SEANCE DU 6 FEVRIER 2001


M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 1002, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Il y a environ un mois, madame le ministre, lors d'une émission que j'ai suivie avec un réel intérêt, Trans Europe Express, un de mes collègues député vous a posé une question qui, vous ne l'avez pas caché, a suscité de votre part une certaine surprise, et vous vous étiez engagée à l'examiner plus précisément.
Cette question, à laquelle nous sommes tous confrontés sur le terrain dès lors que nous nous penchons sur les nombreuses difficultés que rencontrent les handicapés dans la vie de tous les jours, est celle du remboursement de l'allocation compensatrice pour tierce pesonne par ses bénéficiaires dès lors que leur situation fiscale se modifie, en particulier lorsqu'ils deviennent héritiers au décès de leurs parents, en application du principe de « retour à meilleure fortune ».
Cette réglementation, qui peut surprendre si on la compare par exemple à celle qui est appliquée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, lesquels n'ont rien à rembourser en pareille situation, pénalise non seulement les handicapés eux-mêmes, mais aussi leurs parents, qui ont souvent économisé toute leur vie pour améliorer le sort de leurs enfants après leur mort.
Cette discrimination n'est cependant pas la seule dont souffre la population handicapée, comme le montre la prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés dans l'appréciation des ressources pour l'attribution de l'allocation veuvage, créée en 1980 et modifiée par la loi de financement de la sécurité sociale en 1999.
L'article R. 81-527 du code de la sécurité sociale exclut désormais la prise en compte des avantages versés au titre de l'aide sociale pour l'attribution de l'allocation supplémentaire et de l'allocation de compensation accordée aux aveugles et grands infirmes travailleurs. Il y a là, me semble-t-il, une contradiction avec l'article R. 356-6 du code de la sécurité sociale prévoyant la priorité des droits à l'allocation veuvage lorsque le conjoint survivant est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés.
Troisième exemple de l'inadaptation de la réglementation à la population handicapée : le passage du statut de personnes handicapées à partir de l'âge de soixante ans au statut de personne âgée. Chacun sait en effet que les prestations légales servies au titre de l'allocation vieillesse n'ont pas les mêmes caractéristiques et sont pénalisantes à bien des égards. A titre d'exemple, on peut mentionner le caractère récupérable de l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité alors que l'allocation aux adultes handicapés n'est pas soumise à cette règle, récupération post mortem remise en cause, il est vrai, par le rapport Sueur sur la prestation spécifique dépendance.
Madame le ministre, je pourrais citer d'autres exemples concernant les ressources des personnes handicapées, mais je m'en tiens à ceux que j'ai évoqués pour vous demander si vous comptez aller dans le sens que, vous le savez, nombreux nous sommes à souhaiter vous voir adopter. Plus généralement, peut-on espérer passer, comme le préconise le rapport Sueur, d'une logique d'aide sociale à une logique de droit garanti ?
En matière de reconnaissance légitime du handicap, il s'agit en effet de traduire concrètement dans les faits et la réglementation un droit garanti, reconnu par l'évaluation de la déficience par la COTOREP. La reconnaissance devrait de ce fait ouvrir légitimement droit à une compensation du handicap, à la différence du principe d'octroi d'allocations de subsidiarité, même au-delà de 60 ans, la déficience ne cessant naturellement pas avec le passage au troisième âge.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous soulevez d'importantes questions et c'est bien volontiers que j'y réponds.
La récupération en cas de retour à meilleure fortune est fréquente dans le registre de l'aide sociale, et c'est dans ce registre que s'inscrit l'allocation compensatrice pour tierce personne. C'est la raison pour laquelle je souligne, monsieur le sénateur, que l'on ne peut pas trouver une réponse particulière pour l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il faut étudier le problème général de la récupération sur héritage posé par les prestations d'aide sociale.
Je veux souligner aussi que la récupération en cas de retour à meilleure fortune n'est pas mise en oeuvre de façon systématique et qu'elle est étroitement encadrée. Elle suppose l'intervention de la commission d'admission à l'aide sociale, sous le contrôle, en première instance, des commissions départementales et, en appel, de la commission centrale d'aide sociale. La jurisprudence de ces instances s'est toujours efforcée de limiter étroitement l'application de la disposition en cause.
L'allocation de veuvage, instituée par la loi du 17 juillet 1980, est, quant à elle, conçue pour permettre aux veufs et aux veuves de bénéficier d'une aide temporaire, afin de pouvoir, dans les meilleures conditions possibles, s'insérer ou se réinsérer dans la vie professionnelle lorsqu'ils ont assumé les charges familiales du foyer et se retrouvent sans ressources suffisantes au décès de leur conjoint.
Il est exact que, lorsque la personne bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés, celle-ci est prise en compte dans le calcul des ressources pour l'ouverture du droit à l'allocation veuvage.
Cela s'explique par l'appartenance de ces deux prestations à la catégories des minima sociaux, ces deux minima sociaux ayant pour objectif d'assurer à des catégories différentes - les veufs, les veuves ou les personnes handicapées - un revenu minimum. Dès lors, leur cumul n'est admis que dans certaines limites.
Je veux dire ici que, parce que la situation des personnes handicapées est pour moi une priorité et parce qu'elle constitue, on le voit, un problème général, j'ai l'intention de revenir bientôt avec vous sur ces questions puisque le Gouvernement a décidé d'ouvrir le chantier de la réforme de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. L'examen de ce texte sera l'occasion, justement, de réévaluer les différents dispositifs concourant à l'accompagnement et à la prise en charge des personnes handicapées, et, je l'espère, de les améliorer.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse et des précisions que vous avez bien voulu m'apporter.
La récupération n'est pas systématique, je le reconnais, mais elle est toujours regrettable.
Pour ce qui concerne l'allocation veuvage, j'ai noté votre volonté de prendre des mesures favorisant la réinsertion dans la vie professionnelle.
L'allocation aux adultes handicapés est certes prise en compte dans le calcul de l'allocation veuvage, et on retrouve là, me semble-t-il, la distinction en matière de minima sociaux entre la logique d'aide sociale et la logique du droit garanti préconisé par le rapport Sueur.
Enfin, je serai attentif, comme chacun d'entre nous, à la prochaine réforme de la loi d'orientation concernant les personnes handicapées. Ce texte suscite beaucoup d'espoirs.

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