SEANCE DU 24 AVRIL 2001


M. le président. La parole est à M. Richert auteur de la question n° 993, adressée à M. le Premier ministre.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question vise à attirer l'attention de M. le Premier ministre sur le décret n° 2000-654 du 13 juillet 2000, qui institue une mesure de réparation au profit des orphelins de parents juifs qui ont été victimes des persécutions antisémites. C'est un geste important et, incontestablement, une avancée sur le chemin de la reconnaissance des souffrances endurées par les enfants de déportés juifs.
Personne ne doit plus ignorer le drame du peuple juif pendant la Shoah, cette tâche noire de l'histoire de l'humanité, ni les complicités que le régime nazi a trouvées, y compris en France, pour accomplir cet horrible forfait.
Le président du groupe d'amitié France-Israël que je suis est donc sensible à cette décision du Gouvernement qui va dans le bon sens.
Cependant, il est important de faire aussi un geste envers les milliers d'autres déportés, notamment les résistants, qui ont été victimes de graves atrocités. La Fédération nationale des fils des morts pour la France, les Fils des tués, mais aussi Serge Klarsfeld, président de l'Association des fils et filles de déportés juifs de France, ainsi que le Conseil représentatif des institutions juives de France, le CRIF, ont regretté que cette mesure n'ait pas été étendue aux enfants orphelins de résistants.
Aussi, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement envisage de faire en faveur des enfants de déportés non juifs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, votre question fait écho à d'autres qui sont souvent posées au Premier ministre et au Gouvernement, auxquelles je réponds régulièrement, et qui traduisent ce sentiment qu'il y aurait une discrimination statutaire entre les orphelins selon qu'il s'agit d'orphelins de parents déportés de confession israélite, donc de parents juifs, ou d'orphelins de résistants.
Tout d'abord, à la sortie de la guerre, une législation générale a été mise en oeuvre qui ne faisait aucune distinction et n'établissait aucune discrimination, sauf peut-être à l'avantage des déportés résistants, qui étaient assimilés à des militaires, à comparer aux déportés politiques, victimes civiles.
Dans votre question, vous avez justifié la décision du Gouvernement, à savoir le décret du 13 juillet 2000. Il est clair que, durant cette période, les enfants juifs étaient recherchés en qualité de juif pour être exterminés, même s'il est vrai que l'on ne peut pas établir des degrés dans la douleur : le fait d'être orphelin est une tragédie en soi ; que l'on soit orphelin de parents juifs ou de parents non juifs, de déportés politiques ou de déportés résistants, les sentiments sont les mêmes, les drames sont identiques.
Donc la France a réparé, à la sortie de la guerre, et l'Allemagne a également contribué à la prise en compte de cette situation.
Puis, à partir des travaux de la commission Mattéoli, notamment, il y a eu aussi la reconnaissance par la France aussi de ses responsabilités dans cette période, et la grande déclaration du Président Jacques Chirac lors de la journée du Vél d'Hiv, en juillet 1995, qui a offert à notre pays la décision qui a été concrétisée le 13 juillet 2000. Il fallait tenir compte de cette situation très particulière où l'enfant juif était recherché pour être exterminé.
Vous demandez si cette décision, que vous ne contestez pas, est juste. Elle l'est ; le Conseil d'Etat a tranché sur ce sujet de droit.
Vous demandez également s'il est envisagé d'étendre cette mesure aux autres orphelins. Les raisons que j'ai évoquées, à savoir la différence de situation et le fait que la France ait mis en place une législation dès 1945 au bénéfice des orphelins, me conduisent à vous dire que tel n'est pas aujourd'hui le cas.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse. Vous avez bien compris que je suis extrêmement sensible à la décision qui a été prise et qui permet à la France de se remettre en mémoire les responsabilités qui sont les siennes dans cette tragédie.
Néanmoins, il serait dommageable que l'on ne fasse pas davantage cas de ces orphelins dont les parents, certes, n'étaient pas juifs, mais qui, eux aussi, ont eu à subir cette triste loi.
Récemment, j'ai été contacté par un monsieur qui m'a expliqué que son père avait été déporté pour avoir hébergé et protégé des juifs et permis leur évasion. Ce père ne comprend pas que ce dispositif puisse s'appliquer à ceux qu'il a aidés et ne pas concerner ses propres enfants.
C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que l'on prenne en compte la situation de ces familles qui ont été si tristement touchées.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes sensible à cette question. Si vous pouviez soumettre ces demandes au Premier ministre, ces familles vous en seraient très reconnaissantes.

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