SEANCE DU 10 MAI 2001


M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, même si j'ai un moment songé à la poser à M. le Premier ministre dans la mesure où elle intéresse plusieurs ministères.
La violence, dont les auteurs sont souvent des jeunes - et dont les victimes sont à 80 % des jeunes -, est de plus en plus souvent le quotidien de la population française, que ce soit dans les transports, dans la rue ou encore sur les lieux de résidence, quand ce n'est pas dans les établissements scolaires.
Mais cette violence quotidienne semble n'entrer en compte que dans les statistiques de la police nationale. Concrètement, qu'est-il fait pour l'enrayer ?
Hier, c'étaient quelque trois cents jeunes armés de battes de base-ball et de haches qui déferlaient sur La Défense. Aujourd'hui, comble de l'horreur, ce sont les viols collectifs qui se perpétuent dans les caves des cités, ce qu'on appelle les « tournantes ».
Faute de place dans les établissements pénitentiaires, les auteurs de ces viols écopent de deux ou trois mois de prison, soit l'équivalent de la peine infligée parfois pour un simple délit, et il n'est pas rare que cette peine soit couverte par la détention provisoire.
Certes, la prison n'est pas la solution pour ramener ces jeunes dans le droit chemin. Mais faut-il pour autant leur laisser croire que leur acte n'était pas si grave sous prétexte que la justice n'a pas de réelle solution pour les punir de manière appropriée ?
Le plus inquiétant, dans cette affaire, est que les violeurs, souvent mineurs, avouent ne pas vraiment comprendre en quoi leur acte est répréhensible, et le niveau de la peine les conforte dans cette idée. En effet, ces viols sont parfois la condition sine qua non pour être intégré dans une bande de cité.
Madame la ministre, une partie de notre jeunesse n'a plus aucun repère, plus de règles. Il est urgent d'agir, étant entendu que, je le répète, la prison n'est certainement pas la solution, surtout dans les conditions actuelles de son fonctionnement.
Alors, quels moyens non médiatiques le Gouvernement est-il décidé à mettre en oeuvre pour assurer une meilleure justice, de manière à garantir la sécurité dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. J'entends, hélas ! régulièrement, monsieur le sénateur, les uns et les autres intervenir au sujet de faits de viols collectifs qui ont récemment été jugés. Il me paraît essentiel, à moi aussi, que ces « tournantes », selon l'expression qu'emploient les personnes mises en cause, ne soient pas banalisées, car il s'agit non pas d'un phénomène social mais bel et bien de crimes.
Leurs victimes sont particulièrement fragiles et restent marquées à vie par la violence sexuelle qu'elles ont subie. Les faits sont encore plus traumatisants lorsque leur auteur, demeurant dans le même quartier, profite de cette proximité pour veiller à ce que la victime ne le dénonce pas.
Le respect de la dignité des personnes, la protection de leur dignité physique et de leur sécurité doivent s'appliquer dans tous les points du territoire national. C'est un droit fondamental devant lequel nous devrions, enfin, être égaux.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux procureurs, dans une circulaire que je leur ai adressée hier, de faire de la lutte contre les phénomènes de bande une priorité.
Les procureurs doivent disposer de toutes les informations permettant d'identifier les meneurs et d'élucider les faits commis en bande, qui sont souvent les plus graves. Ils prendront part à la détermination des moyens à mettre en oeuvre lors des enquêtes, de manière à s'assurer que celles-ci seront menées rapidement à leur terme, et avec efficacité.
Daniel Vaillant et Alain Richard ont accepté que ces sujets soient une priorité absolue pour tous. Ils communiqueront régulièrement, en s'adressant aux élus et à la presse, sur la politique pénale qu'ils poursuivent, les méthodes qu'ils appliquent, les décisions judiciaires rendues. Ainsi, le fonctionnement de la justice sera connu, explicite et transparent.
Vous avez raison, monsieur Hyest : la prison n'est sans doute pas la seule solution, même si elle est parfois incontournable, en particulier lorsque le crime est odieux. Je pense que la multiplication des centres de placement immédiat ou des centres éducatifs renforcés est ralentie par la difficulté qu'il y a à trouver des lieux d'implantation. C'est pourquoi je compte sur tous les maires, tous les élus, pour nous aider à trouver ces places qui nous manquent, alors que nous disposons du budget et des personnels pour ouvrir des centres.
En revanche, je considère - et cela figure dans la circulaire adressée aux procureurs - que la justice doit devenir beaucoup plus transparente qu'elle ne l'est actuellement. Elle doit dire clairement quelles sont les peines prononcées effectivement pour que chacun sache que tel crime a bien été puni.
Je n'exclus pas, monsieur le sénateur, que les uns et les autres puissent, en toute liberté, faire ce que je ne peux pas faire et reconnaître que, parfois, certains crimes sont trop peu punis. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen, du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)

DÉPOLLUTION DES MUNITIONS DE GUERRE