SEANCE DU 29 MAI 2001


ÉLOGE FUNÈBRE DE FRANÇOIS ABADIE,
SÉNATEUR DES HAUTES-PYRÉNÉES

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de François Abadie. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue et ami François Abadie, sénateur des Hautes-Pyrénées, s'est éteint le 2 mars dernier, à l'âge de soixante-dix ans.
Le mal dont il souffrait, et qui le tenait depuis quelque temps éloigné de nos travaux, a eu raison de sa volonté, de son courage et de ses forces.
Avec lui, disparaît une figure d'homme libre aux convictions fortes.
François Abadie faisait de la politique avec passion. De la politique, il a connu les joies, les difficultés et les souffrances.
François Abadie est né le 19 juin 1930 à Lourdes, en terre radicale de Bigorre.
Il grandit dans la cité mariale et se dirige vers une formation de mécanicien.
Mais c'est à la politique que pense François Abadie qui, dès l'âge de seize ans, milite dans les jeunesses radicales.
Il fait son apprentissage politique auprès de notre ancien collègue René Billières, futur président du parti radical, dont il est le secrétaire particulier dès 1947.
A compter de 1953, François Abadie travaille successivement au sein de plusieurs cabinets ministériels, dont celui de René Billières à l'éducation nationale, de 1956 à 1958. Il conservera de cette époque un réseau d'amitiés solides et des connaissances précieuses.
Après l'avènement de la Ve République, François Abadie reprend une activité dans le secteur privé, comme directeur commercial dans une entreprise de machines-outils.
Il n'en délaisse pas pour autant son engagement dans le radicalisme et revient en politique en 1970, avec un mandat de conseiller général.
C'est le début d'une trajectoire étonnante.
Un an plus tard, François Abadie conquiert la ville de Lourdes, dont il restera le premier magistrat pendant dix-huit ans.
Il était extrêmement fier de sa ville et de son mandat dans lequel il est, à chaque échéance électorale, reconduit avec des scores impressionnants.
Il impulse à Lourdes un nouvel élan et sait établir un climat de grande convivialité, notamment avec les religieux qui administrent le sanctuaire. L'humanisme de ses valeurs, son esprit d'ouverture, sa personnalité reconnue et estimée des gens d'église lui permettent d'entretenir des relations de confiance et de respect mutuel appréciées par tous au sein de sa ville.
Dans une cité très particulière, avec plus de 4 millions de visiteurs par an, l'action municipale lourdaise doit faciliter la cohabitation des pèlerins et des résidents. François Abadie sait réaliser cette difficile synthèse à la satisfaction générale.
En 1983, c'est avec une grande fierté et avec une réussite non moins grande qu'il accueille dans sa ville Sa Sainteté le pape Jean-Paul II.
Maire et conseiller général, François Abadie exerçait également une position influente dans les instances locales et nationales du parti radical.
Elu député en 1973, réélu en 1978 et 1981, il est membre du groupe radical et socialiste.
En 1981, sa gestion remarquée de la ville de Lourdes et son influence au sein du parti radical lui valent d'être appelé dans l'équipe du Premier ministre, M. Pierre Mauroy, comme secrétaire d'Etat au tourisme auprès du ministre du temps libre.
Dans cette fonction ministérielle, il s'emploie notamment à promouvoir la décentralisation de la gestion du tourisme.
En 1983, François Abadie rejoint les bancs de notre assemblée, en succédant, sans surprise, à René Billières, son parrain en politique.
Il est nommé à la commission des affaires économiques, puis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont il est élu vice-président. C'est dans ce cadre qu'il observe, au cours de missions successives, les bouleversements qui affectent notamment l'Allemagne et l'Europe de l'Est.
Sa compréhension du contexte international le conforte dans sa recherche d'une nouvelle synthèse politique au centre. Il aspire au renouveau d'une démocratie parlementaire dont le parti radical pourrait être le pivot.
Mais 1994 sera une année d'épreuves pour François Abadie. Il démissionne du conseil municipal de Lourdes et il n'est pas réélu au conseil général. Sur le plan personnel, il subit une attaque cérébrale d'une exceptionnelle gravité.
La perte de la ville de Lourdes en 1989 l'avait déjà, nous le savons, fortement affecté. Lui qui n'avait jamais connu la défaite en politique et qui voue à sa ville une passion exclusive supporte douloureusement ce désamour soudain, qu'il considère comme injuste. Comme quoi parfois le bien peut avoir pour tombeau l'ingratitude humaine.
Ayant annoncé son intention de ne pas briguer un nouveau mandat sénatorial, François Abadie savourait depuis lors une totale liberté. Volontiers provocateur, son refus de la langue de bois se traduisait parfois par des écarts de langage retentissants.
Il avait en partage avec les radicaux de sa génération une très grande indépendance d'esprit et de ton ainsi qu'un humour parfois féroce.
Personnage haut en couleur et amoureux de la vie, François Abadie était un ami sincère, loyal, fidèle. Il était un homme profondément attaché aux valeurs qui fondaient son action.
C'est un collègue estimé que disparaît de nos rangs.
Au nom du Sénat tout entier, j'apporte à son épouse et à ses deux filles le témoignage de notre profonde sympathie.
Je voudrais dire notre grande tristesse à ses collègues de la commission des affaires culturelles, dernière commission à laquelle il a appartenu, et à ses amis du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, ainsi qu'à ses amis de la ville de Lourdes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à observer, à la mémoire de François Abadie, une minute de silence. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, le Gouvernement tient à s'associer à l'hommage solennel que le Sénat rend aujourd'hui à François Abadie, décédé le 2 mars dernier à l'âge de soixante-dix ans.
François Abadie était une personnalité atypique, haute en couleur. Un journal du département dont nous étions tous deux élus l'avait qualifié de « Marius intraitable de la politique ».
C'était un affectif, très attaché aux relations humaines et fidèle en amitié au-delà du raisonnable. C'était un homme qui aimait les contacts chaleureux. C'était un passionné, parfois excessif, quelquefois déraisonnable.
Mais François Abadie était avant tout un fervent défenseur de son département, les Hautes-Pyrénées, et de sa ville, Lourdes. Il y était né le 19 juin 1930 et y avait commencé sa carrière politique à l'âge de dix-sept ans aux côtés de René Billères, ministre de l'éducation nationale sous la IVe République et député des Hautes-Pyrénées. René Billières, qui fut son parrain en politique, son tuteur, son grand frère, l'a accompagné tout au long de sa vie, et même jusqu'à sa dernière demeure.
François Abadie, devenu maire de Lourdes en 1971 à quarante et un ans, le restera dix-huit ans durant, jusqu'en 1989. Cette ville lui doit beaucoup, car il fut un très bon maire.
François Abadie mena une carrière nationale attachée aux valeurs de la République, du progrès et de la démocratie. Cofondateur du Mouvement des radicaux de gauche, élu député à partir de 1973, il y a soutenu François Mitterrand dès le premier tour de l'élection présidentielle de 1981, préfiguration de la gauche plurielle avant l'heure. Il a rejoint le gouvernement de Pierre Mauroy en tant que secrétaire d'Etat chargé du tourisme en mai 1981.
Mais les fonctions gouvernementales n'étaient pas vraiment sa « chose », si j'ose dire. Il préférait Lourdes et les Hautes-Pyrénées. Il a donc décidé de quitter le Gouvernement pour entrer dans votre assemblée, le Sénat, en 1983, prenant la suite de René Billières. Il a siégé à la commission des affaires économiques et du Plan, avant de rejoindre la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il en avait été élu vice-président en octobre 1989.
Ses dernières années furent difficiles, marquées par des défaites électorales qu'il avait très mal vécues, comme une injustice.
Il y eut d'abord 1989, année de l'élection municipale perdue, puis 1994, une année sombre pour lui marquée par la défaite aux élections cantonales, dans le canton de Lourdes-Est, et par une attaque cérébrale suivie d'une dégradation lente et inexorable de son état physique.
J'ai eu l'occasion de l'accompagner dans ces années de souffrance, soit dans son appartement de la rue Olier à Paris, soit dans les Hautes-Pyrénées, quand il y faisait encore quelques visites. Nous avons été quelques-uns à soutenir de notre amitié la souffrance d'un homme qui ne pouvait plus servir son département ni sa ville, comme il l'avait toujours fait.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais présenter à Mme Abadie, à ses deux filles, à sa famille et à ses proches les condoléances très attristées du Gouvernement et les assurer de mes pensées personnelles très chaleureuses.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants, en signe de deuil.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)