SEANCE DU 3 AVRIL 2001


« Art. 200 sexies. - I. - Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé prime pour l'emploi, au profit des personnes physiques fiscalement domiciliées en France mentionnées à l'article 4 B. Cette prime est accordée au foyer fiscal à raison des revenus d'activité professionnelle de chacun de ses membres, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« A. - Le montant des revenus du foyer fiscal au titre de l'année 2000 tel que défini au IV de l'article 1417 ne doit pas excéder 76 000 francs pour la première part de quotient familial des personnes célibataires, veuves ou divorcées et 152 000 francs pour les deux premières parts de quotient familial des personnes soumises à imposition commune. Ces limites sont majorées de 21 000 francs pour chacune des demi-parts suivantes.
« Pour l'appréciation de ces limites, lorsqu'au cours d'une année civile survient l'un des événements mentionnés aux 4, 5 et 6 de l'article 6, le montant des revenus, tel que défini au IV de l'article 1417, déclaré au titre de chacune des déclarations souscrites est converti en base annuelle.
« B. - 1° Le montant des revenus déclarés au titre de l'année 2000 par chacun des membres du foyer fiscal bénéficiaire de la prime, à raison de l'exercice d'une ou plusieurs activités professionnelles, ne doit être ni inférieur à 20 575 francs ni supérieur à 96 016 francs.
« La limite de 96 016 francs est portée à 146 257 francs pour les personnes soumises à imposition commune lorsqu'un des membres du couple n'exerce aucune activité professionnelle ou dispose de revenus d'activité professionnelle d'un montant inférieur à 20 575 francs ;
« 2° Lorsque l'activité professionnelle n'est exercée qu'à temps partiel ou sur une fraction seulement de l'année civile, ou dans les situations citées au deuxième alinéa du A, l'appréciation des limites de 96 016 francs et de 146 257 francs s'effectue par la conversion en équivalent temps plein du montant des revenus définis au 1°.
« Pour les salariés, la conversion résulte de la multiplication de ces revenus par le rapport entre 1 820 heures et le nombre d'heures effectivement rémunérées au cours de l'année ou de chacune des périodes faisant l'objet d'une déclaration. Cette conversion n'est pas effectuée si ce rapport est inférieur à un.
« Pour les agents de l'Etat et de ses établissements publics, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et les agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, travaillant à temps partiel ou non complet et non soumis à une durée du travail résultant d'une convention collective, la conversion résulte de la division du montant des revenus définis au 1° par leur quotité de temps de travail. Il est, le cas échéant, tenu compte de la période rémunérée au cours de l'année ou de chacune des périodes faisant l'objet d'une déclaration.
« En cas d'exercice d'une activité professionnelle non salariée sur une période inférieure à l'année ou faisant l'objet de plusieurs déclarations dans l'année, la conversion en équivalent temps plein s'effectue en multipliant le montant des revenus déclarés par le rapport entre le nombre de jours de l'année et le nombre de jours d'activité ;
« 3° Les revenus d'activité professionnelle pris en compte pour l'appréciation des limites mentionnées aux 1° et 2°, s'entendent :
« a) Des traitements et salaires définis à l'article 79 à l'exclusion des allocations chômage et de préretraite et des indemnités et rémunérations mentionnées au 3° du II de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale ;
« b) Des rémunérations allouées aux gérants et associés des sociétés mentionnées à l'article 62 ;
« c) Des bénéfices industriels et commerciaux définis aux articles 34 et 35 ;
« d) Des bénéfices agricoles mentionnés à l'article 63 ;
« e) Des bénéfices tirés de l'exercice d'une profession non commerciale mentionnés au 1 de l'article 92.
« Les revenus exonérés en application des articles 44 sexies à 44 decies sont retenus pour l'appréciation du montant des revenus définis aux c, d et e.
« II. - Lorsque les conditions définies au I sont réunies, la prime, au titre des revenus professionnels de l'année 2000, est calculée, le cas échéant, après application de la règle fixée au III, selon les modalités suivantes :
« A. - 1° Pour chaque personne dont les revenus professionnels évalués conformément au 1° du B du I, et convertis, en tant que de besoin, en équivalent temps plein au titre de l'année 2000 sont inférieurs à 68 583 francs, la prime est égale à 2,2 % du montant de ces revenus.
« Lorsque ces revenus sont supérieurs à 68 583 francs et inférieurs à 96 016 francs, la prime est égale à 5,5 % de la différence entre 96 016 francs et le montant de ces revenus ;
« 2° Pour les personnes dont les revenus ont fait l'objet d'une conversion en équivalent temps plein, le montant de la prime est divisé par les coefficients de conversion définis au 2° du B du I ;
« 3° Pour les couples dont l'un des membres n'exerce aucune activité professionnelle ou dispose de revenus d'activité professionnelle d'un montant inférieur à 20 575 francs :
« a) Lorsque les revenus professionnels de l'autre membre du couple, évalués conformément au 1°, sont inférieurs ou égaux à 96 016 francs, la prime calculée conformément aux 1° et 2° est majorée de 500 francs ;
« b) Lorsque ces revenus sont supérieurs à 96 016 francs et inférieurs ou égaux à 137 166 francs, le montant de la prime est fixé forfaitairement à 500 francs ;
« c) Lorsque ces revenus sont supérieurs à 137 166 francs et inférieurs à 146 257 francs, la prime est égale à 5,5 % de la différence entre 146 257 francs et le montant de ces revenus.
« B. - Le montant total de la prime déterminé pour le foyer fiscal conformément aux 1°, 2° et a du 3° du A est majoré de 200 francs par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B, n'exerçant aucune activité professionnelle ou disposant de revenus d'activité professionnelle d'un montant inférieur à 20 575 francs.
« Pour les personnes définies au II de l'article 194, la majoration de 200 francs est portée à 400 francs pour le premier enfant à charge qui remplit les conditions énoncées à l'alinéa précédent.
« C. - Pour les personnes placées dans les situations mentionnées aux b et c du 3° du A et au deuxième alinéa du B, dont le montant total des revenus d'activité professionnelle est compris entre 96 016 francs et 146 257 francs, la majoration pour charge de famille est fixée forfaitairement aux montants mentionnés au B, quel que soit le nombre d'enfants à charge.
« III. - Pour l'application du B du I et du II les revenus des activités professionnelles mentionnées aux c, d et e du 3° du B du I sont majorés de 11,11 %.
« IV. - Le montant total de la prime accordée au foyer fiscal ne peut être inférieur à 160 francs. Il s'impute en priorité sur le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année d'imposition des revenus d'activité déclarés.
« L'imputation s'effectue après prise en compte des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, de l'avoir fiscal, des autres crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires.
« Si l'impôt sur le revenu n'est pas dû ou si son montant est inférieur à celui de la prime, la différence est versée aux intéressés.
« Ce versement suit les règles applicables en matière d'excédent de versement.
« V. - Le bénéfice de la prime est subordonné à l'indication par les contribuables, sur la déclaration prévue au I de l'article 170, du montant des revenus d'activité professionnelle définis au 3° du B du I et des éléments relatifs à la durée d'exercice de ces activités.
« VI. - Un décret précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article et notamment celles relatives aux obligations des employeurs. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si je devais retenir un point positif dans le projet de « prime pour l'emploi » que vous nous soumettrez, madame la secrétaire d'Etat, au nom du Gouvernement, ce serait la reconnaissance de l'inquiétante extension des bas salaires et de la dégradation des formes de l'emploi dans notre pays.
Oui ! il y a bien 9 millions de salariés en Franc qui touchent moins de 1,4 fois le SMIC, c'est-à-dire 7 864 francs net. Oui, la pratique des bas salaires à tendance à s'étendre, et même à se généraliser pour les jeunes, les chômeurs qui retrouvent un emploi, souvent au mépris de leur qualification.
Depuis 1997, près de 90 % des emplois créés sont des emplois à bas salaire, comme vient de le révéler une enquête de l'INSEE. La précarité devient la règle : contrats à durée déterminée, intérim et temps partiel subi. Près du quart des salariés du privé ont connu une période de non-emploi durant l'année passée.
En 2000, malgré la croissance, le pouvoir d'achat des salariés a stagné, celui des bas salaires baissé. Une nouvelle catégorie de salariés se développe : les travailleurs pauvres, traduction de l'anglais working poors , c'est-à-dire les salariés qui, tout en ayant un emploi, se situent en dessous du seuil de pauvreté. Ils sont près de 1,4 million dans notre pays.
Depuis 1980, la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a cessé de reculer et se maintient au plus bas.
Voilà le résultat de la mise en oeuvre par le patronat et les gouvernements successifs du dogme de la baisse du coût du travail.
Aujourd'hui, en période de croissance, alors que les profits explosent, personne ne le nie, les mouvements sociaux mettant au centre les revendications en matière de salaires et de conditions de travail se multiplient et remettent en cause cette politique.
C'est dans ce contexte qu'il faut replacer la prime pour l'emploi proposée par le Gouvernement, qui se voudrait un geste en direction des bas salaires mais qui ne remet pas en cause le dogme de la baisse du coût du travail en faveur des entreprises, bien au contraire.
Pour ma part, je considère que la « prime pour l'emploi » relève du cadeau empoisonné aux salariés et que son principe est extrêmement pernicieux et dangereux pour le monde du travail.
Nos collègues de la majorité sénatoriale veulent la rebaptiser « crédit d'impôt ». Ne devraient-ils pas, dans leur logique, aller jusqu'à l'appeler « impôt négatif », véritable dénomination de ce système ultralibéral d'inspiration anglo-saxonne ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Mme la secrétaire d'Etat vous a fort bien répondu à ce sujet !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Certes, les contribuables percevant de bas salaires vont toucher un petit chèque annuel du Trésor public, et nous nous en félicitons. Mais la prime pour l'emploi porte, dans son principe, l'incitation à la pratique des bas salaires et à la pérennisation de la précarité dont elle chercherait à corriger les effets. Elle prévoit en effet d'ajouter au bas salaire versé par l'entreprise un complément versé par la collectivité. L'entreprise se verrait donc exemptée d'une partie de la rémunération du travail de ses employés les plus mal payés. L'effet d'aubaine est évident, comme l'encouragement à la baisse des salaires et à l'extension des bas salaires. C'est un peu comme si le Gouvernement disait au patronat : « Evitez d'augmenter vos salariés ! La collectivité complétera ». En d'autres mots, la logique de la prime pour l'emploi conduit à mettre à la disposition des employeurs une main-d'oeuvre plus disposée à accepter de faibles salaires, dépendant en partie de la collectivité et dont les droits et possibilités de revendications dans l'entreprise seront bien sûr réduits.
A ce jeu, les salariés sont doublement perdants : d'une part, en raison de la pression renforcée sur leur salaire et, d'autre part, parce que ce sont eux qui financeront majoritairement la prime pour l'emploi dans le cadre d'une redistribution interne aux travailleurs. Les 25 milliards à 30 milliards de francs que coûtera cette prime seront payés par le budget de l'Etat et ne pourront se traduire, étant donné les choix budgétaires, que par de nouvelles restrictions de dépenses publiques, dépenses dont les personnes modestes sont pourtant les premières à bénéficier.
Le résultat de cette mesure pour l'emploi est plus que douteux : les exemples anglo-saxons sont très peu concluants et montrent, entre autres éléments, des effets dissuasifs sur l'entrée et le maintien des femmes vivant en couple sur le marché du travail.
Pour moi, il ne fait aucun doute que la prime pour l'emploi fait directement écho au refus du Gouvernement d'augmenter le SMIC et les bas salaires.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous a dit une nouvelle fois que le souhait du Gouvernement était d'« accroître » la rémunération du travail par rapport aux allocations versées pour compenser l'absence d'activité ». Il a regretté que « l'activité salariée ne soit pas toujours suffisamment rémunérée ». Or, plutôt que la prime pour l'emploi, nocive et perverse, l'augmentation du SMIC n'est-elle pas la seule solution naturelle à ces préoccupations du Gouvernement ?
Il est faux de dire, comme l'avait fait M. Fabius en commission des finances, que l'augmentation du SMIC ne concernerait que les 2,4 millions de salariés qui gagnent juste le SMIC. En effet, tous les bas salaires évoluent au même rythme que le SMIC. Une telle augmentation serait, reconnaissez-le, madame la secrétaire d'Etat, un signe fort en direction des salariés en lutte.
L'augmentation du SMIC et des salaires est une question de justice sociale et d'efficacité économique. Il serait de la responsabilité d'un gouvernement de gauche d'agir dans ce sens, pour asseoir la croissance sur les bases saines, durables et créatrices d'emplois stables et bien rémunérés que sont l'augmentation du pouvoir d'achat et la consommation populaire. Madame la secrétaire d'Etat, il faut prendre sur les profits qui, comme les grandes fortunes, sont les premiers bénéficiaires de la croissance.
Dans ces conditions, quel que soit l'intitulé du projet de loi, je voterai, à titre personnel, contre ce texte.
Je remarque que le quasi-consensus à l'Assemblée nationale et dans notre hémicycle ne correspond absolument pas à l'état d'esprit de nos concitoyens. Je vois combien les luttes se développent dans les secteurs les plus divers, dans le privé comme dans le public, et qu'une vague croissante de sympathie les accompagne. Aujourd'hui, 78 % des salariés se disent prêts à s'engager dans une action pour la hausse des salaires. Je crois à ces sondages. Je garde présent à l'esprit l'avertissement que les électeurs, notamment ces salariés modestes des intérêts desquels, paraît-il, il est question ce soir, viennent d'adresser aux tentations du social-libéralisme. (M. le rapporteur s'exclame.)
Pour certains, la prime pour l'emploi se traduira peut-être par une légère diminution d'impôt. Mais le problème de la généralisation de l'augmentation des salaires, à commencer par les plus bas, demeure posé. Les grèves et la rue l'imposeront-elles sans décision du Parlement ? Nous sommes bien partis pour cela !
Enfin, permettez-moi une dernière remarque : la complexité de la prime pour l'emploi et sa nouveauté ne manqueront pas d'entraîner une surcharge de travail pour les agents des impôts, comme le montrent déjà les déclarations de revenus au titre de l'année 2000. Il conviendrait donc que le Gouvernement tire les conséquences de cette mesure en créant des emplois supplémentaires. Mais je sais, madame la secrétaire d'Etat, que vous avez prévu de le faire.
M. Philippe Marini, rapporteur. Tout cela est très pluriel !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Madame Beaudeau, s'il y avait un quelconque risque pour que la prime pour l'emploi exerce une pression à la baisse sur les salaires, jamais le Gouvernement n'aurait préconisé l'adoption d'une telle mesure.
Vous avez fort bien rappelé les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'a pas souhaité retenir la revalorisation du SMIC. M. Laurent Fabius l'ayant fort bien et très longuement expliqué lors de notre audition en commission, je n'y reviendrai pas.
Permettez-moi simplement de vous dire que je regrette très profondément le choix que vous venez d'exprimer au nom du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pas au nom du groupe, en mon nom personnel !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En votre nom personnel, soit. Mais je le regrette tout autant. J'espère que la suite de nos débats permettra de vous faire évoluer.
M. le président. Par amendement n° 1, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
I. - A. - Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte présenté par l'article unique pour l'article 200 sexies du code général des impôts, de remplacer les mots : « prime pour l'emploi » par les mots : « crédit d'impôt en faveur de l'activité » ;
B. - Au début de la seconde phrase dudit alinéa, de remplacer les mots : « Cette prime est accordée » par les mots : « Ce crédit d'impôt est accordé » ;
II. - En conséquence :
A. - Dans le quatrième alinéa du I du texte proposé pour l'article 200 sexies du code général des impôts, de remplacer les mots : « bénéficiaire de la prime » par les mots : « bénéficiaire du crédit d'impôt » ;
B. - Dans le premier alinéa du II dudit texte, de remplacer les mots : « la prime, au titre des revenus professionnels de l'année 2000, est calculée » par les mots : « le crédit d'impôt, au titre des revenus professionnels de l'année 2000, est calculé » ;
C. - Dans les deuxième, troisième et huitième alinéas du II dudit texte, de remplacer (trois fois) les mots : « la prime est égale » par les mots : « le crédit d'impôt est égal » ;
D. - Dans les quatrième, septième et neuvième alinéas du II dudit texte, de remplacer (trois fois) les mots : « de la prime » par les mots : « du crédit d'impôt » ;
E. - Dans le sixième alinéa du II dudit texte, de remplacer les mots : « la prime calculée conformément aux 1° et 2° est majorée » par les mots : « le crédit d'impôt calculé conformément aux 1° et 2° est majoré » ;
F. - Dans la première phrase du premier alinéa du IV dudit texte, de remplacer les mots : « de la prime accordée » par les mots : « du crédit d'impôt accordé » ;
G. - Dans le troisième alinéa du IV dudit texte, de remplacer les mots : « de la prime » par les mots : « du crédit d'impôt » ;
H. - Dans le V dudit texte, de remplacer les mots : « de la prime » par les mots : « du crédit d'impôt ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit simplement de baptiser la mesure conformément à sa nature. Jusqu'à présent, il n'était en effet jamais venu à l'idée de personne de qualifier de « prime » les dispositifs qui étaient des crédits d'impôt, lesquels sont déjà nombreux dans notre législation fiscale. De plus, le Gouvernement reconnaît lui-même qu'il s'agit d'un crédit d'impôt, et vous avez d'ailleurs été très claire à cet égard, madame la secrétaire d'Etat, au cours du débat. Dans le paragraphe IV de l'article unique, il est indiqué que l'imputation du crédit d'impôt se fait comme pour les autres crédits d'impôt. Selon la lecture littérale que l'on peut faire du texte que vous nous soumettez, il s'agit bel et bien d'un crédit d'impôt. Puisque l'on veut la chose, il faut dire son nom : « crédit d'impôt ».
Il ne s'agit pas d'un impôt négatif, madame Beaudeau. Je ne reviendrai pas sur ce point, car il a fait l'objet non pas d'un débat sémantique, mais d'un débat substantiel, évoqué aux pages dix-sept et dix-huit du rapport écrit. Je me permets de vous y renvoyer. En novembre dernier, au Sénat, Mme Guigou nous avait dit : « Ce que vous proposez, c'est l'impôt négatif. » Il lui avait alors été répondu que l'impôt négatif était une autre vision globale de la fiscalité, que, bien entendu, nous n'en étions pas là et que le crédit d'impôt est un dispositif technique, spécifique, cherchant à atteindre une série d'objectifs. Cette mesure n'a aucunement vocation à se substituer à tout le reste de la fiscalité sur le revenu et à l'ensemble des allocations distribuées pour soutenir telle ou telle catégorie de la population.
La commission attache une réelle importance à cet amendement car il symbolise la nature même du texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je ne conteste pas qu'il s'agit d'un crédit d'impôt.
Il existe toutes sortes de crédits d'impôt. J'ai parlé tout à l'heure, en répondant aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, du « crédit d'impôt moquette ». J'aurais pu citer de la même façon l'avoir fiscal, qui est un crédit d'impôt. « Crédit d'impôt » est un terme générique.
Si vous relisez bien le texte du projet de loi, vous constaterez qu'il vise un droit à récupération fiscale intitulé « prime pour l'emploi ». Le texte distingue donc bien l'appellation : « prime pour l'emploi » de la nature juridique du dispositif, qui, en l'occurrence, a été qualifié par le Conseil d'Etat lui-même, puisqu'il s'agit de l'oeuvre du Conseil d'Etat, de « droit à récupération fiscale ».
Par ailleurs, sur le strict plan pratique, nous avons longuement évoqué au cours de la discussion générale les difficultés que nous avons rencontrées, qui sont réelles auprès de nos concitoyens, pour faire connaître la prime pour l'emploi.
Alors, de grâce, je crois qu'il n'est pas utile, au-delà des questions juridiques qui me paraissent correctement traitées dans le texte tel qu'il vous est présenté, de complexifier encore le dispositif. Laissons-le se diffuser dans l'opinion publique sous le nom qui est le sien, à savoir : « prime pour l'emploi ».
Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse En l'occurrence, il s'agit d'une « chicaïa » qui ne devrait pas retenir longtemps l'attention de la Haute Assemblée.
Sur le plan technique, c'est un crédit d'impôt.
M. Roland du Luart. Alors, pourquoi ne pas le dire ?
M. Michel Charasse. Qu'est-ce qui interdit de baptiser ce crédit d'impôt « prime pour l'emploi » ? Rien ! D'ailleurs, pour le dispositif de l'avoir fiscal, comme Mme le secrétaire d'Etat vient de le rappeler, on a retenu l'appellation d'« avoir fiscal » ; on aurait pu retenir celle de « crédit d'impôt ».
L'appellation « prime pour l'emploi » correspond mieux à la volonté d'incitation du Gouvernement. Elle a surtout l'avantage de concerner des publics qui, contrairement à ceux qui bénéficient de l'avoir fiscal, sont peu familiarisés avec les noms baroques de la législation fiscale. « Crédit d'impôt », pour un pauvre qui ne paie pas d'impôt, ou qui en paie bien peu, cela ne veut pas dire grand-chose. En revanche, « prime pour l'emploi », c'est une appellation beaucoup plus claire.
Par conséquent, monsieur le rapporteur, vous avez satisfaction sur le plan technique. L'article comporte même une disposition aux termes de laquelle ce dispositif est traité comme un crédit d'impôt. Donc, je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait à faire disparaître dans la loi l'appellation « prime pour l'emploi ».
Monsieur le rapporteur, si vous aviez écrit : « un crédit d'impôt dénommé prime pour l'emploi », à la limite, pourquoi pas ? En effet, ce qui compte, c'est l'appellation que nous souhaitons, les uns et les autres, faire apparaître à l'oeil de l'opinion, en particulier des bénéficiaires. Si, demain, les quotidiens annonçaient que le Sénat a supprimé la prime pour l'emploi et l'a remplacée par un crédit d'impôt, alors que l'on ne change rien au dispositif, personne n'y comprendra rien. S'agissant de publics modestes et par nature fragiles, je crois que, plus on les traite d'une façon simple et directe, mieux cela vaut.
M. Hilaire Flandre. Il faut surtout mieux les payer !
M. Michel Charasse. La loi ne vaut, monsieur le rapporteur, que si elle est comprise. Entre la technique, qui est un bon sujet de faculté de droit - ou de commission des finances - et l'appellation, il y a un monde que le groupe socialiste ne franchira pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. François Trucy. Heureusement que vous êtes là pour donner des explications !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 220
Contre 99

Par amendement n° 5, MM. Nogrix, Deneux, Huchon, Barraux, Souplet, Moinard, Jarlier, Machet et Le Breton proposent :
A. - De compléter le premier alinéa du B du I du texte présenté par l'article unique pour l'article 200 sexies du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, le seuil inférieur de 20 575 francs n'est pas applicable aux revenus d'activités non salariées exercées à temps plein, tout au long de l'année civile. »
B. - Afin de compenser la perte de recettes résultant du A, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant de l'extension de l'avantage fiscal institué par l'article 200 sexies du code général des impôts à tous les revenus d'activités non salariées exercées à temps plein, tout au long de l'année civile, est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « I. - ».
La parole est M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Dans le projet de loi, la prime pour l'emploi n'est susceptible d'être attribuée qu'aux personnes dont le revenu d'activité est au minimum de 0,3 SMIC.
Si ce minimum de 0,3 SMIC permet d'écarter le cas des travaux à temps très partiel et des travaux occasionnels, il a pour conséquence immédiate d'exclure de son champ d'application toutes les personnes exerçant une activité non salariée à plein temps tout au long de l'année civile et qui, pour autant, ne dépassent pas 0,3 SMIC de revenus.
Ainsi, en agriculture, ce seuil exclut près de 100 000 exploitants à faibles revenus qui exercent une activité agricole à temps plein.
Cet amendement vise donc à ce que ce seuil de 0,3 SMIC ne concerne pas les activités non salariées exercées à temps plein, pour que les personnes les plus défavorisées ne soient pas exclues du régime, alors même qu'elles disposent de revenus très faibles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser M. Marini, que des obligations impératives ont contraint à quitter cet hémicycle.
Cet amendement soulève, en effet, une vraie difficulté. Prenons le cas d'un agriculteur, qui travaille sur son exploitation et dont la femme occupe un emploi ailleurs. Il peut exercer son activité à temps partiel et avoir un revenu d'activité inférieur à 20 575 francs par an. Il n'aura donc pas droit à la mesure alors que les autres conditions sont remplies - revenu global du ménage, revenu de l'épouse, temps partiel - et qu'il occupe bien un emploi.
Notre collègue pose donc là un véritable problème sur lequel la commission des finances souhaiterait avoir l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. C'est pour un motif de stricte égalité des personnes devant l'accès à la prime pour l'emploi qu'il ne me semble pas souhaitable de mettre en place des règles dérogatoires au profit de telle ou telle catégorie de contribuables.
Je reprendrai les cas de figure qui ont été évoqués à l'instant et qui sont au demeurant assez rares.
Dans le premier cas de figure, les personnes concernées peuvent disposer fréquemment d'une autre source de revenus d'activité à titre principal. Dans ce cas, les revenus d'activité se cumulent alors, et les personnes sont finalement éligibles à la prime pour l'emploi, même si chacun de ces revenus pris individuellement est inférieur au seuil de 20 575 francs.
Dans le second cas de figure, les revenus évoqués sont constitués de revenus de remplacement. Dans cette dernière hypothèse, il n'est pas anormal que les revenus d'activité inférieurs à 20 575 francs soient exclus de la prime pour l'emploi, comme c'est le cas pour l'ensemble des contribuables.
Sous le bénéfice de ces remarques, et considérant qu'il s'agit de cas extrêmement rares, alors que nous souhaitons un dispositif général, simple et lisible, je souhaiterais que vous acceptiez de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Je regrette, madame la secrétaire d'Etat, que, à vos yeux, 100 000 personnes touchées, ce soit peu. Le secteur de l'agriculture est suffisamment affecté actuellement pour que l'on veuille que ces personnes, qui ne disposent pas de revenu financier autre que celui de leur travail, profitent de cette prime pour l'emploi.
M. Joseph Ostermann. Tout à fait !
M. Philippe Nogrix. Il me semble que, si elles travaillent certes chez elles, elles n'en occupent pas moins un emploi.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur. La commission des finances partage tout à fait l'avis de notre collègue Philippe Nogrix. Je peux en effet vous assurer, madame le secrétaire d'Etat, que les agriculteurs des zones de montagne, zones que je connais bien, sont souvent confrontés à cette situation et qu'ils seraient donc exclus de l'avantage de la prime pour l'emploi, ce que nous ne pouvons pas accepter.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, MM. Huriet, Machet et Nogrix proposent :
A. - Dans le deuxième alinéa ( a ) du 3° du B du I du texte présenté par l'article unique pour l'article 200 sexies du code général des impôts, après les mots : « définis à l'article 79 », d'insérer les mots : « et leurs accessoires, y compris les indemnités journalières, visés à l'article 80 quinquies , ».
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant des dispositions du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'intégration des indemnités journalières visées à l'article 80 quinquies dans les revenus d'activité professionnelle pris en compte pour le calcul de la prime pour l'emploi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le dispositif institué par la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait expressément que les indemnités journalières versées par la sécurité sociale au titre de l'assurance maladie ouvriraient droit à la possibilité d'une ristourne de CSG ou de CRDS.
Cet amendement a pour objet d'éviter toute interprétation qui serait préjudiciable aux droits des titulaires des indemnités en question pour le calcul de la future prime pour l'emploi. En effet, ou bien la lecture a des effets restrictifs du fait que les accessoires ne sont pas cités, ou bien l'on applique les règles générales incluant les accessoires ; mais il ne faut pas laisser la décision à la discrétion de l'administration fiscale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur. Cet amendement apparaît superflu dans la mesure où le texte vise l'article 79 du code général des impôts pour la détermination des revenus d'activité, et notamment les indemnités. Il convient cependant que ces indemnités soient bien imposables.
Par ailleurs, les documents d'information fournis par l'administration fiscale précisent explicitement que les indemnités journalières imposables au titre de l'impôt sur le revenu entrent dans l'assiette des revenus d'activité. Si nous avons confirmation de cette disposition par le Gouvernement, nous demanderons alors à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je confirme tout à fait les propos de M. le rapporteur et n'ai rien à y ajouter.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Il me fallait cette confirmation. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Par amendement n° 6, MM. Nogrix, Deneux, Huchon, Barraux, Souplet, Moinard, Jarlier, Machet et Le Breton proposent :
A. - Dans le dernier alinéa du I du texte présenté par l'article unique pour l'article 200 sexies du code général des impôts, après les mots : « 44 decies », d'insérer les mots : « et 73 B ».
B. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant de la prise en compte de l'abattement sur les bénéfices agricoles pour l'octroi de l'avantage fiscal institué par l'article 200 sexies du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Les jeunes agriculteurs bénéficient, durant leurs soixante premiers mois d'activité et sous certaines conditions, d'un abattement de 50 % sur leurs bénéfices.
Afin qu'ils ne soient pas pénalisés, et par cohérence avec les dispositions applicables aux entreprises artisanales, industrielles et commerciales, pour l'appréciation des revenus agricoles, il est proposé de retenir le bénéfice agricole avant application de cet abattement.
M. Michel Charasse. Cela va de soi !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun, rapporteur. Le texte du projet de loi est très cohérent et pose un principe simple : seuls les revenus d'activités imposables donnent droit à la mesure. En ce sens, l'adoption de l'amendement n° 6 ne paraît pas souhaitable : on ne peut pas à la fois vouloir diminuer son revenu imposable pour le calcul de l'impôt et l'augmenter par le bénéfice de la prime. On ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre et... le sourire de la crémière ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Ah !
M. Gérard Braun, rapporteur. Par ailleurs, il n'est pas certain que cette situation ne favorise pas le jeune agriculteur. Dans certains cas, en raison de la dégressivité de la prime, il lui sera plus intéressant de calculer la prime sur un revenu imposable divisé par deux que sur un revenu imposable complet.
M. le président. Je pense que nous allons avoir le sourire de Mme le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas répéter en moins bien ce qui vient d'être dit, à quoi je souscris pleinement.
M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Philippe Nogrix. Actuellement, les pauvres jeunes agriculteurs n'ont ni le beurre ni l'argent du beurre. Quant au sourire de la crémière, ce serait vraiment un superflu dont ils n'ont pas besoin !
M. Roland Muzeau. Et les salariés de Marks et Spencer ? Et ceux de Dunlop ?
M. Philippe Nogrix. Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
Par amendement n° 2, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter le V du texte proposé par l'article unique pour l'article 200 sexies du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée :
« Pour bénéficier du crédit d'impôt au titre des revenus de 2000, les contribuables peuvent adresser ces indications à l'administration fiscale jusqu'à l'émission des rôles d'impôt sur le revenu dont la date sera fixée par le ministre chargé de l'économie et des finances. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Braun, rapporteur. C'est un amendement important auquel M. Marini tient absolument.
Le mécanisme proposé par le Gouvernement recèle une incohérence juridique lourde de conséquences pour les bénéficiaires potentiels du crédit d'impôt comme pour l'administration fiscale : le texte que nous discutons n'étant pas encore en vigueur, personne n'est obligé de remplir les cadres prévus dans la déclaration de revenus ; mais quand il aura été adopté, il faudra donner les indications de revenus d'activité et de temps de travail. Il en résulte une incohérence : on privera les bénéficiaires potentiels du bénéfice de la prime parce qu'ils n'auront pas rempli des cadres qu'ils n'avaient pas à remplir, dans la mesure où le texte n'était pas adopté !
Nul besoin, d'ailleurs, d'analyse approfondie : la presse s'est largement fait l'écho des difficultés rencontrées d'application de la mesure puisqu'une proportion très importante de contribuables n'ont pas rempli les cadres nécessaires dans leur déclaration de revenus.
La commission des finances propose donc, par cet amendement, une mesure transitoire tendant à prévoir que les contribuables pourront transmettre à l'administration fiscale les indications de revenus et de temps de travail nécessaires à l'obtention du crédit d'impôt, et ce, jusqu'à l'émission des rôles d'impôt sur le revenu dont la date sera fixée par le ministre chargé de l'économie et des finances.
On nous objectera qu'il est possible de rédiger une déclaration rectifiée ; mais cette solution simple pour les agents chargés d'appliquer la législation fiscale, qui sont habitués à la complexité des dispositions du code général des impôts, ne l'est pas pour les 10 millions de Français bénéficiaires potentiels de la mesure.
M. Hilaire Flandre. Ce n'est déjà pas simple pour eux !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage totalement l'intention qui anime M. le rapporteur dans la mesure où il faut en effet faire le maximum pour que ceux qui ont droit à la prime pour l'emploi en bénéficient de manière effective, et ce dès cette année. C'est pourquoi nous mettrons en oeuvre avant l'été un mécanisme de relance.
Ce dispositif me paraît préférable à la suggestion formulée par M. le rapporteur. En effet, en l'état actuel du droit, les contribuables qui n'auraient pas pu bénéficier de la prime en 2001, tout simplement parce qu'ils n'auraient pas rempli les cases adéquates de leur déclaration de revenus, peuvent en réclamer l'attribution jusqu'au 31 décembre 2003, j'y insiste. Ils peuvent donc, dans ce délai, par tout moyen, fournir à l'administration fiscale les éléments démontrant qu'ils remplissent les conditions d'accès à cette prime. C'est le dispositif de droit commun applicable normalement pour l'impôt sur le revenu.
Si j'ai bien compris, votre proposition conduirait à réduire involontairement ce délai de recours, puisque les personnes intéressées ne seraient autorisées à faire valoir leur droit à la prime au titre des revenus d'activité perçus en 2000 que jusqu'à la date d'émission du rôle d'imposition correspondant, c'est-à-dire en août 2001, alors que, dans le dispositif de droit commun, le délai de recours est fixé au 31 décembre 2003.
Votre amendement est satisfait dans son esprit à la fois par les textes en vigueur et par les dispositions complémentaires que je viens de rappeler, et que M. Laurent Fabius vous a détaillées tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle je souhaite qu'il soit retiré.
M. Gérard Braun, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Braun, rapporteur. Le souci du législateur est d'aider les contribuables à pouvoir vraiment bénéficier de cette nouvelle disposition. Les mesures proposées par la commission ne font nullement obstacle à la possibilité de déposer des recours si les délais sont dépassés puisque la loi le permet. Simplement, en le précisant, on préserve davantage l'intérêt des contribuables. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Si je comprends bien M. le rapporteur, c'est complémentaire... (Mme le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur font un signe de dénégation.)
M. le rapporteur a indiqué que, si l'amendement est adopté, cela n'empêchera pas les contribuables de présenter des recours dans les délais légaux habituels, c'est-à-dire jusqu'à la fin de l'année 2003. Or, selon Mme le secrétaire d'Etat, à partir d'août 2001, les ayants droit ne pourront plus faire valoir leurs droits. Je souhaiterais que Mme le secrétaire d'Etat nous apporte des précisions à cet égard. Si j'interviens en cet instant, c'est uniquement pour que la réponse de Mme le secrétaire d'Etat figure au Journal officiel .
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. En commission, nous avons discuté de ce point, et je regrette, moi aussi, le départ de M. le rapporteur, car j'aurais parlé sous son contrôle, puisque nous avons eu, lui et moi, un dialogue assez long sur cette question.
Ce que la commission souhaitait - et, dans un premier mouvement, mon groupe s'était rallié à cette solution -, c'était que l'on fasse le maximum pour que personne ne soit oublié en 2001.
M. Gérard Braun, rapporteur. Tout à fait !
MM. Hilaire Flandre et Charles Descours. Et voilà !
M. Michel Charasse. Or, après avoir examiné un premier texte du rapporteur - veuillez m'excuser de dévoiler ici les petits secrets d'alcôve de la commission - qui était rédigé d'une façon qui ne correspondait pas exactement à cette volonté - mais c'était un pur problème rédactionnel -, le rapporteur a dit qu'il allait réfléchir à une autre rédaction. Toutefois, si les bonnes intentions demeurent, l'objection soulevée par Mme le secrétaire d'Etat est une objection technique que l'on ne peut pas négliger.
C'est pourquoi, après avoir moi-même voté et, au fond, encouragé l'adoption de cet amendement en commission, finalement, je ne le voterai pas en séance publique car, effectivement, aujourd'hui, les contribuables ont le droit de rectifier leur déclaration pendant les trois années qui suivent. Cela veut dire qu'ils disposent d'un délai de trois ans pour réclamer s'ils s'aperçoivent qu'ils ont oublié de faire valoir un droit à déduction, par exemple.
A la lecture de l'amendement de M. Marini, on a le sentiment - et je ne vois pas comment l'administration fiscale pourrait faire autrement que d'appliquer strictement le dispositif proposé - que, s'agissant de la prime pour l'emploi de l'année 2000 - puisque c'est l'année 2000 qui est visée - c'est une disposition particulière qui s'applique : celui qui, en 2002, s'apercevra qu'il a oublié, avant la sortie des feuilles d'impôt de 2001, de faire valoir son droit à la prime pour l'emploi ne pourra plus obtenir le paiement de cette prime, alors que les textes actuels le lui permettent.
A la limite, si l'on avait mentionné dans l'amendement : « sous réserve des dispositions actuelles qui sont toujours applicables..., on peut, à titre exceptionnel, pour cette année, aller jusqu'au délai limite du jour où les feuilles d'imposition sortent de l'ordinateur », la mesure aurait été techniquement acceptable. Malheureusement, l'amendement n'est pas rédigé ainsi. J'avoue franchement qu'avec mes amis nous avions pensé le sous-amender pour préserver les deux possibilités. Mais, à cette heure, c'est trop compliqué !
Par conséquent, non seulement je renonce à présenter un sous-amendement, mais je pense qu'il ne faut pas retenir l'amendement, parce que la mesure serait restrictive par rapport au droit actuel. Je regrette de m'être un peu « emballé » en commission sur ce sujet... mais péché avoué est à moitié pardonné ! Pour le reste, peut-être ai-je un « crédit », mais pas un « crédit d'impôt ». (Sourires.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je souhaite rendre hommage à la préoccupation du Sénat, que nous partageons tous, qui est de faire en sorte que ce droit soit effectif.
M. Charasse a expliqué on ne peut plus clairement les raisons pour lesquelles le maintien du droit actuel nous paraît plus favorable aux bénéficiaires de la prime pour l'emploi que ne le serait le dispositif proposé dans l'amendement de la commission, dispositif qui, je le confirme, est tout à fait exclusif du droit commun.
Bien évidemment, nous n'accordons pas la priorité à ce dispositif qui, pour nous, est le dernier des derniers filets de sécurité. Nous allons concentrer tous nos efforts pour que les bénéficiaires de la prime pour l'emploi puissent la percevoir dès cette année. Mais, au cas où... - et l'expérience nous prouve qu'il existe des cas de ce type - il est utile que les personnes concernées puissent bénéficier du délai maximum autorisé par la loi, c'est-à-dire trois ans, pour éventuellement demander le remboursement de cette prime.
Je crois que nous pourrions nous mettre d'accord sur le fait que le droit commun est, finalement, le dispositif le plus favorable.
M. Hilaire Flandre. Il n'est pas remis en cause !
M. Gérard Braun, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Braun, rapporteur. Nous faisons là un travail de commission, ce qui n'est pas le rôle de notre assemblée réunie en séance publique.
Compte tenu du consensus qui semble se dégager et n'étant pas le rapporteur en titre, je maintiens l'amendement, au nom de la commission.
A quelques jours d'intervalle, M. Charasse a émis, aussi brillamment en commission que dans cet hémicycle, deux avis tout à fait différents. Cela semble prouver qu'une réflexion doit être menée avant la réunion de commission mixte paritaire. Peut-être pourrons-nous rapprocher nos points de vue.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Vous l'avez déjà eue, monsieur Charasse, pour le même motif !
Mais je vais considérer que tout à l'heure, vous vous êtes exprimé contre l'amendement. (Sourires.)
Je vous donne donc la parole pour explication de vote.
M. Michel Charasse. J'approuve les propos qui ont été tenus par M. le rapporteur s'agissant d'une réflexion à mener avant la commission mixte paritaire.
On pourrait prévoir, ce qui correspondrait exactement - je parle sous le contrôle de mes collègues de la commission des finances - à ce que voulait la commission, à peu près les dispositions suivantes : « Le Gouvernement fera connaître la date limite à compter de laquelle, pour les feuilles d'imposition partant sur les revenus de 2000, on ne pourra plus prendre en compte les rectifications avant l'émission de l'impôt. » Il s'agirait d'une mesure d'ordre pédagogique. C'est ce que voulait la commission !
On doit pouvoir arriver à trouver un dispositif qui permette de dire : « Au-delà de cette barrière, on ne peut plus prendre en compte les primes dans les feuilles d'imposition que vous allez recevoir ».
Moyennant quoi, je voterai contre l'amendement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
M. Bernard Angels. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Angels. M. Bernard Angels. Malgré les modifications qui ont été apportées par la majorité du Sénat et dans la mesure où notre groupe approuve, bien entendu, l'orientation générale de cette prime pour l'emploi, nous voterons pour.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'article unique du projet de loi.

(L'article unique est adopté.)

Intitulé du projet de loi