SEANCE DU 7 FEVRIER 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. Arnaud pour explication de vote.
M. Philippe Arnaud. Nous arrivons donc au terme de cette discussion. Depuis bientôt quatre semaines, le Sénat est occupé à débattre sur la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale pour replacer l'élection présidentielle avant les élections législatives. Ces débats nous ont d'ailleurs privés d'autres débats d'actualité intéressant la vie de nos concitoyens.
Chacun, au cours de cette discussion, a dû avoir le temps soit de se forger une opinion, soit de conforter celle qu'il avait déjà.
La majorité du groupe de l'Union centriste, sans aucune contrainte ni soumission à telle ou telle directive, en toute indépendance et sans collusion, confirmera la position qu'elle avait exprimée avant et pendant les débats sur le quinquennat, où elle avait dit qu'il n'était pas sain d'examiner un quinquennat sec, position qu'a d'ailleurs rappelée le président de notre groupe, Jean Arthuis.
Elle votera donc - c'est la position majoritaire - pour le rétablissement du calendrier plaçant l'élection présidentielle avant les élections législatives, c'est-à-dire contre l'amendement de la commission des lois du Sénat, et ce dans le respect des opinions et des expressions de chacun. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Nous voici enfin arrivés au terme de ce marathon oratoire, qui restera dans les annales du Sénat sans avoir, je crois, contribué à rehausser son image dans l'opinion,...
M. Henri de Raincourt. C'est faux !
M. Claude Estier. ... ce que nous regrettons.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces quelque trente heures de discussion générale, je ne parle même pas des heures de discussion sur les articles ! - dont le groupe RPR aura, à lui seul, utilisé plus de la moitié, n'ont guère intéressé les médias.
Au moins, la majorité sénatoriale ne pourra pas dire qu'elle n'a pas eu le temps de débattre, même si ce débat de plusieurs semaines a surtout été une suite de monologues répétitifs et peu convaincants !
Plusieurs d'entre vous - et encore à l'instant - ont déploré que des textes importants qui étaient inscrits à l'ordre du jour du Sénat n'aient pu être discutés. Nous le déplorons aussi. Mais la faute, mes chers collègues, en incombe non pas au Gouvernement mais à vous-mêmes qui avez occupé la tribune pendant toutes ces semaines.
Ce qui m'a frappé, dans cette longue litanie, c'est que la plupart des orateurs de la majorité sénatoriale ont repris le même argument, à savoir que la modification du calendrier replaçant l'élection présidentielle avant les élections législatives n'était faite que pour avantager M. Lionel Jospin.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Claude Estier. Cela paraît clairement signifier que vous n'avez guère confiance, chers collègues, dans les chances de votre propre candidat à cette même élection. (Rires sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Comptez sur nous !
M. Claude Estier. La majorité sénatoriale pense avoir marqué un point en empêchant que la proposition de loi soit définitivement votée avant l'interruption de nos travaux pour cause d'élections municipales.
Si ce succès vous satisfait, mes chers collègues, profitez-en, car il ne durera pas. Nombre d'entre vous ont d'ailleurs reconnu que l'Assemblée nationale aurait le dernier mot, que ce soit avant ou après les municipales.
J'ai même noté - on ne l'a guère relevé - que le président du groupe du RPR à l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, se faisait peu d'illusions à ce sujet. En effet, interrogé, la semaine dernière, par le journal Le Parisien sur l'avenir de l'opposition, il a fait cette réponse : « Il faut d'abord préparer la présidentielle et se rassembler autour de Jacques Chirac. Ensuite, il nous faudra trouver des candidats nouveaux pour les législatives. »
Je sais bien que M. Jean-Louis Debré est coutumier des lapsus, mais celui-ci est significatif et ruine, à lui seul, tous les développements que l'on a pu entendre tous ces jours à la tribune du Sénat.
Sans être plus long, mes chers collègues, je dirai qu'il va de soi que, soutenant la proposition de loi déjà adoptée à une large majorité à l'Assemblée nationale, le groupe socialiste votera contre le texte issu des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Trente heures de débat ? Mais ce n'est pas trop quand il s'agit des institutions de la République !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on nous a présenté l'inversion du calendrier comme une initiative majeure, un événement tout à fait capital, raison pour laquelle il était nécessaire que l'urgence soit déclarée. Certes, après avoir, et pendant plusieurs mois, indiqué que ce n'était pas une priorité absolue, le Premier ministre a annoncé ce changement de direction non pas devant le représentation nationale mais devant le congrès socialiste : certains auditoires sont plus privilégiés que d'autres !
Donc, le Premier ministre a changé d'avis immédiatement après le congrès socialiste.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, c'était un événement important, sinon vous n'auriez pas souhaité la discussion de ce texte au bénéfice de l'urgence.
De notre côté, nous avons pris le temps d'examiner les conséquences de ce texte et, un sénateur en valant un autre, il était parfaitement normal que tous ceux qui voulaient s'exprimer sur la Constitution et sa mise en oeuvre aient droit à la parole. Il en a été ainsi, mais, monsieur Estier, puisque, selon vous, nous prenons trop de temps, je vais vous donner lecture d'une citation :
« Un nouvel enjeu, celui du temps, apparaît dans la bataille parlementaire. Si l'exécutif et sa majorité possèdent la maîtrise de la décision » - ce que nous ne contestons pas - « ils ne maîtrisent pas le temps nécessaire pour l'obtenir. Le succès d'une bataille parlementaire suppose une organisation collective, une utilisation de tous les moyens constitutionnels et réglementaires, une parfaite maîtrise des débats de séance. L'organisation de l'obstruction, si obstruction il y a » - ce n'était d'ailleurs pas notre propos - « doit reposer sur des parlementaires compétents et aidés de collaborateurs productifs, tous se sentant portés par une partie au moins de l'opinion publique. »
M. Claude Estier. Ce texte a déjà été cité maintes fois !
M. Josselin de Rohan. Ce texte est de M. Colmou, qui est conseiller auprès du ministre de l'intérieur, bref, un expert. Je vous en ai donné lecture parce que je reconnais parfaitement, dans ce propos, ce que mon groupe a vécu ces derniers temps, avec des sénateurs motivés, partageant une certaine vision de la République et aidés de collaborateurs productifs. C'est pourquoi nous avons pu intervenir pendant toute cette période avec l'ardeur et les convictions qui sont les nôtres.
Vous nous dites, monsieur Estier, que cela n'a pas eu de succès dans les médias. Permettez-moi de vous répondre que nous n'avons pas de comptes à rendre aux médias. Nous avons des comptes à rendre à nos électeurs. C'est leur avis qui nous importe, et pas celui de telle ou telle gazette. (M. Philippe François applaudit.) Au demeurant, puisque vous faites allusion à la presse, je l'ai connue beaucoup plus critique à l'égard du Sénat dans d'autres débats !
Voyez, cela ne nous dissuade pas du tout. Nous avons fait ce que nous considérions comme notre devoir, en dénonçant ce qui est une manoeuvre, et je suis convaincu que les Françaises et les Français ne s'y tromperont pas. De toute façon, ce qui nous intéresse, c'est l'avenir des institutions de la République.
A cet égard, puisque vous nous faites l'honneur de représenter la majorité parlementaire - vous êtes bien seul sur des travées socialistes, vides, mais vous êtes un homme éminent - laissez-moi vous dire que, dans un débat aussi important que celui-là, nous n'avons pas beaucoup entendu le groupe socialiste et, au-delà, les socialistes s'exprimer sur ce que devait être l'avenir des institutions de la République.
On nous dit que M. Roman, le distingué président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, aidé par un certain nombre de socialistes, prépare des textes constitutionnels. J'imagine que tout cela viendra en discussion un jour ou l'autre, peut-être au moment de l'élection présidentielle. Non, nous ne vous laisserons pas nous concocter une constitution de la VIe République sur un coin de table et nous la présenter à la sauvette. Monsieur le ministre, vous n'altérerez pas, d'un texte à l'autre, des institutions qui ont été approuvées par le peuple français en 1958 et en 1962, des institutions qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur force !
Si vous souhaitez nous engager sur le chemin d'une VIe République - et, tels que j'imagine ses rédacteurs, cette constitution ressemblerait furieusement à celle de la IVe - je vous avertis que vous nous trouverez sur votre route. Nous saurons rappeler aux Françaises et aux Français ce qu'était le régime de la IVe République : un régime d'impuissance, un régime de désordre, un régime de discrédit. Si c'est sur cette voie que vous voulez entraîner la France, eh bien, croyez-moi, nous nous battrons ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui s'achève et le vote qui va s'ensuivre marquent en quelque sorte une première dans la vie du Sénat contemporain. Je conseille à tous ceux qui n'ont pas assisté à ces débats, ou qui ne les ont suivis que de fort loin, de relire l'intégralité des interventions et des explications qui ont pu être fournies.
M. Claude Estier. Quel pensum !
M. Patrice Gélard. Non, ce n'est pas un pensum. Ce sera une leçon de droit et une leçon de politique, qu'il sera, de surcroît, nécessaire d'approfondir.
Car réécoutons tout ce qui a été dit ; voyons tout ce qui a été fait au cours de ce débat : nous avons remis en chantier un certain nombre de dossiers ; nous avons mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnement ; nous avons démontré qu'en réalité le droit a des exigences que la politique ne peut pas contourner, et c'est précisément sur ce point que je voudrais insister.
On a abondamment évoqué l'esprit de la Constitution, et la « logique » du système de l'inversion, allant même jusqu'à parler de « rétablissement » du calendrier. Je n'aime guère l'expression, qui est trompeuse : il y a « établissement » de calendrier, et non pas « rétablissement ».
Mais ce qui m'inquiète beaucoup, c'est la dérive dans laquelle nous nous voyons entraînés. Cela a été souligné à de nombreuses reprises au cours de ce débat, il s'agit de remettre en cause systématiquement tous les modes de scrutin, sans se soucier d'un minimum de consensus. Il s'agit de recourir systématiquement à la procédure d'urgence et de choisir le biais de la proposition de loi pour éviter que le Gouvernement n'ait à subir l'avis du Conseil d'Etat ainsi que l'avis du Président de la République, et ne risque, éventuellement, le recours au référendum.
Je suis également inquiet de constater que, politiquement, on veut toujours passer les textes en force, sans se préoccuper réellement des bases juridiques sur lesquelles repose notre Etat de droit.
Les récentes déclarations du Conseil d'Etat ou lors des rentrées solennelles des cours d'appel ou de la Cour de cassation, le récent rapport de la Cour des comptes, la nécessité à laquelle s'est trouvé confronté le Conseil constitutionnel de réagir face à des attaques indignes de la part d'un certain nombre de parlementaires, tout cela démontre qu'à l'heure actuelle le Gouvernement ne se préoccupe plus réellement de l'Etat de droit. Mais, mes chers collègues, s'il est nécessaire de respecter notre constitution, c'est parce que, sinon, nous ne sommes plus en démocratie !
J'ai démontré, dans la discussion générale, que ce qui aurait pu être acceptable dans la mesure où il se serait agi d'un projet de loi, ne pouvait pas l'être, au regard de la Constitution, dans la mesure où il s'agit d'une proposition de loi.
Dès lors, nous nous sommes engagés dans un débat de fond. Je rends à cet égard hommage à tous nos collègues qui ont, dans des interventions brillantes, manifesté une recherche approfondie dans nos sources juridiques et dans notre histoire constitutionnelle.
Ce débat est donc une première et, de ce point de vue, le Gouvernement a commis un certain nombre d'erreurs : première erreur, utiliser une proposition de loi ; deuxième erreur, utiliser l'urgence ; troisième erreur, croire que le Sénat n'irait pas jusqu'au bout de sa logique, avec le soutien de l'opinion publique et d'une partie des médias.
Nous avons montré la voie dans laquelle il faut engager l'avenir, monsieur le ministre : une voie de dialogue et de concertation avec l'opposition sur des problèmes fondamentaux qui conditionnent l'avenir de nos institutions. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Emmanuel Hamel. Ecoutez cet appel, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, de trop grands orateurs se sont exprimés, je renonce et me tais ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants votera contre la proposition de loi organique relative à la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale telle que soutenue par le Gouvernement.
Contre les ambitions personnelles et les intérêts à court terme, nous voterons pour une politique ambitieuse, au service des intérêts supérieurs de la nation.
Contre les manoeuvres politiciennes et les calculs de bas étage, nous voterons pour préserver la grandeur et la viabilité de nos institutions.
Contre une majorité qui a renoncé à gouverner dans l'espoir de ne pas se mettre à dos les Français, nous voterons pour des réformes en totale adéquation avec les préoccupations et les attentes de nos compatriotes.
Contre un gouvernement qui ne sait plus que faire pour tenter de préserver ses chances de succès au regard de son piètre bilan, nous voterons pour des hommes capables d'imprimer leur marque à un projet cohérent et viable.
Contre des responsables politiques qui refusent d'associer le peuple et le chef de l'Etat lui-même à une réforme qui vise à modifier son mode d'élection, nous voterons pour un vrai débat de fond, mené au grand jour, avec tous les acteurs concernés.
Contre un Premier ministre préoccupé par les seuls sondages de popularité et ses chances de succès lors des grandes échéances électorales à venir, nous voterons pour le désintérêt personnel au service de l'intérêt public.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants votera pour le maintien du calendrier électoral, tel qu'il est fixé aujourd'hui, et pour le respect de nos institutions.
Pour dénoncer une fois encore dans cet hémicycle, et solennellement, les tripatouillages institutionnels inadmissibles auxquels le Gouvernement a pris l'habitude de se livrer. Je pense au rallongement du mandat des conseillers généraux afin de regrouper les élections cantonales, à la réforme du scrutin régional et à la modification du scrutin sénatorial.
Pour empêcher le Premier ministre de poursuivre son entreprise de rénovation institutionnelle, unilatéralement et discrétionnairement, comme il l'a annoncé lors du débat sur la décentralisation.
Pour éviter, sous couvert d'approfondissement de la démocratie locale, de réformer encore bon nombre de scrutins. Je pense à la désignation des exécutifs des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, à l'élection des conseillers de communautés, aux modalités du renouvellement municipal de 2007 et au scrutin départemental, du fait de la prétendue inadaptation des cantons.
Pour empêcher, en définitive, le Gouvernement de remettre en cause, de façon anodine et insidieuse, à coup de « réformettes », tout notre édifice constitutionnel.
Pour ne pas augmenter, surtout, le discrédit qui touche la classe politique et la suspicion qui menace ses responsables.
Pour montrer aux Français, enfin, que l'opposition, au moins, est garante, elle, des intérêts fondamentaux de la nation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE, comme c'est son habitude, émettra des votes divers. (Sourires.) L'immense majorité de ce groupe - le mot « immense » fera peut-être sourire sur certaines travées - votera le texte tel qu'il découle des réflexions de notre assemblée ou, au mieux, s'abstiendra. Quelques-uns voteront contre le texte, car ils soutiennent les initiatives gouvernementales.
Pourquoi, dans l'ensemble, voterons-nous le texte du Sénat ou, en tout cas, nous opposerons-nous au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale ?
Il existe un certain nombre de raisons à cela, dont certaines sont de principe.
Ainsi, il est indécent, alors que le problème est posé depuis près de quatre ans, de manipuler les échéances un an, à peine, avant des échéances électorales qui découlent à la fois de la lettre de la Constitution, du calendrier prévu et de la pratique de nos institutions.
Par ailleurs, la lecture que nous faisons du texte qui vient de l'Assemblée nationale va très au-delà du calendrier de 2002.
Je rappelle, mais cela a déjà été dit lors de la discussion générale, que, lorsque la réforme du quinquennat a été lancée, le Président de la République avait expliqué qu'il s'agissait de réformer seulement la durée du mandat présidentiel. Il avait précisé publiquement - puisqu'il s'exprimait à la télévision - que le Premier ministre avait donné son accord à cette réforme, à celle-là seulement.
A partir du moment où l'on nous présente un texte qui modifie durablement, pas seulement pour une élection, la date d'échéance des pouvoirs de l'Assemblée nationale, cela signifie que l'on s'engage dans une lecture durablement présidentielle de la Constitution. Le débat n'est pas mince. Il mérite de la réflexion et du temps.
J'avais été de ceux qui n'avaient pas été insensibles aux attraits du calendrier dit « dingo » ; mais j'avais été révolté par le calendrier, que j'avais qualifié de « rambo » ou de « macho », imposé par le Gouvernement pour la discussion de ce texte.
Le vrai problème est qu'on modifie nos institutions de manière durable en accrochant une réforme sur un élément qui a été lui-même parfaitement contingenté : la date du décès du président Pompidou.
Ce n'est pas de bonne technique constitutionnelle. Ce n'est pas de bonne technique démocratique non plus. C'est la raison pour laquelle nous ne pensons pas pouvoir apporter notre soutien à cette démarche.
Elle aurait pu présenter un intérêt si elle avait été raisonnée sur la durée et dans la sérénité.
En l'occurrence, elle aboutirait à transformer totalement et durablement la nature de notre démocratie sans qu'on ose le dire.
Donner la position de notre groupe, c'est dresser la liste d'une série de scrupules.
Certains d'entre nous sont un peu réticents, je dois le dire, à accepter le texte du Sénat, car nous avons le sentiment que, malgré les qualités de notre rapporteur et ses éminentes compétences juridiques, la complexité du texte issu de nos travaux sera difficile à vendre à l'opinion publique...
M. Claude Estier. Ça, oui !
M. Paul Girod. Sur le fond, je crois que la Haute Assemblée a eu raison de modifier le texte. Ainsi, il sera examiné de nouveau et par l'Assemblée nationale et par le Sénat et, surtout, l'opinion publique aura le temps de découvrir certaines faces cachées d'un texte en apparence simple, voire simpliste.
Monsieur le président, les votes du groupe du Rassemblement démocratique et social européen iront très largement dans le sens de l'approbation de la démarche de la Haute Assemblée et du refus de la démarche de l'Assemblée nationale, mais ils iront également dans le sens inverse.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
Je rappelle qu'en application de l'article 59, 3°, du règlement du Sénat, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 41:

Nombre de votants 293
Nombre de suffrages exprimés 282
Majorité absolue des suffrages 142
Pour l'adoption 166
Contre 116

M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. En cet instant de notre débat, il est bien clair que je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit.
Je tiens cependant à dire - et cela n'aura pas échappé à la sagacité du Gouvernement - que les amendements votés au cours du débat ont eu pour conséquence de changer la nature du texte.
A partir du moment où les articles 3 à 9 de la proposition de loi portent sur les inéligibilités, lesquelles sont bien évidemment applicables aux sénateurs, ce texte entre dans le cadre des dispositions du quatrième alinéa de l'article 46 de la Constitution et, par voie de conséquence, nécessite un vote conforme des deux assemblées.
Dans de telles conditions, je pense qu'il n'y aura pas lieu, monsieur le président, de réunir de commission mixte paritaire.
Lorsqu'un texte est d'une nature telle qu'il doive susciter l'accord des deux assemblées - nous l'avons vu notamment avec le projet de loi sur la limitation du cumul des mandats - il y a lieu d'attendre que, par les navettes successives, les deux assemblées tombent d'accord.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je répondrai très simplement à M. le président de la commission que l'article 46 qu'il invoque ne fait pas obstacle à l'application de l'article 45 de la Constitution.
M. le président. Acte est donné au Gouvernement de cette déclaration.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Pour compléter ce débat, j'attire l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il s'agit non d'un projet de loi, mais d'une proposition de loi.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Cela ne change rien !
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Hommage n'a pas été assez rendu au rapporteur, qui fut extraordinaire. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Le Sénat va interrompre ses travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)