SEANCE DU 9 JANVIER 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Muzeau pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous prenons acte du fait que ce texte apporte de réels progrès dans la lutte contre les discriminations.
Certaines avancées ont été obtenues lors de notre débat. Il en est ainsi de l'élargissement de l'action des inspecteurs du travail pour l'accès à tous les documents nécessaires à l'établissement de leur avis. Il en est de même de la précision apportée à la notion de « race » et des conditions de la recevabilité des listes de candidats aux élections prud'homales.
Malheureusement, trop d'amendements de la commission des affaires sociales limitent la portée du texte. Pour nous, il ne peut être question de ne pas en tenir compte. Cela nous conduit à constater, une nouvelle fois, que les efforts législatifs visant à faire appliquer les droits des salariés et des organisations syndicales sont estompés, voire supprimés.
Nous nous sommes opposés à l'essentiel de l'article 1er, à la totalité de l'article 2 modifié par la majorité sénatoriale, ainsi que de l'article 4.
Nous souhaitons que l'Assemblée nationale rétablisse nombre de dispositions initialement retenues.
Ainsi, nous, sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, sommes contraints, en l'instant, de voter contre le texte ainsi modifié et nous en appelons à nos collègues de l'Assemblée nationale pour rétablir l'avis que les salariés ont émis depuis bien des années auprès du pouvoir législatif.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste émettra un vote favorable sur ce texte, bien que ce dernier ait subi ici quelques modifications avec lesquelles nous sommes en désaccord.
J'insisterai simplement sur les amendements relatifs à la modification de la charge de la preuve. Personne n'a l'intention d'imposer de nouvelles charges, aux petites entreprises notamment, mais ce qui pèse actuellement sur les candidats à l'emploi et sur les salariés est, selon nous, d'une nature beaucoup plus grave.
La discrimination, en matière d'emploi comme de logement, par exemple, est une atteinte aux fondements de notre nation. C'est une atteinte à la dignité de la personne qui en est victime et un obstacle à l'exercice de ses droits fondamentaux. Cela mérite, à nos yeux, que chaque citoyen non seulement en soit conscient, mais réalise, à la place qui est la sienne, la gravité de cette situation.
Par ailleurs, nous savons tous, de manière empirique tout autant que par les documents dont nous avons pris connaissance à l'occasion de ce débat, que la discrimination est le plus souvent rampante et ne peut être prouvée qu'avec les plus grandes difficultés en l'état actuel du droit. Il nous faut rétablir l'équité.
Nous devons pour le moins donner aux parties la possibilité de faire jeu égal devant le juge, et permettre à celui-ci de se forger une conviction sur l'existence ou non d'une discrimination.
Nous avons observé par ailleurs avec satisfaction que M. le rapporteur a émis un avis favorable sur notre amendement, certes sous-amendé, permettant d'intégrer les fonctionnaires aux nouvelles garanties que nous mettons en place.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est très important sur le plan du droit et des droits. Les modifications qui lui ont été apportées par la majorité sénatoriale n'en dénaturent pas la force, même si elles visent à en atténuer la portée pratique. C'est pourquoi, malgré nos divergences, nous estimons qu'il importe de donner un signal fort en ne nous opposant pas à son adoption.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier le Sénat du travail qu'il a effectué.
Si nous sommes certes encore en désaccord sur un certain nombre de points, nous voyons bien cependant quelle ligne sous-tend nos travaux tendant à mettre un terme à ces actes de discrimination, notamment à l'embauche.
Néanmoins, mon souhait est bien que cette loi soit utilisée le moins possible. Je souhaite en effet que l'intelligence l'emporte : à l'heure où certains chefs d'entreprise se plaignent de ne pas trouver les salariés nécessaires pour faire tourner leur entreprise, il leur appartient de contribuer au recul des comportements de racisme à l'embauche. A l'heure où l'on prend conscience de l'entrée de la France dans un cycle de vieillissement et de la nécessité de porter une grande attention à la formation de nos jeunes, chacun doit se rendre compte que vivent dans les quartiers populaires des jeunes qui ne sont pas tous en situation d'échec scolaire, comme on essaie parfois de le faire accroire, des jeunes qui ont un niveau de formation, qui ont poursuivi des études, qui ont des diplômes et qui ne demandent qu'à travailler.
J'espère donc réellement que nous allons assister à la jonction de l'intérêt des entreprises et de l'intelligence, et que ce texte sera perçu comme une ligne jaune à ne pas franchir : moins on l'utilisera, plus cela prouvera que la République aura su renforcer le respect de ses principes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je note qu'il s'agit là du premier texte adopté par le Sénat à l'aube de cette nouvelle année, de ce siècle et de ce nouveau millénaire.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Quel symbole !

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