SEANCE DU 18 DECEMBRE 2000


M. le président. « Art. 2. - La part de l'Etat du droit de consommation sur les tabacs manufacturés prévu à l'article 575 du code général des impôts, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article 55 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), perçue au comptant au titre de l'année 2000, est affectée au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale mentionné à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale. »
Par amendement n° 10, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le premier amendement d'une série d'amendements de suppression.
Vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que la commission des finances soit constante dans ses positions et qu'elle vous propose de supprimer l'affectation, à titre rétroactif, au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, du reliquat du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés. En effet, ce droit, d'un montant d'un peu plus de 3 milliards de francs, bénéficiait jusqu'à présent au budget de l'Etat. Il nous est aujourd'hui proposé de l'affecter a posteriori au financement des 35 heures pour l'année 2000, chacun sachant que ce financement n'est pas assuré.
Je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit sur ce sujet. Je soulignerai simplement, une fois de plus, que le FOREC, dont on parle pourtant beaucoup au sein de notre assemblée, demeure virtuel et n'est toujours pas juridiquement constitué. Son financement pour 2000 était fondé sur des prévisions gouvernementales inexactes. En outre, le Conseil constitutionnel, le 13 janvier 2000, a privé ledit fonds d'une recette de 7 milliards de francs.
Le Gouvernement s'est donc trouvé dans l'obligation d'avoir à jongler avec des flux très complexes par le biais de ce que nous avons appelé « l'usine à gaz » du financement des 35 heures.
M. Michel Charasse. Usine à gaz fumante !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On se perd dans la description, les méandres de toutes ces tuyauteries et l'adéquation des ressources aux dépenses du FOREC et vous savez fort bien, Mme le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'une obligation légale.
Le bouclage du financement des 35 heures en l'an 2000 conduit en définitive à utiliser toutes sortes d'expédients, dont celui qui nous occupe en l'instant, la nouvelle affectation du droit de consommation sur les tabacs manufacturés.
Il convient de rappeler, mes chers collègues, pour achever la présentation du contexte, que le coût des 35 heures pour les finances publiques en l'an 2000 s'élèvera à 67 milliards de francs ; il sera de 85 milliards de francs en 2001 et, vraisemblablement, de 110 milliards de francs par la suite.
S'agissant de données absolument essentielles à l'échelle de l'économie nationale, la commission des finances ne peut évidemment que déplorer les solutions qui sont préconisées en la matière par le Gouvernement à la fois sur le fond et sur la méthode.
Nous considérons enfin que se pose en ce domaine un véritable problème de constitutionnalité, faute de savoir où se situe dorénavant le champ respectif de compétences de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.
M. Michel Charasse. Cela, c'est bien vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, cher collègue !
Il incombera bien sûr au Conseil constitutionnel, dûment saisi, de se prononcer sur ce sujet. Mes chers collègues, la commission des finances préconise donc la suppression de l'article 2.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 10 tend à restituer au budget général de l'Etat les 3 milliards de francs de reliquat du produit du droit de consommation sur les tabacs qui ont vocation à financer le FOREC dont le niveau de dépenses atteindra 67 milliards de francs en 2000. Cette somme est nécessaire à son équilibre. Pour cette raison, je ne peux pas souscrire à l'amendement qui vient d'être défendu.
S'agissant de la question de droit soulevée par M. le rapporteur général, je ne crois pas juste de dire que la désaffectation d'une recette de l'Etat n'est pas de la compétence d'une loi de finances. En effet, et jusqu'à nouvel ordre, cette procédure est requise par l'article 18 de l'ordonnance organique.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole, contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous ne voterons pas l'amendement de la commission des finances qui vise à supprimer l'article 2.
En fait, M. le rapporteur général consacre dans les faits la position strictement et étroitement idéologique de la commission des finances, position qu'il défend depuis un certain temps.
De plus, l'exercice auquel se livre la commission est quelque peu virtuel, puisque les termes de la loi de financement de la sécurité sociale comme ceux de la loi de finances sont assez largement arrêtés et plutôt éloignés de ceux qui nous sont proposés par le texte de l'amendement. Je trouve donc cela un peu virtuel, c'est vrai.
M. Hilaire Flandre. Oui, très virtuel !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous comprenons fort bien que, pour des motifs purement idéologiques, la commission nous invite à supprimer cet article 2. Vous concevrez, en retour, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues de la commission des finances, que nous ne vous suivions pas, pas plus que nous vous avons suivis lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du vote du projet de loi de finances.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article 3