SEANCE DU 28 MARS 2001


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 51, Mmes Campion, Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 16 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales doit s'assurer que les moyens consacrés à la mise en oeuvre d'un projet adapté d'éducation sexuelle et d'information à la contraception sont suffisants. »
Par amendement n° 68, Mme Terrade, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 16 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'avant-dernier alinéa de l'article L. 6121-6 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : "Une information et une éducation à la sexualité et à la contraception sont notamment dispensées dans toutes les structures accueillant des personnes handicapées". »
La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Un des grands axes de notre politique en faveur des personnes handicapées est l'amélioration de leur intégration dans la vie ordinaire, et donc la reconnaissance du fait qu'elles sont des personnes à part entière, qui doivent, comme l'ensemble des membres de notre population, pouvoir bénéficier des apports de notre société.
En effet, humainement comme socialement, on ne peut plus admettre que ces personnes, déjà défavorisées par leur handicap, se retrouvent marginalisées ou exclues parce que nous ne nous donnons pas les moyens de nous adapter et de prendre en considération leur situation.
Accueillir ces personnes dans notre quotidien, dans la vie ordinaire, passe forcément par un accès facilité au savoir et à l'éducation. Des efforts ont d'ailleurs commencé à être entrepris afin que leur soient ouvertes les portes de nos écoles.
Mais cela suppose aussi, et surtout, que nous continuions d'approfondir notre démarche vers des domaines aussi intimes que l'éducation à la sexualité et l'accès à la contraception.
Il est grand temps de ne plus se voiler la face, de leur reconnaître ouvertement un droit on ne peut plus naturel à l'amour, à la tendresse, à la sexualité, à la parentalité.
Il nous faut donc prendre bien soin de vérifier qu'une information adaptée leur est prodiguée et amorcer la mise en place de projets individualisés allant dans ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour présenter l'amendement n° 68.
Mme Odette Terrade. Avec cet amendement, nous anticipons quelque peu sur le débat que nous aurons à l'article 20 et qui concernera les personnes handicapées mentales.
Notre collègue Marie-Madeleine Dieulangard disait hier soir que les handicapés mentaux ont droit à une vie sexuelle conforme à la dignité de tout être, c'est-à-dire qui ne soit ni interdite ni forcée. Nous partageons son point de vue.
Nous sommes tout particulièrement attachés au droit à la sexualité pour chacun de nos concitoyens, et donc tout naturellement aussi pour les personnes handicapées, quel que soit leur handicap.
Dans le même état d'esprit, chacun de nos concitoyens devrait pouvoir avoir accès à une information relative au fonctionnement du corps humain, à ses fonctions de reproduction ; chaque jeune devrait bénéficier d'une éducation à la sexualité.
Pourquoi les jeunes handicapés mentaux qui ne sont pas dans un système scolaire intégré à l'éducation nationale n'auraient-ils pas les mêmes droits en la matière que les jeunes collégiens et lycéens de leur âge ?
Il est indispensable qu'une information adaptée au public auquel elle s'adresse soit dispensée dans toutes les structures d'accueil des personnes handicapées.
L'article 20 prévoit qu'en cas de stérilisation à visée contraceptive pour une personne handicapée mentale majeure sous tutelle « une information adaptée à son degré de compréhension » lui soit donnée. C'est une bonne chose. Toutefois, dans un souci préventif, il conviendrait que les personnes handicapées mentales - qualificatifs qui, nous le savons, recouvrent des réalités très différentes d'une personne à l'autre - soient correctement informées, en amont, des risques de grossesse liés à la sexualité et informées sur la contraception.
C'est donc, mes chers collègues, pour qu'une information et une éducation à la sexualité et à la contraception soient dispensées dans toutes les structures accueillant des personnes handicapées que nous vous invitons à adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 51 et 68 ?
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 51, dont la rédaction lui paraît plus précise que celle de l'amendement n° 68, qui, de toute façon, n'aura plus d'objet si l'amendement n° 51 est adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement a exactement le même avis que la commission... mais en sens contraire ! En tout cas, sur le fond, ces amendements sont indispensables.
M. Francis Giraud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission se range à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je le retire au profit de l'amendement n° 68.
M. le président. L'amendement n° 51 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 69, Mme Terrade, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 16 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Un service d'accueil téléphonique gratuit est créé par l'Etat. Il concourt à la mission d'information sur la contraception et la sexualité. Il répond aux demandes d'information et de conseil.
« Dans chaque département est mis en place, en liaison avec les services de la caisse primaire d'assurance maladie, un dispositif permettant d'apporter des informations pratiques aux personnes qui le demandent.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'organisation et de fonctionnement du dispositif départemental ainsi que les modalités d'articulation de l'échelon national avec l'échelon départemental.
« II. - Les dépenses résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Nous sommes tous convaincus que nous ne réussirons à faire baisser le nombre d'IVG qu'en délivrant une information sur la sexualité et la contraception la plus pertinente et la plus large possible.
Le texte qui nous est proposé présente, de ce point de vue, un net progrès puisqu'il fait référence à des séances d'éducation à la santé et à la sexualité en milieu scolaire, même si, à notre avis, ce n'est encore là qu'une première étape.
Afin de mettre toutes les chances du côté de la prévention, nous proposons, au travers de notre amendement, de créer un service téléphonique gratuit, un numéro vert en quelque sorte, géré selon un schéma départemental.
Ce numéro vert permettrait de répondre aux interrogations et aux demandes de conseil émanant des adolescents ou des adultes en matière de sexualité sans présenter le côte formel et institutionnel des cours d'éducation sexuelle dispensés dans le cadre scolaire.
Il s'agit, selon nous, d'un moyen supplémentaire d'élargir la source d'information relative à la sexualité, en mettant à la disposition du public un service très facilement accessible.
Il faut d'ailleurs rappeler que, dans d'autres domaines, - je pense, en particulier, à la maltraitance des enfants - la création de numéros verts a fait la preuve de son efficacité en permettant de libérer la parole. Nous pensons qu'il peut en être de même pour les questions de sexualité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je croyais beaucoup à la nécessité d'une plate-forme téléphonique nationale, dont la mise en place avait été au coeur de la campagne de l'année 2000. Or, à ma grande surprise, nous n'avons enregistré que 10 000 appels, alors que nous nous étions équipés pour un nombre beaucoup plus important.
Prenant acte de cet état de fait, nous avons réfléchi à une autre démarche. Nous avons pensé qu'il valait mieux régionaliser ces plates-formes téléphoniques, de façon que, à travers les réseaux « jeunes », les réseaux « droits des femmes », les réseaux « santé », nous puissions mieux atteindre le citoyen, la citoyenne, le jeune. En juillet 2000, nous avons donc fermé la plate-forme nationale et créé les plates-formes régionales.
Mon budget ne permettait pas de faire face au coût de l'ensemble de ces plates-formes. Aussi, ce sont maintenant les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, qui ont pris la relève.
Je voulais apporter ce témoignage et assurer le Sénat de l'efficacité de la continuation de leur mise en place. Elisabeth Guigou, avec qui je m'en suis entretenue voilà quelques jours, est tout à fait favorable à cette décentralisation et elle a donc décidé de rendre ces dispositions pérennes.
Voilà pourquoi je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Depuis quand fonctionnent ces plates-formes régionales ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Depuis juillet 2000.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 69 est-il maintenu, madame Bidard-Reydet ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'argumentation de Mme le secrétaire d'Etat en faveur de la mise en place des plates-formes régionales. Nous, nous préférerions que l'on descende jusqu'à l'échelon départemental, mais, puisque nous constatons que nous sommes sur la bonne voie, nous retirons l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.

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