SEANCE DU 9 JANVIER 2001


M. le président. « Art. 1er - I. - L'article L. 122-45 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45 . - Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état de santé ou de son handicap.
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève.
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés.
« En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
« Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit. »
« II. - L'article L. 122-35 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, après le mot : "moeurs,", sont insérés les mots : "de leur orientation sexuelle," ;
« 2° Au deuxième alinéa, après le mot : "confessions,", sont insérés les mots : "de leur apparence physique, de leur patronyme,".
« III. - L'article 225-1 du code pénal est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa :
« a) Après le mot : "famille,", sont insérés les mots : "de leur apparence physique, de leur patronyme," ;
« b) Après le mot : "moeurs,", sont insérés les mots : "de leur orientation sexuelle," ;
« 2° Au deuxième alinéa :
« a) Après le mot : "famille,", sont insérés les mots : "de l'apparence physique, du patronyme," ;
« b) Après le mot : "moeurs,", sont insérés les mots : "de l'orientation sexuelle,".
« IV. - L'article 225-2 du code pénal est ainsi modifié :
« 1° Au 5° , après les mots : "offre d'emploi", sont insérés les mots : ", une demande de stage ou une période de formation en entreprise" ;
« 2° L'article est complété par un 6° ainsi rédigé :
« A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale. »
« V. - L'article L. 611-1 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : "à la règle de l'égalité professionnelle" sont supprimés ;
« 2° Au deuxième alinéa, après les mots : "au 3° ", sont insérés les mots : "et au 6° ". »
« VI. - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 611-6 du code du travail, les mots : "à la règle de l'égalité professionnelle" sont supprimés et, après les mots : "au 3° ", sont insérés les mots : "et au 6°". »
Par amendement n° 19, M. Leclerc propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 122-45 du code du travail, après les mots : « orientation sexuelle, », d'insérer les mots : « de son âge, ».
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Dans son propos liminaire, M. le ministre a cité les motifs de discrimination prévus. Pour ma part, je voudrais y ajouter celui de l'âge, en référence à l'article 13 du traité d'Amsterdam.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui vise à combler un vide, dans la mesure où les discriminations fondées sur l'âge constituent une réalité, notamment en matière d'embauche, de déroulement de carrière ou de licenciement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement serait favorable au principe selon lequel, en conformité avec l'article 13 du traité d'Amsterdam, l'âge serait retenu comme motif de discrimination illicite. Mais la négociation de la directive portant cadre général sur l'égalité de traitement dans le travail et dans l'emploi, qui a fait l'objet d'un accord politique le 17 octobre 2000 à Luxembourg, a permis de mettre en valeur les difficultés techniques qui pourraient en résulter.
Dans notre législation interne, dans notre seul code du travail, l'âge intervient pour protéger à la fois les travailleurs âgés, les jeunes qui ne doivent pas travailler et les jeunes au travail. Ainsi, l'âge est pris en compte pour l'attribution de certaines mesures de politique de l'emploi et de formation professionnelle.
Par ailleurs, il existe déjà dans le code du travail - je pense à l'article L. 311-4 - des dispositions qui sont destinées à éviter que certaines limites d'âge n'interviennent comme motif discriminatoire à l'encontre d'un candidat à l'emploi.
La difficulté technique liée à ce problème, qui suscite je le répète, une préoccupation légitime, mais dont la solution doit être compatible avec la directive communautaire, conduit le Gouvernement à demander aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer afin de disposer, à la faveur des navettes parlementaires, du temps nécessaire pour procéder aux expertises qu'il juge utiles. Bien entendu, il s'engage à ce que la mention de l'âge figure dans les motifs de discrimination qui seront visés dans le texte définitif.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je voudrais dire à M. le ministre à quel point je suis étonné de sa réponse.
En effet, la lutte contre les discriminations fondées sur l'âge est explicitement mentionnée dans l'article 13 du traité d'Amsterdam.
Certes, la lutte contre ces discriminations n'est pas aisée, qu'elles concernent les jeunes ou les salariés plus âgés. Mais on ne saurait opérer de discrimination entre les différentes discriminations et les amendements de notre collègue M. Leclerc me paraissent, à cet égard, particulièrement pertinents.
Je ne vois d'ailleurs aucune urgence à ce que l'amendement n° 19 soit retiré. Il pourra toujours l'être par la suite, y compris en commission mixte paritaire. En tout cas, ce problème mérite une réflexion de la part du Gouvernement.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué tout à l'heure les difficultés qui peuvent survenir quand on légifère dans l'urgence, et vous avez rappelé l'attention que je portais à cet aspect des choses lorsque j'étais député. Or, s'agissant de cet amendement, c'est ce qui pourrait se produire.
Je répète que, sur le fond, le Gouvernement est d'accord. Mais je ne voudrais pas, dès maintenant, donner l'aval sur un texte qui pourrait apporter de mauvaises réponses à une situation qui aurait été mal appréhendée.
C'est pourquoi je maintiens ma demande de retrait.
M. le président. Monsieur Leclerc, maintenez-vous l'amendement n° 19 ?
M. Emmanuel Hamel. Bien sûr !
M. Dominique Leclerc. Dans la vie de tous les jours, l'âge revient toujours comme élément discriminant, que ce soit pour les plus jeunes en quête d'un premier emploi ou pour les gens qui arrivent à un certain âge. Aussi, il me paraît justifié de le mentionner, tout autant que les autres motifs de discrimination qui figurent dans la proposition de loi.
M. Michel Caldaguès. Très juste !
M. Dominique Leclerc. En conséquence, je maintiens mon amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 15, Mme Borvo, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 1er pour l'article L. 122-45 du code du travail, après les mots : « de son appartenance », d'insérer les mots : « ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement reprend la formulation de l'article 225-1, du code pénal pour préciser le texte qui nous est proposé. Il permet avant tout de ne pas consacrer le terme de « race », et je vais m'arrêter un instant sur ce point, qu'a d'ailleurs soulevé ce matin notre collègue Francis Giraud, lors de la réunion de la commission.
Dans le règne animal, une race est obtenue lorsque des individus, sélectionnés sur des critères prédéfinis - la taille, la couleur du pelage... -, fécondés entre eux pendant de nombreuses générations, aboutissent à des individus reproduisant invariablement dans leur descendance les critères présélectionnés. On voit qu'une telle sélection n'a jamais eu lieu - même si certains, aux pires moments de notre histoire, furent tentés d'y recourir - dans l'espèce humaine : aucune population n'en a fait l'objet à chaque génération pendant des dizaines de générations.
Il n'est donc de races qu'animales, et celles-ci sont des créations humaines.
C'est pourquoi le législateur français n'a pas voulu consacrer dans le code pénal un terme qui, au vu des données scientifiques, notamment génétiques, actuelles et selon les plus grands anthropologues de notre temps - je citerai parmi eux Gould aux Etats-Unis, Vavalli-Sforza, ou Langaney en France - n'a pas de fondement.
C'est d'ailleurs ce que confirmait le ministère de l'éducation nationale, qui, en réponse à l'une des questions écrites déposée par Nicole Borvo en 1999, lui faisait savoir que ses services avaient fait procéder au retrait du terme « race humaine » initialement prévu dans le programme de la maîtrise de sciences biologiques et médicales.
La notion de race ne correspond qu'à une distinction subjective qu'opèrent certaines personnes à l'égard d'autres ou à l'image, renvoyée par la société, qu'ont les individus d'eux-mêmes : il s'agit donc dans tous les cas d'une construction sociale et non pas d'une réalité biologique objective. Je pense ici, notamment, au concept de « race auto-rapportée » en vigueur aux Etats-Unis, sans m'attarder sur les conséquences pernicieuses et dévastatrices de son utilisation.
Je constate par ailleurs que le terme « race » est utilisé dans l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. C'est regrettable et ma collègue Nicole Borvo s'en était étonnée auprès de M. le ministre délégué aux affaires européennes.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter le présent amendement qui vise à apporter une précision et permet de ne pas consacrer le terme « race », encore tellement utilisé, mais jamais défini.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je ne vais pas reprendre les propos qu'a tenus notre excellent collègue Guy Fischer. Je dirai simplement qu'il s'agit d'un amendement de précision qui s'inspire de la rédaction du code pénal. Il met en évidence le fait que des divergences subsistent dans les formulations retenues dans les différents articles faisant l'inventaire des motifs de discrimination.
Comme je l'ai souligné dans le rapport, on peut remarquer en particulier que l'article L. 122-35 du code du travail ne mentionne même pas les discriminations fondées sur l'appartenance à une ethnie, à une nation ou à une race.
La précision prévue par cet amendement constitue une coordination partielle. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, dont l'adoption permettra d'aligner la rédaction de l'article L. 122-45 du code du travail sur celle de l'article 225-1 du code pénal.
En outre, la formulation proposée est cohérente avec la position défendue par la France au Conseil de l'Union européenne lors de la négociation des directives communautaires fondées sur l'article 13 du traité d'Amsterdam. Cette position a d'ailleurs été prise en compte dans l'un des considérants de la directive du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement sans distinction de race ou d'origine ethnique. Le considérant n° 6 affirme en effet que l'Union européenne rejette toute théorie tendant à déterminer l'existence de races humaines distinctes. L'emploi du mot « race » dans la présente directive n'implique nullement l'acceptation de telles théories.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose, dans la première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par le I de l'article 1er pour l'article L. 122-45 du code du travail de remplacer les mots : « présente des éléments de fait laissant supposer » par les mots : « établit des faits qui permettent de présumer ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de modifier les dispositions de l'article 1er concernant l'aménagement de la charge de la preuve dans le cas d'un litige portant sur une discrimination.
La commission propose de prévoir que l'action judiciaire nécessite, pour être engagée, l'établissement par le plaignant de faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination comme le prévoit l'article 8 de la directive européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.
Le recours à l'expression « laissant supposer » ne semble pas en effet présenter toutes les garanties de rigueur juridique.
La nouvelle rédaction que la commission vous propose d'adopter est plus précise et devrait permettre une amélioration des conditions du respect des droits des plaignants puisque les plaintes les plus solides sont celles qui reposent sur des faits, même s'ils sont peu nombreux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, la rédaction proposée par l'Assemblée nationale se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Sa chambre sociale a retenu les éléments de fait dans l'arrêt Fluchère du 28 mars 2000 pour accueillir la demande d'une victime de discrimination syndicale. Elle énonce que le syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire doit « soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement ».
En outre, cette rédaction est compatible avec la jurisprudence communautaire et les directives communautaires adoptées sur la base de l'article 13 du traité d'Amsterdam. Elle n'a ni pour objet ni pour effet de créer une présomption de culpabilité, comme le soulignait M. Leclerc dans son intervention : la culpabilité est, je le rappelle, une notion pénale. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes fermement opposés à cet amendement présenté par la commission des affaires sociales.
La rédaction proposée limite en effet la portée du texte de la proposition de loi et risque de compromettre les chances d'une personne s'estimant victime d'une discrimination de faire valoir ses droits.
Ainsi que nous l'avons déjà clairement exprimé lors de la discussion générale, le texte issu des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale nous paraît équilibré sur ce point.
En effet, compte tenu de la difficulté qu'aura un salarié ou un candidat à un emploi à obtenir les preuves matérielles du fait qu'il a bel et bien été victime des pratiques discriminatoires, nous estimons nécessaire qu'il n'ait à présenter que des éléments de fait laissant supposer une discrimination, comme le dit fort bien le texte de la proposition de loi.
Si la différence de traitement constatée est justifiée par des éléments objectifs et uniquement professionnels, l'employeur pourra, sans aucun problème, prouver que ses décisions n'ont pas été dictées par une volonté de discrimination.
En cela, la charge de la preuve n'est pas inversée, elle est simplement aménagée, ce qui constitue un rééquilibrage de la relation salarié-employeur.
Par conséquent, estimant que l'adoption de cet amendement rendrait le texte trop défavorable au salarié, nous nous y opposerons, ainsi qu'à tous ceux qui sont inspirés par la même philosophie.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Mes chers collègues, j'estime que l'amendement présenté par la commission procède d'une précaution parfaitement bien inspirée. Il est tout à fait évident, en effet, que les termes « laissant supposer » peuvent donner lieu à des dérives très préjudiciables, et même à des formes de chasse aux sorcières que McCarthy lui-même n'aurait pas désavouées ; l'expression lui aurait sans doute beaucoup plu !
J'estime que l'on ne doit pas, dans la loi, ouvrir des possibilités de chasse aux sorcières qui peuvent notamment donner lieu à des tentatives de chantage, comme cela s'est déjà produit.
Il est en effet déjà arrivé que, sur la base des textes existants, à l'occasion d'une instance, un compromis financier soit proposé, lequel fut d'ailleurs finalement récusé par une partie des dirigeants de l'association qui s'y était prêtée.
Je crois donc qu'il faut être extrêmement prudent, sous peine de faciliter des pratiques qui ne seraient pas honorables.
Je terminerai sur une question de principe.
L'argument de conformité à la jurisprudence de la Cour de cassation avancé par le Gouvernement ne m'a pas du tout convaincu. Ce n'est tout de même pas une règle pour le Parlement que de se conformer à la jurisprudence. Où serait, dans ces conditions, le pouvoir législatif ?
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repousé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Souvet, au nom de la commission, propose, dans la deuxième phrase du quatrième alinéa du texte présenté par le I de l'article 1er pour l'article L. 122-45 du code du travail, de remplacer les mots : « est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. », par les mots : « n'est pas contraire aux dispositions énoncées aux alinéas précédents. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'améliorer la rédaction proposée par l'Assemblée nationale concernant les obligations faites au défendeur dans l'établissement de la preuve au regard d'un litige relatif à une discrimination.
La nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 du code du travail prévoit qu'« il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. »
Sans remettre en cause cet objectif, il est apparu nécessaire à la commission des affaires sociales de se rapprocher davantage de la rédaction de la directive européenne du 29 juin 2000 qui prévoit qu'« il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'inégalité de traitement. »
C'est pourquoi la commission vous propose d'établir qu'« il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision n'est pas contraire aux dispositions énoncées aux alinéas précédents. »
Cette nouvelle rédaction est plus claire. Elle permet d'éviter des contentieux compliqués qui auraient pu tourner autour des différentes façons d'interpréter la notion d'« élément objectif ». Chacun d'entre nous sait bien, en effet, que la politique des ressources humaines d'une entreprise comprend une part de subjectivité qui ne peut être assimilée à des mesures discriminatoires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La commission considère qu'il est restrictif de ne permettre à l'employeur d'écarter la présomption de discrimination qu'en justifiant d'éléments objectifs.
Concrètement, le mécanisme probatoire se déroule en trois temps.
Dans un premier temps, l'effort est fourni par le salarié par l'apport d'éléments de fait. Ceux-ci doivent impérativement servir à fonder une présomption de discrimination.
Si cette présomption est établie, il appartient, dans un second temps, à l'employeur, de prouver que sa décision a été prise en fonction d'éléments objectifs...
M. Louis Souvet, rapporteur. ... et parfois subjectifs !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... étrangers à toute discrimination.
La commission fait observer, à juste titre, que l'employeur peut aussi se déterminer en fonction d'éléments purement subjectifs. Certes, comme le confirme la décision du Conseil constitutionnel n° 88-244 du 20 juillet 1988, l'employeur a le libre choix de ses collaborateurs, cette liberté devant évidemment se concilier avec le principe de non-discrimination.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est évident !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. L'employeur peut donc toujours apporter des éléments d'appréciation pour sa défense. En effet, rien n'empêche, dans un troisième temps, le juge de prendre en considération ces éléments d'appréciation et de considérer, selon les circonstances, qu'ils peuvent constituer des éléments objectifs.
M. Louis Souvet, rapporteur. Evitons le juge !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Au contraire du Gouvernement, je considère que l'amendement proposé par la commission constitue une précaution minimale pour éviter que le renversement de la charge de la preuve n'en vienne à réduire totalement à néant la présomption d'innocence.
La présomption d'innocence est un des grands principes de notre droit, et, alors qu'on en entend parler cent fois par jour, le Parlement légiférerait sans en tenir aucun compte ? Ce serait pour le moins excessif. C'est pourquoi je voterai l'amendement de la commission.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Leclerc.
L'amendement n° 20 tend à compléter in fine le deuxième alinéa (1°) du II de l'article 1er par les mots : « de leur âge, ».
L'amendement n° 21 rectifié est ainsi conçu :
« I. - Compléter in fine le troisième alinéa (b) du 1° du III de l'article 1er par les mots : "de leur âge,".
« II. - Compléter in fine le dernier alinéa (b) du 2° du III de cet article par les mots : "de l'âge,". »
La parole est à M. Leclerc, par défendre ces deux amendements.
M. Dominique Leclerc. Comme par l'amendement n° 19, je propose, avec les amendements n°s 20 et 21 rectifié d'introduire l'âge comme élément de discrimination dans la législation française.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est favorable aux amendements n°s 20 et 21 rectifié, comme elle a été favorable à l'amendement n° 19.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Comme sur l'amendement n° 19, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 20 et 21 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Encore une fois, je voterai cet amendement de mon ami Dominique Leclerc, car je considère qu'il n'existe pas de notion plus objective que l'âge. Je ne vois pas pourquoi certains auraient des états d'âme à ce propos.
M. le ministre a dit tout à l'heure que l'âge pouvait poser des problèmes d'ordre technique. Je me demande bien lesquels.
Je n'en dirai pas autant de tous les critères qui sont retenus dans le texte, l'orientation sexuelle par exemple. Or je n'ai trouvé ni dans la proposition de loi, ni dans le rapport, aucune définition de ce qu'est l'« orientation sexuelle ».
On nous parle de plus en plus souvent, hélas ! de pédophilie ! Faut-il classer une telle pratique dans les orientations sexuelles ? Il faudrait tout de même faire preuve d'un peu plus de précision, quand nous légiférons.
En tout cas, Dominique Leclerc est un adepte de la précision, et je l'en félicite.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2