SEANCE DU 29 MARS 2001


M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Force est de le constater que l'amélioration de la situation de l'emploi, qui constitue depuis 1997 la meilleure des réformes sociales du Gouvernement, a naturellement bénéficié aux jeunes.
Par ailleurs, différents dispositifs, comme les emplois-jeunes ou le programme TRACE - trajet d'accès à l'emploi - contribuent largement à l'insertion des jeunes sur le marché du travail. Malgré tout, cette amélioration ne profite pas de façon identique à tous. Parmi eux, dans la tranche des dix-huit à vingt-cinq ans, certains plus que d'autres sont dans une situation d'extrême fragilité. Je pense à ceux qui sont sans diplôme et sans qualification, sans emploi et sans ressources, bien souvent en rupture familiale et dans bien des cas en dehors des dispositifs mis en place. Fréquemment démunis, seuls dans la vie et en l'absence de tout filet social de sécurité, puisque ces jeunes ne peuvent avoir accès au RMI, le passage à l'âge adulte et à l'autonomie commence pour eux par la pauvreté, voire l'exclusion.
Madame la ministre, nous nous devons de réagir face à la demande croissante d'autonomie des jeunes et aux évolutions constantes des modes de vie. Il y a là, nous semble-t-il, une urgence sociale, il faut traiter ce problème par la création d'une allocation qui leur serait servie dès lors qu'ils s'inscriraient dans un projet de qualification et d'accès à l'emploi.
Le Gouvernement, je le sais, est sensible à ce problème qui doit relever non pas de l'assistance mais bien de la solidarité afin d'accompagner ces jeunes dans la période difficile du passage à l'âge adulte.
Madame la ministre, le Gouvernement a déjà fait reculer le chômage, créé les emplois-jeunes, lutté contre les inégalités et les exclusions, nous ne doutons pas qu'il saura répondre à ces véritables besoins sociaux et réparer ainsi certaines des inégalités de la vie. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions et de vos intentions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, la question de l'autonomie du jeune adulte sera au centre de la conférence de la famille de juin prochain. Il appartient donc au Premier ministre de prendre les décisions à propos desquelles il s'est engagé, dans le principe, lors de la précédente conférence de la famille en annonçant déjà que ce point serait au coeur du prochain dispositif.
Je suis chargée de préparer cette conférence de la famille. J'ai donc engagé, depuis juin dernier, d'importantes consultations et pris connaissance de l'ensemble des travaux. Il y a eu ainsi le rapport du Plan et, voilà deux jours, le rapport déposé par M. Hubert Brun, président de l'Union nationale des associations familiales, devant le Conseil économique et social - je me suis exprimée à cette occasion. Il y a eu aussi, ainsi que vous venez de le rappeler, très justement, monsieur le sénateur, l'ensemble du bilan de ce qui a été fait depuis trois ans pour les jeunes.
Je n'y reviens pas, puisque vous l'avez très clairement dit. Je retiendrai seulement un chiffre : depuis juin 1997, le chômage des jeunes a baissé de 40 %.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. C'est donc dans un contexte nouveau que nous inscrivons aujourd'hui la problématique de l'autonomie du jeune adulte.
Toutefois, parallèlement à cette baisse du chômage, beaucoup de jeunes sont encore en situation précaire ou sont des travailleurs pauvres, disposant de contrats à durée déterminée ou à temps partiel. Parmi eux, on trouve beaucoup de jeunes filles, car ce sont essentiellement elles qui sont frappées par cette précarité.
Par conséquent, le Gouvernement est décidé à faire quelque chose, et ce en s'inspirant de plusieurs principes. Il écarte d'abord l'idée d'une expérience précoce du RMI pour les jeunes, car nous ne voulons pas une politique d'assistance, et rejette tout aussi vigoureusement l'instauration d'un « SMIC-jeunes ». Nous ne voulons pas non plus du travail des jeunes au rabais.
En revanche, nous voulons rester fidèles à trois principes.
Il s'agit, en premier lieu, de l'affirmation d'un droit à la formation tout au long de la vie. L'essentiel de l'effort doit se porter d'abord sur la formation initiale des jeunes, c'est-à-dire sur l'école, puisque, vous le savez, l'enquête que vient de publier l'INSEE a montré que c'est d'abord le diplôme qui protège contre la pauvreté et également le brevet des collèges, que d'aucuns aujourd'hui veulent remettre en cause. Donc, n'en rabattons pas non plus sur l'exigence scolaire, les jeunes qui ont le brevet des collèges sont aujourd'hui protégés contre la précarité.
Il s'agit ensuite, deuxième principe, de maintenir le lien entre formation et insertion, d'un côté, et soutien au logement et à la santé, de l'autre.
Enfin, troisième principe, il s'agit de rechercher le juste équilibre entre Etat et famille, puisque à l'âge de vingt-deux ans en moyenne les jeunes sont encore avec leurs parents. Il faut donc compenser cette charge pour les familles tout en encourageant la prise d'autonomie des jeunes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui inspire le Gouvernement, c'est la prise de conscience de notre responsabilité d'adulte pour faire aux jeunes la place qui leur revient afin qu'ils accèdent à leur tour à la plénitude de l'âge adulte et qu'ils aient à leur tour envie de donner aux générations suivantes.
Sécuriser leur parcours, réduire les inégalités, rattraper celles et ceux dont le destin semblait scellé dès la naissance, tels sont les grands principes qui inspireront les décisions que le Premier ministre prendra. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Guy Allouche.)