SEANCE DU 4 AVRIL 2001


M. le président. « Art. 3. - I. - Le livre III du code forestier est complété par un titre VII intitulé : "Accueil du public en forêt" et comprenant un article L. 370-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 370-1 . - Dans les forêts relevant du régime forestier et en particulier dans celles appartenant au domaine privé de l'Etat et gérées par l'Office national des forêts en application de l'article L. 121-2, l'ouverture des forêts au public doit être recherchée le plus largement possible. Celle-ci implique des mesures permettant la protection des forêts et des milieux naturels, notamment pour garantir la conservation des sites les plus fragiles ainsi que des mesures nécessaires à la sécurité du public.
« Dans les espaces boisés et forestiers ouverts au public, le document d'aménagement arrêté dans les conditions prévues aux articles L. 133-1 ou L. 143-1 ou le plan simple de gestion approuvé en application de l'article L. 222-1 intègre les objectifs d'accueil du public. »
« II. - Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :
« 1° Au sixième alinéa de l'article L. 142-2, les mots : "appartenant aux collectivités locales" sont remplacés par les mots : "appartenant aux collectivités publiques" ;
« 2° La première phrase du premier alinéa de l'article L. 130-5 est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Les collectivités publiques ou leur groupement peuvent passer avec les propriétaires de bois, parcs et espaces naturels des conventions tendant à l'ouverture au public de ces bois, parcs et espaces naturels. Dans le cas où les bois, parcs et espaces naturels sont situés dans des territoires excédant les limites territoriales de la collectivité contractante ou du groupement, le projet est soumis pour avis à la ou aux collectivités intéressées ou à leur groupement. Cet avis est réputé favorable si un refus n'est pas intervenu dans un délai de trois mois. »
« III. - Le premier alinéa de l'article 1716 bis du code général des impôts est complété par les mots : "ou d'immeubles en nature de bois, forêts ou espaces naturels pouvant être incorporés au domaine forestier de l'Etat".
« IV. - Tout bail portant sur l'utilisation par le public de bois et forêts peut prévoir que le preneur est responsable de l'entretien de ceux-ci. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 48, M. François, au nom de la commission des affaires économiques, propose de supprimer le premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 370-1 à insérer dans le code forestier.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Poniatowski et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 254 vise, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier, après les mots : « domaine privé de l'Etat », à insérer les mots : « situées en zone périurbaine ».
L'amendement n° 255 tend à compléter la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier par les mots : « , dans le respect de leurs autres fonctions. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 48.
M. Philippe François, rapporteur. L'article 3 du projet de loi modifie diverses dispositions du code forestier, du code de l'urbanisme et du code général des impôts, afin de renforcer l'ouverture au public des espaces boisés et des forêts. On ne peut que souscrire à cet objectif dès lors que les charges et les contraintes qui en résultent sont correctement identifiées et prises en compte.
Néanmoins, il vous est proposé, par cet amendement, de supprimer un alinéa ajouté par l'Assemblée nationale, affirmant le principe d'une large ouverture au public des forêts relevant du régime forestier, et en particulier de celles qui appartiennent à l'Etat.
Outre le faible caractère normatif de cette disposition, cette affirmation de principe a déjà été faite, à plusieurs reprises, dans le livre préliminaire introduit dans le code forestier par l'article 1er du projet de loi. L'article L. 370-1 précise seulement les conditions de mise en oeuvre de ce principe, à travers les documents d'aménagement.
De plus, cet ajout crée une certaine confusion : certes, il ne concerne que les forêts publiques, mais le second alinéa de l'article L. 370-1 traite également des forêts privées, en mentionnant le plan simple de gestion, ce qui pourrait laisser croire que l'obligation de développer largement l'accueil du public leur est également applicable.
Pour toutes ces raisons, il vous est donc proposé de supprimer cet alinéa.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski, pour présenter les amendements n°s 254 et 255.
M. Ladislas Poniatowski. En l'occurrence, il s'agit du volet relatif à l'accueil du public en forêt. Nous savons tous que c'est un élément important du projet de loi. Nous sommes à une époque où les habitudes changent. Même si cela déplait à certains, il faut se faire une raison. En effet, la nouvelle vocation sociale de la forêt est incontournable.
Pour ma part, je souhaite travailler dans le sens du maintien de cette rédaction de l'article L. 370-1 du code forestier, en essayant de l'adapter de différentes manières, notamment par ces deux amendements. Je préfère jouer le jeu, plutôt que de supprimer la disposition concernée. En effet, si nous la supprimons, il n'y aura plus de débat et chacun sait qu'elle sera rétablie à l'Assemblée nationale. Ou bien, c'est le dialogue de sourds ; ou bien on travaille pour tenter de voir comment on peut améliorer cet accueil du public, où il va avoir lieu et ce qu'on y fait.
Compte tenu de l'amendement n° 254, la première phrase du texte proposé pour l'article L. 370-1 se lirait ainsi : « Dans les forêts relevant du régime forestier et en particulier dans celles appartenant au domaine privé de l'Etat et situées en zone périurbaine et gérées par l'Office national des forêts... ». Le fait de préciser qu'il s'agit des forêts « en particulier situées en zone périurbaine » ne signifie pas que l'ouverture au public sera interdite ailleurs. En effet, aux termes de la rédaction, l'ouverture au public doit être recherchée « en particulier » dans les forêts appartenant au domaine privé de l'Etat et situées en zone périurbaine.
On sait que c'est là que va avoir lieu cette activité sociale. En effet, si, parmi les citadins, quelques-uns souhaitent aller en forêt de Tronçais, monsieur le ministre, la plupart d'entre eux veulent aller dans les forêts périurbaines pour y faire du jogging, de la bicyclette ou pour se promener.
D'ailleurs, si nous voulons éviter le problème soulevé par M. le rapporteur, au second alinéa de l'article L. 340-1, en ce qui concerne les forêts privées, il faut tenter d'apporter des améliorations dans les forêts périurbaines pour y favoriser l'accueil du public.
Monsieur le ministre, l'ajout que je propose, à savoir les mots « situées en zone périurbaine » n'interdit absolument pas que des choses soient faites pour accueillir le public ailleurs. En l'occurrence, il s'agit en quelque sorte de donner une priorité aux forêts situées en zone périurbaine.
J'en viens à l'amendement n° 255. Il s'agit de préciser que l'ouverture des forêts doit être recherchée « dans le respect de leurs autres fonctions ». En effet, il ne faut pas oublier les anciennes activités de la forêt, et je songe là, bien sûr, à la chasse. Il faut y penser, sinon se produiront des heurts et des conflits. Or il est parfaitement possible, notamment dans une forêt périurbaine, d'accueillir, dans certains endroits des promeneurs ou des personnes qui font de la bicyclette et, dans d'autres, des chasseurs.
C'est pourquoi je souhaiterais que le texte précise que l'ouverture des forêts au public se fera dans le respect de leurs autres fonctions, à savoir les fonctions traditionnelles, qu'il ne faut pas oublier.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 254 et 255 ?
M. Philippe François, rapporteur. L'amendement n° 48 vise à supprimer le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 370-1 du code forestier. S'il était adopté, les amendements n°s 254 et 255 n'auraient plus d'objet. La commission ne peut donc qu'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 48, 254 et 255 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Il est encore plus défavorable à l'amendement n° 48, qui tend à supprimer le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 370-1 du code forestier. En effet, la disposition que cet amendement tend à supprimer a pour objet d'affirmer de façon incontestable le principe d'une large ouverture au public des forêts qui relèvent du régime forestier, plus particulièrement de celles qui appartiennent au domaine privé de l'Etat, qui est géré par l'Office national des forêts. Le principe affiché en tête de nouveau chapitre III intitulé « L'accueil du public en forêt » est beaucoup plus précis que le principe, plus large, de satisfaction des demandes sociales énoncé à l'article 1er. Tel est donc l'esprit de cet ajout en première lecture à l'Assemblée nationale. Le libellé du texte montre clairement que cette affirmation concerne les seules forêts appartenant aux collectivités publiques.
De plus, l'article 3 précise les dispositions générales de l'article 1er en ce qu'il impose la prescription de mesures nécessaires à la protection des milieux et à la sécurité publique. Cette indication permettra de donner un fondement juridique aux limites apportées à l'ouverture au public pour limiter les risques d'accidents en forêt. L'article 3 est donc indispensable et je souhaite le rejet de l'amendement n° 48.
J'en viens aux amendements n°s 254 et 255, défendus par M. Poniatowski, qui me paraissent plus acceptables mais également inutiles.
L'amendement n° 254 a malgré tout pour objet, quoi qu'en dise M. Poniatowski, de limiter l'accueil du public dans les forêts du domaine privé de l'Etat aux seules forêts périurbaines. M. Poniatowski s'oppose au principe affirmé dans l'article 3 de la recherche la plus large possible de l'ouverture au public pour les forêts soumises au régime forestier, disposition qui se rattache à l'un des objectifs du présent projet de loi énoncé à l'article 1er.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, je rappelle que l'article 3, dans la phrase suivante, impose aussi aux gestionnaires des mesures pour la protection des milieux naturels et la sécurité du public, pour tenir compte de l'ouverture au public des forêts concernées.
Mais, comme nous l'avons dit précédemment dans le débat à plusieurs reprises, citer certaines forêts reviendrait à exclure les autres.
L'amendement n° 255, quant à lui, vise à conditionner le rôle d'accueil du public et des forêts soumises au régime forestier au respect des autres fonctions de la forêt. Cela va de soi puisque cela est expressément énuméré à l'article 3, qui indique que les mesures nécessaires à la protection et à la conservation des sites ainsi qu'à la sécurité du public doivent être mises en place dans les forêts de l'Etat et des collectivités locales pour tenir compte de leur ouverture au public. Je considère donc que cet amendement n'est pas non plus nécessaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Au fond, vous êtes certes d'accord avec le principe d'une large ouverture au public, mais simplement dans le discours ! En effet, ensuite, vous supprimez tout ce qui peut faciliter cette ouverture...
M. Philippe François, rapporteur. Non !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. D'une manière ou d'une autre, vous restreignez la portée de l'article par vos amendements.
Je crois, pour ma part, qu'il ne faut pas commettre cette erreur. Il s'agit là d'une demande sociale à laquelle nous devons répondre par une large ouverture au public. C'est pourquoi je m'oppose à toute mesure restreignant cette dernière.
M. Philippe François, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Monsieur le ministre, le texte adopté par l'Assemblée nationale pour l'article L. 370-1 prévoit que « l'ouverture des forêts au public doit être recherchée le plus largement possible », alors que le texte initial du projet de loi indiquait que, « dans les espaces boisés et forestiers ouverts au public, le document d'aménagement arrêté dans les conditions prévues aux articles L. 131-1 ou L. 143-1 ou le plan simple de gestion approuvé en application de l'article L. 222-1 intègrent les objectifs d'accueil au public ».
Cela signifie que l'on met dans le même régime la forêt privée et les forêts de l'ONF.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais non !
M. Philippe François, rapporteur. Mais si, monsieur le ministre ! Il y a là une confusion entre les deux, qui ne peut pas être acceptée.
Nous avons créé, cet après-midi, un outil remarquable, qui est la convention ; dans ces conditions, restons-en là ! La convention peut être permanente. Nous invitons à la plus large ouverture au public d'abord la forêt publique, puis la forêt privée. Mais laissons les gens se mettre d'accord entre eux pour ouvrir de telle ou telle façon, ou ne pas ouvrir, leurs forêts. Il y a quelquefois des nécessités. Ainsi, la chasse, par exemple, pose beaucoup de problèmes.
Il existe certes la forêt périurbaine, qui est un cas un peu particulier. La forêt domaniale de Fontainebleau, par exemple, qui est située dans mon département, peut être considérée comme une forêt périurbaine : même si elle est à cinquante kilomètres de Paris, elle est sillonnée par treize millions de visiteurs tous les ans. Donc, le problème est pratiquement résolu.
Le même département de Seine-et-Marne abrite un certain nombre de grands massifs forestiers, telle la forêt de Meaux : les uns appartiennent à l'Etat, les autres à des particuliers. Ils peuvent être soumis à un régime différent.
Par conséquent, je suis partisan d'en rester au système de conventions que nous avons établi cet après-midi, sans entrer dans le détail. C'est pourquoi je propose de supprimer cet alinéa.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 48.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je suis contre l'amendement n° 48, car je pense sincèrement que, en 2001, c'est une erreur de se déclarer hostile à l'accueil du public dans les forêts.
M. Philippe François, rapporteur. Nous n'y sommes pas hostiles !
M. Ladislas Poniatowski. Je crois que c'est une erreur ! Bien sûr, quand une convention existe, toute une série de conditions sont établies, et j'en propose notamment un certain nombre. Mais je crois que l'on a tort, à notre époque, de ne pas ouvrir les forêts au public. D'ailleurs, la venue du public est déjà une réalité.
Certes, il existe - vous en connaissez tous, dans vos régions - des forêts situées dans des zones assez isolées où la nature prédomine complètement ; et il y en a d'autres, plus proches de certaines villes, où le public pénètre. Je pense qu'en le niant ou en l'ignorant, on est à côté de la plaque !
M. Philippe François, rapporteur. Nous ne l'ignorons pas !
M. Ladislas Poniatowski. A mon avis, le Sénat devrait plutôt se déclarer favorable à l'accueil du public. C'est pourquoi je suis hostile à cet amendement.
Monsieur le ministre, vous avez tort de vous déclarer hostile à mes deux amendements. Je vous renvoie aux craintes exprimées par M. le rapporteur : elles existent partout. Par conséquent, mieux vaut être convaincant et accepter la mise en place d'un certain nombre de barrières. Les forêts périurbaines existent, et c'est là qu'il convient de favoriser l'accueil du public.
Il est un autre argument que je n'ai pas encore avancé : l'accueil du public va coûter de l'argent. Qui va payer ? L'ONF bien sûr ! Mais cet organisme n'est pas actuellement demandeur dans la mesure ou son budget est déjà totalement déficitaire ; il est, de plus, confronté au bilan de la forêt et aux rentrées moins importantes que d'habitude. Il n'a donc pas la possibilité de faire face aux charges importantes, tel, notamment, l'équipement de parkings, de campings, d'étapes et autres qui lui seraient imposées. Par conséquent, en favorisant l'accueil du public dans les zones périurbaines, nous rendons indirectement service à l'ONF.
Je pense qu'il faut à la fois être favorable à l'accueil du public et mettre en place un certain nombre de protections afin que l'espace puisse être partagé entre les divers usagers de la forêt : comme dans le projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'occasion de la discussion duquel nous avions mis en avant la nécessité, pour les divers intervenants - piétons, motards, automobilistes - de se respecter, il faut rappeler aux nouveaux usagers de la forêt, qui sont de plus en plus nombreux, qu'ils doivent respecter les anciens usagers que sont, notamment, les chasseurs.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Cela, à mon avis, n'a rien de choquant.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il faut que vous teniez compte de ces craintes et de ces réticences qui existent - j'en veux pour preuve l'intervention de M. le rapporteur - et que vous acceptiez la mise en place de certains garde-fous.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Je suis hostile à l'amendement n° 48, car, si ce dernier était adopté, mes amendements n'auraient alors plus de raison d'être. Mais en acceptant l'accueil du public et en mettant certains garde-fous, nous allons, je crois, dans le bon sens.
M. Daniel Hoeffel. Il a raison !
M. Philippe François, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Je veux rappeler à M. Poniatowski que la commission a déposé cinq amendements que nous examinerons en suite et qui prévoient justement l'organisation de l'accueil en forêt. Elle n'est donc pas du tout hostile à celui-ci.
Cependant, nous sommes convenus, à l'un des articles précédents, d'établir des systèmes de convention. Même pour l'ONF, ces systèmes présentent un avantage puisqu'ils lui permettent de se dégager, partiellement en tout cas, de ses charges.
Cela ne veut pas dire que l'ONF est hostile aux visites du public ; cela signifie seulement que notre conception de la méthode à employer pour les organiser est différente de la vôtre : nous considérons que mieux vaut laisser les gens libres de faire ce qu'ils veulent faire par convention, avec des filets de sécurité que nous allons proposer tout à l'heure sur le plan notamment des assurances et des responsabilités pénales et civiles. Cela n'a rien d'une entrave, au contraire, à l'accueil du public.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. J'avoue franchement que je suis gêné quand je constate que l'on veut empêcher la société de pouvoir profiter de ces espaces boisés. J'ai certes entendu les propos de M. le rapporteur, qui nous a expliqué que d'autres amendements visent à coordonner, à organiser cet accueil en forêt. Néanmoins, si nous supprimons l'accueil du public dans les espaces boisés, ce sera au détriment de l'image du Sénat, qui, dira-t-on, n'a pas voulu suivre la société.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Jean-Marc Pastor. Par conséquent, cessons de fermer les yeux face à l'évolution de notre société. Cette dernière attend que les forêts lui soient ouvertes. Acceptons-le, quitte, ensuite, par amendements - et il y en a - à corriger, à harmoniser, à recadrer un peu cette utilisation de l'espace forestier et cette ouverture au public.
Monsieur Poniatowski, je vous rejoins quand vous dites que vous êtes hostile à cet amendement n° 48 : nous le sommes aussi.
Vous avez défendu également deux amendements, sur lesquels je voudrais dire quelques mots.
S'agissant tout d'abord de l'amendement n° 254, le problème de l'accueil du public ne se pose pas seulement dans les forêts situées en zone périurbaine, même si ces dernières sont certainement plus sollicitées que des forêts plus éloignées de l'espace urbain. En effet, des gens se promènent, le week-end, dans toutes nos forêts. Il faut donc permettre un partage du territoire entre tous les utilisateurs, que ce soit les chasseurs, les promeneurs, les enfants, voire les jeunes des quartiers difficiles que l'on va retirer du monde urbain, et mieux vaut donner du Sénat l'image d'une assemblée mettant tout en oeuvre pour les accueillir que celle d'une assemblée voulant supprimer l'ouverture des forêts au public.
Par ailleurs, s'agissant de l'amendement n° 255, qui vise à tenir compte de toutes les fonctions des forêts, c'est effectivement une notion qu'il faut prendre en compte, monsieur Poniatowski.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je suis également défavorable à l'amendement n° 48.
La loi d'orientation sur la forêt va être perçue par des millions de Français à travers ce prisme-là. Il est vrai que le volet économique de ce texte, avec la relance de la filière bois, est très important ; mais l'accès du public à l'ensemble des forêts est tout à fait essentiel.
Nous savons tous que le pire service que nous pourrions rendre à nos forêts serait de laisser chacun venir y faire n'importe quoi, n'importe quand et n'importe comment : ce serait anti-écologique. Donc, bien sûr, il faudra que les conventions viennent encadrer cet accès du public. C'est un apprentissage de la relation de l'homme avec la nature. C'est là une très bonne expérience que les Français vont pouvoir approfondir, en tout cas dans le cadre de leur temps libre et de leurs congés.
Il est vrai que toutes les forêts, qu'elles soient périurbaines ou de montagne, par exemple, qui sont fréquentées par des centaines de milliers de personnes chaque été, doivent s'ouvrir au public moyennant, bien sûr, des voies d'accès et des réglementations précises. C'est ainsi qu'il faut concevoir cette nouvelle ouverture des forêts à l'ensemble du public français.
Voilà pourquoi je voterai contre l'amendement n° 48.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Dans le fond, les arguments respectivement présentés par M. le rapporteur, d'une part, et par M. Poniatowski et d'autres de ses collègues, d'autre part, sont complémentaires.
Lorsque notre collègue Philippe François propose que, par voie de convention, on puisse encadrer l'exercice de la liberté, il a raison : la forêt ne doit pas être un espace que l'on puisse utiliser de manière anarchique. Il est bon que des conventions fixent un certain nombre de règles. Mais il faut qu'au préalable le principe de la liberté d'accès à la forêt soit très clairement exprimé. A défaut, nous en arriverions à une situation où, selon les lieux, selon les villes, il y aurait, d'un côté, libre accès et, d'un autre côté, interdiction d'accès. Plus que jamais, la population urbaine et périurbaine ressent le besoin de pouvoir utiliser cet espace de liberté que représente la forêt.
Je suis persuadé que M. le rapporteur sera en définitive d'accord, l'esprit commun exprimé par les uns et les autres étant de ne pas persévérer dans la présentation de son argument. Dans le fond, lorsque ses arguments relatifs à la possibilité de recourir à des conventions auront été acceptés, il aura eu, pour l'essentiel, gain de cause. Mais il faut d'abord affirmer le principe de la liberté d'accès avant d'encadrer ensuite cette liberté ! Il n'y a pas en cela contradiction !
M. Philippe François, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Je souhaite simplement rappeler que nous avons voté aujourd'hui à l'article 1er, s'agissant des dispositions préliminaires, les mesures suivantes : « Les forêts publiques satisfont de manière spécifique à des besoins d'intérêt général, soit par l'accomplissement d'obligations particulières dans le cadre du régime forestier, soit par une attention soutenue à des activités telles que l'accueil du public, la conservation des milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique. » En aucun cas nous n'avons imaginé de ne pas en admettre le principe.
M. Jean-Louis Carrère. C'est pourquoi il faut le laisser !
M. Philippe François, rapporteur. Mon combat est un peu un baroud d'honneur, mais je défends la position de la commission.
Il est proposé, par cet amendement n° 48, de supprimer un alinéa, introduit par l'Assemblée nationale, affirmant le principe d'une large ouverture au public des forêts relevant du régime forestier, en particulier celles qui appartiennent au domaine de l'Etat. Il s'agit non pas de la suppression du fait d'affirmer, mais de la suppression de la forme d'affirmer.
Je dis cela, car je souhaite que l'on revienne à la notion de convention, qui me paraît essentielle. Il faut laisser les gens libres de faire ce qu'ils entendent ! Je sais que notre proposition ne sera pas retenue. Il est donc inutile de discuter plus longtemps.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais tout d'abord être sûr que les divergences qui nous opposent sont importantes.
M. Philippe François, rapporteur. Il n'y a pas de grandes divergences !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Peut-être pas, mais il faut alors que nous nous entendions et que nous échangions nos arguments. Ne vous considérez pas battu d'avance, monsieur le rapporteur. Nous verrons !
Dans un premier temps, nous affichons des objectifs généraux ; vous venez de les rappeler. Ensuite, nous les déclinons les uns après les autres dans le texte. Il ne peut donc pas y avoir de contradiction. Ou alors il est inutile de faire une loi !
En l'occurrence, le présent projet de loi décline des objectifs, en particulier au sein de ce chapitre consacré à l'accueil du public en forêt, qui, comme le soulignait Jean-Marc Pastor, revêt tout de même une valeur symbolique très forte.
Par conséquent, premier point, on ne peut pas se contenter d'afficher les objectifs généraux ; il importe de les décliner.
Deuxième point : quelles sont les mesures qui posent problème ? Je veux qu'il soit bien clair entre nous que, dans le premier alinéa, on ne mentionne que la forêt publique, c'est-à-dire soit les forêts relevant du régime forestier et en particulier celles appartenant au domaine privé de l'Etat et gérées par l'ONF, soit les forêts qui appartiennent aux communes, soit certaines forêts appartenant à des établissements publics de type caisse d'épargne.
Il ne s'agit que de cela ! Et, pour ces forêts-là, on affiche un principe. Ce n'est pas une obligation ! On est quand même prudent. « L'ouverture des forêts au public doit être recherchée le plus largement possible » : ce principe a un effet d'affichage. Ce n'est ni une obligation, je le répète, ni une contrainte ! On affiche un cap !

Ensuite, dans un alinéa suivant, monsieur le rapporteur, on fait référence aux forêts publiques et privées. Là, on entre dans la logique de la convention, et les amendements que vous me proposerez je les accepterai parce qu'ils ne me posent aucun problème.
Peut-être n'y a-t-il pas de réelles divergences entre nous. Votre inquiétude est sans doute due au fait que vous craignez que le premier alinéa ne concerne aussi des forêts privées. Je vous rassure : il s'agit uniquement des forêts publiques pour lesquelles on affiche un cap : rechercher - ce n'est pas une obligation - le plus largement possible, l'ouverture des forêts au public.
Je crois que M. Poniatowski m'a bien compris. C'est la raison pour laquelle ces amendements s'inscrivent dans la logique du texte, même si tout à l'heure, j'ai émis un avis défavorable à leur encontre. D'ailleurs, s'agissant de l'amendement n° 255, c'est presque un problème d'ordre rédactionnel.
M. Poniatowski a compris la logique du texte, me semble-t-il, alors que vous, monsieur le rapporteur, vous exprimez une crainte qui n'est pas fondée.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Peut-être y a-t-il un malentendu entre nous sur cette affaire.
L'article 3 a un effet d'affichage. Je ne suis pas persuadé que la mention de ces dispositions dans cet article ait un fondement juridique. Il s'agit surtout d'un effet d'annonce !
Ce que l'on veut, c'est bien préciser que la forêt domaniale ou communale s'ouvre au public et l'on codifie les conditions de son accès, car on sait très bien que l'Office national des forêts n'est pas toujours très disposé à accepter l'ouverture au public des forêts d'Etat. C'est ainsi ! Toutefois, les propos tenus par notre collègue Gérard Le Cam me laissent quelque peu sceptique.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il n'avait pas bien compris !
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Pour les forêts privées, cela ne peut être retenu que s'il y a eu, dans le cadre du plan simple de gestion - il s'agit de l'article L. 222-1 - accord du propriétaire. Sinon, il y a spoliation.
M. Jean-Louis Carrère. Bien sûr !
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Et le ministre l'a clairement dit !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Très clairement !
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. On peut donc rapprocher les points de vue !
En revanche, Ladislas Poniatowski a raison lorsqu'il évoque, dans ses amendements, la notion périurbaine, car c'est là où la pression est la plus forte et il n'est pas inutile de le préciser.
Par ailleurs, sur le plan cynégétique, et je pense que mon ami Jean-Louis Carrère partagera mon point de vue - il est très important de préciser que les us et coutumes des forêts sont sauvegardés. Je parle ici à titre personnel, mais je suis membre de la commission des finances. Je sais combien les locations de terrains de chasse sont importantes pour l'équilibre financier de l'Office national des forêts. Il est toujours possible de maintenir les activités qui existaient dans le passé, à la condition de bien travailler avec les responsables de l'ONF, de façon que la chasse ne se pratique pas là où c'est dangereux pour le public et pour éviter que le public ne pénètre pas sur les terrains de chasse. On devrait parvenir à un accord.
Je prie mon collègue Philippe François, dont je respecte beaucoup l'honnêteté intellectuelle, de m'en excuser, mais je crois véritablement que l'on s'égare un peu dans cette affaire, dans la mesure où le ministre nous a bien assuré que, pour ce qui est de la forêt privée, les mesures relatives à l'ouverture au public ne peuvent s'appliquer que lorsqu'une convention a été conclue. Il faut en effet respecter celui qui paie l'impôt. Ou alors, l'Etat doit payer l'impôt à la place du particulier !
Si l'on entre dans la logique du maintien de l'article, les deux amendements présentés par M. Poniatowski me paraissent judicieux.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. M. le rapporteur me dit à voix basse : « confirmation et je retire ». Alors, je confirme totalement ! D'ailleurs, si je ne confirmais pas, vous pourriez déposer un recours devant le Conseil constitutionnel pour atteinte à la propriété privée. Je ne veux pas vous inciter à vous livrer à de telles exactions, encore que saisir le Conseil constitutionnel ne soit pas une exaction ; cela m'est arrivé.
Je confirme donc que les forêts privées ne sont concernées par ces mesures que lorsqu'une convention a été conclue.
M. Daniel Hoeffel. Très bien !
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
M. Philippe François, rapporteur. Ce débat méritait d'être tenu. Compte tenu des explications des uns et des autres, de la confirmation de M. le ministre, et de l'approbation des propositions de M. Poniatowski, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 48 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 254.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je défends aussi ardemment l'amendement n° 254 que l'amendement n° 255. J'ai compris, monsieur le ministre, que vous n'étiez pas hostile à l'amendement n° 255.
Je reviens sur l'amendement n° 254. Je vais vous donner lecture de la première phrase du première alinéa du texte proposé par le I de l'article 3, telle qu'elle serait rédigée si cet amendement était adopté : « Dans les forêts relevant du régime forestier et en particulier dans celles appartenant au domaine privé de l'Etat situées en zone périurbaine. » Cela veut dire que c'est d'abord dans les forêts situées en zone périurbaine qu'il faut favoriser cet accueil du public ; mais cela ne veut pas dire que, dans les autres forêts, il faut pas favoriser l'accueil du public. C'est là qu'il faut dépenser de l'argent prioritairement. L'accueil du public aura un coût, il faut le savoir. C'est pourquoi l'amendement n° 254 est, à mes yeux, aussi important. Bien entendu, il n'interdit en aucun cas l'accueil du public dans les autres forêts domaniales.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 254, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 255, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 49, M. François, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit le second alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 à insérer dans le code forestier :
« Dans les espaces boisés et forestiers ouverts au public, le document d'aménagement arrêté dans les conditions prévues aux articles L. 133-1 ou L. 143-1 intègre les objectifs d'accueil du public. Le plan simple de gestion agréé en application de l'article L. 222-1 intègre ces mêmes objectifs lorsqu'il concerne des espaces boisés ouverts au public en vertu d'une convention signée avec une collectivité publique, notamment en application de l'article L. 130-5 du code de l'urbanisme. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Poniatowski et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 256 a pour objet, dans le second alinéa du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier, de supprimer les mots : « ou le plan simple de gestion approuvé en application de l'article L. 222-1 ».
L'amendement n° 257 tend à compléter le second alinéa du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier par les mots : « dans le respect du droit de propriété. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Philippe François, rapporteur. Le second alinéa de l'article L. 370-1 du code forestier prévoit d'inscrire dans les documents de gestion des espaces boisés ouverts au public les objectifs d'accueil qui sont fixés.
Dans la mesure où les propriétés forestières privées ne sont ni closes ni expressément interdites au public par leur propriétaire, l'accès du public y est toléré ; c'est le cas le plus général.
Si cette tolérance souhaitable devait conduire les propriétaires à supporter des contraintes administratives supplémentaires et des surcoûts de gestion, ils seraient inévitablement incités à interdire l'accès du public à leur forêt, ce qui irait à l'encontre du but recherché.
Il convient donc de ne prévoir la prise en compte obligatoire dans le plan simple de gestion des objectifs d'accueil du public que lorsque c'est un objectif auquel le propriétaire s'est expressément engagé par convention avec une collectivité publique, ce contrat permettant, le cas échéant, de l'indemniser des surcoûts qui en résultent.
Un amendement semblable avait été présenté par la commission compétente de l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi et il avait reçu un avis favorable du Gouvernement. Mais il est devenu sans objet en raison du vote préalable d'un autre amendement sur le même article.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski, pour présenter les amendements n°s 256 et 257.
M. Ladislas Poniatowski. Ces amendements sont complètement satisfaits par l'amendement n° 49 de la commission. Par conséquent, je les retire.
M. le président. Les amendements n°s 256 et 257 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 49 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Compte tenu de l'engagement que j'ai pris tout à l'heure, je ne peux qu'émettre un avis favorable sur cet amendement. Je confirme d'ailleurs qu'à l'Assemblée nationale j'avais donné un accord explicite à cette rédaction. Ce n'est qu'en raison d'une mauvaise manoeuvre parlementaire qu'elle n'a pas été adoptée. Je suis donc heureux qu'elle soit maintenant rétablie.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 126 rectifié, MM. Delong, Althapé, Braun, César, Cornu, Doublet, Gaillard, Murat, Nachbar, Neuwirth, Joyandet et Valade proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 370-1 du code forestier par deux alinéas rédigés comme suit :
« Le plan départemental des espaces, sites, itinéraires de sports de nature ne peut inscrire des terrains situés dans les forêts dotées d'un des documents de gestion visés à l'article L. 4 du présent code qu'avec l'accord express du propriétaire ou de son mandataire autorisé, et après avis de l'Office national des forêts, pour les forêts visées à l'article L. 141-1 du présent code ou du Centre régional de la propriété forestière pour les forêts des particuliers.
« Toute modification sensible du milieu naturel forestier, due à des causes naturelles ou extérieures au propriétaire, à ses mandataires ou ayants droit, notamment à la suite d'un incendie ou de toute autre catastrophe naturelle, impliquant des efforts particuliers de reconstitution de la forêt ou compromettant la conservation du milieu ou la sécurité du public, permet le retrait du plan départemental des espaces, sites et itinéraires de sports de nature des terrains forestiers qui y avaient été inscrits dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, sans pouvoir imposer au propriétaire la charge financière et matérielle de mesures compensatoires. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 304, présenté par le Gouvernement et tendant, dans le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 126 rectifié, après le mot : « permet », à insérer les mots : « au propriétaire de demander, après avis de la commission départementale des espaces, sites, itinéraires relatifs aux sports de nature, prévue à l'article 50-2 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, ».
La parole est à M. Althapé, pour présenter l'amendement n° 126 rectifié.
M. Louis Althapé. La fonction sociale de la forêt française est aujourd'hui une réalité certaine et incontestée. La forêt publique, en particulier la forêt domaniale, doit jouer un rôle pilote en la matière, conformément aux dispositions de l'article 3 du présent projet de loi.
Les articles 51 et suivants de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000, modifiant la loi n° 84-610 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, viennent de mettre en lumière l'importance croissante des attentes de notre société en matière de sports de nature.
Toutefois, cela ne doit pas se faire sans tenir compte, d'une part, des intérêts des propriétaires, notamment pour la forêt privée dont les propriétaires n'ont pas vocation particulière à servir l'intérêt général et, d'autre part, de la fragilité de certains sites forestiers particulièrement sensibles aux risques d'érosion en cas de trop forte fréquentation et de catastrophe naturelle.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 304.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement estime que l'amendement n° 126 rectifié permet d'apporter des garanties nécessaires aux propriétaires privés ouvrant leurs forêts aux sportifs de nature.
Toutefois, ma collègue ministre de la jeunesse et des sports a attiré mon attention sur le fait qu'une procédure administrative relative à ce type de situation avait été prévue dans la loi du 16 juillet 1984 modifiée, en particulier à l'article 50, alinéa 2. Par souci de cohérence, je crois donc souhaitable de compléter l'amendement n° 126 rectifié, mais cela ne change rien sur le fond.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 126 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 304 ?
M. Philippe François, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement et au sous-amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 304, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 126 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 328, M. François, au nom de la commission des affaires économiques, propose, dans la première phrase du texte présenté par le 2° du II de l'article 3 pour remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article L. 130-5 du code de l'urbanisme, de remplacer le mot : « publiques », par le mot : « territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 328, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 258, M. Poniatowski et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, au début de la première phrase du texte présenté par le 2° du II de l'article 3 pour remplacer la première phrase du premier alinéa de l'article L. 130-5 du code de l'urbanisme, après les mots : « Les collectivités publiques », de supprimer les mots : « ou leur groupement ».
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je retire cet amendement.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est dommage, c'était une bonne idée !
M. le président. L'amendement n° 258 est retiré.
Par amendement n° 131 rectifié, MM. Jourdain, Braun, César, Cornu, Neuwirth, Joyandet et Valade proposent de compléter in fine le dernier alinéa du II par une phrase ainsi rédigée : « La responsabilité civile des propriétaires ayant signé ces conventions ne saurait être engagée par l'ouverture au public de leurs propriétés qu'en raison d'actes fautifs de leur part. »
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun. Les propriétaires de bois, de parcs et d'espaces naturels sont réticents à les ouvrir au public, notamment parce qu'ils craignent une mise en cause de leur responsabilité en cas d'incidents indépendants de leur volonté.
Cet amendement a donc pour objet de leur apporter les garanties nécessaires, comme la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement l'a fait pour les propriétaires riverains de cours d'eau.
Cet amendement participe de la même philosophie que celui que nous avions déposé, avec M. Delevoye, lors de l'élaboration de la loi tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, et qui avait trait à la responsabilité des maires.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. C'est très important !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe François, rapporteur. Cet amendement prévoit d'écarter le régime de la responsabilité du fait des choses pour les propriétaires ayant signé une convention d'ouverture au public.
Je rappelle que le régime de responsabilité du fait des choses, fixé par les articles 1382 et 1384 du code civil, est d'ordre public. En conséquence, toute disposition dérogatoire, y compris celle qui pourrait être inscrite dans la convention définie à l'article L. 135 du code de l'urbanisme, est inopposable aux tiers. En cas d'accident survenant à un promeneur, cette disposition ne pourrait donc pas s'appliquer.
C'est pourquoi la commission, très consciente du fait que ce problème de responsabilité constitue l'un des obstacles majeurs à l'ouverture des espaces naturels privés au public, entend privilégier la voie de la convention, non pas pour écarter le régime de la responsabilité du fait des choses, mais pour faire prendre en charge le coût de l'assurance qui en résulte par la collectivité qui souhaite que ces espaces soient ouverts au public. Tel est l'objet de l'amendement n° 50 de la commission.
Bien sûr, cela ne réglera pas tous les problèmes de responsabilité des propriétaires d'espaces naturels, notamment quand ceux-ci sont parcourus par le public mais ne font pas l'objet d'une convention. Je considère néanmoins que l'adoption de l'amendement de la commission favoriserait la montée en puissance de la voie conventionnelle entre propriétaires et collectivités territoriales.
Cela étant, l'amendement n° 131 rectifié a fait l'objet de nombreux débats au sein de la commission, qui a souhaité entendre le Gouvernement et s'en remettre à la sagesse du Sénat. Si le Gouvernement confirmait mon interprétation des textes et approuvait la position défendue par la commission, qui, sur le fond, répond aux attentes des auteurs de l'amendement n° 131 rectifié, je demanderais alors le retrait de celui-ci.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement confirme totalement l'interprétation de M. le rapporteur. Il s'agit d'un problème juridique réel, que je ne balaie pas d'un revers de la main, mais je crois que le dispositif proposé ne constitue qu'une apparence de solution et pourrait aisément être tourné.
Selon la chancellerie, qui a évidemment été consultée sur cet amendement - même si elle ne peut pas préjuger les décisions des juges, elle peut avoir une idée de ce qu'ils feront ! - soit les juges saisis d'un litige tendront à retenir une conception très extensive de la notion de faute, dans la mesure où le caractère particulièrement dangereux de la fréquentation des forêts sera très difficile à justifier, soit les usagers victimes d'accidents saisiront plus souvent le juge pénal. La protection ne sera donc qu'apparente.
Dans ces conditions, je pense que l'amendement n° 50 de la commission, sur lequel j'émettrai un avis très favorable, permettra, en instaurant une logique contractuelle par la voie de conventions, de régler sinon tous les problèmes, du moins nombre d'entre eux, et donc d'améliorer singulièrement la situation.
Par conséquent, je souhaite moi aussi que l'amendement n° 131 rectifié soit retiré.
M. le président. Monsieur Braun, l'amendement n° 131 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Braun. J'avoue être très dubitatif. Certes, nous ne referons pas ce soir un débat de commission, mais je me mets à la place du propriétaire privé qui accepte que des promeneurs ou des sportifs parcourent sa forêt. En l'état actuel des choses, il n'est donc pas garanti en cas d'accident, et si par exemple quelqu'un se casse une jambe sur sa propriété et se retourne contre lui, il risque d'en subir toutes les conséquences. Cela me paraît tout à fait impensable !
Un problème de fond se pose donc dans notre droit général, et cela rejoint quelque peu les débats que nous avons eus à propos de la définition des fautes non intentionnelles des élus. En effet, s'en remettre uniquement au bon vouloir des juges pour décider si M. Untel, qui a ouvert sa forêt au public, est responsable ou non de tel ou tel accident n'est pas du tout acceptable. Les propriétaires privés, ou même publics, comme les communes, doivent pouvoir disposer de garanties et être couverts par une assurance en cas d'accident.
Cela est d'autant plus nécessaire que nous vivons dans une société où les particuliers auront de plus en plus recours à la justice dans l'avenir : parce qu'ils seront atteints par le cancer du fumeur, ils attaqueront la SEITA ; parce qu'ils auront une cirrhose du foie, ils attaqueront tel ou tel négociant en vins. Nous en arriverons à une société tout à fait irresponsable, or on offre ici à certains la possibilité d'intenter des procès à des personnes qui auront simplement eu la gentillesse d'ouvrir leur propriété au public.
Au-delà du problème qui nous préoccupe ce soir, monsieur le ministre, le Gouvernement doit à mon sens conduire une véritable réflexion de fond sur l'ensemble de ces questions car, si nous persistons dans cette voie, plus personne ne voudra prendre de responsabilités et notre société deviendra complètement ingérable et inhumaine.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Roland du Luart, rapporteur pour avis. Les arguments qu'a développés notre collègue sont assez frappants, mais je dois reconnaître que, juridiquement, M. le rapporteur a tout à fait raison. Cependant, qu'il me soit permis de souligner que, en l'état actuel du droit, nous nous heurtons à une sorte de blocage sociétal.
Monsieur le ministre, vous faites un effet d'annonce en affirmant qu'il faut ouvrir les forêts au public mais, si jamais une branche tombe sur un promeneur, ce qui peut arriver facilement à la suite d'une tempête, car les arbres sont déstabilisés, le propriétaire sera condamné par les tribunaux.
Excusez ce mauvais jeu de mots, monsieur le ministre, mais vous devriez profiter du fait que l'actuel garde des sceaux s'appelle Mme Lebranchu pour lui demander de revoir le droit ( sourires. ), parce que l'on ne peut rester dans cette situation. Il faudrait organiser une réflexion : nous avons tous ici la volonté de faire avancer les choses, mais nous nous trouvons complètement bloqués, car il y a contradiction entre l'annonce et la réalité.
Je me rallie donc à M. le rapporteur pour estimer que l'on peut difficilement voter l'amendement n° 131 rectifié en l'état, mais je souhaiterais que le Gouvernement prenne devant nous l'engagement d'essayer de faire évoluer la situation afin que l'on puisse sortir de l'impasse. Alors, les forêts privées françaises s'ouvriront beaucoup plus facilement au public. M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Paul Girod.)