SEANCE DU 29 MAI 2001


M. le président. Par amendement n° 13, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 227-21 du code pénal est ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa, les mots : "habituellement des crimes ou des délits" sont remplacés par les mots : "un crime ou un délit".
« II. - Dans le second alinéa, après les mots : "mineur de quinze ans", sont insérés les mots : "que le mineur est provoqué à commettre habituellement des crimes ou des délits". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement concerne la provocation d'un mineur à commettre des crimes ou des délits.
Actuellement, seule la provocation d'un mineur à commettre « habituellement » des crimes ou des délits est punis par le code pénal. Il nous paraît donc souhaitable de punir toute provocation d'un mineur à commettre un crime ou un délit. La provocation à commettre « habituellement » des crimes et délits deviendrait alors une circonstance aggravante.
Il s'agit, me semble-t-il, d'un amendement de bon sens. En effet, il n'est pas normal d'attendre qu'un majeur provoque un mineur à commettre « habituellement » des crimes ou des délits pour le sanctionner.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le texte actuel, qui réprime le fait pour un adulte d'inciter un mineur à commettre des actes de délinquance, permet d'ores et déjà d'appliquer des sanctions.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. « Habituellement » !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Mais il y a le terme : « habituellement » !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. La provocation, telle qu'elle s'exerce dans la réalité, est déjà punissable comme acte unique : c'est la complicité. Par conséquent, l'innovation apportée consiste cette fois-ci à élever à sept ans l'habitude. C'est le passage de cinq ans à sept ans.
La question que je pose - elle revient au défaut de méthode que j'évoquais tout à l'heure - est la suivante : quel est, à l'heure actuelle, le nombre de condamnations prononcées du chef de provocation tel qu'il existe dans la loi actuelle et à quel niveau ? J'aimerais le savoir. Si les condamnations qui se situent à trois ou quatre ans, pourquoi diable les porterions-nous à sept ans ? Je dis cela parce que c'est le principe que chacun d'entre nous devrait toujours conserver à l'esprit.
Il y a un nouveau code pénal, qui a été voté après des années de travaux par le Parlement. N'y touchons que lorsque cela se révèle indispensable ! Ne passons pas notre temps à ajouter constamment de nouvelles obligations ou à modifier les dispositions du code pénal si ce n'est pas absolument nécessaire, et disons que, dans trois ou quatre ans, nous procéderons à une révision de l'ensemble de ce code ! Ce n'est pas la meilleure façon de légiférer, croyez-moi !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je crois que le sens de l'amendement n'a pas été très bien saisi : il s'agit - pardon de me répéter - de punir ceux qui incitent un mineur à commettre un crime ou un délit et à ne pas attendre qu'il le fasse habituellement ! Par conséquent, dès la première fois qu'un individu est surpris à inciter un mineur à commettre un acte répréhensible, crime ou délit, il est puni. Cette mesure me semble de nature à protéger les mineurs.
Il m'a été répondu qu'il s'agit là d'un fait déjà punissable dans la mesure où l'individu est alors considéré comme complice ! Mes chers collègues, je relève là une contradiction qui m'étonne quelque peu ! Cela va dans le sens inverse des critiques que j'ai entendues et dont on m'abreuve ! Cela signifie que celui qui aura incité va seulement être poursuivi pour complicité et qu'est accrédité le fait que le mineur a bien commis le crime premier ou le délit premier. Or, nous, nous proposons - nous nous préoccupons en effet véritablement de la réinsertion du mineur et d'essayer de le sortir de la délinquance - de punir celui qui l'aura incité.
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. En effet, celui qui a commis le crime premier, c'est bien celui qui a incité le mineur à commettre une mauvaise action ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 14, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le douzième alinéa (11°) de l'article 222-12 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : "12° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur".
« II. - Après le douzième alinéa (11°) de l'article 222-13 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : "12° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur".
« III. - Après le neuvième alinéa (8°) de l'article 311-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : "9° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit également de l'aggravation de certaines peines en cas d'utilisation d'un mineur par un majeur : cet amendement tend à prévoir une aggravation des peines encourues en cas de violence et de vol lorsque ces infractions sont commises avec la participation d'un mineur agissant en qualité d'auteur ou de complice.
En effet, il faut, nous semble-t-il, punir plus sévèrement ceux qui se servent d'enfants ou d'adolescents pour commettre leurs forfaits.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le fait de commettre une infraction en réunion constitue déjà une circonstance aggravante et couvre donc ce cas de figure. Cette disposition n'ajoute rien. Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je tiens à faire une remarque d'ordre général sur l'ensemble des mesures tendant à aggraver les peines.
Pour ma part, je me suis toujours interrogé et je m'interroge encore sur le caractère dissuasif que peut réellement représenter l'aggravation des peines. Pensez-vous vraiment que, par cette mesure, nous obtiendrons un véritable résultat quant à la régression de la délinquance ? Je n'en suis pas persuadé.
Je me demande s'il ne serait pas plus pertinent d'engager des mesures d'une autre nature, plus en amont, auprès tant des parents que de ces enfants, sur le plan de l'éducation. Le concours de l'éducation nationale auquel a fait référence tout à l'heure M. Jean-Pierre Fourcade est certainement l'un des éléments positifs des actions pouvant être menées en faveur des mineurs.
Cela étant, si l'on prend une mesure comme celle que propose M. le rapporteur, c'est avec l'espoir de parvenir à un résultat positif, sur lequel je voulais cependant m'interroger devant notre assemblée. Autant les explications de M. Schosteck sur l'amendement précédent m'avaient totalement convaincu, parce qu'il s'agissait de prévoir non pas seulement une aggravation de peine, mais aussi une analyse de la situation, autant cet amendement me semble poser question.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 137, MM. Hethener, Béteille, Joyandet, Karoutchi, de Richemont et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 132-11 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas prévus par la loi, la récidive d'une contravention de la cinquième classe peut également constituer un délit. »
« II. - Après le douzième alinéa (11°) de l'article 222-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Pour une personne qui, déjà définitivement condamnée pour la contravention de cinquième classe de violences volontaires, commet ces faits dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue définitive. »
« III. - L'article 322-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également punie des peines prévues au premier alinéa la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui dont il n'est résulté que des dommages légers lorsqu'elle est commise par une personne définitivement condamnée pour la contravention de cinquième classe de destruction, dégradation ou détérioration volontaire d'un bien, dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle cette condamnation est devenue définitive. »
La parole est à M. Hethener.
M. Alain Hethener. Cet amendement vise les actes de petite délinquance et de délinquance juvénile, c'est-à-dire ceux qui minent le moral de nos concitoyens : il s'agit essentiellement de violences sur les personnes et d'actes de dégradation des biens.
Or les violences dites légères, qui n'entraînent pas d'incapacité de travail de plus de huit jours, et les dégradations causant un dommage léger sont considérées comme des infractions de cinquième classe et sont souvent classées sans suite.
Par conséquent, l'amendement n° 137 tend précisément à correctionnaliser ces infractions lorsqu'elles se répètent, de manière que leurs auteurs n'éprouvent pas un sentiment d'impunité presque totale. Lorsque les violences ou les dégradations auront été perpétrées à plusieurs reprises dans la même année, une sanction pénale pourra être prononcée - il n'y a là rien de systématique - si le juge l'estime nécessaire. En dernier recours, des peines plus lourdes pourront être décidées pour les individus les plus récidivistes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, estimant qu'il s'agit d'une proposition de bon sens qui, au surplus, ne bouleverse pas l'échelle des peines.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 137.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je rappellerai, là encore, quelle est la situation actuelle. Nous sommes loin d'être dans un vide juridique : quand il s'agit de contraventions de cinquième classe, la procédure est au contraire extrêmement rapide et efficace, la tentation du classement existant à un autre niveau.
En effet, les peines applicables aux contraventions de cinquième classe sont une amende allant de 3 000 francs à 6 000 francs inclusivement et un emprisonnement de dix jours à un mois, ou l'une de ces peines. En cas de récidive, les peines prévues sont une amende de 6 000 francs à 12 000 francs inclusivement et un emprisonnement de un à deux mois, ou l'une de ces peines.
Par conséquent, il existe une réponse pénale suffisante à ce type d'infractions. Il suffit de la mettre en oeuvre, car la véritable question est d'identifier l'auteur et de le condamner. C'est en vérité l'effectivité de la répression qui est essentielle, et non pas, comme l'a dit tout à l'heure M. Vasselle, l'accroissement du quantum, qui est inutile quand l'auteur de l'infraction demeure inconnu.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je veux réagir aux propos que vient de tenir M. Badinter.
J'ai noté que ceux qui s'opposent aux initiatives du Sénat sur ce texte s'abritent volontiers derrière l'argument selon lequel les moyens de la police ou de la justice et les crédits disponibles ne permettront pas, de toute façon, une bonne application des mesures voulues par notre assemblée.
Cela pose un autre problème de fond que celui qui a été soulevé tout à l'heure à propos des effets réels, sur le niveau de la délinquance, de la simple aggravation des amendes. Mais s'il existe un dispositif législatif et qu'il ne peut être appliqué parce que nous ne savons pas nous donner les moyens de la politique que nous souhaitons mettre en oeuvre, nous aurons beau aggraver toutes les peines et prévoir de nouvelles mesures, nous aurons vraiment perdu notre temps.
De plus, nos administrés s'interrogeront sur la crédibilité du travail législatif si celui-ci ne se traduit pas par des résultats réels et concrets, et M. Hethener a eu raison d'insister sur ce point, même si certains peuvent penser que la solution qu'il propose ne permettra pas forcément de régler tous les problèmes.
En tout état de cause, la grande question posée par le biais de cet amendement est celle des moyens dont dispose la justice pour appliquer réellement les textes. Je suis élu local, et combien de fois n'ai-je pas entendu les gendarmes se demander à quoi bon continuer à poursuivre et à arrêter les délinquants mineurs puisque, de toute façon, il s'agit d'affaires qui seront classées sans suite ? Nous pourrons aggraver les peines et faire tout ce que nous voulons, mais si cela ne débouche sur rien, nous n'aurons pas avancé d'un centimètre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 137, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
M. le président. Par amendement n° 15, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Lorsque les parents ou les personnes civilement responsables ne comparaissent pas sans excuse valable, le juge peut prononcer une amende civile dont le montant ne peut excéder 3 750 euros. Il est fait mention de cette procédure dans la convocation". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Trop souvent, les parents d'enfants délinquants convoqués devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants ne défèrent pas à la convocation. L'amendement tend donc à permettre au juge de prononcer une amende civile contre ces parents qui refusent de comparaître.
Je rappelle, pour l'histoire, que cette proposition a été formulée par des députés de la majorité dite plurielle, Mme Lazerges et M. Balduyck, dans le cadre de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises. Je cite ces éminents collègues : « Certains parents ne se déplacent plus devant les juridictions pénales lorsqu'ils sont convoqués en qualité de civilement responsables de leur enfant. Ils manifestent ainsi, à l'égard de leur enfant, un désintérêt coupable, et, à l'égard de la société qui est amenée à intervenir pour faire face à la situation de leur enfant, une irresponsabilité qu'il convient de sanctionner. »
La commission des lois demande donc avec une particulière insistance au Sénat d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement, fidèle à la logique qu'il a adoptée tout à l'heure, ne désire pas alourdir le dispositif répressif de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, d'autant que les dispositions du code de procédure pénale permettent déjà d'entendre, à titre de témoins, les parents qui ne se seraient pas présentés à l'audience du juge ou du tribunal pour enfants, et de les sanctionner le cas échéant.
Si par cet amendement vous souhaitez, monsieur le rapporteur, souligner la non-application des dispositions actuellement en vigueur, on peut alors douter de l'application de textes plus répressifs demain !
M. Jean-Jacques Hyest. Parfois, quand les témoins ne viennent pas, cela ne se passe pas de la même manière !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je tiens à répondre à la dernière assertion de M. le ministre et, en même temps, à M. Alain Vasselle, qui s'interrogeait tout à l'heure sur l'opportunité d'alourdir les peines.
Le problème n'est pas nouveau : Montesquieu disait en substance que ce qui empêchait le plus les criminels de récidiver, c'était non pas la rigueur de la peine, mais la certitude d'être pris.
Cela renvoie à des observations précédentes : que l'Etat se donne les moyens de prendre tous ceux qui commettent des actions répréhensibles, et nous n'aurons plus besoin de légiférer.
Enfin, qu'il me soit permis de rappeler, parce que je n'y ai peut-être pas suffisamment insisté, que l'on nous fait le reproche de nous pencher sur les questions de sécurité alors même que nous examinons non pas une proposition de loi, mais un projet de loi, c'est-à-dire un texte déposé sur l'initiative du Gouvernement. Celui-ci a donc conscience, comme nous, de l'importance du sujet. Pour notre part, ce que nous souhaitons, c'est que l'on ne dise pas, comme à l'opéra : « Marchons, marchons », sans avancer. Nous voulons progresser ! (MM. Blanc et Chérioux applaudissent.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 16, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où un enfant donnant droit aux prestations contrevient de manière réitérée à un arrêté d'interdiction de circuler pris en application de l'article L. 2212-4-1 du code général des collectivités territoriales, le juge des mineurs peut ordonner que les prestations soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée, dite tuteur aux prestations sociales. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement traite du problème des prestations familiales.
Actuellement, ces dernières peuvent être versées à un tuteur aux prestations sociales pour qu'il en fasse usage au bénéfice des enfants - je me permets d'insister lourdement sur ce point - lorsque ceux-ci ne sont pas entretenus convenablement par leurs parents.
L'amendement n° 16 tend à prévoir la même mesure lorsqu'un mineur contrevient à plusieurs reprises à un arrêté d'interdiction de circulation édicté par un maire, disposition qui permet de ramener chez lui un enfant lorsqu'il erre seul entre minuit et six heures du matin. Il s'agit ici de responsabiliser les parents.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il ne s'agit nullement d'un amendement visant à sanctionner les agissements de mineurs, et le Gouvernement est en outre opposé à la prise d'arrêtés interdisant la circulation de ces derniers. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je tiens à souligner que la disposition proposée par la commission des lois va tout à fait dans le sens des mesures éducatives prévues par l'ordonnance de 1945. S'opposer à cet amendement revient donc à aller à l'encontre de cette ordonnance. (M. Vasselle applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 75 rectifié, M. About et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 227-17 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Le fait, pour une personne qui exerce l'autorité parentale sur un mineur, d'avoir laissé ce mineur commettre une infraction pénale, par imprudence, négligence ou manquement graves et réitérés à ses obligations parentales, est passible des mêmes peines que si elle s'était rendue coupable de complicité.
« Ces peines peuvent être assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve selon les modalités prévues aux articles 132-40 à 132-53. Cette mise à l'épreuve consiste, pour la personne condamnée, en une obligation d'éducation et de surveillance renforcées dudit mineur, en particulier pour éviter que ce dernier ne manque l'école sans motif légitime ou qu'il ne quitte le domicile parental après certaines heures, qu'il ne fréquente certaines personnes ou certains lieux qui lui sont manifestement néfastes. Elle peut également s'accompagner d'une obligation de formation à la responsabilité parentale.
« L'exécution de ces obligations est vérifiée par le juge de l'application des peines, qui peut se faire assister par un travailleur social du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
« En cas de récidive du mineur, le juge examine la réalité des mesures d'éducation et de surveillance prises par les personnes ayant sur lui autorité. En cas de manquements graves constatés, le juge peut prendre une ou plusieurs des mesures suivantes :
« 1° La mise sous tutelle des prestations familiales, conformément à l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale ;
« 2° La révocation du sursis accordé à ces personnes, selon les mêmes modalités que celles prévues aux articles 132-47 à 132-51 du code pénal ;
« 3° Le retrait total ou partiel de l'autorité parentale, suivant les modalités définies par les articles 378 à 379-1 du code civil ;
« 4° La nomination d'un tuteur, spécifiquement chargé du mineur, en application de l'article 380 du code civil. »
« II. - Dans l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, après les mots : "dans l'intérêt des enfants", sont insérés les mots : "ou encore lorsque les parents ne respectent pas les obligations de formation ou de surveillance de leurs enfants, décidées par le juge, en vertu de l'article additionnel après l'article 227-17 ( cf. I ci-dessus) du code pénal. »
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Cet amendement pourrait être qualifié d'éducatif ou de préventif, puisqu'il a pour objet de permettre aux parents, aidés d'éducateurs, de se ressaisir en vue d'assumer avec efficacité l'éducation et l'encadrement de leurs jeunes enfants, dès que ceux-ci ont commis leurs premiers délits.
En effet, le long débat qui nous occupe à l'occasion de l'examen d'un texte traitant également des fusils de chasse ou des cartes bleues n'aurait pas été nécessaire si le problème de l'éducation des jeunes enfants délinquants primaires avait été pris en considération.
Bien entendu, l'amendement que je soumets au Sénat ne vise absolument pas les grands adolescents qui attrapent leur mère au collet pour lui dérober sa carte bleue et la forcer à en révéler le code secret : il s'agit de rappeler aux parents qu'ils ont un rôle à jouer quand leurs jeunes enfants perpètrent leurs premiers délits. Que l'on ne tente donc pas de me prêter d'autres intentions !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Nicolas About. Si les parents font preuve de carence éducative grave et si leurs enfants commettent des délits ou des crimes, ils doivent encourir les mêmes peines que s'ils s'étaient rendus coupables de complicité. Tel n'est pas le cas, mais ils doivent être rendus passibles des mêmes peines.
La condamnation assortie du sursis - cette faculté est certes toujours ouverte, mais en l'occurrence le sursis devra être de règle - permet la mise à l'épreuve. Le juge, mû par la volonté de sensibiliser les parents aux problèmes et aux besoins de leurs jeunes enfants, leur imposera alors un certain nombre d'exigences.
En cas de récidive de l'enfant ou de non-respect des obligations rappelées par le juge, les parents pourront bien entendu se voir infliger une série d'autres mesures, telles que la mise sous tutelle des allocations familiales, évoquée tout à l'heure, la révocation du sursis, le retrait de l'autorité parentale ou, tout simplement, la nomination d'un tuteur chargé du mineur. Nous sommes là très loin du tableau apocalyptique que M. le ministre ou d'autres intervenants ont dressé tout à l'heure à propos de ce texte, qui viserait, à les en croire, à drainer les enfants vers la prison !
Non, nous souhaitons les laisser auprès de leurs parents, mais nous voulons un réaction dès les premiers faits, quitte à ce que des personnes viennent aider les parents, mais en rappelant surtout à ces derniers la gravité des actes commis par leurs enfants. Mes chers collègues, aujourd'hui, les parents s'en moquent ; ils ne se présentent même plus quand ils sont convoqués. D'ailleurs, les enfants, eux aussi, s'en moquent. On en a même vu certains, récemment encore à la télévision, réclamer des peines dont ils savent qu'elles ne sont jamais appliquées : « Monsieur le juge, donnez-moi donc un TIG, ma soeur en a eu un, et elle ne l'a jamais exécuté ! » Voilà ce que l'on entend.
Non, vraiment, il faut responsabiliser les parents, leur faire comprendre la gravité des faits commis par leurs enfants car, bien souvent, ils n'en ont aucune idée eux-mêmes.
Mes chers collègues, merci d'avance de voter cet amendement : en soutenant cet amendement, ce sont les enfants que vous soutiendrez.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission des lois a répondu à l'appel de M. About et a émis un avis favorable sur un amendement qui tend, en effet, à responsabiliser les parents en prévoyant qu'ils peuvent être punis des peines prévues en cas de complicité - cette fois, il s'agit bien de complicité - lorsqu'ils ont laissé leur enfant commettre une infraction pénale.
Le système est judicieux, puisqu'il prévoit une possibilité de sursis avec mise à l'épreuve, et il est cohérent avec notre position, puisque nous avons souhaité responsabiliser davantage les parents en prévoyant que les allocations familiales pourront être versées, en cas de besoin, entre les mains d'un tuteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pour ceux qui prendraient nos débats en cours, je serai amené à redire de temps en temps que le Gouvernement ne peut être que défavorable à un amendement visant à amender un texte auquel il est défavorable. En somme, le Gouvernement est doublement défavorable !
Cela étant, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez faire reproche au Gouvernement de ne pas traiter de questions qu'il ne souhaitait précisément pas traiter et de ne pas consentir à des amendements qui tendent à modifier l'ordonnance de 1945 que le Gouvernement ne souhaite pas modifier par ce projet de loi !
Que cette question fasse l'objet de la commission d'enquête dont vous avez pris l'initiative de la création, c'est très bien, mais pas dans la précipitation et pas sous cette forme.
Monsieur Schosteck, ne me faites pas le reproche de ne pas avoir prévu ce que j'ai dit que nous ne ferions pas !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 75 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voterai cet amendement, que je trouve excellent.
Mais je veux relever, dans la bouche de M. le ministre, une réaction qui laisserait penser que le Sénat prend des initiatives législatives de manière inconsidérée, qu'il n'a pas suffisamment réfléchi en l'occurrence et qu'il serait préférable de créer une commission spéciale avant de légiférer.
Cela signifierait que nous devons laisser la prérogative de la réflexion au Gouvernement ou à l'Assemblée nationale et que ce n'est qu'une fois que le Gouvernement a donné son aval au travail de la commission que le Sénat peut commencer son travail législatif.
Monsieur le ministre, j'espère que vos propos dépassent votre pensée. Sinon faut-il comprendre que vous contestez au Sénat son pouvoir d'initiative législative et que, chaque fois qu'il en usera, vous vous opposerez systématiquement à l'entreprise au motif qu'elle ne correspondra pas à la démarche du Gouvernement ?
Pourtant, vous avez bien intitulé votre texte « projet de loi relatif à la sécurité quotidienne ». La délinquance des mineurs n'est-elle pas un problème de sécurité quotidienne ? Ne sommes-nous pas confrontés, au quotidien, à cette forme d'insécurité quotidienne, en qualité de maires, de parents, de voisins ou de responsables de l'éducation de nos enfants, soit par l'éducation nationale, soit au sein des associations ?
Je me permets donc de relever cette remarque dans la bouche du ministre de l'intérieur, car je ne la comprends pas et je suis persuadé que celles et ceux qui prendront le temps de lire le Journal officiel seront surpris que le ministre chargé d'assurer la sécurité sur le territoire, avec les maires que nous sommes et avec les préfets, ne prenne pas plus en considération le fruit du travail parlementaire qui, à mon avis, correspond à une attente très forte des Français.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le ministre, vous m'offrez involontairement l'occasion de manifester mon étonnement.
Nous sommes saisis d'un texte relatif à la sécurité quotidienne. Le problème se pose de savoir si le Parlement et le Gouvernement n'ont pas deux conceptions différentes de la sécurité.
Je vais avoir le grand plaisir de vous accueillir prochainement à Dijon, où vous rencontrerez M. le préfet, le président du conseil général que je suis, ainsi que les élus locaux. Or je puis vous assurer que, dans mon département, nous avons la même conception de la sécurité, une sécurité pour tous, surtout s'agissant de la sécurité de proximité. D'ailleurs, si la population de mon département était consultée par sondage, l'insécurité due à la délinquance des mineurs arriverait en tête des préoccupations.
Certes, vous pouvez considérer - c'est votre responsabilité nationale - que les armes à feu et les cartes bleues constituent un problème important, urgent, à traiter.
Mais, à partir du moment où votre projet de loi est « relatif à la sécurité quotidienne », convenez que les représentants des collectivités territoriales que nous sommes aux termes de l'article 24 de la Constitution expriment leurs préoccupations concernant la sécurité quotidienne. Pour moi, il n'y a pas la sécurité décidée d'en haut et la sécurité décidée d'en bas : c'est la sécurité pour tous que nous voulons !
Dans mon village de cent quatorze habitants, quand on commence à voler un, puis deux vélos - c'est arrivé il y a quelques mois - la brigade de gendarmerie enquête. Quand je vais déclarer un vol de vélo dans un commissariat de police à Paris, on me rit au nez. ( M. le ministre proteste.) Cela m'est arrivé, je peux en parler savamment ! Si je viens déclarer le vol d'une voiture, on commencera à peine à s'intéresser à moi...
Mais si la notion de sécurité pour tous est un détail pour vous (M. le ministre proteste de nouveau) pour nous, la délinquance des mineurs ne peut pas être traitée comme un détail. C'est même l'un des éléments majeurs de l'inquiétude des Français.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. L'amendement de M. About n'est pas sans poser des problèmes.
J'en comprends bien l'inspiration : il s'agit, face à la délinquance des mineurs, dont on a suffisamment souligné la gravité, de mieux responsabiliser les parents. Personne ne pourrait discuter le bien-fondé de l'intention. En revanche, les modalités proposées n'appellent pas le même jugement. En effet, après une lecture attentive de l'amendement, on comprend qu'il s'agit de répondre dès le premier acte pour ensuite, éventuellement, faire jouer la responsabilité des parents. Mais dans la pratique, comment les choses se déroulent-elles ? Dès le premier acte, il y a identification du mineur. Cela veut dire que le mineur, aujourd'hui, est conduit d'abord devant le procureur de la République ou devant son délégué. Ensuite, s'il y a lieu - pour les cas déjà plus importants il est vrai, mais très communément - le mineur passe devant le juge des enfants.
Il y a donc, dès cet instant, une réponse, et elle est liée à l'identification.
De manière générale, tous les magistrats des mineurs vous le confirmeront, depuis quatre ou cinq ans, le niveau de la réponse pénale n'a cessé d'augmenter pour atteindre, dans la partie de la région parisienne la plus touchée par la délinquance des mineurs, c'est-à-dire la Seine-Saint-Denis, un taux de 80 %.
A partir de là, que va faire le juge ? Evidemment, quand l'enfant lui est présenté, il va aussitôt - c'est toujours le cas - faire diligenter une enquête sociale et, mieux encore, entendre les parents. (M. Nicolas About lève les bras au ciel.) Je vous en prie, mon cher collègue, je parle de ce qu'est la pratique quotidienne, que j'ai pu vérifier.
Le juge convoque donc les parents, et c'est à l'occasion de l'audition du mineur et de ses parents, que le juge va précisément prononcer les paroles de responsabilité que vous souhaitez.
Si, et c'est exactement l'hypothèse que vous avez évoquée, le juge constate une carence parentale totale - parce que c'est bien ce dont il est question - ou suffisamment grave, une décision de justice peut intervenir. Mais vous n'allez tout de même pas demander que le parquet poursuive des parents qui se trouvent eux-mêmes confrontés à un adolescent qui les défie, qui sort quand il veut, en proférant les propos que l'on sait.
M. Nicolas About. C'est trop tard !
M. Robert Badinter. Vous n'allez pas, en plus, faire traduire en correctionnelle les parents pour une infraction qu'aura commise leur enfant rebelle.
Donc, les choses étant ce qu'elles sont, et s'agissant des plus jeunes, puisque c'est ceux-là que vous évoquez, les parents sont devant le juge, qui peut d'ores et déjà prendre toutes les mesures nécessaires concernant l'enfant. Pourquoi voulez-vous ajouter cette poursuite pénale supplémentaire et, je le redis, aussi tardive qu'inutile ?
En ce qui concerne maintenant le principe de légalité, qui domine toujours, je le rappelle, le droit pénal, je ne vois pas très bien comment on pourrait déceler les éléments constitutifs d'une infraction dans le fait d'avoir laissé un mineur commettre une infraction pénale. Ou on est un complice ou, pis encore et très souvent, un receleur, et là on tombe sous le coup de la loi pénale, mais, « laisser commettre », cela signifie avoir laissé le mineur sortir à une heure où il n'aurait pas dû sortir. Mais croyez-vous vraiment que les parents « laissent » sortir le mineur ?
Quant au manquement grave aux obligations parentales, il entraîne immédiatement le retrait de l'autorité parentale et le placement de l'enfant, autant de mesures que nous connaissons bien et qui sont déjà à la disposition du juge. Pourquoi toujours ajouter des textes aux textes, toujours aller dans le sens de l'inflation législative ? Non, ce n'est pas la peine ! Croyez-moi, il y a même un délit concernant le défaut d'exercice de l'autorité parentale, qui a les conséquences que l'on sait sur le comportement de l'enfant.
Mon cher collègue, tout cela, vous l'avez déjà. Alors, non, pas de textes inutiles ! Pour ma part, je ne vous suivrai pas. Je comprends, encore une fois, votre finalité, mais il est répondu à votre préoccupation, très fermement et très complètement, par les juges des enfants et les procureurs en charge de ces questions.
M. Nicolas About. Il n'y a jamais de peines appliquées aux parents !
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Permettez-moi simplement un parallèle : un maire qui, par imprudence, négligence ou manquement grave et réitéré à ses obligations de maire, aurait laissé faire l'un de ses agents, sera poursuivi et condamné. ( Marques d'approbation sur les travées du RPR.) Il en sera de même pour un directeur d'hôpital ou un directeur d'école, notamment. Tout responsable peut donc être poursuivi et condamné, mais pas les parents !
M. Alain Vasselle. Excellente remarque !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est déjà dans le code !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 76, M. About propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 321-6 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Peut être complice de recel toute personne qui, ayant autorité sur un mineur qui vit avec elle, et bien qu'alertée par un train de vie dont le niveau découle manifestement d'un trafic ou d'un recel, a laissé ce mineur se livrer habituellement à des crimes ou à des délits contre les biens d'autrui, par imprudence, négligence ou manquement grave à ses obligations parentales.
« Les peines encourues sont les mêmes que celles prévues à l'article 321-1. Elles peuvent toutefois être assorties par le juge d'un sursis avec mise à l'épreuve, selon les mêmes modalités que celles prévues aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article additionnel après l'article 227-17 du code pénal. »
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Cet amendement relève du même esprit que le précédent. Ceux qui assument des responsabilités de terrain savent que, dans nombre de familles, se trouvent de jeunes, de très jeunes dealers qui ont quelquefois des niveaux de vie manifestement sans rapport avec les vingt francs d'argent de poche qu'on leur donne chaque semaine.
Par conséquent, il me paraît important de rappeler que peut être complice de recel toute personne qui a une autorité sur un mineur, qui vit avec lui et qui, alertée par un train de vie incroyable et manifeste, par imprudence, négligence ou manquement grave, permet à cet état de fait de perdurer.
C'est un repère, un signal extrêmement fort : lorsque, tout d'un coup, un enfant dispose de biens qu'il n'a manifestement pas les moyens d'acquérir, tout parent digne de ce nom devrait commencer à s'y intéresser.
Alors, je propose qu'il soit donné au juge, de la même façon que dans l'amendement précédent, la possibilité de prononcer un sursis avec mise à l'épreuve pour rappeler aux parents qu'ils ont à surveiller leurs enfants et à essayer de mettre fin à ce type de comportement, sans parler même de recel.
On me dira qu'il y a tout ce qu'il faut dans les textes. Mais pas du tout ! Là, ce que je demande, c'est que l'on puisse poursuivre les parents pour des faits se rapprochant de la complicité et non pas simplement pour manquement, car il faut que les parents prennent conscience de la gravité des faits commis par leurs enfants.
Enfin, dans cette société, quelqu'un va-t-il redevenir un jour responsable des enfants ? Les enseignants ne le sont plus. Les policiers ne le sont plus, ils en ont plus qu'assez qu'on leur ramène tous les jeunes délinquants. En tant que parlementaire, j'ai pu passer une journée dans les services d'un parquet. Toute la journée, ce ne fut que classement sans suite sur classement sans suite.
Alors, ne nous dites pas que les enfants sont poursuivis : ce n'est pas vrai, c'est du délire, et les parents non plus. Par conséquent, il faut bien, à un moment donné, redire à ceux qui sont les premiers responsables des enfants car, après tout, ils les ont faits : intéressez-vous à ce que font vos enfants, intervenez et, si vous avez besoin d'aide, on vous en donnera. Mais on va aussi voir si vous faites des efforts pour veiller sur vos enfants.
Enfin, mes chers collègues, ce sont tout de même les parents qui sont les premiers responsables de ce qu'ils laissent faire à leurs propres enfants, surtout lorsqu'il s'agit de jeunes enfants.
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement n° 76, qui porte sur le recel, est dans le prolongement de l'amendement n° 75 rectifié. La commission y est évidemment favorable.
Je rappelle à cette occasion à ceux qui penseraient que ces amendements de notre collègue About ont été improvisés et rédigés rapidement sur un coin de table, qu'ils découlent d'une proposition de loi qu'il avait déposée il y a plus d'un an et que j'ai cosignée. Il n'y a donc là nulle improvisation.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Nous avions d'ailleurs bien préparé cette proposition de loi. J'en avais même soumis le texte à des magistrats pour savoir si elle présentait un certain intérêt.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement, comme sur l'amendement précédent, émet un avis défavorable.
Mais permettez-moi, à cet instant, de répondre à M. Vasselle. J'ai moi-même pu faire la démonstration que, quand une initiative parlementaire émane du Sénat, elle peut trouver un écho positif. J'en veux pour preuve l'initiative prise par M. Fauchon, que je me suis efforcé de faire avancer et que Mme Guigou a mené à son terme.
Par ailleurs, monsieur About, vous ne pouvez pas dire que le Gouvernement n'a pas essayé de faire avancer la proposition de loi relative aux sectes, dont j'espère bien qu'elle aboutira.
Je ne rejette en aucune manière les initiatives parlementaires. Au contraire ! Mais il est contradictoire, selon moi, de présenter des amendements alors même que, de vos rangs, émane l'idée de la création d'une commission d'enquête parlementaire sur ces sujets.
Je le dis encore une fois, vous ne pouvez que me donner acte du fait que, lorsqu'une initiative est émise, et qu'elle est partagée - et , sur ces sujets, elle est souvent partagée - sa discussion peut avancer avec l'appui du Gouvernement.
Je me permets maintenant de dire à M. de Broissia que je suis élu depuis longtemps dans un arrondissement de Paris qui n'est pas sans réunir certaines caractéristiques, peut-être plus problématiques que celles d'une commune de cent quatorze habitants en Côte-d'Or et que je me rendrai, bien évidemment, à l'invitation de M. François Rebsamen, nouvellement élu maire de Dijon. Monsieur le sénateur, je serais heureux que vous puissiez vous joindre à nous et j'espère qu'à cette occasion nous pourrons discuter des problèmes d'insécurité, notamment dans votre commune de cent quatorze habitants.
Bourguignon moi-même, je connais bien la Côte-d'Or. De ce point de vue, ne nous donnons pas de leçons les uns aux autres. La sécurité pour tous, c'est notre préoccupation à tous.
La question qui est débattue cet après-midi trouvera, peut-être, une réponse après le travail de la commission d'enquête parlementaire mais elle ne rentre pas dans le champ d'application du texte présenté par le Gouvernement, qui vise à répondre concrètement par des dispositions législatives aux problèmes liés à l'insécurité quotidienne.
Certes, ce projet de loi, que j'ai préparé, ne concerne pas certains sujets parce qu'il ne s'agit pas, comme je l'ai dit, d'une grande loi d'orientation. Mais je ne crois pas que l'on puisse lutter contre l'insécurité uniquement avec des textes législatifs.
J'éprouve donc quelques réserves par rapport aux initiatives que vous souhaitez prendre par voie d'amendements. Encore une fois, je ne crois pas que ces amendements, notamment ceux que vient de défendre M. About, et sur lesquels le Gouvernement émet un avis défavorable, répondent aux problèmes posés.
La délinquance des mineurs est un problème réel, et il faut appliquer les textes en vigueur. L'autorité des parents pose également un problème réel, comme je l'ai souvent évoqué dans ma mission ministérielle, et il faut étudier les questions de la responsabilisation des parents, de leur incapacité, parfois, à élever leurs enfants ou à avoir le sentiment de leur responsabilité. Mais, excusez-moi de vous le dire, je ne crois pas que ce soit par des textes, que de nombreux parents n'auront même pas l'occasion de lire, que l'on résoudra le problème.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. A défaut de remédier à ce problème, l'initiative de la commission des lois du Sénat a le grand mérite de poser sur la place publique la question de l'insécurité au quotidien et d'aborder le sujet, qui est lié, de la délinquance des mineurs.
Monsieur le ministre, vous déclarez vouloir encourager les initiatives parlementaires et les exemples que vous avez cités, nous vous en donnons acte, prouvent que vous savez parfois le faire. Toutefois, sur ce sujet, on a le sentiment que vous rejetez tout en bloc. L'initiative sénatoriale a pourtant été longuement réfléchie.
On a le sentiment, depuis la semaine dernière,...
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pas avant 1997 !
M. Alain Joyandet. ... que, sur ces problèmes, il y a une forme d'accord. Sur le diagnostic, nous sommes presque d'accord, monsieur le ministre. Sur le fond, nous abordons ces questions de la même manière. Malgré tout, les solutions que nous proposons, tant sur l'information des maires que sur la délinquance des mineurs, ne sont pas retenues.
Le Gouvernement ne rejette pas nos propositions sur le fond. Il nous oppose systématiquement le manque de moyens. Pour l'information des maires, par exemple, il nous a été dit qu'elle était trop compliquée et qu'elle demandait des moyens trop importants.
S'agissant de la délinquance des mineurs, vous faites valoir, monsieur le ministre, que la loi n'est pas un moyen. Cette affirmation est assez grave d'autant plus que, au fond, nous partageons le même avis sur la délinquance des mineurs, sur la nécessité d'agir.
Nous proposons un certain nombre de solutions. Vous nous dites qu'elles sont mauvaises, mais que vous n'avez pas les moyens pour les mettre en oeuvre.
Je souligne pourtant, comme nous l'avons dit dans la discussion générale, que les budgets des ministères de l'intérieur et de la justice cumulés coûtent moins cher à la nation que la mise en oeuvre des 35 heures en année pleine.
Si, face à un problème de société aussi important que celui de la délinquance des mineurs, le Gouvernement ne nous oppose que des arguments relatifs aux moyens et ne nous contredit pas sur le fond, nos collègues et la commission ont raison de nous proposer un certain nombre d'amendements mûrement réfléchis.
S'il ne reste plus qu'à débattre du problème des moyens, il faudra que chacun manifeste sa réelle volonté de résoudre un problème de société sur lequel il ne faut plus tarder de légiférer.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je dirais volontiers que, s'il s'agit de la question des moyens mis à la disposition de la justice, je serai toujours prêt et à tout moment à en réclamer davantage.
Quant à la répartition globale des dépenses budgétaires, pardonnez-moi mais je m'interroge souvent sur l'utilité d'un porte-avions au nom glorieux, en me demandant à quoi il servira dans les décennies à venir compte tenu de l'évolution des techniques militaires. Mais tel n'est pas l'objet du débat.
Le problème est le suivant : les amendements peuvent-ils contribuer à réduire la délinquance des mineurs et correspondent-ils bien à ce que l'on est en droit d'attendre d'un code pénal ?
S'agissant du présent amendement, monsieur About, vous êtes trop bon juriste pour ne pas savoir que le recel, c'est profiter de l'argent qui est le produit de l'infraction, ce n'est pas déceler, à partir d'un train de vie extraordinaire, le fait que l'enfant mineur se trouve en situation, peut-être, de délinquant. Ce n'est pas du tout la même chose. On ne peut donc pas s'engager sur la voie du recel en ce cas.
A cette occasion, je suis heureux de répondre à l'argument de M. Gélard, qui a évoqué le fait que, s'agissant d'un maire ou de tel ou tel responsable, la réitération des infractions pouvait conduire à la poursuite. Je rappelle que, s'agissant des parents, l'article 227-17 du code pénal précise : « Le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire sans motif légitime à ses obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende... »
Lorsqu'on est en présence d'un mineur qui se livre habituellement à des crimes ou des délits, que son train de vie découle manifestement d'un trafic ou d'un recel, on est bien dans un de ces cas qui sont visés par l'article que je viens d'évoquer.
La moralité du mineur étant gravement compromise, si le parquet veut poursuivre, il peut le faire. Si on lui donne un texte de plus et qu'il n'entend pas poursuivre, il ne poursuivra pas.
Je préfère donc laisser les choses en l'état et dire que le parquet - qui, je ne sais pas pourquoi, semble faire l'objet de procès dans cet hémicycle depuis quelque temps - fait tout ce qu'il peut pour mener avec les moyens dont il dispose, une lutte très difficile face à une délinquance dont nous mesurons tous les jours ce qu'elle est.
M. Nicolas About. On ne met pas en cause le parquet, il n'a pas assez de magistrats !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous, on a créé des postes ! Vous ne l'avez pas fait.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je crois que ce débat renforce les propositions de la commission des lois et l'attitude de celle-ci.
On nous dit : c'est prématuré, ce n'est pas étudié, ce sera examiné plus tard, etc. Cela signifie que les problèmes de sécurité ne seront pas abordés, et c'est grave.
Le rôle majeur en matière de sécurité incombe à l'Etat et au Gouvernement. C'est le Gouvernement qui est responsable en premier lieu de la sécurité publique. Si l'on s'aperçoit qu'il y a des dysfonctionnements, le Gouvernement s'en explique, bien évidemment. Mais il est du rôle du Parlement de mettre en oeuvre les moyens législatifs permettant au Gouvernement de mieux agir.
C'est ce que nous tentons de faire aujourd'hui, monsieur le ministre. Autrement, le problème sera renvoyé à plus tard, c'est-à-dire à des époques où l'on n'aura pas plus le temps de régler les problèmes de sécurité.
M. Nicolas About. Comme le droit de la famille et comme le reste !
M. Louis Souvet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Je suis étonné que le ministre de l'intérieur puisse tenir des propos selon lesquels ce n'est pas avec des textes que l'on va régler les problèmes, notamment en ce qui concerne les parents.
Monsieur le ministre, les textes ne sont pas faits pour les parents ; ils sont faits pour ceux qui ont à les utiliser. Quand on prévoit que les peines encourues sont les mêmes que celles de l'article 321-1 du code de procédure pénale, on donne, me semble-t-il, au juge les moyens d'action qui lui permettront de se prononcer et de condamner.
C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de M. About.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 76, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 17, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans tous les textes en vigueur, les mots : " juge des enfants " sont remplacés par les mots : " juge des mineurs ".
« II. - Dans tous les textes en vigueur, les mots : " tribunal des enfants " sont remplacés par les mots : " tribunal des mineurs ". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement a valeur symbolique. Nous considérons que ces appellations que nous proposons sont mieux adaptées à la situation d'aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. C'est une question, non pas symbolique, mais qui, curieusement, sensibilise les magistrats chargés des problèmes de la délinquance des enfants et des mineurs.
Lorsque vous les écoutez, vous mesurez qu'ils préfèrent, à l'appellation proposée, qui n'est juridiquement pas inexacte, celle de « tribunal pour enfants » ou de « juge des enfants ». Mais c'est surtout à cette dernière qu'ils sont attachés, et ce pour deux raisons.
La première est que le mot « enfant » traduit mieux la prépondérance des mesures éducatives. Il ne faut jamais oublier que le droit pénal des mineurs et surtout des jeunes mineurs repose sur le traitement éducatif, l'ultime recours étant la sanction pénale. Le juge des enfants, qui est en première ligne, préfère montrer par là le caractère éducatif de son approche du problème de la délinquance des enfants ou des mineurs.
La seconde raison est que de telles appellations ont leurs lettres de noblesse dans notre droit. L'expression « tribunal pour enfants » remonte à un siècle. Nous y sommes attachés et elle a aussi une portée symbolique. Je ne pense pas qu'il faille la modifier. Certes, il y a bien, me direz-vous, la cour d'assises des mineurs. Mais elle ne peut pas être par définition la cour d'assises des enfants. Elle ne peut donc pas avoir d'autre dénomination. Vous remarquerez, monsieur le rapporteur, que l'expression « cour d'assises » n'a pas été modifiée lorsqu'un deuxième degré de juridiction a été créé en matière criminelle. Nous y sommes habitués et attachés de par une culture judiciaire qui nous est propre.
Ne changeons donc pas les dénominations de « juge des enfants » et de « tribunal des enfants ». D'un point de vue juridique, elles sont parfaitement fondées. De plus, la convention de New York définit le mineur comme un enfant âgé de moins de dix-huit ans. En outre, je rappelle, s'il en était besoin, que les traités internationaux, dans notre Constitution, l'emportent sur le droit interne. Ces dénominations sont donc conformes aux conventions internationales et à notre tradition. Enfin, elles marquent bien cette dimension éducative à laquelle nos magistrats sont attachés. Laissons donc les choses en l'état.
M. Christian Bonnet. A dix-huit ans, ce sont de sacrés gaillards, pour des enfants !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce ne sont plus des enfants !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 18, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant paraissent l'exiger, prononcer à l'égard du mineur âgé de plus de dix ans une condamnation pénale conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-5. Aucune peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, ne pourra être prononcée contre un mineur de treize ans ».
« II. - Dans l'article 18 de la même ordonnance, le mot : "treize" est remplacé par le mot : "dix".
« III. - Dans l'article 20-3 de la même ordonnance, le mot : "treize" est remplacé par le mot : "dix".
« IV. - Le premier alinéa de l'article 20-5 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles 131-8 et 131-22 à 131-24 du code pénal relatives au travail d'intérêt général sont applicables aux mineurs de dix à dix-huit ans. Les dispositions des articles 132-54 à 132-57 du code pénal relatives au sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général sont applicables aux mineurs de treize à dix-huit ans.
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 20-7 de la même ordonnance, le mot : "treize" est remplacé par le mot : "dix".
« VI. - Dans le deuxième alinéa de l'article 21 de la même ordonnance, le mot : "treize" est remplacé par le mot : "dix".
« VII. - Dans le second alinéa de l'article 22 de la même ordonnance, le mot : "treize" est remplacé par le mot : "dix". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre le prononcé d'une peine à l'encontre d'un mineur âgé de dix à treize ans.
Contrairement à ce que l'on a prétendu lors de la discussion générale et après, ainsi que dans une certaine presse, cet amendement ne change rien - j'y insiste - aux règles relatives à la responsabilité pénale des mineurs. Aujourd'hui déjà, un mineur de moins de treize ans peut être poursuivi devant une juridiction pénale. La seule chose que nous demandons est que le tribunal puisse prononcer une peine.
Pourquoi proposons-nous une telle mesure ? Nous pensons que, dans certains cas, elle permettra au juge de rompre l'ancrage de très jeunes mineurs dans la délinquance.
De plus, vous savez très bien que des mineurs âgés de treize à dix-huit ans ou de jeunes majeurs utilisent de très jeunes enfants pour commettre des infractions, précisément parce que ces derniers n'encourent pas de peines. Nous devons donc décourager ce type de comportement.
Enfin, notre amendement vise à créer un choc salutaire chez les mineurs âgés de dix à treize ans. En effet, leur comparution devant une juridiction peut contribuer à leur faire prendre conscience de la gravité des actes qu'ils ont commis.
Je ne suis pas certain qu'il soit justifié de crier à la dérive sécuritaire pour une telle mesure, d'autant que, je l'ai déjà dit plusieurs fois et je le répète avec force, une peine d'emprisonnement ne pourrait être prononcée à l'égard de ces mineurs. Il est donc exact que le régime des peines applicables aux majeurs n'est pas pleinement adapté à la situation des jeunes mineurs. C'est pourquoi nous devons poursuivre notre réflexion sur ce point, afin d'envisager des peines spécifiques.
Nous proposons, par exemple, que ces mineurs puissent être condamnés à une activité d'intérêt général. On pourrait également envisager à l'avenir certaines interdictions : de rencontrer certaines personnes ou d'aller dans certains lieux. On pourrait également envisager une réparation qui, aujourd'hui, n'est pas une peine. La confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit est également très adaptée à la situation de ces enfants.
Nous devons également avoir une réflexion approfondie sur l'hypothèse de centres réservés aux mineurs, très encadrés, orientés vers l'éducation et la formation. Nous ne disons pas autre chose. Le placement dans de telles structures pourrait être prononcé alors à titre de peine, ce qui aurait une valeur plus symbolique.
Pour conclure sur le sujet, je voudrais vous lire quelques propos tenus par Mme le professeur Dekeuwer-Defossez, juriste renommée, qui illustrent assez bien notre objectif sur cet amendement :
« L'ambiguïté du système institué par l'ordonnance de 1945 est particulièrement mise en lumière par les psychologues qui relèvent la difficulté des acteurs à reconnaître l'existence d'une faute à sanctionner.
« De fait, il est par essence contradictoire de reconnaître officiellement l'existence d'une transgression et de n'en tirer comme conséquence que des mesures qui ne sont pas en elles-mêmes des sanctions, comme par exemple une obligation d'assiduité scolaire.
« Ainsi finit-on par observer que les jeunes poursuivis pour des contraventions au code de la route (défaut de port du casque...) sont bien plus sévèrement punis que pour des délits. Manifestement, le primat de la justice protectionnelle a fini par rendre illisible la place de la justice pénale. »
Ce professeur de droit poursuit : « Ainsi observe-t-on une véritable solution de continuité entre les mesures sans guère de connotation répressive et l'emprisonnement. (...) Le bon dosage entre contrainte et liberté ne semble pas avoir été trouvé. Pour reprendre un exemple donné par un juge des enfants : "Concernant la crédibilité des services, si l'on place autoritairement un mineur, ce n'est pas pour qu'il parte en vacances aussitôt et qu'on lui demande en plus de choisir entre les Alpes et les Pyrénées". »
Mes chers collègues, je voudrais bien que l'on nous fasse la grâce de penser honnêtement que cet amendement n'est pas « sans pitié pour les mineurs de banlieue ». Il tend au contraire à leur donner une chance d'échapper à un fatal engrenage. (M. Gélard applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement s'oppose, vous le savez, à alourdir le dispositif pénal de l'ordonnance de 1945, puisqu'il préfère, lui, pour cette tranche d'âge, entre dix et treize notamment, parier sur l'efficacité de mesures éducatives, si elles sont effectives.
Je souligne par ailleurs que M. Schosteck, dans la brillante démonstration qu'il a faite pour défendre cet amendement, a souhaité, d'une certaine manière, poursuivre la réflexion. Poursuivre une réflexion, ce n'est pas vraiment, a priori, légiférer tout de suite ! Cela prouve bien qu'il y a toujours effectivement une incertitude et, de ce point de vue, sans fermer la réflexion, je pense qu'à ce stade le moment n'est pas venu de légiférer sur cette question, même si les problèmes sont réels.
Je veux aussi dire qu'il existe aujourd'hui ce que vous avez appelé de vos voeux, monsieur Schosteck, à savoir des mesures de placement tout à fait possibles. Elles sont d'ailleurs mises en oeuvre par ce gouvernement à travers l'édification des établissements que vous n'aviez pas mis en place.
En effet, même si les problèmes sont examinés et débattus aujourd'hui, force est de constater en toute bonne foi qu'ils ne datent pas d'hier. J'entendais tout à l'heure M. About dire qu'il manquait des magistrats. Je me suis permis de lui poser la question : que n'en avez-vous fait le constat avant ? Mais 1997 n'est pas si loin !
M. Josselin de Rohan. Vous avez été au pouvoir pendant quatorze ans !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Nous créons des postes de magistrats et nous donnons de nouveaux moyens à la justice. Certes, cela est encore insuffisant - M. Badinter le disait - mais ne reprochez pas à un gouvernement qui augmente considérablement les moyens de la justice de le faire quand d'autres avant lui n'ont rien fait !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. On pouvait espérer que ce débat ne prendrait pas une allure polémique. Mais, puisque c'est le cas, monsieur le ministre, attendez-vous à des réponses !
Permettez-moi de vous dire que votre majorité a été en charge de l'Etat et du pouvoir pendant, hélas ! quatorze ans sur les vingt ans qui viennent de s'écouler.
M. Robert Badinter. Je dirais plutôt : heureusement ! Pourquoi dites-vous : « hélas » ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Parce que je le regrette. Je ne peux pas dire autre chose !
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas de la polémique ?
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Puisque vous évoquez les budgets de la justice, permettez-moi de vous rappeler qu'en 1983 - ou était-ce 1984 ou 1985 ? - le budget de la justice a été à peine supérieur au déficit des usines Renault, qu'il a fallu combler, et inférieur au déficit d'Air France, qu'il a fallu aussi combler et en catastrophe !
Alors, je vous en prie ! Si vous voulez faire quelques rappels quant au modèle de gestion que vous prétendez incarner, allez au fond des choses et assumez la part de responsabilité qui vous revient ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Les déficits, vous les avez bien creusés !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Avant d'aller plus loin sur un article additionnel essentiel, je voudrais simplement faire remarquer à notre éminent président de la commission des lois qu'il faut toujours comparer ce qui est comparable et, par conséquent, comparer les budgets de la justice aux budgets de la justice ! Regardez leur évolution sur vingt ans. Vous verrez quand sont intervenues les augmentations majeures. Mais nous aurons l'occasion de reprendre cette discussion quand nous examinerons le budget de la justice.
J'en viens, monsieur le rapporteur, à l'objet de cet amendement, que vous avez présenté avec élégance et, je dois le dire, beaucoup de modestie. Mais je dois vous ramener à sa véritable portée. Il me suffit, pour cela, d'en lire le premier paragraphe concernant les juridictions pour mineurs : « Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant paraissent l'exiger, prononcer à l'égard du mineur âgé de plus de dix ans » - je dis bien dix ans, donc jusqu'à treize ans - « une condamnation pénale... » Et vous prétendez que ce n'est pas une révolution du fait qu'il n'est pas question de condamner à l'emprisonnement, et que d'autres condamnations sont possibles ! Pardonnez-moi de vous dire que cela en est une au contraire !
En effet, au regard des dispositions fondamentales de l'ordonnance de 1945, et sans faire de cette dernière un totem de notre droit, je vous rappelle que l'inspiration et la volonté constantes du législateur, depuis un demi-siècle, ont été, s'agissant de ce qu'il faut bien appeler ici l'enfance - nous parlons d'enfants de dix ans - et plus précisément de l'enfance délinquante, non seulement de faire prévaloir les mesures d'éducation, mais d'interdire les sanctions pénales. Vous aviez raison tout à l'heure quand vous disiez qu'il ne s'agissait pas d'irresponsabilité. C'est vrai que le public à cet égard confond très souvent la situation d'irresponsabilité et la condition actuelle du mineur de dix ans.
La vérité dans le droit français est autre. Vous avez d'abord, avant l'âge de sept ou huit ans, l'absence de discernement, qui exclut toutes poursuites.
Vous avez ensuite la mise en oeuvre de ce qu'on appelle « l'imputabilité », qui veut, si l'enfant de dix ans commet une infraction, que sa commission lui soit imputée et qu'il soit déféré au juge des enfants. Ce n'est pas une absence de réponse, c'est simplement l'approche qui a toujours existé et qui doit demeurer pour ces enfants de dix à treize ans, à savoir l'absence de condamnation, les mesures d'éducation, de surveillance et de traitement - elles sont énumérées à l'article 10 de l'ordonnance.
Avant que le Sénat se prononce, et bien que je sois convaincu à l'avance de sa décision, je voudrais lui rappeler comment les choses se passent lorsque le mineur de dix, onze ou douze ans est identifié. Il est présenté au parquet ou au représentant délégué du parquet ; c'est là le premier acte de ce que j'appellerai sa rencontre avec la justice. Croyez-moi, ce n'est pas rien pour un enfant de cet âge.
A partir de là, et s'il y a lieu, après que le magistrat du parquet a pris les premières mesures - je pense notamment à la réparation et à la rencontre avec la victime qui sont pratiquées actuellement - se déroule le deuxième acte, c'est-à-dire le fait de déférer le mineur devant le magistrat du siège - le juge des enfants - qui prendra alors les mesures qui s'imposent et qui sont complexes.
Il faut en effet procéder à une enquête sur le milieu familial de l'enfant, sur la condition de l'enfant à l'école, et, souvent, à une investigation d'ordre psychologique.
Tout cela doit être fait pour que s'engage ce que l'on appelle à juste titre le traitement de celui qui, en cet instant, est plus un enfant en danger qu'un délinquant.
Cela demande du temps, de l'attention, des moyens et du dévouement ; les magistrats des enfants peuvent en témoigner. En tout cas, cela n'appelle pas de condamnation pénale.
Considérez ce que vous proposez : c'est inapplicable ! Fort heureusement, vous vous arrêtez au seuil de l'emprisonnement, et je vous en sais gré. Mais vous vous demandez alors quelles sanctions pourront être appliquées. Vous avez gardé la possibilité de prononcer une peine d'amende, mais une amende pour l'enfant de dix, onze ou douze ans, cela signifie qu'elle sera à la charge de ses parents ! Comment voulez-vous que l'enfant comprenne ? Et pour ce qui est des parents, je n'ai pas besoin de dire qu'ils sont, dans tous les cas, civilement responsables.
Dès lors, vous évoquez une autre possibilité : le travail d'intérêt général.
Je rappellerai simplement que celui qui vous parle est celui qui a introduit dans notre droit le travail d'intérêt général. Je me souviens très bien du moment où, avec MM. Séguin, Toubon et Ducoloné, j'ai mis la dernière main à cette innovation importante de notre code. Et pourquoi croyez-vous que nous ayons arrêté son application à seize ans - et le Sénat avec nous puisqu'il a adopté ce texte à l'unanimité me semble-t-il ? Pourquoi n'avons-nous pas songé à appliquer le travail d'intérêt général aux mineurs de treize à seize ans par exemple ? Parce que c'est impossible ! En effet, des dispositions du code du travail interdisent le travail des jeunes avant cet âge, que celui-ci soit ordonné par un magistrat ou qu'il soit effectué dans n'importe quelle entreprise. Voyez les conventions internationales : elles interdisent le travail avant la fin de l'âge scolaire, quinze ans. Donc, le texte relatif au travail d'intérêt général est, par nature, inapplicable aux enfants de dix-treize ans.
Alors, que reste-t-il dès lors ?
Il reste ce qui est le coeur même du droit de l'enfance, c'est-à-dire les mesures de surveillance, les mesures d'éducation, et vous en revenez pratiquement à ce que vous déclarez insuffisant parce qu'il n'est pas possible d'aller au-delà.
Vous dites : oui, mais il restera l'avantage que représente la comparution devant le tribunal et la condamnation pénale - la condamnation pénale d'un enfant de dix ans ! Celui-ci verra alors la loi dans toute sa majesté.
Vous n'avez pas, comme moi, connu les audiences de mineurs. Moi, je peux vous dire que ce n'est pas la place d'un enfant de onze ans que d'être amené par la main, devant un tribunal, devant le président, le juge des enfants, les assesseurs, le procureur, l'avocat, le greffier, tous en robe... Ce n'est pas là qu'il mesurera la nécessité de satisfaire à la loi. C'est dans l'entretien direct avec le procureur, dans l'entretien avec le juge des enfants, dans la relation directe avec eux que s'inscrit l'unique chance que nous ayons de l'arracher à son destin.
Je vais vous dire ce qui arrivera après qu'il aura comparu devant le tribunal. Comme, heureusement, il sera impossible d'exercer à son encontre des mesures de contrainte physique, il rentrera le soir chez lui. Ce garçon de onze ou douze ans s'identifiera alors à ceux qu'ils voient à la télévision, aux jeunes voyous délinquants que l'on défère devant le tribunal. Il aura passé cette épreuve et, croyez-moi, loin, de lui avoir fait sentir la majesté de la loi, vous l'aurez « mithridatisé » et il apparaîtra au regard de ses copains comme une espèce de chevalier confirmé de cette délinquance contre laquelle nous luttons. Vous lui assurez une sorte de promotion.
Tout cela est contraire et à l'intérêt des enfants et à nos propres intérêts, contraire à l'inspiration de l'ordonnance de 1945, absolument contraire à l'effort que nous voulons tous entreprendre.
Je suis convaincu que si nous avions procédé à des auditions de magistrats des enfants, ils auraient dit, mieux que moi, ce que je vous dis à l'instant.
Je terminerai simplement en confessant qu'à l'âge où je suis j'ai toujours vécu obsédé par la parabole biblique du frère de l'ombre. Je crois, en effet, que chacun de nous, lorsque la vie l'a épargné, lorsque la vie lui a été douce, doit savoir qu'il existe, quelque part dans le monde, un frère dans l'ombre qui n'a connu aucune des chances, aucun des privilèges, aucune des possibilités que, lui, aura connu ; et ce frère de l'ombre, il ne doit pas l'oublier au meilleur moment de son existence.
Ceux qui comparaîtront devant le tribunal, ce ne seront pas, bien entendu, ces beaux enfants que je voyais tout à l'heure en traversant le jardin du Luxembourg, ce seront les autres, les frères de l'ombre.
Je vous le demande donc de toutes mes forces : ne faites pas cela ! Ne votez pas cet amendement, mes chers collègues ! Ne permettez pas que l'on condamne pénalement en France un enfant de dix ans ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je voudrais faire quelques rappels.
Tout d'abord, l'ordonnance de 1945 a été rédigée dans un contexte historique qui n'est plus le nôtre.
L'enfant de 1945 n'est pas l'enfant de 2001. La société était tout autre. Elle était encore assez largement rurale. Le village avait encore sa place. L'enfant était encore encadré et pris en charge par la communauté tout entière. Ce n'est, malheureusement, plus le cas.
Lorsque la communauté immédiate, la famille, n'est plus en mesure de remplir cette mission, c'est à la société de le faire. Mais elle ne doit pas le faire selon la vision quelque peu idyllique que M. Badinter vient de nous présenter quand il a parlé de l'entretien entre le juge des enfants et un mineur de treize ans. Les choses ne se passent pas ainsi : je suis désolé.
A l'heure actuelle, lorsqu'un mineur de treize ans a commis un délit ou un crime, dans la plupart des cas, malheureusement, l'affaire est classée sans suite. On ne va pas plus loin. Il faut de multiples récidives avant que ces infractions soient prises en compte. Or, et cela a été dit, à l'heure actuelle, la délinquance n'est plus l'affaire des enfants de quinze ans, seize ans ni même treize ans. La délinquance commence à onze ans ou douze ans, on le constate tous les jours. Et parce que la justice manque de moyens, parce que les juges pour enfants ne sont pas assez nombreux, que les assesseurs ne sont pas assez nombreux, qu'il n'y a pas, bien souvent, l'équipement nécessaire, on se lave les mains et l'on dit : « les dix-treize ans, on verra plus tard, lorsqu'ils auront treize ans ! » C'est de cela que l'on ne veut plus. On veut au contraire, par l'instrument de la justice, par la sanction pénale, éviter la dégradation du jeune de dix-treize ans.
Vous nous avez décrit, tout à l'heure, monsieur le président de la commission des lois, le cas du jeune « mithridatisé » - ce peut être un gamin de onze ans - revenant auprès des siens, fier de s'être livré à la délinquance, d'avoir commis un délit.
On ne peux plus laisser courir les choses ainsi ou alors, demain, nous en arriverons à un point tel que ce seront les moins de treize ans qui nous dirigeront !
Mme Nicole Borvo. Jusqu'à quel âge veulent-ils leur voler leur enfance ? Jusqu'à cinq ans ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Sans vouloir paraphraser une réplique célèbre dans un débat non moins célèbre, j'essaierai néanmoins de rassurer M. Badinter en lui disant qu'il n'est pas le seul à se préoccuper des « frères de l'ombre », ou en tout cas à y penser, qu'il n'en a donc pas le monopole.
M. Robert Badinter. Je ne le prétends pas. Je souhaite même le contraire.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Bien entendu !
Nous avons, sur la rédemption, des conceptions qui peuvent être différentes et nous essayons modestement de préciser la nôtre.
Nous sommes en train de parler d'un principe, à savoir la possibilité de prononcer une peine, dans certaines circonstances, à l'égard d'un mineur de dix à treize ans. Si tout le monde accepte d'entrer dans la discussion - apparemment, c'est le cas -, nous pouvons en approfondir les modalités.
Nous savons pertinemment que le code du travail interdit le travail des mineurs jusqu'à la fin de l'obligation scolaire tout en ménageant une exception pour des petits travaux de vacances effectués par des mineurs de quatorze à seize ans.
Mais ne jouons pas sur les mots, réfléchissons calmement.
Demander à un enfant de nettoyer le mur qu'il a tagué, est-ce vraiment un travail que le code réprouve ? Demander à un enfant de faire les courses d'une personne âgée qu'il aurait molestée, est-ce contraire au code du travail ? On peut utiliser un autre mot que « travail » pour qualifier la peine que nous proposons.
M. Jean-Jacques Hyest. Réparation !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Tout le monde voit bien le type d'activité ou de tâche que nous visons.
Nous ne parlons pas de faire travailler un enfant au sens du code du travail, nous voulons que l'on puisse le condamner à une activité dans l'intérêt de la collectivité, de manière solennelle et devant un tribunal.
Vous l'ignorez peut-être, mes chers collègues, mais une telle mesure peut déjà être décidée dans le cadre de la médiation réparation, puisque le procureur peut proposer une mesure ou une activité dans l'intérêt de la collectivité.
M. Robert Bret. Eh bien alors, si cela existe !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Eh oui ! Aucune limite d'âge n'est prévue, de sorte qu'une telle activité peut théoriquement être envisagée même pour des mineurs de moins de dix ans.
Mme Nicole Borvo. Eh bien alors !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Oui, mais nous sommes plus restrictifs. Nous proposons qu'une telle activité puisse être ordonnée en tant que peine.
Aujourd'hui, que se passe-t-il ? On ne peut rien faire contre un mineur de moins de dix-huit ans. Mais, dès qu'il a dix-huit ans, attention ! On se dépêche, on frappe, on sanctionne, et ce pour la première fois. Il faut essayer d'aller progressivement. Comme je l'ai déjà dit dans mon propos introductif, le dispositif que nous proposons interviendra sous le contrôle du juge : c'est lui qui appréciera, en fonction des circonstances, de la personnalité de l'enfant, la mesure qui devra être prise. Laissons-lui en la possibilité ! Augmentons simplement la palette des décisions pouvant être prises. En tout cas, il peut advenir que des jeunes soient impressionnés par la solennité du moment.
Mme Nicole Borvo. Il est faux de dire que l'on ne peut rien faire actuellement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 19, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le second alinéa de l'article 122-8 du code pénal, le mot : "treize" est remplacé par le mot : "dix". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 20, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le mot : "sept" est remplacé par le mot : "cinq". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de permettre la retenue à disposition d'un officier de police judiciaire d'un mineur de treize ans.
Aujourd'hui, les mineurs de dix à treize ans ne peuvent être placés en garde à vue ; ils peuvent cependant être retenus à disposition d'un officier de police judiciaire pendant une période de dix heures renouvelable une fois sous certaines conditions, lorsqu'il existe des indices qu'ils ont commis un crime ou un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement.
Cet amendement tend à permettre l'utilisation de cette procédure lorsque l'enquête porte sur des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et non plus de sept ans. Cette procédure pourra ainsi être utilisée pour certaines infractions, comme le vol aggravé, qui sont punies de cinq ans d'emprisonnement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, qui prévoit une sorte de préjugement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 21, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le quatorzième alinéa (3°) de l'article 8 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« 3° Soit prononcer un avertissement et rappeler au mineur les obligations résultant de la loi ;
« II. - 1° Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 21 de la même ordonnance, les mots : "admonester le mineur" sont remplacés par les mots : "prononcer un avertissement et rappeler au mineur les obligations résultant de la loi".
« 2° Dans la seconde phrase du même alinéa, les mots : "d'une admonestation" sont remplacés par les mots : "d'un avertissement". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Les termes « admonester » et « admonestation », qui sont utilisés dans l'ordonnance de 1945, nous paraissant aujourd'hui quelque peu désuets, voire anachroniques au regard de la situation de la délinquance juvénile, nous proposons d'y substituer la notion d'avertissement, assorti d'un rappel des obligations résultant de la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé, est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 22, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 8-3 de la même ordonnance, il est inséré un article 8-4 ainsi rédigé :
« Art. 8-4. - En matière correctionnelle, lorsqu'un mineur a déjà été poursuivi, que les diligences et investigations prévues par l'article 8 ont déjà été accomplies, le cas échéant à l'occasion d'une procédure antérieure, que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en état d'être jugée, le procureur de la République peut utiliser à l'égard de ce mineur la procédure de rendez-vous judiciaire définie au présent article.
« Après avoir constaté l'identité du mineur qui lui est déféré, lui avoir fait connaître les fait qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations, le procureur de la République peut inviter le mineur à comparaître devant le tribunal des mineurs dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à deux mois. Il lui notifie les faits retenus à son encontre ainsi que le lieu, la date et l'heure de l'audience. Cette notification, mentionnée au procès-verbal dont copie est remise au mineur, vaut citation à personne.
« L'avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l'heure de l'audience ; mention de cet avis est portée au procès-verbal. L'avocat peut à tout moment consulter le dossier.
« Si le procureur de la République estime nécessaire de soumettre le mineur jusqu'au rendez-vous judiciaire devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire, il le traduit sur-le-champ devant le juge des mineurs ou le juge d'instruction. Ce magistrat peut, après audition du mineur, son avocat ayant été avisé et entendu, s'il le demande, prononcer cette mesure dans les conditions prévues à l'article 11-2.
« Lorsqu'il est saisi en application du présent article, le tribunal des mineurs peut prononcer les mesures prévues aux 1° à 6° de l'article 8.
« Le tribunal des mineurs peut, s'il estime que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur de la République. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement tend à permettre la saisine directe du tribunal des mineurs par le procureur de la République.
L'un des problèmes essentiels de la justice des mineurs tient à ce que la décision intervient trop longtemps après les faits et perd ainsi toute signification. En 1996, une loi a institué des procédures plus rapides, mais les systèmes mis en place semblent trop complexes et sont peu utilisés.
Nous proposons, par conséquent, de permettre au procureur, lorsque le mineur concerné est déjà connu et qu'un dossier de personnalité a déjà été établi, d'envoyer directement ce mineur en jugement devant le tribunal pour mineurs, sous certaines conditions précises, bien entendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La modalité de comparution dite « de rendez-vous judiciaire » est déjà prévue dans l'article 8-2 de l'ordonnance de 1945. Le texte proposé raccourcit toutefois les délais de comparution en instaurant pour tout mineur la possibilité d'un contrôle judiciaire.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peutqu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Au-delà de son aspect procédural, cet amendement induit une modification tout à fait substantielle de l'ordonnance de 1945.
Déjà, en 1996, s'était manifestée la volonté de veiller à ce que la procédure ne connaisse pas de retard et que l'on puisse recourir à la comparution à délai rapproché pour éviter que la réponse au délit n'intervienne tardivement. Une disposition en ce sens avait été votée à l'époque.
Je rappelle que cette procédure repose sur un principe. Lorsque l'officier de police judiciaire a déclenché la procédure de convocation au parquet, le ministère public, s'il considère que les éléments d'enquête de personnalité liés à de précédentes investigations sont suffisants et s'il estime qu'il existe des éléments suffisamment précis quant aux faits, demande au juge des enfants de l'autoriser à faire comparaître dans un délai rapproché - de un mois à trois mois - le mineur devant le tribunal.
Il convient de souligner que c'est le juge des enfants qui maîtrise le dispositif, et cela n'est pas sans raisons. Ce n'est pas le procureur qui décide : il demande seulement à ce qu'il soit procédé selon cette démarche plus rapide. Le juge des enfants est, en effet, celui qui doit, pendant cette période, demeurer à même de décider s'il y a lieu de procéder à telles investigations complémentaires, de prendre telles mesures d'assistance ou de surveillance. C'est bien le juge qui exerce le contrôle du processus éducatif et de la surveillance.
Dès lors que vous nous proposez d'éviter le passage devant le juge des mineurs, vous permettez qu'il y ait comparution rapprochée sans que le juge des enfants ait pu se prononcer sur le bien-fondé ou le mal-fondé de cette procédure au regard de la personnalité du mineur.
C'est en ce sens que, selon moi, vous transformez substantiellement la procédure telle qu'elle a été prévue dans l'ordonnance de 1945 et modifiée il y a peu, en 1996, alors que M. Toubon était garde des sceaux.
Et à quelle nécessité cela répond-il ? Nous ne savons même pas si les magistrats demandent une telle modification.
En outre, au regard de l'inspiration de l'ordonnance de 1945, vous prenez le risque de transformer la procédure à l'encontre des mineurs en un déroulement impliquant uniquement le parquet et le tribunal, ce qui revient à l'aligner sur la procédure correctionnelle, moyennant quelques simples adaptations à la condition du mineur.
Ce n'est pas la bonne voie. Ce qu'il faut, c'est laisser au juge des enfants, lorsqu'il y a lieu, la maîtrise nécessaire pour prendre les mesures qui s'imposent.
Voilà pourquoi le groupe socialiste ne votera pas cet amendement.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je veux seulement rappeler que le tribunal des mineurs est présidé par le juge des mineurs.
M. Robert Badinter. Mais cela ne permet pas le passage préalable par le juge des mineurs !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 23, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 11 de la même ordonnance est ainsi modifié :
« I. - La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : "Le mineur âgé de treize à seize ans pourra être détenu provisoirement en matière correctionnelle, soit en cas de non-respect du contrôle judiciaire, soit lorsqu'il a déjà fait l'objet de deux condamnations pour crime ou délit et que la peine encourue est d'au moins cinq ans d'emprisonnement."
« II. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En matière correctionnelle, la durée de la détention provisoire d'un mineur âgé de moins de seize ans ne peut excéder quinze jours. Toutefois, à l'expiration de ce délai, la détention peut être prolongée, à titre exceptionnel, par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale et rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145 du même code, pour une durée n'excédant pas quinze jours ; la prolongation ne peut être ordonnée qu'une seule fois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de prévoir la détention provisoire des mineurs de treize à seize ans en matière correctionnelle.
En 1987, le législateur a supprimé toute possibilité de placement en détention provisoire des mineurs de treize à seize ans en matière correctionnelle. La conséquence inaperçue de cette mesure a été de faire disparaître le contrôle judiciaire pour ces mineurs puisque le non-respect de ce contrôle ne pouvait plus être sanctionné.
L'amendement tend donc à prévoir la possibilité de placer en détention provisoire les mineurs de treize à seize ans en matière correctionnelle dans des circonstances très précises : en cas de non-respect du contrôle judiciaire ainsi que dans le cas d'un mineur déjà condamné deux fois pour crime ou délit et encourant au moins cinq ans d'emprisonnement.
J'ai la conviction que cet amendement ne conduira pas à jeter en prison quantité de mineurs. En revanche, il permettra à nouveau aux juridictions des mineurs d'utiliser le placement sous contrôle judiciaire.
Je vous rends attentifs à ce point, mes chers collègues : le contrôle judiciaire peut être particulièrement utile compte tenu des obligations qui sont susceptibles d'être imposées dans ce cadre. Néanmoins, les juges ne l'utilisent pas parce qu'ils ne peuvent pas sanctionner en cas de non-respect de ces obligations.
Je ne pense pas que cette proposition soit aussi choquante que certains tenteront tenter de la faire croire ; je crois, au contraire, qu'il faut être de mauvaise foi pour l'affirmer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je ne voudrais pas apparaître comme étant de mauvaise foi, mais je rappelle à M. Schosteck que l'année 1987, celle où fut donc supprimée la détention provisoire pour les mineurs, se situe entre 1986 et 1988. Même si, depuis 1981, la gauche a gouverné plus que la droite, ce que vous regrettez, monsieur le président de la commission, la droite a aussi pris des dispositions que vous remettez aujourd'hui en cause.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. La supériorité de la droite, c'est qu'elle corrige ses erreurs !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement considère que le rétablissement de la détention provisoire pour les mineurs de treize à seize ans n'apporterait rien de bon et il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne suis pas sûr qu'il ne faille rien changer en ce qui concerne la justice des mineurs et il me paraît hâtif d'affirmer que toute modification à cet égard est malvenue.
Cependant, en l'espèce, plutôt que rétablir la détention provisoire, l'urgence me semble être de trouver une solution en vue du placement dans des établissements appropriés.
En effet, recourir à la solution de la détention provisoire serait, à mes yeux, en contradiction avec ce que nous avons déploré concernant la situation des quartiers des mineurs dans nos prisons, à quelques très rares exeptions près.
Tant qu'on aura pas trouvé de solution pour que la détention des mineurs ne se fasse pas dans les conditions actuelles, soit les juges se refuseront à prendre une telle décision, quelle que soit la gravité des actes commis - il peut tout de même s'agir de mineurs de treize ans ! - soit ils la prendront, mais avec tous les risques que cela comporte.
Autant les autres propositions me paraissent mériter d'être étudiées - un certain nombre d'avancées sont sans doute envisageables -, autant je ne peux voter celle-ci eu égard à la situation profondément déplorable des quartiers des mineurs, de l'avis de tous ceux qui les ont visités.
En tout état de cause, les cas où la détention provisoire serait possible seraient strictement limités. Par conséquent, cela ne résoudra pas le problème. Il faudrait donc vraiment trouver d'autres solutions.
Je rappelle aussi que, lorsqu'on a créé les centres d'éducation renforcée, certaines belles âmes - et les belles âmes sont toujours du même côté ! - ont jugé que c'était scandaleux.
Quoi qu'il en soit, je suis extrêmement réservé sur cet amendement compte tenu de la situation des prisons françaises et, notamment, des quartiers de mineurs, lorsqu'ils existent.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Mes propos feront directement écho à ceux de M. Hyest, qui, je le rappelle, a présidé la commission d'enquête sur les prisons. Les travaux de cette dernière nous ont permis de mesurer combien le problème de la détention des mineurs dans les prisons françaises se posait de façon véritablement dramatique.
Le taux de récidive chez les mineurs condamnés, - certes, ils ont été condamnés, mais ce sont aussi des détenus - est extrêmement élevé et, en l'état actuel de nos prisons, il me paraît impossible de considérer comme une avancée une disposition qui aboutirait à réformer ce qui a été fait à la demande de M. Chalandon en 1987, et conservé depuis.
La priorité que je souhaite voir accorder dans les mois qui viennent à la réforme des prisons et des conditions d'incarcération - surtout dans les maisons d'arrêt, qui sont à cet égard les plus pernicieuses - doit demeurer notre objectif.
Comme M. Hyest, j'estime que, en l'état actuel de nos prisons, la proposition de la commission ne va pas dans le bon sens au regard de la prévention de la délinquance des mineurs.
Je rappelle enfin que, en matière criminelle, le placement en détention provisoire est évidemment possible.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'ai bien pris soin d'expliquer que notre amendement visait le deuxième temps : la détention provisoire peut intervenir après que, dans un premier temps, il y a eu non-respect du contrôle judiciaire.
M. Robert Bret. Mais nous l'avions bien compris !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cela étant, nous sommes sensibles aux arguments qui ont été avancés, notamment par Jean-Jacques Hyest. Sans doute est-il possible d'améliorer la rédaction pour viser plus spécifiquement ce deuxième temps, afin d'éviter toute ambiguïté.
Je me propose donc de retirer l'amendement n° 23 et de renvoyer à la commission d'enquête dont les présidents des groupes de la majorité sénatoriale ont demandé la création la discussion de cette question particulièrement sensible qu'il est utile d'approfondir.
Je rappellerai que la commission d'enquête que présidait Jean-Jacques Hyest - je parle sous son contrôle - a rendu ses conclusions il y a un an, et que l'on attend encore que des mesures concrètes soient prises. C'est dommage !
Soyons donc modestes, et restons conscients de l'importance du suivi des travaux de nos commissions.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout a fait ! Nous allons continuer !
M. le président. L'amendement n° 23 est retiré.
Par amendement n° 24, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 11-1 de la même ordonnance, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
« Art. 11-2 . - Les mineurs de treize à dix-huit ans pourront faire l'objet d'un contrôle judiciaire ordonné, selon les cas, par le juge des mineurs, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention dans les conditions prévues à l'article 138 du code de procédure pénale.
« Toutefois, le contrôle judiciaire ne pourra être ordonné à l'encontre d'un mineur de seize ans que lorsque les faits sont punis d'au moins trois ans d'emprisonnement. Dans ce cas, seules les obligations mentionnées aux 1° à 7°, 9° et 10° de l'article 138 du code de procédure pénale pourront être ordonnées. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de prévoir explicitement, dans l'ordonnance de 1945, le contrôle judiciaire pour les mineurs de treize à dix-huit ans.
Cependant, pour les mineurs de treize à seize ans, ce contrôle ne pourrait être prononcé que lorsque la peine encourue est d'au moins trois ans d'emprisonnement. En outre, le juge ne pourrait prononcer que certaines mesures de contrôle judiciaire. Il paraît vain, par exemple, d'imposer à un mineur de treize à seize ans le versement d'une caution !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 25, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 14 de la même ordonnance, après les mots : "assister aux débats", sont insérés les mots : "la victime, qu'elle soit ou non constituée partie civile,". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Par cet amendement, nous entendons assurer la présence de la victime à l'audience.
En effet, l'article 14 de l'ordonnance de 1945, qui énumère la liste des personnes admises à assister aux audiences, ne mentionne pas la victime, ce qui est particulièrement choquant.
La jurisprudence a résolu le problème en assimilant la victime à un témoin. Il paraît cependant préférable de prévoir explicitement la possibilité pour la victime d'être présente, car la confrontation d'un mineur avec sa victime peut avoir un effet positif en lui faisant prendre conscience de la gravité de l'acte commis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.

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