SEANCE DU 22 MAI 2001


M. le président. Par amendement n° 23, M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les salariés rémunérés pour assurer un service d'aide à domicile auprès d'une personne allocataire de la prestation d'autonomie bénéficient d'une formation selon des modalités définies par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit de rétablir une disposition relative à la formation du personnel qui figurait à l'article 16 de la loi du 24 janvier 1997 instaurant la prestation spécifique dépendance.
Un consensus semble se dégager sur la nécessité d'améliorer la qualification et la formation des professionnels qui interviennent à domicile, mais les avis divergent s'agissant des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir.
En effet, le Gouvernement a imaginé le dispositif auquel j'ai fait référence tout à l'heure : on crée un « sous-fonds » destiné à financer la formation professionnelle des intervenants à domicile. Mais la formation professionnelle doit-elle réellement être financée par une recette devant servir au financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire par le produit de la CSG ? La commission des affaires sociales a considéré que telle n'était pas la vocation de cette recette. Lorsque le Parlement, sur l'initiative du Gouvernement, a créé la CSG, il s'agissait bien de financer la sécurité sociale, et non pas autre chose.
Dès lors qu'il s'agit d'une prestation de solidarité - nous le répétons à chaque occasion - elle doit faire l'objet d'un financement de l'Etat. Il en va de même, a fortiori, en ce qui concerne la formation professionnelle : ou bien il s'agit d'un domaine qui relève de la compétence des régions, et il appartient alors à celles-ci, avec les moyens qui leur auront été transférés, d'assurer le financement de la formation professionnelle des agents, ou bien le Gouvernement considère que ce n'est pas aux régions d'assurer cette formation, et il revient alors à l'Etat de le faire.
D'ailleurs, nous avions prévu, dans le texte de loi relatif à la PSD, au travers d'une disposition qui renvoyait à un décret, tout le dispositif qui devait être mis en oeuvre concernant la formation des agents. Le Gouvernement n'a jamais pris ce décret. Aussi, qu'il ne vienne pas, aujourd'hui, nous donner des leçons et nous dire - Eurêka ! - qu'il a trouvé la solution au problème de la formation des agents, alors qu'il n'a pas su la mettre en oeuvre depuis 1997 !
C'est la raison pour laquelle il nous apparaît souhaitable, dans un souci de cohérence, de rétablir le dispositif qui existait antérieurement. Nous nous sommes opposés au montage qui a été imaginé, à savoir le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie par la CSG. Nous faisons de même en ce qui concerne le financement de la formation des agents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. C'est vrai, monsieur le rapporteur, tout le monde ici s'accorde sur la nécessité de mettre en place un dispositif non pas seulement de formation mais de qualification et d'organisation solide, sur le terrain, de l'ensemble des services de maintien à domicile.
Vous reprenez, effectivement, le dispositif de la loi sur la PSD, qui n'a jamais été mis en application, et non pas faute de décret, mais surtout faute de financement. Or c'est tout l'intérêt du dispositif qui est proposé que de mettre en place un véritable financement.
Vous comprendrez que, dans ces conditions, le Gouvernement préfère s'en tenir à son texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. On voit bien le caractère néfaste du financement par la solidarité nationale tel que vous l'organisez dans votre projet, madame le secrétaire d'Etat.
Vous créez un fonds et, avant même qu'il ne soit mis en oeuvre pour aider les départements, vous commencez par en prélever une partie pour financer une autre action. Cela ne va pas !
Vous venez de nous expliquer que vous alliez aider les départements grâce au fonds ainsi créé.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat. Vous le reconnaissez !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Ce que je reconnais toujours, c'est la bonne foi des interlocuteurs. Et je me place toujours dans leur logique pour essayer d'en tirer profit.
Donc vous créez ce fonds, qui n'est déjà pas très bien doté, et à peine existe-t-il que vous commencez par l'amputer d'une somme dont nous ne connaissons même pas le montant puisque ce sont les fonctionnaires que vous nommerez pour gérer le fonds qui le fixeront dans les limites prévues par le projet de loi. Quel pouvoir va-t-il, dès lors, rester au Parlement ? Aucun !
Je remarque que le prélèvement au profit de ce fonds de modernisation de l'aide à domicile sera d'un montant à peu près équivalent à celui des régimes de retraite. Faut-il en déduire que seule la CSG financera la dépendance, étant donné que la totalité de l'apport des caisses de retraite pourra être consacré à la formation des agents ? (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
C'est votre texte même, je l'ai relu : le maximum qui peut être prélevé est à peu près égal à l'apport de la caisse vieillesse.
Vous ne pouvez pas toujours nous opposer des dénégations ! Si votre texte n'est pas bon, améliorez-le ! Dites-nous de temps en temps sinon que nous avons raison, du moins que nous n'avons pas tout à fait tort, et nous pourrons travailler ensemble.
Si vous voulez véritablement nous donner rendez-vous en 2003 pour revoir le mode de financement, c'est très simple, madame le secrétaire d'Etat : dites que celui qui est mis en place ne vaut que pour l'exercice 2002 et qu'en 2003 nous en créerons un autre.
M. Henri de Raincourt. Voilà ! Très bien !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. C'est possible, mais il est vrai que c'est une tout autre philosophie que celle qui apparaît dans votre projet.
C'est mieux, en tout cas, que de créer un droit universel et perpétuel qui, bien entendu, continuera de courir pour les personnes, alors que le financement ne sera pas assuré.
Vous le voyez, nous utilisons tous les moyens pour faire en sorte que votre texte soit le meilleur possible !
M. Henri de Raincourt. Tous mes compliments, mon cher collègue !
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je fais ce que je peux pour aider le Gouvernement ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Madame le secrétaire d'Etat, vous affirmez que le Gouvernement n'a jamais pris le décret parce qu'il n'y avait pas de financement. Mais il ne dépendait que de sa volonté de trouver ce financement !
Quant à celui que vous nous proposez aujourd'hui, comme l'a expliqué Michel Mercier, il constitue un double détournement.
Le premier, au regard de l'objectif principal que vous vous êtes fixé, qui est de financer la prestation autonomie, consiste à prélever sur ce qui devrait revenir aux départements de quoi financer la formation professionnelle.
Le second, que nous dénonçons depuis l'origine, qui est le plus grave, consiste à détourner le produit de la CSG, qui était destiné à financer la sécurité sociale, mais aussi, grâce aux excédents du fonds de solidarité vieillesse, le fonds de réserve des retraites.
La tuyauterie que vous installez cette fois au profit de l'APA est la même que celle que vous avez mise en place pour financer la dette de l'Etat envers les régimes complémentaires AGIRC et ARCCO ou les trente-cinq heures.
Ce gouvernement, nous le voyons bien - tous les textes qui se succèdent le démontrent - travaille à crédit. Comme il n'a pas les moyens de sa politique, il crée des dettes pour les générations futures. Ce qu'il veut, c'est bénéficier de l'effet d'affichage des actions qu'il met en place au profit d'une partie de la population française, sans en assurer le financement.
Bien évidemment, pour rassurer les départements et les collectivités, on leur dit qu'on fera un point d'étape en 2003, comme par hasard donc après 2002 - c'est une lapalissade ! - c'est-à-dire après les grandes échéances électorales. Personne ne doit être dupe.
M. Henri de Raincourt. Nous ne le sommes pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous ne le sommes pas parce que nous sommes habitués à ce genre d'exercice de la part du Gouvernement, mais il est de notre devoir de dire à l'ensemble des Françaises et des Français que c'est un véritable marché de dupes et que cela leur coûtera très cher.
Il en va de même pour les retraites. Aujourd'hui, il est avéré - il suffit de lire la presse pour s'en convaincre - que les réformes, quand elles devront se mettre en place, seront extrêmement douloureuses, tout cela parce que le Gouvernement est resté l'arme au pied, parce qu'il n'a pas voulu engager les réformes structurelles nécessaires les concernant.
Pour ce qui est de l'APA, aujourd'hui, on remet également à plus tard l'essentiel de la réforme structurelle fondamentale qui est à réaliser, si bien qu'inévitablement, quel que soit alors le Gouvernement, nous serons obligés, un jour ou l'autre, de revenir sur ce texte.
M. Henri de Raincourt. Comme pour les emplois jeunes et tout le reste : on verra après les élections !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 2.

Article 2