SEANCE DU 19 AVRIL 2001


M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Comme de nombreux autres secteurs touchés par des plans sociaux, le transport aérien subit à son tour les conséquences de la politique libérale engagée dans notre pays depuis fort longtemps.
La déréglementation a déjà provoqué la suppression de 40 000 emplois au niveau européen. Aujourd'hui, ce sont encore 7 000 emplois, ceux d'AOM, d'Air Liberté et d'Air Littoral, qui sont menacés, ainsi que de nombreux emplois indirects.
C'est la recherche de gains de parts de marché au détriment des concurrents en place - Air France, en l'occurrence - qui a motivé les grands groupes financiers !
Le résultat était prévisible : la valse des actionnaires n'en finit pas, et les derniers en date, les holdings Swissair-SAirgroup et Marine Wendel, souhaitent retirer leurs capitaux d'AOM, d'Air Liberté et d'Air Littoral, refusant d'assumer les responsabilités de l'immense gâchis qu'ils ont eux-mêmes provoqué.
Comme dans d'autres filières, les gros actionnaires exigent des taux de rentabilité exorbitants - de 15 % à 17 % - et ce au détriment de l'emploi !
Les salariés n'ont pas à assumer les déboires financiers liés aux multiples prises de participation des holdings financières de M. Seillière. Le patron des patrons se soucie fort peu du sort réservé aux entreprises qu'il gouverne, puisqu'il déclare n'avoir eu qu'un rôle « purement financier » !
Il est inadmissible que, sur fond de croissance forte et durable du transport aérien, des solutions assurant la pérennité de l'emploi, conformes aux besoins du transport aérien et aux exigences de qualité et de sécurité, ne soient pas rapidement trouvées.
Monsieur le ministre, le développement actuel d'Air France, entreprise du secteur public, constitue une preuve concrète à opposer aux défaillances d'une régulation par le seul marché.
Cette réussite résulte d'ailleurs aussi de l'intervention des salariés du groupe.
M. Hilaire Flandre. C'est quoi la question ?
Mme Odette Terrade. Quelles mesures pouvez-vous prendre, monsieur le ministre, pour obliger les actionnaires d'AOM, d'Air Liberté et d'Air Littoral à assumer leurs responsabilités ? A ce propos, qu'en est-il de la légalité de l'opération financière initiale de M. Seillière ?
Le Gouvernement peut-il aider à la mise en place d'une table ronde avec des représentants des salariés et tous les acteurs du transport aérien pour trouver des solutions rapides ?
M. Charles Descours. Il faut qu'elle pose sa question !
Mme Hélène Luc. Elle pose la bonne question !
Mme Odette Terrade. Pouvez-vous oeuvrer en faveur d'un moratoire européen sur la déréglementation du transport aérien pour maîtriser la concurrence ?
Les salariés d'AOM, d'Air Liberté et d'Air Littoral, qui étaient massivement en grève hier, attendent un soutien déterminé du Gouvernement face aux effets dévastateurs du marché. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, votre réflexion est pertinente (Exclamations sur les travées du RPR.) et je vais m'efforcer de répondre le plus clairement possible à vos questions.
Sachez tout d'abord - je veux être clair sur ce point - que le Gouvernement suit attentivement la grave situation causée par l'attitude des actionnaires que vous avez cités. D'ailleurs, si les salariés se sont mobilisés et ont manifesté dans la rue hier, y compris devant le MEDEF, c'est pour demander aux actionnaires privés d'assumer toutes leurs responsabilités.
M. Hilaire Flandre. Comme l'Etat !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous répondrai au sujet de l'Etat, y compris en vous rappelant ce que vous disiez sur l'entreprise Air France quand vous vouliez la privatiser !
M. Hilaire Flandre. J'espère que la citation sera exacte !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les déclarations des responsables du groupe investisseur français - vous aurez tous reconnu le baron Seillière - à l'origine de la création de ce pôle français qui se voulait le deuxième face à Air France, ces déclarations en dehors du fait qu'elles traduisent un certain mépris à l'égard des salariés et de la richesse humaine qu'ils représentent,...
Mme Odette Terrade. Absolument !
Mme Hélène Luc. Oui, son attitude est scandaleuse !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... ces déclarations, disais-je, ne me paraissent compatibles ni avec l'esprit ni avec la lettre du droit communautaire.
Peut-on, en effet, être un simple porteur quand le droit impose une signature européenne de l'actionnaire majoritaire ? En tant qu'investisseur, il doit, lui aussi, assumer toutes ses responsabilités, et nous saisirons les institutions aussi bien communautaires que nationales à ce sujet.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je veux noter, d'ailleurs, que le patron du MEDEF, M. Seillière, est plus prompt à donner des leçons au Gouvernement sur ce que celui-ci doit faire en matière économique et sociale qu'à prendre ses responsabilités lorsqu'il est directement concerné ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du RPR.)
AOM, Air Liberté et Air Littoral disposent d'un potentiel industriel et humain de grande qualité, que des erreurs stratégiques majeures ont placé dans la situation grave que nous connaissons.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en termine, monsieur le président.
Ces atouts essentiels, conjugués à la croissance du transport aérien, doivent permettre, dès lors que les actionnaires privés auront assumé toutes leurs responsabilités, de trouver des solutions fiables et pérennes, l'une par rapport au pôle d'Orly, l'autre par rapport au sud-méditerranéen. C'est à cela qu'il faut s'employer. Le Gouvernement y travaille. J'ai déjà, par exemple, rencontré les représentants des salariés.
Le groupe Air France, de son côté, doit pouvoir étudier une solution sans prendre de risques inconsidérés.
Vous pouvez être assurés que le Gouvernement fera...
M. Gérard Cornu. Rien du tout !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... tout ce qui est en son pouvoir pour que les 7 400 emplois ne soient pas sacrifiés sur l'autel du mépris et de la loi du marché ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Gérard Cornu. On verra !

GRÈVE DES SAGES-FEMMES