SEANCE DU 21 DECEMBRE 2000


M. le président. « Art. 1er. - I à VI. - Non modifiés.
« VII. - Les exploitants d'ouvrages de circulation routière dont les péages sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée peuvent formuler des réclamations contentieuses tendant à l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant, le cas échéant, grevé à titre définitif les travaux de construction et de grosses réparations qu'ils ont réalisés à compter du 1er janvier 1996 au titre d'ouvrages mis en service avant le 12 septembre 2000.
« Le montant restitué est égal à l'excédent de la taxe sur la valeur ajoutée qui a ainsi grevé les travaux sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux péages qui n'a pas été acquittée du 1er janvier 1996 au 11 septembre 2000.
« VIII. - Chaque bien d'investissement ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions prévues au VII est inscrit dans la comptabilité de l'entreprise pour son prix d'achat ou de revient diminué d'une quote-part du montant restitué. Cette quote-part est déterminée en appliquant au montant restitué le rapport entre le prix d'achat ou de revient du bien hors taxe sur la valeur ajoutée et le prix d'achat ou de revient hors taxe sur la valeur ajoutée de l'ensemble des biens retenus pour le calcul de cette restitution.
« La quote-part définie à l'alinéa précédent est limitée à la valeur nette comptable du bien auquel elle s'applique. L'excédent éventuel est compris dans les produits exceptionnels de l'exercice en cours à la date de la restitution.
« L'amortissement de chaque bien d'investissement est, pour l'assiette de l'impôt sur les bénéfices, calculé sur la base du prix de revient diminué dans les conditions prévues au premier alinéa. »
Par amendement n° 2, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer les VII et VIII de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur. Il s'agit d'un problème dont nous avons longuement débattu en première lecture, et qui est relatif aux sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Nous souhaitons supprimer les modalités de déduction de la TVA proposées par le Gouvernement pour les travaux réalisés par ces sociétés entre le 1er janvier 1996 et le 11 septembre 2000.
Nous considérons que les modalités envisagées par le Gouvernement sont trop restrictives et qu'elles visent à empêcher les sociétés concessionnaires d'autoroutes de bénéficier du régime dit de « crédit de départ », déjà en vigueur.
En outre, il nous semble que restreindre les droits à déduction des sociétés d'autoroutes, à la suite de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, est contraire au droit européen qui interdit de prendre des mesures législatives pour limiter les conséquences d'un arrêt de ladite cour.
C'est donc dans un esprit d'équité et dans un esprit européen que nous proposons cet amendement.
M. Roland du Luart. Vous avez tout à fait raison !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Nous avons eu longuement l'occasion d'expliquer la position du Gouvernement au cours des lectures précédentes ; je confirme notre avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je voudrais, s'agissant des concessionnaires d'autoroutes, que vous nous expliquiez, madame la secrétaire d'Etat, les raisons pour lesquelles le Gouvernement refuse de retenir ce système de crédit de départ, élément essentiel en cette matière.
Nous avons souvent entendu ici, au Sénat, le Gouvernement affirmer que les sociétés autoroutières n'avaient pas les moyens de réaliser les investissements qui leur avaient été confiés. Or voilà que, tout à coup, vous nous proposez un régime fiscal qui les défavorise. Ces sociétés vont être désormais confrontées à une vive concurrence internationale ; si vous les désarmez ainsi, elles vont perdre tous les marchés auxquels elles peuvent légitimement prétendre.
Est-ce pour des raisons budgétaires ou bien pour d'autres raisons que vous proposez de ne pas soumettre ces sociétés au régime général de TVA ? Nous n'avons pas obtenu de réponse à cette question en première lecture. Nous souhaitons savoir pourquoi le Gouvernement refuse d'appliquer le droit communautaire en la matière !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le droit communautaire ne permet pas d'appliquer, monsieur le président de la commission, le système du crédit de départ aux concessionnaires d'autoroutes. Pourquoi ? Parce que ce système permet à une entreprise qui utilisait des investissements pour les besoins d'opérations légitimement exonérées de déduire une fraction de la TVA ayant grevé ces investissements lorsqu'elle décide finalement d'affecter ces derniers à la réalisation d'opérations taxées.
Les concessionnaires d'autoroutes ne se trouvent pas dans cette situation, parce qu'ils sont réputés exercer une activité non assujettie à la TVA et non pas une activité exonérée de TVA.
Cette distinction, qui peut paraître byzantine, est en réalité tout à fait fondamentale. Alors qu'une personne qui exerce une activité située dans le champ d'application de la TVA mais qui bénéficie d'une exonération peut se voir octroyer un crédit de départ lorsqu'elle décide d'affecter ses investissements à la réalisation d'une activité taxée, une personne qui exerce une activité non assujettie à la TVA, c'est-à-dire qui est située hors du champ d'application de la TVA, perd définitivement tout droit à déduction au titre de ses investissements.
Certes, la possibilité d'accorder un crédit de départ au titre des investissements qui, initialement affectés à une activité non assujettie à la TVA, étaient ensuite utilisés pour les besoins d'une activité taxée, a longtemps été maintenue à titre de tolérance par la doctrine administrative.
Mais, à la suite de l'arrêt qui a été rendu par la Cour de justice des Communautés européennes en 1991 et de l'interprétation qui en a été donnée par la Commission européenne, cette doctrine a dû être rapportée.
La seconde raison pour laquelle le crédit de départ n'est pas applicable aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, c'est que celles-ci auraient dû, pour ce faire, exercer, dès l'origine, une activité taxée. Or il ressort du récent arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du mois de septembre 2000 que, dès l'entrée en vigueur de la sixième directive, les péages auraient dû être soumis à la TVA.
Mais, pour que le mécanisme du crédit de départ trouve à s'appliquer aux biens finalement affectés à la réalisation d'opérations taxées, il faut que ces biens aient été initialement affectés à une activité n'étant à bon droit pas soumise à la taxe.
Les dispositions de l'article 20 de la sixième directive ne sont donc pas applicables aux sociétés concessionnaires qui ont, à tort, été privées de la possibilité d'exercer un droit à déduction.
En revanche, il convient de replacer ceux des concessionnaires qui le souhaitent dans la situation qui aurait dû être la leur. C'est le débat que nous avons eu, je crois, il y a quelques jours.
Pour tirer toutes les conséquences de l'arrêt, il conviendrait en effet de replacer tous les concessionnaires dans la situation théorique dans laquelle ils auraient dû être, c'est-à-dire leur demander d'acquitter la TVA sur les péages qu'ils ont collectés dans le passé et, symétriquement, leur accorder en contrepartie un droit à déduction au titre des investissements qu'ils ont antérieurement réalisés.
Mais les concessionnaires n'ont fait qu'appliquer les règles de TVA fixées par le législateur lui-même. C'est le principe de sécurité juridique qui nous conduit à ne pas obliger tous les concessionnaires à reconstituer cette situation passée au regard de ce qu'aurait dû être le régime de TVA.
En revanche, le Gouvernement leur laisse la possibilité de reconstituer le passé dans l'hypothèse où cette reconstitution leur serait financièrement favorable. C'est l'objet du paragraphe VII de l'article 1er.
Nous ne faisons donc qu'appliquer le droit en la matière. Nous ne sanctionnons pas les sociétés concessionnaires d'autoroutes pour avoir respecté à l'époque une législation non conforme à la législation communautaire, ainsi que vient de le décider l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, mais nous leur laissons la possibilité de choisir le régime qui leur conviendra le mieux.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je ne suis pas du tout convaincu par cette réponse.
Mme la secrétaire d'Etat nous dit que le droit communautaire, selon l'interprétation qu'en fait la Commission européenne, ne permet pas l'utilisation par les sociétés concessionnaires d'autoroute du dispositif du crédit de départ.
J'aimerais bien, madame la secrétaire d'Etat, que vous nous donniez vos sources s'agissant de l'interprétation de la Commission !
Le Gouvernement nous a dit aussi que la procédure d'adossement n'est plus autorisée aux termes du droit communautaire et, surtout, d'un avis du Conseil d'Etat.
Le Sénat n'a jamais partagé ce point de vue et s'il en est de même pour le régime du crédit de départ, je soupçonne le Gouvernement d'utiliser une interprétation de la Commission - peut-être orale, peut-être écrite ; il serait intéressant que vous nous le précisiez - qui viendrait affaiblir nos sociétés autoroutières, lesquelles doivent, je le répète, face à la concurrence internationale à laquelle elles sont désormais confrontées, disposer de moyens pour emporter des marchés.
Comme je vous l'ai dit en première lecture, je suis convaincu que nos travaux seront produits devant la Cour de justice des Communautés européennes, parce que votre dispositif donnera lieu à contentieux. Cela me paraît d'une telle évidence que vous devez, devant le Sénat, ce soir, clarifier totalement vos sources et votre interprétation.
Ainsi, nos sociétés autoroutières connaîtront la situation dans laquelle elles sont au regard du droit européen.
M. Roland du Luart. Ce serait également intéressant pour le contribuable !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2