait conduire à des décisions dans le courant du premier trimestre de l'année prochaine. C'est pourquoi nous parlons de « provisions », car nous ne savons pas encore quel sera, au terme de cette concertation sociale, le montant qu'il conviendra d'inscrire dans les textes financiers. Il est donc trop tôt, aujourd'hui, pour évaluer le coût des revalorisations, qui trouveront leur plein effet, d'ailleurs, à partir du 1er janvier 2002.
Vous m'avez tous également interrogé sur la dette. Le collectif budgétaire inscrira plus de 1 milliard de francs d'économies sur le service de la dette. Ce bon résultat est dû à trois phénomènes.
Tout d'abord, nous bénéficions d'un taux d'intérêt à long terme modéré, on l'a souligné. Ensuite, nous avons vraiment mené une gestion plus active de la dette avec, notamment, la création de l'agence de la dette. Enfin, nous bénéficions de l'inversion de la spirale de la dette engagée en 1999, mouvement qui est à mettre à l'actif du Gouvernement.
Le poids de la dette publique, comme chacun le sait ici, atteignait, en 1997, près de 60 % du PIB - 59,7 %, exactement - et ce poids diminue, puisqu'il sera réduit pour passer à un peu plus de 57 % seulement en 2001. C'est l'un des résultats de la gestion budgétaire et financière du Gouvernement.
La charge de la dette, qui avait presque triplé depuis vingt ans avec, en particulier, une hausse de vingt points - vingt points, mesdames, messieurs les sénateurs ! - entre 1993 et 1997, a commencé à diminuer. C'est notre action qui est à l'origine de ce résultat, et nous en voyons, aujourd'hui, les heureux effets sur la charge du service de la dette.
Monsieur Loridant, la suppression des comptes spéciaux est un sujet délicat. Vous l'avez abordé avec beaucoup de courage et de clarté. Vous avez dit que les comptes spéciaux avaient leur utilité. Je note, d'ailleurs, que la proposition de loi organique déposée à l'Assemblée nationale ne prévoit pas la suppression de ces comptes spéciaux du Trésor, elle en interdit seulement la création de nouveaux.
Quant à la création du compte d'affectation des ressources UMTS au FRR et à la CADEP, elle nous a été conseillée par le Conseil d'Etat, pour des raisons de régularité juridique. Je tire d'ailleurs de votre intervention détaillée que nous aurons, devant la Haute Assemblée, une discussion approfondie sur ce point, (M. Pierre Laffitte marque sa satisfaction) lorsque nous débattrons de la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Nul doute que les spécialistes que vous êtes mais également d'autres sénateurs prendront toute leur part à ce débat.
Puisque j'aborde la question de l'utilisation du produit des licences UMTS, je veux rappeler ici, devant le Sénat, comme je l'avais d'ailleurs fait lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 devant l'Assemblée nationale, que les quatre licences de téléphonie mobile de troisième génération seront attribuées en 2001 selon une procédure retenue par le Gouvernement, mais qui a été proposée par l'Autorité de régulation des télécommunications. M. Laffitte, qui est un spécialiste de ces questions, ne me contredira pas.
Nous avons publié cette procédure longue, qui, je l'ai déjà dit, sera soumise à la sagacité et aux remarques du Parlement, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Cette procédure a été définie le 18 août dernier au Journal officiel .
Il s'agit, je résume, d'une utilisation temporaire pendant quinze ans du domaine public hertzien, qui est un bien rare et non cessible. Le produit global a été fixé à 130 milliards de francs, soit 32,5 milliards de francs par licence. J'ai décidé d'affecter ce produit, d'une part, au financement du FRR, dont je viens de parler, pour 102 milliards de francs, soit 78,5 %, et, d'autre part - et c'est bien naturel - au désendettement de l'Etat - M. Fréville en sera satisfait - c'est-à-dire à la CADEP, pour 28 milliards de francs, soit 21,5 %.
Le présent projet de loi de finances comporte un article 23 qui, par dérogation au code du domaine de l'Etat, précise le rythme des versements : 25 % en 2001 et 25 % en 2002, répartis entre le FRR - 18,5 milliards de francs - et la CADEP - 14 milliards de francs - et 50 % versés au FRR de 2003 à 2016. Par ailleurs, nous procédons à la création d'un compte d'affectation spéciale destiné à recevoir ces recettes et à les reverser exclusivement au FRR et à la CADEP, après avoir modifié les recettes de cette dernière caisse.
Ces précisions et ces chiffres témoignent, je crois, de la sagesse de la voie prise par le Gouvernement français si j'établis une comparaison avec ce qui se passe - nous y reviendrons cet après-midi lors de l'examen des crédits concernant l'industrie - dans plusieurs autres pays européens. Ces derniers connaissent peut-être des difficultés que notre pondération nous évitera en cette matière.
M. Loridant a posé également une question sur l'avenir et la manière dont le Gouvernement envisage d'assurer le financement des deux pôles majeurs de besoins financiers que constituent l'EPFR et la société RFF, Réseau férré de France, et qui nécessiteront des dotations budgétaires importantes et durables.
Les recettes propres de l'EPFR proviennent des versements effectués par le CDR au titre de la clause participative. Le CDR devrait verser 8,2 milliards de francs à l'EPFR en 2000 et ses versements ultérieurs dépendront de ses recettes de cession et de sa situation de trésorerie. Le niveau des dotations de l'Etat restera donc déterminant pour l'évolution de l'endettement et des coûts de portage de l'EPRF.
S'agissant de RFF, l'amélioration de la rentabilité et de la productivité du système ferroviaire permettra d'accroître la capacité d'autofinancement de RFF, j'en suis certain. La contribution de l'Etat sous forme de dotations en capital et de subventions restera toutefois substantielle dans les prochaines années. Au cours des dernières années, la gestion des participations de l'Etat a permis, tout en accompagnant le développement du secteur public industriel et financier - et de quelle manière ! un certain nombre d'entreprises ont pris vraiment leur envol au cours des dernières années - de financer des dotations budgétaires à l'EPFR et à RFF ainsi qu'à d'autres entreprises publiques. Les recettes de cessions d'actifs pourraient, à l'avenir - c'est une loi quasi physique - devenir insuffisantes. Dans ce cas, l'Etat respectera ses engagements et les assumera à l'égard de ces deux structures en faisant appel à des ressources budgétaires classiques.
Nous aurons l'occasion de revenir en détail sur l'Agence de la dette et sur la création du compte de commerce dont vous avez parlé. Ma collègue Florence Parly évoquera bien sûr cette question devant le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Celui-ci comportera un article en ce sens. Vous aurez donc le temps de l'examiner. J'espère qu'il constituera un moment privilégié du débat, car il s'agit d'un point essentiel pour l'avenir des finances publiques et, surtout, pour le contrôle du Parlement sur les finances publiques et sur la dette. Ce débat sera mené dans la transparence.
En juillet dernier, le Gouvernement a annoncé la création de l'Agence de la dette. Je peux d'ores et déjà confirmer à MM. Loridant et Fréville que cette agence sera rattachée directement au directeur du Trésor. Cette décision répond à la nécessité de se doter d'une structure dédiée à la gestion de la dette qui disposera des moyens financiers et humains pour gérer la dette publique, non pas de manière passive, mais de manière dynamique, active, économe, notamment à travers la mise en place d'un portefeuille de contrats d'échanges de taux.
Le dispositif que vous proposera Mme Parly ne constitue d'ailleurs pas une originalité française. Il s'inscrit dans un mouvement européen. En effet, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Allemagne, des agences de ce type sont en voie d'être créées ou ont d'ores et déjà été instituées.
L'Agence de la dette ne sera pas une structure autonome. Elle sera un service à compétence nationale, rattaché directement au directeur du Trésor et placé sous l'autorité d'un chef de service. Elle assumera des missions de gestion de la dette : gestion opérationnelle - émissions, adjudication, rachat et amortissement - tenue de la trésorerie de l'Etat et des relations avec les correspondants du Trésor, communication et relations dans le domaine des marchés de taux d'intérêt avec les investisseurs, les intermédiaires financiers, les émetteurs gestionnaires de dette publique. Elle assumera, enfin, une mission d'analyse monétaire portant sur les évolutions de marchés de taux.
Elle disposera, pour la mise en oeuvre de ces missions, d'une autonomie fonctionnelle, même si elle ne sera pas un organisme autonome. Ses effectifs en feront une agence extrêmement légère. En effet, compte tenu des quelques spécialistes des marchés qui sont actuellement en voie de recrutement prévisionnel, les effectifs passeront de vingt à une trentaine de personnes.
La mise en place de cette agence interviendra avant la fin de l'année, bien sûr après examen des textes d'organisation par le comité technique paritaire central et après examen par le Parlement du fondement et de la justification de la création de cette agence. Par ailleurs, cette agence sera soumise à un audit annuel obligatoire.
M. Fréville a fait, lui aussi, une longue intervention, très technique et d'ailleurs passionnante sur la dette. J'ai déjà répondu sur un certain nombre de points de son intervention. Je me permettrai de rappeler quelques chiffres que je viens d'évoquer, spécialement à l'intention de M. Fréville qui, je le sais, est un spécialiste.
La dette publique baissera pour la troisième année consécutive. Elle devrait être autour de 57 points du PIB en 2001. En dix ans, de 1981 à 1992 - je l'ai dit voilà quelques instants - on était passé de 20 points à 40 points. En cinq ans, entre 1993 et 1997, on avait augmenté à nouveau de 20 points du PIB, passant de 40 points à 60 points.
Le budget de l'Etat est en excédent primaire depuis l'année 2000. Cet excédent primaire sera de plus de 50 milliards de francs en 2001. Je pense que vous noterez les efforts d'assainissement et de rigueur de gestion que cela représente. Ils constituent un signal politique et traduisent la volonté du Gouvernement, exprimée à plusieurs reprises par M. Laurent Fabius au Parlement, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, d'une gestion rigoureuse et saine des finances publiques, gestion qui converge d'ailleurs avec celle de nos principaux partenaires, et donc d'une gestion de qualité.
L'avenir du compte d'affectation spéciale « Produits de cessions » a fait l'objet d'une grande part de votre intervention. Il est vrai qu'il reste encore de lourds passifs au sein du secteur public. Ayons l'honnêteté de le reconnaître. Pour les couvrir mais surtout pour les réduire, nous avons engagé une action sur les structures : réforme du CDR, qui a conduit depuis 1997 à réduire de 20 milliards de francs la charge estimée du CDR - maîtrise de l'endettement de RFF dont je viens de parler, amélioration de l'équilibre entre les charges et les recettes de cet établissement, opérations de gestion dynamique des actifs du secteur public qui sont, je crois, à l'honneur du Gouvernement et qui marqueront d'une pierre blanche la gestion publique dans le domaine des entreprises publiques. La gestion dynamique des actifs du secteur public permet aujourd'hui de couvrir ces passifs. Nous avons diminué de moitié - 60 milliards de francs - la dette de l'EPFR, au titre du sauvetage du Crédit Lyonnais. Ce n'est pas rien d'obtenir des résultats de cet ordre, de cette nature et de cette ampleur. Au-delà, le recours à des recettes budgétaires pourra toujours servir - je l'ai dit tout à l'heure en conclusion de ma réponse à M. Loridant - à couvrir ces passifs, qui sont évidemment ceux de l'Etat. La dette de l'EPFR a d'ailleurs été comptabilisée non pas par le gouvernement précédent mais par le gouvernement actuel dans la dette de l'Etat, au sein de la dette des APU, les administrations publiques.
Il y a donc une volonté d'objectivité, de transparence et de clarté, qui doit être remarquée par le Sénat. En effet, c'est pour le Gouvernement et certainement pour l'ensemble des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, l'occasion de souligner avec quel soin nous voulons, les uns et les autres, établir une relation démocratique de contrôle, de transparence et de clarté entre le Gouvernement et le Parlement. C'est la condition d'une gestion dynamique et démocratique des finances publiques. C'est certainement ce que le Sénat aura à coeur de soutenir. En effet, les efforts réels du Gouvernement vont en ce sens. Je pense que vous devez les remarquer, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

CHARGES COMMUNES

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant à l'état B et concernant les charges communes.

ÉTAT B

M. le président. « Titre Ier : 17 268 122 000 francs. »

Par amendement n° II-79, le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 1 285 600 000 francs.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement de coordination a pour objet de traduire sur l'état B l'impact mécanique des modifications intervenues en première partie sur les remboursements et les dégrèvements.
Il s'agit, d'abord, de la disposition relative à l'extension du taux de l'avoir fiscal à 40 % pour les associations et les fondations. Il s'agit, ensuite, du mécanisme permettant aux entrepreneurs du bâtiment de demander mensuellement le remboursement du crédit de TVA dont ils disposent. Cela a été demandé par tous les sénateurs. Il s'agit, enfin, de la mesure qui augmente le coût du dégrèvement d'office résultant de l'extension de l'allégement de la taxe foncière sur les propriétés bâties supportée par les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation spécifique de solidarité.
Ces modifications se traduisent par une majoration de 1 285,6 millions de francs des dépenses prévues sur les chapitres des dégrèvements du budget des charges communes.
Je précise que cette majoration des remboursements et dégrèvements a déjà été prise en compte dans l'article d'équilibre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-79, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre Ier.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre II : 160 700 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre II.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre III : moins 21 847 950 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 2 959 903 000 francs. »

Par amendement n° II-80. le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 4 203 000 francs.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement traduit sur l'état B l'effet mécanique de l'évolution des recettes fiscales, constatée en première partie, sur le fonds national de péréquation, ce qui conduit à majorer les dépenses du titre IV du budget des charges communes de 4 203 000 francs.
Cette modification des dépenses a déjà été prise en compte dans l'article d'équilibre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-80, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR

M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 37 A et 37 à 41 bis du projet de loi de finances qui concernent les comptes spéciaux du Trésor.

C. - Opérations à caractère définitif
des comptes d'affectation spéciale

Article 37 A



M. le président.
« Art. 37 A. - A compter du 1er janvier 2001, les deuxième à dixième alinéas du II de l'article 60 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179 du 29 décembre 1983) sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« En recettes :
« - le produit du prélèvement institué par l'article 51 de la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 relative à diverses dispositions d'ordre financier ;
« - les recettes diverses ou accidentelles.
« En dépenses :
« - les subventions pour le développement des activités hippiques ;
« - les subventions de fonctionnement et d'investissement à l'établissement public Les Haras nationaux ;
« - les dépenses diverses ou accidentelles. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 37 A.

(L'article 37 A est adopté.)

Article 37

M. le président. « Art. 37. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2001, au titre des services votés des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 20 467 299 500 F. » - (Adopté.)

Article 38



M. le président.
« Art. 38. - I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2001, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 60 611 284 000 francs.
« II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2001, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 61 483 687 000 francs ainsi répartie :
« Dépenses ordinaires civiles 872 403 000 F

« Dépenses civiles en capital 60 611 284 000 F

« Total 61 483 687 000 F »
Par amendement n° II-82, le Gouvernement propose :
I. - A la fin du I de cet article, de remplacer la somme : « 60 611 284 000 francs » par la somme : « 32 492 194 000 francs ».
II. - Dans le II de cet article,
a) à la fin du premier alinéa et au dernier alinéa, de remplacer la somme « 61 483 687 000 francs » par la somme : « 33 107 187 000 francs » ;
b) dans le deuxième alinéa (dépenses ordinaires civiles), de remplacer la somme : « 872 403 000 francs » par la somme : « 614 993 000 francs » ;
c) dans le troisième alinéa (dépenses civiles en capital), de remplacer la somme : « 60 611 284 000 francs » par la somme : « 32 492 194 000 francs ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement de coordination qui a pour objet de traduire sur l'article retraçant les mesures nouvelles des comptes d'affectation spéciale l'impact mécanique des modifications intervenues en première partie sur ces comptes.
En l'occurrence, il s'agit de dispositions relatives aux sujets suivants.
La suppression du prélèvement de solidarité pour l'eau entraîne une perte de recettes de 500 millions de francs sur le fonds national de l'eau, et il est donc proposé un ajustement des dépenses à cette hauteur.
La suppression du compte retraçant, en recettes, les redevances d'utilisation des fréquences et, en dépenses, les versements au fonds de réserve pour les retraites et à la caisse d'amortissement de la dette publique conduit à revenir sur l'ouverture - je viens de m'en expliquer - de 32,496 milliards de francs.
La modification de la répartition du produit de la taxe d'aviation civile entre le budget annexe de l'aviation civile et le compte d'affectation spéciale n° 902-25, « Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien », conduit à majorer les dépenses de ce dernier de 99,5 millions de francs.
Enfin, le rétablissement du compte d'affectation spéciale n° 902-26, « Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables », entraîne une ouverture en autorisations de programme et en crédits de paiement de 4,520 milliards de francs.
Au total, ces modifications se traduisent par une diminution de 28,4 milliards de francs de dépenses prévues sur les chapitres de ces quatre comptes d'affectation spéciale.
Ces mouvements ont, eux aussi, déjà été pris en compte dans l'article d'équilibre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Cet amendement tirant les conséquences des votes intervenus lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances par le Sénat, la commission ne peut qu'émettre un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-82, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 38, ainsi modifié.

(L'article 38 est adopté.)

II. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE TEMPORAIRE

Articles 39 à 41



M. le président.
« Art. 39. - I. - Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2001, au titre des services votés des opérations à caractère temporaire des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 500 000 francs.
« II. - Le montant des découverts applicables, en 2001, aux services votés des comptes de commerce, est fixé à 1 814 000 000 francs.
« III. - Le montant des découverts applicables, en 2001, aux services votés des comptes de règlement avec les gouvernements étrangers, est fixé à 308 000 000 francs.
« IV. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2001, au titre des services votés des comptes d'avances du Trésor, est fixé à la somme de 365 298 000 000 francs.
« V. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2001, au titre des services votés des comptes de prêts, est fixé à la somme de 1 522 000 000 francs. » - (Adopté.)
« Art. 40. - Il est ouvert aux ministres, pour 2001, au titre des mesures nouvelles des opérations temporaires des comptes d'affectation spéciale, un crédit de paiement de dépenses ordinaires de 48 000 000 francs. » - (Adopté.)
« Art. 41. - Il est ouvert au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2001, au titre des mesures nouvelles des comptes de prêts, une autorisation de programme et des crédits de paiement s'élevant respectivement à 1 000 000 000 francs et 1 970 000 000 francs. » - (Adopté.)

Article 41 bis



M. le président.
« Art. 41 bis. - Les mesures nouvelles des comptes d'avances du Trésor sont fixées, pour 2001, à - 329 000 000 francs. »
Par amendement n° II-78, le Gouvernement propose, à la fin de cet article, de remplacer la somme : « - 329 000 000 francs », par la somme de : « - 2 500 000 000 francs ».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il s'agit également d'un amendement de coordination, qui concerne l'impact de la suppression par le Sénat de la vignette sur le compte d'avances « vignette ».
Je propose, au nom du Gouvernement, un amendement visant à traduire, sur ces dépenses du compte d'avances n° 903-52, l'impact de la suppression totale que le Sénat a souhaité adopter au cours de l'examen en première partie de ce projet de loi de finances. Il convient donc de porter les mesures nouvelles du compte n° 903-52 à « - 2 500 millions de francs ».
L'impact de cette mesure a déjà été pris en compte dans l'article d'équilibre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant, rapporteur spécial. Pour les mêmes raisons que précédemment et compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat sur cet amendement de conséquence, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-78, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 41 bis, ainsi modifié.

(L'article 41 bis est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor.

Budget annexe des monnaies et médailles

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des monnaies et médailles.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme les pièces de monnaie qu'elle frappe, l'administration des monnaies et médailles est à double face : service public par sa première raison d'être, la fourniture au Trésor de notre monnaie métallique courante, elle est aussi une entreprise industrielle et commerciale, dont les recettes couvrent environ le quart de son budget.
Pour 2001, ce budget de 1,2 milliard de francs marque un infléchissement de 14 %, dû notamment à la baisse de 41 % de l'activité de frappe de la monnaie, conséquence de la disparition totale du franc et de la décélération du programme euro.
Je vous livre d'emblée, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire ce projet de budget, vous invitant, pour plus de détails, à vous reporter à mon rapport écrit.
Je regrette que l'objectif d'équilibre budgétaire durable affiché dans le plan « Monnaie 2000 » se révèle inacessible et que le recours à une subvention de l'Etat de 19 millions de francs sont nécessaire.
Le programme pluriannuel de frappe de 7,6 milliards de pièces d'euro - je me réjouis de constater qu'il sera réalisé - implique d'importantes opérations complémentaires que je tiens à souligner.
Ce sont 30 000 tonnes de pièces, l'équivalent de la tour Eiffel démontée, qu'il s'agit de stocker en toute sécurité jusqu'à la fin de 2001.
De plus, l'établissement de Pessac fait confectionner des kits de pièces d'euro destinés aux particuliers et aux commerçants. Dans le courant de l'année 2001, il réalisera lui-même des palettes contenant les différentes coupures pour la grande distribution. La vente de tous ces produits, dès la seconde quinzaine de décembre 2001, devrait permettre de réduire la durée de la double circulation monétaire.
Par ailleurs, l'administration des monnaies et médailles sera étroitement associée à la lutte contre la contrefaçon, à l'échelon tant national qu'européen.
Ce service public, soumis à une concurrence de plus en plus âpre, s'inscrit plus que jamais dans une logique de compétition se traduisant par une nouvelle présentation du « bleu » budgétaire et par la volonté d'afficher des prix industriels concurrentiels à l'échelle internationale en reconduisant les prix en vigueur en 2000, année comportant économies d'échelle et gains de productivité.
Il devient en effet impératif de préparer l'entreprise à « l'après-euro », en la faisant figurer parmi les leaders du groupe des monnaies européennes pour la frappe de l'euro.
Les prévisions de recettes purement commerciales sont diminuées de 5,4 % par rapport aux lois de finances de 1999 et de 2000, pour tenir compte des derniers résultats, assez décevants. Même si des efforts ont été réalisés pour redynamiser les ventes, ces prévisions demeurent très optimistes.
Une activité ralentie et une concurrence intensifiée imposent que l'on maîtrise les dépenses. Les dépenses de personnel devront être contenues ; les prochains départs à la retraite y aideront.
On attend surtout beaucoup de l'actuelle mission d'étude sur les achats, qu'il importe d'optimiser, puisqu'ils représentent environ la moitié des dépenses.
La question reste posée de l'installation à Pessac d'un laminoir-fonderie, qui permettrait de disposer d'une production totalement intégrée. Les conclusions de l'étude d'opportunité et de faisabilité, qui se sont fait attendre, seront très prochainement connues. Mais peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous déjà nous donner quelques éléments de réponse ?
Enfin, dans ce contexte devenu difficile, comme l'an dernier, mais de manière plus pressante encore, j'insisterai sur la légitime inquiétude des personnels quant au devenir administratif de la direction des monnaies et médailles, qui concerne 943 personnes. Monsieur le secrétaire d'Etat, un changement de leur statut est-il en préparation ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose l'adoption du budget annexe des monnaies et médailles. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du budget des monnaies et médailles se déroule à un moment difficile : incertitudes, déficit, fin de mission, fermeture d'installations, arrêt de frappe sont des réalités qui ne se traduisent pas par des progressions de crédits et de recettes !
Ce budget avait progressé au cours des quatre dernières années. Cette année, il chute de 14 %.
L'activité de frappe du franc s'achève. C'est un moment historique pour notre monnaie. On ne battra plus le franc, comme on le faisait depuis 1795, date à laquelle il a été créé par les Conventionnels, avec l'adoption de la loi du 15 août 1795, refondant tout notre système de la monnaie métallique, en même temps, d'ailleurs, que l'instruction publique.
Et le drame, c'est que l'euro a été frappé en grande partie et ne vient que de façon limitée au secours du franc !
L'établissement de Pessac ne rapportera plus que 40 millions de francs, soit un cinquième de moins que l'an dernier. Le déficit de l'établissement parisien augmente de près de 60 millions de francs, soit également de près d'un cinquième. L'équilibre de fait entre les deux activités n'est plus possible.
La caractéristique de ce budget - le rapport de Mme Bergé-Lavigne le met bien en évidence - c'est qu'il exprimera un programme en nette diminution : pour le franc, c'est fini en 2001 ; pour l'euro, la frappe baissera de 35 % ; pour les deux réunis, on enregistrera une baisse de 41,2 % de la frappe.
Cette situation est encore aggravée par une baisse de 25 % des produits de cession de monnaies françaises au Trésor, représentant une chute de 232 millions de francs.
Redressera-t-on la situation en 2001 ? Non. Un milliard de pièces d'euro devaient être frappées ; à en croire la direction des monnaies et médailles, ce sera 1,6 milliard de pièces, mais en prenant en compte les retards des deux années précédentes.
A ce propos, je voudrais faire quatre remarques de fond sur l'euro.
Première remarque : bien des prévisions sont bouleversées. Le lancement de la monnaie unique est intervenu avec un euro qui valait autour de 1,16 ou 1,18 dollar ; on est aujourd'hui à un plancher de 0,85 dollar. Il apparaît, contrairement à ce que certains « fans » de l'Europe affirment, que le potentiel de croissance des pays de l'euro est moins important que celui des Etats-Unis.
Deuxième remarque : l'euro n'a pas encore fait la démonstration de sa grande efficacité en termes d'échanges internationaux.
Troisième remarque : la course aux capitaux prend un tour nouveau, avec le mouvement général de hausse des taux d'intérêt qui contamine les pays européens, notamment des pays comme la France, où des situations budgétaires nouvelles sont apparues.
Quatrième remarque : la politique européenne de réduction des déficits publics aboutit, en fait, à des politiques budgétaires restrictives.
L'euro ne semble pas devoir faire le bonheur de l'économie européenne ou française. Ce qui apparaît comme une certitude, c'est qu'il ne fait pas celui des activités de l'administration des monnaies et médailles.
La frappe des pièces recule ; une des missions régaliennes est mise en cause.
Ce budget subit de plein fouet cette évolution. D'ailleurs, Mme la rapporteur le reconnaît lorsqu'elle écrit dans son rapport : « Les questions que se pose le personnel sur le devenir du service public, voire son inquiétude, sont légitimes. »
Ce même rapport écrit pointe quelques solutions, dont une dynamisation des recettes des « produits parisiens ». Mme la rapporteur note également un renforcement du travail des agents commerciaux des monnaies et médailles pour participer à de nouveaux appels d'offres et à la conquête de nouveaux marchés.
La progression du chiffre d'affaires à l'exportation démontre que, avec une diversification des produits, on peut encore espérer voir les Monnaies et médailles concurrencer sérieusement leurs principaux rivaux. Quelques mesures envisagées, telles que le lancement de la mission d'étude sur l'évolution des achats, peuvent permettre d'aboutir à une meilleure efficacité économique. Mais le renforcement et la modernisation des moyens industriels de l'établissement de Pessac par l'installation d'un laminoir-fonderie avec production intégrée pourraient se révéler plus importants pour l'avenir. Comme cela a été souligné, des études ont été engagées, l'une d'entre elles portant notamment sur la situation du marché des monnaies et des flans à l'horizon 2002-2006. Nous en attendons les résultats et les propositions d'ici à la fin de l'année.
Nous ne pouvons nous satisfaire d'un tel budget, en régression certaine et aux perspectives médiocres. Vos propositions, monsieur le secrétaire d'Etat, sont insuffisantes et trop limitées : elles ne recueillent pas notre accord. Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc contre le projet de budget présenté.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai souhaité prendre aujourd'hui la parole pour prolonger les interventions des parlementaires socialistes girondins, au mois d'octobre dernier, sur la situation de la direction des monnaies et médailles, plus particulièrement sur la question de l'avenir de l'établissement de Pessac, situé dans notre département.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a répondu très rapidement et très complètement sur les différents points que nous avions soulevés. Cependant, les personnels demeurent inquiets ; c'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets de revenir sur trois sujets. S'agissant tout d'abord de la remise en cause du pouvoir régalien de frapper la monnaie, les monnayeurs de Pessac ont le sentiment que la pérennisation de leur entreprise publique n'est plus à l'ordre du jour. Au moment où la mise en concurrence à l'échelle européenne, notamment avec les Britanniques, les inquiète, ils ne comprennent pas pourquoi la frappe de monnaie ne figure plus au nombre des missions régaliennes de l'Etat. En effet, le lancement d'un appel d'offres européen n'aboutira-t-il pas à retirer cette compétence à l'Etat ?
S'agissant ensuite de l'avenir du statut des personnels, le recul de l'activité de frappe de la monnaie courante française et l'arrêt de la frappe de l'euro après avril 2001 suscitent de légitimes inquiétudes. C'est pourquoi nous souhaiterions savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, où en sont les concertations menées avec les organisations syndicales.
S'agissant enfin de la création d'un complexe de fonderie-laminage, il s'agit, dans ce contexte, de la question centrale.
Elle permettrait à l'établissement monétaire de Pessac de reconquérir son autonomie en matière de fabrication des flans et de garantir le plein emploi.
Comme l'a souligné madame le rapporteur, cet équipement nous permettrait de nous placer sur un marché bientôt soumis à la concurrence européenne, en particulier à celle des Britanniques.
Le coût de la réalisation d'un tel projet a été évalué à 160 millions de francs. La direction des monnaies et médailles fait actuellement procéder à deux études, dont les conclusions auraient dû être présentées fin novembre. Ces conclusions sont d'importance, puisque l'on sait que d'elles dépend en grande partie la décision finale qui sera prise à propos de la création du complexe. Ce qui appelle notre attention, c'est que rien dans le collectif budgétaire n'est prévu pour financer cette opération si elle était engagée. Où en sommes-nous aujourd'hui à cet égard ?
Comme l'a dit clairement M. Laurent Fabius, l'enjeu aujourd'hui est de « créer une structure industrielle qui permette d'assurer la pérennité d'un service public aux missions et activités diversifiées ». Il faut dès maintenant que nous nous en donnions les moyens, dans le respect des personnels qui ont fait la réputation de cet établissement.
Vous sachant attentif à tous ces aspects, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera le projet de budget des monnaies et médailles.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je voudrais tout d'abord remercier très sincèrement Mme Bergé-Lavigne pour la qualité de ses observations, de ses propositions, de ses critiques parfois, qui sont dans l'ensemble très constructives, sur cet important budget annexe.
Comme vous l'avez remarqué, madame le rapporteur, 2001 sera une année charnière pour la direction des monnaies et médailles, puisqu'elle verra l'achèvement de l'exécution d'une commande passée par la direction du Trésor pour la frappe de 7,6 milliards de pièces métalliques en euros. Je suis certain que chacun, ici, aura à coeur de souligner la qualité de ce remarquable travail et celle de l'ensemble des équipes qui réalisent cette prouesse. Le Gouvernement adresse, pour sa part, ses félicitations à tous ceux qui ont concouru à cette oeuvre difficile, longue et soumise à des délais très restreints.
Mais 2001 sera également une année difficile, car, en raison de la baisse attendue des recettes liées à la vente de monnaies nationales, l'équilibre du budget annexe ne pourra être atteint que grâce à une subvention de fonctionnement de 19 millions de francs.
Au cours de mon intervention, j'évoquerai successivement la baisse des recettes des Monnaies et médailles et la nécessaire maîtrise des dépenses, avant de répondre très précisément aux inquiétudes qui viennent d'être exprimées à cette tribune.
Hors subvention, les recettes de la section d'exploitation baissent de plus de 15 %.
Tout d'abord, le programme de frappe des monnaies courantes françaises, ramené à 1,623 milliard de pièces, baisse de 41,5 %, le produit de la cession de ces pièces au Trésor passant de 933 millions de francs en 2000 à 700 millions de francs seulement en 2001.
Pour 2001, les prix de cession de 2000 ont été reconduits, puisqu'il n'y a pas eu d'évolution significative des cours du métal. Les charges liées à la surcapacité relative de Pessac, monsieur Dussaut, n'ont pas été répercutées dans les prix.
Par ailleurs, le produit de la fabrication des monnaies courantes étrangères est porté de 41 millions de francs à 60 millions de francs grâce aux résultats favorables obtenus ces dernières années. En revanche, les prévisions de ventes des monnaies de collection françaises sont ramenées, hélas ! de 150 millions de francs en 2000 à 112 millions de francs, objectif plus réaliste. Les recettes relatives aux monnaies de collection étrangères et celles qui sont afférentes aux médailles, fontes, décorations et jetons sont, quant à elles, respectivement maintenues à 5 millions de francs et à 138 millions de francs.
Enfin, le produit des prestations de services augmente sensiblement pour atteindre 141,5 millions de francs. Il s'agit principalement d'interventions réalisées par le budget annexe pour le compte de la direction du Trésor. Ces prestations consistent à assurer le stockage de l'euro, la confection de sachets à destination du public et des commerçants et enfin la réalisation de palettes pour la grande distribution.
En ce qui concerne la maîtrise des dépenses, qui nous paraît nécessaire, je souligne que les dépenses d'exploitation baisseront, tous postes confondus, de 14 %.
La diminution de 27,6 % du poste des achats, évoquée tant par Mme Beaudeau que par M. Dussaut, résulte de la réduction du programme de frappe des monnaies courantes françaises et de la révision à la baisse du programme de commercialisation des monnaies de collection.
La croissance très sensible, à hauteur de 17 %, des crédits de fonctionnement est notamment due aux frais de confection des sachets de préalimentation, qui sont portés de 40 millions de francs à 75 millions de francs. Il importe toutefois de souligner que, hors prestations de services, les crédits de fonctionnement baissent de près de 5 %.
Enfin, s'agissant des investissements, le total des autorisations de programme inscrites au budget, soit 38 millions de francs, témoigne de la volonté tant de l'établissement monétaire de Pessac que du site parisien d'affronter la concurrence à venir.
Pour 2001, ces investissements concernent, d'une part, la modernisation de l'outil industriel de chacun des sites de Pessac et de Paris et, d'autre part, l'informatisation de l'entreprise, dans l'optique du passage à l'euro et du renouvellement du parc de matériels.
Quel est l'avenir et quelles sont les perspectives ouvertes aux Monnaies et médailles ? Je répondrai maintenant aux questions qui ont été posées avec beaucoup d'à propos par Mmes Bergé-Lavigne et Beaudeau et par M. Dussaut.
L'administration des monnaies et médailles, après avoir fait évaluer à 160 millions de francs le montant de l'investissement nécessaire à la réouverture d'un atelier de fonderie-laminage, a lancé en 2000 deux études complémentaires préalables, qui sont bien évidemment indispensables à la prise d'une décision économique.
L'une de ces études porte sur l'environnement industriel de production des flans monétaires, l'autre sur les enjeux et la faisabilité de l'investissement à Pessac. Leurs résultats définitifs seront connus dans les prochains jours ; ils éclaireront utilement la décision de M. Fabius et de Mme Parly, et il va de soi que les personnels seront étroitement associés à la démarche et à la prise de décision. Quelle que soit cette décision, les syndicats et les organisations représentatives du personnel seront tenus informés et auront l'occasion de faire valoir leur point de vue. J'ajoute qu'il en ira de même s'agissant des élus, en particulier de ceux qui sont directement concernés. En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, la décision, eu égard à sa portée, devra être préalablement discutée avec vous : le Gouvernement en prend l'engagement.
Par ailleurs, je dois préciser ici, madame Beaudeau, que l'évolution du statut de la direction des monnaies et médailles n'est absolument pas à l'ordre du jour. Je tiens à apaiser votre inquiétude à cet égard : la question fondamentale tient non pas au statut, mais à l'équilibre des comptes, comme je viens, par quelques chiffres, de l'indiquer, et au développement de l'ensemble des activités, dans un environnement fortement concurrentiel et qui le deviendra de plus en plus, parce qu'il sera de plus en plus européen.
Les Monnaies et médailles doivent donc faire face au défi industriel et économique que constituent la frappe de l'euro, dont le rythme, on le sait, n'a pu être suivi qu'avec de réelles difficultés, et l'« après-euro », période qui verra s'étendre le champ de la concurrence et s'accroître les difficultés éventuelles. Il est donc nécessaire d'armer la direction des Monnaies et médailles afin qu'elle affronte avec volonté, dynamisme et compétence économique, comme elle a toujours su le faire dans le passé, la nouvelle donne française et européenne de ses activités. Il faudra, en particulier, développer des activités commerciales, s'agissant notamment du site parisien.
Les personnels s'inquiètent de cette situation, spécialement du recul important de la production de l'établissement monétaire, alors que l'activité avait considérablement augmenté pour assurer la constitution du stock de départ de l'euro. C'est pourquoi la direction des monnaies et médailles a été priée par Mme Parly de mettre en oeuvre une réflexion et une concertation globales sur la situation et le devenir de l'entreprise.
Cette réflexion, à laquelle les organisations syndicales ont été étroitement associées, a débuté en 2000 et sera achevée en janvier 2001. Elle s'inscrit dans le cadre d'une série de réunions qui se sont tenues ou se tiendront dans les prochaines semaines sur les thèmes suivants : les missions de la direction et leur évolution, qui fera l'objet de garanties pour les personnels, lesquels n'ont pas à craindre cette évolution ; les changements généraux de l'environnement de la direction et le positionnement de celle-ci à l'égard des autres instituts monétaires en Europe ; le diagnostic de chacune des lignes de produit de la direction ; enfin, l'évolution des effectifs, mais surtout celle des métiers, des formations et des fonctions.
Ce n'est qu'à l'issue de cette concertation avec les syndicats, les élus et l'ensemble des parties prenantes que la direction des monnaies et médailles adressera à Mme Parly un rapport détaillé sur l'ensemble de ces points. Mme le secrétaire d'Etat au budget pourra alors prendre des décisions.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous apporte, au nom du Gouvernement, des apaisements et des garanties. Rien ne sera fait à la hâte - à la serpe, si j'ose dire ! - de manière que la concertation et le dialogue soient permanents. Vous serez personnellement avisés et consultés, comme le seront les organisations syndicales.
L'ensemble de ces éléments devraient à mon sens vous permettre, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter les crédits de la direction des monnaies et médailles. Cette discussion donne en tout cas au Gouvernement l'occasion de remercier encore une fois l'ensemble de ses agents. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme le rapporteur spécial applaudit également.) M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des monnaies et médailles et figurant aux articles 35 et 36 du projet de loi de finances.

SERVICES VOTÉS

M. le président. « Crédits : 1 360 440 734 francs. »
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 35 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

MESURES NOUVELLES

M. le président. « I. - Autorisations de programme : 34 464 000 francs ;
« II. - Crédits : moins 159 411 600 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 36 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des monnaies et médailles.

Economie, finances et industrie

SERVICES FINANCIERS (ET CONSOMMATION)

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers (et la consommation).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen du projet de budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie qui s'élève, pour 2001, à plus de 92 milliards de francs de crédits, mon intervention se limitera aux seuls moyens des services traditionnels du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Leur identification n'est pas toujours facile. Ainsi, selon les concepts que l'on privilégie, leur progression se situe entre 0,9 % et un peu plus de 2 %. Curieusement, ces difficultés d'appréciation résultent également des améliorations de la présentation budgétaire.
Je souhaiterais tout d'abord vous féliciter, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce ministère, gardien de l'orthodoxie budgétaire, ne déroge plus au principe fondamental d'universalité budgétaire comme il le faisait lorsqu'il nous dissimulait un cinquième de ses moyens.
Près de 15 milliards de francs de crédits ont ainsi été réintégrés ces dernières années. Nous sommes proches du but avec les rebudgétisations prévues en 2001.
Cela ne doit cependant pas nous dispenser d'entreprendre de nouveaux progrès de présentation, et la proposition de réforme de l'ordonnance organique de 1959 y invite.
Nous sommes encore trop loin, par exemple, d'une présentation du budget par objectifs. Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous interroger sur la mise en place d'une budgétisation par programme, qui devrait regrouper les crédits nécessaires à l'accomplissement des différentes missions assurées par le ministère.
La clarification des moyens du ministère appelle d'autres progrès. La refondation des régimes indemnitaires s'impose, ce qui n'est pas une mince affaire compte tenu, notamment, du nombre important desdits régimes : plus de 390, dit-on. Où en êtes-vous de ce processus ? Les écarts entre les emplois budgétaires et les emplois effectifs doivent être résorbés. J'ai relevé que plusieurs mesures vont en ce sens dans le budget pour 2001, et je m'en félicite. Mais il semble que les surnombres de grades ne pourront être réduits que progressivement.
Les progrès acquis dans la transparence de votre budget auraient dû favoriser le succès de la réforme du ministère. Malheureusement, on sait que cela n'a pas suffi.
Soyons clairs ! L'abandon de la réforme version « Mission 2003 » n'a pas supprimé les constats, déjà anciens, qui justifiaient la volonté de moderniser l'administration fiscale. Les cloisonnements entre les services sont coûteux et nuisent, pour les usagers, à l'accessibilité de l'administration. Je veux souligner ici que j'approuve pleinement les initiatives prises dans le cadre du processus de réforme-modernisation du ministère lancé depuis le mois d'avril dernier. Je les approuve d'autant plus que j'y retrouve plusieurs des propositions que j'avais formulées dans mon rapport sur la modernisation des administrations fiscales.
L'accent mis sur une informatique commune et la création d'un dossier fiscal unique constituent des éléments positifs. Mais il faudra progresser pour qu'à tout le moins une fusion des réseaux de recouvrement intervienne. Je note que la création de la direction des grandes entreprises va dans ce sens. N'oublions pas non plus les simplifications des processus fiscaux et, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas mettre à l'étude la retenue à la source ?
Je conclurai ces propos par quelques réflexions sur les défis que le ministère devra, me semble-t-il, relever à brève échéance.
La réussite de la réforme du ministère est évidemment essentielle, mais vous devrez aussi réussir, de votre côté, une réforme que le Parlement a particulièrement à coeur : celle de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Je ne saurais trop insister à ce stade sur la nécessité d'entrer dans la phase de concertation active avec le Sénat qui a été annoncée.
S'agissant des missions et des moyens du ministère, je résumerai les principes qu'ils doivent respecter en évoquant un principe de réalisme et un principe de continuité dans la poursuite d'un objectif de plus grande utilité collective.
Le réalisme doit nous conduire, en particulier, vers un déploiement des réseaux mieux adaptés aux besoins et vers une gestion des effectifs plus en rapport avec les priorités fonctionnelles du ministère. La perspective de la réduction du temps de travail dans le ministère ne manquera pas de provoquer une réflexion sur ce point. Il serait bon que les élus soient informés de ces avancées.
Le principe de plus grande utilité collective trouve une application avec l'instauration prochaine d'un interlocuteur économique pour les entreprises. Il me semble que l'accès aux moyens d'expertise et de simulation qui, dans le domaine des finances publiques, font l'objet d'un monopole de fait du ministère, doit être amélioré. Je souhaite que, dans ce domaine également, monsieur le secrétaire d'Etat, les moyens nécessaires nous soient donnés pour mener plus efficacement notre mission. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la consommation et la concurrence. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons un budget dont les crédits sont modestes. Ils ne représentent que 2 % du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Son importance est cependant grande pour nos concitoyens, comme l'ont illustré, cette année, les débats sur la sécurité alimentaire ou sur le mouvement de concentration des entreprises dans le secteur de la grande distribution.
Le budget de la consommation et de la concurrence pour 2001 s'élève à 1,19 milliard de francs ; il est en augmentation de 5 % par rapport à 2000.
Cette augmentation des crédits permettra, d'abord, de renforcer les moyens d'inspection de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Je me félicite, en particulier, de la création de douze nouveaux postes budgétaires à la DGCCRF, dont les effectifs ont diminué de cinquante personnes ces cinq dernières années. La priorité accordée à la sécurité sanitaire et au renforcement des contrôles n'est en effet possible que si l'on donne à cette administration les moyens de remplir ses missions.
Cette hausse contribuera, ensuite, à l'augmentation des moyens de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.
Ces crédits serviront, enfin, à soutenir l'action du mouvement consumériste et celle de l'Institut national de la consommation, l'INC.
Je tiens à souligner, à ce propos, le rôle précieux et souvent ignoré de ces associations. Grâce à plus de 4 000 permanences dans tout le pays et plus de 150 000 heures de présence sur le terrain, elles jouent un rôle essentiel en matière d'information et de soutien aux consommateurs. Elles assurent également un rôle de représentation des consommateurs auprès des pouvoirs publics, dans des instances et des commissions toujours plus nombreuses.
Alors que l'Etat a investi ces associations d'un rôle croissant, leurs subventions ont longtemps diminué. Cette année, pour la deuxième année consécutive, les crédits qui leur sont destinés sont reconduits au même niveau qu'en 1999.
La commission des affaires économiques et du Plan se félicite, en revanche, qu'une solution s'ébauche pour remédier à la crise que traverse l'INC depuis 1994. Une nouvelle direction a été nommée en juin dernier, une nouvelle dynamique est engagée. Un décret devrait redéfinir les missions de l'INC. Une nouvelle comptabilité permettra, par ailleurs, de mieux distinguer ce qui relève du pôle éditorial de ce qui ressortit aux actions de soutien aux consommateurs et à leurs associations. Il est encore trop tôt pour faire le bilan, mais les orientations adoptées nous semblent bonnes. On peut toutefois regretter que le redressement de l'INC, qui exige de nouveaux investissements, ne soit pas accompagné de moyens supplémentaires.
Au-delà de l'évolution des crédits, je voudrais appeler votre attention, mes chers collègues, sur trois aspects de la politique de protection des consommateurs.
Le premier est la sécurité des produits et des aliments qui doit être une des priorités majeures de la politique de la consommation.
Cette question préoccupe nos concitoyens qui ont été confrontés depuis des années à une multiplication des affaires concernant la sécurité alimentaire, dont la crise de la vache folle est l'exemple le plus frappant. Notre pays manifeste un attachement légitime à la qualité de sa nourriture. Les esprits sont, en outre, encore marqués par des affaires comme le sang contaminé. Si notre rôle est d'exprimer les attentes et les craintes de nos concitoyens, notre responsabilité est aussi de faire le tri entre des peurs irrationnellles et des craintes justifiées.
Plus que jamais ces dossiers exigent, de la part des pouvoirs publics, de la sérénité, de la pédagogie et de la transparence. Les consommateurs exigent tout autant un renforcement des contrôles qu'un effort de transparence de l'ensemble des professionnels. Je souhaite que les pouvoirs publics mettent tout en oeuvre pour restaurer la confiance.
Cette mobilisation accrue des pouvoirs publics doit se traduire tant au niveau national qu'au niveau européen par une intensification des contrôles et par un renforcement des normes de sécurité et des structures chargées de la veille sanitaire.
A ce propos, la commission des affaires économiques et son rapporteur prennent acte avec satisfaction des mesures budgétaires d'augmentation de crédits et de créations d'emploi inscrites au secrétariat d'Etat à la santé et aux handicapés, au ministère de l'agriculture et de la pêche et au ministère de l'emploi et de la solidarité, qui concrétisent le plan de luttre contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, mis en place par le Gouvernement.
Le deuxième aspect ayant retenu notre attention est le surendettement des ménages. Les évolutions observées l'année dernière, c'est-à-dire l'accroissement du nombre de dossiers de surendettés et la montée en puissance du « surendettement passif », se sont malheureusement poursuivies cette année, en dépit du retour de la croissance.
La réforme opérée par la loi de lutte contre les exclusions a néanmoins permis de mieux accompagner les personnes en situation de très grande fragilité. Je m'en félicite.
Je m'inquiète, en revanche, de ce que les moyens en personnels des commissions de surendettement soient suffisants pour ne pas allonger de façon excessive les délais de traitement des dossiers. En effet, nous assistons à un réel engorgement des commissions.
La commission des affaires économiques et du Plan souhaite, par ailleurs, qu'en matière de prévention du surendettement des mesures soient prises pour renforcer l'information des consommateurs ayant recours à des crédits renouvelables à la consommation. L'analyse des dossiers de surendettement montre que le recours aux crédits de trésorerie est un facteur de risque important pour les populations en situation de fragilité.
J'en viens au troisième aspect : le commerce électronique. Ce nouveau type de commerce offre aux consommateurs l'opportunité d'acheter, à partir de leur ordinateur, des produits du monde entier. Or, de nombreuses enquêtes montrent que la protection du consommateur est, dans ce domaine, encore très limitée. C'est pourquoi il faudra que la commission des affaires économiques suive avec vigilance le projet de loi sur la société de l'information que le Premier ministre s'est engagé à déposer d'ici à la fin de la session.
Prenant acte de la volonté du Gouvernement de préserver les moyens du budget qui retiennent aujourd'hui notre attention et de s'attaquer aux grandes questions qui se posent dans ce secteur, je voterai, à titre personnel, ces crédits.
La commission des affaires économiques et du Plan s'en est, quant à elle, remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits consacrés à la concurrence et la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 15 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour la première fois depuis fort longtemps, le budget des services financiers, qui est essentiellement un budget de dépenses en personnels, connaît une stabilisation des effectifs budgétaires globaux du ministère, situation originale et qui illustre plus qu'un changement profond d'orientation politique et qui est imputable à la mobilisation des personnels des finances.
Les évolutions constatées dans les différentes directions du ministère sont donc limitées : 50 postes de différence pour la direction générale des impôts, 5 postes à la direction générale des douanes, tandis que la direction de la comptabilité publique est renforcée des effectifs de l'ancien service de recouvrement de la redevance.
A ce propos, nous ne pouvons que nous féliciter de l'orientation choisie consistant à faire des coûts de fonctionnement de ce service une dépense budgétaire à part entière du ministère, en lieu et place de l'imputation sur le recouvrement de la redevance audiovisuelle qui prévalait naguère.
Pour autant, cette modernisation et cette rationalisation des services financiers ne peuvent décemment se concevoir contre la volonté et les aspirations des fonctionnaires.
La pause annoncée dans le processus de liquidation des emplois budgétaires jadis mis en oeuvre doit être clairement confirmée et confortée. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas encore le cas.
En effet, les différentes directions du ministère de l'économie et des finances doivent aujourd'hui, dans un contexte profondément marqué par l'évolution de notre législation fiscale, singulièrement par la problématique des concurrences dommageables, faire face à un important renouvellement de leur action. Elles pourront le faire grâce aux compétences et aux qualités de leurs personnels.
C'est ainsi que les dernières lois de finances ont conduit, dans les faits, à transformer profondément notre système de contributions indirectes et l'ensemble des services de l'enregistrement.
Cette évolution, justifiée par une volonté d'alignement sur les règles applicables dans les autres pays européens en ces matières, pose cependant la question cruciale de la connaissance, par le biais de nos services d'assiette et de recouvrement, de certains mouvements économiques et juridiques.
Dans un autre ordre de préoccupations, l'évolution des modalités d'instruction et de recouvrement des déclarations des contribuables, tant en matière d'impôt sur le revenu que d'impôt sur les sociétés, notamment le recours à la transmission électronique, tend à transformer l'activité des services et permet de renforcer les moyens de la lutte contre la fraude fiscale sous toutes ses formes.
S'agissant du devenir de notre système déclaratif, nous devons vous confirmer notre opposition de principe à la procédure de la retenue à la source pour le recouvrement de l'impôt sur le revenu.
Le premier des obstacles s'opposant à la mise en oeuvre de cette procédure réside, selon nous, dans la connaissance réelle des revenus soumis au barème, la retenue à la source n'étant en effet fiable que lorsque les revenus sont effectivement connus, ce qui n'est le cas que des salaires et des pensions.
S'agissant maintenant du recouvrement des impôts, soulignons que nous ne comprenons pas pourquoi demeure aujourd'hui cette étrangeté de notre système fiscal qui consiste à proposer aux redevables de l'impôt sur le revenu la mensualisation de leurs acomptes et à laisser les redevables de l'impôt sur les sociétés s'acquitter de leur dû par versements trimestriels.
La baisse du taux de l'impôt sur les sociétés et l'irrégularité des recettes liée à la périodicité des acomptes sont en fin de compte supportées par les autres contribuables et contribuent à accroître la dette publique. Peut-être serait-il temps de remédier à cette anomalie de notre système fiscal ?
C'est en tout cas l'une des propositions que nous versons au débat.
Nous ne pouvons cependant pas conclure sur ce budget des services financiers sans porter une attention particulière à la question de la qualité du recouvrement et à la lutte contre la fraude fiscale.
Nous devons ici constater que les efforts accomplis par les agents des différentes directions, malgré la compression relative des moyens, ont manifestement porté leurs fruits.
Les taux de recouvrement sont en effet toujours meilleurs, d'autant qu'ils portent sur l'impôt sur le revenu et sur le traitement des dossiers de la grande majorité des contribuables, notamment des salariés ou des pensionnés.
Nous devons souligner encore le poids de la gestion de la fiscalité directe locale, qui est à l'origine de nombreux recours contentieux et gracieux. Il conviendrait donc, à notre sens, d'adopter des mesures législatives tendant à réduire leur nombre. Nous avons évoqué des dispositions équivalentes en matière de taxe foncière lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances.
On notera que cela n'obère pas l'exceptionnel rendement du compte d'avances aux collectivités locales, qui continue de contribuer à la réduction du déficit du budget général.
A propos de ce budget représentatif des missions régaliennes de l'Etat, nous ne pouvons conclure sans rappeler la nécessité de maintenir un large contrôle public sur l'ensemble de la procédure d'instruction et de recouvrement des impôts et des taxes.
Nous ne pouvons donc, compte tenu du caractère encore incertain de certaines des orientations, émettre un vote positif sur ce budget, et nous nous abstiendrons donc lors du vote sur les crédits.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je reconnais à M. Angels la hauteur de vues nécessaire à l'appréciation d'une réforme d'une très grande ampleur. Il avait d'ailleurs déjà exprimé son souci de disposer d'agrégats n'étant pas le simple reflet de structures mais correspondant aux grandes missions du ministère dans un rapport remarquable digne des plus grands éloges, présenté en 1999.
M. Angels posait bien dans ce rapport, avant même que le ministre des finances ne soulève la question de la réforme des ministères, les termes mêmes d'une évolution nécessaire. Je tiens à l'en féliciter.
Le sujet est difficile, et nous en parlerons de nouveau certainement lors du débat sur la révision de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.
La présentation du budget du ministère de l'économie et des finances illustre bien la difficulté de passer du système actuel, axé sur la dépense présentée par nature de charge et par destination, à un système que vous appelez de vos voeux et dans lequel les politiques publiques et leurs résultats seront mis en évidence. Ce système inscrira la réflexion sur les finances publiques dans une logique de moyen terme. Il permettra d'approfondir la question de la responsabilité budgétaire, c'est-à-dire la définition des centres de responsabilité budgétaire, des acteurs qui ont la responsabilité d'engager la dépense.
Même si l'attribution des crédits prend davantage en compte l'efficacité des politiques publiques, l'acte budgétaire consistera toujours à autoriser un responsable à engager un certain montant de dépenses sur une période déterminée.
Dans le projet de loi de finances pour 2001, vous avez déjà satisfaction puisque les coûts constatés ou prévus de chacune des missions définies pour 1999, 2000 et 2001 sont exposés en toute transparence.
Mais il est vrai que les centres de responsabilité ont des missions plus disparates, lesquelles peuvent intéresser plusieurs directions : ainsi, la mission fiscale est partagée entre la direction générale des impôts, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale de la douane.
Il sera donc nécessaire de concilier la présentation par centre de responsabilité budgétaire, qui est incontournable, avec une visibilité et un projet à moyen terme sur les missions de l'Etat et les missions liées à ses dépenses.
Des enquêtes sont nécessaires ; elles sont engagées ; elles permettront de bien préciser les missions, leurs coûts et leurs objectifs.
M. Angels a évoqué également la modernisation et la réforme du ministère des finances. Plusieurs chantiers ont été ouverts : l'interlocuteur fiscal unique, l'interlocuteur économique unique.
Leur mise en place se traduit par le lancement de nombreuses expérimentations, sur 170 sites répartis dans 48 départements. Ces sites ont été retenus à l'issue d'une concertation approfondie avec les organisations syndicales, car aucune réforme ne peut être faite sans d'abord recueillir le sentiment de ces organisations.
Une direction des grandes entreprises a été créée au sein de la direction générale des impôts, et nous expérimentons par ailleurs l'interlocuteur économique unique. Il s'agit d'une sorte de service de proximité pour les entreprises, afin de mieux cerner leurs besoins et d'affirmer les modalités concrètes de fonctionnement du réseau des finances en direction des entreprises.
Enfin, M. Jean Launay, député du Lot, s'est vu confier, par M. le Premier ministre, une mission sur le service public de proximité.
Monsieur Angels, avec la refonte des indemnités, il s'agit de rendre plus dynamique la gestion des personnels du ministère grâce à des dispositifs simples, transparents et justes.
La régularisation doit se faire en respectant trois principes : maintien du volume des rémunérations par catégorie et par grade, mise en place des dispositifs de garantie individuelle, application stricte du droit commun de la fiscalité.
Les échéanciers sont les suivants : présentation des grandes lignes du dispositif de refondation au comité technique paritaire ministériel de fin d'année, c'est-à-dire le 21 décembre prochain ; examen en parallèle des projets en réunion interministérielle et, enfin, publication de l'ensemble des textes au premier semestre 2001, sous réserve du calendrier interministériel.
Mme Terrade a évoqué le travail remarquable de la DGCCRF qui s'est effectivement trouvée en première ligne en matière de sécurité alimentaire sur plusieurs dossiers lourds et qui a participé activement à la mise en place des dispositifs permettant de répondre aux exigences des consommateurs, de gérer avec un maximum de précaution l'ensemble des risques.
Plusieurs plans de surveillance permettent à la direction générale d'assurer un suivi régulier de plusieurs secteurs agricoles ou industriels intervenant dans la filière alimentaire.
Les enquêteurs de cette direction ont vocation à effectuer des contrôles dans tous les domaines de compétences de la direction générale. Au cours d'un même contrôle dans un établissement, il faut souligner la conscience avec laquelle ils effectuent à la fois un contrôle de qualité des produits et un contrôle de sécurité des produits tout en veillant à respecter l'information du consommateur qui est désormais une donnée incontournable de la sécurité alimentaire.
S'agissant de la seule sécurité alimentaire, les contrôles mobilisent aujourd'hui 325 enquêteurs équivalent temps plein, auxquels il convient d'ajouter les agents des laboratoires pratiquant les analyses sur les produits prélevés, ainsi que des agents de l'administration centrale. Sur ces bases, je peux évaluer à 540 au minimum le nombre des agents de la DGCCRF qui se consacrent à la sécurité alimentaire en France.
M. Angels et Mme Beaudeau ont évoqué la retenue à la source. Cette réforme n'est pas à l'ordre du jour, même si, dans d'autres pays européens, c'est souvent la solution retenue.
Je veux rassurer tout particulièrement Mme Beaudeau : il n'y aura pas de remise en cause de l'action des services financiers tant au niveau du recouvrement qu'au niveau du contrôle. Elle reçoit aujourd'hui, publiquement et solennellement, une garantie absolue du Gouvernement à cet égard. Je suis sûr qu'elle transmettra cette information aux organisations syndicales qui avaient exprimé leurs inquiétudes à ce propos.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures).

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers (et la consommation).
Nous en sommes parvenus à l'examen des crédits figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 4 455 642 938 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget du ministère des finances nous offre l'occasion de revenir sur le très grave conflit social que ce ministère a connu en 1999 et en 2000.
Ces événements sont encore présents dans les esprits. Les leçons doivent en être tirées pour éviter le retour à des décisions hâtives et brutales, qui ne manqueraient pas de se produire à terme, si la réforme-modernisation était enterrée.
D'emblée, je dirai mon accord avec l'esprit général des analyses et des conclusions de l'excellent rapporteur spécial, notre collègue Bernard Angels.
Revenons un instant sur le passé.
La réforme Sautter était inacceptable, dans la procédure et dans le contenu. Elaborée à partir du rapport d'un haut fonctionnaire, tenant à l'écart le Parlement, qui a pourtant son mot à dire dès lors qu'il s'agit de la collecte de l'impôt, incapable de nouer un dialogue confiant avec les représentants des personnels, cette tentative technocratique fut conduite d'un bout à l'autre de façon maladroite. L'arrivée de M. Fabius a ramené le calme et évité une crise majeure. Nous lui en savons gré. M. Fabius, Mme Parly et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez en même temps confirmé la nécessité d'adapter les missions et les effectifs du ministère des finances aux réalités d'aujourd'hui : elles sont plus techniques avec l'internationalisation des entreprises ; elles sont plus européennes avec la monnaie unique et la progression de l'Union européenne.
Comme vous le savez, je mène un combat inlassable en faveur du service public en ces temps de libéralisme exacerbé et de privatisations de pans entiers de notre société. Mais je n'oublie pas que l'école des juristes du service public, à l'aube du XXe siècle, avait mis en avant la notion d'« adaptabilité » pour caractériser, entre autres, ce type d'intervention financée sur le budget de la nation et servie par des agents de l'Etat.
Oui, les personnels du ministère des finances ont le devoir, aujourd'hui, d'accompagner les réformes qui s'imposent et, d'ailleurs, ils acceptent de tenter ce pari.
Inversement, cette évolution ne peut se faire sans eux, encore moins contre eux. De plus, son cadre doit en être défini dans un dialogue incluant le Parlement.
Dès son installation à Bercy, M. Fabius a ouvert un certain nombre de sites expérimentaux, ce qui était de bonne méthode.
Le débat budgétaire est l'occasion pour nous, sénateurs, de connaître vos premières conclusions. Plus largement, il permet de préciser les grandes orientations de cette refondation du ministère, l'une des premières depuis l'action exemplaire de Joseph Caillaux, dans le cabinet Clemenceau. Ces deux noms, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, évoquent beaucoup de choses dans cet hémicycle ! (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.)
Pour ce qui me concerne, parmi ces orientations j'en distinguerai quatre : l'aménagement du territoire ; l'accessibilité de tout contribuable à un site unique et de proximité en matière d'assiette et de recouvrement ; le regroupement en une même entité de tous les services de recouvrement, y compris sans doute de l'URSSAF, et de tous les services annexes enfin, le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, celle des grandes fortunes et des grosses entreprises tout particulièrement. Je ne détaillerai pas ces orientations ; ce n'est pas le moment, même si, sur chacune, comme nombre de mes collègues, j'aurais bien des choses à dire.
Je soulignerai seulement deux points qui m'importent.
D'abord, si j'ai réagi durement contre la réforme Sautter, c'est parce que j'ai eu l'impression qu'elle consistait à éloigner l'administration fiscale des citoyens, sous prétexte de rationalisation. Je veux redire ici que le réseau des perceptions est un maillon essentiel du bon recouvrement de l'impôt et du bon fonctionnement de la nation.
En ces temps où le tissu social se défait, le receveur de nos villages et de nos villes moyennes ne se borne pas à percevoir l'argent public. Il participe à l'encadrement ; il incarne la norme. Il a, de surcroît, un rôle éminent à jouer comme conseil auprès des collectivités locales sans cesse guettées par les dérives en matière de marchés publics ou en proie au risque d'une judiciarisation de la vie publique. Traditionnellement, on appelle cela la mission d'aménagement du territoire, mais la formule me paraît bien restrictive.
Avec le bureau de poste, dont les fonctions doivent évoluer chaque fois que nécessaire vers des Maisons de services publics, avec l'école et la mairie, la perception ou l'hôtel des impôts, peu importe, doit être l'un des maillons de la puissance publique sur nos territoires.
Il faut, monsieur le secrétaire d'Etat, déplacer les agents de votre département ministériel vers la population et non l'inverse, et utiliser les nouvelles technologies pour faciliter le contact et les réponses au public au lieu d'en faire un instrument d'éloignement et d'anonymat. Telle doit être votre préoccupation et celle des organisations syndicales, dont je salue la représentativité dans le dialogue qui s'est noué autour de ce grand chantier.
Ma seconde remarque touche à la lutte contre la fraude fiscale.
Si votre département ministériel n'obtient pas des résultats encore plus éclatants dans ce domaine, si le citoyen à faible ou à moyen revenu a le sentiment que ceux qui spéculent en bourse, ceux qui détournent la loi pour éviter l'impôt, ceux qui blanchissent l'argent sale demeurent à l'abri ou impunis, alors il faut se faire du souci pour notre démocratie !
Je sais que M. Laurent Fabius, Mme Parly et vous-même en avez une conscience aiguë. Vous venez d'obtenir, d'ailleurs, un véritable succès dans la négociation sur l'harmonisation fiscale avec nos partenaires européens.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Grâce à l'effort du gouvernement Jospin, nous touchons enfin au but.
Sachez que, sur tous ces sujets, vous avez notre soutien le plus total. En tout cas, dans l'immédiat, sur votre budget, vous pouvez compter sur le vote positif des sénateurs radicaux. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Delfau rejoint les préoccupations qui ont déjà été exprimées ce matin par M. le rapporteur spécial. Il me donne l'occasion de revenir sur un sujet majeur, que j'ai abordé très rapidement tout à l'heure, à savoir la réforme du ministère.
Je tiens à vous redire ici combien j'ai apprécié le rapport de qualité que vous avez rédigé en 1999, monsieur le rapporteur spécial.
La conviction du Gouvernement, affirmée très clairement par M. Fabius lors du comité technique paritaire ministériel du 28 avril dernier, est que le service public doit placer l'usager au coeur de la réflexion et de l'action des pouvoirs publics.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est une assurance de cohésion sociale. C'est un instrument privilégié de solidarité nationale. Ce rapport à l'usager doit donc être renforcé, clarifié et faire l'objet de l'attention de toute réforme.
C'est un choix politique, parce que l'Etat doit faire oeuvre de justice sociale et d'aménagement du territoire en répondant aux besoins de l'usager, aux besoins du citoyen et, plus particulièrement, de celui qui est le plus démuni ou en situation difficile.
Un service public de qualité favorise le développement économique, un développement équilibré, solidaire, durable de notre économie, et c'est évidemment dans ces termes que nous trouvons la clé de la lutte pour l'emploi.
Tel est l'objectif de la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il s'agit d'une démarche qui concerne toutes les directions et qui s'appuie sur cinq principes : simplification, transparence, adaptation-formation aux nouvelles technologies, dialogue avec tous -, organisations syndicales, agents, usagers, élus locaux ou nationaux et, enfin, dernier principe - principe qu'il est sage de mettre en exergue de toute réforme -, expérimentation avant la généralisation et évaluation continue de l'application de la réforme elle-même.
Plusieurs chantiers ont été ouverts. J'ai évoqué ce matin les projets de l'interlocuteur fiscal unique avec la mise en place du compte fiscal unique du contribuable, qui est l'un des principaux axes de cette réforme.
D'autres projets portent sur l'interlocuteur économique des entreprises, dont on parle peu ; aussi, je souhaite m'y arrêter quelques instants.
Le ministère de l'économie et des finances, grâce à ses différentes compétences, offre un ensemble très complet d'informations et de services particulièrement utiles au développement des entreprises.
Afin de faciliter aux petites entreprises, voire aux très petites entreprises, l'accès à l'ensemble de ces données, il a été décidé de mettre en place un interlocuteur économique unique des entreprises, qu'on appellera désormais IEU.
L'objectif est, à terme, que l'entreprise puisse solliciter au sein des services territoriaux du ministère, un réseau d'interlocuteurs compétents, organisés de manière qu'un seul contact permette à l'entreprise d'obtenir l'ensemble des informations et conseils qu'elle attend.
Cette mise en réseau utilisera notamment les immenses possibilités ouvertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication - Internet, Intranet, téléprocédures - permettant de faire travailler ensemble des services à l'échelon local, sans modification des structures ni des champs de compétence.
Pour mieux cerner les attentes des entreprises et les modalités pratiques de fonctionnement de l'IEU, des expérimentations concrètes ont été lancées, avec un premier bilan prévu courant 2001. Cette expérience a été lancée dans les départements de la Meuse et du Doubs, ainsi que dans les régions Centre et Pays-de-la-Loire.
Avec ces chantiers, la réforme du ministère se trouve résolument relancée, sur la base de l'expérimentation, du dialogue, de la concertation et de l'évaluation.
Cette réforme du ministère est, ainsi que vous l'avez noté, monsieur Delfau, un volet essentiel de la réforme de l'Etat. Je vous suis très reconnaissant, ainsi qu'à M. Angels, d'avoir apporté votre soutien à notre démarche, qui est à la fois ambitieuse et pragmatique.
Vous avez, par ailleurs, appelé de vos voeux un renforcement de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales en soulignant le rôle important joué par la France - il y a quelques jours encore, M. Fabius est intervenu en ce sens au Conseil européen - dans l'effort d'harmonisation, au sein de l'Union européenne, de la fiscalité des valeurs mobilières, afin de faire cesser les pratiques moralement répréhensibles.
C'est effectivement la France qui tient le flambeau à cet égard, et je vous remercie de l'avoir souligné devant le Sénat.
J'espère d'ailleurs que ce grand axe, parmi d'autres, de l'action du Gouvernement au cours des prochaines années va connaître un nouvel élan à l'occasion du sommet de Nice en recueillant l'accord de l'ensemble de nos partenaires.
Les réformes dont vous avez justement relevé l'importance, monsieur le sénateur, témoignent en elles-mêmes de l'accent que met le Gouvernement, et que vous mettez certainement au Sénat, sur le caractère novateur de la démarche engagée au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, démarche exemplaire quant au nouveau rôle que doit assumer l'Etat dans ses rapports avec les agents économiques et avec le citoyen. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 45 571 832 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 054 080 000 francs ;
« Crédits de paiement : 342 996 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 4 968 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 600 400 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers (et la consommation).

INDUSTRIE (ET POSTE)

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie (et La Poste).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le présent rapport, à l'élaboration duquel vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, ont apporté un concours dont je leur sais gré, porte sur un document qui n'est pas de la nature de ceux que nous examinons généralement à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances.
En effet, il ne concerne pas un vrai budget, ni même un faux, d'ailleurs. Il s'agit des restes démembrés de ce qui fut le budget de l'industrie : quatre agrégats au contenu diversifié, sur lesquels nous reviendrons.
Ce n'est pas un budget puisque, au sens classique du terme, un budget est un ensemble de crédits mis au service d'une politique. Or, noyés dans le « bleu » du ministère des finances, les chiffres qui nous sont soumis ne sont pas les moyens d'une politique.
Ils ne comportent d'abord aucun crédit de fonctionnement ; les crédits de fonctionnement ont en effet été absorbés naguère par le budget des finances : manifestation sans ambiguïté d'une impérieuse tutelle. Nous sommes en face d'un camion sans moteur !
De surcroît, il paraît évident que la politique française de l'industrie ne saurait se contenter de côtoyer 15 milliards de francs sans même atteindre 1 % du budget total.
Il y a, dirait-on, comme un défaut !
Lorsqu'il existait un ministère de l'industrie, qui eut d'ailleurs de grands ministres, les choses en allaient tout autrement. Référons-nous, par exemple, au budget présenté voilà vingt-cinq ans par le ministre de l'industrie de l'époque, Michel d'Ornano : son montant représentait plus de 3 % du total des crédits de la loi de finances. Si ce pourcentage avait été maintenu, vous disposeriez, monsieur le secrétaire d'Etat, de plus de 47 milliards de francs pour le prochain exercice. Il y a de quoi vous faire rêver !
Nul n'ignore par ailleurs que les chiffres de la loi de finances d'un exercice ne sont presque jamais strictement respectés. Toutefois, sauf événement majeur, on demeure dans les limites du raisonnable. Il faut que les budgets restent crédibles.
S'agissant des agrégats de l'industrie, on en est loin, et les variations - en plus ou en moins - dépassent le raisonnable.
Pas davantage ne peut-on ignorer les reports des précédents exercices. En ce domaine, on confine à l'extravagance puisqu'ils s'élèvent à 50,34 milliards de francs, ce qui représente plus de trois fois le total des crédits prévus pour 2001. Souvent malmené, le concept d'annualité budgétaire est ici réduit à néant ! Ces chiffres paraissent d'ailleurs si étonnants que l'on souhaiterait les voir confirmés, ou infirmés, s'il y avait convenance, par M. le secrétaire d'Etat.
Si l'on en revient à la notion d'agrégat, on s'attendrait, pour que le mot ait un sens, à constater une relative égalité d'importance parmi ses composantes. Il n'en est rien pour les quatre agrégats de l'industrie : au sein du premier, le Commissariat à l'énergie atomique s'octroie les deux tiers des crédits ; dans le deuxième, le développement de la recherche industrielle et l'innovation s'en approprient la moitié ; dans le troisième, c'est l'aide postale au transport de la presse qui capte 43 % des disposnibilités ; enfin, dans le quatrième, les Charbonnages de France bénéficient de 66 % des crédits.
Afin d'introduire une certaine logique dans le fouillis de ces crédits, le rapport de la commission des finances propose une répartition plus rationnelle en huit parties, qui font apparaître, pour certaines, l'« arrivée » de crédits inexistants au cours du précédent exercice. « Apparaître » et « disparaître » sont les deux mamelles des agrégats de l'industrie ! (Sourires.)
Ainsi se confirme le caractère de « fourre-tout aléatoire » des moyens mis à la disposition du secrétariat d'Etat.
Dans ces conditions, le traditionnel exercice de comparaison d'une loi de finances à l'autre, fût-ce à périmètre constant - exercice qui serait de surcroît assez délicat, sinon impossible, à effectuer - n'aurait aucune signification.
Pas davantage n'aurait de sens le vote par la Haute Assemblée d'un peu plus de 15 milliards de francs d'agrégats enkystés dans un budget véritable avoisinant 91 milliards de francs, ce qui montre au passage que la part « Finances et Economie » est cinq fois et demie plus importante que celle de l'industrie.
Pas de nécessité de vote, disais-je ; mieux vaudrait parler d'« impossibilité » de vote car, pour un seul budget, il ne peut y avoir qu'un seul vote. Il en va donc ainsi pour le budget des finances, de l'économie et des agrégats « industrie », sorte de tiroir-caisse à contenu variable qu'il comporte.
M. le président. La parole est à monsieur Grignon, rapporteur pour avis. M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'analyse des crédits du budget de l'industrie. Le rapporteur spécial, M. Jean Clouet, vient de les présenter.
Je souligne toutefois que ce budget est affecté par une variation de périmètre qui est loin d'être anodine : la subvention de fonctionnement de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN, et les crédits d'études de la direction de la sûreté des installations nucléaires sont transférés au ministère de l'environnement. Je considère que cet arbitrage du Premier ministre n'augure rien de bon pour la filière nucléaire française.
Malgré les propos rassurants du Gouvernement sur la priorité donnée à l'innovation, je ne peux m'empêcher de constater que le chapitre budgétaire 66-01, qui est le principal levier d'action de l'Etat pour le développement de la recherche industrielle, baisse de 10 %, passant de 1,7 milliard à 1,5 milliard de francs. On nous explique que, comme ces crédits n'étaient pas consommés - on se demande d'ailleurs bien pourquoi ! - on va faire autant avec moins, en augmentant cette enveloppe de 330 millions de francs de crédits reportés.
Mais cette explication laisse perplexe ; elle conduit en tout cas à douter de la sincérité de la présentation des lois de finances, dont les crédits ne sont votés que pour être mieux régulés en gestion.
D'ailleurs, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, dont l'action est remarquable, ne pourra accroître ses capacités d'intervention, qui passent de 1,4 milliard à 1,6 milliard de francs, que grâce à l'augmentation de ses ressources propres, notamment des remboursements d'aides par les entreprises, sa subvention de fonctionnement baissant légèrement et ses crédits d'investissement stagnant.
Rien de très enthousiasmant donc, en matière d'évolution budgétaire. Regardons alors au-delà des crédits pour juger de l'action industrielle du Gouvernement. L'industrie est l'un des principaux moteurs de l'économie française : elle représente environ le quart du PIB et la moitié de l'effort national de recherche et de développement. Elle emploie directement 4 millions de personnes, et presque autant indirectement dans les services aux entreprises. L'industrie française est la quatrième du monde après celles des Etats-Unis, du Japon et de l'Allemagne, et le quatrième exportateur mondial, avec une part du marché global de 7 %.
Cet outil, il faut le préserver et le soutenir.
C'est l'objet de la fameuse « politique de l'offre », dont les ministres se déclarent tout à coup de si fervents partisans dans les discours de colloques ou les entretiens accordés à la presse financière.
L'extension aux consommations intermédiaires d'énergie de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP est-ce là la politique de l'offre du Gouvernement ? Cette taxe, tellement monstrueuse que même la majorité plurielle a du mal à l'avaler, censée inciter à la diminution des émissions de gaz à effet de serre, servira en fait à financer les 35 heures, sans effet écologique réellement démontré. Elle est si complexe qu'elle aura, en outre, des coûts de gestion disproportionnés par rapport à son rendement. De plus, elle induira de graves inégalités devant l'impôt.
On est en droit de s'interroger sur la logique de la politique gouvernementale : alors qu'on demande beaucoup à l'industrie, dans le même temps, le transport routier, source au moins aussi importante de gaz à effet de serre, bénéficie d'un allégement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, d'un ralentissement du rattrapage de la taxation du gazole et de la suppression de la vignette !
Mon deuxième sujet de préoccupation concerne l'attractivité de la France pour les investisseurs étrangers, laquelle se dégrade. Il est vrai que la France attire encore nombre d'investissements directs du reste du monde - 241 milliards de francs en 1999 - mais une récente étude montre que l'image de notre pays se détériore très rapidement. Deux tiers des 350 dirigeants de filiales françaises de groupes internationaux interrogés, considérant le poids des prélèvements obligatoires et les rigidités sociales liées aux 35 heures, ne choisiraient plus la France si la décision d'investissement était à prendre aujourd'hui, 44 % indiquant envisager de délocaliser des activités. Je crois que ces signaux doivent être pris au sérieux. En tout cas, la « politique de l'offre » du Gouvernement, si l'on peut dire, ne séduit pas les industriels.
Pour l'ensemble de ces motifs, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'industrie. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Besson, rapporteur pour avis.
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'énergie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le laps de temps qui s'est écoulé depuis l'adoption de la loi de finances pour 2000 a vu le marché de l'énergie subir de véritables bouleversements : hausse des cours du pétrole et du gaz, multiplication des fusions-acquisitions, ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie en Europe. Ces bouleversements modifient un paysage hier encore caractérisé par des monopoles historiques.
Dans ce contexte, la France est confrontée à un double défi interne et externe. Son souci de conserver une véritable indépendance énergétique s'avère justifié : que serait le prix du kilowatt-heure, aujourd'hui, si notre pays s'approvisionnait principalement en hydrocarbures pour produire son énergie ? Mais la France ne saurait vivre en autarcie : elle participe activement aux négociations sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Ces deux enjeux confirment l'idée que, pour reprendre l'une de vos formules, monsieur le secrétaire d'Etat, le nucléaire constitue bel et bien le môle auquel s'arrime la politique énergétique française.
Permettez-moi de m'intéresser, en premier lieu, à l'application de la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. La commission des affaires économiques s'est en effet interrogée sur les moyens dévolus à la commission de régulation de l'électricité, la CRE. Selon le rapport annuel de la CRE « si le nombre d'emplois et le volume de crédits étaient globalement adaptés à ses besoins pour cette année, la structure des emplois était en revanche inappropriée, ne tenant pas compte de la nécessité de disposer de la capacité de recruter des experts de haut niveau pour lui permettre d'exercer convenablement ses compétences. »
Concrètement, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit la création de 80 emplois budgétaires et porte la dotation de la CRE à 60 millions de francs. La commission des affaires économiques souhaite que le Gouvernement apporte au Sénat toutes les assurances que ces crédits seront suffisants pour permettre à la CRE d'effectuer sa mission dans des conditions satisfaisantes.
Il semble, en outre, que le démarrage de la CRE a été contrarié par un retard dans les délégations de crédits. Tous les collaborateurs de la CRE n'auraient pas reçu l'intégralité de leurs rémunérations en l'an 2000. Il nous semble donc indispensable de mettre un terme aussi rapidement que possible à cette situation.
Nous avons noté avec intérêt le développement progressif des mécanismes de marché dans le secteur de la vente et de l'achat d'électricité, tandis que les intervenants traditionnels des marchés de matières premières et les producteurs d'électricité poursuivent leur rapprochement. Aussi souhaiterions-nous connaître la position du Gouvernement à l'égard de la création d'une bourse de l'électricité, notre pays étant désormais le seul Etat de l'Union européenne à ne pas disposer de cet outil.
Au vu de la réorganisation du marché mondial de l'énergie, la question du développement des grandes entreprises françaises du secteur de l'électricité et du gaz se trouve bel et bien posée. Je pense notamment ici, vous vous en doutez, à l'éventuelle ouverture du capital de Gaz de France. Nous avons, en outre, noté avec préoccupation que la Commission européenne avait engagé une procédure d'infraction pour défaut de transposition de la directive « gaz » à l'encontre de la France, bien que Gaz de France ait institué, dès le mois d'août, un système d'accès à son réseau. Aussi serions-nous désireux de savoir quand le projet de transposition sera soumis au Parlement.
La commission des affaires économiques s'interroge également sur la hausse de l'intensité énergétique du secteur des transports : plus de 2,4 % par an en moyenne entre 1990 et 1999. Nous n'y voyons guère que deux solutions : le recours à des carburants moins polluants, tels que les biocarburants, et l'innovation technologique, avec l'espoir qu'offre la pile à combustible.
S'agissant de l'avenir du nucléaire, la commission des affaires économiques est préoccupée par le sort de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, dont les crédits sont désormais inscrits au titre du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous aurions préféré, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils dépendent de votre département ministériel. La commission est également préoccupée par les déclarations de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement selon lesquelles il serait urgent de changer de stratégie en matière de retraitement des déchets nucléaires.
Enfin, représentants des collectivités locales, nous sommes particulièrement sensibles à la nécessité de relancer la politique d'enfouissement des lignes électriques dans le cadre du protocole signé entre EDF et les autorités concédantes.
Il convient aussi que la procédure de classement des lignes, qui délimite la frontière du patrimoine des collectivités concédantes - distribution publique - et celui d'EDF - réseaux d'alimentation générale - soit menée à bien dans les meilleurs délais et selon des critères clairement définis, afin d'éviter des erreurs de classement au détriment des autorités concédantes, c'est-à-dire de nos communes.
En conclusion, je tiens à vous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sans émettre l'avis favorable que j'ai suggéré en tant que rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques s'en est cependant remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis des affaires économiques et du Plan, pour les technologies de l'information et La Poste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le montant des crédits affectés à La Poste et aux télécommunications s'élève, cette année, à 2,8 milliards de francs, soit une hausse de 1,2 %. Mais je ne m'attarderai pas sur leur examen, car l'essentiel est ailleurs.
Dans le secteur des télécommunications, nous nous inquiétons du contournement, de plus en plus manifeste, du Parlement. En 1996, le Gouvernement avait eu le courage d'engager une grande réforme législative. Depuis lors, on s'arrange, un peu en catimini. Qu'on en juge plutôt.
En ce qui concerne le dégroupage de la boucle locale, après un cafouillage sur l'amendement du Gouvernement au projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, ce dégroupage a été imposé par décret, ce qui n'a pas empêché le Gouvernement de se targuer, devant nos partenaires européens, de notre avance, pour une fois, alors que le dégroupage ne sera sans doute pas opérationnel à la date prévue, tant l'opérateur historique est réticent.
Les licences UMTS vont être attribuées sans consultation du Parlement sur la procédure à suivre. On nous prie de nous consoler, car on nous transmettra les cahiers des charges. Ce n'est pas acceptable ! Le Sénat a d'ailleurs supprimé l'article 23 du projet de loi de finances. Il serait normal que l'utilisation de cette recette exceptionnelle fasse l'objet d'une discussion parlementaire.
Pour ce qui est de l'habilitation pour transposer par ordonnance neuf directives « télécommunications » et la directive postale de 1997, ce procédé porte atteinte aux droits du Parlement, et nous ne l'avons accepté qu'en partie et « du bout des lèvres ». Or l'Assemblée nationale a étendu les pouvoirs législatifs transférés au Gouvernement à l'allégement de l'homologation tarifaire de France Télécom, ce qui n'a rien à voir avec les directives et ce qui menace l'équilibre concurrentiel du secteur.
Si j'utilisais le même langage que l'un de nos collègues députés, lorsqu'il parle de la position du Sénat sur La Poste, je dirais tout net que ce procédé s'apparente à des méthodes qui ne sont pas convenables.
J'ose croire qu'il s'agit d'un moment d'inattention de nos collègues députés, avec la complicité du Gouvernement, qui s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, et non à un quelconque marchandage un de plus avec l'opérateur historique, ce qui serait indigne. La commission mixte paritaire, qui se réunit mardi prochain, entendra, je l'espère, la voix de la raison. Pour notre part, nous soutenons l'ensemble de nos entreprises - y compris mais pas seulement - l'opérateur historique.
Cette absence de débat d'ensemble sur les télécommunications n'empêche pas quelques petites mesquineries parallèles : ainsi, le financement des équipements nécessaires aux interceptions de sécurité - les fameuses écoutes - est brusquement mis à la charge des opérateurs, au détour d'un article du collectif, alors que la loi de 1996 prévoyait une « juste compensation » des charges correspondantes.
Sur les télécommunications, le bilan n'est pas brillant. L'Etat encaisse les recettes - privatisation de France Télécom, licences UMTS -, mais a-t-il une vision stratégique de l'intérêt général du secteur au-delà de ses intérêts du moment ? Qu'attend-il, par exemple, pour déposer le rapport sur l'enrichissement du service universel, qui devait être remis dès le mois de juillet au Parlement ?
Dans le secteur postal, le débat du 14 décembre prochain sur la révision de la directive nous donnera l'occasion de nous exprimer plus largement sur la question essentielle de l'évolution de la poste dans notre pays et en Europe. Vous savez, monsieur le ministre, combien nous sommes attachés à cette question sur l'ensemble des travées de cette assemblée.
Nous aurions d'ailleurs souhaité que le compromis qui se dégage à Bruxelles - et que nous souhaitons voir aboutir, à quelques nuances près - soit l'occasion, en France, de mener une véritable réflexion sur l'avenir de notre poste.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Comme pour les télécommunications en 1966, comme pour l'électricité cette année, comme pour le gaz, peut-être, l'an prochain, il faut, collectivement, tracer les grandes voies d'avenir de ce service public. L'immobilisme nous condamne tout autant qu'une libéralisation trop brutale.
Nous réclamons, depuis 1997, qu'une loi d'orientation postale soit débattue sur le statut juridique de La Poste, sur l'évolution et le financement du réseau, sur la compensation des charges d'intérêt général et sur les retraites des postiers. Le Gouvernement s'y refuse et ne nous propose que des subterfuges : un cavalier par-ci, une ordonnance par-là. C'est bien pourtant Lionel Jospin qui estimait, dans sa déclaration de politique générale, en juin 1997, ne plus vouloir de ce jeu de défausse qui consiste à se décharger sur l'Europe des réformes qui auraient dû être assurées dans le cadre national. Nous ne souhaitons rien d'autre !
Mais, hélas ! l'adage « faites ce que je dis et non ce que j'ai fait » a toujours sa valeur !
La commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de La Poste et des télécommunications. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 40 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les technologies de l'information et de la communication ne représentent que 5,3 % du PIB et 11 % des investissements. Mais, d'après l'excellent rapport qui a été réalisé par vos services au mois de juin dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, et que vous avez préfacé, ces mêmes technologies conduisent à créer la moitié de la croissance française : 1,6 % dans l'hypothèse haute du rapport précité, hypothèse qui me paraît la plus probable surtout compte tenu des réalisations du second semestre 2000.
Au coeur de ce sujet, je parlerai, d'une part, des licences UMTS et, d'autre part, de la formation de spécialistes.
En ce qui concerne les licences UMTS, vous avez suivi la suggestion de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART. A juste titre, me semble-t-il, vous n'avez pas suivi les exemples britannique et allemand, dont les dégâts se font déjà sentir. Mais vous allez, monsieur le secrétaire d'Etat, ponctionner trop fortement les opérateurs potentiels. Le volume des dépenses liées au déploiement sur le territoire - au moins 35 milliards de francs par opérateur, outre le prix des licences - rendra peu probable un déploiement rapide en France. Nous allons prendre du retard sur le Japon, les Etats-Unis et la Scandinavie.
A mon sens, pour éviter ce retard, il faudra résoudre rapidement le problème fiscal concernant la durée d'amortissement, dont Bercy est actuellement saisi.
Il conviendrait, en outre, d'étaler les versements en portant leur durée à vingt ans, au lieu de quinze ans, par exemple, à l'instar des Anglais, qui ont choisi une durée de vingt-deux ans ; cela change tout.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Ce sera alors plus cher !
M. Pierre Laffitte. Il conviendrait également de retarder les ponctions, si possible ; une ponction nulle en 2001 et en 2002 permettrait de lancer beaucoup plus rapidement le programme de déploiement et d'obtenir des recettes fiscales puisque, si l'on dépense plus vite en investissements, on récupère aussi en taxes diverses.
En outre, mes chers collègues, la couverture par les licences actuelles - sujet qui nous concerne tous fortement - ne correspond qu'à 40 % du territoire, il faut le savoir. Par conséquent, il faudra trouver une formule pour obliger les opérateurs à aller bien au-delà.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Pierre Laffitte. Pourquoi ne pas leur fournir gratuitement cette formule ? Je pense à une diffusion numérique dans la bande VHF. C'est techniquement possible.
Des projets ont été présentés, aussi bien à votre ministère qu'au cabinet du Premier ministre, par Alcatel, Thomson, Philips, bref, par des gens très sérieux.
Je ne pense pas qu'il soit indispensable que les trente-six licences de diffusion qui seront issues de la numérisation des bandes VHF et EHF soient toutes réservées aux seules chaînes de télévision actuelles ou soient toutes la propriété du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Les fréquences sont la propriété de la nation et le Gouvernement doit, me semble-t-il, débattre devant le Parlement de ces questions. Nous discuterons tout à l'heure d'un amendement en ce sens.
Mes suggestions me paraissent conformes à l'intérêt général, favorables à l'aménagement du territoire, à la généralisation du télétravail, au renforcement de l'attractivité du territoire français pour des compétences qui sont le moteur du développement durable.
J'en viens ainsi à mon deuxième thème majeur, monsieur le secrétaire d'Etat, qui est aussi de votre compétence, à savoir la formation des spécialistes en grand nombre.
Vous avez la grande chance de disposer d'un réseau extraordinaire d'une quinzaine d'écoles d'ingénieurs prestigieuses, les écoles des Mines et les écoles des télécommunications. Elles forment chaque année plus de 2 000 ingénieurs et contribuent à la formation continue d'un nombre au moins équivalent de spécialistes. Les formations sont au plus haut niveau mondial, si j'en crois tous les témoignages que je recueille tant à Sophia Antipolis, dans la Silicon Valley que partout en Europe.
Il faut en renforcer les moyens. L'affectation d'une partie des recettes de la vente des licences UMTS et, ultérieurement, le cas échéant, VHF, serait, à mon sens, indispensable pour que votre département ministériel puisse avoir, dans ce domaine, une action dynamique et importante.
On peut certainement, pour les TIC, les technologies de l'information et de la communication, multiplier par dix le potentiel français en compétences techniques dans les années à venir, et ce assez rapidement, surtout en généralisant ce qui se fait partout, à savoir les formations « certifiantes » tout au long de la vie. Il faut, en effet, compléter les formations diplômantes du stade scolaire et universitaire.
Les experts de l'OCDE considèrent que le volume financier concerné par cette formation certifiante dépassera de loin le volume consacré aux formations initiales. C'est de l'ordre de 400 milliards de francs par an qu'il s'agit.
Des modules de compétences, des « certificats », qui peuvent être mis en place, ajoutés les uns aux autres sous forme d'unités de valeurs capitalisables, se développent déjà au sein des grands groupes, parfois sur l'initiative d'organismes professionnels, comme le SITELESC ou le SYNTEC. On peut s'en réjouir.
Peut-être faudrait-il donc les aider, alors que les crédits de votre ministère destinés, par exemple, au SITELESC sont en diminution, comme ceux du ministère de l'éducation nationale, d'ailleurs. Force est de constater qu'on ne soutient pas avec quelques millions les projets qui réussissent, alors que, par ailleurs, des projets beaucoup plus onéreux passent en priorité.
Le réseau des écoles des Mines et des écoles des télécom, éventuellement associées à certaines écoles pilotées par les chambres de commerce et d'industrie, constitue un outil pédagogique extraordinaire pour la nouvelle ingénierie de formation continue.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous pouvez, grâce à ce réseau, contribuer à faire de la France un pays où les techniciens spécialisés soient beaucoup plus nombreux et beaucoup mieux formés. J'espère que vous donnerez suite à ces propositions. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur les travées socialistes, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en ce début de nouveau millénaire s'ouvre une phase de consolidation de la croissance à laquelle notre industrie contribue pour une part non négligeable.
Presque toutes les branches industrielles participent de ce raffermissement. Le dynamisme est particulièrement prononcé dans l'industrie manufacturière, avec des capacités de production proches de la saturation.
Remarquons cependant que, si l'investissement tire la croissance, comme peut le faire la consommation, il demeure, le plus souvent, marqué par la rationalisation et la flexibilisation de l'outil de production ainsi que par la substitution du capital matériel au travail. Cette orientation de courte vue - la rentabilité financière immédiate - a son pendant dans la persistance du recours aux formes précarisées de l'emploi, contrats à durée déterminée ou intérim.
De fait, l'allongement de la durée d'utilisation des équipements et, consécutivement, l'intensité du travail sont privilégiés en réponse à l'accroissement de la demande, comme l'atteste la pression pour l'extension du travail de nuit.
Dans ces conditions, la reprise de la formation brute de capital fixe, pour importante qu'elle soit, ne semble pas suffisante pour alléger les contraintes qui pèsent sur l'outil de production.
Espérons que l'industrie automobile française, par exemple, faute de capacités de production suffisantes après des années de fermeture de sites et de réductions d'emplois, cessera de perdre des parts de marché au profit de ses concurrents asiatiques et européens, comme ce fut le cas au tournant de la décennie précédente.
Le risque existe d'une mise en cause de la croissance, à l'image de ce qui s'est passé au début des années quatre-vingt-dix.
Pour éviter sa réalisation, il faut que l'investissement soit suffisamment générateur d'emplois et de revenus, donc de débouchés durables, afin que s'enclenche une dynamique vertueuse.
Dans un contexte de bouleversement technologique, que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de « révolution industrielle », cela suppose une véritable politique industrielle, non seulement respectueuse de la cohérence du système productif français et attentive à la diffusion des innovations en son sein, mais aussi la favorisant.
L'examen du budget de l'industrie nous permet précisément d'en juger, quant aux chiffres, d'abord, quant aux orientations, ensuite.
Le budget de l'industrie, de la poste et des télécommunications est relativement modeste eu égard à la place, en termes d'emplois et de valeur ajoutée, qu'il représente au sein de l'économie.
Avec un montant de 12,86 milliards de francs, les dotations budgétaires, rapportées au poids économique et social du secteur, sont globalement médiocres. Mais elles disposent aussi d'un important effet de levier, susceptible de catalyser les financements et de dynamiser les projets, comme le montre l'activité de nos secteurs de pointe tels que la chimie et la parachimie, l'électronique et l'intelligence artificielle.
Félicitons-nous de ce que le soutien à l'innovation et à la recherche industrielles, fondement de la compétitivité des entreprises, soit la principale priorité que s'est fixée le Gouvernement. Un quart du budget est directement affecté à cette action. A cela s'ajoutent plus de 4 milliards de francs consacrés à la démarche qualité des produits français, ainsi qu'au financement des centres techniques et des écoles d'ingénieurs.
Remarquons toutefois que ces crédits destinés, notamment, à renforcer la compétitivité de l'industrie européenne - faut-il citer les programmes MEDEA, COMMEND, EURISMUS-PIDEA, ITEA ? -, à développer le secteur des nouvelles techniques de communication et à favoriser la création de PMI innovantes à travers les actions de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, sont en recul de 3,4 % en crédits de paiement, cette évolution étant liée à la mise en oeuvre effective des projets.
La politique en faveur de la recherche et de l'innovation est, certes, contrainte à la sélectivité. Elle suppose donc une identification correcte des technologies clés, susceptibles d'irriguer l'ensemble du tissu industriel. Parce qu'elle suppose une vision à long terme et parce qu'elle est d'abord affaire d'identification, l'innovation requiert l'intervention publique.
L'avance prise par les Etats-Unis dans le domaine des nouvelles technologies de l'information est incontestablement liée à une aide conséquente de l'Etat américain à la recherche-développement. Longtemps soutenue par les dépenses du ministère de la défense, elle demeure encore importante, même si elle emprunte d'autres canaux et si elle s'appuie, d'ailleurs, sur le rôle dévolu à la Federal Reserve Bank .
Historiquement, lorsqu'il met en jeu des intérêts stratégiques, comme des industries naissantes, par exemple, le libéralisme n'est étrangement pratiqué qu'avec modération !
Dans un contexte de mondialisation et d'exacerbation de la concurrence, les « vieilles industries » peuvent, grâce à l'innovation, résister à la concurrence, en se plaçant, par exemple, sur les produits à haute valeur ajoutée. L'industrie allemande du textile et de l'habillement, particulièrement dynamique, crée de nouveau aujourd'hui des emplois. Du côté français, l'hémorragie d'emplois ne se tarit pas, poussant les salariés au désespoir. Mais là encore, le secteur est contraint par l'international et la globalisation financière, victime d'une politique d'investissement à court terme des grands groupes qui, après le plan Borotra, poursuivent encore leur politique de destruction des capacités de production et emplois salariés.
Pourtant, notre industrie textile innove, pour ce qui est tant des procédés que des produits - les matériaux composites, les nouvelles fibres plus résistantes, les fibres ininflammables - potentiellement porteurs de nouveaux débouchés.
Une politique industrielle digne de ce nom doit permettre d'utiliser les nouvelles technologies au bénéfice des créations d'emplois. Elle n'est qu'un pis-aller si elle se contente d'aides à la reconversion de secteurs en difficulté ou si elle se cantonne à l'élaboration de plans d'exonération de charges fiscales, laissant à la seule initiative privée la responsabilité de la restructuration et, par là même, du maintien de l'emploi. Elle ne saurait suffire à impulser une véritable dynamique industrielle sans choix visant à orienter l'investissement ou à le libérer des logiques purement financières aujourd'hui dominantes.
Une part non négligeable du budget - 34 %, soit 4,5 milliards de francs - est consacrée à la reconversion de nos « vieilles industries », alors qu'une politique industrielle plus substantielle aurait permis d'assurer la compétitivité de certaines d'entre elles. Une telle politique est d'autant plus nécessaire que ces industries d'amont génèrent des effets d'entraînement sur les industries d'aval. Les chantiers navals en sont malheureusement l'un des exemples flagrants. Leur savoir-faire leur permettrait incontestablement de rivaliser avec la concurrence asiatique.
L'Etat américain continue de subventionner cette industrie, protégeant ainsi ses emplois en l'absence d'une coordination internationale susceptible de mettre un terme à la pression à la baisse des coûts salariaux. Les exigences nouvelles de la sécurité maritime ne justifieraient-elles pas pour autant la valorisation de nos atouts ? A contrario, l'affaiblissement du contenu des politiques industrielles nationales des pays européens n'est pas relayé par la mise en oeuvre d'une politique industrielle européenne. L'interventionnisme est abandonné au profit d'une confiance aveugle dans les mécanismes régulateurs du marché.
Le meilleur exemple ne nous est-il pas fourni par la fièvre dérégulatrice qui anime la Commission européenne dans les domaines des services postaux, du rail et de l'énergie ?
Devons-nous accepter, alors même que le caractère public de La Poste, de la SNCF, d'EDF, de GDF, de la Compagnie nationale du Rhône a été l'un des outils structurants du développement industriel de notre pays, qu'il soit ainsi dépecé au nom de l'ouverture des marchés ? Que restera-t-il, dans ce cadre, des exigences d'égalité et de sécurité ? Que restera-t-il des garanties des services publics à la française ? Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, au vu de ces considérations, que nous nous abstenions de voter les crédits de ce ministère.
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le secrétaire d'Etat, face à ce flot de critiques, il est temps de nager à contre-courant ! J'exprimerai donc ma satisfaction au regard d'un budget qui, pour la quatrième année consécutive, progresse, et progresse même de 1,3 % cette année, soit une augmentation de 5 % depuis 1997. Mais ce qui, à l'analyse, me paraît très encourageant, c'est la progression encore plus forte des dépenses d'investissement tournées vers l'avenir - 10 % depuis 1997 - et des crédits destinés aux écoles - 20 % depuis 1997.
A cet égard, votre projet de budget pour 2001, monsieur le secrétaire d'Etat, confirme une ligne de conduite avisée et ambitieuse, qui marque une rupture avec des pratiques antérieures. Ce budget est en effet clairement tourné vers l'avenir, ce dont témoignent les quatre priorités que vous avez choisi de lui donner en soutenant l'innovation, la compétitivité des entreprises, les mutations industrielles et la politique énergétique.
S'agissant du soutien à l'innovation, nous ne pouvons que nous féliciter de l'accent mis sur ce qui constitue le coeur du développement industriel, de la croissance et de l'emploi. A ce titre, il est tout à l'honneur du Gouvernement de soutenir non seulement les technologies innovantes - entre autres, les technologies de l'information et de la communication, les TIC, et les biotechnologies, qui ont une influence déterminante sur notre croissance -, mais également le développement des capacités d'innovation des PMI, les petites et moyennes industries. C'est bien le sens des crédits inscrits au chapitre 66-01. Cela permet de n'exclure personne des « dividendes du progrès » et, au contraire, d'en favoriser la diffusion dans tout le tissu industriel.
Votre deuxième priorité concerne l'amélioration de la compétitivité des entreprises. Vous avez souhaité, là encore, faciliter la modernisation des petites et moyennes industries en abondant le chapitre 64-92. Je remarque surtout l'effort important consenti à la formation - les crédits qui lui sont consacrés augmentent de 2,4 % - et plus particulièrement à l'enseignement des télécommunications. Cette orientation va bénéficier tout à la fois à Supélec et au groupement des écoles de télécommunications, le GET.
Le plan de développement stratégique du GET conduira ainsi à une augmentation de 5 % de son budget pour 2001 et de 50 % du nombre d'ingénieurs formés sur toute la durée du plan, point qui a été abordé à l'instant. Dans ce secteur aussi essentiel pour bien positionner notre pays, cette décision mérite d'être soulignée.
Votre troisième objectif consiste en l'accompagnement des mutations industrielles. Cet objectif est tout aussi louable, afin d'éviter la fracture que constituerait, pour notre économie, l'abandon de secteurs en recul. L'apparition d'un nouvel outil pour le financement des reconversions est donc le bienvenu.
Votre quatrième priorité concerne la politique énergétique. Les moyens attribués au CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, augmentent de près de 4 %. La hausse, que l'on pouvait croire oubliée, des cours du pétrole montre que la France ne peut pas ne pas développer avec constance une politique nucléaire moderne et dynamique, seule garante de notre indépendance énergétique. La réorganisation de la filière nucléaire intervenue voilà quelques jours en témoigne également.
Cela étant, nous devons, en parallèle, poursuivre nos efforts de maîtrise de l'énergie, de développement des énergies renouvelables et de tout nouveau mode de production respectueux de l'environnement. C'est dans ce sens, positif, que je constate la progression en crédits de paiement de 57 % des moyens budgétaires de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget de l'industrie, je souhaite aussi dire quelques mots, en plein accord avec Mme Marie-Madeleine Dieulangard, sénatrice de la Loire-Atlantique, à propos de la construction navale.
Nous avons pris acte avec satisfaction des conclusions du Conseil des ministres européens du 5 décembre, que vous avez présidé. Le Conseil a voulu préserver l'avenir, d'une part, en faisant preuve de fermeté à l'égard de la Corée du Sud, d'autre part, en ne fermant pas la porte à la possibilité de rétablir l'aide à la construction navale sur les segments de marché les plus touchés par la concurrence coréenne, en l'occurrence les navires de charge.
Un autre point positif de ce Conseil est la mise à jour de l'arrangement « navire » OCDE sur les crédits exports qui datait de 1981 et qui était complètement dépassé. Le nouvel arrangement permettra de porter les crédits de huit ans à douze ans.
Enfin, nous avons noté l'ouverture du Conseil en ce qui concerne les aides à la recherche et développement. Ce point est très important. Les entreprises sont en effet très innovantes dans ce secteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, ce que nous vous demandons maintenant, c'est d'être vigilant à l'égard de nos voisins pour être sûr qu'ils suivent les mêmes règles que nous. Je citerai deux exemples.
Le Bundestag a voté un budget d'aide à la construction navale pour 2001. Avez-vous une assurance formelle qu'il ne s'agit que d'aider des commandes déjà prises ?
De même, nous avons eu connaissance d'aides des régions espagnoles à des constructeurs espagnols de navires de pêche. Une surveillance de toutes les distorsions de concurrence mérite d'être mise en place au niveau de votre ministère.
Par ailleurs, la ligne « Technologies marines » qui existait dans le cinquième PCRD, ou programme-cadre de recherche et développement, de l'Union européenne a disparu du projet de sixième PCRD. Pouvez-vous nous donner l'assurance qu'elle sera rétablie ?
En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, nous voulons des assurances, notamment sur le maintien du soutien à l'Institut de recherche de la construction navale ? Nous souhaitons pouvoir compter sur votre implication personnelle, s'agissant de l'exécution et de la mise en oeuvre des décisions du Conseil européen.
J'en viens au budget de la poste et des télécommunications. Les crédits pour 2001, hors moyens de fonctionnement des administrations centrales, augmentent de 0,53 %.
S'agissant de La Poste, celle-ci a accentué sa stratégie de développement international pour rester un opérateur performant et compétitif.
A cet effet, un accord commercial a été conclu avec l'intégrateur américain FedEX, une alliance a été prônée avec Géodis, filiale de la SNCF, et des accords ont été conclus ou sont en projet avec les postes du sud de l'Europe.
Tels sont les principaux volets de la stratégie développée, avec dynamisme, depuis un an par La Poste afin de figurer parmi les tout premiers groupes postaux mondiaux.
Nous touchons en fait ici au coeur d'une problématique posée à La Poste et à son autorité de tutelle : comment concilier la poursuite de sa conquête d'une place compétitive dans un univers ultraconcurrentiel et, en même temps, continuer d'assumer toutes ses missions de service public et de présence territoriale ?
Il s'agit là d'un redoutable défi à relever, auquel sont confrontés à la fois La Poste, l'Union européenne, dont les directives ne doivent pas déstabiliser le prestataire du service universel, et l'Etat, dont les relations financières avec La Poste méritent d'être examinées à l'aune des services rendus.
Nous sommes à quelques jours d'échéances européennes importantes pour La Poste. Nous aurons un débat à ce sujet la semaine prochaine.
Nous, les membres du groupe socialiste, sommes convaincus que le maintien d'un service universel cohérent ne saurait survivre à une libéralisation de l'ampleur de celle qui est proposée par la Commission européenne.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Pierre-Yvon Trémel. C'est pourquoi nous vous assurons de notre soutien, monsieur le secrétaire d'Etat, et de notre confiance pour défendre les spécificités d'un service public « à la française », dont nous avons tout lieu d'être légitimement fiers.
Sur le plan social, ce débat budgétaire pourrait être l'occasion, pour vous, de faire rapidement le point sur les conséquences du passage progressif aux 35 heures et sur le mouvement de déprécarisation des emplois, auquel nous sommes particulièrement attachés.
S'agissant des télécommunications, je relève la volonté affichée par le Gouvernement de réduire le « fossé numérique » qui, tant à l'échelon national que sur le plan mondial, se creuse entre ceux qui ont accès aux nouvelles technologies de l'information - ou qui en ont la maîtrise - et ceux qui en sont dépourvus pour des raisons sociales, géographiques ou générationnelles.
Récemment, le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a proposé que les recettes engendrées par l'attribution des licences UMTS de téléphonie mobile de troisième génération soient consacrées à la réduction de la fracture numérique. Voilà une suggestion intéressante à l'heure où tous les territoires ne sont pas encore couverts par le GSM.
Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat ? Ne pensez-vous pas qu'il serait utile d'organiser un débat au Parlement sur cette question ?
J'aimerais aussi vous interroger sur le futur projet de loi sur la société de l'information. Ce texte devrait être l'occasion de répondre aux enjeux que constitue le développement exponentiel de l'Internet dans la vie économique et certainement d'apporter des réponses au problème de sécurisation juridique qu'il implique. Quand envisagez-vous de présenter ce projet de loi au Parlement ?
Enfin, l'année 2001 constituera une étape décisive dans la réponse que nous allons apporter au problème de l'accès au haut débit sur l'ensemble du territoire. La dimension d'aménagement du territoire est essentielle en la matière et nous avons tous pour souci que le développement des technologies de l'information non seulement n'accroisse pas la distance qui sépare le monde rural de l'espace urbain mais, au contraire, la réduise. En l'occurrence, il existe un potentiel extraordinaire pour provoquer un réaménagement équilibré des territoires.
J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous étiez engagé à transmettre au Parlement le cahier des charges avant l'octroi des licences UMTS. Ce sera pour nous l'occasion d'une réflexion utile sur la contribution que le numérique peut apporter à l'aménagement du territoire.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste estime que votre budget est un bon budget. Il recueille, tout comme votre action, notre soutien. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Merci !
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour une mauvaise nouvelle, ce budget de La Poste est une mauvaise nouvelle ! (Sourires.)
M. le rapporteur a parlé d'opacité concernant ce budget. Pour ma part, je dirai tout simplement que ce budget est illisible sur le fond, incompréhensible dans sa forme et, si je manifeste quelques doutes sur l'avenir du secteur postal, j'ai la certitude, monsieur le secrétaire d'Etat, que, l'an prochain, si rien n'évolue dans le bon sens, votre budget aura besoin non pas d'un rapporteur, mais d'un médecin légiste, du moins pour ce qui concerne le service postal stricto sensu.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Je ne suis pas compétent ! (Sourires.)
M. Daniel Goulet. La disparition programmée du service public de la poste entraînera dans son sillage une grande partie de nos communes rurales, dont l'existence même est déjà menacée.
Permettez-moi de citer l'exemple de Chandai, 586 habitants, de Crulai, 726 habitants, du Pin-la-Garenne, 624 habitants, de Verrières, 351 habitants, de Saint-Mard-de-Réno, 435 habitants, et de Boissy-Maugis, 354 habitants.
Ces communes, parmi d'autres, se débattent face à ce que les juristes appellent l'autorité de « la chose décidée », par opposition à « la chose jugée », et, pour notre domaine d'intervention, nous dirions par opposition à « la chose concertée ».
Que pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, à la lecture de la délibération du conseil municipal de la commune de Crulai en date du 15 septembre dernier ?
« Le conseil municipal après en avoir délibéré :
« Constate que la nouvelle organisation au même titre que Chandai est imposée par la direction départementale de La Poste ;
« Constate qu'il se voit contraint et forcé d'accepter cette nouvelle organisation ;
« Constate que le service public en milieu rural se voit amputer d'un élément majeur de la vie d'une commune ;
« prend acte du désengagement de l'Etat au travers de La Poste, service public ; solidaire de la commune de Chandai. »
Que répondre au maire de Boissy-Maugis qui apprend que l'activité de la poste du village ne justifie pas un bureau de plein exercice ? La Poste, propriétaire des locaux actuels, a décidé de les mettre en vente.
La commune, inquiète, souhaite conserver par le biais d'un guichet annexe les services de La Poste et, dans une lettre du 20 novembre, le maire déclare : « Pour la vie de notre village, il est important que ce service public reste. »
Que répondre au maire de Saint-Mard-de-Réno dont le bureau, que les services départementaux tentent de fermer, encore ouvert de dix heures trente à douze heures trente les jours ouvrables, reste le seul pour les communes environnantes qui n'en ont déjà plus ?
Le conseil municipal de la commune du Pin-la-Garenne continue de refuser les propositions qui lui sont faites en raison de la présence d'entreprises situées dans le ressort des communes qui attendent leur courrier pour traiter les commandes. Monsieur le secrétaire d'Etat, le commerce électronique n'est pas encore une réalité dans nos campagnes.
Quelle issue peuvent avoir ces situations de blocage ?
Le bureau de poste de Colonard-Corubert, qui devait être transféré chez un commerçant ne peut l'être, le dernier commerçant, de la commune ayant fermé.
La commune de Verrières vient d'accepter un accord avec les services de La Poste moyennant la signature d'une convention. Or ce type de convention n'a pas encore reçu l'accord de l'Association des maires de France.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les maires sont légitimement désemparés et inquiets, mais votre personnel aussi, personnel dont, par parenthèse, on cherche vainement la trace dans les lignes du « bleu » budgétaire !
Les postiers du SAP ont fait part de leur inquiétude, car les tournées avaient été modifiées, les remplaçants non encore nommés ; ils ont mentionné, en vrac, les problèmes des recommandés, les retards dans le relevé des boîtes postales, etc. « Le tort », ont-ils déclaré, « est de laisser partir d'abord les postiers ; comment défendre alors un bureau sans ses employés ? »
Pour décider de l'avenir d'un bureau de poste, on lui attribue des points ; le nombre de postiers est un critère qui permet cette attribution de points. Vous commencez par muter les postiers ; le nombre de points du bureau est donc minore à due concurrence, et ses chances de survie sont réduites d'autant.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Daniel Goulet. Très sérieusement, cette méthode est-elle digne de notre démocratie locale ?
Je citerai encore un dernier exemple, monsieur le secrétaire d'Etat - ce sera le dernier : cette litanie est fastidieuse, mais elle correspond à la réalité du terrain - car il est à craindre que, dans votre ministère, qui est en prise avec les préoccupations des industries, la poste ne soit qu'une activité résiduelle.
Grâce à la modernisation des services postaux, vous avez réinventé, en quelque sorte, la diligence postale ! Cela a l'air absurde et pourrait faire rire... si le sujet n'était pas aussi sérieux !
Savez-vous qu'à partir d'un des gros bourgs du bocage normand, Putange-Pont-Ecrepin, le service postal est itinérant ? Pour votre information, si vous devez poster un pli dans ce canton, voici le mode d'emploi : les Yveteau Fromentel de 9 h 45 à 9 h 50 ; Lougé-sur-Maire de 9 h 55 à 11 h 45 ; Neuvy-au-Houlme de 11 h 50 à 12 h 15 ; Frenay-le-Buffard de 14 h 15 à 14 h 35 ; Bazoche-sur-Houlme de 14 h 50 à 15 h 20 ; Mesnil Hermel de 15 h 30 à 16 h, et Rabodanges de 16 h 05 à 16 h 35.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques exemples de communes démunies et, comme la situation est identique dans nombre de départements ruraux, beaucoup de nos collègues pourront se reconnaître dans cette enceinte.
J'évoquais tout à l'heure les commissions de présence postale territoriale, supposées être des instances d'analyse, d'appréciation et de conciliation des situations particulières qui se présentent.
Comment peuvent-elles statuer devant ces missions impossibles, les directeurs étant eux-mêmes liés par les directives nationales qui leur sont imposées ? Je suis membre, comme beaucoup de mes collègues, de ces commisions, et, dans l'Orne, je puis vous dire que, malgré ses efforts, le directeur départemental dispose d'une si faible latitude d'action qu'aucune solution équitable ne peut être trouvée dans de telles conditions, car il doit gérer des équilibres budgétaires incompatibles avec les enjeux qui lui sont soumis. Nous sommes dans le cadre de conflits d'intérêt manifestes et, en quelque sorte, de la lutte du pot de terre contre le pot de fer. L'Assocation des maires de France elle-même - et je tiens à rendre ici hommage à son président, notre collègue Jean-Paul Delevoye, qui fait montre dans cette affaire d'une pugnacité sans pareil - ne reçoit systématiquement aucune réponse aux courriers qu'elle adresse aux ministres concernés. Elle réitère sans lassitude ses demandes, et j'ai dans mon dossier la liste des courriers adressés à vos prédécesseurs comme à vous-même ainsi qu'au ministre chargé de la fonction publique car, qu'on le veuille ou non, les personnels de La Poste dépendent encore - mais pour combien de temps ? - du secteur public.
Je ne crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que la question de la régularisation des points litigieux, des conventions notamment, ait été réglée, pas davantage que ne l'est celle de l'emploi de non-titulaires pour la tenue d'une agence postale.
Juridiquement, il est évident que cette question doit être résolue préalablement à la signature d'un contrat, sauf aux maires à prendre un risque dont ils ne peuvent mesurer l'ampleur.
Cette situation ne peut pas perdurer !
Je sais ce que coûte le maintien de la présence postale en zone rurale, mais je sais aussi combien nous sommes attachés à la notion de service public, pas seulement pour des raisons de service, mais aussi pour des raisons humaines relationnelles. Le postier n'est-il pas l'ami public n° 1, et son rôle social n'est-il pas essentiel, irremplaçable, comme l'affirmait notre collègue Gérard Delfau voilà quelques années ?
Bien entendu, il y a l'Europe et l'impérative mise aux normes communautaires, et la non moins impérieuse nécessité d'ouvrir le secteur postal à la concurrence ; mais à quel prix ? Est-ce au prix de la disparition des communes rurales ? Il y aurait quand même une certaine ironie de l'histoire à voir un gouvernement socialiste devenir le fossoyeur du service public ! Cela, je ne veux pas le croire !
Le sujet est si difficile que notre rapporteur lui-même n'est pas à l'abri d'un lapsus : page 28 de son rapport, il raisonne en termes de chiffre d'affaires et non en termes d'activité !
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, ces difficultés sont le plus souvent ignorées en zone urbaine, mais, avec tous mes collègues des zones rurales ou de montagne, nous ne les ignorons point.
Dans l'Orne - comme ailleurs, sans doute - nous cumulons à certains endroits la fermeture des bureaux de poste et l'abandon de certains arrêts des trains sur la ligne Paris-Granville : vous avez sans doute entendu parler du problème de la gare de Briouze, qui continue de défrayer la chronique !
Voilà deux signes forts - et ils ne sont pas les seuls - de cumul d'infractions, de violations de la règle de l'égalité de tous devant le service public, à moins, bien entendu, que nous ne devions plus raisonner sur ce critère périmé et l'abandonner alors qu'il constitue, selon nous, une composante incontournable de l'aménagement équilibré du territoire. Mais pour le remplacer par quelle autre notion ?
D'ores et déjà, monsieur le secrétaire d'Etat, vous devez repenser la question de La Poste en milieu rural à la lumière des observations que vous feront les élus et les associations de maires, et revoir à cette occasion le fonctionnement des commissions départementales de présence postale territoriale, qui ne sont pas, je l'ai déjà dit, à la hauteur et à la mesure de l'enjeu.
Pour accroître les activités des bureaux de poste, je vous suggère, monsieur le secrétaire d'Etat, d'y adjoindre des services de proximité : photocopieurs, télécopie, terminaux Internet, par exemple. En effet, beaucoup de nos communes rurales souhaiteraient compter sur des services de proximité, notamment les nombreuses associations qui ont des besoins permanents de services qu'elles ne peuvent pas remplir elles-mêmes. Ce serait là un moyen certes modeste mais sans doute efficace de contribuer à la vie locale et au maintien des services postaux.
Pour conclure sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous dire que je ne suis pas naïf, ni ignorant des contraintes budgétaires ou communautaires ; mais je crois très sincèrement que la structure de nos campagnes, notre mentalité et sans doute les mauvaises habitudes héritées de l'usage d'un service public de qualité nous rendent exigeants et peu aptes à un changement, de cette importance, que nous comprenons d'autant moins que nous n'y sommes ni préparés ni, surtout, associés. Il ne viendrait à l'esprit de personne, par exemple, de supprimer les lignes électriques ou téléphoniques dans les zones fragiles !
Toujours à propos de la ruralité, permettez-moi un dernier mot sur la question des franchises postales en matière de presse.
Je n'ai pas compétence pour arbitrer, en matière de coûts, un sujet qui mêle la défense de la presse et La Poste, mais je sais qu'une grande partie de la presse agricole et locale n'est diffusée que par voie postale. Ainsi en est-il, par exemple, dans ma région, avec le journal bien connu L'agriculteur normand , excellente publication qui tire à 20 000 exemplaires. Nous voudrions l'aider, mais il est à peu près certain qu'une augmentation des coûts liée aux frais postaux obérerait, si nous n'y prenions garde, les charges de son exploitation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous devons donc nous montrer très attentifs à toutes les questions que j'ai soulevées à l'occasion de ce débat. Quant au groupe du RPR, je peux vous dire que ses membres le seront.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas partager avec nous un slogan qui nous est cher et qui concerne La Poste : « Nous avons tous à y gagner » ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Goulet, monsieur le secrétaire d'Etat vous répondra tout à l'heure directement, et non par un courrier que vous risqueriez de ne pas recevoir ! (Sourires.)
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi une remarque préalable à l'intention de notre collègue M. Goulet : il me paraît quand même peu cohérent de plaider pour le maintien de La Poste en milieu rural - ce que, personnellement, je fais - et de voter chaque fois que possible contre l'intervention de l'Etat et les crédits qui y sont affectés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Mais je ferme là cette parenthèse.
Il devient chaque année un peu plus difficile, monsieur le secrétaire d'Etat, d'ouvrir un débat sur La Poste dans le cadre de la loi de finances. Le temps qui nous est imparti est dérisoire, alors que l'évolution contrastée de l'entreprise publique, dans un contexte international mouvementé, exigerait de longs développements. Je me contenterai donc de vous poser quelques questions.
Ma première interrogation a trait au devenir de la poste française face à une recomposition rapide de l'ensemble de la filière « courrier » autour de quelques grands groupes - TNT, Deutsche Post - ainsi que des intégrateurs américains, sans oublier l'opérateur anglais. La poste française a fait face en rachetant ici, ou en nouant là des alliances. Comment envisagez-vous, pour la suite, le positionnement de notre champion national, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Ma deuxième question concerne l'alliance originale et positive au sein de la même entreprise publique des activités « courrier » et « services financiers ». Les Allemands viennent de reconnaître que la séparation de ces deux secteurs, naguère, fut une erreur. Je voudrais avoir votre sentiment sur cette question.
Ma troisième question est liée à la mission d'aménagement du territoire et de cohésion sociale de l'opérateur public. N'en déplaise à quelques auteurs de communiqués triomphaux et compte tenu de quelques réussites ici ou là - cela peut arriver - le climat général est plus terne : les restrictions de présence postale et le transfert des charges sur les communes continuent, entretenant l'amertume des élus.
Je plaide depuis des années pour une sortie par le haut de cette crise larvée dans laquelle les collectivités territoriales chargées de la péréquation de proximité - conseil général et conseil régional - prendraient leur place et participeraient au financement.
Pourquoi garder le silence sur ce sujet ? Pourquoi les Maisons des services publics sont-elles quasiment laissées en jachère ?
S'agissant des personnels, vous avez constaté comme moi que le résultat aux élections professionnelles a donné un signal qu'il faut prendre au sérieux, même si la mise en place des 35 heures se fait de façon moins chaotique que prévu. A vrai dire, ce sont souvent les usagers et les élus locaux qui, comme je l'avais annoncé, en font les frais.
Un point inquiète les salariés, les élus et les parlementaires : il s'agit de l'idée d'une privatisation honteuse de l'entreprise publique, ainsi que le plaident nos collègues Jacques Larcher et Pierre Hérisson. Il vous appartient de réaffirmer ici, une fois encore, la position du Gouvernement en la matière.
Au passage, je veux rendre hommage à la manière dont vous vous êtes battu avec détermination et efficacité pour limiter l'impact d'une deuxième directive postale. Nous comptons encore sur vous.
La Poste, à la fois grande entreprise internationale et service public de proximité, a tous les atouts nécessaires pour franchir les écueils qui la guettent, et ses personnels doivent être loués pour leur attachement à leur mission et pour leur faculté d'adaptation. C'est là que réside la force de La Poste ! S'y ajoute cependant l'appui des pouvoirs publics, que nous vous demandons de réaffirmer dans le cadre de cette discussion budgétaire au Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je regrette de ne pouvoir intervenir cette année sur le budget de La Poste, le montant des crédits dans ce secteur et l'implantation des bureaux de poste étant des outils essentiels pour aménager le territoire et conserver leur vitalité aux zones rurales. Mais la conjoncture économique particulière de cet automne, à savoir le triplement du prix du pétrole et la conférence de La Haye, me poussent à axer mon propos sur la politique énergétique de la France.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. La politique d'économie d'énergie et la volonté d'une utilisation plus importante des énergies renouvelables sont indispensables, mais on estime que cela ne représentera, dans le futur, qu'entre 10 % et 15 % des besoins.
C'est insuffisant pour faire face à l'accroissement inéluctable de la consommation d'énergie des ménages et des industries dans les vingt prochaines années et, surtout, pour honorer les engagements pris à Kyoto. Je vous suggère, alors que vous présidez le Conseil « industrie », de proposer un moratoire sur les centrales à effet de serre.
M. Pierre Laffitte. Très bonne idée !
M. Aymeri de Montesquiou. Le problème se pose de façon simple et claire : il faut choisir entre le nucléaire et l'effet de serre, et l'opinion publique commence à en prendre conscience.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd'hui, cette énergie évite à la France de rejeter chaque année 360 millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, ce qui représente l'équivalent de trois fois les émissions de l'ensemble du parc automobile.
Il faut ajouter que le ferroutage ou la voiture électrique, qui sont des idées d'avenir, nécessiteront plus d'électricité.
M. Pierre Laffitte. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Je n'occulte pas l'inconvénient majeur, les déchets nucléaires, pour lesquels il n'a pas été trouvé jusqu'à présent de solution de stockage totalement satisfaisante à long terme, même si, à court et moyen terme, les conditions de sécurité sont très fiables.
Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir transféré le budget de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire au ministère de l'environnement ? Vous avez non seulement amputé votre budget de plus de 1,3 milliard de francs, mais aussi perdu votre pouvoir, sous la pression des écologistes. Leur fondamentalisme vous a déjà fait fermer Super-Phénix. Ce fut un désastre financier - 15 milliards de francs gaspillés -, mais aussi un désastre technologique par la perte de notre avance dans la recherche sur la fusion, et un désastre écologique, car on y brûlait le plutonium. Je vous signale d'ailleurs que le Japon vient d'annoncer aujourd'hui le redémarrage du surgénérateur de Monju !
La France doit non seulement renouveler son parc de centrales nucléaires dans les vingt prochaines années en développant le nouveau type de réacteur EPR - European Pressurized Reactor -, mais, surtout, penser au gigantesque marché mondial qui va s'ouvrir. Le pays qui, le premier, aura implanté chez lui le nouveau réacteur aura une avance décisive.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. Les Etats-Unis ont, eux aussi, déjà lancé l'étude d'un nouveau réacteur. Celui qui pourra le proposer, entre autres, à la Chine et à l'Inde, pays dépourvus d'hydrocarbures au regard de leurs besoins, prendra une position internationale essentielle car stratégique, économique et écologique.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. J'ajouterai qu'entre la décision et la mise en fonctionnement en France, il faut une douzaine d'années. Il y a donc urgence !
Je voudrais, de plus, souligner que les hésitations du Gouvernement découragent les jeunes ingénieurs de se tourner vers le nucléaire. Or, il nous faut absolument garder notre position technologique dominante et notre savoir-faire. N'oublions pas combien ces ingénieurs sont indispensables à la mise en sécurité des centrales de l'Europe orientale !
M. Pierre Laffitte. M. le secrétaire d'Etat en est convaincu !
M. Aymeri de Montesquiou. Il s'agit vraiment d'un choix capital pour notre industrie. Déjà, sur les cinquante-quatre centrales en construction dans le monde, nous ne participons qu'à la construction de deux.
M. le ministre des affaires étrangères déclare publiquement qu'il faut poursuivre l'effort en matière nucléaire ; vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, le pensez très fort. Alors, dites-le et décidez du lancement de l'EPR, faute de quoi nous perdrons une position prépondérante !
Les élections présidentielles de 2002 ne peuvent pas, pour des raisons électoralistes, vous faire sacrifier l'intérêt national. Or, je ne vois rien dans votre projet de budget qui annonce une décision rapide.
Comme beaucoup de membres du Rassemblement démocratique et social européen, je regrette qu'au travers de ce budget le Gouvernement renonce à faire le bon choix. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants !)
M. Jean Chérioux. Merci les écologistes ! Merci les verts !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, me conformant aux méthodes et aux procédures de discussion en vigueur au Sénat, je ne ferai pas de discours d'ensemble sur la politique et la stratégie industrielles du Gouvernement ; je m'efforcerai de répondre au plus près aux questions précises et concrètes qui m'ont été posées.
Pour commencer, je dirai que le budget de l'industrie pour 2001 est un bon budget, et je remercie M. Trémel d'en avoir dégagé les lignes de force, qui sont positives et, je le crois, très convaincantes.
La France est une grande puissance industrielle, la troisième ou la quatrième du monde. Elle entend le rester, et le Gouvernement oeuvre concrètement en ce sens parce que, comme M. Trémel et ses amis, il est fier de l'industrie française, des ses performances et de ses succès.
MM. Francis Grignon, rapporteur pour avis, et Jean Chérioux. Nous aussi !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est un bon budget parce qu'il est dynamique. Ses crédits progressent pour la quatrième année consécutive. Les dépenses d'investissement, tournées vers l'avenir, augmentent de 10 %. C'est le cas du titre VI.
C'est également un budget responsable, qui place les curseurs de la politique industrielle de la France au plus haut niveau en ce qui concerne l'innovation - elle est au coeur de la croissance et de l'emploi - et qui accompagne les évolutions industrielles pour contribuer à l'amélioration de la compétitivité des entreprises.
Enfin, c'est un budget qui permet une politique énergétique de cohérence et d'indépendance pour la France - j'y reviendrai.
M. Clouet a évoqué le très regretté Michel d'Ornano, personnalité dont nous déplorons tous la disparition. Certes, le budget que présentait M. d'Ornano - je reprends le chiffre de M. Clouet, car je lui fais confiance - atteignait 47 milliards de francs. Mais voilà ! En 1986, les amis de M. Clouet, notamment M. Madelin, ont voulu réduire de manière drastique le budget de l'industrie (Eh oui ! sur les travées socialistes), et, malgré les correctifs que nous avons, nous, apportés après 1988 et depuis 1997, les séquelles en sont encore visibles.
Il y a, monsieur Clouet, une espèce de contradiction entre la politique du ministre que vous souteniez certainement à l'époque, M. Madelin, et le propos que vous avez tenu aujourd'hui. Ce sont les gouvernements que vous avez soutenus, autrement dit vos amis, qui ont voulu démanteler la politique industrielle de la France, et c'est nous qui voulons, par un certain nombre d'actions précises, sur lesquelles je vais m'expliquer, la rétablir dans sa force et dans sa dynamique.
Vous avez également, monsieur le rapporteur spécial, critiqué le périmètre du budget. Certes, le périmètre a évolué, mais pour un certain nombre de raisons que je crois très positives : la poursuite de la budgétisation du financement des centres techniques industriels, pour près de 170 millions de francs, le transfert vers le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement - ce n'est donc pas, en soi, un appauvrissement de l'action industrielle du pays, mais un simple transfert administratif d'un ministère vers un autre - des crédits de l'IPSN, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, pour près de 970 millions de francs, le transfert des crédits d'études réalisées pour le compte de la direction de la sûreté des installations nucléaires, la DSIN par le même institut de protection et de sûreté nucléaire, qui n'est pas en soi non plus un retrait de crédits, mais bien un changement d'affectation qui ne change en rien la politique d'ensemble à l'égard de l'IPSN.
M. Aymeri de Montesquiou. Et le pouvoir de décision ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Enfin, parce qu'il faut tenir compte de la réalité, il y a la fin des aides à la construction navale, conformément aux engagements communautaires et aux engagements que nous avons réitérés en 1995 et en 1998, qui se traduit par la suppression de 1 287 millions de francs d'autorisations de programme.
Voilà ce qui explique le changement de périmètre ! Voilà ce qui explique le « visuel », si vous me permettez l'expression, de ce budget ! Mais cela n'affecte en rien les points centraux et les directions stratégiques définis par l'Etat.
MM. les rapporteurs, ainsi que M. de Montesquiou, il y a quelques instants, ont évoqué la politique énergétique et le nucléaire.
Je veux le dire ici sans détour : aux yeux du Gouvernement, et comme le Premier ministre l'a rappelé très récemment à l'Assemblée nationale en réponse à une question d'actualité, le nucléaire est un atout pour la France. Il est et restera l'un des piliers de notre politique énergétique, à la plus grande satisfaction de nos concitoyens et de nos entreprises,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... qui bénéficient ainsi d'une énergie peu chère, propre et abondante.
M. Daniel Goulet. C'est vrai !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. D'ailleurs, je crois qu'il n'y a, sur les travées du Sénat, aucune ambiguïté à cet égard, et je remercie la Haute Assemblée du soutien qu'elle apporte à notre politique énergétique.
La confiance des Français, mesdames, messieurs les sénateurs, sera d'autant plus forte et manifeste dans le nucléaire qu'ils auront la conviction que cette industrie ne leur cache rien. C'est le sens de la réforme de l'organisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui repose sur trois piliers.
Un projet de loi relatif à l'information en matière nucléaire, à la sûreté et à la protection contre les rayonnements ionisants sera proposé au Parlement dans les prochains mois ; ce sera, naturellement, l'occasion d'un débat. Il définira les fondements du droit en matière d'information nucléaire et le régime d'autorisation des installations nucléaires de base.
Une direction de l'administration - c'est le deuxième pilier - regroupera les autorités de la sûreté nucléaire, la DSIN, et de la radioprotection sous la triple tutelle des ministères de l'industrie, de l'environnement et de la santé.
Le troisième pilier sera un nouvel établissement public industriel et commercial, l'IRSN, indépendant - c'est fondamental - du CEA. Ainsi, l'expertise sera indépendante de l'action proprement dite. Cet établissement regroupera l'expertise de l'IPSN actuel et celle de l'office de protection contre les radiations ionisantes, l'OPRI. Il sera également placé sous une triple tutelle.
La gestion budgétaire de l'IPSN, c'est la question du transfert périmétrique, qui a été soulevée ici. J'ai répondu tout à l'heure ; je n'y reviens donc pas.
La confiance dans le nucléaire, c'est aussi la préparation de l'avenir. C'est le sens de la réorganisation du secteur, à laquelle le Gouvernement a accordé son soutien et son attention depuis de nombreux mois, depuis la première étape de cette réforme, lancée en 1999, et qui a abouti, la semaine dernière, à une vision d'ensemble simplifiée, claire, transparente et mobilisatrice de l'effort national en faveur de cette industrie - tellement mobilisatrice que nous avons réussi, avec l'autorisation des autorités de Bruxelles, à faire converger les efforts de Framatome et de Siemens dans un segment de la production électronucléaire !
Je pense, en effet, comme M. de Montesquiou, sans doute, dont j'ai apprécié certains aspects de l'exposé très enjoué et très allant sur cette forme d'énergie, que l'avenir du nucléaire français, qui devra beaucoup à la transparence, à la clarté stratégique,...
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... à la détermination de lignes pour nos entreprises privées et publiques, devra aussi beaucoup, demain, à sa capacité à rassembler l'effort européen autour du noyau essentiel que constitue le succès français dans ce domaine.
M. Aymeri de Montesquiou. Nous sommes d'accord !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce qui est en question, avec cette stratégie, c'est l'avenir de nos enfants, l'avenir de notre consommation électrique, de son prix, de notre compétitivité internationale.
Reste à faire les bons choix concernant le traitement des déchets de l'industrie nucléaire, traitement qui a été pointé comme une des difficultés, certainement la seule, qui mérite une attention soutenue.
Avoir confiance dans le nucléaire, c'est savoir gérer les déchets de cette filière. On l'a dit, je reprendrai la formule : il faut choisir entre le nucléaire et l'effet de serre. En effet, rappelons-le, le nucléaire n'émet ni CO, ni CO2, ni MOX.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. C'est vrai !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le nucléaire est donc parfaitement adapté à la lutte contre l'effet de serre. Mais il faut traiter la question des déchets.
A l'occasion de la remise du rapport de la mission « granite », le Gouvernement a réaffirmé son attachement à la poursuite de toutes les voies de recherche sur l'aval du cycle.
Selon les axes définis par la loi de 1991 et conformément aux décisions du Gouvernement prises le 9 décembre 1998, la poursuite des recherches sur le stockage réversible en couche géologique profonde, sur deux sites géologiques différents, est d'ores et déjà organisée, chacun le sait. Le site de Bure, dans la Meuse, a déjà vu ses travaux commencer.
Le Gouvernement ne dévie pas d'un pouce d'une ligne stratégique claire qui est l'application de tous les aspects et des trois voies de la loi du 30 décembre 1991 sur le nucléaire.
A, par ailleurs, été évoquée la construction de centrales neuves pour la production d'électricité en France. Il est vrai que cette construction marque une pause, mais le parc électronucléaire français est aujourd'hui arrivé à maturité et les besoins sont très largement satisfaits. Nous exportons même beaucoup d'électricité.
L'entretien du parc actuel, la participation aux études, que je devrais évoquer si j'en avais le temps, et l'exportation vont permettre - c'est très important - de maintenir le savoir-faire technologique sur le site France,...
M. Daniel Goulet. Voilà !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... de maintenir la compétence de nos salariés. Il est en effet très important que les premières entreprises mondiales que sont les entreprises françaises puissent affronter l'avenir de manière offensive et dynamique, avec le maintien du corpus de connaissances scientifiques, technologiques, techniques qu'ont nos ingénieurs, nos chercheurs, nos savants. Pour ce faire, nous organisons la poursuite du nucléaire, la prolongation de son activité, dans un esprit - j'en suis tout à fait convaincu - responsable et sérieux.
On a également évoqué le cas du gaz. La directive est entrée dans les faits, même si elle n'est pas encore entrée dans le droit, puisque la loi de transposition n'a pas encore été adoptée par le Parlement. Elle est entrée dans les faits parce que Gaz de France, pour ce qui est du transport du gaz et de l'ensemble des aspects de la directive sur le marché intérieur du gaz, applique, depuis le 10 août 2000, notamment en ce qui concerne la publicité des tarifs et la possibilité pour les clients éligibles de s'approvisionner en gaz auprès du fournisseur de leur choix, les conditions qui résulteraient de l'application de la directive si elle était transposée. Mais, je vous le concède, cela ne peut être que provisoire. Il faudra donc transposer dans notre droit - ce sera fait au printemps 2001 - la directive sur le marché intérieur du gaz.
Parmi les autres sujets sur l'énergie, je note l'interrogation de M. Besson, tout à fait justifiée, sur la commission de régulation de l'électricité, la CRE. Cette commission, qui deviendra, j'en suis persuadé, la commission de régulation de l'électricité et du gaz, est engagée dans un processus de croissance progressive de ses effectifs.
Les dispositions prévues par le projet de loi de finances conduiront, sur une année, à un doublement de ses effectifs. Son budget de 30 millions de francs devrait en outre lui permettre de faire appel à des experts extérieurs.
M. Hérisson s'est fait l'écho des difficultés rencontrées dans le recrutement des personnels de cette commission. Elles étaient dues à la complexité du dispositif juridique et comptable qu'il a fallu mettre en place, mais elles sont désormais surmontées.
M. Besson, dans sa remarquable intervention (Bravo ! sur les travées socialistes), a évoqué la bourse de l'électricité en France. Le Gouvernement retient votre proposition, monsieur Besson. Je crois d'ailleurs qu'un certain nombre d'études sont en cours, en ce moment même, au sein de la société des bourses de France, la SBF. Il faudra bien sûr que le principe de la loi portant transposition de la directive européenne soit respecté, mais j'espère que, très rapidement, nous pourrons traduire dans les faits votre suggestion, monsieur Besson. Nous nous y employons avec dynamisme.
Le problème de l'enfouissement des réseaux a également été abordé par M. Besson. La reconstruction des réseaux à basse et moyenne tensions, après les tempêtes de décembre 1999, demandera plusieurs années. Elle fournit l'occasion d'accélérer la mise en oeuvre de la politique d'enfouissement. Cela coûte cher, on le sait, et figure d'ailleurs dans le contrat de plan signé entre EDF et les pouvoirs publics.
Il ne pourra toutefois pas s'agir d'une simple reconstruction en souterrain des ouvrages détruits ; en effet, il sera nécessaire, en première approche, d'édifier 3 000 kilomètres de réseau.
Une attention particulière sera portée aux conditions de financement de ces travaux. Au début du mois de décembre 1999, j'ai veillé à ce que le taux de l'aide qui est accordée dans les zones rurales au titre du FACE, le fonds d'amortissement des charges d'électrification, passe de 50 % à 65 %, cette mesure ayant d'ailleurs été proposée dans cette assemblée. Dans ces zones où la maîtrise d'ouvrage est assurée par les collectivités locales, l'aide accrue à l'enfouissement permettra à la fois une meilleure insertion dans l'environnement et une plus grande résistance aux intempéries. Le Sénat aura donc satisfaction. Evidemment, cela prendra plusieurs années, mais, d'ores et déjà, EDF, en liaison avec les pouvoirs publics, s'est mise au travail.
La question de la compétitivité du site « France » apparaît en filigrane dans nombre d'interventions. Ainsi, M. Grignon, Mme Terrade et M. Trémel, dans une intervention elle aussi remarquable (Exclamations sur les travées socialistes), m'ont interrogé sur les crédits du chapitre 66-01, qui est un peu le chapitre stratégique du secrétariat d'Etat à l'industrie.
Mme Terrade a estimé qu'il fallait affronter la mondialisation en développant une véritable politique de l'innovation industrielle. En cette matière, les crédits du chapitre 66-01 sont consolidés - et non pas réduits, comme je l'ai entendu dire par un orateur de l'opposition - au niveau atteint en 2000 pour les autorisations de programme. Il fallait le souligner, et M. Trémel l'a d'ailleurs fait.
Les crédits de paiement prévus dans la loi de finances initiale baissent pour tenir compte des reports - il en existe de très importants - qui permettront de faire face à tous les engagements prévus. Je pense que le Sénat peut se féliciter de la bonne gestion des crédits publics que révèle cette décision.
Le Gouvernement a choisi, en 1998, d'engager une nouvelle démarche en matière d'aide à l'innovation : les soutiens sont désormais plus largement alloués à des projets coopératifs et sont accordés selon une procédure transparente d'appel à propositions, la cohérence des moyens et des ambitions étant recherchée par le biais des réseaux d'innovation et de recherche. Enfin, les subventions ont été transformées en avances remboursables dans 40 % des cas, ce qui est une bonne procédure, proche de celle qui est appliquée par l'ANVAR. Nous nous étions en effet engagés à transférer au système d'avances remboursables des crédits budgétaires « classiques », si vous me permettez l'expression, qui représentaient auparavant la règle.
Le nombre de petites entreprises concernées par les aides à l'innovation augmente, ce qui répond également à une demande du Sénat. L'octroi d'avances remboursables aux PMI constitue une véritable politique de l'innovation, dont les effets diffusent jusqu'au plus profond du tissu industriel, ce qui contribue à renforcer la compétitivité française. L'exécution du chapitre 66-01 en 2000 montrera que notre pari est maintenant tenu, après une année 1999 d'adaptation.
Mais l'aide à l'innovation ne se limite pas à ce seul chapitre. En 2000, le nouveau contrat quadriennal signé avec l'ANVAR permettra de faire passer la capacité d'intervention de cet organisme à 1,6 milliard de francs, contre 1,4 milliard de francs actuellement.
Enfin, et c'est un sujet dont le Sénat s'est emparé avec raison, car il est stratégique pour l'économie, les aides destinées à la modernisation des PMI, gérées à l'échelon régional, augmentent de manière très significative. Elles permettront de mener à bien les actions prévues dans les contrats de plan Etat-région. Les crédits du FDPMI, le fonds de développement des petites et moyennes industries, comme M. Trémel l'a souligné, augmentent de 6 % en 2001, soit une progression de 14 % en deux ans : c'est le signe de ma très forte volonté de travailler au plus près du terrain en faveur des PMI.
M. Grignon et de nombreux autres sénateurs souhaitent des précisions sur la TGAP.
S'agissant de son extension aux consommations d'énergie des entreprises, il faut rappeler que cette taxe est l'une des composantes essentielles, dans le secteur industriel, du programme français de lutte contre le changement climatique adopté en janvier dernier. M. le Premier ministre a, de fait, exprimé la volonté de prendre des dispositions fortes pour respecter les engagements du protocole de Kyoto. L'échec de la conférence de La Haye ne doit en aucun cas conduire à l'amoindrissement de l'effort français.
Des dispositions sont proposées pour atténuer les conséquences de l'application de cette taxe pour la compétitivité des entreprises consommant beaucoup d'énergie et exposées à la concurrence internationale.
J'ai veillé, croyez-le bien, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce que cette évolution apparaisse plus clairement dans l'architecture de la taxe. Ces entreprises pourront ainsi obtenir, monsieur Hérisson, un abattement pouvant aller jusqu'à 95 %.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Cela ne sert plus à rien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Elles pourront par ailleurs bénéficier d'une baisse supplémentaire du montant de la taxe si elles s'engagent à réduire leurs émissions de carbone.
Le couplage de ces engagements et de la taxe rendra le dispositif incitatif. Son examen, hier, par l'Assemblée nationale a, de plus, permis de le simplifier et d'accroître le caractère incitatif de son volet relatif aux engagements des entreprises à réduire la pollution. Quoi qu'il en soit, le Sénat aura naturellement l'occasion d'étudier plus en détail cette mesure lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
L'effort réalisé en faveur de la formation et des écoles, dont l'urgence et l'importance ont été soulignées par MM. Laffitte et Trémel, donnera satisfaction, je crois, à l'ensemble des membres de cette assemblée.
En 2001, les écoles des Mines verront notamment leurs crédits de fonctionnement augmenter de près de 5 %.
M. Francis Grignon, M. Gérard Delfau et M. Pierre Hérisson, rapporteurs pour avis. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Grâce à leur insertion dans l'activité industrielle, les écoles qui dépendent du ministère de l'industrie jouent un rôle important en matière de recherche, de diffusion de l'innovation, de soutien à la compétitivité des PMI locales et - point très important - de création d'entreprises. Elles ont ainsi contribué à la mise en place de pépinières d'entreprises et d'« incubateurs », en collaboration avec les collectivités locales intéressées, les universités ou d'autres grandes écoles.
En juillet 2000, monsieur Trémel, le comité interministériel sur la société de l'information a validé un nouveau plan stratégique de développement du groupe des écoles des télécommunications, le GET, pour les cinq prochaines années. Sous l'autorité du Premier ministre, nous avons décidé d'augmenter de 50 % le nombre d'ingénieurs formés et d'accroître de 50 % l'effort de recherche et développement des écoles d'ingénieurs des télécommunications.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'augmentation du budget du GET pour 2001 correspond à la mise en oeuvre de la première année de ce plan. Elle permettra également la création à Marseille d'une école d'ingénieurs spécialisée dans les technologies de l'information, que M. le Premier ministre a annoncée à l'occasion d'un récent voyage, sous la forme d'un groupement d'intérêt économique réunissant le GET, les universités de Marseille et les industriels. Il s'agira d'ailleurs probablement davantage d'un groupement d'intérêt public que d'un groupement d'intérêt économique.
Mme Terrade et M. Trémel m'ont interrogé sur la construction navale. M. Trémel a indiqué qu'il était satisfait des engagements que nous avons obtenus, mardi dernier, après une bataille très difficile, lors de la réunion du Conseil « industrie ». Il a été en outre demandé que le dispositif des aides à la commande imputées sur mon budget soit prolongé au-delà du 31 décembre 2000, alors qu'un règlement adopté en 1998 par le Conseil « industrie » prévoit qu'il prendra fin à cette date. Seule la Commission a le pouvoir de proposer une telle prolongation de l'application des aides, or elle a indiqué qu'elle ne comptait pas le faire. Tout au plus a-t-elle annoncé qu'elle pourrait proposer, en mai prochain, un mécanisme défensif pour protéger les secteurs les plus exposés, dans le cas - ceci est très important - où les démarches entreprises à l'égard de la Corée du Sud n'auraient pas abouti. Une bonne partie des Etats membres, dont la France, ont en effet souligné le caractère très spécifique des aides accordées par le gouvernement coréen, qui faussent la concurrence et la rendent aujourd'hui, sur un certain nombre de créneaux, insupportable pour les constructions navales européennes.
Cela étant, je reste persuadé que, face à la concurrence coréenne, la meilleure riposte est de mettre l'accent sur les efforts en matière de compétitivité, comme ont su le faire les entreprises françaises. Je citerai à cet égard l'exemple d'un chantier dont on m'indiquait récemment qu'il avait réalisé un gain de compétitivité de 45 % en trois ou quatre ans : c'est tout à fait remarquable ! Ce sont ces démarches de progrès qui expliquent, d'ailleurs, l'embellie que connaît le secteur et le fait que le plan de charges de certains chantiers navals couvre plusieurs années.
Pour autant, il ne faut pas renoncer à porter une attention particulière à la construction navale européenne et, partant, française, qui, je le disais à l'instant, subit la concurrence déloyale de la Corée. Ainsi, la plainte déposée par les chantiers navals au titre du règlement « obstacles au commerce » sera activement soutenue par les pouvoirs publics. J'ai obtenu, voilà trois jours, que l'Union européenne intervienne pour que le contentieux avec la Corée soit porté le plus rapidement possible devant l'Organisation mondiale du commerce. Nous intervenons également auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour que l'utilisation des concours apportés par ces organismes à la Corée soit mieux contrôlée.
En outre, le Conseil « industrie » a décidé, sous notre présidence, que la Commission étudiera la possibilité de mieux accompagner les efforts de recherche-développement et d'innovation du secteur. C'est là une décision nouvelle de grande portée.
Telles sont les mesures concrètes qui ont été étudiées lors du Conseil « industrie » du 5 décembre dernier et qui ont fait l'objet d'une résolution adoptée à l'unanimité des Etats membres, alors que, au départ, certains d'entre eux étaient très hostiles à ce type d'intervention. Mais tous ont été soucieux de faire la preuve de la détermination de l'Union européenne vis-à-vis de la Corée et de la nécessité d'apporter un soutien adapté aux constructions navales européennes.
Enfin, monsieur Trémel, le Gouvernement restera vigilant sur les conditions intra-européennes de la concurrence, et nous surveillerons, avec la Commission, l'évolution du secteur, de manière à obtenir très rapidement, dans les prochains mois, la prise de décisions fermes qui permettront de rendre le commerce mondial enfin loyal à l'égard des constructions navales européennes.
Quant au secteur textile, madame Terrade, il fait l'objet, vous le savez, d'une attention particulière de ma part. Après deux années difficiles, sa situation a connu une certaine amélioration en 2000, puisque le chiffre d'affaires de la majorité des entreprises de ce secteur s'est stabilisé ou redressé.
Bien entendu, il reste des cas difficiles, qui sont suivis de près par les directions régionales de l'industrie, et des risques de délocalisation existent. Cependant, nous enregistrons aussi des signes encourageants. La consommation d'articles textiles et d'habillement a ainsi progressé de près de 2 % en 2000, après un fort ralentissement en 1999. Cela ne doit toutefois pas masquer le fait que l'année 2000 pourrait être marquée par une légère décroissance de la production, mais aussi - et cela est positif - par une nette décrue de la réduction du nombre des emplois, alors que plusieurs milliers de licenciements économiques avaient été déplorés en 1999 dans ce secteur si gravement touché.
L'apparition de nouvelles technologies, l'investissement, la modernisation et l'introduction des technologies de l'information et de la communication, ainsi que le développement de la formation, constituent un ensemble de mesures que nous soutenons, notamment au travers des crédits du FDPMI, que j'évoquais tout à l'heure. Ce secteur, qu'il s'agisse du textile proprement dit, de l'habillement, des cuirs et peaux ou des chaussures, a un avenir aux yeux du Gouvernement.
MM. Laffitte, Delfau et Tremel se sont préoccupés de l'évolution de La Poste.
Je partage l'orientation ferme que les sénateurs veulent donner à la présence postale territoriale. M. Delfau a maintes fois attiré mon attention sur cette question et je suis avec une grande attention le combat qu'il mène au travers de l'information de l'ensemble du monde économique sur la nécessité d'une poste présente partout sur notre territoire. Ses 17 000 points de contact, loin d'être une charge, sont un atout pour l'économie française et pour la notion de service public. Ils sont un atout pour la défense des valeurs auxquelles tous les sénateurs sont attachés, j'en suis persuadé.
Monsieur Goulet, si j'ai créé voilà presque trois ans maintenant la commission départementale de présence postale territoriale, c'est pour que des élus, dans chaque département, puissent discuter en concertation avec La Poste, sous l'autorité du préfet, des mesures qu'il convient de prendre et parfois même de supprimer.
Vous avez eu raison de citer les quelques exemples concrets tirés de votre département, monsieur Goulet, pour demander que la présence postale en milieu rural continue à faire l'objet de l'attention de La Poste et de décisions positives. Dans certains cas, il convient même de créer des points de contact de La Poste.
Pour appréhender cette question sous un autre angle, je prendrai l'exemple des 600 ou 650 quartiers d'habitat social jugés zones sensibles, naturellement appelés à connaître un développement de la présence du service postal.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous sommes attachés à ce que, dans le milieu rural, dans les communes et les bourgs que vous avez évoqués, monsieur Goulet, ainsi que dans le monde urbain et, en particulier, dans les zones d'habitat HLM, zones parfois sensibles, le service public joue son rôle et soit présent dans un but offensif et non pas simplement pour gérer des effectifs et de l'immobilier, ce qui pourrait porter à critique.
Nous devons avoir une vision globale de La Poste, et le Gouvernement insiste auprès de La Poste sur l'idée d'une forte présence postale territoriale. Le contrat que j'ai signé avec l'établissement en juin 1998 est très clair sur ce point.
J'en viens aux télécommunications.
Les opérateurs de téléphonie mobile GSM couvrent, aujourd'hui, 98 % de la population française, ce qui représente environ 89 % de la superficie du territoire national pour le meilleur d'entre eux.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Cela mérite d'être vérifié !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur Hérisson, vous êtes bien placé pour vérifier ces chiffres puisque vous êtes membre de la commission supérieure du service de La Poste et des télécommunications...
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est pourquoi j'émets un doute !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je tire mes chiffres - et je m'y réfère très souvent d'ailleurs - directement des travaux de cette commission où vous siégez !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Nous les établissons avec les éléments dont nous disposons !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ces réseaux arrivent désormais à la fin de la couverture des zones rentables. Ils ont investi pour cela plus de 65 milliards de francs dans leurs réseaux au cours de ces huit dernières années.
Comme l'a rappelé le Premier ministre lors du dernier comité interministériel d'aménagement du territoire comme le prévoit le schéma des services collectifs de l'information, récemment adopté, notre objectif est de parvenir à une couverture de 100 % des lieux de vie ; 100 % des lieux de vie, c'est par exemple, en zone de montagne, une vallée, mais peut être pas tous les sommets, car cela ne présenterait pas un grand intérêt économique, chacun me l'accordera.
Le Gouvernement affirme ici un objectif de 100 % des lieux de vie couverts par les réseaux GSM.
Pour cela, j'adresserai prochainement au Parlement un rapport sur la couverture du territoire par les réseaux mobiles GSM. Ce rapport, en cours d'élaboration, permettra d'estimer précisément le montant des investissements nécessaires à la fin de la couverture utile et le coût de la non-rentabilité pour les opérateurs, c'est-à-dire le montant des subventions juste nécessaires pour qu'ils terminent la couverture en mutualisant leur infrastructure.
Voilà une décision positive, qui va vers une couverture la plus complète possible du territoire par le réseau GSM.
Parallèlement, je vais réunir dans les prochaines semaines les trois présidents des sociétés de téléphonie mobile afin de voir avec eux quels sont les moyens nécessaires pour parvenir à la couverture totale de la population au coût le plus bas possible. C'est un engagement ferme que je prends devant le Sénat.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En spécialistes qu'ils sont, MM. Hérisson et Laffitte ont évoqué naturellement le cas de l'UMTS. Nous avons fait le choix de la soumission comparative pour que les opérateurs s'engagent sur une couverture maximale du territoire comme pour le GSM dont je parlais voilà un instant.
En fait, nous mettons aux enchères la couverture du territoire. L'appel à candidatures prévoira, en effet, une obligation de couverture de 80 % de la population - je vous rappelle que les appels à la candidature GSM comportaient la même obligation - et je suis en mesure de vous dire aujourd'hui que je souhaite que la couverture s'étende rapidement - en trois ou quatre ans - à 90 % de la population.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Soit 20 % du territoire !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Laffite a évoqué l'utilisation des recettes provenant de la vente des licences UMTS. Il sait que nous souhaitons mener une politique budgétaire et financière sérieuse. C'est pourquoi une partie importante de ces recettes sera affectée au désendettement de l'Etat pour 28 milliards de francs, tandis qu'une autre partie sera affectée à une dépense d'avenir, le confortement du système français de retraite, pour 102 milliards de francs. Cela ne souffrira aucune évolution car il s'agit d'une mesure de raison, d'une mesure de saine gestion des finances publiques qui, je le crois sincèrement, n'appelle de critique ni à droite ni à gauche tant l'urgence de ces deux besoins - réduire le déficit, conforter le financement des retraites - est tout à fait évidente.
J'en viens à la boucle locale radio. Certains ont pu dire que les obligations de couverture des opérateurs étaient insuffisantes.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je souhaite vous rappeler à ce sujet qu'il s'agit là d'une technologie de transmission à haut débit qui est en concurrence avec d'autres. Comme je l'ai déjà répondu à M. Laffitte, voilà quelques semaines, lors d'une séance de questions d'actualité, le Gouvernement a la volonté d'utiliser l'ensemble de l'éventail des moyens techniques à sa disposition : le câble, l'ADSL, bientôt l'UMTS, et le satellite, qui, en matière de couverture des zones rurales, sera certainement un puissant adjuvant.
L'opinion du Gouvernement - et je pense qu'elle est, là aussi, raisonnable - est que chacune de ces technologies devra trouver son marché, sa clientèle, son point d'équilibre. L'essentiel est qu'à terme on puisse accéder partout en France à des services de télécommunications à haut débit à un coût abordable.
Il n'est pas dit que tous ces modes de transmission pourront être simultanément disponibles au même endroit et être, de plus, offerts, pour chaque technologie, par plusieurs opérateurs. Cependant, le haut débit pourra être présent partout grâce au choix de la technologie la plus appropriée suivant le type d'habitat, concentré ou rural, de chaque site.
Pour chacun de ces segments de technologies, l'investissement nécessaire est souvent supérieur à plusieurs dizaines de milliards de francs pour couvrir le territoire national.
S'agissant des quelques régions où les opérateurs BLR sélectionnés se sont désistés, j'ai lancé un nouvel appel à candidatures en septembre dernier pour lequel nous avons suffisamment de candidats. Il se traduira par l'attribution de toutes les licences disponibles, y compris les deux licences régionales, d'ici à la fin du mois de janvier prochain.
Quant au dégroupage, abordé par M. Hérisson, c'est désormais une règle communautaire qui a été adoptée mardi, avec le soutien de la France, par le conseil des ministres, à Bruxelles.
Sur le plan national, je me félicite de la concertation qui a eu lieu avec la commission supérieure du service public de La Poste et des télécommunications.
L'essentiel est aujourd'hui que le plus grand nombre d'entreprises et de particuliers aient accès au haut débit dans des conditions abordables.
Mme Terrade, MM. Hérisson, Goulet, Delfau et Trémel ont abordé l'importante question de la directive postale européenne. Je voudrais affirmer à nouveau - et ce sera ma conclusion - la volonté de la France de trouver un accord, sous sa présidence, lors du Conseil du 22 décembre. Je veux redire ici la fermeté du Gouvernement français pour défendre un service public postal fort,...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... appuyé sur les valeurs du service public, sur les valeurs de la démocratie, les valeurs de l'égalité des citoyens, de l'égalité des territoires et de l'égalité des entreprises que je défends avec acharnement au conseil des ministres européens. Nous devrons, bien sûr, soutenir un service public fort dans la durée avec - c'est le moyen de le financer - des services réservés suffisamment larges.
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. D'ailleurs, je dirai à M. Goulet que, sur ce sujet, il y a quelques contradictions à tenir le discours intéressant qui a été le sien de défense du service public et à soutenir la proposition d'un des membres de cette assemblée qui prône avec beaucoup de verve la privatisation totale de La Poste.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas la voie suivie par le Gouvernement, car on ne pourra pas défendre la présence postale territoriale si La Poste est privatisée. C'est clair ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Il faut un service réservé suffisamment élargi pour que les moyens de financement de la présence postale territoriale soient réunis et que l'on puisse parler sérieusement de service public,...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... un service public qui ne soit pas un service public « croupion », un service public résiduel, comme certains le proposeraient à Bruxelles.
Non, le service public est vivant. Il doit être défendu d'ailleurs dans toutes ses composantes technologiques et pas simplement dans sa mission de dépôt de l'objet « lettre » dans la boîte aux lettres.
Le service public postal a vocation non seulement à être maintenu mais aussi à faire évoluer son contenu, comme d'ailleurs le service universel des télécommunications, vers l'école, l'enseignement, la santé - que sais-je encore ? - pour que la notion même de service public soit vivante et adaptée aux réalités technologiques et sociales de notre temps. Voilà le sens de l'action du Gouvernement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je reviendrai d'ailleurs devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le 14 décembre prochain - ce qui me permettra d'être très bref après avoir affirmé ce principe - à l'occasion de l'examen de la proposition de résolution de M. Gérard Larcher. Je soulignerai à ce moment-là, avec une argumentation qui, je l'espère, emportera votre conviction, les contradictions dans lesquelles M. Gérard Larcher s'enferme, me semble-t-il, en voulant défendre à la fois la privatisation et le service public.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Un mot caractérise l'entreprise La Poste : le succès. Concernant la négociation de la directive européenne mais aussi la vie de cette entreprise, je fais le pari du succès : celui du développement de La Poste dans le cadre de son statut d'entreprise publique. Les résultats de La Poste depuis trois ans, son développement, notamment à l'étranger, les acquisitions auxquelles elle a procédé à l'étranger et qui sont importantes, selon l'Express , sont le signe de ce dessein. Le Gouvernement est aux côtés de La Poste et des postiers pour atteindre cet objectif,...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... comme il l'est aux côtés de La Poste, monsieur Trémel, pour mettre en oeuvre les 35 heures. A la fin du mois de novembre 2000 - je livre ce chiffre au Sénat pour la première fois - 244 389 postiers travaillent 35 heures dans 11 872 sites. Ecoutez ces chiffres, ils sont parlants : 12 528 négociations sont terminées avec 7 210 accords locaux signés tant par Force ouvrière que la CFDT, la CFTC, la CGT et même plusieurs centaines par le syndicat Sud.
En tenant compte des emplois de nuit et des agents en contrat à durée déterminée, ce sont donc près de 270 000 postiers qui travaillent sur une base hebdomadaire égale ou inférieure pour certains postiers à 35 heures. Une majorité de postiers, monsieur Trémel, fonctionnaires et contractuels, bénéficient donc d'ores et déjà des 35 heures ; j'en suis très heureux, et je pense que vous également.
M. Trémel m'a interrogé sur le projet de loi relatif à la société de l'information. Le texte est en cours de finalisation ; il sera transmis pour avis, pour partie, à l'Autorité de régulation des télécommunications et, pour partie, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Je présenterai ce projet de loi en Conseil des ministres au début de l'année 2001, et le débat s'engagera au Parlement durant l'actuelle législature.
Ce texte extrêmement important consacrera la modernisation, mais une modernisation dans le cadre de la cohésion sociale, dans le cadre très volontaire d'un accès de tous aux nouveaux moyens de l'information et de la communication.
Oui, madame Terrade, il existe une stratégie industrielle de l'Etat. Nous voulons assurer le suivi de l'ensemble de l'industrie, de l'industrie des matériaux, de l'automobile au textile, en passant par la pharmacie, l'énergie, les matières premières et les télécommunications. Nous voulons favoriser le développement technologique des PMI et les reconversions, former des ingénieurs pour l'industrie.
Gérer plus de 15 milliards de francs de crédits avec 4 500 personnes seulement, dont 2 200 dans les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, 1 300 dans les écoles et 1 000 dans l'administration centrale, c'est un très bon rapport coût-efficacité. M. Dubrule a d'ailleurs eu l'élégance de bien vouloir le reconnaître en commission des affaires économiques.
Ce budget, dirais-je pour répondre à l'intervention aimable de M. Clouet, n'est pas un « fourre-tout ».
Tous les secteurs relevant de l'industrie doivent y trouver leur place. Une stratégie industrielle d'ensemble pour des projets multiples et divers, ce n'est pas la confusion. C'est au contraire l'organisation d'une vision claire de l'action de l'Etat.
Nous devons agir avec des crédits qui, nous le savons, seront de plus en plus limités, et ce pour tous les ministères. Il nous faut chercher un effet de levier fort parce que nous connaissons les secteurs dans lequels l'Etat doit donner une impulsion, ceux dans lesquels il doit aller plus loin : l'innovation industrielle, par exemple.
Nous avons une stratégie parce que nous avons une ambition et pour nos industrie set pour nos services publics.
Nous avons conscience, en présentant ce projet de budget du ministère de l'industrie, de La Poste et des télécommunications, de travailler pour l'économie française ainsi que pour la cohésion et la justice sociale de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez répondu à l'essentiel des interrogations et des questions que j'ai posées dans mon intervention. Toutefois, en l'absence de M. Gérard Larcher, je ne peux pas laisser sans réponse déformer la proposition de résolution que le Sénat examinera la semaine prochaine !
Vous avez fait, par anticipation, une analyse rapide d'un débat qui, j'en suis sûr, nous permettra de trouver une solution équilibrée pour assurer l'avenir de la grande entreprise postale française. Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas le souvenir que M. Gérard Larcher parle de privatisation.
M. Gérard Delfau. Il n'en parle pas, il la décrit !
Mme Odette Terrade. Voilà !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Non !
Monsieur le ministre, nous ne critiquons aujourd'hui ni l'évolution de France Télécom ni la vente de 40 % de son capital, qui a apporté des recettes à l'Etat.
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. M. Larcher défendrait mieux ses propositions que je ne pense le faire, mais je ne peux pas laisser dire que sa motivation est la privatisation de La Poste.
Depuis de nombreuses années, il s'inquiète de l'avenir de La Poste dans notre pays.
M. Daniel Goulet. Absolument !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. C'est lui qui est à l'origine de l'idée du service postal universel, de l'accès de tous les citoyens au service postal sur l'ensemble du territoire.
Son voeu, c'est que nos concitoyens, en particulier dans le milieu rural, ne paient pas deux fois : une fois par l'affranchissement, une fois par les impôts locaux. Les collectivités locales contribuent en effet à l'équilibre et à la présence postale sur le territoire.
M. Jacques Bellanger. Propos scandaleux !
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Absolument pas ! C'est exactement ce qui se passe !
M. Daniel Goulet. Tout à fait !
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Monsieur le président, il ne faut pas confondre « sociétisation » et transformation de La Poste en société anonyme. La capitalisation a pour objet de permettre à l'Etat d'être actionnaire majoritaire dans le capital de La Poste, exactement dans les mêmes conditions qu'à France Télécom, voire - pourquoi pas ? - de détenir 100 % du capital.
Il n'est pas raisonnable de prétendre que M. Gérard Larcher souhaite la privatisation de La Poste en France. Il faut aussi parler des conditions de la capitalisation, de l'avenir de La Poste, de la création du service universel postal et de son financement.
Nous en débattrons la semaine prochaine, et vous vous apercevrez alors que la majorité sénatoriale n'a pas d'autre objectif que de maintenir cette grande entreprise postale qui assurera, demain comme aujourd'hui, un service public en France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez planté le décor pour la journée du 14 décembre !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je ne veux pas, bien sûr, anticiper sur le débat que nous aurons la semaine prochaine ; je veux simplement rendre hommage à M. Hérisson pour sa très grande honnêteté intellectuelle. Elle vient de transparaître avec évidence : il est gêné par les orientations de la proposition de résolution que M. Gérard Larcher a présentée lors d'une récente conférence de presse.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous êtes gêné, monsieur le sénateur, parce que vous savez qu'on ne peut pas à la fois tenir le langage qui tient M. Gérard Larcher et dire qu'on défend le service public !
M. Jean Chérioux. Voyons !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je connais bien M. Hérisson : nous avons longtemps travaillé ensemble, et je ne me livrerai donc pas à une quelconque polémique. Je formerai simplement le voeu, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'unanimité, que je trouve avec une grande satisfaction sur les travées du Sénat - et je tiens à vous en remercier - en faveur du service public de La Poste puisse se retrouver dans les mêmes familles politiques au Parlement européen lorsque celui-ci, dans quelques jours, aura à connaître des orientations des projets de directive du commissaire européen M. Bolkestein.
Puisse cette unamité en faveur du service public se retrouver chez tous vos amis politiques, mesdames, messieurs les sénateurs. Le Gouvernement et le Sénat en seraient certainement comblés. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 4 455 642 938 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaiterais simplement formuler deux brèves observations.
La première a trait au budget de l'industrie. Nous n'avons parlé que d'une façon très générale de la filière nucléaire, et je voudrais, à cet instant du débat, évoquer l'entreprise COGEMA et dire à M. le secrétaire d'Etat que nous essayons, avec cet opérateur public, de conduire une délicate mais nécessaire opération de reconversion et de restructuration du dernier site minier dans le Lodévois, qui a été fermé voilà deux ans.
Il y a là un travail à la fois très fin et très difficile ; c'est une opération de type économique qui mérite tout l'appui des pouvoirs publics, monsieur le secrétaire d'Etat.
Ma seconde observation, sans vouloir moi non plus anticiper sur le débat du 14 décembre prochain, m'amènera à dire quelques mots à propos de La Poste.
Je voudrais d'abord m'associer à l'hommage que vient de rendre M. le secrétaire d'Etat à l'honnêteté intellectuelle de notre collègue M. Hérisson et reconnaître avec lui que M. Gérard Larcher a patiemment dressé un tableau très précis des handicaps de La Poste et esquissé un possible devenir de l'entreprise publique.
Je voudrais par ailleurs dire à deux de nos collègues qu'ils doivent à tout prix avoir à l'esprit que la transformation de La Poste en un opérateur de type France Télécom serait très exactement le début de l'inverse de ce qu'ils souhaitent en permanence, en invoquant le maintien du service public postal dans sa fonction de proximité, de cohésion sociale et d'aménagement du territoire.
Des problèmes existent, ils sont réels, et M. Hérisson a raison de dire, par exemple, que le contribuable du milieu rural paie deux fois le service postal ; il a raison de le dire, parce que c'est vrai et parce que cela fait dix ans que nous le disons sur toutes ces travées.
Mais je supplie nos collègues de ne pas entrer dans un débat qui nous diviserait. Notre force, mes chers collègues, c'est d'avoir su adopter, depuis 1990 - et j'y ai modestement participé -, des dispositions communes sur ce sujet. Attention ! Si le Sénat prenait des positions allant dans le sens du libéralisme économique et de la privatisation pour cet opérateur public, alors nous affaiblirions la cause qu'ensemble nous devons défendre.
M. Daniel Goulet. Très juste !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 45 571 832 francs. »

Sur ces crédits, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Mon intervention sur le titre IV du projet de budget de l'industrie porte notamment sur quelques-uns des enjeux relatifs à la mise en oeuvre de la nouvelle directive postale, qui modifie celle de 1997.
Nous pouvons rappeler que la Haute Assemblée doit prochainement, sur la base d'une proposition de résolution déposée, entre autres, par M. Gérard Larcher, débattre de ce sujet.
Mais l'opportunité de la discussion budgétaire et la tenue actuelle du sommet européen de Nice nous amènent naturellement à poser dès aujourd'hui ces questions.
Que contient de ce point de vue la directive initiale défendue par le commissaire Bolkestein ?
Manifestement, il s'agit d'un ensemble de dispositions directement inspirées de la plus pure logique libérale, ne se contentant pas de l'ouverture du marché, mais opérant une véritable destruction de ce qui existe, singulièrement dans notre pays.
En réponse à une question d'actualité au printemps dernier, vous aviez, monsieur le secrétaire d'Etat, affirmé clairement votre parfaite opposition à la mise en oeuvre des recommandations du commissaire européen, dont on peut d'ailleurs se demander si elles étaient au moins un peu fondées sur une connaissance de la réalité.
Vous confirmiez d'ailleurs, le 14 novembre, cette position. Permettez-moi de citer ici votre réponse à une question posée par le rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, notre collègue François Brottes.
Vous précisiez notamment quels étaient les objectifs de la commission : « identification de nouvelles catégories de services à valeur ajoutée pour La Poste - services spéciaux - que la Commission veut en quelque sorte sortir du service public, réduction du domaine réservable aux opérateurs de service universel à 50 grammes au lieu de 350 grammes aujourd'hui, et cela dès 2003 ; nouvelle évolution du cadre juridique applicable en 2007, dont on ne connaît pas encore vraiment les contours ».
Vous affirmiez alors : « aux yeux du Gouvernement, ces propositions mettent fondamentalement en cause la conception d'un service public de qualité, au même prix pour tous et accessible en tous points du territoire ».
Vous précisiez par ailleurs ceci : « Le débat que j'ai animé le 3 octobre dernier à la présidence a permis de montrer qu'il n'existe aucun consensus sur ces propositions. A la demande du Premier ministre, la France s'y est, pour sa part, résolument et fermement opposée. »
Ma question sera donc simple, monsieur le secrétaire d'Etat : d'ici au 22 décembre, date à laquelle vous souhaitez parvenir à un accord sur cette directive, et dans la foulée des questions débattues au sommet de Nice et qui montrent les blocages dont souffre la construction européenne, quelles propositions allez-vous formuler ?
Attendez-vous de la Haute Assemblée qu'elle vous donne quitus pour négocier un modus vivendi - excusez la formule (Sourires) - sur cette directive, qui aurait l'avantage d'être acceptable par toutes les parties, ou allez-vous vous attacher à défendre la position au demeurant ferme et respectueuse du service public à la française que vous affirmiez voilà moins d'un mois au Palais-Bourbon ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, après avoir bien écouté votre intervention à l'occasion du débat qui s'est ouvert avec la majorité sénatoriale, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous sauraient gré de vouloir bien les éclairer et, surtout, les rassurer sur ce point.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 054 080 000 francs ;

« Crédits de paiement : 342 996 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 4 968 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 600 400 000 francs. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.

Article additionnel après l'article 53 sexies



M. le président.
En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion les amendements n° II-40 et II-37 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels après l'article 53 sexies.
Par amendement n° II-40, MM. Laffitte, Vallet, Joly et de Montesquiou proposent d'insérer, après l'article 53 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement remet chaque année un rapport au Parlement sur les conséquences de la numérisation des fréquences UHF et VHF, sur la répartition des fréquences entre les différents opérateurs, de télécommunications, de radio ou de télévision, et sur les recettes tirées de la cession des licences d'exploitation qui leur sont attribuées.
« A l'occasion du dépôt de ce rapport, un débat est organisé au Parlement, auquel participent le ministre chargé de la recherche, le ministre chargé de la recherche, le ministre chargé de l'industrie et le ministre chargé de la communication. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement de remettre chaque année au Parlement un rapport sur les conséquences de la numérisation des fréquences, en particulier UHF et VHF, et d'organiser, à l'occasion du dépôt de ce rapport, un débat au Parlement auquel participeront les ministres chargés de la recherche, de l'industrie et de la communication.
Tout le monde est désormais bien conscient que les fréquences sont un bien très rare, dont l'usage devient essentiel en raison des « chocs » entre besoins concurrents : audiovisuel, télécommunications, services tels que télétravail, télémédecine, télééducation, etc. Il faut donc remettre à plat le spectre des fréquences. Elles sont gérées par l'Agence nationale des fréquences et sont utilisées ou pilotées par les militaires, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation des télécommunications, selon leurs usages actuels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Clouet, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je partage le souci de M. Laffitte de voir soumis au Parlement un rapport sur les conséquences de la numérisation, et le fait que ce rapport soit annuel me semble une excellente chose.
En revanche, je ne vois pas quelles raisons fondamentales militeraient en faveur d'un débat chaque année au Parlement. Outre le fait qu'une telle procédure serait très lourde, cette question relève du domaine réglementaire et non législatif.
Par conséquent, M. Laffitte et les co-auteurs de cet amendement accepteraient-ils de ne conserver que le premier alinéa de cet amendement n° II-40, afin de supprimer la demande de débat ? Le Gouvernement serait alors favorable à l'amendement. Dans le cas contraire, il s'en remettrait à la sagesse de l'assemblée.
Enfin, je rappelle à M. le sénateur Laffitte que cet amendement ne vise que la télévision numérique hertzienne de terre, c'est-à-dire un élément seulement parmi tous les moyens technologiques ! Nous n'allons pas organiser un débat annuel pour chaque technologie !
M. le président. Monsieur Laffitte, que pensez-vous de la proposition du Gouvernement ?
M. Pierre Laffitte. Je rectifie mon amendement pour qu'il vise l'ensemble du spectre des fréquences - je pense notamment aux fréquences L 5, qui sont nécessaires, entre autres, à l'utilisation de GALILEO. C'est d'autant plus nécessaire que les choses évoluent d'une façon très rapide dans ce domaine, M. le secrétaire d'Etat en conviendra. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Le début du premier alinéa de l'amendement rectifié se lit donc ainsi : « Le Gouvernement remet chaque année un rapport au Parlement sur l'utilisation de l'ensemble du spectre des fréquences, sur la répartition des fréquences... » (Le reste sans changement.)
Par ailleurs, au second alinéa, je souhaite préciser qu'à l'occasion du dépôt de ce rapport sur l'utilisation de l'ensemble du spectre des fréquences un débat est organisé au Parlement, auquel participent le ministre chargé de la recherche, le ministre chargé de l'industrie, le ministre chargé de la communication « et le ministre chargé de la défense ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-40 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Vallet, Joly et de Montesquiou, et tendant à insérer, après l'article 53 sexies , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement remet chaque année un rapport au Parlement sur l'utilisation de l'ensemble du spectre des fréquences, sur la répartition des fréquences entre les différents opérateurs, de télécommunications, de radio ou de télévision, et sur les recettes tirées de la cession des licences d'exploitation qui leur sont attribuées.
« A l'occasion du dépôt de ce rapport, un débat est organisé au Parlement, auquel participent le ministre chargé de la recherche, le ministre chargé de l'industrie, le ministre chargé de la communication et le ministre chargé de la défense. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement II-40 rectifié ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, il y a confusion, me semble-t-il, ou peut-être ai-je mal compris.
J'ai indiqué que le Gouvernement acceptait le dépôt d'un rapport devant le Parlement portant sur l'utilisation du spectre des fréquences, pour l'ensemble des technologies, mais qu'il trouvait que l'organisation d'un débat chaque année était une procédure trop lourde.
Or M. le sénateur Laffitte vient de reprendre, dans l'énoncé oral de la rectification de son amendement, la notion de débat.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le secrétaire d'Etat, je maintiens la nécessité d'un débat organisé au Parlement afin que nous puissions nous exprimer sur le rapport annuel et sur les conséquences importantes, tant politiques qu'économiques et culturelles, de l'évolution de l'usage des fréquences. Le ministre de la défense est aussi très concerné par ce débat.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-40 rectifié ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Laffitte maintenant l'alinéa prévoyant un débat au Parlement, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-40 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 53 sexies .
Par amendement n° II-37 rectifié, MM. Laffitte, Vallet, Joly et de Montesquiou proposent d'insérer, après l'article 53 sexies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est institué, à l'article 66-01 du budget du ministère de l'industrie, un fonds spécifique, alimenté par une partie des recettes qui seront tirées de la cession des licences d'attribution des fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus de numérisation des bandes de fréquences UHF et VHF.
« Ce fonds a pour objet de financer le développement des recherches industrielles dans le domaine des télécommunications, des logiciels et de l'électronique lié au développement de la société de l'information. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement, qui concerne uniquement les fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus de numérisation, tend à instituer un fonds spécifique destiné à financer le développement des recherches industrielles dans le domaine des télécommunications, des logiciels électroniques liés au développement de la société de l'information.
Ce fonds serait alimenté par une partie des recettes provenant du réaménagement du spectre des fréquences, notamment de la cession des licences d'attribution des fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus de numérisation des bandes de fréquences UHF et VHF.
Cela permettra d'attribuer trente-six fréquences, six d'entre elles étant réservées en priorité aux émissions de télévision hertzienne existantes.
Chacune de ces licences peut être attribuée soit gratuitement, soit moyennant une contribution, comme cela a été le cas pour les bandes affectées à des opérateurs UMTS.
Dans la bande VHF, le coût des infrastructures pour déployer ces fréquences sur le territoire serait de l'ordre du quart ; c'est tout l'intérêt d'un tel usage pour l'aménagement du territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Clouet, rapporteur spécial. Nous sommes favorables aux objectifs de M. Laffitte. Toutefois, la création d'un nouveau fonds, alors que nous en avons déjà à ne plus savoir qu'en faire, et l'affectation de recettes budgétaires à des dépenses précises sont assez déplaisantes.
Par conséquent, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement va plus loin que la sagesse proverbiale évoquée par M. Clouet, puisqu'il est hostile à cet amendement.
La loi du 1er août 2000 n'a pas retenu de redevance pour l'utilisation des fréquences numériques hertziennes, pour plusieurs raisons. Le législateur a privilégié le développement d'une offre en clair ; le démarrage doit s'effectuer le plus rapidement possible ; enfin, les chaînes « historiques » vont avoir à faire face au simulcast.
Par ailleurs, la volonté d'introduire de nouvelles chaînes et d'offrir aux télévisions de proximité la possibilité d'être présentes paraît contradictoire avec le paiement d'une redevance pour l'utilisation du spectre hertzien.
Le CSA doit donc examiner les candidatures en privilégiant la capacité et les engagements des candidats à couvrir le territoire national, la qualité des programmes proposés ainsi que la défense du pluralisme, orientation qui nous paraît bonne et suffisante.
Par conséquent, je demande à M. Laffitte de bien vouloir retirer son amendement. Le Gouvernement comprend et partage les intentions qui le sous-tendent, mais l'argument de M. le rapporteur spécial selon lequel il ne faut pas créer un énième fonds me paraît extrêmement pertinent.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-37 rectifié.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. L'amendement précédent adopté par le Sénat permettra, au cours du débat qui s'instaurera, et qui se justifie plus que jamais, de revoir le problème.
Les propos de M. le ministre correspondent exactement à une stratégie adoptée qu'il semble utile de remettre en question. En effet, je ne crois pas que l'utilisation optimale des trente-six fréquences hertziennes numériques terrestres du domaine UHF-VHF soient la diffusion audiovisuelle par numérique hertzien terrestre, ce qui provoquerait de graves problèmes aux diffusions par câble ou par satellite, et les diffuseurs ne pourraient les payer à leur valeur intrinsèque supérieure à celle des licences UMTS puisque le déploiement est plus aisé.
Certes, nous avons voté la loi du 1er août 2000, mais nous sentons bien désormais que la valeur effective de ces licences est de l'ordre de 1 000 milliards de francs, et ce que cela représente, notamment pour l'aménagement du territoire, la formation à distance, la santé, etc. D'ici un ou deux ans, chacun sera convaincu qu'il est sage de reconnaître une décision un peu hâtive.
J'accepte de retirer l'amendement ; mais nous aurons l'occasion de revenir sur cette question.
M. le président. L'amendement n° II-37 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie (et La Poste).

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
COMMERCE ET ARTISANAT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Ballayer, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la finalité de l'ensemble des crédits de ce budget est avant tout économique.
Il s'agit d'aides à la formation pour environ un quart, et, pour le solde, à égalité d'actions économiques variées et d'intervention tendant à faciliter l'accès des PME à des prêts bancaires.
Dans ces différents domaines, le secrétariat d'Etat agit non pas seul, mais avec des partenaires : les régions, dans le cadre des contrats de plan, ou les chambres de commerce et de métiers, ou encore d'autres organismes professionnels avec lesquels des conventions sont passées.
L'effet de levier des dépenses, notamment auprès des banque, est fondamental.
La priorité des priorités est naturellement de mettre les PME en mesure de contribuer davantage au retour au plein emploi.
Force est de constater, cependant, selon certains résultats, qu'il reste beaucoup à faire à cet égard. En effet, 10 000 petites entreprises viables disparaissent chaque année, faute de repreneur, et 40 % des entreprises artisanales immatriculées au registre des métiers ne font appel à aucun salarié.
La reprise des créations d'entreprises, qui a été en retard sur celle de l'économie, reste à consolider et à amplifier.
En outre, des difficultés sectorielles apparaissent, notamment des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée dans le bâtiment ou les métiers de bouche, par exemple. Quatre PME sur dix déclarent d'ailleurs rencontrer des difficultés de recrutement, notamment dans le bâtiment, l'hôtellerie et la restauration.
Enfin, la reprise des créations d'entreprises est inégalement répartie entre les différents domaines d'activité.
Les problèmes que je viens de citer retiennent, je le sais, toute l'attention du Gouvernement, et leur règlement ne dépend pas des seuls crédits du secrétariat d'Etat.
Je voudrais, à cet égard, saluer l'instauration du prêt à la création d'entreprise, qui paraît être un excellent instrument et me réjouir des mesures prises, dans le cadre de ce projet de budget, pour renforcer les garanties d'emprunt des PMI.
J'attends avec impatience de connaître les mesures qui seront prises en faveur de l'artisanat dans le cadre du projet de loi de modernisation sociale.
La formation constitue, en effet, le moyen privilégié de résoudre en amont les problèmes de pénurie de qualification que je viens d'évoquer.
Or, une amélioration des dispositifs actuels, notamment par une meilleure anticipation des besoins, contribuerait à mieux valoriser le gisement d'emplois - à mon avis, très important - que recèle l'artisanat. Sans doute s'agit-il d'un potentiel plus difficile à exploiter que celui du commerce, du fait des exigences de certains métiers, mais les emplois concernés sont aussi plus durables.
Bien des actions du secrétariat d'Etat passent par l'intermédiaire des chambres de commerce et d'industrie ou des chambres de métiers.
Or les petites entreprises individuelles, soumises à l'impôt sur le revenu, ont l'impression, à tort ou à raison, d'avoir été fiscalement moins favorisées, ces dernières années, que les sociétés.
Elles souhaitent, notamment, pouvoir déduire plus largement de leur bénéfice imposable le salaire de leur conjoint ; elles souhaiteraient aussi que l'assiette de leurs cotisations sociales ne comprenne plus la part de leur bénéfice réinvestie dans l'entreprise. Leur donner satisfaction sur ces points pourrait sans doute les inciter à embaucher.
S'agissant enfin de la transmission d'entreprises, aussi importante, à mes yeux, que leur création, les propositions fiscales du livre blanc qui vient d'être publié sont intéressantes ; mais sont-elles à la hauteur des enjeux ?
Ne convient-il pas d'élever les seuils d'exonération de la taxation des plus-values sur les ventes de fonds de commerce et de ne plus intégrer les revenus tirés de leur location dans l'assiette des cotisations sociales des artisans qui entendent recourir à cette formule pour la cession de leurs entreprises ?
Les plates-formes d'initiative locale qui se consacrent aux transmissions et aux reprises devraient être agréées, ce qui n'est pas toujours le cas. Les dons qu'elles reçoivent devraient en outre être déduits de l'impôt de ceux qui les ont consentis.
S'agissant des simplifications administratives, force est de constater que les 35 heures n'y contribuent pas. Quels assouplissements sont envisagés et pourquoi ne pas supprimer, comme je le suggère chaque année, les fonds locaux d'adaptation du commerce rural ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dire où en est la réflexion que vous avez engagée au sujet d'une éventuelle budgétisation du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, et de la déconcentration de la gestion d'une partie des crédits de celui-ci ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est englobé dans le budget tentaculaire de l'économie, des finances et de l'industrie, budget que la commission des finances a décidé de rejeter. Je ne peux que suivre cette décision, malgré les quelques bonnes initiatives qui figurent et que dans le vôtre personnellement, j'aurais été heureux de voter.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Merci !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, intervenant pour la première fois devant vous en tant que rapporteur pour avis de ce budget, je tiens avant toute chose à rendre hommage à mon prédécesseur, Jean-Jacques Robert, dont la compétence et l'autorité étaient unanimement reconnues.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je dirai quelques mots du contexte dans lequel s'inscrit ce budget.
Globalement, les PME, le commerce et l'artisanat ont profité en 1999 et en 2000 du retour de la croissance et de la consommation. Même les créations d'entreprise, qui diminuaient de façon continue depuis cinq ans, progressent légèrement depuis 1999. Ce redressement reste néanmoins très faible au regard de la reprise de l'activité. La France demeure un pays où l'on crée peu d'entreprises.
Il suffit d'un seul chiffre pour illustrer cette situation : le taux moyen de création d'entreprises pour 100 personnes est de 6,9 aux Etats-Unis et de 1,8 en France. La création d'entreprise est perçue, dans notre pays, comme un parcours particulièrement difficile.
Dans ce contexte, quel jugement porter sur la politique du Gouvernement envers les PME, le commerce et l'artisanat ?
Au rang des satisfactions, j'inscrirai notamment le plan en faveur de la création d'entreprises annoncé par le Gouvernement en avril dernier.
Si cette mesure va dans le bon sens, les obstacles à la création d'entreprises restent malheureusement trop nombreux. Je pense d'abord et avant tout au poids des prélèvements obligatoires, qui sont parmi les plus élevés du monde, mais aussi à la lourdeur du cadre administratif et réglementaire imposé aux entreprises aux difficultés d'accès au financement des créateurs d'entreprise et des petites structures, à la précarité du statut du créateur d'entreprise, à qui l'on impose une prise de risque excessive, enfin aux carences des dispositifs de soutien à la création d'entreprise.
D'autres dossiers suscitent avant tout des interrogations. Je m'interroge, en particulier, sur l'efficacité des opérations de revitalisation du commerce et de l'artisanat, les ORAC, dans les zones rurales. Comme vous le savez, ces opérations sont financées par le FISAC. Ce fonds est un instrument utile, efficace et apprécié des professionnels et des élus.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Nous comptons donc sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour en défendre l'existence, en renforcer l'efficacité et écarter tout risque de budgétisation. Nous vous soutiendrons de toutes nos forces pour éviter cette budgétisation.
Quand on sait les difficultés qu'ont connues, cette année, les marchés de plein air et, plus largement, les commerces de proximité pour financer les très lourds investissements exigés par la mise aux normes sanitaires, on peut se demander s'il ne conviendrait pas de rendre ces aides plus conséquentes et le traitement des dossiers plus court ?
Je m'interroge, en outre, sur les raisons pour lesquelles la commission nationale du FISAC exige, pour aider certains projets privés, qu'ils obtiennent le soutien financier des communes alors qu'aucun texte ne le dispose. J'avoue que je ne comprends pas.
La commission des affaires économiques s'est également interrogée sur les mesures à prendre pour réduire les problèmes de formation dans le secteur de l'artisanat. Le projet de loi de modernisation sociale devrait nous proposer des pistes de réforme en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. Nous suivrons les choses de près.
J'en viens maintenant, mes chers collègues, aux motifs d'inquiétude.
J'en citerai un premier, présent à tous les esprits : l'application des 35 heures.
Si, au sein des grands groupes, les conséquences de la loi sont discutables, dans les PME, il ne fait pas de doute qu'elles seront un frein à l'activité. Les petites entreprises du commerce, de l'artisanat et des services n'ont, par définition, ni les effectifs ni les gains de productivité permettant de limiter le coût du passage aux 35 heures. C'est pourquoi j'estime essentiel que le Gouvernement, à défaut de revenir sur cette mesure, consente aux PME un assouplissement du régime des heures supplémentaires.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Autre motif d'inquiétude : le régime fiscal des entreprises individuelles. Je ne m'y attarderai pas, car M. le rapporteur spécial a traité cette question. Je citerai seulement deux exemples parmi d'autres : le régime fiscal des investissements, des bénéfices et le statut du conjoint.
Ne disposant que de peu de temps, je conclurai en faisant mienne les excellentes observations de M. le rapporteur spécial s'agissant des crédits. J'ajouterai simplement que la stagnation des crédits de formation ne permettra sans doute pas de financer les actions rendues nécessaires par la pénurie de main-d'oeuvre à laquelle sont confrontées de nombreuses entreprises artisanales.
Compte tenu de toutes ces observations, la commission des affaires économiques s'est déclarée défavorable à l'adoption de ces crédits.
M. André Jourdain. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 20 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour 2001, les crédits du secrétariat d'Etat s'élèvent à quelque 388 millions de francs. En fait, ces crédits stagnent par rapport à l'an passé, soit 410 millions de francs.
Aux financements du secrétariat d'Etat s'ajoutent ceux du FISAC, qui devraient être du même ordre que l'an passé soit 410 millions de francs.
Ce rapide survol des chiffres ne laisse pas augurer d'une politique ambitieuse pour l'encouragement au développement des PME et de l'artisanat, secteurs pourtant fortement créateurs d'emplois, même si nous savons tous que les mesures en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat ne se résument pas au seul budget du secrétariat d'Etat.
Cependant, même si la croissance est de retour, force est de reconnaître que votre politique économique n'est pas adaptée aux spécificités du secteur.
Nos artisans et nos entrepreneurs paient cher des choix aussi peu adaptés que les 35 heures et doivent continuer à se battre dans un milieu hostile qui se caractérise par la pression fiscale et la complexité administrative.
Les dispositions de la première partie de ce projet de loi de finances ne répondent pas non plus à leurs attentes, que ce soit en matière de TVA, de l'utilisation du fuel domestique pour les engins de chantier, de mise en place d'un dispositif pour investissement efficace.
Vous manifestez votre satisfaction en annonçant la baisse de l'impôt sur les sociétés, mais il ne concerne pas la plupart des entreprises du commerce et de l'artisanat, qui ne sont pas en forme sociétaire.
Plus grave, de nombreuses questions restent en suspens sans que vous y apportiez un simple début de réponse.
A quand, par exemple, la modernisation du statut de l'entreprise individuelle ? A quand la protection du patrimoine du commerçant ou de l'artisan ? A quand la mobilisation de l'épargne de proximité ?
Pourquoi le Gouvernement n'inscrit-il pas à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, que le Sénat a adoptée et qui répond à ces questions ?
Dans son discours au quatre-vingt-troisième congrès de l'Association des maires de France, le Premier ministre a annoncé solennellement que : « En 2001, le Gouvernement travaillera (...) à un projet de loi sur l'action économique des collectivités locales ».
Est-ce là un trait d'humour ? On peut s'interroger quand on sait que, dès 1997, un tel projet était envisagé et qu'a déjà circulé l'avant-projet Zuccarelli.
En fait, nous constatons un manque total d'ambition de la part du Gouvernement pour encourager les petites entreprises et l'artisanat à se développer, à demeurer dans certaines parties de notre territoire, à conquérir de nouveaux marchés, à résister à la concurrence et à s'ouvrir à l'international.
En résumé, ce projet de budget ne répond pas aux interrogations de nos artisans, commerçants et entrepreneurs.
Je me permettrai donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de me faire ici l'écho de leurs préoccupations et je vous poserai plusieurs questions.
Premièrement, que comptez-vous faire pour limiter l'impact négatif des 35 heures ? En effet, les PME sont confrontées au dilemme suivant : appliquer les 35 heures coûte très cher et pose d'importants problèmes d'organisation ; mais les refuser rendra les recrutements encore plus difficiles.
Car les PME ont déjà beaucoup de mal à recruter, les salaires qu'elles peuvent offrir étant généralement plus faibles que ceux qui sont versés dans les grandes entreprises. La solution passerait par un assouplissement du régime des heures supplémentaires et par des allégements de charges appropriés. Nous attendons que le Gouvernement fasse des propositions sur ce point.
Deuxièmement, pourquoi les crédits consacrés à l'animation locale sont-ils en baisse, alors même que ces financements sont particulièrement utiles en milieu rural ?
Troisièmement, que comptez-vous faire pour remédier à l'inadéquation flagrante entre le nombre de jeunes qui souhaitent s'installer et le faible nombre de reprises ? Pouvez-vous nous dire quelles leçons vous allez tirer de l'expérience de bourse de transmission menée à Limoges ?
En attendant vos réponses, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux que vous faire part de mon très grand scepticisme à propos du budget des PME, du commerce et de l'artisanat pour 2001, car il n'est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens ni d'une politique équitable du point de vue territorial. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, créer son entreprise artisanale est une décision lourde de conséquences sur les plans financier et familial. Si plus de 75 000 entreprises artisanales sont créées chaque année - 60 000 ex nihilo et 15 000 par reprise d'activité - dans le même temps, il convient de le rappeler, près de 80 000 disparaissent.
En quoi, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget apporte-t-il des réponses aux difficultés et aux inquiétudes des artisans ?
L'activité artisanale est par essence souple, s'adaptant aux besoins de la clientèle. L'artisan est un entrepreneur qui a la passion de son métier, car il l'a choisi, et il veut en vivre le mieux possible. Alors pourquoi cette loi sur les 35 heures, loi qu'il devra appliquer le 1er janvier 2002, loi d'un autre âge, rigide, malthusienne, si mal adaptée à l'économie moderne en général, à l'artisanat en particulier ? La meilleure preuve en est que vous n'avez fait aucun émule en Europe ! D'ailleurs, le Gouvernement vient heureusement de s'apercevoir combien cette loi était néfaste aux PME et aux artisans en proposant « un assouplissement des conditions d'application », pour citer le ministre de l'économie.
Aujourd'hui, la conjoncture est porteuse et beaucoup de corps de métier veulent embaucher. Cette embauche est très difficile en raison de l'insuffisante formation professionnelle : la seule issue pour pouvoir faire face à la demande est donc la souplesse des heures supplémentaires.
Si cette loi est désastreuse pour l'artisan, elle l'est aussi pour le salarié, qui travaille également pour gagner sa vie le mieux possible. Vous êtes-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, mis à la place d'un salarié qui veut vivre mieux, donner à ses enfants la possibilité de faire des études, améliorer son logement, s'offrir des loisirs et à qui vous dites : « C'est interdit ! » ?
Mme Odette Terrade. Ce n'est pas en faisant des heures supplémentaires qu'il pourra se les offrir ; c'est en percevant un bon salaire !
M. Aymeri de Montesquiou. En somme, vous contraignez ceux qui vivent dans des conditions sociales modestes à y rester. C'est pourquoi cette loi est antisociale. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Nous n'avons même pas la même vision du social !
M. Aymeri de Montesquiou. Vous agissez comme si vous n'imaginiez pas qu'un salarié puisse aspirer à mieux vivre. Je ne veux pas le croire !
En plus de la contrainte prochaine des 35 heures, les artisans doivent déjà subir les contraintes administratives qui, souvent, les font renoncer à embaucher. Vous êtes-vous déjà mis à la place d'un couple d'artisans qui passe de longues heures à des travaux administratifs dont il ne voit pas l'utilité et qui n'ont pas de finalité économique ?
La loi d'orientation pour l'artisanat, appelée de nos voeux depuis plusieurs années, devrait enfin voir le jour en 2001, du moins à la fin de l'année 2001, comme vient de le préciser M. Fabius. Apportera-t-elle les simplifications administratives tant attendues et instaurera-t-elle un statut pour les conjoints ?
Je dirai un mot de la vignette automobile. Vous l'avez supprimée pour les véhicules jusqu'à 2 tonnes. Pourquoi avoir adopté une demi-mesure ? Pourquoi n'avez-vous pas pris la décision d'aller jusqu'à 3,5 tonnes ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. C'est 900 millions de francs !
M. Aymeri de Montesquiou. Pourquoi ne pas avoir étendu cette mesure à l'ensemble des véhicules utilisés par les artisans ?
Pour reprendre vos termes, les artisans attendent « des preuves d'amour et pas seulement des mots d'amour ». Les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen attendent également...
Mme Odette Terrade. Des mots d'amour ? (Sourires.)
M. Aymeri de Montesquiou. ... que vous passiez à l'acte !
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la problématique budgétaire, quand on parle des crédits ouverts pour l'action de l'Etat en direction des petites et moyennes entreprises d'un côté, de l'artisanat et du commerce de l'autre, dépasse les simples engagements qui apparaissent à la lecture des documents budgétaires disponibles.
Dans les faits, il y a longtemps que le véritable budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat est un budget non pas de dépense budgétaire, mais de dépense fiscale.
La même observation vaut évidemment pour le budget de l'industrie, que nous venons d'examiner, car il procède de la même construction. Elle vaudra également pour le budget du commerce extérieur, dès lors que l'on garde à l'esprit que la première des incitations à l'export est, dans notre pays, l'exonération de TVA.
Afin d'appréhender le budget qui nous occupe ce soir, il nous faut garder à l'esprit le coût des mesures qui ont été votées en première partie : la taxation à taux réduit des 250 000 premiers francs de bénéfice des PME, la suppression de la surtaxe Juppé ou encore l'application de l'article 44 sexies, qui coûte 1 milliard de francs, mais aussi la réforme de la fiscalité directe locale, notamment l'extinction progressive de la part taxable des salaires.
Dans un autre domaine, il faut citer les effets de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, puisque le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, prend à sa charge plus de 60 milliards de francs de dépenses liées à la ristourne progressive sur les bas salaires et à son extension.
Cela dit, même en prenant en compte ces importants moyens extrabudgétaires, le budget que nous examinons permettra-t-il de développer pleinement les possibilités d'emploi qu'offre ce secteur ? Je pense, en particulier, aux besoins de formation qui s'y expriment très fortement. L'Etat doit y contribuer, tout comme les entreprises. C'est pourquoi nous défendons le principe d'une cotisation sociale additionnelle pour les revenus financiers des entreprises.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen des crédits destinés au tourisme, répondre à l'exigence de qualification qui s'exprime dans les PME, le commerce et l'artisanat est essentiel à la revalorisation de ces métiers. C'est également vrai pour l'amélioration des conditions de travail et le niveau des salaires.
Ces mesures auraient, à n'en pas douter, des effets positifs sur les choix des filières de l'apprentissage pour les jeunes.
Plus généralement, il nous faut nous demander si les engagements de l'Etat en termes de dépenses budgétaires, et surtout de dépenses fiscales, dans ce domaine sont porteurs de résultats pour le développement de l'activité et les créations d'emploi.
A cet égard, permettez-moi de souligner la contradiction qui apparaît dans la position de nos collègues de la majorité de la commission des finances. En effet, ils rejettent l'ensemble des crédits ouverts sur ces chapitres mais acceptent que la loi de financement de la sécurité sociale ou la première partie de la loi de finances consacrent l'allégement des obligations sociales et fiscales des entreprises.
Nos collègues souhaitent-ils la disparition pure et simple de l'intervention publique en termes d'aide au commerce et à l'artisanat, d'utilisation des importantes recettes des organismes consulaires au profit de la formation et du conseil en gestion, de bonification des emprunts souscrits par les PME, les commerçants et les artisans ?
Pour notre part, dans le droit-fil de la proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain et citoyen sur le contrôle des fonds publics et de la mise en oeuvre des fonds régionaux de développement dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, nous souhaitons que soit largement repensée la politique publique en faveur des PME, du commerce et de l'artisanat.
Pour nous, la question cruciale, de ce point de vue, est non pas celle de l'importance des allégements fiscaux et sociaux dont nous avons peuplé notre législation ces dernières années et qui ne permettent de réaliser de véritables « économies d'échelle » qu'aux plus grandes entreprises, celles-ci ayant une vision stratégique de la gestion de leur masse salariale, mais celle de l'allégement de la contrainte financière que les banques et les établissements de crédit continuent de faire peser sur ces secteurs.
L'effet de levier de l'engagement de la banque de développement des PME auprès d'une entreprise ayant sollicité son intervention dans un plan de financement est connu. Il doit être vivement encouragé et nous pensons qu'il faut s'engager vers la création d'une ligne prioritaire de prêts aux entreprises, assortis, dans un premier temps, de taux d'intérêt égaux à l'inflation et, dans un second temps, d'un taux d'intérêt nul.
Comment ce qui a été possible, à une époque, pour l'acquisition de logements ne le serait-il pas pour le financement des projets des PME, des commerçants et des artisans ?
S'agissant du FISAC, le groupe communiste républicain et citoyen est attaché à la pérennité du financement des actions. Ce fonds doit pouvoir continuer à être mobilisé pour la rénovation des centres commerciaux dans les quartiers dégradés ou en zone rurale.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Odette Terrade. Il est donc nécessaire de le consolider afin d'assurer le financement des actions de développement économique.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, mon groupe appelle de ses voeux une réforme structurelle de la politique à l'égard des PME, du commerce et de l'artisanat, notamment en matière de financement et de crédit, les dispositions existant aujourd'hui n'étant favorables qu'aux grosses entreprises, par ailleurs peu soucieuses de l'emploi.
Toutefois, nous mesurons l'ampleur du travail accompli par le Gouvernement dans ce secteur. J'en profite pour saluer l'action dynamique et toujours très attentive de Mme Lebranchu, qui vous a précédé à votre poste. Je ne doute pas que nous retrouverons avec vous l'esprit qui l'animait.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1997, on assiste à une forte croissance de l'économie française : elle est proche, en moyenne, de 3,2 % et devrait rester supérieure à 3 % l'an prochain. Autrement dit, elle devrait se situer au-delà des estimations qui nous avaient conduits, voilà un an, à n'anticiper qu'une croissance de 2,8 % lors du vote de la loi de finances pour 2000.
Les créations d'emploi n'ont jamais été aussi nombreuses : 380 000 en 1998, 480 000 en 1999 et probablement plus de 500 000 cette année.
Le chômage n'a jamais autant reculé, ni aussi vite : son taux est passé de 12,6 % à 9,4 % en trois ans et demi. La France occupe désormais la première place européenne en termes de diminution du taux de chômage sur l'année écoulée, remarquait la semaine dernière le Bureau international du travail.
La France est entrée dans un cycle de croissance globalement favorable, et cette croissance a bénéficié aux petites et moyennes entreprises. Leur rôle a été essentiel en matière de création d'emplois.
Pendant les années de crise, les PME ont créé quelque 1 200 000 emplois, alors que les grandes entreprises en perdaient près de 800 000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes en charge d'un secteur qui, avec 900 milliards de francs de chiffre d'affaires et 10 % de la population active, représente l'un des moteurs économiques les plus puissants de notre pays.
Le détail chiffré des crédits propres au secrétariat d'Etat a été exposé par les rapporteurs ; je n'y reviens donc pas.
En revanche, j'aborderai plus particulièrement deux points : le FISAC et l'accès au financement de ces entreprises, laissant mon ami Pierre-Yvon Trémel traiter de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, s'inscrit dans l'un des projets prioritaires du Gouvernement : l'aménagement du territoire. Vous envisagez le développement des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat dans une dimension résolument territoriale.
A cet égard, votre secrétariat d'Etat gère un outil fondamental, le fonds d'intervention pour la sauvegarde du commerce et de l'artisanat, autrement dit le FISAC.
Ce fonds est alimenté par la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, prélevée sur les grandes surfaces ; son montant pour 2000 s'est élevé à 410 millions de francs.
Nous savons que le FISAC est au coeur d'une réflexion très large. Elle porte, en premier lieu, sur le montant de son enveloppe. La taxe sur les grandes surfaces doit revenir dans une plus juste proportion au FISAC, pour redonner aux collectivités les moyens de développer le commerce et l'artisanat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Je suis d'accord !
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Bernard Dussaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous appréciez très justement la portée de ce fonds et vous vous êtes engagé, lors de la discussion de vos crédits à l'Assemblée nationale, à intervenir auprès du ministre de l'économie et des finances ainsi qu'auprès du Premier ministre pour obtenir une somme plus conforme à ce que l'on pourrait attendre du prélèvement sur la TACA. Vous avez même parlé de 600 millions de francs. Avez-vous des précisions à nous apporter à ce sujet ?
Au-delà de la question d'une meilleure alimentation du FISAC, il serait légitime qu'une part accrue de cette taxe sur les grandes surfaces revienne aux artisans et aux commerçants pour financer, notamment, l'aide à la transmission, l'aide à la reprise, l'aide à la création. Je ne peux m'empêcher de souligner de nouveau la perversité du système actuel de l'aide au départ, qui n'incite pas à la transmission.
Le deuxième point, très développé cette année, est l'inquiétude suscitée par une éventuelle budgétisation du FISAC. Nous craignons, en effet, qu'elle ne soit défavorable au financement de projets longs à mettre en oeuvre, comme la restructuration des centres-bourgs, par exemple. Il m'a semblé comprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous étiez plutôt opposé à cette éventualité. Qu'en est-il au moment où l'on parle de plus en plus d'une réforme de l'ordonnance de 1959 ?
Le dernier point que je souhaite aborder à propos du FISAC concerne sa mise en oeuvre et le traitement des dossiers.
A ce propos, le constat est unanime : une lourdeur certaine. Depuis sa création, le personnel chargé de traiter les dossiers n'a pas augmenté, alors que le nombre des dossiers n'a plus rien à voir avec ce qu'il était auparavant. Il faut désormais un certain temps - un peu long - entre la demande et l'accord pour les subventions.
S'agissant, enfin, de l'accès au financement des petites et moyennes entreprises, avec la baisse des taux d'intérêt, les prêts bonifiés ont perdu leur raison d'être. Il leur a donc été substitué un mécanisme de garantie de prêt.
Il faut saluer très vivement le lancement, le 10 octobre dernier, du prêt à la création d'entreprise, le PCE, destiné aux petits projets. Il s'agit d'un crédit, sans garantie ni caution personnelle du chef d'entreprise, destiné à financer les besoins en fonds de roulement et les investissments immatériels des entreprises en phase de démarrage - moins de trois ans - dont les projets sont inférieurs à 45 000 euros, soit 295 881 francs. Ce prêt à la création d'entreprise est nécessairement accompagné d'un prêt délivré par une banque, d'un montant pouvant atteindre le double du PCE. Il semblerait que ce dispositif rencontre déjà un réel succès.
En ce qui concerne les dispositions fiscales et sociales, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rendu hommage à votre prédécesseur, Mme Marylise Lebranchu, à plusieurs reprises. Je me permets de saluer à mon tour son sens de l'écoute et du dialogue, qui ont permis d'établir un climat de confiance avec les représentants des professionnels, climat indispensable pour mener à bien un certain nombre de dossiers. Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez maintenir ce dialogue, car vous avez également le sens de l'écoute, vous l'avez montré dans d'autres domaines.
Des dispositions fiscales ont été prises au cours de l'année 2000 et d'autres ont été proposées dans le projet de loi de finances pour 2001. Elles permettront de donner une nouvelle impulsion au développement et à la création des petites et moyennes entreprises.
On ne peut pas laisser dire que rien n'est fait lorsque des mesures sont prises : la baisse de l'impôt sur les sociétés visant spécifiquement les PME, avec la réduction du taux normal de l'impôt sur les société à 25 % et à 15 % pour la fraction des bénéfices inférieurs à 250 000 francs, disposition qui concernera 270 000 entreprises ; la baisse du coût de la création d'une entreprise, avec la suppression, depuis la mi-juillet, des droits de timbre et d'enregistrement, des frais de publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, des frais dus à l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, lors de la création - désormais, l'Etat ne perçoit plus aucune taxe sur la création d'entreprise, soit une économie de 3 000 francs pour une société et environ 500 francs pour une entreprise individuelle - enfin, l'allégement et la simplification des charges sociales pour les créateurs d'entreprise à compter du 1er juillet 2000.
Dans le domaine social, les avancées sont également très significatives : l'alignement des prestations d'assurance maladie des travailleurs indépendants sur celles du régime général, mesure qui sera effective en janvier 2001 ; l'amélioration significative du régime d'indemnité, la réduction du délai de carence en cas de maladie ayant été porté de quinze à trois jours depuis le 1er juillet dernier.
Travailler à l'amélioration des conditions de développement des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat nécessite une coordination importante des volontés. C'est ainsi que le Gouvernement a travaillé. Les dispositions adoptées cette année l'ont été dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de la loi de finances et de la loi relatives aux nouvelles régulations économiques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez souligné à l'Assemblée nationale, il nous faut continuer de progresser dans « des domaines aussi essentiels que ceux de l'aménagement du territoire, de la fiscalité, des questions sociales et de la formation ».
La réflexion sur la création d'entreprise se poursuit avec la mission confiée à Jean-Marie Bockel, député du Haut-Rhin, sur la simplification de la création d'entreprise, de la vie des créateurs d'entreprise et de la gestion de leur entreprise.
On fait déjà état d'une proposition, actuellement à l'étude car sa mise en application n'est pas simple, de la création d'un chèque emploi-service pour l'embauche d'un premier salarié ou d'un premier apprenti. Cela me semble vraiment très intéressant.
Deux parlementaires en mission vont travailler en collaboration étroite avec les représentants professionnels à un état des lieux en vue de l'élaboration de ce qui devrait être prochainement une loi d'orientation artisanale. Nous avons pu mesurer l'écho très favorable de cette annonce lors du vingt-cinquième congrès de l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, qui a souligné que « les représentants de l'Etat ne se sont pas contentés de bonnes paroles, affichant leur détermination à améliorer l'environnement des petites entreprises ».
Je formulerai toutefois quelques remarques.
Il est essentiel d'effectuer un réel travail au niveau de la revalorisation des professions artisanales et de la formation pour sortir de ce paradoxe insupportable du chômage et du manque de main-d'oeuvre.
Enfin, la loi sur la réduction du temps de travail est difficile à mettre en place par les petites entreprises...
M. André Jourdain. Très juste !
M. Bernard Dussaut. ... et plus partiuclièrement pour les entreprises artisanales dont les revenus sont directement liés au temps passé. Un assouplissement est attendu.
M. André Jourdain. Très bien !
M. Bernard Dussaut. En conclusion, je souhaite me placer dans une perspective européenne. Les 29 et 30 juin dernier, le Conseil européen a approuvé la charte européenne des petites entreprises, soulignant ainsi l'importance que revêtent les petites entreprises pour la croissance, la compétitivité et l'emploi dans l'Union.
Parallèlement, pour la première fois, une conférence de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, a inscrit le thème des PME sur l'agenda international. Il en est sorti un texte modeste, la charte de Bologne, mais qui marque un premier pas vers la reconnaissance du poids économique et social et du dynamisme des petites entreprises dans le monde.
Ces deux textes confirment la prise en considération au niveau politique, sur un plan international, du rôle des petites entreprises et de leurs caractéristiques. Le Gouvernement a déjà fort bien intégré ces principes en mettant la politique qu'il conduit à leur service. Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, face aux évolutions technologiques que connaît actuellement le monde du commerce, de l'artisanat et des petites entreprises, il est désormais indispensable de lui venir en aide tant sur le plan de l'amélioration de sa compétitivité que sur le plan de sa survie.
Comment améliorer sa compétitivité, donc assurer sa survie ? Il convient, d'abord, d'adapter les formations au mieux des besoins des entreprises. Pour cela, il ne faut pas, comme le Gouvernement le fait pour l'année 2001, « toucher » à l'apprentissage.
Le recentrage de l'aide à l'embauche vers les entreprises de dix ou vingt salariés au plus concerne beaucoup d'entreprises relevant de votre secrétariat d'Etat. Mais vous avez également en charge les petites et moyennes entreprises de plus de vingt salariés, monsieur le secrétaire d'Etat. Celles-ci ne comprennent pas cette mesure, alors que le chômage des jeunes reste encore trop important et qu'elles manquent cruellement de main-d'oeuvre, et de main-d'oeuvre qualifiée. Pourquoi avoir pris cette mesure à contresens ?
D'ailleurs, ce que demandent de nombreux chefs d'entreprise, ce ne sont plus des stages alternatifs de huit ou quinze jours en entreprise qui n'intègrent aucunement le stagiaire dans l'entreprise.
Pourquoi ne pas instaurer, dans des conditions qui restent, bien sûr, à définir, un stage de première expérience professionnelle, par exemple d'une durée minimale de six mois ? En effet, ce n'est qu'après au moins une telle durée, voire une durée plus souvent supérieure - un an, deux ans - selon les entreprises, que le nouvel employé est complètement intégré dans l'entreprise et peut donner, à plein, la mesure de ses compétences.
Un tel stage pourrait également être mis à profit pour préparer les transmissions d'entreprise dans l'artisanat, le commerce et aussi - mais ce n'est pas votre domaine, monsieur le secrétaire d'Etat - dans l'agriculture. En effet, M. le rapporteur spécial le disait tout à l'heure, combien d'entreprises « viables » disparaissent, faute de successeur ?
L'idée serait que, sur un ou deux ans, le futur repreneur vive sur l'entreprise avec le cédant. Cela lui permettrait de bien la connaître avec ses clients, ses fournisseurs, de parfaire ses formations techniques ou de gestionnaire. Un tel stage pourrait être soutenu par l'Etat avec une aide semblable à celle qui est apportée aux emplois-jeunes des secteurs public et associatif.
Combien d'argent consacré à cette action emplois-jeunes sera perdu ? Il aurait été beaucoup plus utile s'il avait été utilisé pour mettre en place de tels stages, beaucoup plus efficaces en matière d'emplois pérennes. N'est-ce pas votre sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat ?
En ce qui concerne les compétences nécessaires à l'évolution des PME, je veux aborder avec vous le contenu de la proposition de loi relative au multisalariat, que j'ai déposée et qui a été adoptée par le Sénat.
Ce texte a un double objet : permettre aux salariés qui le désirent de travailler à temps partagé dans plusieurs entreprises et apporter aux entreprises - c'est surtout cela qui vous concerne, monsieur le secrétaire d'Etat - des compétences qui leur sont indispensables, mais qui ne justifient pas cependant la création d'un poste à temps plein. Cette pratique existe déjà dans les faits. Elle n'est pas en opposition avec les groupements d'employeurs. Elle est très appréciée par les PME, qui peuvent ainsi intégrer des compétences de façon permanente.
Les multisalariés ont aujourd'hui besoin d'être reconnus et d'avoir un véritable statut pour lever les freins à leur embauche. Je voudrais donc connaître votre avis et vos intentions sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat.
Enfin, pour leur compétitivité, donc pour leur survie, les entreprises ont besoin de services de proximité. Parfois, des services semi-publics ou portés par des associations leur donnent des conseils et des renseignements ; ils établissent entre elles des synergies, leur organisent des démarches communes, par exemple des participations à des salons, ou les aident à se créer. Mais l'existence de ces services est bien souvent liée à la volonté et aux capacités des associations qui les offrent. Ces associations ont des hauts, mais aussi des bas ; elles disparaissent parfois, et les entreprises se retrouvent alors seules devant leurs problèmes.
Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que des initiatives privées permettraient de mieux pérenniser de tels services de proximité ? Des initiatives privées pourraient également assurer la collecte d'une épargne de proximité qui s'investirait dans les entreprises locales. Avez-vous des propositions à faire à ce sujet ?
Il fut un temps où le manque de travail plaçait les artisans, commerçants et chefs de PME dans une grande inquiétude au sujet de leur avenir. Ils constatent, stupéfaits, que les charges importantes de travail qu'ils enregistrent actuellement les laissent dans le même état, car ils se heurtent aux mêmes difficultés : manque de main-d'oeuvre, manque de personnel qualifié, manque de fonds propres et, pour certains, difficulté de transmission de leur entreprise, le tout couronné par les 35 heures.
Votre département d'origine, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est pas si éloigné du mien pour savoir que vous êtes un homme de terrain et que vous devez comprendre les soucis dont je vous ai fait part. Peut-être répondrez-vous positivement à certains. Cependant, compte tenu des propositions contenues dans votre budget - car il s'agit d'évaluer cela, et non pas de juger vos intentions -, je ne pourrai pas, pas plus que mes collègues du Rassemblement pour la République, voter le budget des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des petites entreprises, du commerce et de l'artisanat dont nous sommes saisis connaît une légère régression en francs constants après avoir été relativement stable pendant plusieurs années. Il est vrai qu'une grande partie des crédits sont extérieurs au budget, ce qui n'est pas sans poser un problème au niveau du contrôle parlementaire, comme l'a noté très justement notre collègue et ami René Ballayer, rapporteur spécial.
Mon propos portera, en fait, sur la politique générale du Gouvernement à l'égard du secteur des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Les responsables de ce secteur ont actuellement deux grandes préoccupations : d'une part, l'application des règles de la concurrence et, d'autre part, l'évolution indispensable de la fiscalité dans le cadre européen.
Le premier sujet a été longuement abordé au Sénat au cours du mois d'octobre dernier, lors de l'examen du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. J'ai eu l'honneur d'être le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur le titre Ier de la deuxième partie du projet de loi relatif à la moralisation des pratiques commerciales.
Je rappellerai en quelques mots les enjeux du débat et les principales propositions du Sénat.
Si les dispositions de la loi du 1er juillet 1996 relatives à l'interdiction des prix abusivement bas et à la revente à perte sont, dans l'ensemble, plutôt respectées, il n'en est pas de même, malheureusement, des règles concernant les rapports entre founisseurs et revendeurs.
L'actuel déséquilibre des forces est évidemment la conséquence directe de la concentration croissante du secteur de la grande distribution à laquelle nous avons assisté ces dernières années. Je ne citerai pas dans le détail l'ensemble des pratiques contestables qui caractérisent trop souvent le monde de la grande distribution, mais mentonnerai, pour mémoire les « déréférencements » abusifs, les divers rabais et ristournes, la vente des meilleurs emplacements à des prix exorbitants, le développement du crédit fournisseur, les règlements off-shore, sans parler de la multiplication des marques de distributeurs, qui permettent à la grande distribution d'imposer ses prix et d'accroître encore ses marges bénéficiaires.
Au premier rang des victimes de cette situation figurent évidemment les agriculteurs. Les grandes surfaces réaliseraient une marge brute de près de 350 %, en moyenne, sur l'ensemble des produits agricoles ! Leur positionnement sur les marchés européen et mondial leur permet incontestablement de spéculer à l'envi sur les prix et d'acheter les produits dans les conditions les plus profitables.
La situation de dépendance que connaissent les agriculteurs est encore plus mal ressentie par les petites et moyennes industries, qui, le plus souvent, ne disposent pas d'une puissance de vente suffisante. Pour beaucoup d'entre elles, un simple déréférencement prend l'allure d'un véritable arrêt de mort, à court terme ou à moyen terme.
Le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques - toujours en attente de la réunion d'une commission mixte paritaire - comporte, à cet égard, un certain nombre de mesures positives ; je pense surtout à l'amélioration du texte de l'ordonnance de décembre 1986, notamment avec l'ajout à la liste des pratiques abusives des « nouveautés » que sont la coopération commerciale fictive et l'abus de dépendance économique ; je pense aussi au renforcement des moyens d'action des pouvoirs publics. Le Sénat a enrichi encore le texte, notamment en confortant le rôle de la commission d'examen des pratiques commerciales et en renforçant la transparence de la coopération commerciale.
En outre, nous avons adopté un amendement visant à transposer une directive européenne du 29 juin 2000 qui pose le principe d'un délai de paiement maximal de trente jours.
Chacun, en France, reconnaît le caractère excessif des délais de paiement qui, en fait, consistent, pour une entreprise, à reporter sur ses fournisseurs ses problèmes de liquidités. C'est un mal bien français, corollaire, sans doute, de la lourdeur des charges fiscales et sociales et de l'insuffisance, dans notre pays, du partenariat avec le secteur bancaire.
Dans le domaine fiscal, les responsables des petites et moyennes entreprises, les commerçants et les artisans attendaient beaucoup du budget pour 2001. Leurs attentes sont globalement déçues. L'ensemble du secteur productif ne fait pas l'objet d'un effort suffisant de réduction d'impôts. Pour des raisons tenant à la fois au caractère contradictoire des demandes de sa propre majorité parlementaire et à la proximité des échéances électorales, le Gouvernement a opté pour un saupoudrage d'allégements fiscaux, sans réel discernement ni logique économique.
De son côté, le Sénat a souhaité envoyer un signal en faveur de l'ensemble des entrepreneurs en reprenant un certain nombre de leurs propositions lors de l'examen des articles fiscaux du projet de loi de finances. Je pense ici, en particulier, à l'accélération de la baisse de l'impôt sur les sociétés en faveur des petites entreprises, au relèvement du plafond du salaire du conjoint collaborateur déductible des bénéfices ainsi qu'à l'exonération de la vignette en faveur de l'ensemble des personnes morales.
J'insisterai un court instant sur une autre mesure, depuis longtemps espérée par le secteur de la restauration : je veux parler, bien sûr, de la réduction du taux de la TVA sur les repas à consommer sur place. Nous venons d'adopter un amendement dans ce sens, en première partie du projet de loi de finances. Ces dernières années, je suis intervenu à différentes reprises dans le même sens avec plusieurs de mes collègues du groupe de l'Union centriste.
Le rapport Lorenzi, faisant suite lui-même au rapport Salustro, met en évidence une distorsion, en la matière, entre la France et les autres grands pays touristiques d'Europe. Ainsi, la TVA sur la restauration traditionnelle atteint 10 % environ en Espagne, en Grèce, en Italie et au Portugal, contre 19,6 % en France !
Les différentes interventions faites auprès de M. Fabius n'ont reçu qu'une réponse, d'un genre que nous connaissons bien : il est impossible de traiter ce sujet pour l'instant ! Or, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitions rechercher avec objectivité un dispositif qui permette d'harmoniser les taux européens applicables dans ce secteur d'activité plutôt que de poursuivre un débat stérile ouvert depuis plusieurs années déjà.
En conclusion, les dirigeants des PME françaises attendent de l'Etat qu'il joue à bon escient son rôle d'arbitre, tandis que leurs secteurs d'activité traversent une période de mutations à la fois profondes et rapides. Autant que des facilités de crédit, ils attendent de leur gouvernement des règles plus équitables et de vraies baisses de charges.
Monsieur le secrétaire d'Etat, profitons de cette période économique favorable pour régler les problèmes de l'ensemble du secteur dont vous avez la charge plutôt que de devoir continuer à intervenir à chaud, comme nous avons malheureusement trop souvent l'habitude de le faire.
Je tiens à féliciter pour leur excellent travail, le rapporteur spécial, M. René Ballayer, le rapporteur pour avis, M. Gérard Cornu, et les deux commissions saisies. Le groupe de l'Union centriste suivra évidemment leur avis et ne votera donc pas le budget des PME, du commerce, de l'artisanat et de la consommation pour 2001. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des PME, du commerce, de l'artisanat pour 2001, caractérisé par son faible volume, concerne cependant la quasi-totalité des entreprises françaises - plus de 99 % - et les deux tiers des travailleurs, pour plus de la moitié du chiffre d'affaires et de la valeur ajoutée de notre pays.
Il est également en prise directe sur les difficultés quotidiennes vécues par beaucoup d'entreprises, notamment les plus petites d'entre elles.
Or ce sont ces très petites entreprises, les TPE, disons celles qui emploient moins de cinquante salariés, qui seront au centre de ma brève intervention, car je partage leur passion et je mesure, comme tous nos collègues, d'ailleurs, leur apport décisif à l'activité économique, à l'emploi et à l'animation du territoire.
Ce projet de budget proposé en progression comporte quelques grands axes que j'approuve et sur lesquels je souhaite m'attarder plus précisément.
Il s'agit de la formation professionnelle des commerçants et des artisans, qui se révèle indispensable en ces temps de mutation, et du développement du commerce de proximité, notamment en centre-ville par l'entremise du FISAC. Au passage, je m'associe à nos collègues qui demandent l'abondement de ce fonds et le maintien, nécessaire, de son autonomie. Il ne serait pas compréhensible, en effet, que ce fonds voie son financement perdu dans des masses dont nous ne serions pas finalement quelle est l'affectation.
Je m'intéresserai également à l'accès des TPE et des PME au crédit.
Pour ces différentes actions, le Gouvernement met à la disposition du secrétariat d'Etat un peu moins de 389 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement et 25,5 millions de francs en autorisations de programme, ce qui n'est pas rien !
Dans ce projet de budget pour 2001, vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, de nouvelles avancées, après d'importants progrès réalisés grâce au gouvernement de M. Jospin et grâce à l'exceptionnelle compétence et à la disponibilité de Mme Lebranchu, depuis 1997.
Ces nouvelles avancées concernent la réduction et la simplification des formalités de création d'entreprise, la diminution des coûts de création, l'aide au financement de l'innovation et des petits projets, l'accueil et l'accompagnement du créateur d'entreprise.
Cette politique est déjà bien engagée. Elle sera poursuivie par vous, qui êtes un élu de terrain, ce dont nous nous réjouissons. J'en suis particulièrement heureux dans la mesure où j'ai moi-même fondé, en 1986, et j'anime toujours, une Maison des entreprises sur le territoire de ma commune et à destination de tout le bassin d'emploi. Elle a désormais une légitimité nationale. La délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, s'en sert comme d'une référence.
J'y ai installé, outre tous les services aux entreprises, évidemment, un lieu de rencontre, de réflexion et d'animation avec les chambres consulaires et les chefs d'entreprise, en étroite collaboration avec le laboratoire de recherche qu'anime M. le professeur Marchenay, grand spécialiste européen des TPE, dans le cadre de l'université montpelliéraine. J'aurai sans doute l'occasion de vous en reparler.
En deuxième lieu, la politique de simplification des formalités administratives doit être soutenue et encouragée.
Depuis deux ans, le Gouvernement s'est engagé dans cette voie. J'aurai l'occasion de vérifier, sur le terrain, à quels résultats concrets elle a abouti, et je vous informerai du bilan dressé.
Enfin, comment ne pas encourager le rôle croissant de la banque de développement des PME, récemment réorganisée, après tant de moments difficiles ?
En 1999, elle a participé à la mise en place de 47 milliards de francs de financements à moyen terme et à long terme en faveur de 36 000 entreprises, soit plusieurs dizaines de milliers d'emplois. Lors des débats sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, j'avais moi-même proposé d'instaurer un service universel bancaire garantissant à tous les usagers, entre autres, l'accès à un prêt d'honneur pour la création d'entreprise.
La Haute Assemblée n'a pas jugé opportun de suivre mon initiative, mais le Gouvernement m'a comblé en instaurant le prêt à la création d'entreprise, dont nous attendons beaucoup.
Voilà quelques réflexions générales, trop rapides, trop schématiques, sans doute, mais c'est la règle de ce débat. Je conclurai en disant que je souhaite y accompagner l'effort du Gouvernement dans ce secteur trop souvent méconnu. Aussi, avec les sénateurs radicaux, je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le secrétaire d'Etat, le département ministériel dont vous avez la charge exerce une influence décisive en termes de développement économique, d'emploi, d'aménagement du territoire, de formation, d'innovation.
Ce n'est pas rien !
Depuis trois décennies, les PME sont les entreprises qui comptent en matière d'emploi.
Ainsi, de 1981 à 1998, les entreprises de moins de vingt salariés ont créé plus de 1 200 000 emplois, alors que celles de plus de deux cents salariés en ont, elles, perdu 800 000.
L'artisanat, nous le savons bien, nous l'observons dans nos départements, constitue « la première entreprise de France ». Qu'on en juge : avec 250 métiers, 820 000 entreprises, 2 300 000 femmes et hommes compétents et qualifiés, l'artisanat réalise 900 milliards de francs de chiffre d'affaires.
L'artisanat est au coeur du territoire et du développement local. Il forme la trame d'un tissu de microstructures économiques et de services qui façonnent la France et dessinent son visage de tous les jours.
Votre projet de budget ne peut, bien entendu, refléter l'importance considérable de ce secteur. Néanmoins, il possède un effet démultiplicateur essentiel.
Je me réjouis qu'il soit stabilisé depuis trois ans, après des baisses sensibles en 1996 et en 1997. C'est même, pour 2001, un projet de budget aux moyens consolidés.
J'ai eu l'honneur et le plaisir d'organiser, au Sénat, au début du mois de juillet, des rencontres sur l'apprentissage. La richesse des témoignages et l'urgence exprimée par les artisans à l'occasion de ce colloque notamment sur certaines revendications me font un devoir de centrer mon intervention sur ce thème.
Pour que l'artisanat féconde l'activité économique comme le développement social et assure la vitalité des territoires, il faut non seulement mener une politique forte de l'artisanat, mais également que les artisans aient été, en amont, soigneusement et sérieusement professionnalisés.
En ce qui concerne le premier point, une politique forte en faveur de l'artisanat, je sais que le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et vous-même avez décidé - M. Bernard Dussaut y a fait allusion tout à l'heure - de confier à deux parlementaires en mission le soin de préparer, dans la concertation, les fondements de ce qui devrait devenir une loi d'orientation pour l'artisanat définissant les voies et moyens d'un développement de l'artisanat pour le début du xxie siècle. Il serait intéressant que vous puissiez nous en dire plus aujourd'hui.
S'agissant du second point, à savoir l'apprentissage, il est bon de rappeler que 360 000 jeunes ont choisi cette filière à savoir un sur deux étant formé dans l'artisanat, qu'un artisan sur deux est un ancien apprenti et, surtout, qu'un apprenti sur deux finit par créer son entreprise.
A cet égard, l'apprentissage se révèle la plus grande école de formation des chefs d'entreprise.
Hasard du calendrier, un quotidien national titre aujourd'hui : « Pénurie de main-d'oeuvre : la chasse aux jeunes ». Lorsqu'on considère la pénurie actuelle de main-d'oeuvre dans certains secteurs, tels que le bâtiment et les métiers de bouche, on se dit qu'un rendez-vous a été manqué avec l'apprentissage, qui jouit pourtant d'un taux record d'insertion professionnelle puisqu'il est de 75 %.
L'apprentissage est encore trop souvent considéré comme un substitut au système de l'éducation nationale, une voie de « recyclage » des élèves en situation d'échec scolaire. C'est très mal connaître la réalité d'une formation de haute qualité qui fait souvent appel aux nouvelles technologies, d'une pédagogie par l'alternance toujours plus performante qui représente réellement une « autre éducation ».
Le réseau des chambres de métiers s'efforce de développer sur le terrain une politique active en la matière, et je veux ici lui rendre hommage.
Il n'en demeure pas moins que les métiers manuels manquent d'attractivité s'agissant des rémunérations et qu'ils souffrent d'un problème d'image. Les pouvoirs publics doivent donc porter dans ce domaine, en coordination avec les professionnels, une attention et un effort particuliers.
Mais l'exigence qui me paraît se dégager avec le plus d'acuité est celle de la création d'un véritable « statut » pour l'apprenti. Pour que cette filière exerce une plus grande attractivité, le jeune apprenti doit être traité à peu près de la même manière que le jeune étudiant. C'est particulièrement sensible en matière de logement, de santé, d'accès à la culture et de transports, notamment en zone rurale.
L'apprenti a parfois besoin de deux logements, l'un près de l'artisan qui l'a embauché, l'autre près du CFA, le centre de formation d'apprentis, où il suit une formation théorique.
S'agissant des transports, des repas, des accès aux activités culturelles et sportives, les traitements sont très différents selon les dispositions prises par les collectivités locales et les CFA.
La principale revendication des acteurs de l'apprentissage est donc d'obtenir une généralisation des mesures positives prises par telle ou telle collectivité ou par telle ou telle chambre de métiers.
Je souscris d'ailleurs tout à fait à la proposition de mon collègue et ami costarmoricain Didier Chouat, rapporteur spécial des crédits relatifs aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat à l'Assemblée nationale, de créer un observatoire des conditions de la vie quotidienne des apprentis, sur le modèle de l'Observatoire de la vie étudiante.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je note avec satisfaction que l'aide à la formation fait partie de vos priorités budgétaires et je vous sais à l'écoute de toutes ces questions.
Je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer les mesures qui pourraient être prises en faveur du service public de la formation dans le cadre du projet de loi sur la modernisation sociale, que nous examinerons prochainement. Par ailleurs, pourriez-vous avancer un calendrier qui permettrait de voir se dessiner un statut de l'apprenti ?
Votre prédécesseur, Mme Marylise Lebranchu, dont on a beaucoup parlé, avait fait part de son intention de réduire le « fossé numérique » qui pourrait exister entre apprentis et étudiants, mais aussi entre les centres de formation d'apprentis, en dotant l'ensemble de ces centres de micro-ordinateurs multimédia. En raison du développement du commerce électronique, il s'agit d'un enjeu important.
Elle s'était, par ailleurs, souciée d'une meilleure répartition de la taxe d'apprentissage, par une péréquation de la ressource.
Reprendrez-vous ces orientations auxquelles j'apporte mon soutien ?
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi d'évoquer simplement, puisqu'ils ont déjà été abordés, trois sujets qui font l'actualité dans votre secteur de compétence : le financement des chambres de métiers, la vignette et le FISAC.
Je souhaiterais tout d'abord connaître votre position à propos du financement des chambres de métiers.
S'agissant de la vignette, il faut objectivement remarquer que l'exonération limitée à deux tonnes pour les entreprises individuelles n'est pas comprise.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Pierre-Yvon Trémel. Quant au FISAC, dont M. Dussaut a savamment parlé, cet outil extrabudgétaire est très apprécié. On parle aujourd'hui de budgétisation. Avant toute décision, il faut de la réflexion et de la concertation. Mais ce qui me paraît fondamental, c'est le montant des sommes affectées à ce fonds, la rapidité d'intervention et de décision.
Tout à l'heure, votre point de vue sur ces trois priorités sera sans doute bien écouté.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre crédit est plus important que votre budget, et vous avez toute notre confiance pour le démultiplier au bénéfice du développement économique, de l'emploi et de l'aménagement du territoire. Vous nous avez montré, dans d'autres domaines, que vous avez des idées et du courage. Le groupe socialiste est à vos côtés pour votre nouvelle mission. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la force économique que représentent l'artisan ainsi que la petite et moyenne entreprise pour notre pays.
Nos rapporteurs, M. René Ballayer, au nom de la commission des finances, et M. Gérard Cornu, au nom de la commission des affaires économiques ont, avec talent, précision et, surtout, réalisme, disséqué le budget qui est soumis à notre appréciation. Je félicite nos collègues des excellents rapports qu'ils nous ont présentés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi néanmoins de constater que, avec moins de 400 millions de francs, le budget du secrétariat d'Etat, donc votre budget, ne constitue pas l'instrument priviligié de la politique qui devrait être menée en faveur du commerce et de l'artisanat ; il n'est qu'un pâle reflet des efforts que le Gouvernement devrait consentir au bénéfice de nos artisans, commerçants et PME.
M. Gérard Delfau. C'est mieux que ce que vous avez fait pendant des années !
M. Joseph Ostermann. Je suis certain qu'en 2001 il vous sera possible d'affirmer davantage votre budget.
Je suis bien conscient que la santé économique du commerce et de l'artisanat est plus concernée par la conjoncture économique générale et par certaines petites mesures fiscales figurant dans la première partie du présent projet de loi de finances que par les crédits qui, à travers votre budget, sont consacrés à ce secteur.
Dans cette optique, vous me permettrez de constater que le budget de l'Etat est plus mobilisé en faveur de ce que j'appelle des décisions « idéologiques », commes les emplois-jeunes ou les 35 heures, au lieu de faire face aux demandes d'aides économiques, de clarifications et de simplifications administratives que souhaitent nos PME et nos artisans. Au cours de l'année écoulée, j'ai proposé, ici même, l'instauration, au bénéfice des petites entreprises, du chèque-emploi, sans succès pour le moment.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le montant de votre budget - moins de 400 millions de francs - doit être comparé avec le coût des 35 heures, à savoir 80 milliards de francs cette année et 110 milliards de francs en année pleine, et les 30 milliards à 35 milliards de francs consacrés aux emplois-jeunes. D'autres choix étaient possibles, qui auraient incontestablement créé ou pu créer plus d'emplois au profit du secteur marchand.
Nos artisans, nos petites et moyennes entreprises, bref nos entreprises doivent comprendre que les choix opérés ne vont pas dans la bonne direction.
Tout en rendant hommage au dévouement des responsables et aux personnels des entreprises artisanales ou commerciales et aux PME, en y associant les grandes sociétés, je me limiterai à quelques questions. Bien que nous ne soyons pas d'accord sur le fond, peut-être aurez-vous la volonté d'y répondre sur la forme ?
S'agissant des 35 heures, le report de l'application de cette loi s'impose. En période économique faste, nos très petites entreprises et nos moyennes entreprises ne trouvent pas les compagnons et employés formés en nombre suffisant dans les entreprises artisanales. Les artisans seront eux-mêmes appelés à se substituer au manque d'effectif.
En ce qui concerne la vignette, le dispositif arrêté donne-t-il satisfaction ? Assurément non ! Qui paiera la vignette ? Qui en sera exonéré ? Les artisans et commerçants, notamment des petites structures, resteront pour la plupart imposés, puisqu'il s'agit souvent de personnes morales.
Quant à la taxe sur les salaires, sa suppression aurait coûté infiniment moins cher que les 35 heures et aurait été économiquement bien plus valable. Une décision de suppression progressive s'impose.
J'en viens aux taxes ou droits que nous votons chaque année au bénéfice des chambres de métiers. La décentralisation est régulièrement évoquée sans pour autant faire confiance aux responsables locaux.
En l'occurrence, le Parlement est saisi en vue d'autoriser une augmentation de quelques francs des droits ; le ministre doit, à ma connaissance, intervenir et autoriser une variation du taux de la surtaxe. Tout cela me semble dépassé.
Les chambres de métiers et leurs conseils sont composés, me semble-t-il d'artisans, de commerçants démocratiquement élus. Laissons-les décider ! J'ai déposé un amendement en ce sens, même si j'en saisis les limites.
Peut-être pourrais-je simplement proposer d'étendre à l'ensemble de la France le dispositif qui fonctionne en Alsace-Moselle et qui donne satisfaction ?
Mes interrogations complémentaires concernent l'apprentissage et la formation professionnelle.
Dans le cadre de « l'immersion des sénateurs en milieu économique », j'ai eu l'occasion de passer quarante-huit heures en réunion de travail au sein d'une chambre de métiers dynamique. Nous avons examiné les préoccupations techniques et financières, par conséquent budgétaires.
Sur un budget de 120 millions de francs, dont les trois cinquièmes sont consacrés au fonctionnement de six CFA regroupant près de 5 000 apprentis, l'Etat apporte en tout et pour tout 1,44 % en participation à des actions prédéterminées.
Quelle est votre vision de l'apprentissage, monsieur le secrétaire d'Etat ? Les CFA sont particulièrement adaptés aux besoins. Peuvent-ils se voir financièrement suivis, d'autant plus que le coût annuel d'un apprenti y est de 30 % inférieur à la moyenne nationale ? Pouvons-nous prendre le risque de provoquer des concurrences au sein des différentes structures d'apprentissage ou de formation continue ? Le risque existe. Comment se situe l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, organisme péréquateur, qui était financièrement ponctionnée par le budget de l'Etat et qui ne peut plus financer ses missions ? Pourriez-vous, à ce titre, nous apporter des informations ? Quel sera, demain, le statut des animateurs ou formateurs des CFA ? Leur inquiétude est justifiée.
Toutes ces imprécisions ou tergiversations, monsieur le secrétaire d'Etat, doivent trouver une réponse. Les artisans, les commerçants et les dirigeants des PME doivent savoir et, le cas échéant, comprendre.
D'autres questions demeurent pour le moment sans réponse. Je pense aux distorsions de concurrence par rapport aux grandes surfaces. Ce problème est difficile à résoudre. Je pense également à la réforme du code des marchés publics, ainsi qu'aux transmissions d'entreprises et à la fiscalité qui les concerne. Je pense encore à la fiscalité du chef d'entreprise. Autant de sujets qui méritent rapidement une réponse.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me suis empressé d'évoquer l'apprentissage. Nos entrepreneurs souhaitent que soient levés les préjugés par rapport à l'apprentissage. En effet, l'apprentissage doit être considéré comme un vrai choix, et non comme une filière d'échec.
Il me semble que c'est par une véritable formation en alternance que nous susciterons la vocation de créateur d'entreprise.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que les doutes qui m'assaillent soient levés. En effet, votre budget ne met à aucun moment en exergue l'importance du tissu que représentent l'artisanat, le commerce, la petite et moyenne entreprise. Ils jouent pourtant un rôle déterminant dans la création d'emplois et dans l'aménagement équilibré du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne sais pas si je parviendrai à lever l'ensemble des doutes qui vous assaillent,...
M. Aymeri de Montesquiou. Espérons !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... mais je vais m'efforcer de poursuivre le dialogue que vous avez bien voulu engager avec moi cet après-midi et de maintenir le climat de respect réciproque qui a régné jusqu'à présent dans cet hémicycle.
D'abord, je voudrais, à mon tour, rendre hommage à mes prédécesseurs, et notamment à Mme Lebranchu. Vous avez bien voulu, toutes et tous, souligner la qualité de son travail, son sens de l'écoute et la force de ses propositions.
Je voudrais bien sûr remercier toutes celles et tous ceux d'entre vous qui ont travaillé sur ce budget et participé aux travaux des commissions. Je remercie les rapporteurs MM. Ballayer et Cornu de la qualité de leur travail et des analyses auxquelles ils ont procédé. Je remercierai également Mme Terrade, MM. Dussaut, Trémel et Delfau de leur apport et du soutien qu'ils ont apporté à ce budget.
Je remercie donc l'ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat, et je vais tenter de répondre - brièvement, étant donné l'heure tardive - à chacun, en essayant de replacer ce budget dans la politique qu'entend mettre en oeuvre le Gouvernement au travers des mesures qu'il a déjà prises, qu'elles soient financières, administratives, réglementaires ou législatives.
Vous avez tenté de mettre en perspective les difficultés de l'artisanat et les réponses qui y sont apportées aujourd'hui.
J'ai bien enregistré vos interrogations sur le FISAC, sur les 35 heures, sur la formation, sur la transmission.
Essayons de répondre à ces interrogations de façon aussi synthétique que possible. Je délaisserai pour cela mon discours écrit, pour tenter de vous répondre personnellement avec un peu plus de spontanéité.
Dans quel contexte se placent aujourd'hui le commerce et l'artisanat ?
Certains d'entre vous ont affirmé que j'étais un homme de terrain. Homme de dialogue, sans doute ; de terrain, j'entends le rester : même si les premières semaines de ma prise de fonctions à ce secrétariat d'Etat ont été un peu chargées par différents exercices européens et budgétaires, j'ai en effet d'emblée décidé de rencontrer sur le terrain les acteurs du commerce, de l'artisanat, des PME et de la consommation.
J'ai également commencé à rencontrer régulièrement les consommateurs, en dehors des périodes de crise. Et avouez que nous venons de vivre, ces cinq dernières semaines - et ce n'est pas fini ! - une période un peu aiguë de crise de la consommation, qui a mis à mal certaines filières que vous connaissez mieux que moi.
Certains, ici, m'ont fait part du désarroi des commerçants, des artisans ou des PME.
M. Aymeri de Montesquiou. Ce désarroi est réel !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. J'ai participé, au côté du Président de la République, au congrès de l'UPA, qui réunissait 2 500 personnes. Je n'ai pas entendu les propos que vous m'avez rapportés ! Non seulement M. Delmas, le président de l'UPA, n'a pas remis en cause les 35 heures, mais il a souhaité les conserver !
Certes, les artisans m'ont dit qu'ils voulaient un meilleur environnement économique et financier et des assouplissements. Certes, ils ont exprimé leurs inquiétudes et leurs angoisses. Mais, globalement, ils n'entendent pas être tenus à l'écart du mouvement de la nation !
M. Aymeri de Montesquiou. Vous les avez intimidés !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Pas du tout ! J'avais à côté de moi d'autres personnages beaucoup plus importants ! Je ne sais pas si j'ai beaucoup de vertus, mais, en tout cas, je n'ai pas celle-là !
Quel est l'environnement économique et financier sur lequel a travaillé le Gouvernement ?
Contrairement à ce que j'ai entendu, nous nous situons dans une perspective de baisse de charges, et nous ne procédons pas à du saupoudrage.
Faut-il vous rappeler simplement la baisse de l'impôt sur les sociétés, que nous allons ramener à 15 % ? Cela coûtera 6,4 milliards de francs en 2002-2003, et cela concernera 270 000 entreprises.
La taxe professionnelle pèse aussi aujourd'hui trop lourdement sur les salaires, et nous allons inverser la tendance en diminuant très fortement cette taxe pour les entreprises à forte main-d'oeuvre.
Les charges forfaitaires pour les très petites entreprises, constituées de commerçants et d'artisans, diminuent de 30 %. Ce n'est quand même pas rien !
Par ailleurs, il y a baisse de la TVA globale et baisse de la TVA pour les travaux de rénovation.
J'ai bien entendu l'appel à la baisse de la TVA sur la consommation qui a été lancé par MM. de Montesquiou, Ostermann, Hérisson et Jourdain.
Il faut cependant reconnaître que nous sommes aujourd'hui dans une logique - et cette logique est mise en oeuvre - de baisse des prélèvements obligatoires.
Ainsi, je me suis rendu à l'Union professionnelle artisanale, à la CGPME de Lorraine ainsi que - vendredi dernier - à la CGPME de Bourgogne. J'y ai rencontré des commerçants et des artisans, mais je n'ai pas retrouvé ce climat catastrophiste.
J'ai entendu aussi, bien sûr, des récriminations, voire des reproches, mais, globalement, les entrepreneurs reconnaissent que la machine tourne, que la croissance est là.
En trois ans, 1,2 million d'emplois ont été créés.
J'ajoute que le Gouvernement favorise la croissance en soutenant tant l'offre que la demande. C'est cela, le climat actuel !
Certes, les commerçants et les artisans estiment qu'il faut diminuer les contraintes, qu'il faut simplifier, qu'il faut...
M. Aymeri de Montesquiou. Et les 35 heures, alors ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. J'y viens, monsieur de Montesquiou !
Il faut en tout cas reconnaître qu'aujourd'hui les commerçants ont des commandes importantes et du travail devant eux. J'ai entendu tant et tant de commerçants et d'artisans, sur le terrain, dans mon département - M. Jourdain parlait tout à l'heure du sien, le Jura, qui est proche du mien -, que je peux vous dire aujourd'hui que, quand je les rencontre - et j'en verrai encore demain soir -, ils me disent avoir du travail devant eux. Or, après tout, c'est la première chose qu'ils demandent !
Pour le reste, c'est vrai, ils demandent moins de charges et des simplifications.
Nous avons aussi créé de nouveaux outils financiers.
Je voudrais quand même rappeler ici que vous avez salué le prêt à la création d'entreprises : ce sont 300 millions de francs, pour 20 000 prêts dès la première année ; c'est un financement garanti à hauteur de 50 000 francs par l'Etat et de 100 000 francs par les banques.
Voilà qui nous permet - vous l'avez souligné et je vous en remercie, messieurs les rapporteurs - de dire qu'aujourd'hui nous avons inversé la tendance, la création d'emplois étant nettement supérieure à ce qu'elle était il y a trois ou quatre ans ; nous avons renversé la courbe. Certes, ce n'est pas celle des Etats-Unis, mais, moi, je ne prends pas toujours les autres Etats en exemple. Ou alors, il faudrait parfois établir des parallèles inverses !
Je crois que, dans ce domaine des prêts à la création d'entreprise, les PCE, notre dispositif est novateur.
Le Premier ministre a participé aux états généraux de la création, et il a tenu parole en créant les PCE.
Des financements supplémentaires sont prévus pour les organismes qui vont accompagner ces PCE.
J'ai signé, hier, à l'INRIA de Nancy, l'un des premiers PCE qui a été accordé à une personne qui est depuis neuf ans au chômage et qui reprend un petit commerce en milieu rural, retrouvant ainsi un emploi. Tous ceux qui étaient présents, y compris le maire de la petite commune qui était à mes côtés, m'ont dit le bien qu'ils pensaient du PCE. Il s'agit donc, je le crois, d'un outil intéressant.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les prêts bonifiés. Les artisans et les commerçants y sont attachés et nous allons poursuivre l'effort en la matière. Ces prêts, dont le volume sera maintenu pour un montant de l'ordre de 800 millions de francs, sont certes un reliquat, mais ils seront relayés par d'autres formes de financement.
Ils seront affectés, d'une part, au passage à l'euro pour ceux qui rencontreraient des difficultés dans ce domaine et, d'autre part, à la modernisation et à la mise aux normes dans le cadre des directives européennes pour ceux qui y sont contraints aujourd'hui.
Les garanties de la BDPME, la banque de développement des PME, et les crédits SOFARIS sont également relevés dans des conditions très importantes pour faire face aux demandes de financement.
Les artisans et commerçants, dont vous avez parlé parfois en termes paupéristes, demandent aujourd'hui du travail, des financements, un accès aux crédits, ainsi que d'autres modifications au sujet desquelles le travail et la réflexion sont engagés.
J'ajoute à cela deux précisions très importantes qui vous intéressent, mesdames, messieurs les sénateurs - vous qui êtes élus locaux par ailleurs -, concernant les appels d'offres et les délais de paiement. Sur ce dernier point, l'Etat n'y échappera pas non plus !
En premier lieu, nous allons appliquer avec cinq mois d'avance la directive européenne sur les délais de paiement, qui seront ramenés à trente jours, ce qui permettra de sécuriser demain les commerçants, les artisans et les petites entreprises.
Il nous a été parfois reproché de ne pas transcrire assez rapidement les directives européennes. Dans ce domaine, le Gouvernement a fait un effort important en accélérant le processus, ce qui permettra de répondre aux attentes des intéressés.
En second lieu, la réforme des appels d'offres permettra de simplifier plus de la moitié des formulaires pour les petites entreprises qui souhaitent pouvoir se regrouper - c'est ce que l'on appelle la « stratégie d'allotement » - pour postuler et être éligibles...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... en intégrant dans les critères du « mieux-disant » la proximité du terrain.
La réforme des appels d'offres sera donc signée très prochainement - ce sera au début du mois de janvier - par le ministre de l'économie et des finances.
S'agissant des simplifications, je voudrais revenir sur ce qu'ont dit certains d'entre vous concernant la mission qui a été donnée à M. Bockel.
Dans mon propre secrétariat d'Etat comme dans tous les ministères aujourd'hui, chaque secrétaire d'Etat ou chaque ministre est chargé de mettre en ordre des mesures de simplification importantes, et elles commencent déjà aujourd'hui à être mises en oeuvre. Ainsi, la semaine dernière, devant la CGPME de Bourgogne, j'ai relevé que quarante-neuf baisses d'impôt et simplifications étaient déjà mises en oeuvre. Sans doute n'y a-t-il pas eu suffisamment de publicité autour de ces mesures, mais elles existent réellement !
Avec l'instauration de l'interlocuteur unique pour les entreprises et, demain, de l'interlocuteur financier, il y a là des mesures de simplification qui vont dans le sens du cadre économique et de l'environnement général que demandent les entreprises.
J'en viens à la loi d'orientation en faveur de l'artisanat.
Dès que j'ai été nommé à ce secrétariat d'Etat, j'ai tenté, à l'intérieur du Gouvernement ainsi qu'avec les artisans et les représentants du monde des très petites entreprises, de faire passer un message : les commerçants et les artisans, qui travaillent pour la plupart en milieu rural - vous l'avez dit - doivent être traités aussi bien que le monde agricole, que je connais un peu pour avoir été l'un des rapporteurs de la loi d'orientation agricole.
Je souhaite qu'à l'issue de la mission qui sera menée par deux parlementaires, dont l'un sera sans doute Didier Chouat et l'autre Jean-Claude Daniel - leur nomination doit intervenir dans les jours qui viennent, mais, pour l'instant, ce sont les deux noms qui ont été avancés -, nous puissions travailler, en liaison avec M. Bockel, sur le chèque « premier emploi premier apprenti » ainsi que sur les dix autres mesures que contient le rapport de M. Bockel, qui nous sera remis début janvier.
J'étais au Conseil national de la création d'entreprise la semaine dernière, et nous y avons présenté ces propositions. Au cours d'une séance solennelle, le Premier ministre les entérinera, et elles seront traduites dans les faits.
La loi d'orientation en faveur de l'artisanat devrait également comprendre - je réponds là à vos interrogations - un volet relatif au statut de l'entrepreneur, afin de répondre aux acteurs du monde de l'entreprise individuelle. Voilà encore une autre avancée qui sera bientôt réalisée !
Nous allons aussi améliorer la situation des conjoints, afin de sécuriser la situation de ceux qui, entre époux, s'apportent des garanties mutuelles ou un cautionnement.
Nous allons également travailler sur le dossier du surendettement, afin d'éviter de mettre à mal le patrimoine familial dans certaines petites entreprises.
Il y aura donc un volet relatif au statut, un volet relatif à la définition de l'entreprise, un volet concernant les conjoints, un volet social, un volet économique, un volet environnemental, un volet fiscal. Tous seront mis en oeuvre au fur et à mesure.
Nous pourrons donc bientôt mettre en forme ce projet de loi - sans doute à la fin du premier semestre de 2001 - que les commerçants et les artisans attendaient depuis longtemps et qui leur apportera une réponse positive sur bien des points que vous avez évoqués.
Je n'oublie pas pour autant la transmission : tout à l'heure, j'évoquais la création, mais je veux prendre la suite de Mme Marylise Lebranchu en m'investissant, en cette année 2001, dans une réflexion sur la transmission.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. De même que nous avons réussi les états généraux de la création, je souhaite que nous puissions organiser et réussir les états généraux de la transmission.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Vous avez évoqué le mécanisme des aides directes, qui ne fonctionne plus aujourd'hui.
Nous allons relancer le système de la formation, ainsi que vous l'avez souhaité, en envisageant le départ anticipé mais réfléchi d'un ancien, accompagné de l'installation d'un jeune.
Dans le domaine de la transmission, au-delà des mesures budgétaires que vous avez évoquées - et je ne reviendrai pas sur les chiffres -, l'année 2001 marquera une étape importante, grâce au projet de loi d'orientation en faveur de l'artisanat, qui devrait répondre à certaines de vos attentes.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Nombre d'entre vous m'ont interpellé sur les 35 heures. A ce sujet, j'ai rencontré les présidents des différentes organisations dans les secteurs dont j'ai la responsabilité. Tous m'ont dit : « Il faut garder à nos métiers une attractivité réelle. Nous ne voulons pas d'une France à deux vitesses, où seules certaines entreprises seraient performantes et pouraient accéder aux nouvelles technologies. »
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, il faut des entreprises globales, et les TPE comme les PME sont confrontées à trois défis importants.
Le premier est celui de ne pas être noyé et enserré parmi les très grosses entreprises, qui ont accès au financement, à la fusion et aux moyens de l'argent.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Ainsi, j'étais ce matin dans une petite entreprise de vingt personnes. Un responsable se plaignait auprès de moi en ces termes : « Les grands groupes financiers m'imposent des normes en amont, tandis qu'en aval les grands groupes de distribution m'imposent des prix. Situé au milieu, je suis obligé de toujours tirer sur mes marges. »
Le deuxième défi est de nature environnementale. Il faut accompagner nos entreprises, les aider à faire face aux contraintes énergétiques qui s'imposeront demain.
Le troisième défi est celui de la formation et de l'innovation. La France avait pris du retard dans le domaine de la création, et les entreprises françaises, notamment les PME et les TPE, doivent réagir sur ce plan. J'ai visité ces jours-ci, sur l'ensemble du territoire, des entreprises très créatrices. L'une d'elles en particulier, implantée en Seine-et-Marne, conçoit des hologrammes et occupe le premier rang mondial dans ce secteur.
Nous pouvons aujourd'hui accompagner la création. Ainsi, j'ai défendu devant le Sénat le projet de loi sur l'épargne salariale. Des mesures visent à permettre aux entreprises de moins de cent salariés d'avoir accès à des fonds inter-entreprises et à des moyens de financement pour l'innovation.
Quant aux 35 heures, les responsables de l'UPA, de la CAPEB, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, et de la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, m'ont affirmé que l'on ne reviendrait pas sur ce dispositif. Ils considèrent que cela est acquis, qu'il s'agit d'un progrès historique et non pas d'une loi rétrograde ou antisociale. Cette disposition permet au contraire aux salariés de mieux se former et de disposer de davantage de temps pour leur vie personnelle, et à nos entreprises de mieux réfléchir à leur organisation, en s'informant sur les assouplissements qui existent déjà et sur les modalités de recours aux heures supplémentaires.
S'agissant des assouplissements à introduire, j'ai déjà indiqué qu'il n'y aurait pas de moratoire ni de modification apportée à la loi. En revanche, une réflexion sera menée afin de poser un diagnostic : je crois que c'est ce que nous demandent aujourd'hui les petites entreprises, les commerçants et les artisans. Réfléchissons ensemble sur le volant d'heures supplémentaires et sur leur coût. Il ne s'agit bien entendu pas, encore une fois, de recréer une France à deux vitesses, mais essayons, dans des secteurs « pointus » comme l'hôtellerie ou la réparation automobile, d'adapter la donne, sans pour cela modifier le cadre ni la loi.
En ce qui concerne maintenant le FISAC, ce fonds avait d'abord été alimenté, à hauteur de 80 millions de francs, par la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA. Ses crédits passent aujourd'hui de 400 millions à 410 millions de francs. J'ai annoncé un chiffre ambitieux à l'Assemblée nationale, c'est vrai, parce que je veux que cet outil garde sa souplesse et sa destination si demain une réflexion est engagée sur sa budgétisation.
Pour ma part, j'estime que le FISAC doit être en partie déconcentré et que les très petites opérations concernant des montants inférieurs à 50 000 francs pourraient être traitées à l'échelon de la région. A l'heure actuelle, mon secrétariat d'Etat instruit plus de mille dossiers par an au titre du FISAC, que j'étudie avec les parlementaires qui me les soumettent. Il s'agit d'opérations ambitieuses, car, quand une commune de deux cent cinquante habitants décide de rouvrir une boulangerie, quand un bourg-centre de mille habitants recrée un centre commercial, on peut parler de projet ambitieux, même si les crédits engagés n'atteignent que un million ou deux millions de francs.
M. Gérard Delfau. Oui ! M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Le relèvement de la base de la TACA profitera en partie aux chambres de métiers, qui pourront ainsi faire face aux besoins qui se font jour en matière de formation. En effet, nous ne pouvons plus, aujourd'hui, utiliser les crédits du Fonds social européen, le FSE, à cette fin, et nous allons donc réaffecter une partie des crédits du FISAC. Les commerçants et les artisans bénéficient d'ailleurs déjà largement de ceux-ci, dans la mesure où le FISAC alimente certaines de leurs caisses sociales. Quoi qu'il en soit, ce fonds doit demeurer un outil performant au service du territoire.
Quelques questions m'ont été posées à propos de la formation. Je suis d'accord avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour rappeler que l'apprentissage, c'est moderne,...
M. Aymeri de Montesquiou. Oui !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... dans la mesure où il y a respect mutuel entre le formateur et le jeune, dans la mesure où les conditions de travail sont décentes.
Je crois que certains métiers doivent aujourd'hui être réhabilités, non seulement dans le secteur artisanal, mais aussi dans celui des métiers d'art, auxquels nous sommes très attachés, car ils créent des emplois en milieu rural et représentent une vraie force économique. Il faut, dans l'optique de la réforme de la formation et du statut de l'apprentissage, que nous puissions évoluer dans le sens souhaité par le Sénat.
M. Dussaut m'a parlé, quant à lui, de l'indemnité de l'aide. J'ai déjà répondu sur ce point en disant que nous allions reprendre le dossier des contrats d'installation et de formation des artisans, afin d'obtenir des crédits pour remettre en route ce dispositif, qui rend bien des services.
M. Hérisson m'a interrogé pour sa part à propos de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Je pense que nous reprendrons cette question à l'occasion de l'examen d'un autre texte, car tel n'est pas vraiment l'objet du débat budgétaire de ce soir.
S'agissant de la suppression de la vignette, il est un peu curieux de constater que, pour ceux qui en bénéficient, c'est une goutte d'eau, et que, pour les autres, c'est un crime ! (Rires sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Essayons de choisir entre les deux attitudes ! Cette mesure coûte aujourd'hui plus de 10 milliards de francs, monsieur Ostermann, ce n'est pas rien !
Il ne faut pas, d'une part, refuser de voter les recettes, et, d'autre part, demander que l'on augmente les dépenses. Vous savez très bien que la modification que vous préconisez coûterait 900 millions de francs. On ne peut donc pas, d'un côté, demander de baisser encore un impôt sans prévoir, de l'autre, des recettes. Il a été décidé que la suppression de la vignette concernerait les véhicules pesant jusqu'à deux tonnes, mais, cela étant, la réflexion n'est pas terminée, et, comme le Gouvernement s'engage dans une baisse d'impôt durable, nous pourrons aussi évoluer dans ce domaine.
Monsieur Delfau, j'irai voir votre Maison des entreprises.
M. Gérard Delfau. Avec grand plaisir !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. En effet, j'ai moi aussi créé une Maison des services, et nous essaierons de comparer nos expériences, qu'il s'agisse de Maisons des services, de Maisons des artisans ou de Maisons du monde rural.
Par ailleurs, un intervenant a souligné, tout à l'heure, que le problème de la transmission devait aussi être traité en agriculture. Or nous l'avons fait, puisque nous avons créé, par la loi d'orientation agricole, dont j'étais le rapporteur à l'Assemblée nationale, le contrat territorial d'exploitation « transmission »...
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. ... avec les groupements d'employeurs et les polyemployeurs, qui représentent d'ailleurs une réponse aux problèmes posés par les 35 heures. Ces métiers doivent rester attractifs, comme l'a demandé M. Trémel.
M. Ostermann a affirmé qu'il fallait faire d'autres choix. A mon sens, il faut reconnaître les limites de l'exercice budgétaire. Celui-ci permet de marquer une continuité, de mettre en place une politique, d'engager quelques actions fortes, mais non pas de changer complètement d'optique. Ces autres choix que vous avez évoqués, monsieur Ostermann, ne sont pas les nôtres. Le Gouvernement se propose d'instaurer un meilleur environnement économique, de soutenir la croissance et de manifester son intérêt pour les artisans non pas par des mots d'amour, mais par des preuves d'amour. (Sourires.)
M. Aymeri de Montesquiou. Il faut passer à l'acte ! (Nouveaux sourires.)
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. J'ai essayé de montrer que, au travers des baisses d'impôts, des financements nouveaux adaptés, des perspectives législatives que nous avons ouvertes et de l'augmentation des crédits du FISAC, au travers donc de ces quelques mesures très importantes, le Gouvernement affirmait sa volonté de ne pas laisser de côté ce secteur.
Je conclurai mon intervention en indiquant, s'agissant de la consommation, que les crédits affectés aux associations seront reconduits et que j'engagerai avec ces dernières un dialogue soutenu, non pas un dialogue de crise, mais un dialogue permanent. Tous les deux mois, nous ferons le point sur les difficultés rencontrées dans le domaine de la consommation, qu'elle soit alimentaire ou non alimentaire, et sur les informations que sont en droit d'attendre les consommateurs. Par ailleurs, nous allons sortir, je l'espère, de la crise de l'ESB, le débat sur les organismes génétiquement modifiés se profile et les états généraux de la consommation se tiendront mercredi prochain. J'ai pris l'engagement que les consommateurs seraient régulièrement informés, car ils veulent être mieux pris en considération.
Monsieur le président, j'ai dépassé le temps de parole qui m'était imparti et je vous prie de m'en excuser : je souhaitais répondre aussi précisément que possible aux différentes interventions des sénatrices et des sénateurs, que je remercie de leur écoute. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat seront remis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 4 455 642 938 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 45 571 832 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 054 080 000 francs ;
« Crédits de paiement : 342 996 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 4 968 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 600 400 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion les articles 53 quinquies et 53 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, ainsi que, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-77, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 53 quinquies.

Economie, finances et industrie

Article 53 quinquies



M. le président.
« Art. 53 quinquies . - Dans le quatrième alinéa de l'article 1601 du code général des impôts, le montant : "623 francs" est remplacé par le montant : "630 francs". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-76, M. Ostermann propose de rédiger ainsi cet article :
« Dans le quatrième alinéa (a) de l'article 1601 du code général des impôts, les mots : "par les chambres de métiers dans la limite d'un montant maximum fixé à 623 francs" sont remplacés par les mots : "annuellement par les chambres de métiers". »
Par amendement n° II-55, MM. Cornu et Murat proposent, à la fin de l'article 53 quinquies , de remplacer la somme : « 630 francs » par la somme : « 640 francs ».
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° II-76.
M. Joseph Ostermann. J'ai déjà exposé, dans mon propos liminaire, cet amendement, qui tend à permettre aux chambres de métiers de mieux maîtriser leur fiscalité et de décentraliser la fixation des droits qu'elles perçoivent.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour présenter l'amendement n° II-55.
M. Gérard Cornu. Chacun s'est félicité, ici, du rôle essentiel joué par les chambres de métiers, qui accomplissent bien sûr une mission de service public, mais qui participent aussi largement - M. Trémel l'a très justement souligné et j'approuve ses propos - à la gestion des CFA et au bon fonctionnement de l'apprentissage en général.
Cela implique, bien entendu, qu'elles supportent des charges salariales, qui représentent globalement 70 % de leurs dépenses de fonctionnement.
En outre, la loi relative à la réduction négociée du temps de travail s'appliquera bien évidemment aux chambres de métiers, qui devront d'ailleurs passer aux 35 heures dès la rentrée scolaire de 2001, dans la mesure où elles gèrent des CFA, et non pas à compter du 1er janvier 2002.
Etant donné les lourdes contraintes auxquelles sont donc soumises les chambres de métiers, il me semble important de les autoriser à augmenter le montant du droit fixe qu'elles perçoivent. Celui-ci s'établissait à 623 francs, l'Assemblée nationale l'a porté à 630 francs, et le présent amendement vise à le faire passer à 640 francs.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que les mots d'amour ne suffisaient pas, qu'il fallait aussi des preuves d'amour : je reprends votre formule et je vous invite, au-delà des déclarations, à encourager concrètement les CFA et les chambres de métiers. Permettons-leur d'accomplir leurs missions : rehausser de dix francs le montant du droit fixe constituerait une preuve d'amour.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-76 et II-55 ?
M. René Ballayer, rapporteur spécial. L'amendement n° II-76 tend à donner aux chambres de métiers la possibilité de déterminer elles-mêmes le montant du droit fixe de la taxe pour frais perçue à leur profit, et actuellement fixé par la loi.
La commission des finances considère que déléguer ainsi le pouvoir du législateur est inconstitutionnel ; elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.
Sur l'amendement n° II-55, qui vise à porter de 630 francs à 640 francs le montant maximum de la même taxe, la commission des finances souhaite connaître l'avis du Gouvernement avant de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. S'agissant de l'amendement n° II-76, il est bien entendu possible que les chambres de métiers décident elles-mêmes de l'affectation de leurs ressources propres. Mais il serait paradoxal de pallier l'éventuelle insuffisance de ressources de certaines chambres de métiers par une augmentation générale de l'imposition, ce qui ne serait qu'un expédient.
J'ajoute que cet amendement n'est pas recevable en l'état, car il est inconstitutionnel.
J'ai bien entendu votre argumentation, monsieur Cornu, mais je ne reprendrai ni notre débat sur les CFA ni les propos de mon aïeul que vous avez bien voulu rappeler. Vous ne pouvez pas demander une diminution des prélèvements obligatoires opérés par les chambres de métiers et, en même temps, demander que ce soient les organismes consulaires eux-mêmes qui en décident, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, les prélèvements opérés par les chambres de métiers ont augmenté de plus de 3 % entre 1990 et 1997, soit plus que l'inflation.
En second lieu, la Cour des comptes a montré que la situation des chambres de métiers n'était pas préoccupante puisqu'elle s'était soldée, en 1998, par un excédent de 104 millions de francs.
Le Gouvernement souhaite donc que l'on s'en tienne au texte adopté par l'Assemblée nationale, qui plafonne la taxe perçue par les chambres de métiers à 630 francs. Que vous le vouliez ou non, une hausse, même si elle n'est que de dix francs, des prélèvements obligatoires serait perçue comme un renversement de tendance.
L'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-55 est donc défavorable.
M. le président. monsieur Ostermann, l'amendement n° II-76 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-76 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-55.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je voudrais inviter nos collègues de la majorité sénatoriale à faire preuve d'un peu plus de cohérence. En effet, depuis le début de ce débat budgétaire, ils ne cessent de remettre en cause notre fiscalité, de réclamer la baisse des prélèvements obligatoires, de dénoncer les interventions de l'Etat, mais chaque fois que l'occasion se présente, il nous proposent des dépenses ; en l'occurrence, ils souhaitent alourdir la fiscalité pesant sur les artisans. Je dis en toute simplicité - je vois à certains sourires que certains me comprennent - que ce n'est pas très sérieux.
J'en viens maintenant au fond. Bien sûr, nous approuvons l'action des chambres de métiers.
Bien sûr, nous savons que nombre d'entre elles entretiennent parfois avec difficulté des CFA. Mais, dans cette période où vous dites comme nous qu'il faut à tout prix diminuer le montant des prélèvements obligatoires, pourquoi faudrait-il aggraver encore les charges qui pèsent sur les artisans ? Ce serait mal perçu ; ce serait donner une prime aux organismes consulaires de certains départements, qui n'ont pas géré leurs fonds, peut-être, avec autant de sagesse que d'autres. En outre, je ne pense pas que ce soit le souhait de l'ensemble des chambres de métiers. En effet, je crois que les chambres de métiers savent que les taxes qu'elles prélèvent sont souvent impopulaires ; elles ont beaucoup de mal à les justifier. Pourtant, cette fiscalité est utile.
Pour ma part, je défends l'intervention publique, contrairement à vous, monsieur Cornu. Je pense que nous rendrions un mauvais service à notre pays si nous vous suivions, et c'est pourquoi, je ne voterai pas votre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-55, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 53 quinquies, ainsi modifié.

(L'article 53 quinquies est adopté.)

Article additionnel après l'article 53 quinquies



M. le président.
Par amendement n° II-77, M. Ostermann propose d'insérer, après l'article 53 quinquies, un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1601 A du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds national de promotion et de communication de l'artisanat remet avant le 1er mars de chaque année un rapport au Parlement précisant le montant des sommes perçues ainsi que leur affectation au titre du droit visé à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Par cet amendement, je souhaite que le fonds national de promotion et de communication de l'artisanat remette chaque année, avant le 1er mars, un rapport au Parlement précisant le montant des sommes perçues ainsi que leur affectation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma conviction est confortée par l'excellent rapport du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale qui indique en substance : « D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, il apparaît que le fonds a participé au financement d'un grand nombre d'actions qui n'ont, pour certaines d'entre elles, qu'un lien fort ténu avec l'objet du fonds. Ainsi, 2,3 millions de francs ont été consacrés en 1999 et en 2000 au skipper Ronan Guérin pour sponsoriser ses différentes régates ; de même quatre véhicules aux couleurs de L'artisanat étaient présents dans la caravane du Tour de France cycliste de l'an 2000. » Au minimum, je crois que l'Assemblée nationale et le Sénat devraient le savoir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Ballayer, rapporteur spécial. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. L'information existe déjà par le biais du rapport du conseil d'administration. En outre, les parlementaires posent des questions sur ce fonds auxquelles le Gouvernement répond de façon rythmée et soutenue.
Cela étant, je souscris à une information aussi complète que possible de la représentation nationale quant à l'utilisation des crédits de ce fonds, et je m'en remets en conséquence à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-77, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 53 quinquies .

Article 53 sexies



M. le président.
« Art. 53 sexies . - Après le premier alinéa de l'article L. 135 J du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les chambres de métiers et l'administration peuvent se communiquer mutuellement les informations nécessaires au recensement et au contrôle des assujettis à la taxe pour frais de chambres de métiers. »
Par amendement n° I-56, M. Ballayer, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Ballayer, rapporteur spécial. Il faut tout d'abord rappeler que la taxe pour frais des chambre de métiers est une taxe additionnelle à la taxe professionnelle.
L'an dernier, l'Assemblée nationale avait introduit dans la loi de finances un article 129 qui est devenu l'article L. 135 J du livre des procédures fiscales. Cet article donnait la possibilité aux chambres de métiers de se faire communiquer par l'administration fiscale la liste nominative des assujettis à la taxe pour frais de chambres de métiers afin de vérifier que ces mêmes personnes figuraient bien sur le répertoire des métiers.
Interrogée au sujet de l'interprétation de la rédaction de cet article, la commission des lois a indiqué, sans émettre d'avis sur le fond, qu'il s'agissait bien d'une communication de renseignements à sens unique des services fiscaux vers les chambres de métiers.
L'article additionnel 53 sexies rattaché au budget des petites et moyennes entreprises résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement de sa commission des finances, le président de cette dernière, M. Emmanuelli, s'étant toutefois abstenu lors du vote. Cet amendement ayant été néanmoins adopté, l'article 53 sexies tend à mutualiser les échanges entre les chambres de métiers et les services fiscaux.
Ces échanges deviendraient donc réciproques, ce qui permettrait non seulement aux chambres de métiers de vérifier l'inscription des artisans sur le répertoire, mais aussi au fisc de contrôler si les artisans inscrits sur ce répertoire paient bien la taxe professionnelle.
On s'écarte ainsi dangereusement des traditions françaises selon lesquelles le recueil des renseignements relatifs à une imposition ne peut résulter, à l'exception d'aucune autre, que d'une déclaration du contribuable ou d'un contrôle des services fiscaux qui, seuls, peuvent communiquer ces renseignements à des tiers.
Le Sénat, gardien des libertés publiques, ne saurait voter en l'état une pareille disposition, au moins tant que la Commission nationale de l'informatique et des libertés ne se sera pas prononcée sur ce sujet.
La commission des finances du Sénat partage les craintes de M. Emmanuelli quant à l'enclenchement de l'engrenage du croisement de fichiers aux conséquences potentiellement redoutables. Elle vous demande donc de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Cet amendement, qui vise à supprimer le texte introduit pas l'Assemblée nationale en première lecture, est d'autant moins neutre qu'il touche aux libertés et à l'information. On s'est aperçu qu'il y avait moins de cotisants que d'inscrits dans les chambres de métiers.
Il est évident que la transmission des fichiers entre les chambres de métiers et les services fiscaux, qui permet une meilleure connaissance des ressortissants, présente un intérêt pour tout le monde. Mais il faut aussi bien encadrer les conditions d'échange de fichiers, notamment au regard de la CNIL. Il me semble que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale ne comportait pas de risques à cet égard.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° II-56, qui marquerait, s'il était adopté, une régression dans la connaissance des artisans inscrit au registre des métiers.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-56, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 53 sexies est supprimé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites entreprises, le commerce et l'artisanat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

4

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel par lettres en date du 8 décembre le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution, d'une part, de la loi d'orientation pour l'outre-mer et, d'autre part, de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

5

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 8 décembre 2000, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

6

LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.

Economie, finances et industrie (suite)

COMMERCE EXTÉRIEUR

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le commerce extérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la septième année consécutive, le solde commercial de la France a dégagé un excédent en 1999, mais en diminution par rapport à l'année 1998. Les perspectives pour l'année 2000 ne sont pas très optimistes, puisque notre facture énergétique va se creuser considérablement compte tenu des cours actuels du pétrole et du dollar.
Il ne faut pourtant pas s'inquiéter de l'infléchissement de notre excédent, car il résulte de facteurs conjoncturels et témoigne également, il ne faut pas l'oublier, de la vigueur de notre croissance.
En revanche, le développement de nos investissements directs à l'étranger, le maintien de nos parts de marché à l'exportation et les grands contrats obtenus témoignent du dynamisme des entreprises françaises sur les marchés étrangers.
Notre compétitivité s'est également fortement améliorée compte tenu des efforts de marge de nos entreprises, de la modération des salaires et d'un environnement de change très favorable. Il faut donc se garder d'établir un lien direct entre notre solde commercial et les performances de nos entreprises, qui demeurent remarquables.
Dans ce contexte, le projet de budget du commerce extérieur pour 2001 est marqué par une diminution des crédits et par la modernisation des modalités de gestion, qui s'appuie sur le contrat d'objectifs et de moyens portant sur la période 2000-2002, conclu entre la direction des relations économiques extérieures, la DREE, et la direction du budget.
Ce contrat prévoit la stabilisation des effectifs et des moyens de la DREE en francs courants, stabilisation rendue possible par la globalisation des dépenses de personnel, ce qui permet de raisonner en termes de « masse indiciaire » et non plus en termes de nombre d'emplois. En contrepartie du gel de cette « dotation globale », une liberté plus grande sera accordée en matière de reports et de virements de crédits.
Je souhaite néanmoins attirer l'attention sur le fait que ce contrat ne doit pas conduire à réduire les moyens de nos postes, qui ont déjà été considérablement amputés au cours de la dernière décennie. Or il n'est pas certain que les gains de productivité puissent absorber la dérive monétaire importante liée à la faiblesse actuelle de l'euro.
La modernisation des procédures budgétaires introduit une dimension pluriannuelle et davantage de souplesse, sans nuire à la nécessaire transparence. Au total, je suis tenté de dire que le budget du commerce extérieur est un budget précurseur de ce qui devrait être mis en oeuvre à l'échelle de l'Etat dans son ensemble, dans le cadre d'une procédure budgétaire rénovée à laquelle le Parlement et le Gouvernement travaillent. A ce propos, je ne puis que regretter que les reversements des crédits relatifs aux garanties à l'exportation, gérées notamment par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, aient fait l'objet de nombreuses opérations comptables à la fin de l'exercice 1999.
Le secrétariat d'Etat au commerce extérieur poursuit l'aménagement des modalités de soutien à nos entreprises. La désaffection relative des grandes entreprises pour les procédures lourdes et les protocoles bilatéraux permet de réduire les dépenses sur un certain nombre de lignes de crédits, et la majorité des mécanismes d'assurance et de garantie gérés par des sociétés privées pour le compte de l'Etat sont excédentaires. Ces éléments expliquent, pour l'essentiel, la diminution des crédits consacrés au commerce extérieur. On peut regretter que ces économies ne soient pas utilisées pour accroître l'aide dans des secteurs où elle serait davantage nécessaire, c'est-à-dire pour les PME. La priorité me semble cependant être l'adaptation de l'offre de prestations. Les petites entreprises jouent un rôle modeste dans notre commerce extérieur, en comparaison de certains pays étrangers. Il faut donc mieux connaître leurs besoins, adapter et simplifier les procédures. Trop souvent, les petites entreprises sont en effet découragées par la complexité des structures. A cette fin, la DREE a mis en place des outils spécifiques à destination des petites entreprises : le « Fil de l'export », une « mission PME », des interlocuteurs spécifiques dans les postes d'expansion économique, les PEE, et, enfin, un interlocuteur commun à l'ensemble des directions régionales du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie installé, dès cette année, dans certaines régions, cela afin d'éviter que les entreprises ne soient renvoyées de bureau en bureau.
La région est le lieu privilégié de dialogue entre les petites entreprises et les structures publiques. Le développement des visites d'entreprises par les directions régionales du commerce extérieur constitue une initiative importante, qui permet de développer le « démarchage » des entreprises par les postes d'expansion économique pour leur proposer une procédure adaptée à leurs besoins.
La mise en oeuvre, dans le cadre des contrats de plan Etat-région, de plans d'actions visant à coordonner les acteurs du commerce extérieur participe de ce même objectif. Les crédits consacrés au commerce extérieur dans le cadre des contrats de plan Etat-région, en forte progression, permettront également de financer des actions complémentaires aux procédures nationales.
L'échelon régional ne constitue cependant que la première étape d'une attention accrue portée aux petites entreprises. Cette dernière doit également se traduire par des prestations offertes sur le plan national et par les postes d'expansion économique.
Sur le plan national, certaines procédures vont être aménagées afin de mieux répondre aux besoins des petites entreprises. Il s'agit, en particulier, de simplifier les procédures administratives et d'accélérer les délais de traitement des dossiers, mais, surtout, d'élargir les conditions d'accès aux aides à la prospection des marchés à l'étranger. D'une part, l'aide accordée aux petites entreprises par l'Agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprises françaises, le CFME-ACTIM, pour participer à des expositions ou à des salons va être majorée. D'autre part, le dispositif de l'assurance prospection va être aménagé : les trois polices existantes seront regroupées, les très petites entreprises pourront bénéficier d'une avance de trésorerie et la condition d'indépendance sera supprimée pour l'ensemble des entreprises éligibles à ce dispositif.
Ces mesures étaient attendues et réclamées depuis plusieurs années par les entreprises. Elles devraient permettre de raviver l'intérêt pour l'assurance prospection, qui était de moins en moins utilisée au cours des dernières années.
S'agissant des postes d'expansion économique, des progrès significatifs ont été accomplis ces dernières années, notamment avec le recrutement et la formation de personnes compétentes dans le secteur d'activité dont elles ont la charge, et la démarche de certification de la qualité des prestations. Mais il faut poursuivre sur cette voie pour mieux répondre aux demandes spécifiques des petites entreprises. Ces dernières souhaitent en effet une plus grande implication des postes dans la mise en relation avec des partenaires commerciaux, le lobbying local et la recherche de financements.
Les organismes d'appui au commerce extérieur bénéficient de dotations en progression. Le Centre français du commerce extérieur, le CFCE, bénéficie d'une dotation d'équipement pour développer son offre de services en ligne et son expertise dans le secteur des nouvelles technologies. Il faut en effet que le CFCE puisse offrir aux entreprises une information plus spécifique à leurs attentes, davantage « sur-mesure », ce que les nouvelles technologies permettront sans doute de faire plus qu'à l'heure actuelle.
Le CFME-ACTIM reçoit une compensation pour la baisse de recettes due à la diminution du nombre decoopérants du service national en entreprise et pour maintenir son niveau d'activité, ainsi que je l'avais souhaité l'an passé. Une réflexion devra cependant s'engager sur l'organisation des grandes expositions françaises à l'étranger. Certaines de celles qui ont été organisées en 1999 et en 2000 n'ont pas obtenu les résultats attendus en matière de fréquentation et de retombées commerciales ; d'autres ont occasionné un coût très important à la charge de l'agence.
L'action du CFME-ACTIM va être profondément affectée par la fin du service national en entreprise et le développement du volontariat civil. D'un point de vue financier, un accroissement des dotations sera sans doute rendu nécessaire par cette évolution.
La création d'un centre d'information sur le volontariat international permettra, je le souhaite vivement, de susciter les candidatures en nombre suffisant pour que les entreprises comme les jeunes puissent bénéficier des opportunités offertes par ce nouveau dispositif, dont la souplesse d'utilisation sera accrue.
Enfin, le regroupement de ces trois structures sur un même site, envisagé pour 2003, permettra de développer les synergies et d'offrir un meilleur accès des entreprises aux diverses prestations proposées.
Si les crédits consacrés au commerce extérieur diminuent, en revanche, la modernisation des structures publiques se poursuit. Il convient, à mon sens, d'encourager cette évolution. C'est pourquoi, à titre personnel, je me prononcerai pour l'adoption des crédits consacrés au commerce extérieur dans ce projet de budget pour 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Souplet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souscris pleinement à l'analyse détaillée des crédits présentés par mon collègue Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances. Je me concentrerai donc sur l'analyse de la politique menée par le Gouvernement en faveur des exportations françaises.
Je commencerai par dire quelques mots du contexte dans lequel s'inscrit cette politique.
Pour la septième année consécutive, la balance commerciale française est excédentaire. Grâce à une compétitivité, que chacun juge structurelle, la contrainte extérieure trop longtemps subie par la France semble avoir disparu.
Cette évolution de notre commerce extérieur est si positive, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elle conduit certains à s'interroger sur l'utilité de maintenir à son niveau votre budget. Les différentes aides qu'il finance étaient pleinement justifiées lorsque nous enregistrions un fort déficit. Le sont-elles encore aujourd'hui ?
Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité que le soutien au commerce extérieur s'exerce aujourd'hui dans un contexte radicalement différent de celui qui prévalait voilà une dizaine d'années.
En matière de soutien aux exportations, les marges de manoeuvre des Etats membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, pour aider leurs entreprises sur les marchés étrangers se sont considérablement réduites. Quant à la défense des intérêts français dans les négociations internationales, force est de constater qu'ils sont aujourd'hui très largement pris en compte par l'Union européenne. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous nous indiquiez où en sont les négociations tendant à élargir le vote à la majorité qualifiée en matière de négociations commerciales.
Ces évolutions structurelles sont-elles de nature à remettre en cause le niveau des crédits du commerce extérieur ? D'une certaine façon, les pouvoirs publics ont déjà répondu en réduisant de près de 80 % le budget du commerce extérieur depuis 1991. Faut-il aller plus loin ? La commission des affaires économiques ne le pense pas.
En période de mondialisation, la compétitivité n'est tout d'abord jamais acquise. L'apparition, pour la première fois depuis 1994, d'un déficit commercial mensuel en juillet et en août dernier en témoigne. La crise de la vache folle, qui risque d'avoir un effet dramatique sur notre excédent agroalimentaire, en est une triste illustration.
Dans un environnement en pleine mutation, le maintien de notre compétitivité suppose que les entreprises françaises arrivent à accroître leur présence sur les marchés en forte croissance, tels que les pays émergents, et dans les secteurs d'avenir, tels que les nouvelles technologies de l'information. Les pouvoirs publics peuvent et doivent les y aider. L'Etat peut notamment jouer un rôle essentiel dans la collecte et la diffusion des informations à destination des PME.
Le rôle croissant des négociations commerciales internationales suppose, par ailleurs, que nous ayons une administration performante susceptible de défendre avec efficacité les intérêts français.
Je dirai quelques mots à ce propos des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Les discussions sur le volet agricole ont débuté conformément à l'accord de Marrakech. Le Conseil européen s'est récemment réuni pour traiter de ce sujet. J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous informiez la représentation nationale de l'état d'avancement de ces discussions.
De même, la commission des affaires économiques s'interroge sur les conséquences de l'initiative en faveur des pays les moins avancés sur des secteurs tels que l'agriculture et le textile. Nous aimerions avoir des précisions sur ce sujet.
Venons-en à la politique menée par votre ministère.
La commission des affaires économiques a, lors de l'examen de ce budget, relevé tout d'abord, des motifs de satisfaction. J'en citerai un : la poursuite de la réforme des organismes d'appui au commerce extérieur. La commission s'interroge toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les raisons qui vous conduisent à ne pas regrouper le CFME-ACTIM et le CFCE au sein d'une même structure juridique. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler. La réflexion menée sur ce point a-t-elle avancé ?
A côté des motifs de satisfaction, certains dossiers soulèvent des interrogations. C'est le cas de la mise en place du volontariat civil, qui remplacera le service militaire. Le nombre et la qualité de ces volontaires seront-ils suffisants, monsieur le secrétaire d'Etat ? C'est pour les PME, pour les postes d'expansion économique et pourl'ACTIM, dont les recettes en dépendent, une source d'inquiétude.
J'en viens, mes chers collègues, à la politique de soutien au développement international des PME, qui constitue, pour la commission des affaires économiques, un motif de contrariété, et cela pour trois raisons.
Premièrement, la proportion des PME françaises qui sont engagées de façon durable dans une stratégie de développement international reste encore trop limitée. Les comparaisons internationales en témoignent.
Deuxièmement, le réseau d'appui aux exportations au niveau régional est, certes, très apprécié des PME qui l'utilisent, mais il reste encore trop peu connu. La commission des affaires économiques se demande ce que le Gouvernement entend faire pour que ce réseau soit plus accessible et mieux coordonné.
Troisièmement, elle regrette que la diminution continue depuis dix ans des crédits consacrés aux grands contrats ne profite pas plus aux dispositifs de soutien aux PME.
Elle se félicite, en revanche, de la réforme annoncée de la procédure d'assurance prospection. Vous répondez là à l'un des souhaits qu'elle exprime depuis plusieurs années. Je souhaiterais néanmoins savoir quelles seront les actions menées pour favoriser l'accès et la distribution de ces assurances et pour encourager la COFACE, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, à mener une politique de commercialisation de ses produits plus dynamique.
Au total, mes chers collègues, le projet de budget du commerce extérieur pour 2001 voit ses crédits de paiement diminuer de 4 % par rapport à 2000 et ses autorisations de programme baisser de 32 %. C'est tout de même important !
Je veux croire, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vous demande de le confirmer, qu'il ne s'agit pas de réduire l'effort des pouvoirs publics en faveur de nos exportations. Ce n'est pas, en effet, au moment où les entreprises françaises risquent de se trouver confrontées à une diminution de la demande mondiale et à une concurrence accrue sur les marchés internationaux qu'il faut diminuer les soutiens publics aux exportations. Quand on pense à l'émotion, pour ne pas dire la panique, que suscite la crise de la vache folle, quand on réfléchit à ses conséquences sur l'image de notre agriculture sur les marchés étrangers, on voit bien que nos exportations agricoles, en particulier, auront besoin d'un soutien massif des pouvoirs publics l'année prochaine. C'est en effet un de nos premiers postes d'exportation qui est aujourd'hui en dangert. Je sais que le Gouvernement en a pris la mesure.
Compte tenu de ces observations, mes chers collègues, la commission des affaires économiques et du Plan s'en est remise, pour l'adoption de ces crédits, à la sagesse du Sénat.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 6 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 15 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, MM. les rapporteurs ont excellemment exprimé, d'une manière très complète, tout ce qu'il nous fallait avoir à l'esprit en examinant le projet de budget du commerce extérieur de notre pays pour 2001.
Je voudrais, quant à moi, attirer votre attention et connaître votre sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les points que j'ai retenus à la suite de mes contacts sur le terrain avec différents acteurs de notre commerce extérieur, plus particulièrement à l'étranger.
Je commencerai par relever les éléments qui me paraissent devoir être salués dans votre action et celle de vos services.
Je citerai, d'abord, l'effort de modernisation sérieusement poursuivi à la direction des relations économiques extérieures, au CFCE et au CFME-ACTIM. Puis-je imaginer, à mon tour, que ces progrès servent de modèle et inspirent l'ensemble des services de Bercy !
Je soulignerai, ensuite, l'esprit qui préside aujourd'hui aux relations entre les différents acteurs publics de notre système d'appui au commerce extérieur.
Ils sont nombreux à en témoigner, l'ambiance est généralement bonne. A Paris et sur le terrain, on recherche les complémentarités, on prend mieux conscience qu'il est indispensable de se comporter en partenaires associés vers un même objectif plutôt qu'en concurrents.
Il faut se féliciter d'une telle évolution et profiter de cette situation favorable pour mieux distribuer les rôles de chacun dans notre réseau international. Je compte revenir sur ce sujet dans quelques instants.
Mais, avant que d'aborder ce point fondamental, je voudrais en évoquer quelques autres, d'ordres divers, mais qui, tous, méritent votre attention.
Nos PME doivent-elles être présentes dans les foires et salons ? Oui, ou plutôt non ! L'effort accompli n'est pas assez important. On aurait dû beaucoup mieux profiter des économies apparemment réalisées grâce, ou à cause, de la sous-consommation de crédits pour les reporter largement sur ce chapitre et se donner ainsi les moyens d'une politique d'incitation et d'encouragement plus ambitieux. La participation d'un nombre toujours plus grand de nos PME à ces manifestations est un puissant facteur de leur évolution vers une culture internationale.
Qui sont les volontaires internationaux en entreprise ?
Alors que les décrets d'application de la loi viennent d'être publiés, a-t-on déjà une idée des premiers résultats concernant cette catégorie particulière de volontaires civils ? Leur nombre mais, surtout, la qualité des candidats sont-ils encourageants ?
Nous savons tous qu'après la disparition des coopérants du service national, les CSN, le succès de ce nouveau dispositif est essentiel pour notre présence à l'international.
Coyez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, à la vocation économique de la francophonie ? Pensez-vous que cet espace culturel et géographique peut être un lieu de solidarité dans lequel les acteurs, conscients des liens particuliers qui les unissent, feraient en sorte de développer des relations privilégiées ?
Une organisation telle que le forum francophone des affaires est-elle un partenaire à part entière de notre dispositif d'appui au commerce extérieur ?
Et qu'en est-il de l'Afrique, monsieur le secrétaire d'Etat, toute l'Afrique, du Maghreb à l'Afrique australe, mais, plus spécialement, la subsaharienne, celle de la zone franc et Madagascar ?...
Ne pensez-vous pas que, même si elle semble pénalisée par les chiffres et les comparaisons macro-économiques, l'importance qu'elle représente doit être aussi mesurée à l'aune de son potentiel en termes de population, mais aussi de tout ce que les Etats qui la composent apportent culturellement et politiquement à nos positions dans le monde ?
Alors, n'est-il pas temps de faire en sorte que le balancier de l'action de vos équipes se déplace à nouveau dans sa direction ?
La formation professionnelle et technique du personnel étranger des filiales de nos entreprises, à mesure qu'elles s'internationalisent, est aussi un secteur qui me paraît devoir être privilégié.
A tous les niveaux, dans toutes les spécialités, partout, les besoins grandissent.
Les entreprises agissent, bien sûr, mais elles le font en ordre dispersé. Il paraît nécessaire, d'une part, de les aider à dégager des synergies entre les différents secteurs d'activité, d'autre part, avec les acteurs publics dont, principalement, le ministère de l'éducation nationale.
L'initiative des ateliers techniques régionaux, les ATR, qui débouchent sur des programmes d'action régionale de développement international, les PARDI, s'inscrit dans une logique qu'on ne peut que soutenir et encourager. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, dresser un premier bilan de cette action et nous éclairer quant à son avenir ?
Il me reste peu de temps - je tiens à rassurer M. le président, je serai bref - pour vous exposer le point auquel je suis le plus attaché : l'organisation à l'étranger de notre réseau et son optimisation grâce à la mobilisation et à la coopération harmonieuse de tous les acteurs.
La présence physique sur le terrain est indispensable. Partout où il y a un enjeu, un potentiel pour nos entreprises, nous devons avoir, au moins, un relais, un correspondant.
Or, le réseau de la direction des relations économiques extérieures qui s'est heureusement professionnalisé, s'est aussi - il fallait probablement qu'il en soit ainsi - contracté, créant des vides dans certaines régions. Je pense, spontanément, à des villes comme Melbourne en Australie ou Auckland en Nouvelle-Zélande.
Cette présence nécessaire, il nous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'assurer dans un partenariat à développer, parfois à inventer, avec les acteurs privés de notre commerce extérieur.
Il s'agira, en fonction du contexte, au coup par coup, de déterminer par qui et comment le terrain sera tenu. Mais, si la règle du meilleur rapport qualité-prix préside au choix du partenaire chargé de cette mission, il faudra faire en sorte de lui donner les moyens nécessaires pour réussir.
Je vous ai entendu dire tout le bien que vous pensiez de nos chambres de commerce à l'étranger et des conseillers du commerce extérieur, auxquels je suis, vous le savez, particulièrement attaché.
Si j'estime qu'il ne faut pas nous priver, à l'étranger, d'élargir le cercle de ces conseillers et de l'ouvrir vers les PME chaque fois que cela paraît utile, je voudrais, en guise de conclusion, plaider en faveur de nos chambres de commerce.
Il faut les aider à progresser dans la voie dans laquelle elles se sont engagées : assurer une meilleure professionnalisation de leurs équipes et améliorer leur communication avec celles de France comme avec les autres acteurs de notre commerce extérieur.
S'il est vrai qu'elles cherchent à dégager elles-mêmes les recettes qui leur permettent de vivre, les plus jeunes en particulier ont besoin d'aides financières. Or, vous le savez aussi, comparé à l'effort de nos principaux concurrents, le niveau des subventions qui leur sont allouées est largement insuffisant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, partout les bonnes volontés sont nombreuses et, je le répète, l'ambiance est favorable. Il reste à mobiliser la créativité de chacun et votre volonté pour que ce bel essai soit transformé ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre balance commerciale est excédentaire depuis sept ans ; nous le devons avant tout à nos entreprises, à la qualité de notre main-d'oeuvre et à la haute capacité de notre encadrement. Nous vendons de la qualité, du savoir-faire et de l'intelligence.
Il est difficile de savoir quelle est la véritable incidence de votre ministère sur ces résultats. Aussi, personne ne pourrait vous faire grief de la dégradation de notre balance commerciale, due essentiellement à la hausse des hydrocarbures, le cours du dollar nous étant sans doute favorable.
Je me réjouis des efforts budgétaires en faveur du CFCE, de l'ACTIM et de la DREE. Ces efforts étaient nécessaires, car le niveau d'internationalisation de nos PME ne se situe qu'à un niveau intermédiaire parmi les pays de l'OCDE. Cela traduit un déséquilibre permanent de notre puissance exportatrice en faveur des grands groupes et la frilosité des PME françaises par rapport aux PME allemandes et italiennes exportant respectivement deux et trois fois plus.
Nos entreprises n'ont pas globalement à se plaindre de l'appui de votre département ministériel. L'éventail des aides en faveur de l'exportation est comparable à celui qui existe chez nos principaux concurrents. Peut-être n'est-il pas assez lisible ; peut-être certains outils sont-ils trop faibles !
Ainsi, je ne comprends pas que les crédits destinés à l'assurance-prospection, qui est essentielle pour donner confiance à une PME désirant se tourner vers l'exportation, soient en baisse de 40 %. Cela me semble tout à fait contraire à une politique d'incitation à l'exportation.
L'analyse de votre budget ayant été excellemment faite par MM. les rapporteurs, je voudrais m'interroger en quelques mots sur la stratégie à mettre en oeuvre pour que vous puissiez vraiment peser sur nos échanges commerciaux à long terme.
Cela passe par la plus étroite concertation et coopération entre votre département ministériel et le ministère des affaires étrangères. C'est la seule façon de s'appuyer sur le formidable capital de la France, qu'il soit politique, culturel ou du savoir.
J'illustrerai ces propos par trois exemples.
Sur le plan politique, j'évoquerai le problème des visas. J'ai demandé au ministre des affaires étrangères s'il était d'accord pour faire le choix d'une immigration sélective fondée sur le pragmatisme économique. Ainsi, des visas pourraient être accordés en fonction des formations des demandeurs et de l'apport qu'ils pourraient représenter pour notre économie. Dans sa réponse, M. le ministre m'a semblé assez favorable à cette idée.
Sur le plan culturel, nous ne pouvons abandonner les médias aux seuls Anglo-Saxons. Ils servent le dynamisme d'une économie et en sont la vitrine. CNN, CBS et, dans une moindre mesure, la BBC et certaines chaînes publiques allemandes, italiennes et espagnoles, auprès desquelles TV 5 fait piètre figure, montrent combien nos concurrents ont compris l'apport que les télévisions pourraient représenter pour leur économie. Nous avons besoin d'une chaîne internationale digne de ce nom. Elle permettrait de donner de la France l'image d'un pays moderne parmi les plus performants, voire le meilleur dans certains domaines structurants d'une économie moderne.
Sur le plan du savoir, nous devons faire un effort beaucoup plus important en faveur de l'accueil des étudiants étrangers. Nous subissons beaucoup trop dans ce domaine le poids de l'histoire ; nous devons au contraire anticiper sur le futur et rechercher la présence d'étudiants venant des pays qui joueront un rôle majeur dans ce siècle. Je vous citerai un exemple : nous accueillons 4 000 étudiants scientifiques marocains et 270 étudiants chinois. Nous avons une réelle amitié pour le Maroc. Ces deux pays ont certainement un futur, mais je ne suis pas convaincu que ces chiffres reflètent leur potentiel.
En règle générale, nos grandes écoles et nos universités sont moins fréquentées par les étudiants issus de pays à fort potentiel que celles de nos concurrents : Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie.
Je voudrais ajouter que, dans cet ordre d'idée, je me réjouis que la disparition progressive des CSNE, les coopérants du service national en entreprise, soit compensée par la mise en place du volontariat civil et par l'augmentation des crédits de l'ACTIM.
Dans le prolongement de cette idée de sélection, nous devons concentrer notre effort sur certaines zones. Celle qui s'étend de l'Irak à l'Asie centrale doit être privilégiée, parce que nous y tenons une place politique de premier ordre.
En Irak, la France, par son rôle actifs aux Nations unies et en raison d'une vieille amitié, a une place privilégiée. Votre visite, monsieur le secrétaire d'Etat, y est attendue. Non seulement nos compagnies pétrolières, mais également les entreprises de travaux publics, celles qui travaillent dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, de l'agroalimentaire, pourraient bénéficier ainsi du très grand potentiel de ce pays.
En Iran, les entreprises françaises ont su oser et précéder les hommes politiques, même si c'était avec leur bénédiction. Je suis convaincu qu'il faut que vous donniez un signal fort. Lorsque nous serons les spectateurs de la réconciliation avec les Etats-Unis - et elle viendra dans un avenir proche - il sera trop tard. La force de frappe des entreprises américaines, en particulier des majors qui attendent ce moment avec impatience, nous réduira à la portion congrue.
Pour l'Asie centrale, vous connaissez les chiffres des échanges, en particulier avec le Kazakhstan, pays qui, avec le champ géant de Kashagan, entrera dans le groupe des très grands exportateurs, et où nous participons, de façon dérisoire, à 0,4 % des investissements et à 1,7 % des échanges. Vous devez pousser nos entreprises à s'intéresser bien davantage à un pays aussi prometteur.
Pour illustrer mon propos liminaire, je soulignerai qu'il y a une véritable stratégie à mener dans cette zone. Cette région, même si on en retranche l'Irak en raison de sa situation particulière, en additionnant les réserves du Kazakhstan, du Turkménistan, de l'Ouzbékistan et de l'Iran, est la première du monde pour les réserves de gaz.
Le gaz est devenu une source d'énergie commode, et son utilisation va beaucoup se développer. Mais, là aussi, le temps compte. Les grandes majors ne vont pas rester inertes. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'opportunité de peser fortement sur des choix politiques et stratégiques ? Dans l'affirmative, êtes-vous prêt à engager une telle politique de zones, en particulier sur celle-ci ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis convaincu de votre volonté de concourir au développement de nos exportations. C'est pourquoi je vous accorderai un crédit plus important que votre budget ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du RDSE et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si l'on s'en tient strico sensu aux engagements budgétaires en faveur du développement de notre capacité exportatrice, nous sommes, avec les crédits du commerce extérieur, en présence d'engagements de 5,9 milliards de francs. Cela représente les dépenses de fonctionnement de la Direction des relations économiques extérieures et la participation de l'Etat au financement de l'aide à l'export.
Ces sommes n'ont évidemment rien à voir avec la réalité des concours publics à l'exportation, le moindre n'étant pas l'exemption de la TVA sur les produits exportés.
Quand on sait, par exemple, que la seule industrie automobile exporte pour 300 milliards de francs de biens, on mesure le décalage entre ces engagements budgétaires que je rappelais et la réalité des concours publics.
Notre commerce extérieur est, depuis plusieurs années, largement excédentaire. Il s'appuie pour cela sur un certain nombre de points forts : dynamisme de notre secteur agricole, réalité de l'importance de nos exportations de biens d'équipement, notamment dans le cadre de la coopération industrielle européenne, fort potentiel dans le domaine de la chimie, de la parachimie, de la pharmacie, des cosmétiques.
La « qualité France » est reconnue dans le monde entier sur certains segments, particulièrement porteurs de valeur ajoutée, qu'il s'agisse des technologies industrielles, notamment dans le domaine de l'immatériel avec l'activité de notre industrie de création de progiciels.
Nos positions semblent cependant avoir été remises en question au cours de la dernière période et le solde de notre commerce extérieur commence à en subir les conséquences. Dans un premier temps se pose, en effet, le problème du coût des matières premières énergétiques, notamment du fait du renchérissement sensible du prix du pétrole, même si, de par la position de notre compagnie pétrolière, nous disposons d'une certaine marge de sécurité d'approvisionnement.
Le résultat est patent : le glissement du déficit énergétique de notre pays s'élève à plus de 50 milliards de francs sur l'année 1999, en considérant pour les huit premiers mois de l'an 2000.
Cette situation appelle, concrètement, outre les mesures fiscales diverses prises en première partie du projet de loi de finances, des solutions plus audacieuses, notamment en matière de contrats d'approvisionnement avec les pays producteurs.
Quant à la dépendance de notre pays au regard du dollar s'agissant du prix des matières premières, elle impose à notre avis que nous nous interrogions sur l'utilisation éventuelle d'une autre devise de règlement.
Par ailleurs, je ne peux manquer de souligner qu'il est temps de détendre le marché en cessant de contraindre l'Irak à contingenter sa production exportée.
Enfin, se pose la question du renforcement de notre indépendance énergétique, qui passe notamment par le renforcement du rôle des opérateurs publics, qu'il s'agisse d'EDF ou de GDF.
S'agissant des biens d'équipement, vous me permettrez de m'interroger sur les conséquences d'alliances industrielles qui risquent, si l'on n'y prend garde, de priver notre pays de forts potentiels d'emplois et de production. Cela concerne en particulier notre industrie aéronautique et le devenir de nos capacités de production dans la nouvelle configuration du groupe EADS.
Déjà, des segments de production sont menacés chez Airbus Industrie à Toulouse, à la SNECMA, la Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation, et dans l'ensemble de la filière.
Sur le plan de notre balance agricole, il semble encore trop tôt pour mesurer les effets de la remise en question de la politique agricole commune, comme de la crise liée à l'encéphalopathie spongiforme bovine, celle-ci risquant d'ailleurs d'avoir un double effet.
On peut penser que cette crise conduira à une chute de nos exportations de viande et à une progression de nos importations d'oléagineux et de protéagineux, ceux-ci se substituant aux farines animales interdites.
Là encore, nous devrons être imaginatifs pour éviter une dégradation accentuée de notre capacité exportatrice, qui souffrirait par trop de l'évolution du secteur, de la remise en cause de la viabilité de nombre d'exploitations et de l'existence d'une part des entreprises de l'abattage, de la découpe et de la transformation.
On le voit, notre position commerciale internationale est pour le moins remise en question ces derniers temps.
La France doit donc non seulement défendre ses points forts, mais également oeuvrer pour créer de nouveaux rapports commerciaux internationaux dans le cadre des négociations de l'OMC, entre autres mesures. C'est la condition de notre présence sur les marchés extérieurs et un outil de renforcement de la présence internationale de notre pays au sens large.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe communiste républicain et citoyen votera vos crédits pour 2001. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce budget pour 2001 relatif au commerce extérieur est caractérisé par la mise en application du contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2000-2002, qui a été conclu fin janvier 2000 entre la direction des relations économiques extérieures et la direction du budget.
Ce budget s'inscrit dans la ligne d'une poursuite de la réforme du service de l'expansion économique et d'une réduction du coût budgétaire des procédures financières de soutien à l'exportation. Enfin, et surtout, il conforte l'amélioration des dispositifs en faveur des PME.
En évoquant rapidement ces trois points, je veux mettre l'accent sur le souci de l'Etat d'être présent, au travers des entreprises françaises dans le monde, tout en prônant des formes d'interventions nouvelles. Il est vrai qu'à l'heure de la mondialisation des règles imposées par l'OMC l'Etat se doit de soutenir nos entreprises dans la conquête de marchés hors de nos frontières, mais tout en ciblant mieux ses interventions.
Ce budget est donc un budget qui s'adapte à la conjoncture économique, confrontée à de nouveaux enjeux internationaux. Il ne faut jamais oublier d'observer les chiffres du commerce extérieur ; ils sont un baromètre très utile et, aujourd'hui, ils traduisent la bonne santé de l'économie française malgré la hausse très forte du prix du pétrole : avec 14 % d'augmentation du volume des exportations, la France se porte bien, s'exporte bien.
En abordant la poursuite de la réforme du service de l'expansion économique, je veux insister sur l'effort accompli pour que la Direction des relations économiques extérieures puisse atteindre des objectifs précis de qualité et de performance.
Améliorer la collecte et la diffusion de l'information économique, optimiser les outils financiers, tous ces points sont la pierre angulaire du contrat d'objectifs et de moyens pour 2000-2002. Pour les mener à bien, le budget du réseau des postes d'expansion économique voit ses crédits augmenter légèrement : 1,4 %. L'Etat est soucieux de son personnel à l'étranger ; il facilitera donc les transferts de postes qui permettront aux titulaires d'avoir un déroulement normal de carrière.
Pour ce qui est de la restructuation des organismes d'appui au commerce extérieur, le montant global des dotations ne fléchit pas : elles progressent de 8,3 %. Quant au CFCE, il se doit - c'est un souci du Gouvernement - de se donner les moyens de suivre l'évolution rapide du marché ; une dotation spécifique de 8 millions de francs doit permettre de développer de nouveaux produits et services en ligne, en continuant d'investir dans l'outil informatique.
Les crédits attribués au CFME-ACTIM sont en pleine mutation : ils sont en hausse de 11 millions de francs. En raison de la chute importante des départs dans le cadre de la procédure du service national en entreprise, il faudra plusieurs années pour rebudgétiser ce manque à gagner financier. Le CFME-ACTIM devra, dans les années à venir, gérer une nouvelle procédure de volontariat international. En attendant, l'Etat devra augmenter sa subvention de 10 millions de francs par an au moins jusqu'en 2003.
Cet exemple montre bien que l'Etat, loin de se désengager, s'adapte et répond financièrement aux nouvelles exigences liées à l'évolution de notre société en cette fin du deuxième millénaire.
J'en viens en second point de mon intervention : la réduction du coût budgétaire des procédures financières de soutien à l'exportation.
Marc Massion, rapporteur spécial, a souligné, dans ses remarques sur l'exécution de ce budget, l'insuffisante clarté des comptes du commerce extérieur. Il est grand temps qu'une certaine opacité financière existant depuis des années entre le Trésor et la COFACE soit dénoncée. La Cour des comptes l'a fait : elle souhaite qu'une réelle volonté de transparence financière s'affiche, notamment pour les réserves financières de la COFACE. Nous ne pouvons qu'adhérer à ces recommandations qui vont dans le sens d'une meilleure transparence des comptes de l'Etat.
Enfin, s'agissant de l'amélioration des dispositifs en faveur des PME, la politique engagée par le secrétariat d'Etat au commerce extérieur en faveur des PME ne peut que nous réjouir.
Les PME constituent « la clientèle » principale des structures publiques au commerce extérieur. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour sensibiliser les PME à un développement international. La création d'une « mission PME » en 1999 témoigne de la volonté réelle de rénover les procédures proposées aux PME.
L'un des premiers moyens de se faire connaître, c'est une participation à des salons-expositions, dont le coût d'accès est souvent prohibitif. C'est pourtant le plus souvent un lieu de passage obligé pour « se vendre » internationalement. L'aide du CFME-ACTIM doit progresser de 34 % ; elle doit passer à 50 %, soit à 6 millions de francs de plus par an, afin d'encourager les PME à participer aux salons et expositions à l'étranger.
On a noté une désaffection relative des PME à l'égard de la procédure de l'assurance-prospection. La DREE a donc décidé de simplifier le fonctionnement de cette assurance-prospection par différentes mesures, dont la procédure administrative et les délais d'instruction qui seront raccourcis.
Un autre volet de cette démarche en faveur des PME réside dans la réforme du dispositif dans les régions. La mise en place des ateliers techniques régionaux depuis février 2000 vise à mobiliser dans chaque région l'ensemble des décideurs économiques pour mettre en oeuvre une politique coordonnée du commerce extérieur en faveur des PME. Il s'agit d'une très bonne initiative.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai que le Gouvernement, à travers ce projet de budget, s'est bien engagé dans la voie d'un soutien à nos entreprises à la conquête des marchés hors de nos frontières.
Nos entreprises continuent de disposer d'atouts à l'exportation. Une récente enquête de l'INSEE montre que le moral des chefs d'entreprise résiste bien au ralentissement de la production et que l'activité devrait rester soutenue ces prochains mois. Nos entreprises exportatrices, PME et PMI, contribuent à maintenir ce dynamisme de l'actualité économique française.
A l'occasion de cette discussion budgétaire, je me permets enfin de réaffirmer la nécessité de la réforme de l'OMC, et l'ardente obligation, pour les Etats, de ne pas abdiquer leurs responsabilités et de créer, du droit, notamment dans les domaines de l'environnement, de la concurrence et de la sécurité alimentaire.
A l'heure où l'opinion publique attend des réactions de ses gouvernants, des réactions à la mesure des nouveaux enjeux de la compétition internationale, il faut créer, au sein de l'OMC, une juridiction et une instance qui seront en mesure de résoudre l'ensemble des problèmes posés par la circulation de produits dans un système de mondialisation d'échanges démultipliés, délocalisés et destructurés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste, qui soutient les orientations budgétaires proposées pour le commerce extérieur, votera votre budget.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce rendez-vous budgétaire est l'occasion d'esquisser ensemble le bilan de l'insertion de l'économie française dans la mondialisation et de répondre à vos questions sur le projet de budget lui-même.
L'activité mondiale a connu, vous le savez, un rythme de croissance très soutenu au premier semestre de cette année et, tout en restant dynamique, semble toutefois se stabiliser au second semestre, sous l'effet conjoint de la hausse du prix du pétrole et du resserrement des conditions monétaires.
Selon les derniers chiffres fournis par l'OMC, les échanges internationaux devraient augmenter de près de 14 % en volume cette année. Ce pourcentage - vous l'avez remarqué, monsieur Trémel -, c'est également celui de la hausse de nos exportations sur les neuf premiers mois de cette année par rapport à la même période de l'année dernière.
Tirées par leur compétitivité structurelle, nos entreprises vont exporter, cette année, pour plus de 2 000 milliards de francs de marchandises. C'est là une performance sans précédent, que je vous remercie d'avoir soulignée.
Après les records historiques atteints au mois d'août de cette année, soit 185 milliards de francs pour les importations et 183 milliards de francs pour les exportations, nos échanges ont retrouvé, en septembre, leurs niveaux du deuxième trimestre.
Je note, comme vous, que les branches automobiles et biens d'équipement ont connu d'excellents résultats sur les trois premiers trimestres. Nous connaissons également de très bonnes perfomances dans des secteurs nouveaux, comme la téléphonie mobile, où nos ventes à l'étranger sont en hausse de près de 70 % et, évidemment, comme l'a souligné Mme Terrade, dans l'aéronautique.
Les importations sont, elles aussi, très dynamiques, en augmentation de 20 % sur les neuf premiers mois de l'année. Dans le même temps, la facture énergétique s'est alourdie de 57 milliards de francs, comme vous l'avez également souligné, madame la sénatrice.
Cependant, les stocks mondiaux sont en train d'être reconstitués, et nous devrions observer une détente sur les cours en 2001. Je suis convaincu que l'approfondissement du dialogue entre les producteurs et les consommateurs d'énergie est nécessaire pour le bénéfice de tous.
Par ailleurs, le niveau élevé des importations traduit la vigueur de la demande intérieure et la bonne tenue de notre économie. L'importance des achats de biens intermédiaires, notamment de composants électriques et de biens d'équipement, prouve, en outre, que les entreprises françaises investissent pour répondre à la demande.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir adopté une approche globale et de ne pas vous être exclusivement attachés au niveau de l'excédent. Ce qui importe, en réalité, pour la croissance et pour l'emploi, c'est non pas tant l'excédent en lui-même que le volume des échanges ; or celui-ci tend à démontrer que l'activité économique est vigoureuse et que la croissance économique est robuste.
En 2001, la croissance mondiale devrait d'ailleurs connaître un rythme toujours soutenu, de l'ordre de 3,5 % à 4 %. Dans ces conditions, je crois pouvoir dire que l'économie française dispose de nombreux atouts pour bénéficier pleinement, dans les années à venir, de sa bonne insertion dans le commerce mondial.
J'en viens au budget du commerce extérieur pour confirmer, bien évidemment, que soutenir nos entreprises dans la conquête de marchés extérieurs et défendre leurs intérêts au sein de l'économie globalisée restent les priorités de l'action publique.
Ce soutien consiste toujours - je veux le dire à M. de Montesquiou - dans la recherche de financements appropriés, même si cet outil n'est plus aussi déterminant qu'il a pu l'être dans le passé.
Les progrès significatifs que nous négocions pour l'accès aux marchés des pays tiers peuvent s'avérer aussi efficaces que les politiques massives de soutien.
Nos entreprises sont compétitives ; elles n'ont pas forcément, en particulier les plus grandes d'entre elles, besoin de béquilles. Elles ont plus besoin, me semble-t-il, que nous les aidions à pousser certaines portes. Croyez-moi, nous l'avons vu lors des négociations pour l'accession de la Chine à l'OMC, ouvrir ces portes n'est pas toujours facile et demande énergie et méthode !
Je voudrais, à cet égard, répondre aux questions de MM. Souplet et Trémel sur l'OMC.
Vous avez raison, la mondialisation influe sur le rôle de l'Etat. Mais, loin de se diluer, notre intervention prend des formes nouvelles. A l'Etat interventionniste se substitue l'Etat qui régule. Pour le commerce extérieur, il s'agit d'aider à construire un cadre juridique et réglementaire qui assure à nos entreprises un meilleur accès aux marchés étrangers et des conditions sécurisées pour ce faire, de sorte que la règle du jeu, qu'il s'agisse de tarifs douaniers ou de normes techniques, ne soit pas changée en cours de route.
Tel est justement le rôle de l'OMC et, ne l'oublions pas, des accords de libre-échange que l'Union a conclus avec l'Afrique du sud et le Mexique.
M. le rapporteur pour avis a évoqué les négociations agricoles. Nous nous y sommes engagés de bonne foi. Elles avancent à leur rythme. Des propositions sont faites et seront transformées en offres au mois de mars.
Nous souhaitons, en toute hypothèse, qu'elles soient incluses dans le prochain cycle de négociations.
S'agissant des pays les moins avancés, l'Union européenne a d'ores et déjà fait disparaître les barrières douanières et les contingentements sur les textiles en provenance de ces pays.
S'agissant de certains produits agricoles, nous avons demandé à la Commission des études d'impact sur les organisations communes des marchés du sucre et du riz, et sur les conséquences pour les exportations des Etats ACP, les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Nous vous en rendrons compte.
J'ajoute, pour répondre à M. Ferrand, que nous n'oublions pas l'Afrique. Je viens, avec M. Mike Moore, d'organiser une grande réunion à Libreville pour faire mieux participer les pays africains à l'OMC. J'ai participé avec Charles Josselin, mercredi, à un séminaire du CFCE sur les opportunités d'investissement en Afrique et, l'après-midi même, avec M. Jean Glavany, nous avons discuté avec les représentants des PMA, les pays les moins avancés, dont beaucoup sont africains, de développement et d'agriculture.
Monsieur de Montesquiou, je confirme que je suis conscient des enjeux des questions pétrolières et gazières dans toute l'Asie centrale, Kazakhstan, Turkménistan et Ouzbékistan, notamment.
Vous m'avez également interrogé sur la majorité qualifiée. Ce point est actuellement en discussion. Quelle est la position du Gouvernement français ? Il s'agit, pour nous, de préserver, d'une part, l'exception culturelle et, d'autre part, nos services publics d'éducation et de santé.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. François Huwart, secrétaire d'Etat. Nous verrons quels seront les résultats de cette négociation.
Globalement, les crédits de paiement que je vous propose d'approuver sont comparables à ceux de l'année dernière. S'agissant des autorisations de programme et des dépenses ordinaires, les crédits diminuent de 32 %. Cette baisse peut surprendre, mais elle est essentiellement optique, vous l'avez compris. Je tiens à rassurer M. Souplet sur ce point : il n'est pas question de réduire l'effort des pouvoirs publics en faveur de nos exportations.
En réalité, les moyens disponibles pour les entreprises seront aussi importants que les années précédentes. Les crédits reportés expliquent très largement ce résultat et sont, à mes yeux, un signe de la bonne gestion des fonds publics dont nous avons la responsabilité.
Pour les crédits de paiement, les besoins de 2000 seront couverts grâce aux reports et à une diminution du montant des provisions constituées auprès des organismes gestionnaires. Les dotations seront suffisantes, je puis vous l'affirmer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez insisté, à juste titre, sur le soutien sans faille que nous devons apporter à nos PME. En effet, comme l'a souligné M. Marc Massion, les PME jouent un rôle hélas ! encore trop modeste dans notre commerce extérieur.
Je voudrais, à cet égard, insister sur trois éléments essentiels de ce budget en termes d'innovation. Il s'agit de la poursuite de l'effort de modernisation de notre réseau dans le sens d'une plus grande réactivité, de l'adaptation et de la modernisation des organismes d'appui et, enfin, de la disponibilité de nos procédures financières pour nos petites et moyennes entreprises.
S'agissant du réseau, je vous ai présenté, l'année dernière, le contrat d'objectifs et de moyens que la DREE a signé avec la direction du budget.
Ce contrat est entré en vigueur. Il permet une stabilisation des crédits, une grande souplesse et une simplification dans la gestion. Je crois naturellement, avec M. Marc Massion, que, sur ce point, le budget est exemplaire et annonce une plus vaste réforme de l'administration, réforme que le Parlement et le Gouvernement souhaitent mettre en oeuvre et qui permettra également, comme l'ont souligné MM. Marc Massion et Pierre-Yvon Trémel, une meilleure transparence.
Ainsi que M. André Ferrand, je me félicite du rôle d'avant-garde joué par la direction des relations économiques extérieures dans la modernisation de l'Etat. Elle est engagée dans une démarche qualité. Deux postes d'expansion et une direction régionale du commerce extérieur sont aujourd'hui certifiés ISO 9001, et l'opération devrait s'étendre dans les mois à venir.
Les budgets des organismes d'appui, le CFCE et le CFME-ACTIM, sont, eux, en augmentation de 25 millions de francs. J'ai souhaité que cet argent soit essentiellement destiné à améliorer la qualité des prestations rendues aux PME.
A cette dotation supplémentaire s'ajoutent les crédits des contrats de plan, destinés notamment à financer les programmes d'actions régionaux de développement international, les PARDI, explicitement destinés aux PME-PMI.
Pour vous répondre sur ce point, monsieur Ferrand, je viens de signer les premiers PARDI en région Centre, en Midi-Pyrénées, en Limousin et en Ile-de-France. Cette politique répond à deux réels besoins, celui d'une parfaite coordination de tous les partenaires du commerce extérieur et celui d'une meilleure visibilité et d'une meilleure accessibilité de nos moyens pour les petites et moyennes entreprises.
Le CFME-ACTIM, dont vous avez tous parlé, est, lui, confronté à un défi d'une nature spécifique. Il va perdre, en effet, le bénéfice de la gestion des coopérants du service national en entreprise. Vous m'interrogez à ce sujet, et vous vous étiez inquiété l'année dernière, monsieur Massion, du manque à gagner pour le CFME-ACTIM.
La nouvelle procédure des volontaires en entreprise va certainement connaître une période de rodage. Il n'est pas certain qu'elle compense tout de suite le manque à gagner pour le CFME-ACTIM. Mais, comme vous l'avez souligné, le CFME-ACTIM va recevoir une aide supplémentaire avec, notamment, les 6 millions de francs du lancement du CIVI, le centre d'information sur le volontariat international.
Le nouveau dispositif, qui s'adresse aux jeunes gens des deux sexes, j'y insiste, sans condition de diplôme, peut leur offrir une expérience internationale très précieuse pour la suite de leur carrière professionnelle. Quant à l'intérêt pour nos entreprises à l'étranger, il n'est plus à démontrer, nous en sommes d'accord.
Je peux d'ores et déjà vous dire que 2 500 jeunes ont fait acte de candidature pour la nouvelle procédure, dont 58 % de jeunes femmes. Pour répondre à M. Ferrand sur ce point, c'est trente fois plus que dans l'ancienne formule des coopérants du service national.
Les profils des candidats reflètent également une plus grande diversité de parcours et de diplômes. Je dirai à M. de Montesquiou qu'une bonne coopération s'est instaurée avec le ministère des affaires étrangères, qui participera à cet effort.
Je peux même ajouter que j'ai récemment inauguré le centre d'information sur le volontariat international, monsieur Massion, en compagnie de mes collègues MM. Hubert Védrine et Charles Josselin.
Sur le CFME, j'ajoute que la dotation de 11 millions de francs permettra, comme vous le souhaitez, monsieur Ferrand, d'augmenter la participation des PME-PMI aux foires et salons, plus précisément, comme l'a dit M. Trémel, en augmentant l'aide du CFME-ACTIM, qui passe de 34 % à 50 %, pour un coût total de 6 millions de francs.
Le CFCE doit, lui aussi, intégrer la révolution des nouvelles technologies dans le domaine, vital pour nos entreprises, de l'intelligence économique. Alors qu'il avait été convenu avec le CFCE que sa dotation pour 2000 - 120 millions de francs - devrait être en baisse, j'ai souhaité qu'un montant complémentaire de 8 millions de francs soit disponible pour lui permettre d'accélérer cette adaptation.
S'agissant du regroupement des organismes, monsieur Souplet, nous avons privilégié le rapprochement fonctionnel et, à terme, physique. Je pense qu'il sera effectif en 2003.
Ce mouvement, il nous faut maintenant le prolonger et l'approfondir, avec les nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est pour cela que j'ai demandé aux dirigeants de ces deux organismes d'appui de procéder aux études nécessaires à une véritable adaptation de leurs prestations par les moyens d'Internet.
Enfin, le volet relatif au commerce extérieur des contrats de plan Etat-région voit ses autorisations de programme portées de 45 millions de francs à 62 millions de francs, conformément au montant total prévu pour la période 2000-2006.
MM. Souplet et Tremel m'interrogent également sur l'assurance-prospection. M. de Montesquiou y a fait également allusion.
Je souhaite, comme vous, que les PME continuent de disposer de nouvelles facilités de financement pour leur internationalisation.
La réforme, très importante, à mes yeux, de l'assurance-prospection qui vient d'être décidée va dans ce sens. La procédure est considérablement simplifiée : un contrat unique regroupant les trois produits aujourd'hui proposés ; des critères d'accès assouplis, puisque le chiffre d'affaires sera désormais le seul élément pris en considération.
En outre, les plus petites entreprises, comme les start up, auront également accès à une avance de trésorerie. Le montant, prudent, somme toute, de 180 millions de francs qui a été inscrit dans le projet de loi de finances est, je le rappelle, une simple évaluation. Il devrait toutefois être suffisant compte tenu de la bonne gestion de cette procédure, ainsi que des reports prévus. La COFACE et les DRCE sont mobilisées - j'y veille - pour que ce nouvel appui serve efficacement les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les grands principes du budget que je vous demande d'approuver, étant conscient que la richesse de vos interventions, la multiplicité de vos questions ne m'ont pas permis, compte tenu du temps qui m'était imparti et que je crois avoir respecté, de répondre à toutes et à tous. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je veux simplement rappeler au Sénat que nous n'avons pas à statuer, maintenant, sur les seuls crédits que M. le secrétaire d'Etat vient de nous présenter. Nous avons écouté sa présentation avec beaucoup d'intérêt, celle des rapporteurs comme les points de vue de nos collègues qui se sont exprimés.
Dans un instant, le Sénat se prononcera sur les crédits du commerce et de l'artisanat, de l'industrie, des services financiers, du commerce extérieur, puisque le Gouvernement n'a pas jugé opportun de consulter le Parlement séparément sur ces fascicules budgétaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas que vous preniez en mauvaise part le rappel de la recommandation de la commission des finances, puisqu'il ne concerne pas exclusivement les crédits que vous avez bien voulu nous présenter voilà quelques instants.
Je rappelle à nos collègues que, pour toutes les raisons exposées par MM. les rapporteurs spéciaux au cours de la journée, la commission des finances préconise le rejet des crédits qui nous sont proposés.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'économie, les finances et l'industrie.
Je rappelle au Sénat que les autres crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie ont été examinés aujourd'hui même.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 4 455 642 938 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient sur les crédits de l'industrie figurant tant au titre III qu'aux titres suivants !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mon cher collègue, en l'occurrence, c'est fromage et dessert ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. Non, c'est encore fromage ou dessert ! (Nouveaux sourires.)

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 45 571 832 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 054 080 000 francs ;
« Crédits de paiement : 342 996 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 4 968 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 600 400 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen de l'ensemble des dispositions du projet de loi de finances concernant l'économie, les finances et l'industrie.

Recherche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Trégouët, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, puisque vous n'avez pris vos fonctions qu'au printemps dernier, un certain nombre d'insuffisances que la commission des finances a pu souligner dans son rapport ne vous sont pas directement imputables. Depuis votre arrivée, vous avez obtenu, notamment, un budget mieux perçu par la communauté des chercheurs, même si celui-ci est encore nettement insuffisant dans de nombreux domaines.
Vous avez mis sur les rails une importante réforme du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, et vous avez mis en place des structures associant recherche publique et recherche privée, les CNRT, les centres nationaux de recherche technologique.
Par ailleurs, nous approuvons certaines de vos priorités, en particulier celles qui sont relatives aux sciences du vivant et aux technologies de l'information, ainsi que d'autres, contenues dans les dix orientations que vous avez présentées le 4 mai dernier, notamment - j'y reviendrai - en ce qui concerne l'amélioration de l'évaluation, le rajeunissement des effectifs et la promotion de la mobilité et des démarches interdisciplinaires.
Pourtant, la commission des finances n'a pas adopté vos crédits. Pour quelles raisons ?
Tout d'abord, parce que, sur plusieurs points, ce budget est un budget de facilité. par ailleurs, la commission des finances a la conviction que les entreprises françaises apportent une contribution insuffisante à l'effort national de recherche pour ménager les deniers publics. L'effort de ces entreprises, même s'il progresse, demeure inférieur, en pourcentage du PIB marchand, à celui de leurs concurrentes américaines, japonaises ou allemandes.
La deuxième raison de l'avis négatif de la commission des finances tient au rendement très médiocre de la recherche française, si nous l'évaluons en nombre de brevets déposés. Or il faut rappeler que l'effort de la France en faveur de la recherche publique place notre pays au deuxième rang mondial. Dans ce classement objectif ramené au nombre de brevets, nos résultats sont moins bons que ceux qui sont obtenus par des pays où la recherche repose sur un financement privé.
Votre prédécesseur, M. Claude Allègre, avait fait de la réforme des structures de ce budget un préalable à un accroissement significatif des moyens de celui-ci, de façon à en garantir l'efficacité. Certains, au sein de la commission des finances, s'en souviennent et ont repris cette exigence à leur compte.
La troisième raison qui suscite l'avis négatif de la commission des finances tient au déficit d'évaluation de la recherche française.
Chacun, y compris vous-même, monsieur le ministre, reconnaît qu'il y a, dans ce domaine, des progrès à faire.
Je vous accorde qu'il s'agit là d'une tâche difficile, en raison de la démultiplication, du caractère collectif et de la déconcentration des actions, qui posent des problèmes de remontée et de consolidation des résultats.
Mais cette évaluation est indispensable, notamment en ce qui concerne vos fonds d'intervention : celui qui concerne la science et, peut-être plus encore, celui qui est affecté à la technologie, lesquels ont beaucoup augmenté ces dernières années.
Le Comité national d'évaluation de la recherche et le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie partagent, sur ce point, nos préoccupations.
Nous devons disposer de critères clairs d'appréciation des résultats de la recherche et de nouveaux indicateurs objectifs, définis en collaboration avec les organismes concernés et selon les spécificité de chaque secteur.
L'évaluation et la communication sont liées. Pour que la représentation nationale soit à même de mieux apprécier l'utilité de la recherche afin de souscrire pleinement à ses efforts, il faut en expliquer davantage les enjeux et les bienfaits. Votre ministère s'y emploie.
En revanche, certains grands organismes - mis à part le Centre national de la recherche scientifique, le Commissariat à l'énergie atomique, ou CEA, et le Centre national d'études spatiales, ou CNES, sont encore très peu ouverts à cette communication.
Avant de conclure, je ferai quelques observations complémentaires.
Les premières concernent les très grands équipements, la nécessité de mieux les définir, de mesurer leur impact budgétaire, de programmer les dépenses correspondantes, afin de les faire échapper, en raison de leur caractère structurant et essentiel, aux fluctuations conjoncturelles.
Plus ponctuellement, je souhaite la mise en place très rapide d'une société civile pour piloter le projet SOLEIL - source optimisée de lumière d'énergie intermédiaire du Lure - de synchrotron de troisième génération et m'interroge sur l'utilisation, à des fins touristiques, du navire océanographique Marion-Dufresne dans les mers australes.
Des très grands équipements, j'en viens tout naturellement à l'espace : dans ce domaine aussi, une programmation à moyen terme des crédits est nécessaire. Il importe par ailleurs de ne pas sacrifier, dans les arbitrages, la composante spatiale des technologies de l'information et le programme GALILEO de positionnement par satellite à des coopérations internationales coûteuses et qui peuvent sembler moins prioritaires, comme la station spatiale ou l'exploration de Mars.
Dans ce domaine, comme dans celui des composants électroniques, il est essentiel que la recherche duale fasse preuve de plus de dynamisme. Or celui-ci semble faire défaut.
Il faut - j'insiste sur ce point - que le Centre national d'études spatiales puisse respecter son plan stratégique à moyen terme.
Mes dernières observations concerneront l'emploi scientifique, le caractère indispensable d'une vision pluriannuelle permettant d'exploiter les opportunités qu'offrent les perspectives de départs massifs à la retraite, pour un rajeunissement et un redéploiement des effectifs vers les secteurs prioritaires.
Il faut, dans cette perspective, veiller à préserver le caractère attractif de la filière doctorale, avec ce que cela suppose en ce qui concerne les allocations de recherche et l'emploi des « post-docs », d'autant que je me demande si, en ce qui concerne ces derniers, l'émigration n'est pas sous-estimée.
Enfin, la mobilité public-privé et entre établissements publics et universités demeure insuffisante.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous lire quelques lignes du Journal officiel du 30 juin 1999.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bonne lecture ! (M. le président de la commission brandit un exemplaire dudit journal.)
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Je crois en effet qu'il est important que nous soulignions en cet instant qu'aux yeux de la commission des finances les engagements pris à cette tribune de façon solennelle par un ministre chargé de la recherche parlant au nom d'un gouvernement doivent durablement engager ce gouvernement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre prédécesseur, le 30 juin 1999, alors que nous discutions du projet de loi sur l'innovation et la recherche - projet de loi pour lequel nous avions dû, en quelque sorte, « arrêter la pendule » pour permettre son adoption avant la fin de la session - nous disait ainsi qu'il nous fallait voter celui-ci toutes affaires cessantes car c'était primordial pour la recherche française et nous assurait que tous les décrets d'application étaient prêts. Or, un an et demi après la promulgation de cette loi, plusieurs des décrets essentiels qui étaient prévus pour la mise en application de ce texte ne sont toujours pas publiés.
Je souhaiterais donc - et ce sera ma conclusion - citer quelques lignes des propos que M. Allègre avait tenus le 30 juin 1999. Il affirmait : « Vous m'avez demandé, je le répète, de prendre l'engagement qu'il y ait une discussion sur les stock options au cours de la prochaine session. Cet engagement, je le prends ! » Or, cela était solennel. A plusieurs reprises, M. le ministre s'y est engagé.
M. Gérard Delfau. C'est ce qui vous intéresse comme recherche, mon cher collègue ! Soit !
M. René Trégouët, rapporteur spécial. C'était le ministre de la recherche lui-même, mon cher collègue !
M. Gérard Delfau. C'est ce que l'on appelle une recherche financière !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Pourquoi s'y était-il engagé ?
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Le président de la commission des finances, M. Lambert, avait alors répondu avec bon sens : « La question que je me pose est de savoir si vous pourrez le faire la prochaine fois. » Malheureusement, tel n'a pas été le cas.
Or la recherche française, il faut bien le comprendre, ce n'est pas seulement ce qui se passe dans nos laboratoires publics, c'est aussi toute la valorisation apportée par les entreprises privées, et l'on s'aperçoit que le moyen de financer ces entreprises à risque, les stock options, joue un rôle important en la matière. Mais, la décision que nous attendions n'a toujours pas été prise, ce qui est regrettable.
Voilà qui explique sans doute la position très dure de la commission des finances mais je crois qu'elle est tout à fait compréhensible. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est un langage que nos collègues de gauche ne comprennent pas !
M. Gérard Delfau. C'est sûr que nous avons du mal à comprendre !
M. Jean Chérioux. Vous avez cinquante ans de retard, pour ne pas dire plus !
M. le président. Souhaitez-vous intervenir, monsieur Chérioux ? Si c'est le cas, je vous inscris dans le débat !
M. Jean Chérioux. Non, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Laffitte, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la recherche scientifique et technique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est certain, comme vient de le rappeler notre ami M. Trégouët, que le présent budget ne transcrit pas la décision audacieuse prise par les Quinze à Lisbonne de rattraper les Etats-Unis, notamment dans le domaine des nouvelles technologies et, par conséquent, dans le domaine de la recherche et du développement.
Certes, les autorisations de programmes progressent de 6,4 %, ce qui est un rattrapage.
La commission des affaires culturelles avait demandé que, par souci de cohérence, une partie du résultat de l'attribution des licences UMTS, escompté à un niveau évalué à 130 milliards de francs, permette d'abonder, à hauteur de 10 %, sur une période de quinze ans, le fonds de la recherche et de la technologie.
Le ministre de l'économie et des finances ainsi que la commission des finances, pour des raisons d'ailleurs diverses, s'y sont opposés.
Mais nous venons de décider, voilà quelques heures, l'organisation d'un débat sur le spectre des fréquences. Chaque année, le Parlement pourra ainsi se prononcer sur les attributions, les priorités et leurs évolutions, ce qui signifie que le dossier n'est pas clos.
Je rappelle que certaines fréquences ont une valeur beaucoup plus grande que les fréquences UMTS : je pense en particulier aux trente-six fréquences qui seront libérées par le passage au numérique terrestre hertzien. Des procédures de transition entre l'analogique et le numérique existent qui permettent de raccourcir la période de dix ou quinze ans qui avait été prévue.
Ces fréquences peuvent représenter une valeur de l'ordre de 1 000 milliards de francs. Or, si une partie de cette manne financière est nécessaire pour la diffusion analogique, la totalité ne sera sans doute pas nécessaire, d'autant plus que de multiples diffusions numériques hertziennes terrestres consacrées à l'audiovisuel pourraient tuer les diffusions satellitaires et mettre à mal l'industrie du câble. Par conséquent, nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions à différentes reprises.
En tout cas, je pense que le Sénat aura envie d'en débattre, monsieur le ministre, car il s'agit d'un point fondamental, aussi bien pour vous que pour le ministre de l'industrie ou le ministre de la défense dans leurs programmes d'appui à la recherche industrielle.
La « dominance », pour ne pas dire l'hégémonie américaine correspond à une stratégie très ciblée de recherche dans des domaines essentiels. C'est très exactement ce que, du temps de l'atome, le général de Gaulle et ses prédécesseurs avaient fortement compris. Je pense donc que nous devons, dans ce domaine, adopter une stratégie ferme pour avoir une politique industrielle analogue en Europe à ce qui se passe au Japon et aux USA.
J'en reviens à votre budget, monsieur le ministre.
A mon sens - et la commission des affaires culturelles y a été très sensible - ce budget marque une volonté de création d'emplois, dans des domaines ciblés. Et nous sommes particulièrement heureux de constater qu'ils ont été orientés notamment vers l'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, qui, selon l'opinion unanime des milieux scientifiques et industriels français et mondiaux, représente une réussite exceptionnelle.
L'INRIA est donc favorisé. Tant mieux ! Je me demande d'ailleurs s'il n'aurait pas été plus important encore de mettre en évidence des critères de haut niveau scientifique, d'interaction et d'ouverture très large en direction aussi bien des universités que des grandes écoles et votre volonté - enfin ! - d'assurer une valorisation en liaison avec le monde industriel ou financier.
En effet, nous devons constater la valorisation très forte des recherches de l'INRIA, qui a enfanté des start up qui, à l'heure actuelle, regroupent des personnels plus importants que ceux dont l'institut dispose lui-même.
Votre budget, monsieur le ministre, comprend un deuxième point très positif à mon sens : le CNRS va désormais être doté d'un département spécialisé dans le domaine des technologies de l'innovation et de la communication, ce qui est d'autant plus important que ce domaine est par nature transversal et qu'en conséquence il peut aussi bien faire travailler des mathématiciens, des physiciens et des chimistes que des professionnels des secteurs des sciences humaines qui, pour le moment, ne sont pas impliqués à leur juste mesure dans la valorisation de cet établissement. Je pense ici aussi bien aux économistes qu'aux spécialistes en organisation, aux sociologues ou aux psychologues, qui peuvent très bien servir la communication.
Je sais que la direction nouvelle du CNRS s'attache leur concours de façon à abolir la coupure excessive entre les spécialistes que nous connaissons en France.
Nous vivons une véritable révolution dans le domaine de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, lesquelles sont au moins aussi importantes que la technologie proprement dite, ne serait-ce que par le chiffre d'affaires engendré par les start up.
Mon collègue René Trégouët a évoqué avec talent le secteur de la santé, je n'y reviendrai pas : nous pouvons avoir sur ce point une position comparable.
Enfin, vous avez aussi mis sur pied un certain nombre d'opérations dans d'autres domaines, dont celui de la santé, mais je crois que vous en reparlerez tout à l'heure.
Par conséquent, il y a des éléments positifs dans votre budget, monsieur le ministre.
Au nombre des éléments moins positifs, je note le fait que, pour le moment, la possibilité de développement des fameux services d'activités industrielles et commerciales, les SAIC, reste insuffisante, le décret n'étant toujours pas paru. Je sais que cette situation ne dépend pas que de vous, mais il est très important que les décrets soient publiés rapidement.
Enfin, un certain nombre de problèmes se posent en matière de culture scientifique et technique, mais j'y reviendrai ultérieurement.
En conclusion, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur votre budget, qu'à titre personnel, je l'indique, je voterai. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes - M. Lanier applaudit également.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Rausch, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'analyse du projet de budget civil de recherche et développement, présentée par mes collègues René Trégouët et Pierre Laffitte.
Je me félicite du changement de cap du Gouvernement - il est particulièrement symbolique -, avec la décision de construction, annoncée en septembre dernier, d'un synchrotron de troisième génération. Je souhaite que soit rapidement constituée la société civile qui portera le projet : cet équipement, pluridisciplinaire et polyvalent, était en effet nécessaire.
J'approuve aussi la continuité dans le soutien des sciences de la vie et des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui se traduit dans les crédits de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, de l'INRIA, du Fonds de la recherche technologique et du Fonds national de la science.
Cependant, les interrogations et inquiétudes restent nombreuses.
Des mesures sont prises en matière de gestion des personnels de recherche : création de 305 emplois, mesures catégorielles de transformations d'emplois, léger accroissement des crédits d'accueil des enseignants chercheurs au sein des établissements publics de recherche.
Mais ces mesures ne permettent que de faire passer de 3 % à 4 % le volume de recrutement des établissements publics à caractère scientifique et technologique.
Les points faibles en matière d'emplois scientifiques publics, qui avaient été mis en évidence dans un rapport remis en juillet 1999 au Premier ministre par MM. Le Déaut et Cohen, perdurent, à savoir le vieillissement de la pyramide des âges, l'absence de mobilité et l'absence de débouchés pour les jeunes docteurs.
La pyramide des âges conduira à des départs en retraite accélérés d'ici à 2005-2015. Un chercheur sur deux aura atteint la limite d'âge dans la prochaine décennie, ainsi que, dans les vingt prochaines années, 60 % des personnels recensés en 1998 au CNRS. C'est là une occasion historique de renouvellement, dont il faudrait mieux profiter.
En outre, le problème de la désaffection des post-doctorants pour la recherche publique française, dont un nombre croissant s'expatrie en Amérique du Nord au risque de ne pas revenir, préoccupe beaucoup la commission des affaires économiques.
La recherche française continue d'être caractérisée par les paradoxe suivant : d'un côté, le vieillissement de l'âge moyen des chercheurs et, de l'autre, des « files d'attente » dissuasives à l'entrée pour les post-doctorants. Or, vous l'avez vous-même souligné à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, la France n'a pas vocation à servir d'institut de formation aux Etats-Unis ou aux pays de l'Union européenne, qui profiteraient gratuitement des fruits de notre enseignement supérieur ! Ces pays sont nos concurrents dans la compétition scientifique, technologique et économique internationale.
Si la prise de conscience du Gouvernement s'améliore sur ce problème inquiétant, je ne crois pas que les moyens mis en oeuvre pour lutter contre ce phénomène soient suffisants.
La France ne consacre que 2,18 % de son produit intérieur brut à la recherche, soit le quatrième rang mondial en volume, mais le huitième rang seulement en termes de proportion du PIB.
La loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, que le Sénat avait soutenue, visait à décloisonner la recherche et à favoriser l'essaimage des laboratoires vers l'entreprise.
La commission des affaires économiques en approuve les principes, de même qu'elle approuve l'appel à projet sur les incubateurs technologiques et les fonds d'amorçage, qui a conduit à la sélection d'une trentaine de structures dans les régions, rassemblant partenaires scientifiques, collectivités locales, entreprises et investisseurs.
Je regrette toutefois qu'un important décret d'application de la loi du 12 juillet 1999 soit encore attendu : le Gouvernement doit aller au bout de sa démarche.
Compte tenu de ces interrogations persistantes, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la recherche. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 22 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour 25 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous parler ici de la nécessité de développer la culture scientifique et technique.
Nous avons actuellement un excellent organisme de culture scientifique et technique, la Cité des sciences et des techniques, placé sous la tutelle conjointe du ministère de la recherche et du ministère de la culture et de la communication. Par ailleurs, d'autres organismes dépendent du ministère de l'éducation nationale : je pense en particulier au Palais de la découverte ou au Muséum national d'histoire naturelle. Mais tous ces organismes sont concentrés à Paris.
Or nous constatons, non seulement en France mais également en Europe, un manque total d'incitation des jeunes à la compréhension de la science et de la technologie, alors que nous entrons dans la mondialisation et dans un monde où Internet, où les technologies deviennent de plus en plus importants et où les gens commencent à ne plus comprendre. Or, lorsqu'ils ne comprennent plus, ils ont peur, et, lorsqu'ils ont peur, ils se révoltent. Par conséquent, la population est à l'aube d'un nouveau Moyen Âge. Il est donc nécessaire de développer sur l'ensemble du territoire français des opérations de culture scientifique et technique.
Les moyens consacrés aux actions régionales par le projet de loi de finances s'élèvent à 38,6 millions de francs. Monsieur le ministre, vous disposez d'une structure et de personnels compétents et très qualifiés, mais ce sera à mon sens insuffisant si vous n'avez pas la volonté de faire en sorte que les moyens concentrés à Paris - je pense notamment ici à la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette, dont la dimension est quand même nationale et non pas seulement parisienne - soient en partie décentralisés.
Des projets très intéressants se développent à cet égard, dont deux en particulier pourraient voir rapidement le jour. Le premier concerne l'université Louis-Pasteur de Strasbourg, dont j'ai rencontré le président, le second, que je connais bien, est implanté à Sophia-Antipolis. Une étude de faisabilité a été réalisée pour ce dernier, grâce à de modestes crédits de votre ministère, qui montre que de un million à un million et demi de personnes seraient prêtes à visiter ce site situé à Mougins, en bordure de l'autoroute. Il faut maintenant insister auprès du conseil d'administration de la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette pour que cet établissement pousse des « pseudopodes » en province. Cela me paraît à la fois tout à fait capital et normal, et l'ensemble des organismes placés sous votre tutelle, monsieur le ministre, doivent faire beaucoup plus qu'organiser des journées « portes ouvertes ». Cela n'est pas suffisant, et il est indispensable d'agir pour attirer les jeunes vers les carrières de la recherche ou de la technique et pour enrayer la désaffection que l'on constate pour ces domaines de la culture.
Nous devons engager une action volontariste pour redorer le blason du progrès, sinon nous nous dirigerons vers un déclin qui serait très néfaste pour un pays comme la France. (M. Rausch applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'efforcer d'utiliser de façon synthétique les cinq pauvres minutes dont je dispose !
Avec une progression de 2,2 % des crédits de la recherche, ce projet de budget rompt avec ceux des années antérieures, qui suscitaient bien des inquiétudes et des protestations au sein de la communauté scientifique.
C'est là un motif de satisfaction, même si l'effort qu'il faudra déployer dans les prochaines années appelle une croissance plus soutenue encore du budget de la recherche.
La création de 305 emplois scientifiques est loin, bien loin de correspondre au renouvellement attendu des personnels de la recherche, dont l'effectif devrait, comme c'est le cas dans bien d'autres administrations, subir les effets du déséquilibre de la pyramide des âges. La mise en place d'un plan pluriannuel de recrutement de scientifiques serait donc justifiée : nous la souhaitons très vivement, car cela permettrait, en outre, de répondre aux attentes des titres de titulaires de doctorat privés d'emploi, qui doivent trop souvent quitter notre territoire.
En l'espace de six années, le ratio de la dépense intérieure de recherche-développement sur le produit intérieur brut a connu une baisse importante, passant de 2,45 % en 1993 à 2,17 % en 1999. Notre pays, avec six chercheurs pour mille actifs, se classe derrière le Japon, les Etats-Unis ou de petits pays comme la Norvège, la Suède et la Finlande.
Au-delà de ces chiffres, monsieur le ministre, la majorité plurielle est attendue sur le terrain de sa politique de recherche.
La carte de France de l'emploi scientifique met en évidence des régions « pauvres », parmi lesquelles le Nord - Pas-de-Calais, dont je suis l'élu, qui ne bénéficie en rien des retombées économiques de l'emploi scientifique.
Le plus gênant, le plus anormal est que ce déficit en emplois scientifiques sert de justification aux choix d'implantation de gros équipements. Ainsi, si je me réjouis que le Gouvernement ait finalement décidé de réaliser le projet SOLEIL en France, je regrette que la candidature du Nord - Pas-de-Calais, n'ait pas été retenue, en raison précisément d'un déficit d'emplois scientifiques, et que les préoccupations d'aménagement et de rééquilibrage du territoire n'aient pas été prises en compte dans la décision qui a été arrêtée, alors qu'une heure de TGV sépare les deux sites en compétition. En attendant, le problème du nombre des chercheurs dans la région reste entier...
Il y a, à mon avis, matière à réflexion, tant sur les critères de choix d'implantation des équipements en région que sur les mesures à prendre pour favoriser la répartition des moyens de recherche et des chercheurs sur le territoire.
J'ajouterai, s'agissant du projet SOLEIL, que plusieurs projets de rechange ont été soumis au Gouvernement. Le Nord - Pas-de-Calais, ses élus et sa communauté scientifique attendent impatiemment les réponses gouvernementales, même si elles ont déjà été plus qu'esquissées.
Enfin, les filières scientifiques de l'enseignement supérieur subissent, cette année encore, une large désaffection des étudiants. Le rôle social et de formation des centres de culture scientifique, technique et industrielle, qui pourraient développer, de manière durable, le goût de la science et des techniques, est amoindri par l'absence de crédits et de statut juridique appropriés à leur mission. On le sait bien, la « Semaine de la science » ne suffit pas pour intéresser durablement les jeunes aux sciences.
Pour apporter sa pierre à la politique européenne et de coopération en matière de recherche publique, notre pays devrait avoir à coeur de renforcer le poids de sa recherche-développement par rapport à son PIB, a fortiori si l'on tient compte de l'apport de la recherche au développement économique et à l'innovation, et, plus largement, à la connaissance et aux savoirs.
Certes, ce budget est en rupture avec les précédents ; néanmoins, les retards pris par notre pays en matière de recherche et la croissance retrouvée doivent conduire à engager un effort bien plus important dans les années à venir. C'est là le signe que nous attendons d'ores et déjà pour le budget de 2002, mais, aujourd'hui, nous voterons votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissement sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget civil de recherche et développement connaît, pour l'année 2001, une hausse de 2,2 %, pour atteindre 55,86 milliards de francs, soit une augmentation supérieure à celles qui avaient été constatées les deux années précédentes. Cette progression doit constituer une incitation aux changements - changements déjà en marche dans certaines structures, mais j'y reviendrai - et permettre le développement de disciplines dans lesquelles la France présente un retard par rapport à ses principaux concurrents, comme les technologies de l'information ou de la communication. Mais n'oublions pas, cependant, que la situation de la recherche française, tient pour l'essentiel, à l'insuffisance des financements privés.
Les principales mesures prévues par ce projet de ce budget portent tout d'abord sur l'emploi scientifique, avec la création de 130 emplois de chercheur et de 135 emplois d'ingénieur technicien, l'amélioration des carrières, la promotion de la mobilité des chercheurs et la formation à la recherche, avec 200 allocations supplémentaires.
Ensuite, les technologies de l'information et de la communication, ainsi que des sciences du vivant, bénéficient prioritairement à la fois des créations d'emploi et de la hausse des crédits du fonds national de la science et du fonds de la recherche et de la technologie.
En outre, les moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires publics de recherche, pour lesquels les crédits de paiement progressent de 6,9 % et les autorisations de programme de 2,8 % globalement, mais de 10 % pour les seuls établissements publics scientifiques et techniques, sont renforcés.
Enfin, l'aide à l'innovation et à la recherche industrielle voit ses crédits augmenter de 9 %, pour atteindre 6 milliards de francs.
Par ailleurs, la recherche universitaire bénéficie d'une amélioration de ses crédits, avec une hausse de 8,1 %, contre 3,1 % l'année passée. Cet effort est supérieur à la progression constatée durant la période 1997-2000 et amorce un rattrapage en matière d'équipement des laboratoires. C'est important, car l'université constitue une composante essentielle de notre recherche. Elle forme les jeunes chercheurs de demain et contribue, pour une large part, à la recherche fondamentale.
Je plaide donc, comme je l'ai déjà fait lors de l'examen du projet de budget de l'enseignement supérieur, pour une revalorisation de l'allocation de recherche. Fixée en 1991 à 1,34 fois le SMIC, celle-ci n'a jamais été revalorisée depuis. Les doctorants méritent au moins une revalorisation de leur allocation, si ce n'est son indexation : ce serait un signe fort à leur adresse.
Après un blocage de la réforme du Centre national de la recherche scientifique, le conseil des ministres a récemment adopté, sur votre proposition, monsieur le ministre, un projet de décret modifiant l'organisation et le fonctionnement de cet organisme, qui avait été approuvé, préalablement, par le conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Il est ainsi donné plus d'autonomie au CNRS, plus de pouvoir à son conseil d'administration, tout en le dotant d'un véritable conseil scientifique, composé, pour partie, de personnes extérieures. Celles-ci pourront formuler, en toute indépendance, des critiques et des propositions.
Le CNRS vient aussi de créer un département des sciences et des technologies de l'information et de la communication. Pluridisciplinaire, il est axé sur les sciences de la vie, avec la bio-informatique, et les sciences humaines et sociales, avec la linguistique. Il bénéficiera de l'essentiel des soixante-dix emplois destinés à cet organisme dans ce projet de budget. En ce qui concerne la valorisation de la recherche, une réflexion est en cours pour redéfinir les missions du fonds d'intervention scientifique et technique, filiale du CNRS. De son côté, l'Institut de recherche pour le développement s'est engagé dans la création d'un département d'expertise et de valorisation, afin de développer la coopération avec les entreprises.
Le CNRS est un bon exemple du renouvellement des générations de chercheurs dans les années à venir, puisque plus de la moitié de son personnel partira à la retraite dans les vingt prochaines années. Selon une étude de l'Observatoire des sciences et techniques, le quart des 60 000 enseignants-chercheurs et chercheurs français ne seront plus en activité en 2005. Mais la situation démographique est différente selon les disciplines : en 1996, l'âge moyen était supérieur à quarante-sept ans en médecine, en langues, en physique ou en chimie, mais inférieur à quarante-cinq ans en mathématiques et en sciences pour l'ingénieur.
C'est pourquoi il convient d'établir, à l'instar de ce qui a été annoncé par le ministre de l'éducation nationale, un programme pluriannuel de programmation des moyens, avec des prévisions par discipline. Le conseil supérieur de la recherche et de la technologie a déjà souligné la nécessité d'anticiper et d'étaler dans le temps le renouvellement des effectifs, afin notamment de maintenir un très haut niveau de recrutement.
La démarche d'évaluation doit être une priorité dans la recherche, même si la complexité d'appréhension de l'ensemble des intervenants, des financements et des activités aboutit à un manque de cohérence globale. Pouvez-vous préciser à la Haute Assemblée, monsieur le ministre, les mesures que vous envisagez de prendre pour développer la culture de l'évaluation dans le monde de la recherche ?
S'agissant des chercheurs eux-mêmes, ils sont prêts au changement si on leur en donne les moyens. La mobilité, pour être généralisée, doit devenir un facteur valorisant en termes de carrière, et non un facteur discriminant. Les publications ne doivent plus être le seul critère de reconnaissance. La nouvelle directrice générale du CNRS, Mme Geneviève Berger, a décidé de mieux prendre en compte la mobilité et les transferts de technologies dans les carrières des chercheurs. Cette démarche devrait être généralisée, afin de faire évoluer les mentalités.
Pour conclure, je regrette vivement que la commission des finances, tout comme la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques n'aient pas suivi leurs rapporteurs. Tous trois étaient pourtant enclins à émettre un avis favorable sur le projet de budget de la recherche pour 2001.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Serge Lagauche. Ce budget marque une inflexion par rapport aux années précédentes, particulièrement en matière de créations d'emploi. S'ajoutant à la constitution d'un ministère plein, au choix du site d'implantation du nouveau synchrotron, à la réforme interne du CNRS et aux premiers résultats encourageants de l'application de la loi sur l'innovation et la recherche, il constitue un signal positif en direction du monde de la recherche.
Mais tout n'est peut-être pas perdu, et ce n'est pas parce que Noël approche... (Sourires.)
Permettez-moi, mes chers collègues, de citer le titre d'un article, paru aujourd'hui dans un grand quotidien, relatif à une manifestation exemplaire : « Le Téléthon dopé par les succès de la recherche » ! En cette nuit exceptionnelle, où le hasard nous fait débattre de la recherche, contribuez vous aussi, comme de très nombreux Français en ce moment, à son succès, même si l'effort à fournir est important, en émettant un vote positif sur cet excellent projet de budget civil de la recherche présenté par M. Roger-Gérard Schwartzenberg ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Lanier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de me réjouir du fait que nous ayons cette année comme interlocuteur un vrai ministre de la recherche. Nous l'appelions de nos voeux, le souhaitant capable, parce que responsable, de définir une politique de la recherche qui puisse tenir compte des exigences de la recherche fondamentale, autant que des besoins toujours croissants des applications de la recherche liées à des technologies en développement rapide et constant.
En renouant, encore trop faiblement, avec une certaine unité de la gestion de la recherche, serait-il possible d'imaginer le retour progressif vers l'organisation d'un grand ministère de la recherche considérée comme une priorité nationale et dotée de budgets en progression raisonnable, mais constante, seul moyen de s'adapter aux besoins réels, concertés et réfléchis ?
Pour avoir, parfois, débattu avec vous de ce thème, monsieur le ministre, je ne vous crois pas fort éloigné de sa conception.
Quoi qu'il en soit, votre budget progresse de 2,2 % par rapport à l'année précédente en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit 55,86 milliards de francs, et de 6,4 % en autorisations de programme, soit 24,3 milliards de francs.
Certes, cette augmentation constitue un progrès par rapport à l'année 2000 qui s'achève ; encore convient-il de constater, ainsi que le fait dans son remarquable rapport notre excellent collègue René Trégouët, que l'évolution du budget à structure constante est moins favorable que celle du budget à structure variable.
En tout état de cause, après avoir salué un certain progrès, notons que celui-ci demeure inférieur aux prévisions de la croissance économique, à laquelle participent de si près pourtant sciences et technologies.
Il n'est donc pas inutile de dire, et cela sans aucune acrimonie à votre égard, monsieur le ministre, qu'une importante contradiction subsiste entre la priorité rhétorique donnée à la recherche et l'insuffisance des moyens qui donneraient corps à cette priorité.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Excellente expression !
M. Lucien Lanier. Certaines inquiétudes semblent poindre lorsque l'on constate qu'environ un franc sur trois est consacré aux recherches proprement dites et que le reste va au fonctionnement, pour 10 %, et aux dépenses de personnel, pour 53 %. Voilà qui ne comble pas et même ne rattrape pas le retard pris par notre recherche depuis plusieurs années !
L'inquiétude est telle que le rapport de l'Académie des sciences, qui vous a été soumis le 24 octobre dernier, n'hésite pas à évoquer le risque d'une « marginalisation de la recherche française », sous le double impact du faible attrait de nos filières scientifiques et de la faiblesse des moyens.
Nous en sommes revenus à déplorer, comme autrefois, du temps où j'étais à la délégation à la recherche scientifique et technique, la fuite des cerveaux, à laquelle avait tenté de remédier en son temps la politique de la recherche, et cela au moment où l'Observatoire des sciences et des techniques constate qu'en 2005, 25 % des chercheurs en activité seront retraités et que la vague des départs persistera jusqu'en 2012.
Face à ces échéances, nous constatons la diminution constante des effectifs étudiants dans les filières scientifiques, en raison d'un manque d'attrait pour les carrières scientifiques. Certes, 5 505 francs net par mois, c'est-à-dire le SMIC net, quand on a entre vingt-quatre et vingt-huit ans, après cinq à huit années d'études supérieures, constituent une bien maigre incitation !
Mais il n'y a pas seulement la faiblesse des rémunérations ; il y a aussi le fait que beaucoup ne sont plus inspirés par l'enthousiasme que peut susciter une recherche française comparée à celle de l'extérieur, plus particulièrement à celle des Etats-Unis.
Je sais qu'un tel phénomène touche aussi l'Europe, plus particulièrement l'Allemagne, mais cela n'est guère propre à nous consoler.
A la vérité, la politique de recherche, depuis des années, a laissé filer cette déshérence, sans imaginer, entre autres vis-à-vis des étudiants, une politique de relève.
Il est vrai que certaines évolutions voulues par votre budget, monsieur le ministre, sont positives, entre autres la reprise des créations d'emploi, la priorité offerte aux technologies de l'information et des sciences du vivant, l'effort consenti en faveur du développement de l'Airbus gros porteur.
Mais, comme l'indique très clairement le rapport de notre excellent collègue René Trégouët, s'agit-il d'une simple embellie dans un ciel pluvieux, ou bien de la volonté de rétablir une continuité durable dans l'évolution de la politique de la recherche française ?
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, toute rupture de rythme dans le fil de la recherche constitue d'abord un handicap, ensuite une épreuve très difficile à surmonter, parfois fatale.
Or la recherche française a essuyé à son grand détriment, dans les dernières années, plus de ruptures qu'il n'était convenable.
La continuité, pourtant indispensable, de la politique de la recherche est incompatible avec les aléas de l'annualité budgétaire, surtout quand ladite politique est trop souvent dominée par des à-coups préférentiels.
C'est pourquoi je me réjouis de la reprise des très grands équipements, dont les moyens avaient été réduits de façon drastique par votre prédécesseur.
Parlons d'abord de celui que je crois indispensable à l'étude de l'infiniment petit, qui commande tant d'autres recherches fondamentales, à savoir le synchroton de troisième génération, dénommé SOLEIL, que vous avez pris la sage décision de construire sur le plateau de Saclay. Reste à définir les délais de sa mise en oeuvre autant que les modalités de sa gestion.
Il en va de même de la flotte océanographique de l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, ainsi que des moyens de l'Institut français pour la recherche et la technologie polaire, qui partage, avec les Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, les bénéfices du développement accru de la recherche des sciences de la terre. J'évoquerai ici la station Concordia, ou les immenses services rendus par le Marion-Dufresne , navire polyvalent et bien utile à la tenue scientifique des archipels des Kerguelen. Je viens d'en constater l'excellente conception. Il est heureux que quelques touristes, particulièrement passionnés par les terres et les mers lointaines, permettent de compenser les faiblesses budgétaires et de contribuer à l'entretien de ce navire !
Cependant, l'un des points clés de votre budget concerne la politique spatiale. La subvention versée au CNES subit une amputation de 130 millions de francs, pour des motifs qui sont, à juste titre, semble-t-il, contredits par le Centre national des études spatiales, réduit à freiner son calendrier d'exécution à moyen terme.
C'est ainsi que des objectifs très importants vont subir les à-coups du ralentissement et, entre autres, notre contribution au programme Galileo, où nous laissons notre concurrent italien développer son champ d'action, avec les conséquences fâcheuses que nous connaîtrons ultérieurement.
Par ailleurs, voilà retardée aussi l'amélioration substantielle de la fusée Ariane V pour laquelle il paraît bien temps d'imaginer de nouvelles performances, si nous ne voulons pas, là aussi, être distancés par d'autres, et laisser la base de Kourou orpheline.
Qu'il me soit maintenant permis d'aborder un sujet qui nous tient à coeur, et que certains tabous semblent occulter afin de ne mécontenter personne : il s'agit du nucléaire et de l'un de ses principaux acteurs, le CEA.
Il paraîtrait, en effet, si l'on en croit les projets de fusion Cogema-Framatome, que l'on reviendrait à une plus saine conception du maintien de la présence indispensable de l'énergie nucléaire pour notre pays. Nous souhaiterions pourtant savoir s'il existe une réflexion politique sur ce problème pour prévoir les échéances, soit de prolongation, soit de remplacement des centrales existantes et de maintien de leur sécurité.
Il est à prévoir que les échéances de démantelement de centrales se rapprochent. Or le CEA est l'un des acteurs les plus concernés par la filière nucléaire. Evidemment, rompant avec une attitude négative à son égard, vous lui rendez cette année, je le reconnais, une évolution positive qui permettra dans une certaine mesure d'effacer les mauvais et trop nombreux à-coups dont il fut l'objet. Mais s'agit-il d'une satisfaction momentanée ou durable ? Là aussi, nous souhaiterions une réponse courageuse qui tienne compte plus de l'intérêt général que des sentiments particuliers.
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment notre politique de recherche française peut se coordonner, mieux, s'harmoniser avec une politique européenne qui semble avoir un urgent besoin d'une meilleure cohésion, sans que soient affectées ni la personnalité ni l'originalité d'une politique française de la recherche ?
Pour conclure mon propos, puis-je vous répéter, monsieur le ministre, que nous sommes parfaitement conscients de la difficulté de votre tâche, au carrefour des intérêts et des sentiments, des priorités et des nécessités, des besoins et des moyens ? Parce que la recherche est passionnante, elle est aussi passionnée.
Je ne vous dirai donc pas, comme ce grand chercheur pointant son index sur le président Pompidou : « Nous aurons satisfaction si les dieux le veulent », et s'attirant cette réponse : « Monsieur le professeur, avant les dieux, les anciens plaçaient le destin ».
C'est bien du destin de notre recherche dont il est question au travers de son budget d'aujourd'hui. Au-delà de la valse des chiffres, c'est la clarté d'une véritable politique de la recherche que nous espérons et qui, seule, peut assurer l'intelligence des priorités, l'équité des répartitions et surtout l'indispensable continuité des politiques qui orientent la recherche fondamentale, comme la recherche appliquée.
Monsieur le ministre, votre effort d'ouverture est réel, mais nous restons un peu sur notre faim quant à la définition d'une saine politique, cohérente, courageuse, et dont la logique devrait attirer les moyens.
Nous en sommes encore loin, et c'est la raison pour laquelle nous rejoindrons les conclusions de M. le rapporteur spécial et de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. Gérard Delfau. A regret quand même !
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la recherche pour 2001 affiche une croissance de 2,2 %. A première vue, il s'agit d'une amélioration sensible, après trois années de « vaches maigres ».
Néanmoins, en dépit des déclarations ronflantes sur « l'innovation, moteur de notre économie », la recherche ne fait pas partie des priorités du Gouvernement. C'est un des ministères dont le budget progresse le moins. En outre, si on retranche, comme on l'a déjà dit, les crédits affectés à l'Airbus A3XX, la progression budgétaire est inférieure aux 2,2 % annoncés.
La structure de votre budget, monsieur le ministre, demeure inquiétante. En effet, un franc sur trois va directement aux activités de recherche proprement dites, là aussi on l'a dit, le reste étant consacré au fonctionnement et aux dépenses de personnel.
Pour autant, j'estime que vos priorités vont dans le bons sens.
Le renforcement des crédits de fonctionnement des laboratoires est poursuivi, notamment dans les établissements publics scientifiques et technologiques.
Les autorisations de programme en faveur des organismes de recherche connaîtront, en 2001, une progression moyenne de 2,8 %, celles des établissement publics à caractère scientifique et technologique de 10 %, contre 8,5 % sur la période 1997-2000.
La deuxième priorité est consacrée à l'emploi : il s'agit de répondre, d'une part, au vieillissement de la recherche et, d'autre part, à la difficulté des jeunes chercheurs à s'insérer dans notre appareil de recherche. Je note la création de 305 emplois dont 265 dans les établissements publics scientifiques et technologiques - 130 postes d'ingénieurs, techniciens et administratifs, les ITA, et 135 postes de chercheurs - afin de répondre aux nombreux départs à la retraite qui se profilent.
La répartition de ces créations de postes bénéficie, cependant, de façon inégale aux différents centres de recherche : 116 postes pour l'INRIA, 74 pour l'INSERM et 70 pour le CNRS.
La troisième priorité est la dynamisation des disciplines prioritaires que sont les sciences du vivant, les sciences et technologies de l'information et de la communication, ainsi que l'environnement et l'énergie. Symbole de cette nouvelle orientation, le CNRS va créer une direction des sciences de l'information et de la communication.
Les effectifs des organismes de recherche qui travaillent dans le secteur des sciences et technologies de l'information vont être accrus de 25 % en cinq ans. En outre, le budget de l'INSERM va connaître une hausse, hors personnel, de 16 % de ses moyens. Une part importante de l'augmentation des autorisations de programme du fonds national de la science, qui passe de 700 millions de francs à 885 millions de francs, servira à financer les recherches en génomique-post-génomique.
La quatrième priorité est le soutien à l'innovation et à la recherche industrielle. Sur ce point, on ne peut que vous approuver, monsieur le ministre. Comme vous, je crois qu'il est fondamental de rapprocher les recherches publiques et privées, afin que la France continue à avancer dans les secteurs de pointe.
Les soutiens à la recherche industrielle progressent de 9 %, de façon notamment à financer les douze réseaux de recherche et d'innovation technologiques, fondés sur le partenariat entre laboratoires publics et privés, et les vingt-neuf incubateurs destinés à accompagner et à soutenir les porteurs de projets de création et de développement d'entreprises innovantes.
Par ailleurs, la loi sur l'innovation et la recherche a permis de porter le nombre de créations d'entreprises par des chercheurs de vingt par an à plus de cent en 2000, ce qui est un signe extrêmement encourageant.
Pour autant, monsieur le ministre, votre budget permettra-t-il de donner un nouvel élan indispensable à la recherche et à l'innovation ?
Ce budget, en faible croissance, et marqué par une forte rigidité des dépenses, ne nous permet pas encore de rattraper nos partenaires et concurrents étrangers les plus actifs, ni même de rester dans la course, alors que la plupart d'entre eux accentuent leur effort de recherche. Ce n'est certainement pas avec une augmentation, en 2001, de 2,2 % du budget de la recherche que la France va conforter sa place dans le peloton de tête des grandes nations innovantes.
Les Etats-Unis, qui exercent déjà sur le reste du monde une domination scientifique et technologique sans partage - on en a beaucoup parlé - , n'ont pas hésité à programmer une croissance de 3 % de leur budget en 2001. Le retard pris sur le Japon et les Etats-Unis continue de se creuser dangereusement. En effet, en 1999, ces deux pays ont consacré respectivement 3 % et 2,8 % de leur PIB à la recherche et au développement technologique, alors que la France ne consacrait que 2,1 %.
Avec un effort de recherche aujourd'hui égal à 2,2 % du PIB, la France est au troisième rang de l'Union européenne, derrière la Suède, qui y consacre 3,9 %, et la Finlande, 2,9 %. Autre chiffre éclairant : les Etats-Unis sont les premiers en termes de dépenses de recherche par habitant. Ainsi, en 1997, par rapport à un indice 100, les dépenses s'élevaient à 146 aux Etats-Unis, à 130 au Japon et à 100 en France et en Allemagne.
Or seule l'innovation est garante de la compétitivité et donc de la rentabilité. Le lien entre innovation et croissance passe nécessairement par la recherche. Quelques chiffres permettent de s'en convaincre : la croissance du marché mondial des technologies de l'information a été deux fois plus vigoureuse que celle du PIB entre 1987 et 1995, et, dans l'ensemble des pays de l'OCDE, sur la même période, seul le secteur des hautes technologies a vu l'emploi croître de 3 %.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre projet de budget ne résout pas l'inquiétant problème du vieillissement du monde de la recherche.
Le phénomène est connu et paradoxal : l'âge moyen des chercheurs est actuellement de quarante-six ans alors que, dans le même temps, nous constatons une file d'attente de jeunes docteurs qui ne trouvent pas facilement à s'insérer dans l'appareil de recherche. Ce problème a déjà été souligné par des orateurs qui m'ont précédé.
Bien que l'âge moyen des 25 000 agents du CNRS a baissé en 1999 pour la première fois depuis dix ans, l'évolution constatée n'est pas remise en cause. L'âge moyen des chercheurs n'a cessé de croître durant dix années, passant de quarante-trois ans et huit mois à quarante-six ans et huit mois en 1998.
Avant la fin de cette décennie, un chercheur sur deux aura atteint l'âge de la retraite. Certaines disciplines comme les sciences sociales, la physique, la chimie, les sciences de l'univers ou la médecine seront plus durement touchées que d'autres.
La pyramide des âges du CNRS illustre ce phénomène : la classe des cinquante ans à cinquante-quatre ans y est la mieux représentée devant celle des cinquante-cinq ans à cinquante-neuf ans. Résultat : 58,4 % des personnels atteindront la limite d'âge au cours des vingt prochaines années.
Les 265 emplois prévus par le projet de budget ne permettront pas d'enrayer cette évolution. En effet, le nombre total des postes proposés aux jeunes diplômés dans les organismes de recherche ou dans l'enseignement supérieur sera en diminution l'an prochain, en raison d'un moindre recrutement d'enseignants-chercheurs.
Moi qui suis sénateur des Français de l'étranger, et qui ai vécu dans un campus américain, j'ai vraiment pu faire la différence entre le système français et le système américain et mesurer à quel point la recherche était favorisée aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, le secteur de la recherche bénéficie de fonds tant publics que privés qui arrivent en masse, car les grandes entreprises éprouvent d'autant moins de honte à verser de l'argent à une université - surtout une université dont sortent certains de ses personnels - qu'elles savent qu'elles en retireront des bénéfices. Elles accueillent donc les jeunes chercheurs à bras ouverts, leur offrent des conditions de vie agréable en leur procurant un appartement, en proposant un emploi à leur épouse, en s'occupant de leurs enfants. En outre, les sommes ainsi versées sont déductibles des impôts.
Même si la majorité des chercheurs sont américains, on trouve dans le secteur de la recherche des personnes de tous les pays qui apportent ainsi leur intelligence et leur savoir-faire. Ils vont souvent d'une université à l'autre, et la collaboration qu'ils apportent est intense. Il faut avoir vécu dans un campus pour comprendre le bouillonnement de la recherche en Amérique ! On dit que les Anglo-Saxons font plus que nous, mais il faut voir les conditions dans lesquelles la recherche est entreprise, et ce parce qu'ils savent qu'elle est capitale.
Cela a pour conséquence une dangereuse fuite de nos cerveaux, car on trouve des jeunes Français dans toutes les universités américaines, où ils ont la possibilité de conduire leurs propres recherches tout en ayant un pied à l'extérieur. Des prix Nobel enseignent par exemple trois heures par semaine dans une université et travaillent aussi dans les grandes entreprises. Il y a en quelque sorte un courant continu de recherche. Voilà des exemples qu'il conviendrait d'imiter, mais encore faut-il que nous quittions notre carcan d'anciennes contraintes pour y parvenir !
Cette fuite des cerveaux à laquelle nous assistons est dangereuse. De nombreux post-doctorants décident, chaque année, de poursuivre leurs recherches à l'étranger. Si la mobilité des chercheurs doit être renforcée, car elle est source de nombreux enrichissements, il convient également de mettre en place des bourses de retour pour ceux qui veulent revenir mais qui ne sont pas sûrs de trouver ce qui leur convient, car la France n'a pas vocation à financer, nous l'avons dit, la formation des jeunes chercheurs pour le bénéfice d'autres économies !
La situation des étudiants chercheurs encourage également cette fuite. Le montant de l'allocation de recherche avait été fixé, en 1991, à 7 500 francs. Ce montant est inchangé en l'an 2000.
Il y a une contradiction évidente entre le souhait de l'Etat de faire de la formation doctorale le futur vivier de la recherche scientifique et la dévaluation de fait de cette formation. Comptez-vous, monsieur le ministre, revaloriser l'allocation de recherche pour que la recherche française dispose enfin de scientifiques de qualité ?
Au-delà d'une simple augmentation des crédits consacrés à la recherche, ce sont sans doute une meilleure efficacité et une meilleure répartition du budget qui doivent être recherchées.
Je crois indispensable de desserrer encore le corset réglementaire et comptable qui étouffe une recherche dont les évolutions rapides, les partenariats multiples et les besoins originaux s'accommodent mal.
Il convient de mieux exploiter les autres ressources que les crédits budgétaires. Les partenariats doivent être recherchés, y compris avec l'étranger. De ce point de vue, la baisse du nombre de partenariats étrangers, intervenue depuis 1997, est bien préoccupante, même si elle est quelque peu compensée par la coopération communautaire.
Le rôle du secteur privé est évidemment majeur. L'essentiel est d'assurer la cohérence des actions de recherche.
En réalité, il faut apprendre à dépenser mieux. Confrontée à la compétition internationale, la recherche française manque de souplesse et de réactivité. Pour éviter de se laisser distancer dans des secteurs stratégiques, les structures de recherche doivent être capables de réaffecter rapidement leurs ressources humaines.
Il convient également de favoriser une meilleure exploitation du potentiel de recherche. Si les moyens nationaux ne sont pas négligeables, ils risquent de se révéler insuffisants pour couvrir l'ensemble des domaines de pointe. En 1995, la recherche des Etats-Unis était équivalente à celle des pays du G7. C'est en raison de tels écarts que le rapport a recommandé une discrimination en faveur des secteurs de la recherche.
A l'échelon européen, il faut encourager la mobilité des chercheurs et mettre davantage en réseau les actions européennes. Il reste également beaucoup à faire en matière de brevets européens. Il n'existe toujours pas de brevet unique. On est encore loin d'une véritable délégation de pouvoirs par les instances nationales qui, seule, permettrait la délivrance d'un véritable brevet européen. Cette mesure simplifierait radicalement des procédures actuelles.
Compte tenu de ces observations, je ne pourrai pas, monsieur le ministre, voter ce budget, même s'il comprend un certain nombre de points positifs. (Applaudissements sur les travées du RPR et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. Dernier orateur inscrit, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous emmener un instant dans l'espace.
Le 4 mai dernier, présentant les grandes orientations qui devaient, selon vous, guider la politique de la recherche, vous faisiez à juste titre de la politique spatiale l'une des dix priorités de votre action. Sept mois plus tard, le moment est venu de mesurer la réalité de cette volonté à l'aune des faits.
La dimension stratégique de l'espace n'est plus à démontrer. « Qui tient les hauts tient le bas », disait déjà Clausewitz. Dans un même ordre d'idée, nous pouvons considérer que celui qui maîtrise l'espace tient pour une bonne part la planète. Qu'il s'agisse de la défense, de la science et, bien entendu, des télécommunications, de l'observation de la terre, de la surveillance de l'environnement, les moyens spatiaux ont démontré qu'ils étaient essentiels, pour ne pas dire fondamentaux, dans l'affirmation d'une réelle souveraineté politique.
Sans l'effort français, l'Europe spatiale n'existerait pas. Sans la contribution financière et technique du CNES, jamais le programme Ariane, qui - faut-il le rappeler ? - permet d'assurer à notre continent son autonomie d'accès à l'espace - et de quelle manière ! - n'aurait vu le jour. Sans le volontarisme politique de toutes les majorités confondues et successives, la France ne maîtriserait pas l'ensemble des techniques spatiales.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Henri Revol. Toute l'aventure spatiale est gouvernée par des impulsions politiques. Vous l'avez bien compris puisque, au crédit de votre arrivée à la tête du ministère de la recherche, il faut porter plusieurs décisions favorables à la cause de l'espace.
Avec habileté, vous avez dépassé la querelle théologique sur les vols habités en vous rendant à un principe de réalité : puisque l'International Space Station, l'ISS, existe, puisque nous y participons, essayons de tirer le meilleur parti de cette station spatiale internationale sans accepter de dérive financière.
Avec fermeté, vous avez réaffirmé la participation de la France et du CNES au programme ambitieux et exaltant d'exploration martienne.
Notons aussi que c'est sous votre autorité que le CNES a pu relancer le programme d'astronomie de recherche d'exoplanètes COROT - Convection, Rotation et Transits planétaires - et trouvé des solutions au démarrage du nouveau programme d'observation de la Terre, Pléiades, qui doit renforcer la synergie civilo-militaire et combiner l'optique et l'imagerie radar. Ce sont là, en effet, autant de signes positifs dont nous pouvons tous nous réjouir.
Félicitons-nous enfin du soutien déterminant que vous apportez, dans le cadre de la présidence française de l'Union, à l'initiative GMES - Global Monitoring for Environment -, cette judicieuse architecture spatiale d'un service public européen pour la préservation de l'environnement, la gestion des risques naturels et la surveillance planétaire à l'échelle mondiale.
Et ce sont justement ces évolutions, jusque-là pertinentes, qui rendent, par contraste, d'autant plus décevante la part spatiale du BCRD, le budget civil de recherche et de développement technologique, qu'il nous est donné de discuter ce soir. Comme vous le savez, le budget de la NASA s'élève à 13,5 milliards de dollars, soit 100 milliards de francs, le budget spatial du ministère de la défense américain dépasse 15 milliards de dollars, soit 113 milliards de francs. En Europe, la situation est largement différente malheureusement : les dépenses publiques consacrées à l'espace sont cinq fois inférieures à celles des Etats-Unis.
Comme le remarquait dans un article récent le professeur Blamont : « Peut-on imaginer l'Europe, la France sans une activité spatiale de haut niveau ? Poser la question, c'est y répondre. La nécessité de maîtriser le flux d'information est aujourd'hui acceptée par les plus obtus comme un impératif stratégique s'imposant à toutes les nations qui comptent jouer un rôle sur la scène du monde. »
Nul n'ignore plus aujourd'hui que les Etats-Unis, avec qui nous entretenons par ailleurs de véritables et fructueux liens de coopération dans le secteur spatial, sont engagés dans un processus de lutte contre l'influence européenne dans tous les domaines spatiaux.
Notre lanceur européen Ariane V est le premier visé par la mise au point, largement et confortablement subventionnée, de nouvelles gammes de lanceurs par Boeing et Lockheed Martin.
Dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies d'information et de communication, la stratégie clairement exprimée des Etats-Unis est celle de la « dominance » de la maîtrise du flux d'information que j'évoquais. Notre excellent collègue M. Laffitte le soulignait, et vous pouvez constater que, dans la terminologie même, leur « dominance » nous envahit.
En clair, il s'agit, pour eux, de répandre sur le monde entier leur schéma culturel et économique. L'outil spatial, notamment grâce aux satellites géostationnaires de télécommunications, est un instrument privilégié de cette politique. Sans se placer dans l'optique d'un affrontement, l'Europe doit absolument veiller à ne pas laisser s'installer un modèle culturel, social et économique unique.
N'oublions pas, par ailleurs, que, d'un point de vue strictement technique, notre dépendance est déjà très forte : même en dehors des problèmes stratégiques éventuels que pose l'utilisation du système américain de positionnement GPS par les forces européennes de défense, il faut savoir que l'horloge du GPS, calée sur le temps universel, est utilisée pour de multiples applications civiles.
Si le signal GPS est brouillé ou interrompu par accident, les communications téléphoniques mobiles, aussi bien que les transactions financières seront interrompues immédiatement, avec les conséquences économiques que l'on peut imaginer. Le programme Galileo peut être une solution. Il suppose que l'Europe spatiale soit déterminée.
Enfin, en ce qui concerne la surveillance des traités internationaux de protection de l'environnement, on ne peut envisager de laisser une puissance unique, quelle qu'elle soit, l'assurer. Là encore, les pays européens doivent être présents en fédérant leurs efforts.
Or l'Europe spatiale est le seul domaine de l'Union où la France pèse 50 %. Et la réussite de la politique spatiale française est indissociablement liée au rôle du CNES.
Dès lors, la baisse des crédits du CNES, pour la deuxième année consécutive, est inquiétante, et ce pour trois raisons.
D'abord, les impératifs de temps propres à l'activité spatiale sont incompatibles avec les à-coups budgétaires. On sait bien qu'il faut très longtemps pour préparer un programme.
Ainsi, les premières études relatives à Ariane V ont été engagées dès la fin des années soixante-dix ; la décision de lancer le programme a été prise à la conférence interministérielle de La Haye en 1987, et le premier lancement a été réalisé en juin 1996. Il en a été de même pour les satellites SPOT, les satellites pour l'observation de la terre.
Ces activités de très longue haleine du CNES ne peuvent s'accommoder d'un mode de financement qui serait brutalement remis en question lors de chaque exercice budgétaire.
Le recours à la technique budgétaire des autorisations de programme, conformément à la définition qui en est donnée dans l'ordonnance du 2 janvier 1959, est le moyen a priori le mieux adapté pour assurer, dans la durée, la gestion financière de ces projets, puisque, en principe, chaque projet se voit doté, dès le départ, d'une enveloppe prévisionnelle de crédits dont le volume correspond à son montant global, les crédits de paiement venant couvrir les dépenses effectives au fur et à mesure.
Dès lors que l'usage de cette technique a été, dans les faits, détourné de son objet et que l'horizon budgétaire du CNES se réduit à la loi de finances de l'année, la conduite de grands projets ne peut être menée à bien qu'à la condition, pour l'établissement, de disposer d'un minimum de garantie sur l'évolution prévisible des crédits de paiement qui lui seront alloués dans le cadre de ses futurs budgets. Ce n'est malheureusement pas le cas depuis plusieurs années.
Ensuite, la France est le moteur de l'Europe spatiale et son niveau d'engagement financier est déterminant pour entraîner ses partenaires de l'ESA, l'Agence spatiale européenne.
La construction de l'Europe spatiale a largement reposé sur la volonté politique très forte dont la France a depuis longtemps su faire preuve. Cette volonté, nourrie par une vision programmatique claire et cohérente, s'est trouvée confortée par le niveau des engagements financiers auxquels la France a consenti pour que soit menée à bien cette grande ambition.
Or cette construction commune est, ainsi que je l'ai montré, indispensable dans le contexte international actuel.
Au sein de l'Europe spatiale, la France doit continuer à être un moteur puissant, à assumer un rôle conforme à ses potentialités techniques et industrielles, ainsi qu'à ses ambitions.
Enfin, le budget 2001 aurait dû répondre à la nécessité de relancer la politique scientifique et technologique du CNES et d'engager les programmes en préparation pour poursuivre le renouvellement de la politique spatiale de la France.
Au-delà de la conduite des programmes en cours de développement ou d'achèvement, le CNES doit relancer et développer sa politique scientifique et technologique et les applications de l'espace. L'ensemble de cette politique permettrait de couvrir le champ des besoins et des enjeux auxquels la France se doit de répondre.
A ces objectifs répondent des programmes scientifiques, tels que MARS et PHARAO, ou technologiques pour des lanceurs, tels que P 80 pour des petits satellites à coût réduit, tels que COROT, et pour la recherche et développement en télécommunication spatiale, ainsi que des programmes d'application en ce qui concerne la navigation par satellite - GALILEO - et l'observation de la terre, avec PLÉIADES.
Ces programmes sont indispensables si le Gouvernement veut que le CNES garde son niveau d'excellence et puisse proposer à la France et à l'Europe des solutions spatiales à des problèmes « terrestres ».
L'an passé, à cette même époque en cette même enceinte, j'avais tenu les propos suivants : « Monsieur le ministre, je ne vous pousse pas à la dépense, je ne vous réclame que la constance. Je ne vous demande pas d'augmenter substantiellement le budget du CNES. Je vous demande seulement de vous engager à garantir sa stabilité, condition sine qua non des succès de la politique spatiale française et européenne. »
Je n'ai rien à changer ni à ajouter, ce soir, si ce n'est, monsieur le ministre, que j'espérais, cette année, être mieux compris. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a fait M. Lagauche avec beaucoup de sensibilité, je voudrais évoquer l'intérêt particulier que portent nos concitoyens au problème de la recherche en cette période de Téléthon. Leur intérêt va très directement et très naturellement vers la recherche biomédicale, mais celle-ci n'est qu'une partie, partie certes très importante, de l'effort de recherche de la France.
Je crois que cette politique de la recherche, dont nous partageons tous l'ambition, à quelque famille politique que nous appartenions, est une politique - certains orateurs l'ont rappelé - qui a souvent eu pour vertu de dépasser et de transcender les clivages, parce qu'elle tient à l'intérêt national lui-même.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents orateurs. Je remercie ceux qui, comme Ivan Renar, Serge Lagauche et Pierre Laffitte, ont bien voulu exprimer leur soutien à la politique budgétaire que j'ai l'honneur de présenter.
J'ai écouté également avec beaucoup d'intérêt les rapports présentés, l'un par M. Laffitte, les autres par MM. Trégouët et Rausch. Ces rapports sont fort intéressants et comportent des analyses très pertinentes. Sur leurs conclusions, je ne porterai pas de jugement particulier. Elles étaient peut-être empreintes d'une certaine prévisibilité. Mais y a-t-il une fatalité de la prévisibilité dans un domaine comme la recherche ? Je livre également ce sujet à votre réflexion...
Je vais évoquer rapidement les grandes lignes de ce projet de budget, les rapporteurs, ainsi que de nombreux intervenants les ayant présentées de manière remarquable. Je rappellerai simplement, après eux, que ce budget marque, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, une progression de 2,2 % par rapport à 2000 alors que le BCRD pour 2000 avait progressé de 1,3 % par rapport à 1999.
Cette progression représente une inflexion significative par rapport aux années précédentes. Elle constitue l'augmentation la plus forte de ces cinq dernières années, puisque le BCRD a augmenté en moyenne de 0,9 % par an entre 1995 et 2000. Elle constitue également une augmentation forte par rapport aux dépenses de l'Etat et des autres ministères. En effet, pour la première fois depuis cinq ans, le BCRD augmentera plus vite que la moyenne des dépenses de l'Etat. Mais l'inflexion est encore plus forte par rapport aux autorisations de programme puisque celles-ci progresseront dans ce projet de budget de 6,4 % alors que leur progression moyenne avait été de 1,5 % par an depuis 1997.
Je voudrais à ce propos rassurer M. Pierre Laffitte et lui indiquer que les autorisations de programme seront bien couvertes par les crédits de paiement en 2001, puis en 2002 et 2003, ce qui est évidemment une nécessité tout à fait impérieuse.
Je vais maintenant évoquer brièvement les priorités que compte ce budget.
La première de ces priorités est la politique de l'emploi scientifique, sur laquelle MM. Lagauche et Renar ont particulièrement mis l'accent.
Il faut en effet rajeunir la recherche pour la renouveler. Il faut soutenir les jeunes chercheurs.
Nombre d'entre vous ont insisté sur le décalage qui existe entre, d'un côté, le vieillissement de l'âge moyen des chercheurs et des enseignants chercheurs et, de l'autre, le phénomène de « file d'attente » de « doctorants » et surtout de jeunes docteurs qui éprouvent bien des difficultés à s'insérer dans notre appareil de recherche.
Pour remédier à cette situation qui est préjudiciable au renouvellement de la recherche, il est indispensable de définir avec volontarisme une véritable politique de l'emploi scientifique.
La prochaine décennie constitue un moment privilégié pour cette opération de jouvence, compte tenu des départs massifs à la retraite qui interviendront entre 2004 et 2010.
Mais nous devons, dès 2001, anticiper les départs à la retraite, notamment pour éviter de nouveaux « coups d'accordéon » dans les recrutements et pour maintenir un recrutement de qualité avec le potentiel de thésards et de jeunes docteurs actuellement disponible. En effet, à l'avenir, ce vivier risque de se réduire avec la modification de la démographie étudiante, la moindre attractivité des filières scientifiques et la concurrence de l'industrie. La reprise - très positive ! - de l'activité économique peut conduire une partie des doctorants potentiels à prendre un emploi dans le secteur privé à l'issue de la maîtrise ou du DEA, au lieu de poursuivre jusqu'à la thèse.
Pour la première fois, ce budget pour 2001 engage donc une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs, gestion sur laquelle plusieurs orateurs, notamment MM. Ivan Renar et Serge Lagauche, ont mis l'accent.
Le budget prévoit en effet la création de 305 emplois, dont 265 dans les établissements publics scientifiques et technologiques, les EPST.
Ces créations d'emplois sont nettement plus importantes que dans les budgets précédents : on en comptait 150 au budget pour 1999 et 18 au budget pour 2000.
Ces créations d'emplois ont un triple objectif : engager une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs ; renforcer les effectifs dans les disciplines prioritaires ; enfin, offrir aux jeunes docteurs plus de débouchés dans la recherche publique.
L'augmentation du nombre de post-docs en situation d'attente de postes et « leur expatriation », importante dans certaines disciplines, nous posent à tous un problème. C'est pourquoi, outre les créations d'emplois importantes prévues au budget pour 2001, j'ai lancé récemment, à l'occasion du colloque de Lyon portant sur « l'émergence d'un espace européen de l'innovation », une initiative pour contribuer à répondre à ce problème. J'ai demandé que l'Agenge nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, en liaison avec nos ambassades, mette en relation les post-docs installés à l'étranger avec les PME innovantes françaises que cette agence soutient et qui ont souvent besoin d'un renfort en compétences et en matière grise.
Me référant aux chiffres de l'observatoire des sciences et des techniques l'OST, qui ont souvent été cités, je soulignerai que les créations d'emplois de chercheurs et de personnel ITA prévues dans les EPST pour 2001 correspondent, à l'unité près, au nombre d'emplois nécessaire pour anticiper les départs à la retraite des années 2001 à 2010.
D'après les chiffres communiqués par l'OST, en effet, les départs à la retraite de chercheurs vont s'élever à 470 par an, en moyenne, de 2001 à 2010. Le nombre de départs à la retraite prévu pour 2001 étant de 340, c'est bien 130 emplois de chercheurs qu'il fallait créer en 2001 de façon à recruter au-delà de ce que permettraient les départs à la retraite en cette même année 2001.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'un simple scénario de lissage, qu'il ne s'agit pas de créations d'emplois en surnombre qui serait ensuite supprimés : il s'agit dans notre esprit de créations définitives d'emplois.
Notre seconde priorité est le renforcement, très significatif, me semble-t-il, des moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires.
Il est indispensable d'accompagner la progression des effectifs de chercheurs et d'enseignants-chercheurs par l'augmentation des crédits des laboratoires. Il ne servirait à rien de recruter des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui n'auraient pas les moyens matériels de travailler. Ce qui est en jeu avec le renforcement du soutien de base des laboratoires, c'est la vie quotidienne de ces laboratoires, qui doivent disposer des crédits nécessaires pour travailler efficacement.
De même, il faut renforcer les moyens d'investissement des organismes de recherche comme des universités. Pour les uns comme pour les autres, les autorisations de programme progressent fortement. Celles des EPST progressent ainsi de 10 % pour la seule année 2001, alors qu'elles avaient progressé de 8,5 % pour l'ensemble de la période 1997-2000. Leurs crédits de paiement augmenteront, quant à eux, de 6,9 % en 2001, ce qui montre, pour répondre à Pierre Laffitte, qu'il n'y a pas d'impasse financière créée sur l'avenir.
Cette forte augmentation prévue au budget pour 2001 permet de renforcer le soutien de base des laboratoires et d'accroître fortement les moyens d'investissement des établissements, qu'il s'agisse du CNRS, de l'INSERM, de l'INRIA, de l'INRA, etc. Pour le CNRS, ces moyens sont destinés au centre de calcul IDRIS et au synchrotron de troisième génération.
MM. Lanier, Lagauche, Renar et Rausch ont bien voulu dire qu'il avait été opportun de prendre la décision de créer ce synchrotron. Certains se sont interrogés sur la localisation de cette source de rayonnement synchrotron de troisième génération. C'est la solution la plus rapide et la moins coûteuse qui a été retenue, quelle que fût la qualité des dossiers présentés par d'autres régions, en particulier par la région Nord - Pas-de-Calais.
C'est notamment la raison pour laquelle nous travaillons en liaison avec le conseil général du Nord - Pas-de-Calais à la prise de mesures destinées à accompagner, en plus des dispositions qui sont prévues dans le contrat de plan Etat-région, l'effort de recherche très important qui est consenti par ce conseil général.
S'agissant des EPIC, l'inscription d'une autorisation de programme de 69 millions de francs au titre du renouvellement de la flotte de recherche océanographique est, me semble-t-il, un élément positif : elle permettra à l'IFREMER, comme René Trégouët l'a noté dans son rapport, d'engager la commande d'un nouveau navire financé conjointement avec le ministère de la défense.
D'ailleurs, en ce qui concerne ce que certains ont joliment nommé les « campagnes touristiques » du Marion-Dufresne, je préciserai que celles-ci ont lieu pendant la période où le navire est utilisé par les TAAF et non pendant la période où il l'est par l'Institut français pour la recherche et les technologies polaires, l'IFRTP, qui dépend du ministère de la recherche.
C'est sans doute aussi l'occasion de mieux faire connaître ces terres polaires à plusieurs de nos concitoyens, ainsi qu'à des personnes d'autres pays.
La recherche universitaire, dont j'ai aussi la responsabilité, connaît également une progression de 10 % des autorisations de programme. Cette forte progression permettra de mettre en oeuvre le plan U3M et les contrats de plan Etat-région.
La troisième orientation vise à dynamiser les disciplines prioritaires : les sciences du vivant et les sciences et technologies de l'information et de la communication.
Au travers des différentes interventions s'est dessiné un consensus assez large sur ces deux priorités, en particulier sur les sciences du vivant. Les 265 créations d'emplois dans les EPST permettront de renforcer les sciences du vivant avec 74 emplois créés à l'INSERM, dont le budget, hors personnel, est en progression de 16 % cette année.
Le renforcement de l'effort en faveur des sciences et technologies de l'information et de la communication se manifeste notamment par la création, à l'INRIA, de 116 emplois. Par ailleurs, sur les 70 emplois créés au CNRS, plusieurs iront au département dédié à cette discipline et créé récemment par le CNRS.
S'agissant des STIC, je tiens à mettre l'accent sur la volonté de réussir le passage à la société de l'information. Conformément aux décisions arrêtées par le comité interministériel pour la société de l'information, le CISI, les effectifs des organismes de recherche publique consacrés aux STIC seront accrus de 25 % en cinq ans.
Dans le détail, le projet de budget prévoit un effort considérable pour rattraper notre retard dans les STIC et être au premier rang des pays européens en ce qui concerne l'Internet du futur, les mobiles de deuxième génération et le multimédia.
Je souhaite ici détailler un peu les grands axes de cet effort et rassurer M. Laffitte, qui connaît admirablement ce domaine, sur la coordination nécessaire entre tous les acteurs de la recherche en STIC : cette coordination se met en place entre l'INRIA, le CNRS, mais aussi le CEA, de façon à pallier le retrait de France Telecom dans certains secteurs de la recherche fondamentale.
Pour ce qui est de la recherche fondamentale, le contrat quadriennal Etat-INRIA, que j'ai signé avec le secrétaire d'Etat à l'industrie le 18 juillet dernier, prévoit que les effectifs de cet institut seront portés de 755 à 1180 personnes d'ici à 2003. Cela permettra à l'INRIA d'amplifier ses recherches sur les infrastructures numériques, les nouvelles applications du web, les logiciels sûrs ou la simulation virtuelle, c'est-à-dire sur la partie plutôt logicielle des recherches en STIC.
De même, le CNRS vient de mettre en place un département des sciences et technologies de l'information et de la communication couvrant la partie tant logicielle qu'équipement de la recherche en STIC. Dès 2001, une quarantaine de postes de chercheurs et d'ITA seront créés afin de renforcer les moyens du CNRS dans ce champ disciplinaire, et plus de 25 millions de francs de mesures nouvelles y seront consacrés.
Enfin, le CEA, dont la dotation augmente de 3,4 %, consacrera des moyens accrus à la recherche dans les micro-technologies et les microprocesseurs, où il a acquis une position de pointe.
Je rappelle les ACI consacrées à la cryptologie et à la photonique, et nous y ajouterons une nouvelle ACI consacrée aux mégabanques de données.
S'agissant de la recherche appliquée, les moyens d'intervention des réseaux de recherche et d'innovation technologique dans ce domaine des STIC - télécommunications, technologies logicielles, micro et nanotechnologies - seront accrus grâce à l'augmentation du FRT le fonds de la recherche et de la technologie. Le montant du FRT consacré aux STIC passera de 190 millions de francs à 250 millions de francs.
Nous créerons également, en 2001, un nouveau réseau de recherche technologique dédié au multimédia : créer la société de l'information exige, certes, de bâtir les infrastructures nécessaires, mais aussi de réfléchir sur les contenus qui peuvent être diffusés par leurs intermédiaires.
Enfin, je rappelle que j'ai installé en juillet 2000 plusieurs centres nationaux de recherche technologique, dont cinq dans le domaine des STIC, en optoélectronique, en micro et nanotechnologies, en télécommunications, images et multimédia, en télécommunications, Internet et usages - celui-ci est à Sophia Antipolis - et en matériaux pour l'électronique et la microélectronique, à Grenoble.
Ces moyens s'ajoutent à ceux, importants, que consacre l'Union européenne en matière de recherche sur les STIC : 23 milliards de francs au titre du cinquième PCRD et 25 milliards de francs au titre d'Eurêka et de Medea Plus.
S'agissant des sciences du vivant, le budget de l'INSERM connaîtra, hors personnel, une augmentation de 16 % de ses moyens. Le département des sciences de la vie au CNRS connaîtra également une augmentation significative puisque j'ai demandé à Mme Geneviève Berger de procéder à un rattrapage dans ce domaine. Les autorisations de programme de l'INRA progresseront, pour leur part, de 9 %.
Par ailleurs, le Fonds national de la science, qui est destiné à donner une impulsion aux recherches dans les domaines scientifiques prioritaires, consacrera 600 millions de francs en 2001, contre 465 millions de francs en 2000 à des recherches dans les sciences du vivant : génomique et post-génomique avec le centre national de séquençage, le centre national de génotypage, le réseau des génopoles, le réseau GenHomme, la bioinformatique, mais aussi les agents infectieux - sida, microbiologie, prions, dont nous reparlerons peut-être tout à l'heure - et la biologie intégrative.
De même, le fonds de la recherche et de la technologie verra ses moyens amplifiés en direction des réseaux de recherche technologique liés aux sciences du vivant.
Enfin, à ces moyens nouveaux viendraient s'ajouter des moyens supplémentaires correspondant à l'amendement que le Gouvernement souhaite vous proposer pour développer très fortement les recherches sur les maladies à prions et les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles, les ESST.
En dehors des STIC et des sciences de la vie, deux domaines bénéficieront d'un effort accru en 2001 : les recherches liées à l'énergie et à l'environnement, d'une part, la culture scientifique et technique, d'autre part, qui connaîtra une progression significative de ses crédits.
J'ai été très sensible à ce qu'ont dit MM. Laffitte et Renar sur la culture scientifique et technique. Il est vrai qu'il est important de renforcer la culture scientifique et technique, de la « désanctuariser » - les musées ont un rôle essentiel à jouer, mais ce rôle n'est pas suffisant - et, surtout, de la « déparisianniser ». Certes, beaucoup l'ont souligné, la population de l'Ile-de-France et de Paris est importante, mais nombre de nos citoyens résident en province, et il est donc nécessaire que cet effort de culture scientifique et technique concerne davantage les régions.
Je souhaite vraiment que la science soit une science publique et une science citoyenne.
Une science publique, c'est une science qui est au contact direct du public, qui va à sa rencontre, qui explique quels sont ses avancées, ses progrès, ses incertitudes éventuelles, ses lacunes éventuelles - car il peut en exister - ses actions, qui met en lumière ses projets. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé, même si j'ai conscience que ce n'est pas suffisant, au cours de la manifestation « Fête de la science », qui s'est déroulée en octobre dernier et qui a permis, dans 700 communes de toutes les régions, aux chercheurs d'aller directement à la rencontre du public et d'engager le dialogue avec lui.
Je souhaite que cette science publique, avec ce facteur de publicité, soit aussi une science citoyenne. Nombre de nos concitoyens souhaitent pouvoir être pleinement informés, pouvoir participer aux débats sur la recherche, ainsi qu'à la décision. Il est vrai que Jaurès et Mendès-France parlaient de la recherche, et que les formations politiques - je n'en vise aucune en particulier - parlent moins de la recherche en 2000 qu'on pouvait le faire en 1900, ce qui est une forme de paradoxe.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Il serait souhaitable que l'ensemble des formations politiques consacrent une place accrue dans leur programme politique aux grands enjeux scientifiques et technologiques auxquels nos concitoyens veulent participer par leur réflexion, leurs choix et leurs décisions. Sinon, le débat public paraîtra décalé par rapport à certaines préoccupations fondamentales qui portent, par exemple, sur la génomique et ses applications, les thérapies cellulaires, l'effet de serre, le réchauffement de la planète, le devenir des déchets radioactifs et beaucoup d'autres sujets encore.
Au fond, c'est de la démocratie qu'il s'agit. Mais la démocratie ne peut pas être incomplète. Si elle est très légitimement politique, sociale et économique, il faut qu'elle soit aussi scientifique. Il revient aux élus, aux hommes et aux femmes investis de responsabilités, de faire en sorte que la science soit davantage citoyenne qu'elle ne l'est aujourd'hui.
La culture scientifique et technique sur laquelle vous insistez très légitimement est évidemment l'un des aspects fondamentaux du rapprochement des citoyens des décisions publiques sur les grands choix scientifiques et technologiques, qui ne peuvent pas leur échapper.
Pour conclure, je soulignerai deux points.
Le premier concerne l'innovation et la recherche industrielle. Je suis très conscient, à l'instar de nombreux intervenants, de la nécessité d'assurer le transfert de la technologie et de favoriser la valorisation de la recherche pour irriguer l'économie des résultats de la recherche.
Cette politique de soutien à l'innovation est indispensable. C'est un facteur de modernisation, de progrès, de création de nouvelles entreprises, notamment de jeunes entreprises technologiques innovantes. Il est essentiel que la recherche devienne le principal moteur de la compétitivité et de la croissance, le premier booster, dirai-je, de l'économie et de l'emploi, comme cela se passe maintenant dans la plupart des grands pays.
Des moyens nouveaux sont donc dégagés pour appuyer les projets de recherche et de développement des entreprises. Les soutiens à la recherche industrielle - y compris l'ANVAR, qui aide les PME-PMI à innover, le FRT et les crédits pour l'aéronautique civile - s'élèveront à 6 milliards de francs en autorisations de programme, soit une progression de 9 %.
La progression des crédits de recherche industrielle hors aéronautique servira notamment à financer les onze réseaux de recherche et d'innovation technologiques, fondés sur le partenariat entre laboratoires publics et laboratoires privés, et les vingt-neuf incubateurs destinés à accompagner et à soutenir les porteurs de projets de création ou de développement d'entreprises innovantes.
A ce propos, je souhaite répondre très précisément à MM. Trégouët et Laffitte sur les effets de la politique menée par le Gouvernement en faveur de l'innovation.
M. Tregouët m'a rappelé le Journal officiel du 30 juin 1999. Mais le Journal officiel , dans ses différentes éditions, continue de paraître, et il comporte donc de temps à autre - pas tous les jours, bien sûr -, étant finalement le seul journal qui soutient le Gouvernement (Sourires), la publication de textes que vous appelez, très légitimement, de vos voeux. Par conséquent, tous les décrets relatifs à l'application de la loi sur l'innovation et la recherche, qui a été votée sur l'initiative de mon prédécesseur, sont aujourd'hui parus, à l'exception, je le reconnais, du décret sur les SAIC, qui est actuellement en cours de discussion en raison des problèmes fiscaux qu'il soulève.
L'effort qui avait été annoncé par Claude Allègre a donc été accompli à peu près dans les délais qu'il avait indiqués. La volonté qu'il avait exprimée a été suivie d'effets concrets. M. Trégouët aurait souhaité que ces effets intervinssent plus rapidement ; ils sont intervenus ! En tout cas, nous avons la volonté d'appliquer ces textes, qui ont déjà permis la création de cent entreprises par an par des chercheurs, contre vingt dans le passé.
Grâce à l'ensemble de ces dispositions et au concours des créations d'entreprises, cinq cents entreprises technologiques ont été créées en trois ans.
Le budget consacré à la construction aéronautique augmente fortement, de 12 %, atteignant près de 1,6 milliard de francs en crédits de paiement, en particulier pour soutenir le développement, par Airbus, de l'avion de grande capacité A3XX.
Monsieur Maman, l'augmentation des crédits destinés à l'A3XX est en grande partie compensée par la baisse des crédits consacrés aux autres programmes. L'augmentation totale des crédits destinés à l'aéronautique est ainsi de 170 millions de francs.
En matière spatiale - et M. Revol a bien raison d'évoquer ce sujet, qui doit nous mobiliser tous -, la subvention au Centre national d'études spatiales, le CNES, s'élève à 8,81 milliards de francs et représente tout de même 16 % du BCRD, c'est-à-dire son deuxième poste. La France, comme l'a très bien rappelé M. Revol, qui connaît excellemment ces problèmes, est le leader de la politique spatiale européenne. Elle est le moteur de l'Europe spatiale ; elle est aussi le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne, devant l'Allemagne et l'Italie.
J'indique, répondant aux interrogations de M. Revol ainsi que de M. Lanier, que cette dotation permettra au CNES de réaliser les programmes engagés dans le cadre de l'Agence spatiale européenne et aussi dans le cadre de ses propres programmes, dont la poursuite du développement d'Ariane 5, bien sûr. J'étais encore à Kourou il y a quelques semaines ; je rencontre très périodiquement les dirigeants du CNES et d'Arianespace ; je les soutiens tout à fait dans l'effort qu'ils déploient pour augmenter la compétitivité et les performances d'Ariane 5, de manière qu'elle puisse emporter des charges de plus en plus importantes et être donc très compétitive par rapport à ses concurrents directs, Lockheed Martin et Boeing.
Nous avons environ deux ans d'avance par rapport à la concurrence américaine, avance qu'il nous faut, si vous me permettez cette expression, « bétonner » pour la conserver. Tout le nécessaire est véritablement fait. Arianespace est actuellement leader sur le marché commercial des lanceurs.
Nous tenons beaucoup au programme GALILEO, système européen de positionnement et de dotation par satellite. Dans ce programme, qui va être débattu encore au prochain conseil européen des transports, la France, à hauteur de 17 %, est présente à parité avec l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Nous apportons à ce système toute l'attention qu'il requiert.
Cette dotation permettra, d'autre part, de lancer de nouveaux programmes prioritaires, notamment dans le domaine de l'observation de la terre et de la science.
Je rappelle ici, pour répondre aux inquiétudes de MM. Trégouët et Revol, que plusieurs décisions importantes ont été prises dans le domaine spatial depuis six mois environ, qui permettent de parler d'une véritable relance de la politique spatiale après une période d'incertitude.
Ainsi, je citerai le lancement de la phase de définition du système de satellite d'observation de la terre PLEIADES, le lancement du programme P80 de développement technologique dans le domaine des lanceurs, qui nous permet de sortir du conflit avec l'Italie, la relance de la collaboration avec les Etats-Unis sur Mars, après l'échec des missions de la NASA au second semestre 1999, le lancement du satellite Corot et, enfin, le programme GMES, qui a pour objectif, s'il fallait le résumer d'un mot, de mettre les techniques spatiales au service de la protection de l'environnement.
Certes, il est vrai que la subvention du CNES diminue en 2001 de 130 millions de francs sur un budget pour 2000 de 8,825 milliards de francs en dépenses ordinaires et en autorisations de programme, soit une diminution de 1,5 %. Cette diminution est toutefois compatible avec le lancement des nouveaux programmes, car elle s'explique par une augmentation moindre que prévue de la contribution du CNES à l'Agence spatiale européenne - elle dispose d'excédents de trésorerie lui permettant de réduire ses appels de fonds - et par un démarrage moins rapide que prévu de certains programmes du CNES en 2001, notamment le programme de Retour d'échantillons de Mars, dont le coût a diminué pour 2001, son lancement ayant été retardé en raison des deux échecs enregistrés par la NASA.
Il va cependant de soi que l'utilisation de l'excédent de trésorerie de l'Agence ne peut jouer qu'une fois et que la diminution de la subvention du CNES présente donc un caractère exceptionnel. Je veux rassurer MM. Trégouët et Revol sur ce point.
Reste qu'il est désormais nécessaire d'inscrire cette politique spatiale dans un cadre pluriannuel. Le lancement de nouveaux programmes nous y contraint désormais, tout en nous donnant la visibilité indispensable à moyen terme. Ce contrat d'objectifs est d'autant plus nécessaire que le CNES a une activité incompatible avec les à-coups de l'annualité budgétaire.
J'aborderai, enfin, le rapport de la recherche au PIB, que plusieurs d'entre vous ont évoqué.
D'après les derniers chiffres dont nous disposons, ceux de 1999, la France occupe le quatrième rang, parmi les grands pays de l'OCDE, pour la dépense de recherche totale en pourcentage du PIB, soit 2,17 %, après le Japon, 3,06 %, les Etats-Unis, 2,84 %, et presque à égalité avec l'Allemagne, 2,29 %. Elle devance sensiblement le Royaume-Uni, qui atteint seulement 1,83 %.
Ce rang de classement serait encore meilleur si la dépense de recherche des entreprises françaises en pourcentage du PIB était plus forte ; elle représente 2,18 % du PIB au Japon, 2,16 % aux Etats-Unis, 1,55 % en Allemagne, contre 1,37 % en France en 1999.
De surcroît, la baisse des financements liés à la recherche militaire, qui sont, évidemment, des financements publics, joue un rôle dans cette situation.
En revanche, avec un taux de 0,74 %, la France se situe au deuxième rang en matière de dépense publique de recherche civile contre, respectivement, 0,76 %, en Allemagne, 0,58 % au Japon, 0,42 % au Royaume-Uni et 0,41 % aux Etats-Unis, toujours en 1999.
C'est donc bien la faiblesse relative des dépenses de recherche des entreprises, et non celle des dépenses de recherche publique civile, qui explique le niveau de la dépense nationale de recherche en pourcentage du PIB comparé à celui des Etats-Unis ou du Japon. Cette situation est toutefois en train de s'améliorer, grâce aux efforts menés, notamment, avec les réseaux de recherche et d'innovation technologiques. qui jouent un rôle de levier et qui, derrière la recherche publique, entraînent la recherche privée à consentir plus d'efforts.
Dans son excellent rapport, M. Trégouët indiquait qu'il ne pourrait pas approuver mon budget parce que les entreprises privées ne consacrent pas assez d'efforts à la recherche. C'est un peu paradoxal, car je n'ai pas une maîtrise totale des dépenses de recherche des entreprises privées !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, Vous leur imposez bien les 35 heures !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Mais cette mesure leur est largement favorable, comme elles le démontrent elles-mêmes en négociant des solutions plus souples avec leurs propres salariés. En revanche, nous ne pouvons pas leur fixer un taux de dépense de recherche. La manière évoquerait par trop une planification ultra-centralisée que personne n'utilise plus, et qui relève d'une conception politique ou dialectique différente de celle dont vous vous réclamez en général.
Il est en effet possible de constater que les dépenses privées de recherche ne sont pas suffisantes. Faire ce grief au Gouvernement serait cependant inattendu. Cela étant, ce point est marginal par rapport au grand intérêt que j'ai pris à écouter les différents orateurs.
M. Trégouët s'est interrogé sur l'absence de modification du régime des stock options.
Le régime des stock options a été amélioré dans l'intervalle par des dispositions votées sur l'initiative du Gouvernement. Le régime des BSPCE, les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, qui concerne plus particulièrement des entreprises nouvelles, a été pérennisé et amélioré. L'engagement a donc été tenu.
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. Sur un amendement du Sénat !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Vous connaissez le respect spontané, légitime et profond que j'ai pour la Haute Assemblée. Je me réjouis donc très vivement que ce soit grâce à un amendement du Sénat que ces dispositions plus favorables aient été adoptées. Mais vous noterez que le Gouvernement n'a mis aucune réticence à leur adoption, loin de là ! (Sourires.) A l'évidence, donc, le consensus est possible.
S'agissant de l'allocation de recherche, il faut engager une réflexion, comme l'a souhaité notamment M. Serge Lagauche, afin qu'elle puisse être portée, dans les années ultérieures, à un niveau supérieur à celui qu'elle atteint aujourd'hui.
Je remercie M. Lanier de l'essentiel de ses propos, peut-être pas nécessairement de sa conclusion. Il a exprimé le regret que les dépenses de personnel compte pour 53 % des dépenses des organismes. Mais, comment faire autrement ? Il faut bien que la recherche soit faite par des chercheurs et des chercheuses, et il faut bien que ces chercheurs et ces chercheuses soient rémunérés en fonction de leurs compétences.
Il paraît donc difficile de s'étonner qu'une part importante - la moitié - des dépenses des organismes de recherche soit liée à la rémunération de leur personnel. D'ailleurs, cette proportion est du même ordre que celle que les collectivités locales, notamment les communes, consacrent généralement aux dépenses de personnel. Il existe donc une constante dans toutes les organisations, quelles qu'elles soient, car les actions relatives au personnel correspondent à des rémunérations, elles-mêmes représentatives d'un travail qui, s'agissant des chercheurs et des chercheuses, exige des efforts importants pour faire avancer la recherche.
M. Lanier a évoqué le rapport de l'Académie des sciences. L'Académie des sciences a non pas lancé un cri d'alarme - ce n'est pas son style - mais s'est inquiétée pour le passé et s'est dite plutôt rassurée par le présent ; elle a émis un jugement positif sur le projet de budget pour 2001, qui lui semble marquer une inflexion sensible, pour ne pas dire une rupture avec les pratiques précédentes.
M. Lanier a repris les propos d'un chercheur s'adressant au président Pompidou en ces termes : « Nous aurons satisfaction si les dieux le veulent. » Pour l'heure, dans cet hémicycle, les dieux se trouvent sur ces travées ! (Sourires.) Il est donc naturel que je me tourne vers les sénateurs, qui représentent nos concitoyens et qui tiennent entre leurs mains, comme leurs collègues à l'Assemblée nationale, le sort d'un budget, son adoption ou son rejet.
J'ai été très attentif aux remarques qui ont été formulées, aux rapports qui ont été présentés. Un sujet comme celui-ci, je le sais, suscite malgré tout, sans vouloir forcer le propos, un accord assez général, car il ne se prête pas à des polémiques particulières.
Je m'en remets donc très naturellement à vous, me demandant si, d'aventure, un jour, un soir comme celui-ci, par exemple, il ne serait pas possible qu'une assemblée parlementaire, surtout s'agissant de la Haute Assemblée, dépasse les divisions classiques qui peuvent être les siennes comme dans toute assemblée - l'Assemblée nationale connaît les mêmes - pour parvenir à un vote qui exprime, peut-être plus largement que cela ne serait prévisible, un soutien à une politique de recherche et à un budget.
Certes, je le concède, ce budget n'est pas parfait, mais il marque un progrès par rapport à l'année précédente et traduit la volonté de faire en sorte que la recherche continue et contribue à préfacer l'avenir, contribue à préparer l'avenir.
La Haute Assemblée n'économise jamais ses capacités de réflexion et d'analyse pour examiner non seulement les décisions du présent, mais également celles qui engagent l'avenir, avec un regard prospectif qui n'existe pas de la même manière ailleurs, notamment sur la recherche, assez intimement et naturellement liée à l'avenir. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que, pour ma part, j'ai participé à l'examen, par votre assemblée, d'un projet de budget qui n'a qu'une ambition : servir l'intérêt national, dont la recherche doit être un élément moteur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Lanier applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant la recherche.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 13 880 000 francs. »

M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous avez indiqué combien les interventions vous avaient intéressé, signalant cependant que leurs conclusions n'étaient pas toujours tout à fait conformes à votre souhait.
Votre dernier propos à l'endroit de la Haute Assemblée était très délicat. Il n'a pas manqué de nous toucher et de nous donner, pour l'avenir, la volonté de vous encourager, comme nous savons toujours le faire.
Toutefois, la Haute Assemblée ne le fera pas ce soir, sur la recommandation de la commission des finances, pour un certain nombre de raisons. En effet, le Gouvernement n'a pas respecté les engagements qu'il avait pris. Vous avez bien voulu nous rappeler que vous aviez lu le Journal officiel du 30 juin 1999.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Et même relu !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Si vous l'avez relu, vous ne pouvez pas croire que tous les engagements pris par le Gouvernement ont été tenus. En tout cas, ce n'est pas le sentiment de la commission des finances.
Vous avez dit, à juste titre, que le sujet ne prête pas à polémique. Je vous l'affirme : il existe au sein de la Haute Assemblée la volonté de partager, quelles que soient nos sensibilités politiques, une même ambition pour la France.
Ce soir, il s'agit de l'adoption d'un budget, je devrais dire de mesures nouvelles, en l'occurrence négatives, même si je le reconnais, cela tient aussi au changement de périmètre. Vous le savez, une adoption, c'est en quelque sorte l'expression d'une satisfaction. En revanche, le rejet est l'expression de regrets, mais aussi d'une espérance pour l'avenir. Par conséquent, vous devez prendre la recommandation de la commission des finances comme une espérance pour l'avenir.
La commission des finances vous demande, mes chers collègues, de rejeter les crédits du ministère de la recherche.
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu'il faut prendre cette fin de débat pour ce qu'elle représente, c'est-à-dire la recherche d'un déplacement des clivages et d'un dépassement des positions traditionnelles s'agissant de la recherche, c'est-à-dire de l'avenir, com me l'a dit M. le ministre.
A l'instant, je viens d'entendre le président de la commission des finances estimer que ce ne serait pas le cas ce soir. Je le regrette profondément. En écoutant très attentivement notre collègue M. Lanier ainsi que deux des trois rapporteurs, j'ai entendu finalement un peu plus de bonnes raisons d'approuver ce budget que de raisons pour le rejeter. Pourtant, ce budget ne sera sans doute pas adopté.
Cependant, je veux prendre au mot le président de la commission des finances et lui présenter une suggestion. S'agissant de la politique conduite par M. le ministre, dont chacun s'est plu à reconnaître la compétence, la disponibilité et le souci de bâtir l'avenir, je suggère à la Haute Assemblée que nous exprimions sur le budget de l'an prochain, à défaut de pouvoir le faire cette année, un vote unanime, non pas seulement pour le plaisir de nous rencontrer, mais pour dire au Gouvernement - celui-là et ceux qui suivront - qu'il est des sujets sur lesquels le Sénat sait se retrouver, car il en va du destin de la France.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Compte tenu des explications précises et très bien argumentées de M. le ministre, j'espérais que nos collègues modifieraient leur position et voteraient ce budget.
Les rapports de nos trois collègues, qui étaient excellents sur le fond, débouchaient, bien sûr, sur un avis négatif. Toutefois, cette position me paraissait si artificielle qu'elle me donnait des raisons d'espérer.
Moi, je croyais que, la recherche étant une grande cause nationale, nous allions, ce soir, nous retrouver tous ensemble, comme en d'autres circonstances où nous savons taire un certain nombre de divergences. La raison invoquée pour rejeter ces crédits, ce sont les aménagements techniques concernant le titre III. Or l'ensemble du budget évolue positivement par rapport aux années précédentes.
Je vois également ce budget comme un espoir pour les années à venir, même si, je le sais, s'agissant de saut d'obstacle, on ne peut pas faire du jour au lendemain des performances dignes des jeux Olympiques, quelles que soient les qualités sportives du ministre. (Sourires.)
Cela étant dit, j'ose espérer encore que le Sénat va se ressaisir et que, compte tenu de nos appels et de tout ce qui a été dit, il adoptera ce budget.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Connaissant le sérieux et la foi du ministre - nous travaillons ensemble depuis fort longtemps dans le même département -, j'avais pronostiqué qu'en cette nuit merveilleuse nous pourrions nous rassembler sur ce budget. La volonté qui a été affirmée par M. le ministre fait que tout n'est pas perdu. En définitive, ceux qui voteront contre ce budget l'approuvent dans leur for intérieur.
Ce que nous souhaitons, c'est continuer dans cette voie. Et moi, j'y crois : ce Gouvernement continuera dans cette voie pour la recherche, et nous pourrons tous ensemble, l'année prochaine, voter le budget de la recherche.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwarztenberg, ministre de la recherche. Je voudrais simplement apporter une précision sur le titre III que je n'ai pas eu l'occasion de fournir. Si les crédits qui y sont inscrits diminuent, c'est, en particulier, en raison de la baisse de la TVA sur les subventions versées aux établissements publics à caractère scientifique et technologique et qui sont notamment consacrées à des personnels. C'est cela qui, pour l'essentiel, provoque cette baisse du titre III.
M. Ivan Renar. Il n'y a plus aucun obstacle au vote de ce budget ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
Voici le résultat du scrutin n° 26 :

:
Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 310156
Pour l'adoption 107
Contre 203

M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce sera pour l'année prochaine ! (Sourires.)
M. le président. « Titre IV : moins 161 378 000 francs. »

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Ivan Renar. Même motif, même punition ! (Sourires.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 8 000 000 francs ;
Crédits de paiement : 4 000 000 de francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 14 354 070 000 francs ;

« Crédits de paiement : 12 105 220 000 francs. »
Par amendement n° II-81, le Gouvernement propose :
I. - De majorer ces autorisations de programme de 140 000 000 de francs ;
II. - De majorer ces crédits de paiement de 120 000 000 de francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Le Gouvernement a souhaité renforcer très fortement la recherche sur les encéphalopathies subaiguës transmissibles et sur les maladies à prion. Aussi, il a décidé de tripler les moyens de recherche qui seront portés de 70 millions de francs en 2000 à 210 millions de francs en 2001, ce qui nécessite une mesure nouvelle de 140 millions de francs.
Face à l'évolution très préoccupante des maladies à prion, il nous paraît nécessaire de mobiliser des efforts de recherche plus importants. Tout récemment, j'ai réuni à deux reprises les différents organismes de recherche qui travaillent sur ce programme. En effet, un programme spécifique de recherche, qui a été mis en place en 1996, regroupe les principaux organismes de recherche, c'est-à-dire le CNRS, le CEA, qui a un grand département des sciences du vivant, l'INSERM et l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. Le 20 novembre dernier, ces organismes ont conclu avec l'Etat un avenant à la convention qui sert de fondement à ce programme. Se sont joints à ces organismes, l'Institut de veille sanitaire, l'AFSSA - l'Agence française de sécurité sanitaire de aliments et l'AFSSAPS - l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé - qui n'existaient pas dans la période antérieure. Nous allons ensemble créer un groupement d'intérêt scientifique, qui verra très certainement le jour dans les toutes prochaines semaines. Ce groupement, dont les statuts sont avancés, permettra de renforcer encore la coordination entre ces organismes de recherche.
Notre volonté est de développer ces recherches sur quatre axes prioritaires. Le premier consiste à développer les tests de dépistage s'agissant de l'homme en matière animale et peut-être également sur l'homme. Le deuxième axe vise à mieux cerner la nature pathologique de cet agent et sa physiologie. Le troisième axe porte, s'agissant de l'homme, sur la recherche épidémiologique et thérapeutique. Enfin, le quatrième axe - il s'agit d'une recherche originale qui sera développée par l'INRA - porte sur des modes d'élimination des farines animales alternatifs à l'incinération.
Ce programme, qui a été mis au point en liaison directe avec les organismes de recherche, nous permettra, je crois, de faire progresser fortement la recherche française. Cela se fait d'ailleurs en coordination avec l'Europe. En effet, ayant eu l'occasion de présider le conseil des ministres européens de la recherche, puisque la France, comme vous le savez, exerce la présidence de l'Union européenne, j'ai fait adopter à l'unanimité, le 16 novembre dernier, par le Conseil, une décision aux termes de laquelle la Commission devra - et elle l'a très volontiers accepté - créer un groupe d'experts européens qui fera le point sur l'état d'avancement de la recherche sur les maladies à prion dans les différents pays, qui facilitera les échanges d'informations entre les chercheurs des différents pays et qui décidera quelles sont les recherches à poursuivre, à accentuer ou, éventuellement, à engager.
Ce groupe d'experts sera créé le 15 décembre par la Commission européenne, et il remettra son rapport au prochain conseil des ministres de la recherche de l'Union, qui se tiendra en mars prochain.
Ainsi, nous avançons de manière rapide à l'échelon national et coordonné à l'échelon européen sur ce problème qui est évidemment préoccupant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Trégouët, rapporteur spécial. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-81.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. J'émettrai, pour ma part, un vote favorable sur cet amendement, mais je tiens à faire une suggestion à M. le ministre au sujet des problèmes de coordination qu'il va certainement rencontrer au sein de ce groupement d'intérêt scientifique : je pense qu'il serait très important, monsieur le ministre, que vous nommiez un responsable dont le poids puisse être de nature à fortement coordonner les moyens financiers nécessaires.
M. Lucien Lanier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je suis, moi aussi, favorable à cet amendement.
Tout en approuvant la répartition des autorisations de programme et, surtout, des crédits de paiement que M. le ministre n'a pas tarder à débloquer, je m'interroge sur leur répartition : vous les partagez entre l'INRA, le CEA et l'INSERM, ce qui est tout à fait logique ; toutefois, une telle étude, même étendue au plan européen, ne pourrait-elle s'inspirer de ce qui se faisait du temps des actions concertées ?
Je suggère ainsi que l'on fasse appel non seulement à des scientifiques spécialistes du prion, mais aussi à des chimistes, à des psychologues et, pourquoi pas, à des mathématiciens, c'est-à-dire à des gens venant de tous les horizons afin d'apporter un éclairage que les seuls spécialistes n'ont pas toujours parce qu'ils ont parfois des oeillères.
Je crois, moi aussi, qu'il faudrait prévoir un coordonnateur pour ces actions, afin qu'elles ne soient pas cloisonnées à l'intérieur même de chacun des organismes auxquels vous les destinez.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Votre amendement, monsieur le ministre, vient abonder les recherches sur le prion, et nous vous en félicitons.
Pour autant, je ne peux manquer d'indiquer que, d'une certaine manière, cette démarche vient apporter de l'eau à mon moulin sur la nécessité d'abonder de manière significative le budget de la recherche dans les années à venir !
En effet, la recherche fondamentale ne peut s'appuyer sur la seule nécessité de l'urgence de l'actualité, même si, en l'occurrence, cette actualité est bien terrible puisqu'elle a trait à la sécurité alimentaire de nos concitoyens, à travers leur consommation de viande bovine.
Il y a quelques années, des laboratoires publics de l'INRA se livraient à une étude sur le prion du mouton, mais cette recherche était alors réduite du fait des choix budgétaires de l'époque.
Aujourd'hui, dans le cadre du plan de lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, le Gouvernement décide avec raison de donner aux laboratoires publics le coup de pouce nécessaire à l'accélération de ces études.
Dans bien des secteurs de recherche, nous sommes bien incapables de dire de quoi l'avenir sera fait. Or, en matière d'évaluation on voit bien que, la recherche ne peut s'apprécier uniquement sur le très court, voire le très moyen terme.
C'est pourquoi, tout en me félicitant du choix fait par le Gouvernement, je tiens à rappeler notre attachement à une hausse importante des crédits de la recherche pour les prochaines années, afin de permettre aux laboratoires publics de recruter de nouveaux chercheurs et à notre pays de rattraper son retard dans un certain nombre de domaines.
Quoi qu'il en soit, je voterai cet amendement.
M. Henri Revol. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, devant la peur panique qui se propageait en France, a souhaité tenir le plus rapidement possible une audition publique. Celle-ci a durée tout la journée du 21 novembre dernier.
Vous avez bien voulu, monsieur le ministre, venir ouvrir les travaux de cette journée, au cours de laquelle nous avons surtout appris... qu'il y avait beaucoup à apprendre. Un effort de recherche considérable reste donc à faire pour essayer de comprendre les phénomènes qui sont liés à cette transmission du prion.
Vous aviez indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez très conscient de la nécessité de ces efforts, et je vous remercie d'avoir déposé aujourd'hui cet amendement.
Je rejoins, moi aussi, notre collègue Lucien Lanier sur la coordination indispensable de ces recherches et sur leur caractère interdisciplinaire. Ainsi, nous avons entendu, le 21 novembre, des sociologues pour répondre au sentiment d'insécurité de la population devant l'apparition de toutes ces nouvelles maladies.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, et je voterai cet amendement.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je tiens à répondre aux différentes questions qui ont été posées par MM. Laffitte, Lanier, Renar et Revol.
Tout d'abord, s'agissant de la coordination, je vous rejoins : elle est absolument indispensable. Elle inspirait d'ailleurs, dès l'origine, ce programme de recherche spécifique puisque, mis en place en 1996, il reposait déjà sur une volonté très forte en la matière. Toutefois, elle sera renforcée et élargie à de nouveaux partenaires puisque, ainsi que j'ai eu l'occasion de vous le dire tout à l'heure, par un avenant signé le 22 novembre dernier, la convention qui sert de support au programme de recherche spécifique englobe maintenant non seulement le CEA, le CNRS, l'INRA et l'INSERM, qui étaient les partenaires de départ, mais aussi l'AFSSA, l'AFSSAPS et l'Institut de veille sanitaire, tous organismes qui n'existaient pas, dans leur forme actuelle, en 1996.
Non seulement pour élargir la coopération à de nouveaux partenaires, mais aussi pour renforcer la coordination, nous avons prévu de créer un groupement d'intérêt scientifique qui comportera la présence de tous ces partenaires, mais aussi de l'Institut Pasteur, que j'ai oublié de citer tout à l'heure, et d'autres organismes de ce type.
Un comité directeur de onze membres, représentant chacun des partenaires, délibérera sur la définition et la mise en oeuvre, dans le cadre des actions définies par l'Etat, de l'ensemble des actions de recherche sur les prions qui seront examinées ou proposées par le conseil scientifique. Il décidera, par ailleurs, la répartition des moyens consacrés à cette recherche.
Par ailleurs, un conseil scientifique de quinze membres, dont au moins un cinquième de membres étrangers, se prononcera sur les programmes de recherche proposés ou en cours dans les organismes partenaires, identifiera de nouvelles équipes susceptibles de participer au programme et développeera les contacts avec les institutions et les organismes tiers susceptibles d'être concernés par les programmes.
Enfin, un secrétariat général de ce groupement d'intérêt scientifique sera placé sous l'autorité d'un secrétaire général et assumera le suivi de l'exécution des actions du groupement.
En répose aux observations très intéressantes de MM. Lanier et Revol sur la nécessité d'aller au-delà du seul cercle des spécialistes, au sens le plus strict du terme, des recherches sur des maladies à prions, je précise que les trois organismes que vous avez cités, à savoir le CEA, l'INSERM et l'INRA, ne sont que gestionnaires des crédits que nous allons - si vous le voulez bien - attribuer au développement de la recherche.
Au-delà du seul cercle des spécialistes, plusieurs sociologues et psychologues travaillent sur ces problèmes, notamment au sein du CNRS. Ils ont d'ailleurs été auditionnés au cours de la journée d'études organisée de manière remarquable par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont les travaux - je puis en témoigner pour avoir eu le plaisir, vous l'avez rappelé, monsieur Revol, d'y participer - sont de très grande qualité.
Voilà l'articulation générale de ce dispositif, qui vise à faire progresser très sensiblement une recherche qu'il faut maintenant développer de manière encore plus forte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-81, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la recherche.

7

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 130, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS
AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 8 décembre 2000, l'informant de l'adoption définitive des quatorze textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1215. - Proposition de décision du Conseil relative à l'adhésion de la Communauté européenne au règlement n° 67 de la Commission économique pour l'Europe des nations unies concernant l'homologation des équipements spéciaux des automobiles utilisant les gaz de pétrole liquéfiés dans leur système de propulsion (adoptée le 7 novembre 2000).
N° E 1217. - Proposition de règlement (CE) du Conseil sur les mesures destinées à favoriser la pleine intégration de la dimension environnementale dans le processus de développement des pays en développement (adoptée le 7 novembre 2000).
N° E 1218. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à des mesures visant à promouvoir la conservation et la gestion durable des forêts tropicales et autres forêts dans les pays en développement (adoptée le 7 novembre 2000).
N° E 1331. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement du Conseil (CE) n° 1488/96 du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat Euro-méditerranéen (MEDA) (adoptée le 27 novembre 2000).
N° E 1375. - Proposition de décision du Conseil établissant un programme d'action communautaire de lutte contre la discrimination (2001-2006) (adoptée le 27 novembre 2000).
N° E 1388. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3448/93 déterminant le régime d'échange applicable à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles (présentée par la Commission conformément à l'article 189 A, paragraphe 2, du traité CE) (adoptée le 20 novembre 2000).
N° E 1393. - Proposition de directive du Conseil portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (adoptée le 27 novembre 2000).
N° E 1399. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 85/611/CEE, 92/49/CEE, 92/96/CEE et 93/22/CEE en ce qui concerne l'échange d'information avec des pays tiers (adoptée le 7 novembre 2000).
N° E 1451. - Projet de proposition modifiant la convention Europol afin d'étendre la compétence d'Europol au blanchiment d'argent en général (Acte du Conseil du ... 2000 établi sur la base de l'article 43, paragraphe I, de la Convention portant création d'un office européen de police) (convention Europol) (adoptée le 30 novembre 2000).
N° E 1472. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 974/98 concernant l'introduction de l'euro. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1103/97 fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2866/98 concernant les taux de conversion entre l'euro et les monnaies des Etats membres adoptant l'euro.
Les deux premières propositions ont été adoptées le 27 novembre 2000.
La troisième proposition l'a été le 19 juin 2000.
N° E 1494. - Proposition de directive du Conseil concernant l'accord européen relatif à l'aménagement du temps de travail du personnel mobile dans l'aviation civile, conclu par l'Association des compagnies européennes de navigation aérienne (AEA), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), l'Association européenne des personnels navigants techniques (ECA), l'Association européenne des compagnies d'aviation des régions d'Europe (ERA) et l'Association internationale des charters aériens (AICA) (adoptée le 27 novembre 2000).
N° E 1522. - Proposition de décision du Conseil autorisant la République française à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 11 de la sixième directive (77/388/CEE) en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (or d'investissement non taxé appartenant à une autre personne) (adoptée le 27 novembre 2000).
N° E 1561. - Proposition de décision du Conseil modifiant l'article 3 de la décision 98/198/CE du Conseil, du 9 mars 1998 : 6e directive TVA [(77/388) : demande de dérogation présentée par le Gouvernement du Royaume-Uni (procédure de l'article 27) autorisant à exclure du droit à déduction 50 % de la TVA grevant la location ou le leasing d'une voiture de tourisme utilisée à des fins privées] (adoptée le 27 novembre 2000).
N° E 1579. - Proposition de décision du Conseil portant sur la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine, paraphé à Pékin le 19 mai 2000, modifiant l'accord conclu entre elles sur le commerce des produits textiles et l'accord conclu entre elles, paraphé le 19 janvier 1995, concernant le commerce des produits textiles non couverts par l'accord bilatéral AMF, et autorisant son application provisoire (adoptée le 23 novembre 2000).

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 11 décembre 2000.
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération :
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 40).
Justice (et article 61) :
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 32) ;
Mme Dinah Derycke, rapporteur, pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (services généraux, avis n° 97, tome IV) ;
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (administration pénitentiaire, avis n° 97, tome V) ;
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (protection judiciaire de la jeunesse, avis n° 97, tome VI).
A seize heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001).
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits :
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.

Scrutin public à la tribune

En application de l'article 60 bis, troisième alinéa, du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2001 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 12 décembre 2000.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (n° 90, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 12 décembre 2000, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 30 de M. Hubert Haenel à M. le ministres des affaires étrangères sur le Conseil européen de Nice :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 13 décembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 125, 2000-2001) sur la proposition de loi de MM. Alain Gournac, Jean Arthuis, Pierre Laffitte, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique (n° 44, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 décembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 124, 2000-2001) sur la proposition de loi de MM. Josselin de Rohan, Paul Dubrule, Philippe François et Alain Gérard instituant un droit d'accès aux communes où sont organisées des manifestations culturelles sur la voie publique (n° 478, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 décembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan (n° 122, 2000-2001) sur la proposition de résolution de MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, Paul Girod, François Trucy et Louis Althapé présentée en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n° E-1520)(n° 89, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 décembre 2000, à douze heures.
Projet de loi de finances rectificative pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 130, 2000-2001) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 15 décembre 2000, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 9 décembre 2000, à une heure vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Recherche fondamentale sur les maladies rares

963. - 8 décembre 2000. - M. Gérard Delfau appelle l'attention de M. le ministre de la recherche sur la faiblesse des moyens financiers que mobilise notre pays pour la recherche fondamentale concernant les maladies rares. Ces maladies, dont les mécanismes demeurent inconnus et qui frappent un nombre peu important de personnes, n'intéressent pas les grands laboratoires privés, en raison du marché étroit qu'elles représentent. Et pourtant, il y a plusieurs milliers de personnes qui en souffrent et parfois en meurent, dans l'impuissance médicale la plus totale. Il apparaît donc urgent que les pouvoirs publics inventent un mécanisme d'incitation à la recherche et y consacrent une part, fût-elle minime, du budget de la nation. Il serait en ce sens utile, sans doute, qu'un fonds spécial soit créé, avec comme partenaires des fonds privés, afin de remédier à cette situation vécue comme une injustice par les malades et leurs familles.

Création d'établissements publics d'aménagement
en Ile-de-France

964. - 8 décembre 2000. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le projet de création d'établissements publics d'aménagement (EPA) en Ile-de-France. Elle lui demande de lui faire savoir si de telles structures rayonnant parfois sur plusieurs départements, sur de nombreuses communes petites et grandes, sur une population de plusieurs centaines de milliers de citoyens, ne constituent pas l'antithèse d'une politique démocratique, en matière de décentralisation et d'aménagement du territoire. Elle lui demande de lui faire savoir si l'EPA n'éloigne pas les citoyens de la gestion d'un établissement qui comporte, au sein de son conseil d'administration, de très nombreux technocrates, mais seulement quelques élus, d'une très faible minorité de communes. Elle lui demande enfin de lui faire savoir si, à terme, la généralisation des EPA ne constitue pas un danger majeur et réel pour la vie de la plupart de nos communes.

Enfouissement des déchets radioactifs

965. - 8 décembre 2000. - M. Daniel Goulet interroge Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement au sujet de l'enfouissement des déchets radioactifs. En effet, l'application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 donne lieu à des difficultés d'interprétation. Ainsi le projet d'ouverture d'un second site d'enfouissement des déchets radioactifs est programmé dans le secteur d'Athis dans l'Orne. La suspension de la « mission granite » n'a rassuré ni les riverains, ni les associations de défense de l'environnement, ni les élus. Il lui demande de donner au Sénat quelques assurances notamment sur la prise en charge par la future Agence française de sécurité sanitaire environnementale des questions touchant au nucléaire, comme le Sénat l'a demandé par amendement. Il lui demande de lui donner l'assurance qu'aucun nouveau projet de site d'enfouissement n'est à l'étude dans le secteur d'Athis dans l'Orne.

Conséquence de l'implantation
d'un centre de formation de pilotes sur la base d'Orange-Caritat

966. - 8 décembre 2000. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'affectation, en juillet 1998, sur la base militaire d'Orange-Caritat, implantée au coeur d'une zone urbanisée _ sans aucune concertation au plan local ni étude d'impact _ d'un escadron de formation de pilotes sur Mirage 2000, générant une situation intolérable pour les habitants des communes riveraines de la base en raison des nuisances sonores produites par cette activité de formation d'élèves pilotes. Au plan local, les autorités militaires, conscientes des nuisances et de la gêne occasionnées aux riverains, ont consenti des aménagements aux conditions de survol des localités situées à proximité immédiate de la base. Mais ces concessions ont atteint aujourd'hui les limites des nécessités opérationnelles sans que les aménagements consentis permettent de rendre le niveau de nuisance acceptable par la population. Outre la légitime aspiration à la quiétude manifestée par nos concitoyens, ces nuisances phoniques quotidiennes réduisent à néant l'ensemble des efforts entrepris par les acteurs locaux en faveur du développement touristique, qui est conditionné par le respect de notre cadre et qualité de vie. La situation étant aujourd'hui bloquée, il lui demande, en conséquence, quelles solutions sont envisagées par son ministère afin de préserver l'environnement de ce secteur du Haut-Vaucluse, situé dans le triangle formé par les bases d'Orange, Salon-de-Provence et Istres, et s'il est envisageable à moyen terme de délocaliser cet escadron de formation.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 8 décembre 2000


SCRUTIN (n° 26)



sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (Recherche).


Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 309
Pour : 106
Contre : 203

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 13.
Abstentions : 9. _ MM. Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Fernand Demilly, Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet, Paul Girod, Pierre Jeambrun et Bernard Joly

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Georges Mouly.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Contre : 98.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 76.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Contre : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Contre : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

Contre : 7.

Ont voté pour


François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Georges Othily
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret


Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vallet
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy


Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Abstentions


Georges Berchet, Jacques Bimbenet, Guy-Pierre Cabanel, Fernand Demilly, Jean-Pierre Fourcade, Jean François-Poncet, Paul Girod, Pierre Jeambrun, Bernard Joly.

N'ont pas pris part au vote


Christian Poncelet, président du Sénat, Guy Allouche, qui présidait la séance et Georges Mouly.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre des suffrages exprimés : 310
Majorité absolue des suffrages exprimés : 156
Pour : 107
Contre : 203

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.