SEANCE DU 28 MARS 2001


M. le président. « Art. 8 bis . - L'article L. 2213-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-1 . - L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Cette décision ne peut être prise qu'après que la réalité de l'une ou l'autre de ces situations a été appréciée par une commission pluridisciplinaire.
« Cette commission comprend au moins trois personnes qui sont une personne qualifiée, un médecin choisi par la femme concernée et un médecin responsable de service de gynécologie obstétrique. Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic prénatal, le deuxième médecin exerce son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire. Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les modalités de fonctionnement de cette commission.
« La femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par la commission. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 30, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 2213-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-1. - L'interruption volontaire de grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins d'une équipe pluridisciplinaire attestent après concertation que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. L'avis de la commission peut être sollicité par un médecin ou par la femme.
« Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, la commission de concertation pluridisciplinaire comprend un médecin choisi par l'intéressée, un médecin spécialiste qualifié en gynécologie obstétrique et un médecin spécialiste qualifié pour traiter du problème de santé spécifique de la femme. Ce dernier, ainsi que le médecin spécialiste qualifié en gynécologie obstétrique doivent exercer leur activité dans un établissement public de santé ou dans un établissement de santé privé satisfaisant aux conditions de l'article L. 2322-1.
« Si l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, la concertation pluridisciplinaire est menée au sein d'un centre de diagnostic prénatal mentionné à l'article L. 2131-1 du présent code en présence d'un médecin choisi par la femme.
« La femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par la commission ou l'un de ses membres. »
Par amendement n° 65, Mme Terrade, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 8 bis pour l'article L. 2213-1 du code de la santé publique, après les mots : « met en péril grave la santé », d'insérer les mots : « , prise au sens d'un état de bien-être physique, mental et social, ».
Par amendement n° 12, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 8 bis pour l'article L. 2213 du code de la santé publique, après les mots : « la santé de la femme », d'insérer les mots : « , y compris sa santé psychique, appréciée notamment au regard de risques avérés de suicide ou d'un état de détresse consécutif à un viol ou un inceste, ».
Par amendement n° 13, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose, après les mots : « qui sont », de rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 8 bis pour l'article L. 2213-1 du code de la santé publique : « un médecin choisi par la femme concernée, un médecin gynécologue-obstétricien et une personne qualifiée n'appartenant pas au corps médical ».
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le souci de mettre en oeuvre une procédure de concertation collégiale préalablement à la réalisation des interruptions médicales de grossesse envisagées au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic apparaît légitime ; il est partagé par les professionnels confrontés à ces situations difficiles.
Dans le cadre des dispositifs à mettre en place pour répondre à cet objectif, il convient de s'assurer de la qualité de la concertation menée, d'une part, entre les experts concernés par le problème médical de la femme ou du foetus et, d'autre part, avec la femme, ou le couple touché par un problème majeur de la grossesse.
Le motif médical étant le fait justificatif prévu par la loi pour les interruptions de grossesse de cette nature, il convient de confier son appréciation à des praticiens dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire.
En ce qui concerne les interruptions médicales de grossesse, les IMG, pour anomalie du foetus, il est nécessaire d'inscrire clairement la concertation préalable dans le cadre des centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaires, dont les professionnels s'accordent à reconnaître la réelle compétence d'expertise et l'aide véritable qu'ils apportent aux praticiens et aux femmes dans les indications d'interruptions médicales de grossesse.
S'agissant des interventions liées à un problème de santé de la femme, il convient de créer une instance de concertation pluridisciplinaire composée de médecins dont les qualités permettent de procéder à l'expertise de la pathologie touchant la femme.
Le dispositif proposé prévoit dans toutes les situations la réunion d'une instance de concertation unique compte tenu de la nécessité d'aboutir à une décision rapide. La procédure doit en effet tenir compte de la difficulté de l'épreuve que représente, pour la femme concernée, cette période d'expertise.
Par ailleurs, l'introduction d'un médecin choisi par la femme renforce le droit de celle-ci à être entendue dans le cadre de la procédure. Cette disposition est susceptible de faciliter la concertation entre l'instance d'expertise et l'intéressée, ainsi que l'information de cette dernière.
M. le président. La parole est à M. Muzeau, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Roland Muzeau. Le texte de cet article 8 bis , qui traite de l'interruption de grossesse pour motif médical, expose les modifications résultant de la requalification de l'interruption thérapeutique de grossesse en interruption médicale de grossesse. Ces modifications ne sont pas seulement d'ordre sémantique puisque les nouvelles dispositions renforcent le caractère collégial de la prise de décision et prévoient que la femme ou le couple concerné pourra être entendu, à sa demande, par une commission pluridisplinaire mise en place dans le cadre de cette évolution des textes en vigueur à ce jour.
Certes, le terme « médical » autorise une prise en compte plus large et une appréciation plus ouverte de l'état de santé de la femme confrontée à une interruption de grossesse que le qualificatif « thérapeutique ».
Cela étant dit, nous pensons qu'il convient de préciser le terme « santé » afin de mieux prendre en considération la globalité de cette notion qui recouvre plusieurs aspects.
C'est pourquoi nous proposons de compléter le texte en y incluant les prescriptions de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme « un état de bien-être physique, mental et social ».
Selon nous, cette précision permettra de mieux répondre à certaines situations difficiles. Aussi nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 12 et 13 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 30 et 65.
M. Francis Giraud, rapporteur. L'amendement n° 12 témoigne du fait que la commission approuve la réforme de la procédure de l'IMG proposée par l'Assemblée nationale.
Cette nouvelle procédure présente l'avantage d'être véritablement collégiale, puisque la commission comprend au moins trois membres. En outre, la composition de cette commission est pluridisciplinaire, et non plus exclusivement médicale. La présence d'une personne qualifiée, qui pourrait être une conseillère conjugale, une psychologue ou une assistante sociale, permettra sans doute une plus grande diversité d'approche.
Votre commission propose donc d'adapter cet article en le complétant. En effet, si elle vous demande de rejeter l'allongement du délai légal de l'IVG, elle estime néanmoins indispensable d'apporter une réponse à la détresse des femmes qui dépassent le délai légal. Elle propose, par conséquent, que ces situations puissent être prises en charge dans le cadre de la procédure de l'interruption médicale de grossesse telle qu'elle est réformée par le présent article. Cet amendement vise à compléter le texte proposé afin d'ajouter que la référence à la santé de la femme inclut sa santé psychique. Cette précision permettrait la prise en charge des situations les plus douloureuses, qui constituent souvent l'essentiel des cas de dépassement de délai.
En ce qui concerne l'amendement n° 30 nous avons éprouvé quelque difficulté pour comprendre la procédure proposée. Il n'y a rien à redire s'agissant des dispositions qui étaient déjà prévues par la loi Veil, à savoir les anomalies mettant gravement en cause la santé de la femme ou le foetus. En revanche, pour ce qui est des interventions liées à un problème de santé de la femme, notre rédaction, tout en maintenant bien sûr la primauté de la médecine - cela ne vous étonnera pas de la part du rapporteur - prévoit, au sein de cette commission, la présence d'une personne qualifiée. Ainsi, cette commission ne serait plus strictement médicale. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement n° 30.
Quant à l'amendement n° 65, qui vise à préciser, en reprenant la définition de l'Organisation mondiale de la santé, que la santé est un bien-être physique, mental et social, il ne nous paraît pas très adapté à la situation. En tout cas, il est incompatible avec la position de la commission, la définition proposée étant trop large. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 65, 12 et 13 ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 65, l'élargissement des indications d'intervention médicale à la détresse psychosociale est, selon nous, contraire à l'esprit de la loi de 1975. Aussi, nous sommes défavorables à cette disposition.
Nous sommes également défavorables aux amendements n°s 12 et 13. Le souci de mettre en oeuvre une nouvelle procédure de concertation collégiale préalablement à la réalisation des IMG envisagées au motif que la poursuite de la grossesse met en péril la santé de la femme paraît légitime et partagé par les professionnels. En ce qui concerne les IMG envisagées en raison d'une anomalie embryonnaire ou foetale, il convient d'inscrire clairement l'expertise médicale dans le cadre du fonctionnement des centre multidisciplinaires.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 65.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Les explications de M. le ministre sont certes intéressantes, mais elles ne correspondent pas à l'appréciation que nous portons sur le terme « médical ». Il convient de retenir la définition donnée par l'Organisation mondiale de la santé. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
Mme Claire-Lise Campion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Vous nous proposez, par cet amendement, d'élargir le champ de l'interruption médicale de grossesse.
Si a priori on ne peut que souscrire à l'ouverture supplémentaire de l'IMG à la santé psychique de la femme, votre amendement vise en fait à réintroduire au-delà du délai de dix semaines l'obligation pour les femmes de justifier leur demande devant une commission.
Selon nous, ce subterfuge vise à culpabiliser une fois encore la femme et semble attentatoire à sa dignité.
Il s'agit bien d'un subterfuge car vous omettez par ailleurs d'indiquer ce qu'il adviendra des femmes entendues par la commission qui se verront refuser une interruption médicale de grossesse et qui se retrouveront dans le désarroi le plus total, avec, n'en doutons pas, le sentiment d'avoir été trompées. Quelle solution leur proposerez-vous alors ?
Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Je souhaiterais obtenir une précision de la part de la commission. La formulation qu'elle propose est-elle restrictive ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Non !
M. Patrick Lassourd. C'est bien ce qui m'avait semblé en vous entendant exposer l'amendement. Vous parliez bien de santé psychique, sans autre précision. Par conséquent, la suite de la rédaction qui nous est proposée figure donc à titre d'illustation.
M. Francis Giraud, rapporteur. En effet !
M. Patrick Lassourd. Cependant, certains juristes ne considéreront-ils pas cette rédaction de manière restrictive ? Je me demande si, à leurs yeux, la mise en péril de la santé psychique de la femme, ce ne seront pas uniquement les risques avérés de suicide ou l'état de détresse consécutif à un viol ou un inceste.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Compte tenu de la présence de l'adverbe « notamment », qu'il n'est d'ailleurs pas bon de faire figurer dans un texte législatif, il s'agit simplement d'exemples. Ce sont les exemples les plus marquants, mais aucune autre situation n'est écartée.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Il était important que cette précision soit apportée et qu'elle figure dans le compte rendu des débats. En effet, ce texte aurait pu être interprété d'une manière différente. En tout cas, au vu des explications de M. le président de la commission, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Comme je l'ai précisé ce matin en commission, je ne peux voter cet amendement. Nous sommes dans le cadre de la procédure d'interruption médicale de grossesse. Aussi, je ne vois pas les raisons pour lesquelles il conviendrait d'introduire dans cette commission « une personne qualifiée n'appartenant pas au corps médical ». Si la formulation précisait qu'il s'agit d'« une personne appartenant à une profession de santé autre qu'une profession médicale », peut-être y aurais-je souscrit. En l'occurrence, c'est la porte ouverte à des personnes qui n'ont pas à connaître des situations médicales et qui ne sont pas tenues au respect du secret médical. Si M. le rapporteur pouvait citer un exemple de personnes qualifiées auxquelles il a songé, peut-être serai-je amené à voter ce texte. Par cette référence à un tiers n'exerçant pas une profession de santé, n'étant pas médecin, on risque d'introduire une dimension allant au-delà des intentions du rapporteur.
M. Lucien Neuwirth. Cela peut être un psychologue !
M. Francis Giraud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. La remarque de M. Claude Huriet est justifiée. L'introduction de la référence à une personne qualifiée visait à ne pas médicaliser à outrance la commission pluridisciplinaire. La présence de deux médecins paraissait suffisante. Vous avez raison, la troisième personne doit aussi être tenue au secret médical. Une assistante sociale, par exemple, n'a pas à divulguer partout les propos qui sont tenus devant elle.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Cela lui est même interdit !
M. Francis Giraud, rapporteur. Même si on n'est pas médecin, on peut être tenu au secret.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Monsieur le président, je rectifie l'amendement n° 13, en introduisant, après les mots : « n'appartenant pas au corps médical », les mots : « mais tenue au secret professionnel ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 13 rectifié, et tendant, après les mots : « qui sont », à rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 8 bis pour l'article L. 2213-1 du code de la santé publique : « un médecin choisi par la femme concernée, un médecin gynécologue-obstétricien et une personne qualifiée n'appartenant pas au corps médical mais tenue au secret professionnel ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 bis , modifié.

(L'article 8 bis est adopté.)

Article 9