SEANCE DU 8 FEVRIER 2001


REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ

Discussion des conclusions du rapport
d'une commission
(ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 206, 2000-2001) de M. Philippe Nogrix, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 317, 1999-2000) de MM. Alain Lambert et Philippe Marini portant création du revenu minimum d'activité.
Je rappelle au Sénat que cette discussion, comme celle qui suivra, intervient dans le cadre de l'ordre du jour réservé.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Nogrix, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette séance de l'ordre du jour réservé est consacrée aujourd'hui à l'examen de la proposition de loi présentée par M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général, qui vise à mettre en place un dispositif novateur afin de faciliter le retour à l'emploi des personnes relevant actuellement de ce qui est appelé communément « un minimum social ».
Par minimum social, il faut entendre l'ensemble des dispositifs qui ont été mis en place pour combler les lacunes du système « assurantiel » de la sécurité sociale fondé sur une solidarité professionnelle. Huit dispositifs financés au titre de la solidarité nationale ont ainsi été progressivement mis en place pour assurer un niveau minimum de ressources à des personnes empêchées de subvenir à leurs besoins en raison de leur âge ou de leur handicap mais aussi, depuis les années quatre-vingt, en raison de la situation économique.
Le plus récent de ces dispositifs, créé par la loi du 1er juillet 1988, est le revenu minimum d'insertion, le RMI, qui a aussi le champ de bénéficiaires le plus large, puisqu'il joue le rôle de l'ultime « filet de sécurité » pour tous ceux qui ne relèvent pas des mesures spécifiques.
Parmi les bénéficiaires de minima sociaux, il faut distinguer ceux qui peuvent directement exercer une activité professionnelle ordinaire de ceux qui ont dépassé l'âge de la retraite ou qui sont affectés d'un grave handicap nécessitant des adaptations spécifiques de poste.
La notion de revenu minimum d'activité ne s'adresse donc pas, dans le cadre de notre réflexion actuelle, aux personnes couvertes par l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, par l'allocation supplémentaire vieillesse, l'ASV, ou par l'allocation supplémentaire invalidité, l'ASI.
Il reste, en revanche, cinq minima sociaux pour lesquels les bénéficiaires seraient susceptibles d'accéder à un emploi ordinaire en entreprise pour autant qu'une demande existe de part et d'autre : il s'agit de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, de l'allocation d'insertion, de l'allocation d'assurance veuvage et du revenu minimum d'insertion.
Au total, ces cinq minima sociaux concernaient 1,7 million d'allocataires à la fin de 1999, soit 3 millions de personnes si l'on tient compte des ayants droit. C'est dire l'enjeu de cette proposition de loi.
Cet enjeu est en effet important parce que la reprise de la croissance économique n'a pas eu jusqu'ici un impact fort sur le nombre des allocataires des cinq minima sociaux en question. Tout au plus peut-on dire que leur progression s'est ralentie. Elle n'est que de 4,1 %, si j'ose dire, entre 1997 et 1999, alors qu'elle était de 12 % entre 1994 et 1997.
Concernant le RMI, la situation est également relativement décevante. Pour la première fois, on observerait enfin une diminution nette du nombre des bénéficiaires en 2001. Ce n'est qu'avec beaucoup de retard, et dans une plus faible proportion, que la baisse du chômage produit des effets sur le RMI.
Comme l'a dit le Président de la République, le 8 janvier dernier, lors de la présentation des voeux aux forces vives de la nation, « il n'est pas normal qu'en dépit de l'amélioration de la situation de l'emploi, le nombre de bénéficiaires du RMI commence à peine à diminuer. On ne peut pas non plus se satisfaire que plus de la moitié des allocataires du RMI le soient depuis deux ans ou plus ».
Pour expliquer cette situation, il faut prendre en considération deux catégories de causes qui appellent chacune un remède différent.
Tout d'abord, pour certains économistes, la faiblesse de l'écart entre le niveau des revenus procurés par les minima sociaux et les bas salaires est de nature à engendrer ce que l'on appelle une « trappe à inactivité » qui ferait que le titulaire du minimum social préférerait continuer à toucher une allocation plutôt que de rechercher un travail.
M. Jacques Machet. Bien sûr !
M. Philippe Nogrix, rapporteur. La réflexion sur la trappe à l'inactivité s'est fortement développée depuis un an.
Dans un important rapport de mai 2000 sur les minima sociaux, M. Jean-Michel Belorgey présente les résultats d'une étude sur les effets de seuil dus au changement de situation pour les ménages.
Il en ressort que le gain net obtenu par un bénéficiaire du RMI isolé et locataire est de 1 543 francs par mois, lorsqu'il reprend un emploi à temps plein payé au SMIC. En revanche, s'il ne reprend qu'un emploi à mi-temps payé au SMIC, il subit une perte nette de revenus, du fait du mode de calcul des allocations logement, lorsque l'intéressement s'interrompt. Au bout de neuf mois, il apparaît une perte de 216 francs mensuels.
Enfin, d'une manière générale, plus une famille est importante, plus le gain net engendré par un retour à l'activité est faible, ce qui est finalement très contradictoire par rapport aux objectifs de notre politique familiale.
L'effet de la trappe à inactivité apparaît également à travers l'incidence du système de prélèvement et de transfert. Ainsi, en septembre 2000, le Conseil d'analyse économique, qui réunit plusieurs économistes autour du Premier ministre, a remis un rapport sur le plein emploi à M. Lionel Jospin. Le rapporteur, M. Jean Pisani-Ferry, reprend les résultats d'un important travail de l'INSEE qui montre que, pour les bénéficiaires du RMI ou de l'API, l'allocation de parent isolé, un supplément de revenus du travail de 100 francs rapporte moins de 10 francs de revenus nets. Pour 45 % des chômeurs, la reprise d'un emploi à plein temps procure moins de 2 000 francs de revenus supplémentaires par mois.
Conscient des phénomènes de désincitation à la reprise d'activité, le Gouvernement a procédé à plusieurs correctifs utiles concernant le calcul de l'allocation logement et les règles d'exonération de la taxe d'habitation.
Mais l'élément le plus important devait être, dans l'esprit du Gouvernement, la mise en place d'une ristourne de contribution sociale généralisée, la CSG, et de contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, dans le cadre de la loi de financement pour 2001. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales, par la voie de son rapporteur, M. Charles Descours, avait montré que cette mesure était profondément injuste et qu'elle portait atteinte au principe d'universalité de perception de la CSG. Notre collègue avait souligné, en conséquence, que la constitutionnalité de la mesure était douteuse.
Sur ce point, M. Philippe Marini, rapporteur général, avait bien montré, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2001, que la mesure était particulièrement injuste envers les ménages dont l'un des conjoints ne travaillait pas et qui disposaient d'un revenu compris entre 1,4 et 2 SMIC.
Le Sénat avait donc proposé un dispositif de crédit d'impôt, plus neutre, plus juste et plus favorable aux familles.
M. Alain Lambert. Et un dispostif constitutionnel !
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Le Gouvernement aurait été bien inspiré de l'approuver puisque, le 18 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a invalidé le dispositif de ristourne sur la CSG et la CRDS.
M. Philippe Marini. On ferait mieux de nous écouter !
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Le Conseil constitutionnel a relevé que, si le législateur pouvait modifier l'assiette de la CSG en faveur des contribuables les plus modestes, c'était « à la condition de ne pas provoquer de rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables », ce qu'avait soutenu notre collègue Charles Descours. Or, justement, la mesure contestée « ne tient compte ni des revenus des contribuables autres que ceux tirés d'une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci », ce qui rejoint la réflexion de notre collègue Philippe Marini.
Bien que prévisible, la décision du Conseil constitutionnel a, semble-t-il, plongé le Gouvernement dans une longue réflexion.
Après que divers points de vue se furent exprimés au sein de la majorité plurielle en faveur soit d'un relèvement du SMIC assorti d'un allégement des cotisations patronales, soit d'un allégement des cotisations salariales, soit d'un crédit d'impôt, le Premier ministre devait finalement arbitrer, le 10 janvier dernier, en faveur de cette dernière solution, préconisée par le Sénat par trois fois au cours de cet automne : en octobre, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, en novembre, dans le cadre de la loi de finances pour 2001 ; en décembre, lors de la discussion de la loi de finances rectificatives pour 2000.
Suivant ces avis de sagesse réitérés, le conseil des ministres du 31 janvier dernier a adopté le projet de loi portant création d'une prime pour l'emploi, dite PPE, qui, sur le fond, s'apparente à un dispositif de crédit d'impôt, mais sous une appellation qui a pour seul avantage d'être différente de celle qui a été retenue en décembre dernier par notre assemblée.
Comme l'a souligné dans la presse le président de notre groupe, Jean Arthuis, le passage à la pratique risque d'être plus délicat, ne serait-ce que parce qu'il faudra modifier les formulaires de déclaration de revenus, mais aussi parce que les neuf millions de personnes auxquelles le Gouvernement a promis une hausse du pouvoir d'achat ces jours derniers devront patienter jusqu'en septembre, voire au-delà.
Le maintien d'un nombre élevé de titulaires de minima sociaux tient aussi à la difficulté de faire coïncider les aspirations à l'emploi de ces personnes avec les besoins et les contraintes des entreprises.
La reprise économique a, certes, un effet positif en termes de diminution du nombre de titulaires du RMI, mais il faut bien voir qu'elle a, pour l'instant, une incidence sur les personnes les plus proches de l'emploi, tandis que ceux qui sont plus âgés et dotés d'une faible aptitude professionnelle sont encore dans le dispositif.
Une étude de la DREES, publiée en octobre 2000, montre ainsi que la diminution du nombre des bénéficiaires du RMI a porté en priorité sur des jeunes de moins de trente ans, le plus souvent des hommes disposant de diplômes et qui étaient entrés depuis peu dans le dispositif.
Il est symptomatique que deux allocataires sur trois restent dans le dispositif plus de six mois à un an. Or, on sait que, plus une personne reste longtemps en dehors de la vie professionnelle, plus il sera difficile pour elle de retrouver sa place au rythme nécessaire dans l'entreprise.
Dans son rapport de juin 2000, Mme Marie-Thérèse Join-Lambert, présidente de l'Observatoire national de la lutte contre les exclusions, distingue quatre catégories d'allocataires du RMI, ce qui permet de bien voir que la reprise économique ne joue pas pour tous de la même façon. Trois groupes bénéficient peu de la croissance. Il s'agit des individus qui cumulent le plus grand nombre de difficultés : ils sont éloignés du marché du travail. ils ont des problèmes de santé, ils sont isolés socialement, ils ont peu de contacts avec les organismes sociaux, ils sont relativement âgés et ils ont un faible niveau de formation.
En définitive, ceux qui sortent rapidement du dispositif sont ceux qui ont déjà un bagage professionnel, qui sont en bonne santé, qui disposent d'une assise familiale solide, qui sont diplômés et qui, de surcroît, sont plus jeunes.
Une autre inquiétude tient à ce que la création d'emplois nouveaux par l'économie française ne suffit pas, et de loin, à combler le retard pris en matière de réinsertion des allocataires du RMI.
Cette situation est d'autant plus paradoxale que l'on sait qu'il existe aujourd'hui dans l'économie des pénuries de main-d'oeuvre.
La Chambre de commerce et d'industrie de Paris a fait le point, en décembre dernier, sur cette question.
La pénurie de main-d'oeuvre se fait sentir dans des activités où une qualification est aisée à acquérir : employés en hôtellerie ou serveurs en restauration ; métiers de bouche ; caissières et employés de libre-service dans le secteur de l'alimentation ; divers métiers d'ouvrier non qualifié, de technicien ou d'agent de maîtrise dans le secteur du bâtiment et des travaux publics ; métiers d'ouvrier non qualifié du bois, de la mécanique ou de l'électricité dans l'industrie, où 72 % des établissements rencontrent des difficultés lors d'un recrutement ; emplois de conducteur de véhicule dans le secteur des transports.
Dans plusieurs secteurs, la moitié des emplois proposés sont à durée indéterminée.
Sur ce point, je ne peux que vous renvoyer à l'excellent rapport de notre collègue Alain Gournac, qui a conduit à l'adoption d'une proposition de loi importante en décembre dernier.
M. Jean Chérioux. Excellent rapport, en effet !
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Le dernier paradoxe, enfin, est que le maquis des aides à l'emploi soit finalement aussi inefficace à l'égard des titulaires des minima sociaux, alors que les études de terrain montrent bien que les trois quarts des allocataires du RMI au chômage se déclarent à la recherche d'un emploi.
Il est important de souligner que, malgré les inquiétudes de nature économique sur les « désincitations » à la reprise d'un travail, nombre de titulaires du RMI ou de l'ASS sont désireux de reprendre une activité professionnelle parce que celle-ci leur apporte une reconnaissance sociale et un sentiment de dignité retrouvée que les équations ne peuvent prendre en compte.
Il est donc aujourd'hui d'autant plus important d'inventer des mécanismes nouveaux pour mettre en relation ce besoin de main-d'oeuvre exprimé par les entreprises et la ressource humaine considérable que représentent les personnes bénéficiant de minima sociaux. Notre expérience d'élus nous montre bien que rien n'est jamais perdu et que chacun peut trouver en soi les moyens de quitter des situations d'exclusion qui semblaient irréversibles.
L'expression « revenu minimum d'activité » a déjà été utilisée. En septembre 1996, M. Jean-Paul Virapoullé, alors député de la Réunion, proposait un mécanisme original, centré sur les départements d'outre-mer, pour permettre aux entreprises de venir compléter le niveau minimum social par un salaire spécifique.
Lors de la discussion de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Bernard Seillier, a proposé une disposition innovante afin de permettre aux bénéficiaires d'un emploi à temps partiel de conserver durablement leur allocation, ce qui permettait d'améliorer sensiblement l'incitation à la reprise d'activité.
C'est à l'automne 1999, au cours d'une conférence de presse sur l'activité économique, que la commission des finances a proposé un mécanisme simple qui permettrait à une entreprise qui recruterait un bénéficiaire du RMI ou un chômeur indemnisé de longue durée de percevoir une contrepartie payée par l'Etat et correspondant au montant de l'allocation de solidarité précédemment versée à la personne en situation d'exclusion.
La proposition de loi a été déposée le 25 avril dernier, et elle a repris toute son actualité au cours de la discussion du dernier budget puisque, comme l'a souligné M. Philippe Marini lui-même, elle a naturellement vocation à venir compléter le système du crédit d'impôt en redonnant du pouvoir d'achat aux salariés les plus défavorisés et en favorisant l'accès au monde de l'entreprise aux personnes qui en sont aujourd'hui le plus éloignées.
Je rappelle les trois points essentiels de la proposition de loi.
Le revenu minimum d'activité prend la forme d'une convention conclue entre le bénéficiaire du minimum social, l'employeur et l'Etat.
Ensuite, le salaire versé correspond à un revenu minimum d'activité qui comprend, en fait, deux parts : d'abord, une aide dégressive versée sur trois ans, qui correspond à l'allocation de minimum social que recevait le bénéficiaire ; puis le salaire négocié, qui correspond à la différence entre le montant du revenu minimum d'activité et l'aide dégressive.
J'insiste sur le fait que le bénéficiaire d'une convention de RMA sort complètement du circuit des caisses d'allocations familiales ou des ASSEDIC et qu'il bénéficie d'une feuille de salaire unique qui reprend l'intégralité de son salaire. L'entreprise bénéficie, sur l'ensemble de cette rémunération, des exonérations de charges sociales de droit commun applicables aux bas salaires.
Enfin, troisième point, le montant du revenu minimum d'activité est mis en place dans le cadre d'un accord de branche.
Dans sa conférence de presse d'octobre 1999, la commission des finances soulignait que le niveau du RMA, qui ne serait jamais inférieur au SMIC, pourrait se situer, par exemple, à 1,2 fois son montant. En effet, l'activation du minimum social permet de dégager une marge de manoeuvre pour améliorer le niveau des salaires. Le RMA fonctionne donc aussi comme un mécanisme de lutte contre la « trappe à pauvreté » engendrée par les diverses mesures d'allégement prévues au niveau du SMIC.
La proposition de loi présente trois innovations importantes.
Tout d'abord, elle fait délibérément le choix de ne pas modifier le code du travail ou la loi du 1er juillet 1998 relative au revenu minimum d'insertion. Outre qu'il est important de ne pas revenir sur un texte dont on connaît la valeur symbolique pour une grande partie de l'opinion publique, même s'il est sans doute perfectible, la solution retenue présente aussi l'avantage de mettre en place un dispositif d'une très grande lisibilité. Sur ce point, les personnes que j'ai reçues au cours de mes auditions, et notamment les représentants des entreprises, se sont félicitées de la très grande clarté du texte. L'un d'entre eux a même commencé son entretien par un « Enfin ! » démonstratif de sa satisfaction.
Deuxième nouveauté : ce dispositif est résolument orienté vers l'insertion des personnes en difficulté dans le secteur marchand. C'est essentiel, car on sait que la plupart des titulaires du RMI qui bénéficient d'un contrat aidé le sont dans un secteur non marchand par le biais d'un contrat emploi-solidarité, CES, d'un contrat emploi consolidé, CEC, ou d'un emploi-jeune.
Le RMA fait délibérément le choix d'éviter un ciblage sur certains publics, qui aboutit, au fond, à restreindre l'effet des aides publiques en compliquant la tâche des gestionnaires d'entreprises.
Le dispositif est orienté vers tous les titulaires de minima sociaux depuis six mois au moins, afin d'assurer un vrai « appel d'air » vers le secteur marchand. De ce point de vue, ce texte n'est pas sans lien avec la proposition de loi que notre collègue André Jourdain avait déposée en 1995 pour permettre la conclusion de conventions entre les ASSEDIC et les employeurs prévoyant des allégements de charges sociales en cas d'embauche d'un chômeur.
Troisième nouveauté : ce texte - il est important de le souligner - rompt avec la logique discrétionnaire des aides à l'emploi en secteur marchand telles qu'elles ont été mises en place dans le code du travail.
Le RMA se différencie des dispositifs existants, y compris du contrat initiative-emploi, le CIE, mis en place par Jacques Barrot en août 1995, et qui avait sensiblement amélioré le contrat pour l'emploi des bénéficiaires du RMI, le CERMI, introduit par le gouvernement d'Edouard Balladur en février 1995.
Le CIE, adopté dans une période économique difficile, a été un instrument utile : en effet, 860 000 CIE ont été signés par 475 000 établissements en trois ans à peine, et ceux qui ont signé les premiers CIE en ont signé de nouveaux. Il est permis, aujourd'hui, d'aller plus loin grâce au RMA.
Le RMA est un dispositif qui aura un caractère automatique pour les entreprises qui y recourront. En d'autres termes, l'entrepreneur n'a plus à s'interroger sur la position que prendra l'Etat et ses motivations avouées ou supposées, car il sait que le mécanisme du RMA est un véritable droit dès l'embauche du titulaire du minimum social.
L'autre avantage est qu'il apparaît une relation directe entre le montant de l'allocation qui était versée à l'allocataire et le nouveau salaire d'activité. Il s'agit d'un véritable système d'activation des dépenses passives d'indemnisation ou d'assistance. Il faut tenir compte également des gains qui résultent pour l'économie de la remise au travail de personnes antérieurement plongées dans une situation d'exclusion appelée à se pérenniser.
Nos débats en commission nous ont conduits à modifier essentiellement sur trois points ce texte qui a sa propre cohérence.
Tout d'abord, il est incontestable que les entreprises devront consentir un effort de formation pour les personnes qu'elles embaucheront.
M. Roland Muzeau. Ah ! tout de même !
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Il pourra s'agir d'une formation mais aussi d'actions de tutorat, afin de rappeler simplement au nouveau salarié ne serait-ce que les règles élémentaires de ponctualité et de présentation.
Les conclusions de la commission prévoient donc que l'accord de branche portera sur les actions de formation au profit des bénéficiaires d'une convention de RMA. Celles-ci pourront être financées par une mobilisation des dispositifs de droit commun de la formation professionnelle.
On ne peut pas exclure, d'ailleurs, que les départements, qui doivent consacrer une fraction de leurs crédits budgétaires à l'insertion des titulaires du RMI, décident de participer aux frais d'accompagnement des personnes issues du RMI et bénéficiant du futur RMA. De tels dispositifs sont déjà mis en place dans certains départements.
Par ailleurs, ce dispositif nouveau soulève la question des procédures d'intéressement qui permettent à une personne qui reprend un travail de conserver pendant une durée limitée son RMI ou son ASS.
L'intéressement n'a pas vocation à être maintenu en l'état, puisque la signature de la convention de RMA met fin au versement du minimum social à l'intéressé. L'intéressement se justifie pourtant, car il permet d'assurer le financement des dépenses nouvelles qui sont entraînées par la reprise d'un emploi : achat de vêtements, frais de transport, recherche d'une garde d'enfants, etc.
Il importe, là encore, que la négociation de branche sur le RMA mette en place une prise en charge des frais de retour à l'activité, qui aura un caractère temporaire.
Enfin, il est apparu nécessaire d'éviter toute forme d'abus qui se ferait au détriment des salariés : c'est pourquoi les conclusions prévoiront une disposition, au demeurant classique, qui visera à éviter qu'une entreprise qui a procédé à des licenciements au cours des derniers mois puisse embaucher directement une personne dans le cadre d'un RMA.
Il me semble, mes chers collègues, que, dans ces conditions, nous pourrons améliorer ce texte sans pour autant le trahir et tout en lui conservant sa clarté de conception.
Le RMA est l'outil qui peut mobiliser les entreprises au service de la cause de l'insertion, devant laquelle les collectivités locales se sentent désarmées, faute d'instrument adapté.
Il faut, et tel est notre rôle, solliciter les entreprises en les poussant à emprunter des pistes nouvelles, même au prix de quelques contraintes.
Le RMA viendra compléter le caractère incitatif des mesures de crédit d'impôt qui devraient être mises en place en faveur des ménages dont les revenus d'activité sont les plus modestes.
Le RMA est un outil d'insertion puissant qui ne met nullement en cause les protections nécessaires offertes aujourd'hui par les minima sociaux.
Il donne l'occasion de combiner la reprise du travail avec la mise au point d'un plan de formation permettant un rattrapage et une adaptation aux nouvelles exigences des métiers.
Bien appliqué, le RMA permettra à des personnes aujourd'hui durablement éloignées du monde du travail de retrouver une dignité, tout en échappant au double écueil de la précarité et de l'assistance.
L'indemnisation passive développe, en effet, une culture du non-travail et d'assisté dangereuse pour la société. La solidarité collective, exprimée par le versement des minima sociaux, ne doit pas détruire la responsabilité et l'engagement individuels.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, il vous est proposé d'adopter cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants).
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous l'adopterons !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposez la création d'un revenu minimum d'activité tendant à faciliter l'insertion professionnelle, au sein des entreprises, des titulaires de minima sociaux. Vous savez à quel point le Gouvernement partage votre souci de voir ceux de nos concitoyens exclus du marché du travail retrouver une activité professionnelle.
L'emploi est, en effet, la première des priorités du Gouvernement, et je crois que l'on peut nous reconnaître une certaine efficacité dans ce domaine. Chacun peut en faire le constat : la politique que nous avons mise en place en matière d'emploi a déjà porté ses fruits. Ainsi, le nombre des chômeurs a diminué, depuis le mois de juin 1997, de 973 300. (M. Philippe Marini proteste.)
Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, a été ramené de 12,6 % en juin 1997, à 9,2 % en décembre 2000. Sur l'année 2000, le nombre des chômeurs a diminué de près de 420 000, soit une baisse de 16,2 %. Puisque le dispositif proposé par votre rapporteur s'adresse à ceux de nos concitoyens qui sont les plus éloignés de l'emploi, je tiens à souligner que cette baisse du chômage est particulièrement importante pour les publics les plus en difficulté en 2000.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oui !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le chômage de longue durée a reculé de 25 % cette année et, au total, 408 000 chômeurs de longue durée ont retrouvé un emploi depuis juin 1997.
Les chiffres concernant le chômage des jeunes sont également pour nous source de fierté de d'encouragement, puisque leur nombre a baissé de près de 18 % en 2000 et de 41 % depuis juin 1997.
Il faut noter aussi une baisse marquée du chômage des salariés de plus de cinquante ans, qui diminue de 10,4 % sur l'année 2000.
Enfin, et pour la première fois depuis la création du RMI, nous pouvons observer une baisse du nombre d'allocataires, précisément de 5 % sur l'année 2000. De la même manière, le nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique a baissé de 10 % sur l'année 2000.
Le retour sur le marché du travail des bénéficiaires du RMI est d'ores et déjà une réalité : un tiers des allocataires sort avant six mois du dispositif et la moitié avant dix-huit mois.
Le RMI, trop rapidement décrié, à l'époque, se révèle donc être un outil d'insertion, s'il est couplé aux politiques personnalisées d'aide au retour à l'emploi mises en place par ce gouvernement.
Il faut bien observer que ces résultats tranchent singulièrement avec les périodes antérieures de reprise de l'emploi, habituellement moins favorables aux publics les plus éloignés de l'emploi. Ils sont fortement liés aux programmes spécifiques conduits par le service public de l'emploi, en particulier par l'ANPE. Ainsi, plus de 2 millions de demandeurs d'emploi ont bénéficié du programme Nouveau départ, et près de 100 000 jeunes en difficulté du programme TRACE, trajet d'accès à l'emploi, depuis leur création, à la fin de l'année 1998.
Forte de ces nouveaux résultats positifs de décembre, la France est confortée à la première place de l'ensemble des grands pays de l'OCDE pour la décrue du chômage.
M. Philippe Marini. Pas pour son niveau !
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Eh oui ! tout cela est relatif et comparaison n'est pas raison.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. En 2000, la France aura connu une baisse de 1,8 % de son taux de chômage, contre 0,8 % en moyenne européenne,...
M. Alain Lambert. Bref, tout va bien !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... 0,1 % aux Etats-Unis et une hausse de 0,2 % au Japon.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Donc, ce n'est déjà pas si mal !
M. Philippe Marini. C'est normal, quand on part de plus loin !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Si l'on doit faire des comparaisons, comparons tout : la France est l'un des derniers pays de l'Europe à avoir une démographie encore positive, alors que d'autres pays européens, la Grande-Bretagne, en particulier, voient chaque année arriver sur le marché du travail moins de jeunes qu'il n'y a de salariés partant à la reraite.
Nous, nous absorbons encore 350 000 jeunes chaque année sur le marché du travail et nous faisons reculer le chômage.
M. Alain Lambert. Est-ce que tout va bien pour autant ?
M. Philippe Marini. Cela ne durera pas toujours !
Mme Nicole Borvo. Reconnaissez au moins les faits !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas question de dire que tout va bien, étant donné le nombre de chômeurs que nous enregistrons encore.
M. Alain Lambert. Là-dessus, nous sommes d'accord.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Cependant, reconnaissons les uns et les autres que, lorsque la France marque des points, c'est bon pour le moral collectif, c'est bon pour les entreprises, c'est bon pour la consommation, c'est bon pour la croissance, et donc bon pour l'emploi.
M. Alain Lambert. Personne ne le conteste !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Et il ne serait pas bon que certains d'entre vous tentent de minimiser ces résultats, y compris pour des raisons politiques. Non, messieurs, la France va bien.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Eh oui !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Elle crée aujourd'hui plus d'emplois que l'ensemble de ses partenaires européens.
M. Alain Lambert. Ce n'est pas le problème !
M. Philippe Marini. Tout le monde sait cela ! Vous enfoncez des portes ouvertes !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. C'est un résultat à mettre à l'actif de nos entreprises, du Gouvernement et, de manière générale, de la France.
M. Philippe Nogrix, rapporteur. On vous propose un dispositif pour faire en sorte que cela aille mieux encore !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Nous allons en discuter.
La diminution du chômage français est, certes, liée à la croissance économique, et j'insiste sur ce point parce qu'il serait vain de ne pas le reconnaître, une croissance de l'ordre de 3,2 % sur l'année 2000. Mais nous la devons surtout à notre capacité à enrichir le contenu de la croissance en emplois : sur un an, entre septembre 1999 et septembre 2000, l'emploi total a progressé de 560 000 personnes, contre 270 000 en 1998, pour une croissance identique.
L'enrichissement de la croissance française en emplois est le résultat direct de la politique de réduction du temps de travail que nous avons mise en oeuvre, accompagnée par une réduction des charges sociales.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oui !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Tous bords confondus, les économistes s'accordent pour reconnaître que la baisse du chômage enregistrée en 2000 va bien au-delà d'une « tendance naturelle », le rapport Plein emploi du conseil d'analyse économique n'a pas manqué de le relever. Plus d'un tiers des créations d'emplois en 2000 sont liées à la montée en charge de la réduction du temps de travail. Le programme relatif aux emplois-jeunes a également très fortement contribué à cet enrichissement de la croissance en emplois, avec plus de 267 000 postes créés.
Il n'en demeure pas moins qu'un effort supplémentaire doit être fait à destination des personnes qui rencontrent encore des difficultés lourdes, voire structurelles, en matière d'insertion professionnelle. En effet, au-delà de l'augmentation du nombre d'emplois disponibles, il est important que tous les demandeurs d'emploi puissent accéder à ces emplois.
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Bien sûr !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. C'est pourquoi nous ne pouvons qu'étudier avec intérêt toutes les mesures dont l'objet affiché est de favoriser l'embauche par les entreprises des personnes en grande difficulté.
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Très bien !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je vous rappelle, à cet égard, que la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a permis d'améliorer les mesures de cumul entre revenus d'activité et minima sociaux. Le dispositif d'intéressement permet de cumuler intégralement un revenu d'activité et l'un des minima sociaux pendant trois mois, et à hauteur de 50 % du revenu pendant les neuf mois suivants. L'objectif est de permettre de lever les obstacles à la reprise d'une activité économique en apportant une aide ponctuelle permettant de financer les surcoûts liés à la reprise d'une activité.
M. Philippe Marini. C'est trop compliqué !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le retour sur le marché de l'emploi des bénéficiaires du RMI est d'ores et déjà important. Je l'ai déjà dit, un tiers des allocataires sort avant six mois du dispositif et la moitié avant dix-huit mois. J'ajoute que ces sorties se font déjà, majoritairement, vers l'emploi marchand.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, nous avons donc examiné avec beaucoup d'attention votre proposition et les conclusions de la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée.
Le dispositif que vous nous proposez soulève cependant trop de réserves de notre part pour que nous puissions y être pleinement favorables.
Le revenu minimum d'activité, le RMA, ne nous paraît pas suffisamment ciblé sur les publics les plus en difficulté, en raison d'abord de son automaticité. Cette absence de ciblage conduit à augmenter les effets d'aubaine - le RMA aidera des entreprises qui n'en auraient pas eu besoin - et donc, indirectement, à diminuer le montant des ressources qui peuvent être allouées en faveur de ceux qui en ont réellement le plus besoin.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Philippe Marini. Mais on ne dépense pas un franc de plus !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Il est au contraire préférable que le service public de l'emploi prescrive au cas par cas les prestations nécessaires pour le retour à l'emploi.
M. Philippe Marini. Ah oui, « au cas par cas » !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Il peut s'agir d'une formation, d'un bilan de compétences ou, éventuellement, d'une aide au salarié ou à l'employeur. En effet, les causes du chômage et de l'exclusion sont multiples. Il faut donc se garder d'une solution unique, mais, au contraire, privilégier une approche adaptée à chaque cas. C'est, de plus en plus, le rôle tenu par le service public de l'emploi.
Je voudrais également signaler que la proposition de loi ne comporte aucune référence à une durée minimale de travail ouvrant droit au RMA, ce qui fait courir le risque de voir certaines entreprises arbitrer en faveur d'un travail à temps partiel subventionné par l'Etat. Or, vous le savez, depuis 1997, le Gouvernement a, dans le cadre des lois sur la réduction du temps de travail, privilégié les formes négociées et collectives de réduction du temps de travail et encadré de plus en plus le temps partiel subi. En effet, au-delà du nombre d'emplois créés, nous sommes également attentifs à la qualité de ces emplois.
Par ailleurs, le RMA conduit à transformer une aide versée à la personne - le RMI ou l'ASS - en une aide aux entreprises.
Mme Nicole Borvo. Une fois de plus !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Or, confier à l'entreprise le versement d'une aide au salarié mettra ce dernier en position de faiblesse, notamment lorsqu'il faudra discuter des évolutions de salaire. En particulier, l'entreprise connaîtra le revenu du foyer du bénéficiaire, puisqu'elle connaîtra le montant de son allocation.
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Pourquoi donc ?
Mme Nicole Borvo. Toujours plus !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Au-delà des réserves qu'appellent les modalités du RMA, je voudrais signaler que les effets positifs que vous recherchez au travers de sa création s'apparentent à ceux qu'offre déjà le contrat initiative-emploi, que vous avez rappelés dans votre intervention, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini. Il est beaucoup plus onéreux !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. En effet, le contrat initiative emploi ouvre droit pour l'employeur à une exonération des charges patronales de sécurité sociale et à une prime de 2 000 francs mensuels durant vingt-quatre mois pour l'embauche de demandeurs d'emploi en CDI. Ce dispositif est, de plus, ciblé en faveur des publics les plus en difficulté, dont les allocataires des minima sociaux font partie. Plus de 60 % des CIE en 1999 ont profité à des publics très éloignés de l'emploi, dont environ 20 % aux allocataires du RMI. En 2000, près de 150 000 CIE ont été signés.
Par ailleurs, j'ajoute que les mécanismes de cumul entre revenus d'acticité et allocation mis en oeuvre dans le cadre des mesures d'application de la loi de lutte contre les exclusions permettent aujourd'hui à plus de 130 000 bénéficiaires du revenu minimum d'insertion d'exercer un emploi, tout en continuant à percevoir tout ou partie de leur allocation.
Sur 550 000 actions destinées à lutter contre l'exclusion - contrats emploi solidarité, contrats emplois consolidés, stages de formation rémunérés, contrats initiative emploi... - près de 200 000 ont profité aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On se demande pourquoi !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Dans le cadre du nouveau plan de lutte contre les exclusions qui aboutira avant l'été, les dipositifs existants seront encore renforcés afin d'améliorer encore l'accompagnement vers l'emploi des titulaires des minima sociaux, de mobiliser à leur profit les aides à l'emploi, de faciliter le cumul entre l'emploi et allocation. Les associations, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux seront associés à ce travail.
Pour aider au retour et au maintien dans l'emploi, sans exclure les travailleurs indépendants ou les créateurs d'entreprises, comme ce serait le cas avec le RMA, le Gouvernement a également conçu un nouveau dispositif de prime pour l'emploi.
Cette aide, qui devrait être versée pour la première fois à l'automne, viendra en effet revaloriser les faibles revenus d'activité, quelle que soit la nature de cette activité. Elle procurera un supplément de rémunération du travail dès 2001 à près de 10 millions de personnes. Elle pourra être majorée quand la personne concernée a des enfants à charge ou lorsqu'un seul conjoint travaille.
Je voudrais enfin signaler une caractéristique particulièrement importante à mes yeux : alors que le RMA condamnera ses bénéficiaires à un même revenu, quelle que soit leur ancienneté ou leur qualification,...
M. Philippe Nogrix, rapporteur. Pourquoi ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... la prime pour l'emploi, parce qu'elle est versée indépendamment de l'employeur, évitera tout risque de pression à la baisse des salaires. Or il me semble particulièrement important que des aides mises en place pour aider l'emploi ne se retournent pas contre leurs bénéficiaires le jour où ces derniers doivent négocier une augmentation de salaire.
M. Alain Lambert. Le Gouvernement n'a pas confiance dans les entreprises !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il ne leur fait pas une confiance aveugle !
M. Roland Muzeau. Et il a raison !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons qui fondent le désaccord du Gouvernement avec le texte proposé par votre commission des affaires sociales.
En matière de lutte contre le chômage, je sais que le Sénat sait faire preuve d'une capacité d'innovation permanente.
MM. Philippe Nogrix, rapporteur, et Alain Lambert. Merci !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Au-delà de nos désaccords, souvent profonds - permettez-moi cet euphémisme - je veux néanmoins vous remercier de ces efforts. Je veux d'autant plus vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces efforts me permettent de préciser une nouvelle fois la volonté du Gouvernement, manifestée notamment par le Premier ministre, de tout faire pour aller vers la société de plein emploi.
A un moment où un certain nombre de doutes apparaissent - j'ai en tête quelques phrases de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris qui donneraient l'impression qu'un million et demi de chômeurs seraient sacrifiés, gardés dans l'assistance, et qu'il serait temps de faire à nouveau appel à l'immigration - je tiens à insister sur la volonté du Gouvernement de tout mettre en place pour que l'accompagnement individualisé permette à l'ensemble de nos compatriotes de se reconnaître dans ce mot d'ordre qu'est la société de plein emploi.
Quelles que soient les difficultés que connaissent ces chômeurs, quelles que soient les difficultés que rencontrent un certain nombre de nos concitoyens, quel que soit le coût que représente le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, le Gouvernement veut mobiliser l'ensemble des outils, l'ensemble des imaginations pour que cette nécessité d'offrir l'intégration par l'emploi dans notre société soit un mot d'ordre compris par l'ensemble des habitants de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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