SEANCE DU 31 JANVIER 2001


RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, hier, notre collègue M. Gélard a fait un rappel au règlement - légitime ! - concernant une intervention de M. Forni. Au cours de la même journée, le président du groupe socialiste de notre assemblée avait parlé de « manoeuvre d'obstruction », alors que M. Forni, en des termes inacceptables, évoquait une « manoeuvre de retardement ».
M. Serge Vinçon. C'est injurieux !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est effectivement injurieux, mon cher collègue !
Aujourd'hui, dans une déclaration, M. Queyranne, membre du Gouvernement, parle, lui aussi, de « manoeuvre d'obstruction » et nous accuse de ne pas accomplir notre travail législatif.
M. Serge Vinçon. C'est un comble !
M. Jean-Pierre Raffarin. De qui se moque-t-on ?
Quel est ce travail législatif que l'on nous demande d'accomplir en permanence dans l'urgence, avec des débats bâclés, supprimant la navette et en empêchant le Sénat de jouer son rôle de sage dans l'élaboration de la loi ? Et ce ministre vient nous donner des leçons en parlant de « manoeuvre de retardement pilotée par le groupe du RPR » !
Je ne suis pas membre du RPR ; je ne l'ai jamais été, et cela n'est pas péjoratif de ma part.
M. Serge Vinçon. Moi, je ne suis pas pilote !
M. Jean-Pierre Raffarin. Moi non plus.
En tout cas, ces propos me paraissent quelque peu réducteurs.
Le Sénat ne jouerait pas son rôle de deuxième chambre ? Notre rôle consisterait-t-il à nous coucher dès que la première chambre s'est exprimée ? Qu'est-ce que cela veut dire ? (M. Serge Vinçon opine.)
La première fonction d'une assemblée, c'est de faire la loi, mais c'est aussi de faire une bonne loi avec de bons débats, qui permettent d'aller au fond des choses. Débattre non pas avec lenteur mais avec profondeur, ce n'est pas une manoeuvre ! Ce n'est pas non plus une manoeuvre de s'intéresser à un texte qui, nous dit-on, ne concernerait que les députés, comme si on ne voyait pas la manoeuvre concernant l'élection présidentielle qui se profile derrière lui.
Cela concerne non pas le Sénat mais les députés, nous dit-on. Or s'agissant de l'élection présidentielle, c'est toute la République qui est concernée. Le Président de la République est l'homme en charge de l'essentiel, disait le général de Gaulle. Quand le Président de la République est concerné, c'est tout le pays, et naturellement le Sénat, qui est concerné. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Tout se passe comme si ce débat était banal. Au fond, le Sénat, en débattant de ce sujet, relancerait d'éternelles discussions. Or M. le rapporteur a été clair. A la page dix-neuf de son rapport, il précise :
« Il s'agit d'une modification sans précédent. » Donc, puisqu'il n'y a pas de précédent, il faut bien que l'on aille au fond des choses.
« Il est arrivé, depuis le début de la Ve République, que des mandats électifs soient prolongés :
« - la loi n° 66-947 du 21 décembre 1966 a reporté de mars à octobre 1967 le renouvellement d'une série de conseillers généraux ;
« - la loi n° 72-1070 du 4 décembre 1972 a également reporté le renouvellement d'une série de conseillers généraux ;
« - la loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 a reporté de mars à septembre le renouvellement d'une série de conseillers généraux ;
« - la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 a, pour sa part, prolongé le mandat d'une série de conseillers généraux et écourté le mandat d'une autre série, afin d'assurer la concomitance des élections régionales » - et chacun connaît l'importance de ces élections - « et des élections cantonales ;
« - la loi n° 94-590 du 19 juillet 1994 a reporté de mars à juin 1995 les élections municipales ;
« - enfin, la loi n° 96-89 du 6 février 1996 a reporté de mars à mai 1996 le renouvellement des membres de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française. » Mais c'est la première fois - et cela est indiqué clairement dans le rapport - que le mandat des députés est concerné.
« Aucun de ces exemples n'est comparable avec le texte aujourd'hui soumis au Sénat, dans la mesure où ils concernent tous des assemblées locales. »
Voilà ce qui est dit dans l'excellent rapport de notre collègue M. Christian Bonnet.
Moi, je suis profondément choqué par les déclarations de M. Queyranne. C'est pourquoi, comme l'a fait hier notre collègue M. Gélard, je demande, en signe de protestation, au nom de la Haute Assemblée, une suspension de séance de cinq minutes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement.
Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)