SEANCE DU 25 AVRIL 2001


M. le président. « Art. 35 A. - I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code du travail, après le mot : "déterminée", sont insérés les mots : ", quel que soit son motif, ". »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 124-2 du même code, après le mot : "temporaire", sont insérés les mots : ", quel que soit son motif, ". »
Par amendement n° 241, M. Estier, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Cazeau, Chabroux, Mme Printz et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 122-1 du code du travail est rédigé comme suit :
« Le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Un employeur ne peut s'exonérer de cette obligation en pourvoyant durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise à l'aide de contrats à durée déterminée successifs conclus avec différents salariés. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 124-2 du code du travail est rédigé comme suit :
« Le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Un employeur ne peut s'exonérer de cette obligation en pourvoyant durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice à l'aide de contrats de mission successifs conclus avec une ou plusieurs entreprises de travail temporaire. »
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement a pour objet d'interdire cette pratique très répandue qui consiste à faire se succéder sur un même poste différents salariés en contrat à durée déterminée ou en mission d'intérim. Une telle pratique constitue, à l'évidence, un détournement caractérisé du contenu des articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail, qui énumèrent limitativement les conditions de recours aux contrats à durée déterminée et à l'intérim.
Dans le cas qui nous préoccupe, ces types de contrats sont utilisés de manière frauduleuse pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce qui est explicitement interdit.
Ne pas intervenir pour mettre un terme à cette pratique scandaleuse pourrait être interprété au mieux comme de l'inertie fondée sur de l'indifférence, au pis comme un encouragement silencieux au développement de la précarité.
Nous tenons à rappeler que, depuis dix ans, la précarité a augmenté dans des proportions inquiétantes : de 130 % pour les contrats à durée déterminée et de 60 % pour l'intérim, contre une croissance de seulement 2 % pour les contrats à durée indéterminée.
Il est vrai qu'un million d'emplois ont été créés depuis 1997, ce qui ne s'était pas vu depuis fort longtemps et constitue le résultat des remarquables efforts du Gouvernement.
Toutefois, nous devons aussi nous préoccuper de la qualité des emplois créés. Nous savons fort bien que les emplois précaires ne débouchent que très rarement sur des emplois stables.
Certes, la loi Aubry sur la réduction du temps de travail a permis de stabiliser nombre de ces emplois, dans un premier temps. Mais les entreprises - et ce ne sont pas obligatoirement les plus petites - ont monté leur propre bureau d'intérim, où l'on met toujours en oeuvre l'organisation des emplois précaires tournants.
Cette situation ne saurait perdurer. La modernisation sociale que le Gouvernement ambitionne de réaliser à travers ce projet de loi doit être accompagnée d'une moralisation, qu'il s'agisse des plans sociaux ou de la précarité. Des instruments législatifs ont été mis en place depuis de nombreuses années, principalement la gestion prévisionnelle des emplois. Aussi, utiliser systématiquement la précarité constitue soit une carence de la gestion des ressources humaines, soit une volonté délibérée de fragiliser les personnels, qui sont alors beaucoup moins revendicatifs.
Au demeurant, je rappelle que les personnes victimes de la précarité sont le plus souvent des jeunes et des femmes en situation familiale elle-même précaire, ce qui accentue encore leurs difficultés quotidiennes. Il est donc indispensable de prendre des mesures simples et claires pour que les emplois durables des entreprises soient pourvus par des salariés eux-mêmes « durables ».
Si vous me permettez cette expression, je dirai que si des conditions de vie acceptables ne passent pas nécessairement par la sécurité de l'emploi, tous les travailleurs ont le droit de se sentir sécurisés dans leur emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, et que notre commission n'a pas souhaité modifier, apparaît plus claire que celle de l'amendement n° 241. C'est pourquoi la commission est défavorable à ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, moi, je suis favorable à l'amendement n° 241.
Il tend en effet à faire préciser par les articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail l'interdiction explicite de la pratique qui consiste à pourvoir un même poste par des salariés différents par le biais d'une succession de contrats à durée déterminée, de missions d'intérim, voire le jeu conjugué de ces deux dispositifs.
Pour cette raison, cet amendement me paraît bienvenu.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 241, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35 A.

(L'article 35 A est adopté.)

Articles additionnels après l'article 35 A