SEANCE DU 6 FEVRIER 2001


M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 970, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais souhaité que ma question, formulée voilà quelques semaines, devienne obsolète, mais elle est hélas ! toujours d'actualité. Je souhaite donc attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les artisans bouchers et charcutiers en raison de la psychose créée par les informations diffusées à propos de l'épidémie d'encéphalite spongiforme bovine.
M. le président. Il faudrait aussi évoquer la lâcheté de certains élus locaux, qui ont cédé à la pression médiatique !
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, vous devancez mon propos, car je comptais aborder ultérieurement cette question. Bien que nous ne partagions pas toujours les mêmes opinions, nous nous retrouvons sur ce point.
Les professionnels de la boucherie-charcuterie exercent, de façon générale, leur métier de façon irréprochable. Ils sont, au contact de leurs clients, les derniers maillons d'une véritable chaîne de qualité.
Après avoir subi une baisse de consommation particulièrement importante, les bouchers-charcutiers sont inquiets des nombreuses incertitudes qui subsistent quant à l'information véritable des consommateurs. Le plan présenté par le Premier ministre, le 14 novembre dernier, contenait certes une disposition visant à restaurer la confiance, au travers d'un numéro vert et d'un guide qui a été depuis diffusé par l'OFIVAL, l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture.
Mais si la consommation doit reprendre peu à peu - et elle ne reprendra vraiment que si la confiance est totalement restaurée - ce que les analystes du marché appellent « l'indice de confiance » des Français envers la viande bovine demeure quand même très faible, inférieur à 30 % pour être précis.
Une information complète est nécessaire, sous peine d'entrenir la psychose et de commettre des erreurs.
Par ailleurs, les décisions prises par certains élus quant au retrait de la viande des cantines scolaires laissent à penser que le muscle de bovin peut être un produit à risques, ce qui est pourtant scientifiquement faux. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, si de nouvelles mesures de protection de la profession de boucher-charcutier sont envisagées. Ces mesures sont assurément nécessaires et indispensables.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé, à juste titre, que la crise de l'ESB touche l'ensemble de la filière bovine. Au-delà de la sécurité sanitaire et des drames humains qu'elle a engendrés, se pose un vrai problème économique que vous connaissez parfaitement étant l'élu d'une région de production et d'élevage de viande de qualité. Je le sais moi aussi, d'autant mieux que, samedi, j'étais dans un département proche du vôtre, en Saône-et-Loire, où j'ai rencontré les acteurs de la filière, les producteurs et les éleveurs, certes, mais aussi les transformateurs, les responsables de cantines scolaires et des consommateurs.
Vous avez rappelé le plan lancé le 14 novembre dernier, dans lequel le Premier ministre a souhaité agir sur tous les aspects du problème.
Le premier axe d'action visait à enrayer toute forme de contamination possible avec le plan « farines » que vous connaissez bien.
Le deuxième axe consistait à mettre en place des tests généralisés à la suite de décisions européennes.
Le troisième axe était de provoquer une réunion d'information. Pour sauver cette filière, il faut, d'abord et avant tout, rétablir la confiance. A cette fin, il faut retirer du marché l'ensemble des animaux contaminés et rassurer les consommateurs.
La France, vous le savez, a été le premier pays à appliquer les décisions européennes. Malgré les critiques sur la mise en place des tests, nous sommes aujourd'hui le pays le plus opérationnel dans ce domaine. Avec plus de trente laboratoires agréés, nous effectuons plus de 30 000 tests par semaine, presque 40 000 même.
Je tiens à préciser que les tests systématiques qui ont été pratiqués sur les races à viande élevées de manière traditionnelle n'ont révélé à ce jour aucun cas d'ESB. C'est le cas des Charolais du Morvan et des élevages du Limousin.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, avec M. le ministre de l'éducation nationale et avec Mme le secrétaire d'Etat à la santé, dès le début de la crise, nous avons rencontré les parents d'élèves, les gestionnaires de cantines, les intendants et les chefs d'établissements. Il s'agissait de répondre à la préoccupation qu'évoquait à l'instant M. le président : il ne faut pas céder à la psychose et à l'irrationnel ; il ne faut décourager personne en prenant des mesures tout à fait injustifiées.
Nous avons donc établi un vade-mecum à l'usage de l'ensemble de la population et des responsables afin que la confiance soit retrouvée et que dans l'ensemble du secteur de la restauration collective, qu'elle soit scolaire ou hospitalière, on puisse reconsommer du boeuf.
De plus, conjointement avec M. Jean Glavany, nous avons voulu restaurer la confiance du consommateur pour la viande vendue en boucherie. Puisque les consommateurs estiment que l'étiquetage européen n'est pas suffisant, nous avons fait en sorte que, désormais, les étiquettes mentionnent également le pays de naissance de l'animal et sa race.
Les problèmes se posent avec la même acuité dans les grandes surfaces que chez les bouchers, qui ont toutefois mieux résisté dans un premier temps grâce à leur proximité et à leur effort de communication.
Enfin, monsieur le sénateur, je vous indique, que au-delà de la prise en compte du coût du test, nous avons pris récemment un arrêté permettant aux tripiers et aux transformateurs de bénéficier de prêts bonifiés à 1,5 %.
J'espère que, grâce à ces mesures, la confiance sera restaurée rapidement et que nous pourrons retrouver des prix plus conformes à la réalité.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'Etat, je partage d'autant mieux votre analyse que nous sommes de la même région. Il n'en demeure pas moins que le problème reste tout de même d'importance et que les artisans bouchers voient toujours leurs produits plus ou moins boudés par les consommateurs.
Même si le travail gouvernemental, auquel vous contribuez fortement, monsieur le secrétaire d'Etat, retire un peu d'actualité à ma question, celle-ci garde malgré tout de sa pertinence : les artisans bouchers souffrent d'abord financièrement, c'est évident, mais aussi psychologiquement, du fait de leur attachement à leur métier.
Il faut renforcer la traçabilité, afin qu'elle soit faite de la naissance de l'animal jusque dans l'assiette du consommateur. Certes, et je me réjouis de voir l'état d'esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette crise grave.
Mais on sous-entend honteusement que le soutien aux professionnels de la viande, aux bouchers et aux charcutiers en particulier, serait le signe d'un manque de précaution. Cette idée fait son chemin, comme si faire jouer la solidarité nationale en faveur des secteurs les plus touchés risquait de développer encore plus l'épidémie.
Il faut que les Français comprennent que des mesures de soutien aux artisans bouchers-charcutiers sont complémentaires des mesures de sécurité sanitaire : soutenir des professionnels conscients des risques et consciencieux dans leur métier est, en fait, un excellent moyen de sécuriser la chaîne alimentaire.

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